Language of document : ECLI:EU:T:2023:531

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

13 septembre 2023 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises en raison de la situation en Biélorussie – Gel des fonds – Inscription et maintien du nom du requérant sur les listes des personnes, des entités et des organismes concernés – Erreur d’appréciation »

Dans les affaires T‑97/21 et T‑215/22,

Synesis TAA, établie à Minsk (Biélorussie), représentée par Mes G. Lansky et A. Egger, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mmes T. Haas, J. Haunold et S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

composé de MM. J. Svenningsen, président, J. Laitenberger et Mme M. Stancu (rapporteure), juges,

greffier : Mme S. Jund, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience du 17 janvier 2023,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses recours, fondés sur l’article 263 TFUE, la requérante, Synesis TAA, demande l’annulation :

–        de la décision d’exécution (PESC) 2020/2130 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426 I, p. 14), et du règlement d’exécution (UE) 2020/2129 du Conseil, du 17 décembre 2020, mettant en œuvre l’article 8 bis, paragraphe 1, du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2020, L 426 I, p. 1) (ci-après, pris ensemble, les « actes initiaux »),

–        de la décision (PESC) 2021/353 du Conseil, du 25 février 2021, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 189), et du règlement d’exécution (UE) 2021/339 du Conseil, du 25 février 2021, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2021, L 68, p. 29) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2021 »), et

–        de la décision (PESC) 2022/307 du Conseil, du 24 février 2022, modifiant la décision 2012/642/PESC concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 97), et du règlement d’exécution (UE) 2022/300 du Conseil, du 24 février 2022, mettant en œuvre l’article 8 bis du règlement (CE) no 765/2006 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Biélorussie (JO 2022, L 46, p. 3) (ci-après, pris ensemble, les « actes de maintien de 2022 »),

en tant que ces actes (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») la concernent.

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction des recours

2        La requérante est une entreprise biélorusse active dans le domaine des technologies de l’information.

3        Les présentes affaires s’inscrivent dans le cadre des mesures restrictives adoptées par l’Union européenne depuis 2004, en raison de la situation en Biélorussie en ce qui concerne la démocratie, l’État de droit et les droits de l’homme. Ainsi qu’il ressort des considérants des actes initiaux, elles sont plus spécifiquement liées à l’intensification de la violation persistante des droits de l’homme ainsi qu’à la répression exercée de manière brutale à l’encontre des opposants au régime du président Lukashenko à la suite des élections présidentielles du 9 août 2020, qui ont été jugées incompatibles avec les normes internationales par l’Union.

4        Le Conseil de l’Union européenne a adopté, le 18 mai 2006, sur le fondement des articles [75 et 215 TFUE], le règlement (CE) no 765/2006, concernant des mesures restrictives à l’encontre du président Lukashenko et de certains fonctionnaires de Biélorussie (JO 2006, L 134, p. 1) et, le 15 octobre 2012, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2012/642/PESC, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Biélorussie (JO 2012, L 285, p. 1).

5        Les critères sur le fondement desquels ont été adoptées les mesures restrictives individuelles à l’égard de la requérante sont prévus, d’une part, à l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 et à l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 765/2006 et, d’autre part, à l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et à l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, dans leurs versions en vigueur au moment de l’adoption des actes attaqués.

6        Selon l’article 4, paragraphe 1, sous a), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 4, du règlement no 765/2006, la dernière disposition renvoyant à la première, sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par, notamment, des personnes, des entités ou des organismes responsables de violations graves des droits de l’homme ou de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique, ou dont les activités nuisent gravement, d’une autre manière, à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie.

7        Selon l’article 4, paragraphe 1, sous b), de la décision 2012/642 et l’article 2, paragraphe 5, du règlement no 765/2006, la dernière disposition renvoyant à la première, sont gelés tous les fonds et les ressources économiques possédés, détenus ou contrôlés par des personnes, des entités ou des organismes qui profitent du régime du président Lukashenko ou le soutiennent.

8        Par les actes initiaux, le nom de la requérante a été inscrit sur les listes des personnes, des entités et des organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe de la décision 2012/642 et à l’annexe I du règlement no 765/2006 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »).

9        Dans les actes initiaux, le Conseil a justifié l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause par les motifs suivants :

« [Synesis TAA] fournit aux autorités biélorusses une plateforme de surveillance, qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale ; en conséquence, l’entreprise est responsable de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie.

Il est interdit aux employés de Synesis de communiquer en biélorusse ; en conséquence, l’entreprise est responsable d’atteintes aux droits du travail.

Le comité pour la sûreté de l’État biélorusse (KGB) et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs d’un système créé par Synesis. Par conséquent, l’entreprise tire profit du régime [du président Lukashenko] et le soutient.

Le PDG de Synesis, Alexander Shatrov, a publiquement critiqué les personnes qui ont manifesté contre le régime [du président Lukashenko] et a relativisé le manque de démocratie en Biélorussie. »

10      Par lettre du 31 décembre 2020, la requérante a demandé au Conseil de réexaminer l’inscription de son nom sur les listes en cause et de lui communiquer tous les documents et éléments de preuve étayant ladite inscription.

11      Le 8 janvier 2021, le Conseil a communiqué à la requérante les documents WK 13848/2020 INIT et WK 14796/2020 EXT 2.

12      Par lettre du 13 janvier 2021, la requérante a transmis au Conseil ses observations sur ces documents et a réitéré sa demande de procéder à un réexamen de l’inscription de son nom sur les listes en cause.

13      Par lettre du 22 janvier 2021, le Conseil a informé la requérante de son intention de maintenir son nom sur les listes en cause et lui a transmis des éléments de preuve complémentaires étayant ces motifs, rassemblés dans le document WK 749/2021 INIT.

14      Le 1er février 2021, la requérante a présenté ses observations sur l’intention du Conseil de maintenir son nom sur les listes en cause.

15      Par les actes de maintien de 2021, l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause a été maintenue jusqu’au 28 février 2022, sur la base des motifs suivants :

« [Synesis TAA] fournit aux autorités biélorusses une plateforme de surveillance, qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale ; en conséquence, l’entreprise est responsable de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie.

