Language of document : ECLI:EU:T:2014:33

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

28 janvier 2014 (*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Enregistrement international désignant la Communauté européenne Carrera panamericana – Marque communautaire figurative antérieure CARRERA – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 –Obligation de motivation – Article 75 du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑600/11,

Schuhhaus Dielmann GmbH & Co. KG, établie à Darmstadt (Allemagne), représentée par Me W. Göpfert, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. P. Bullock, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Carrera SpA, établie à Caldiero (Italie),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’OHMI du 15 septembre 2011 (affaire R 1989/2010-1), relative à une procédure d’opposition entre Carrera SpA et Schuhhaus Dielmann GmbH & Co. KG,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 25 novembre 2011,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 15 mai 2012,

vu la modification de la composition des chambres du Tribunal,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        La requérante, Schuhhaus Dielmann GmbH & Co. KG, a sollicité auprès de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) la protection de la marque verbale Carrera panamericana, en invoquant l’enregistrement international W00937791 du 10 août 2007 désignant la Communauté européenne.

2        Les produits pour lesquels l’enregistrement international a été obtenu relèvent notamment des classes 18 et 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 18 : « Sacs de plage, sacs de sport, sacs de campeurs, sacs à provisions, sacs à main, ceintures-bananes, sacs à dos, notamment sacs de transport, mallettes, malles de voyage, mallettes de toilette, cartables, parasols, parapluies » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie, ceintures ».

3        L’enregistrement international a été publié au Bulletin des marques communautaires n° 60/2007, du 29 octobre 2007.

4        Le 14 février 2008, Carrera SpA a, au titre de l’article 42 du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [devenu article 41 du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)], formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 2 ci-dessus.

5        L’opposition était notamment fondée sur la marque communautaire figurative antérieure enregistrée sous le numéro 1590884, désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, y compris ceintures et chaussures », et reproduite ci-après :

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6        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

7        Le 24 août 2010, la division d’opposition a partiellement fait droit à l’opposition en refusant la protection de la marque demandée pour les produits « sacs de plage, sacs de sport, sacs de campeurs, sacs à provisions, sacs à main, ceintures-bananes, sacs à dos, notamment sacs de transport, cartables », relevant de la classe 18, et pour les produits « vêtements, chaussures, chapellerie et ceintures », relevant de la classe 25. En revanche, elle a rejeté l’opposition pour les produits « mallettes, malles de voyage, mallettes de toilette, parasols, parapluies », relevant de la classe 18.

8        Le 14 octobre 2010, la requérante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

9        Par décision du 15 septembre 2011 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours. En particulier, elle a considéré que les produits désignés par la marque demandée, à l’égard desquels la division d’opposition avait accueilli l’opposition, et ceux désignés par la marque antérieure étaient, en partie, identiques et, en partie, similaires. S’agissant de la comparaison des marques en conflit, la chambre de recours a considéré qu’elles présentaient un degré moyen de similitude visuelle et phonétique et, pour le public hispanophone, un degré élevé de similitude conceptuelle, le mot « carrera » signifiant « course » en espagnol, alors que, pour le public non hispanophone, ce mot était purement fantaisiste. La chambre de recours en a déduit qu’il existait un risque de confusion entre la marque antérieure et la marque demandée.

 Conclusions des parties

10      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

11      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les éléments présentés pour la première fois devant le Tribunal

12      En premier lieu, l’OHMI fait valoir que les annexes 14 à 24 de la requête sont des pièces nouvelles en ce qu’elles n’ont pas été produites devant l’OHMI. Ces pièces seraient, dès lors, irrecevables.

13      Les annexes 14 à 19 et 22 à 24 de la requête consistent en des extraits de sites Internet, imprimés postérieurement à l’adoption de la décision attaquée. L’annexe 20 est constituée par un article extrait d’un journal allemand, imprimé depuis le site Internet dudit journal après l’adoption de la décision attaquée. L’annexe 21 consiste en un article extrait d’une revue allemande, paru avant l’adoption de la décision attaquée, mais imprimé depuis le site Internet de ladite revue après l’adoption de cette décision.