Il est interdit aux employés de Synesis de communiquer en langue biélorusse, ce qui revient à soutenir la politique de discrimination du régime [du président Lukashenko] sur la base de la langue.

Le comité pour la sûreté de l’État biélorusse (KGB) et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs d’un système créé par Synesis. Par conséquent, l’entreprise tire profit de son association avec le régime [du président Lukashenko] et le soutient.

Le PDG de Synesis, [Alexander Shatrov], a publiquement critiqué les personnes qui ont manifesté contre le régime [du président Lukashenko] et a relativisé le manque de démocratie en Biélorussie. »

16      Par lettre du 26 février 2021, le Conseil a répondu aux lettres de la requérante mentionnées aux points 10, 12 et 14 ci-dessus et a transmis à cette dernière le document WK 749/2021 ADD 1.

17      Par lettre du 17 janvier 2022, le Conseil a informé la requérante de son intention de maintenir les mesures restrictives à son égard. Le Conseil a également communiqué à la requérante les documents WK 15385/2021 REV 1, WK 15436/2021 ADD 1 et WK 15436/2021 EXT 3.

18      Le 1er février 2022, la requérante a présenté ses observations sur l’intention du Conseil de maintenir les mesures restrictives à son égard.

19      Par les actes de maintien de 2022, l’inscription du nom de la requérante sur les listes en cause a été prorogée jusqu’au 28 février 2023, les motifs justifiant ce maintien étant les suivants :

« [Synesis TAA] fournit aux autorités biélorusses une plateforme de surveillance, qui permet d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale ; par conséquent, l’entreprise est responsable de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie.

Il est interdit aux employés de Synesis de communiquer en langue biélorusse, ce qui revient à soutenir la politique de discrimination du régime [du président Lukashenko] sur la base de la langue.

Le comité pour la sûreté de l’État biélorusse (KGB) et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs d’un système créé par Synesis. Par conséquent, l’entreprise tire profit de son association avec le régime [du président Lukashenko] et le soutient.

Ancien dirigeant, fondateur et ancien actionnaire majoritaire de Synesis, [Alexander Shatrov] a publiquement critiqué les personnes qui ont manifesté contre le régime [du président Lukashenko] et a relativisé le manque de démocratie en Biélorussie. »

20      Par lettre du 25 février 2022, le Conseil a répondu aux observations de la requérante mentionnées au point 18 ci-dessus.

 Conclusions des parties

21      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes attaqués en ce qu’ils la concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

22      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter les recours ;

–        condamner la requérante aux dépens ;

–        dans l’affaire T‑97/21, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes initiaux et les actes de maintien de 2021 en tant qu’ils concernent la requérante, ordonner le maintien des effets de la décision 2021/353 jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2021/339 prenne effet ;

–        dans l’affaire T‑215/22, à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes de maintien de 2022 en tant qu’ils concernent la requérante, ordonner le maintien des effets de la décision 2022/307 jusqu’à ce que l’annulation partielle du règlement d’exécution 2022/300 prenne effet.

 En droit

23      Les parties ayant été entendues à cet égard, le Tribunal décide de joindre les présentes affaires aux fins de l’arrêt, conformément à l’article 68 de son règlement de procédure.

24      Au soutien de ses recours, la requérante invoque un moyen unique tiré d’erreurs d’appréciation.

25      Dans le cadre du moyen unique qu’elle invoque, la requérante soutient, en substance, que les motifs mentionnés dans les actes attaqués, en ce qu’ils la concernent, sont entachés d’erreurs d’appréciation et ne peuvent donc justifier l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause.

26      En ce qui concerne le premier motif d’inscription et de maintien, la requérante fait valoir que c’est à tort que le Conseil a considéré qu’elle était responsable de la répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie, dès lors que les éléments de preuve du dossier ne démontrent pas l’existence d’un lien de causalité suffisant entre le développement de KIPOD, que la requérante considère être la plateforme de surveillance visée par les actes attaqués, et ladite répression.

27      En premier lieu, la requérante avance que KIPOD ne peut pas être utilisée et qu’elle n’a pas été utilisée à des fins de répression. En effet, d’une part, KIPOD ne permettrait pas le téléchargement de l’ensemble d’une base de données des passeports pour ensuite rechercher chaque personne qui y est incluse ou, inversement, faire correspondre des images des individus identifiés dans une foule avec celles de l’ensemble d’une telle base de données. D’autre part, KIPOD serait essentiellement utilisée dans le métro ainsi qu’à la gare centrale de Minsk (Biélorussie), à des fins de surveillance de la sécurité dans ces espaces publics, toute utilisation de KIPOD à d’autres fins que celles mentionnées étant contraire à la loi.

28      En second lieu, la requérante allègue qu’elle n’exploite pas KIPOD et que, donc, à supposer que KIPOD puisse être utilisée et qu’elle ait été utilisée à des fins de répression par ses utilisateurs, elle ne peut pas être tenue responsable des agissements de ces derniers. En outre, la requérante soutient que, en tout état de cause, KIPOD a été mise à la disposition des autorités publiques biélorusses non par elle, mais par une entité juridiquement autonome, à savoir OOO 24x7 Panoptes (ci-après « Panoptes »).

29      S’agissant du deuxième motif d’inscription et de maintien, la requérante indique que ce motif, qui devrait, selon elle, être interprété et appliqué à la lumière du critère indiqué au point 6 ci-dessus, ne peut pas constituer un motif valable d’inscription et de maintien de son nom sur les listes en cause dès lors que la politique relative à la communication interne au sein de son entreprise ne la rend pas responsable d’actes de répression ou d’atteintes à la démocratie ou à l’État de droit en Biélorussie.

30      En ce qui concerne le troisième motif d’inscription et de maintien, la requérante allègue, en premier lieu, que c’est à tort que le Conseil l’a considérée comme une personne morale qui tire profit du régime du président Lukashenko.

31      Ainsi, premièrement, la requérante avance qu’elle n’a conclu aucun contrat ni avec le comité pour la sûreté de l’État (KGB) ni avec le ministère de l’Intérieur biélorusses, mais avec Panoptes. Deuxièmement, la requérante fait valoir que celle qui a pris des engagements contractuels envers les autorités biélorusses était Panoptes, et ce, après avoir remporté une procédure d’attribution de marché public dans le cadre d’un appel d’offres. Or, le Conseil ne pourrait pas s’appuyer sur des contrats qui résultent d’une procédure d’attribution de marché public lorsque le marché a été attribué en fonction de performances établies dans le cadre de la procédure d’attribution et à l’issue d’une procédure impartiale. Troisièmement, la requérante indique que ni elle ni Panoptes n’ont jamais reçu aucune rémunération du KGB ou du ministère de l’Intérieur, et que c’est KIPOD, et non Synesis, qui génère un chiffre d’affaires résultant de l’encaissement des redevances mensuelles des entreprises abonnées. En outre, la requérante précise à cet égard que le profit tiré du régime du président Lukashenko doit être apprécié en fonction de la situation existante et que des spéculations concernant des développements futurs ne sauraient être prises en compte.

32      S’agissant, en second lieu, du soutien au régime du président Lukashenko reproché dans le cadre du troisième motif d’inscription et de maintien, la requérante fait valoir que le Conseil ne peut pas déduire de ses activités de recherche et de développement un tel soutien de sa part. En outre, selon la requérante, un appui indirect ne serait pas suffisant pour justifier l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause, étant donné que le soutien devrait être fourni par l’entité dont le nom est inscrit sur ces listes et non par d’autres entités dont elle est propriétaire ou qu’elle contrôle.

33      Quant au quatrième motif d’inscription et de maintien, la requérante avance qu’il est infondé, étant donné qu’Alexander Shatrov n’a pas critiqué les manifestations de protestation organisées en réaction aux élections présidentielles de 2020. En effet, ce motif reposerait sur un message publié sur Facebook par celui-ci le 25 mars 2017, c’est-à-dire bien avant lesdites manifestations de protestation. En outre, selon la requérante, par ce message, Alexander Shatrov aurait simplement exprimé son avis et fait usage de sa liberté d’expression. Enfin, la requérante conteste qu’Alexander Shatrov soit son PDG, dès lors qu’elle ne dispose pas d’un conseil d’administration, et elle indique que, en tout état de cause, aucune base juridique ne permet de lui imputer les agissements d’un tiers.

34      Le Conseil conteste ces arguments.

35      Il convient de rappeler, en premier lieu, que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que, au titre du contrôle de la légalité des motifs sur lesquels est fondée la décision d’inscrire ou de maintenir le nom d’une personne ou d’une entité sur les listes de personnes visées par des mesures restrictives, le juge de l’Union s’assure que cette décision, qui revêt une portée individuelle pour cette personne ou cette entité, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

36      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

37      C’est, en effet, à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

38      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

39      Une telle appréciation doit être effectuée en examinant les éléments de preuve et d’information non de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. En effet, le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe s’il fait état devant le juge de l’Union d’un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir l’existence d’un lien suffisant entre l’entité sujette à une mesure de gel de ses fonds et le régime ou, en général, les situations combattues (voir arrêt du 12 février 2020, Kanyama/Conseil, T‑167/18, non publié, EU:T:2020:49, point 93 et jurisprudence citée).

40      En outre, le juge de l’Union peut également se fonder, tant à charge qu’à décharge, sur un élément produit par le requérant au cours de la procédure judiciaire. En effet, le fait qu’un élément ait été communiqué en tant qu’élément à décharge par la personne visée par les mesures restrictives n’empêche pas que cet élément lui soit éventuellement opposé pour constater le bien-fondé des motifs sous-tendant les mesures restrictives prises à son égard (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Ilunga Luyoyo/Conseil, T‑166/18, non publié, EU:T:2020:50, point 124 et jurisprudence citée). Il en va de même des éléments communiqués par cette même personne à l’occasion d’une demande de réexamen des mesures restrictives la concernant.

41      Enfin, quant à la fiabilité et à la force probante des éléments de preuve, y compris ceux provenant de sources numériques, il convient de rappeler que l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et que le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

42      En second lieu, eu égard à la nature préventive des mesures restrictives en cause, si, dans le cadre de son contrôle de la légalité de la décision attaquée, le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs d’inscription est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi un fondement suffisant pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 130).

43      C’est au regard de ces principes qu’il convient de vérifier, en l’espèce, si les motifs d’inscription et de maintien du nom de la requérante sur les listes en cause reposent sur un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant de la considérer comme une personne morale qui est responsable de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique en Biélorussie, d’une part, et qui tire profit du régime du président Lukashenko et le soutient, d’autre part.

44      À titre liminaire, tout d’abord, la circonstance que la dénomination de la requérante est erronément précédée de l’acronyme « JSC » dans la version allemande des actes initiaux et, plus précisément, dans la rubrique intitulée « Motifs de l’inscription sur une liste » des listes en cause, est sans incidence sur la légalité desdits actes. En effet, il est évident qu’il s’agit d’une simple erreur de plume dans ladite version linguistique des actes initiaux qui ne se retrouve dans aucune autre version linguistique de ces actes.

45      Ensuite, s’agissant du fait que, dans la rubrique « Information d’identification », les listes en cause font mention de deux adresses et de deux numéros d’enregistrement différents, en Biélorussie et en Russie, il convient de constater que cette circonstance n’a pas pu susciter une incertitude pour la requérante quant au fait qu’elle était visée par les actes attaqués. En effet, dans ces actes, le nom de la requérante est mentionné dans les rubriques intitulées « Nom (Translittération du nom biélorusse) (Translittération du nom russe) » et « Nom (en biélorusse) (en russe) », ainsi que son adresse et son numéro d’enregistrement. Par ailleurs, un seul numéro de téléphone, en Biélorussie, est mentionné dans les actes attaqués. Partant, il convient de conclure que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’inscription de l’entité identifiée comme « LLC Synesis » sur les listes en cause ne vise qu’elle.