14      Ces pièces, produites pour la première fois devant le Tribunal et dont la requérante ne soutient pas qu’elles viseraient à étayer ou à contester l’exactitude d’un fait notoire, ne peuvent être prises en considération. En effet, le recours devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours de l’OHMI au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009, de sorte que la fonction du Tribunal n’est pas de réexaminer les circonstances de fait à la lumière des documents présentés pour la première fois devant lui (arrêts de la Cour du 18 décembre 2008, Les Éditions Albert René/OHMI, C‑16/06 P, Rec. p. I‑10053, points 137 à 138, et du 10 novembre 2011, LG Electronics/OHMI, C‑88/11 P, non publié au Recueil, point 25). Il convient donc d’écarter les documents susvisés sans qu’il soit nécessaire d’examiner leur force probante [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, Rec. p. II‑4891, point 19, et la jurisprudence citée].

15      En second lieu, l’OHMI soutient que l’argument de la requérante, tiré de ce que, depuis septembre 2010, les marques en conflit « coexistent paisiblement » sur le marché allemand, est irrecevable au motif qu’il n’a pas été soulevé devant la chambre de recours.

16      L’argument de la requérante étant fondé sur un fait présenté pour la première fois devant le Tribunal, il doit être écarté comme irrecevable. En effet, ainsi que cela a été relevé au point 14 ci-dessus, le recours porté devant le Tribunal vise au contrôle de la légalité des décisions des chambres de recours au sens de l’article 65 du règlement n° 207/2009. Or, des faits qui sont invoqués devant le Tribunal sans avoir été soumis auparavant aux instances de l’OHMI ne sauraient affecter la légalité d’une telle décision que si l’OHMI avait dû les prendre en considération d’office. À cet égard, il résulte de l’article 76, paragraphe 1, in fine, dudit règlement, selon lequel, dans une procédure concernant des motifs relatifs de refus d’enregistrement, l’examen de l’OHMI est limité aux moyens invoqués et aux demandes présentées par les parties, que celui-ci n’est pas tenu de prendre en considération, d’office, des faits qui n’ont pas été avancés par les parties. Partant, de tels faits ne sont pas susceptibles de mettre en cause la légalité d’une décision de la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 15 février 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE-Zentral (LINDENHOF), T‑296/02, Rec. p. II‑563, point 31].

 Sur le fond

17      À l’appui de son recours, la requérante soulève formellement un moyen unique tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009]. Dans le cadre de ce moyen, elle conteste, d’une part, l’appréciation de la similitude des marques effectuée par la chambre de recours au motif que cette dernière aurait conclu à tort à l’existence d’un risque de confusion. D’autre part, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir méconnu son obligation de motivation.

18      Par ce moyen unique, la requérante invoque en substance deux moyens tirés, le premier, d’une violation de l’obligation de motivation et, le second, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.


 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

19      La requérante fait valoir que la chambre de recours a méconnu son obligation de motiver la décision attaquée. Premièrement, la chambre de recours aurait insuffisamment motivé sa conclusion quant à l’existence d’un degré moyen de similitude visuelle et phonétique des marques en conflit, ainsi que la considération selon laquelle les éléments figuratifs de la marque antérieure mettent le terme « carrera » en exergue. Deuxièmement, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir motivé la considération selon laquelle le terme « carrera » entraîne une confusion entre les marques en conflit.

20      L’OHMI ne soulève aucun argument spécifique à cet égard.

21      Aux termes de l’article 75 du règlement n° 207/2009, « les décisions de l’O[HMI] sont motivées ». Selon la jurisprudence, l’obligation de motivation des décisions de l’OHMI consacrée à cet article a la même portée que celle découlant de l’article 296 TFUE, qui exige de faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte. Cette obligation a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle de légalité de la décision. Une telle obligation peut être satisfaite sans qu’il soit nécessaire de répondre expressément et de manière exhaustive à l’ensemble des arguments avancés (ordonnance de la Cour du 25 novembre 2010, Lufthansa AirPlus Servicekarten/OHMI, C‑216/10 P, non publiée au Recueil, points 39 et 40).