46      Enfin, quant à l’argument de la requérante selon lequel le Conseil ne saurait valablement se fonder sur le document WK 14796/2020 EXT 2, daté du 8 janvier 2021, pour l’adoption des actes initiaux datés du 17 décembre 2020, il suffit de constater que, conformément au document du Conseil intitulé « Understanding the Council’s open data datasets » (Comprendre les ensembles de données ouvertes du Conseil), du 21 mars 2016, publiquement accessible sur son site Internet et produit par le Conseil en annexe au mémoire en défense dans l’affaire T‑97/21, la date du 8 janvier 2021 mentionnée sur le document WK 14796/2020 EXT 2 se rapporte à la date de présentation de ce document à la requérante (voir point 11 ci-dessus) et non, comme le soutient erronément cette dernière, à la date d’inscription des informations qui sont comprises dans le dossier du Conseil. L’argument est donc non fondé.

47      En ce qui concerne l’examen du bien-fondé des motifs d’inscription et de maintien du nom de la requérante sur les listes en cause, il convient d’examiner d’abord, les premier et troisième motifs d’inscription et de maintien.

 Sur le premier motif d’inscription et de maintien

48      Il convient de constater que les parties s’accordent sur le fait que la plateforme de surveillance visée par les actes attaqués est KIPOD et que la fourniture de cette dernière aux autorités biélorusses a pris la forme de son intégration au système républicain de surveillance existant en Biélorussie.

49      Ainsi qu’il ressort des éléments de preuve nos 4 et 5 du document WK 13848/2020 INIT, ce système républicain de surveillance a été créé sur la base du décret présidentiel no 187, du 25 mai 2017, relatif au système républicain de surveillance (ci-après le « décret présidentiel no 187 de 2017 ») et de la décision du Conseil des ministres de la République de Biélorussie no 841 du 10 novembre 2017 (ci-après la « décision no 841 du Conseil des ministres de 2017 »). Ce système consiste en un ensemble de caméras de vidéosurveillance, de détecteurs et de chaînes de communication, tous connectés à un centre républicain de traitement des données ayant pour rôle l’accumulation, le stockage et le traitement des données recueillies par le biais des composants du système. Conformément au décret présidentiel no 187 de 2017 et à la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, le ministère de l’Intérieur est l’organe gouvernemental désigné en tant que coordonnateur du système républicain de surveillance.

50      La requérante ne conteste pas les fonctionnalités de KIPOD indiquées dans les actes attaqués, à savoir que celle-ci permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qu’elle recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. En revanche, elle conteste l’appréciation du Conseil quant à sa responsabilité relative à la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique par l’appareil d’État en Biélorussie, dès lors que, premièrement, l’entité qui a fourni KIPOD aux autorités biélorusses était Panoptes, qui est une entité juridiquement autonome, deuxièmement, KIPOD ne pouvait pas être et n’a pas été utilisée à des fins de répression et, troisièmement et en tout état de cause, elle ne peut pas être tenue responsable des agissements des utilisateurs de KIPOD.

51      Il convient d’examiner, d’abord, si KIPOD peut être et a effectivement été utilisée à des fins de répression et, ensuite, si la requérante peut être tenue responsable de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses et de la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique en Biélorussie en raison de cette fourniture.

 Sur la possibilité d’utiliser KIPOD à des fins de répression ainsi que son utilisation à ces fins

52      Pour ce qui est, en premier lieu, des arguments de la requérante selon lesquels KIPOD ne peut pas être utilisée à des fins de répression, il convient de rappeler que la requérante ne conteste pas que KIPOD permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et que cette plateforme recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Concrètement, ainsi qu’il ressort de l’élément de preuve no 1 du document WK 13848/2020 INIT et des éléments de preuve nos 3 et 4 du document WK 749/2021 INIT, dont les sources sont soit la requérante, soit des entités qui lui sont liées, les fonctionnalités de KIPOD permettent notamment d’identifier instantanément une personne et de déterminer où et quand cette personne est allée sur la base du simple téléchargement d’une photo même de mauvaise qualité ou, encore, d’identifier une personne sur la base de l’âge, de la race, du genre et d’autres caractéristiques.

53      Or, force est de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, dans un pays comme la Biélorussie, qui se caractérise, ainsi qu’il ressort, notamment, du considérant 4 de la décision 2012/642, depuis l’année 2004, par une répression constante de la société civile et de l’opposition démocratique, les fonctionnalités susmentionnées de KIPOD, exploitées dans le cadre du système républicain de surveillance, sont particulièrement susceptibles d’être utilisées à des fins de répression par le régime du président Lukashenko, dès lors que, ainsi qu’il ressort de l’élément de preuve no 4 du document WK 13848/2020 INIT, les deux principaux organes de répression dudit régime, le ministère de l’Intérieur et le KGB, figurent parmi les utilisateurs du système républicain de surveillance et, donc, de KIPOD. De plus, ainsi qu’indiqué dans le rapport « Freedom of the Net 2020 » (Liberté de l’Internet 2020) de l’organisation Freedom House, produit en tant qu’élément de preuve no 6 dans le document WK 13848/2020 INIT, ces organes ont accès sans restrictions audit système et, par conséquent, aux fonctionnalités de KIPOD qui y sont intégrées, sans qu’aucune autorisation préalable ou qu’aucun contrôle a posteriori ne soit requis par la législation biélorusse. Ceci est confirmé par les dispositions du décret présidentiel no 187 de 2017 produit en tant qu’élément de preuve no 6 dans le document WK 749/2021 INIT.

54      Certes, la requérante affirme que KIPOD ne permettrait pas l’intégration des bases de données des passeports, ce qui la rendrait insusceptible d’être utilisée à des fins de répression. Toutefois, il convient de rappeler que le motif d’inscription et de maintien en cause ne vise pas une telle fonctionnalité de KIPOD, mais le fait que cette dernière permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches, et qu’elle recourt à des logiciels de reconnaissance faciale. Or, ainsi qu’indiqué au point 53 ci-dessus, les organes de répression du régime peuvent exploiter sans aucune restriction les fonctionnalités de KIPOD, lesquelles permettent notamment d’identifier instantanément une personne et de déterminer où et quand cette personne est allée sur la base du simple téléchargement d’une photo même de mauvaise qualité ou, encore, d’identifier une personne sur la base de l’âge, de la race, du genre et d’autres caractéristiques. Partant, KIPOD est particulièrement susceptible d’être utilisée à des fins de répression par le régime du président Lukashenko.

55      En outre et en tout état de cause, force est de constater que KIPOD permet l’intégration de bases de données. En effet, la requérante elle-même indique dans ses écritures que KIPOD serait techniquement susceptible de comparer deux images et de déterminer si ces images sont similaires, puis de confronter les résultats de cette comparaison avec des bases de données comprenant des informations personnelles. Cette affirmation est d’ailleurs confirmée par le rapport d’analyse technique présenté en annexe à la requête par la requérante dans l’affaire T‑97/21 et en annexe au mémoire en défense par le Conseil dans l’affaire T‑215/22. En effet, ce rapport, sur lequel le Tribunal peut se fonder, conformément à la jurisprudence citée au point 40 ci-dessus, non seulement à décharge mais également à charge, indique qu’un redéveloppement et une refonte de KIPOD ne seraient nécessaires qu’au cas où il serait décidé d’y intégrer des informations concernant plus de 10 000 individus prédéterminés dans une base de données. De plus, dans l’article daté du 20 décembre 2020 et publié sur le site Internet « tvr.by » appartenant à la société de télévision et de radio d’État biélorusse Belteleradio, article produit en tant qu’élément de preuve no 8 du document WK 749/2021 INIT, il est indiqué que le ministère de l’Intérieur a créé une base de données comprenant des informations personnelles telles que le genre, l’âge, la région, le lieu de travail, l’éducation et les passions de ceux et de celles qui enfreignent l’ordre dans les rues et qu’il remplit cette base de données méthodiquement.

56      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument par lequel la requérante conteste l’utilisation de KIPOD à des fins de répression par le régime du président Lukashenko, il importe, d’abord, de souligner que la simple instauration d’un système de surveillance de la population, tel que le système républicain de surveillance existant en Biélorussie, qui intègre une plateforme de surveillance qui permet d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale, à laquelle le ministère de l’Intérieur et le KGB ont accès sans restrictions, dans un pays comme la Biélorussie, est, en soi, de nature à décourager fortement la société civile et l’opposition démocratique de manifester leurs aspirations à l’exercice de leurs droits et constitue donc un acte de répression.

57      Par ailleurs, et contrairement à ce que prétend la requérante, il ressort des pièces du dossier que les fonctionnalités de KIPOD ont été effectivement utilisées dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression par les autorités biélorusses.

58      À cet égard, l’article publié le 5 novembre 2020 sur le site Internet « tut.by » – qui est la plus grande entreprise de médias indépendante de Biélorussie, ainsi que le Conseil l’a indiqué dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure ‑ et produit en tant qu’élément de preuve no 1 dans le document WK 13848/2020 INIT, mentionne que « récemment, des canaux Telegram ont accusé Synesis d’aider les forces de sécurité à identifier les manifestants à l’aide de la plateforme KIPOD ». Certes, la requérante soutient que le Conseil ne pouvait pas considérer que les faits évoqués dans cet article pouvaient être considérés comme établis. Toutefois, les éléments suivants démontrent que le contenu dudit article est sensé et fiable. D’une part, la requérante s’appuie sur le même article pour affirmer qu’il atteste que KIPOD ne pourrait être utilisée que pour identifier des personnes spécifiées à l’avance. D’autre part, un autre élément de preuve que la requérante ne conteste pas, à savoir, l’article publié le 14 janvier 2020 sur le site Internet « euroradio.fm » appartenant, ainsi que le Conseil l’indique dans sa réponse à une mesure d’organisation de la procédure, à une station de radio de langue biélorusse fondée en 2005 et basée à Varsovie (Pologne), produit en tant qu’élément de preuve no 3 du document WK 13848/2020 INIT, confirme que depuis 2019, la police biélorusse utilise KIPOD. Or, il ressort de la jurisprudence que des articles de presse peuvent être utilisés aux fins de corroborer l’existence de certains faits – en l’espèce le fait que les fonctionnalités de KIPOD ont été effectivement utilisées dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression par les autorités biélorusses – lorsqu’ils émanent de plusieurs sources différentes et qu’ils sont suffisamment concrets, précis et concordants quant aux faits qui y sont décrits, comme en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du 25 janvier 2017, Almaz-Antey Air and Space Defence/Conseil, T‑255/15, non publié, EU:T:2017:25, point 147 et jurisprudence citée).

59      En outre, plusieurs éléments de preuve dont le Conseil disposait à la date de l’adoption des actes de maintien de 2021 confirment l’utilisation de KIPOD à des fins de répression à cette date.

60      Ainsi, l’article daté du 20 décembre 2020 et publié sur le site Internet « tvr.by » appartenant à la société de télévision et de radio d’État biélorusse Belteleradio, laquelle est l’un des canaux de communication agréés par le régime, article produit en tant qu’élément de preuve no 8 du document WK 749/2021 INIT, indique que le système républicain de surveillance a été conçu pour prévenir la commission de crimes et de délits et qu’il permet au ministère de l’Intérieur d’assurer le contrôle et de donner une réponse adéquate à toute manifestation d’une activité destructive. À ce sujet, ledit article explique, en substance, que le système républicain de surveillance permet aux autorités publiques de recueillir en temps réel des informations concernant chacun des participants aux manifestations de protestation dans tout le pays et que les partisans individuels des changements qui créent des canaux de messagerie anonymes au moyen de l’application Telegram tombent de plus en plus souvent entre les mains d’agents de police et se repentent de leurs actes. En outre, dans l’élément de preuve no 11 du document WK 749/2021 INIT, à savoir un article publié le 1er octobre 2020 sur le site Internet « tut.by » – qui est, ainsi qu’indiqué au point 58 ci-dessus, la plus grande entreprise de médias indépendante de Biélorussie – sont cités plusieurs textos que le ministère de l’Intérieur a envoyés à des personnes ayant participé à des manifestations de protestation et dans lesquels cette autorité publique indique aux destinataires qu’ils ont été identifiés comme contrevenant aux dispositions légales relatives aux évènements de masse et que leurs actions ont fait l’objet d’enregistrements photo et vidéo.

61      Ces éléments de preuve, contrairement à ce que soutient la requérante, ne sont pas dépourvus de valeur probante. En effet, même si son nom ou celui de KIPOD n’y sont pas expressément mentionnés, il ressort clairement du contexte dans lequel ces éléments de preuve s’insèrent qu’ils font référence au système républicain de surveillance et à KIPOD. En effet, à la date de publication des articles compris dans lesdits éléments de preuve, le système informatique unifié utilisé en Biélorussie par le ministère de l’Intérieur était le système républicain de surveillance et la plateforme qui permettait d’analyser les enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches était KIPOD, laquelle était intégrée dans ledit système.

62      Enfin, à la date d’adoption des actes de maintien de 2022, le Conseil disposait de preuves additionnelles attestant de l’exploitation des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression à cette date. Ces éléments de preuve incluent les articles publiés le 27 mars 2021 et le 23 décembre 2020 sur le site Internet « euroradio.fm » et contenus respectivement dans les éléments de preuve nos 18 et 14 du document WK 15385/2021 REV 1. Le premier article cite la déclaration d’un ancien officier de police biélorusse confirmant avoir personnellement utilisé les fonctionnalités de KIPOD pour identifier des personnes. Le second présente les résultats d’une enquête menée par d’anciens membres de la police biélorusse qui confirment qu’un opposant au régime a été arrêté en novembre 2020 après avoir été identifié à l’aide des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance.

63      Certes, la requérante conteste la fiabilité de ces éléments de preuve.

64      Toutefois, il y a lieu de constater que la fiabilité de la déclaration de l’ancien policier biélorusse comprise dans l’élément de preuve no 18 du document WK 15385/2021 REV 1 mentionné au point 62 ci-dessus ne saurait être remise en cause uniquement au motif que la requérante a demandé à cet ancien policier d’expliquer publiquement la manière dont il aurait utilisé KIPOD afin d’identifier des personnes, ce que ce dernier n’aurait pas fait.

65      Quant aux prétendues erreurs factuelles qui entacheraient l’enquête mentionnée dans l’élément de preuve no 14 du document WK 15385/2021 REV 1 cité au même point 62 ci-dessus, il suffit de constater que la requérante se limite à avancer ces arguments sans aucune preuve à l’appui.

66      Compte tenu des considérations développées aux points 52 à 65 ci-dessus, il convient de conclure que les fonctionnalités de KIPOD pouvaient être et ont été exploitées à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance.

67      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

68      En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, les fonctionnalités de KIPOD ne sont pas exploitées dans le cadre du système républicain de surveillance essentiellement dans le métro ainsi qu’à la gare centrale de Minsk et exclusivement aux fins de surveillance de la sécurité dans ces espaces publics.

69      À cet égard, il convient de constater que, selon les dispositions du décret présidentiel no 187 de 2017 et de la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, le système républicain de surveillance a été conçu pour couvrir l’ensemble du territoire de la République de Biélorussie. En outre, il ressort de l’article cité au point 60 ci-dessus provenant d’un canal de communication agréé par le régime du président Lukashenko, que le système républicain de surveillance permet aux autorités publiques de recueillir en temps réel des informations concernant chacun des participants aux manifestations de protestation dans tout le pays.

70      Enfin, et en tout état de cause, à supposer même que le système républicain de surveillance n’ait pas encore été déployé à l’échelle nationale à la date d’adoption des actes attaqués, force est de constater que, conformément à l’article 20 du décret présidentiel no 187 de 2017, les lieux de rassemblements de masse de personnes dans la ville de Minsk sont obligatoirement dotés d’équipements de vidéosurveillance connectés au système républicain de surveillance, et ce, depuis 2014. En outre, selon la même disposition, la liste de ces lieux, approuvée en 2014 par le Conseil des ministres, doit faire l’objet d’une révision au moins une fois par an, par le comité exécutif de la ville de Minsk, en vue d’adresser des propositions de mises à jour au Conseil des ministres. Par conséquent, contrairement à ce que prétend la requérante, les fonctionnalités de KIPOD sont exploitées non seulement dans les stations de métro et dans la gare centrale de Minsk, mais, à tout le moins, également dans les lieux de rassemblements de masse de personnes dans la ville de Minsk, qui sont les endroits où les manifestations contre le régime du président Lukashenko ont principalement lieu.

71      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel l’utilisation des fonctionnalités de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance à des fins de répression serait contraire à la loi, il convient de constater que, selon l’article 3 de la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, les objectifs poursuivis par la création du système républicain de surveillance sont, notamment, la surveillance de l’état de la sécurité publique afin d’assurer l’ordre public, la prévention, l’identification (découverte) et la répression de crimes et d’autres délits. Or, il ressort du considérant 2 de la décision d’exécution 2020/2130 que les manifestations pacifiques à la suite des élections présidentielles organisées en Biélorussie le 9 août 2020 ont été brutalement réprimées par le régime du président Lukashenko. Ainsi, l’allégation de la requérante tirée de ce que la répression des manifestations de protestation contre le régime du président Lukashenko et, donc, l’utilisation des informations recueillies par le système républicain de surveillance, dont KIPOD fait partie intégrante, à de telles fins, serait contraire aux dispositions de la législation biélorusse ne peut prospérer.

 Sur la responsabilité de la requérante dans la répression exercée contre la société civile et l’opposition démocratique en Biélorussie en raison de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses

72      À cet égard, d’emblée, il convient de constater que la requérante a confirmé dans ses écritures qu’elle est l’entité qui a développé KIPOD et, donc, la propriétaire de celle-ci.

73      Or, l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance a nécessairement eu lieu avec l’accord de la requérante en tant que propriétaire de KIPOD.

74      Certes, l’entité qui a effectivement intégré KIPOD au système républicain de surveillance était Panoptes lorsqu’elle est devenue l’opérateur technique dudit système.

75      Toutefois, Panoptes n’aurait pas pu procéder à l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance sans l’accord de la requérante en tant que propriétaire de KIPOD. Ceci est, d’ailleurs, confirmé par le rapport financier de l’activité de la requérante, produit par cette dernière en annexe à la réplique dans l’affaire T‑97/21. Dans ce rapport il est précisé que, le 25 juin 2018, la requérante a accordé à Panoptes des droits d’exploitation de KIPOD.

76      En outre, l’élément de preuve no 5 du document WK 13848/2020 INIT relève que, à l’époque de l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance, Panoptes était une filiale de la requérante. Ceci est confirmé par l’extrait du registre des sociétés produit par la requérante en tant qu’annexe à la réplique dans l’affaire T‑97/21, qui atteste que Panoptes est une société créée en 2016 par la requérante, laquelle a été l’unique propriétaire de Panoptes jusqu’au 25 mars 2021 quand le propriétaire de cette dernière est devenu Alexander Shatrov. Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la requérante, même si elle était une entité juridiquement distincte, à l’époque de l’intégration de KIPOD au système républicain de surveillance, Panoptes n’était pas une entité autonome par rapport à la requérante, dès lors que cette dernière contrôlait et, donc, assumait nécessairement, en tant qu’unique propriétaire, la responsabilité des agissements de Panoptes.

77      Dès lors, contrairement à ce que prétend la requérante, elle est directement responsable de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses.

78      Or, la requérante connaissait nécessairement les conséquences de cette fourniture, à savoir le fait que, conformément au décret présidentiel no 187 de 2017 et à la décision no 841 du Conseil des ministres de 2017, notamment le ministère de l’Intérieur et le KGB auraient accès sans restrictions en termes de sources ou de quantité à l’exploitation de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance. En effet, ce décret et cette décision font partie du cadre juridique applicable en Biélorussie.

79      En outre, elle ne pouvait pas raisonnablement ignorer, dans le contexte sociopolitique de la Biélorussie, caractérisé, ainsi qu’indiqué au point 53 ci-dessus, depuis l’année 2004, par la répression de la société civile et de l’opposition démocratique, que la possibilité pour les organes de répression du régime d’exploiter sans aucune restriction les fonctionnalités de KIPOD mentionnées au point 52 ci‑dessus rendrait cette plateforme particulièrement susceptible d’être utilisée à des fins de répression par le régime du président Lukashenko.

80      Enfin, il est difficilement contestable que la requérante connaissait l’exploitation des fonctionnalités de KIPOD par les autorités biélorusses à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance, dès lors que cette dernière contrôlait et, donc, assumait nécessairement, en tant qu’unique propriétaire de Panoptes, la responsabilité des agissements de cette dernière.

81      En effet, il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil, notamment de l’élément de preuve no 4 du document WK 13848/2020 INIT, issu du site Internet de Panoptes, et de l’élément de preuve no 6 du document WK 749/2021 INIT, que Panoptes a été l’opérateur technique du système républicain de surveillance.

82      Conformément aux dispositions de l’article 11 du décret présidentiel no 187 de 2017, en sa qualité d’opérateur technique du système républicain de surveillance, Panoptes avait non seulement la responsabilité d’intégrer les fonctionnalités de KIPOD au système républicain de surveillance, mais elle était également chargée de l’exploitation technique de celle-ci ainsi que des composants matériels du système républicain de surveillance en vue du fonctionnement permanent et ininterrompu de ce système.

83      En outre, en tant qu’opérateur technique du système de surveillance, Panoptes devait assurer les conditions pour que les autorités publiques indiquées dans le décret présidentiel no 187 de 2017, dont le ministère de l’Intérieur et le KGB, aient accès sans restrictions tant au système lui-même qu’aux informations recueillies par celui-ci. De plus, ainsi qu’il ressort des considérations exposées aux points 52 à 65 ci-dessus, ces autorités publiques ont exploité les fonctionnalités de KIPOD à des fins de répression dans le cadre du système républicain de surveillance.

84      Compte tenu des considérations qui précèdent, il convient de conclure que, en fournissant KIPOD aux autorités biélorusses, la requérante connaissait, ou à tout le moins ne pouvait pas raisonnablement ignorer, sa contribution à la répression de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

85      Par ailleurs, il convient de constater qu’il ressort des éléments de preuve du dossier, notamment des extraits des sites Internet de la requérante et de KIPOD, que la requérante était toujours propriétaire de KIPOD à la date d’adoption des actes de maintien de 2022, ce qu’elle n’a d’ailleurs pas contesté dans ses écritures. Or, il importe de souligner que, en tant que propriétaire de KIPOD, la requérante n’a jamais affirmé qu’elle se serait opposée à l’exploitation de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance et à l’utilisation, par les autorités publiques biélorusses, des fonctionnalités de KIPOD à des fins de répression dans le cadre de ce système.

86      Partant, c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que le Conseil a considéré que, par la fourniture aux autorités biélorusses de KIPOD, dont les fonctionnalités permettent d’analyser des enregistrements vidéo et d’y effectuer des recherches et qui recourt à des logiciels de reconnaissance faciale, la requérante est responsable de la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

87      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par la circonstance invoquée par la requérante selon laquelle, à partir du 25 mars 2021, Alexander Shatrov est devenu le propriétaire de Panoptes. En effet, à cet égard, il suffit de rappeler que la requérante était toujours la propriétaire de KIPOD à la date d’adoption des actes de maintien de 2022 et, donc, nécessairement après le 25 mars 2021. Partant, même si elle ne contrôlait plus Panoptes, en tant que propriétaire de KIPOD, la requérante aurait pu s’opposer à l’exploitation de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance et à l’utilisation, par les autorités publiques biélorusses, des fonctionnalités de KIPOD à des fins de répression dans le cadre de ce système. Par conséquent, la requérante reste responsable de la répression exercée à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique en Biélorussie.

 Sur le troisième motif d’inscription et de maintien

88      À titre liminaire, il convient de constater qu’il ressort du libellé du troisième motif d’inscription et de maintien que le Conseil reproche à la requérante, d’une part, de profiter du régime du président Lukashenko en raison de son association avec ce régime et, d’autre part, de soutenir ledit régime, au motif que le KGB et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs d’un système créé par la requérante. En ce qui concerne ce dernier aspect, le Conseil indique, sans être contredit, que le système créé par la requérante et visé par ce motif d’inscription et de maintien est KIPOD.

89      Il importe de souligner qu’il ressort des dispositions de la décision 2012/642 et du règlement no 765/2006 mentionnées au point 7 ci-dessus que le « soutien » au régime du président Lukashenko est un critère d’inscription sur les listes en cause distinct du critère du « profit » tiré de ce régime (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2017, BelTechExport/Conseil, T‑765/15, non publié, EU:T:2017:669, point 92). Partant, il y a lieu d’examiner le troisième motif d’inscription et de maintien en analysant séparément l’allégation selon laquelle la requérante tirerait profit de son association avec le régime du président Lukashenko de celle selon laquelle la requérante soutiendrait ce régime.

90      Il convient d’examiner, d’abord, la seconde allégation de ce troisième motif d’inscription et de maintien, selon laquelle la requérante soutient le régime du président Lukashenko en raison du fait que le KGB et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs de KIPOD et par la façon dont il est fait usage de cette dernière.

91      Concernant le critère indiqué au point 7 ci-dessus, ainsi que la requérante le précise à juste titre, il implique un lien suffisant entre le régime du président Lukashenko et la personne visée par les mesures restrictives au motif d’avoir soutenu ledit régime.

92      En l’espèce, un tel lien existe et il est révélé par les activités de la requérante dans le cadre des efforts déployés par le régime du président Lukashenko pour renforcer ses capacités de surveillance de la population par la création et la mise en œuvre du système républicain de surveillance.

93      À cet égard, il convient de constater que les activités de la requérante, dans le contexte des efforts du régime pour renforcer ses capacités de surveillance de la population, ne se sont pas limitées au développement de KIPOD, comme elle le soutient erronément. Ainsi qu’indiqué aux points 72 à 77 ci-dessus, la requérante est également directement responsable de la fourniture de KIPOD aux autorités biélorusses, dès lors que, même si KIPOD a été effectivement intégrée au système républicain de surveillance par Panoptes, cette intégration a été possible grâce à l’accord de la requérante en tant que propriétaire de KIPOD. En outre, bien qu’elle fût encore la propriétaire de KIPOD, ainsi que le confirment plusieurs éléments de preuve dont le Conseil disposait à la date de l’adoption des actes de maintien de 2022, la requérante n’a jamais affirmé qu’elle se serait opposée à l’exploitation de KIPOD dans le cadre du système républicain de surveillance et à l’utilisation, par les autorités publiques biélorusses, des fonctionnalités de KIPOD à des fins de répression dans le cadre de ce système.

94      Or, l’accord de la requérante, en tant que propriétaire de KIPOD, pour l’intégration de celle-ci au système républicain de surveillance auquel ont accès sans restrictions, notamment, le ministère de l’Intérieur et le KGB, a permis l’exploitation des fonctionnalités de KIPOD par le régime du président Lukashenko, à des fins de répression, ainsi qu’il ressort des points 52 à 71 ci-dessus.

95      À cet égard, il importe de rappeler qu’il ressort du considérant 6 de la décision 2012/642 que le Conseil a estimé que, compte tenu de la gravité de la situation en Biélorussie, il convenait d’étendre les mesures restrictives imposées à l’encontre de ce pays aux personnes qui soutiennent le régime du président Lukashenko, « en particulier les personnes […] le soutenant financièrement ou matériellement ». Il en découle que la notion de « soutien au régime » au sens du critère indiqué au point 7 ci-dessus couvre un soutien matériel tel que la fourniture de la plateforme de surveillance KIPOD, dès lors qu’une telle fourniture a permis audit régime de renforcer ses capacités de répression à l’égard de la société civile et de l’opposition démocratique.

96      Il convient donc de conclure que le Conseil n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que la requérante soutient le régime du président Lukashenko en raison du fait que le KGB et le ministère de l’Intérieur figurent parmi les utilisateurs d’un système qu’elle a créé, à savoir KIPOD.

97      Certes, ainsi que la requérante l’indique, à partir du 25 mars 2021, Alexander Shatrov est devenu le propriétaire de Panoptes. Toutefois, cette circonstance n’est pas de nature à remettre en cause la conclusion mentionnée au point 96 ci-dessus, même en ce qui concerne les actes de maintien de 2022, dès lors que, ainsi qu’indiqué au point 87 ci-dessus, même si elle ne contrôlait plus Panoptes, en tant que propriétaire de KIPOD, la requérante aurait pu s’opposer à l’exploitation de celle-ci dans le cadre du système républicain de surveillance et à l’utilisation, par les autorités publiques biélorusses, de ses fonctionnalités à des fins de répression dans le cadre de ce système.

98      Quant à la circonstance selon laquelle, par décret présidentiel no 69 du 25 février 2022, Panoptes a été remplacée en tant qu’opérateur technique du système républicain de surveillance, il suffit de constater que celle-ci témoigne manifestement d’un prétendu changement de situation de la requérante intervenu postérieurement à l’adoption des actes attaqués. Or, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 14 avril 2021, Al-Tarazi/Conseil, T‑260/19, non publié, EU:T:2021:187, point 69 et jurisprudence citée).

99      Compte tenu de tout ce qui précède, il convient de rejeter le moyen unique tiré d’erreurs d’appréciation comme non fondé et, partant, les recours dans leur totalité, sans qu’il y ait lieu d’examiner les arguments de la requérante visant les prétendues erreurs d’appréciation relatives au troisième motif d’inscription et de maintien selon lequel elle tirerait profit de son association avec le régime du président Lukashenko et ceux relatifs aux deuxième et quatrième motifs d’inscription et de maintien puisque, à la lumière de la jurisprudence citée au point 42 ci-dessus, la circonstance que ceux-ci ne seraient pas étayés ne saurait emporter l’annulation des actes attaqués.

 Sur les dépens

100    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

101    En l’espèce, la requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T97/21 et T215/22 sont jointes aux fins de l’arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Synesis TAA est condamnée à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par le Conseil de l’Union européenne.

Svenningsen

Laitenberger

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 septembre 2023.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.