22      En particulier, lorsque l’OHMI refuse l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire, il doit, pour motiver sa décision, indiquer le motif de refus, absolu ou relatif, qui s’oppose à cet enregistrement, ainsi que la disposition dont ce motif est tiré et exposer les circonstances factuelles qu’il a retenues comme étant prouvées et qui, selon lui, justifient l’application de la disposition invoquée [arrêt du Tribunal du 9 juillet 2008, Reber/OHMI – Chocoladefabriken Lindt & Sprüngli (Mozart), T‑304/06, Rec. p. II‑1927, point 46].

23      Dans la décision attaquée, la chambre de recours a relevé, s’agissant des comparaisons visuelle et phonétique des marques en conflit, que la marque demandée incorporait pleinement le terme « carrera » qui constituait l’élément dominant de la marque antérieure et que les éléments figuratifs de la marque antérieure étaient clairement subordonnés et destinés à mettre en exergue le terme « carrera » (point 20 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que la présence du terme « panamericana » dans la marque demandée réduisait la similitude visuelle et phonétique, sans pour autant l’exclure (point 21 de la décision attaquée). Au stade de la comparaison conceptuelle des marques en conflit, la chambre de recours a notamment précisé, d’une part, que le terme « carrera » évoquait, pour le consommateur hispanophone, la notion de « course » et, d’autre part, que, pour le consommateur non hispanophone, ce terme était probablement perçu comme purement fantaisiste (points 22 et 23 de la décision attaquée). La chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion compte tenu du fait que la marque antérieure était fondée sur le terme « carrera », qui serait distinctif dans le secteur vestimentaire, et de l’emploi du même terme en tant que composant initial de la marque demandée (point 26 de la décision attaquée).

24      Contrairement à ce qu’allègue la requérante, cette motivation est suffisante.

25      En effet, premièrement, cette motivation permet tant à la requérante qu’au Tribunal de comprendre que la conclusion, s’agissant des comparaisons visuelle et phonétique, est fondée sur la présence du même terme, en l’occurrence « carrera », dans les marques en conflit.

26      Deuxièmement, la considération selon laquelle le terme « carrera » constitue l’élément dominant de la marque antérieure est explicitement appuyée sur la présentation graphique de ladite marque. Or, compte tenu de la jurisprudence citée aux points 21 et 22 ci-dessus, la chambre de recours n’était pas tenue d’étayer, en outre, la considération selon laquelle les éléments figuratifs de la marque antérieure étaient subordonnés et destinés à mettre le terme « carrera » en valeur.

27      Troisièmement, il découle également de cette motivation que la chambre de recours a expliqué, à suffisance de droit, les raisons l’ayant conduite à considérer que le consommateur risquait d’être induit en erreur quant à l’existence d’un lien entre les deux marques, cette conclusion étant notamment fondée sur la présence du terme « carrera » dans les marques en conflit et sur la place qu’il occupe dans chacune de ces marques.

28      Eu égard aux considérations qui précèdent, le premier moyen doit être écarté.

 Sur le second moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

29      La requérante fait valoir, en substance, que la chambre de recours a méconnu l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en concluant à l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

30      L’OHMI conteste les arguments de la requérante.

31      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

32      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

33      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner l’appréciation par la chambre de recours du risque de confusion entre les marques en conflit.

–       Sur le public pertinent et la comparaison des produits

34      Premièrement, la chambre de recours a constaté que le public pertinent était constitué du consommateur moyen des produits concernés, à savoir l’acheteur moyen de vêtements, de ceintures et de chaussures, dans l’ensemble des États membres. Deuxièmement, s’agissant de la comparaison des produits et des services en cause, la chambre de recours a confirmé l’appréciation de la division d’opposition selon laquelle, d’une part, les produits relevant de la classe 25, visés par la demande de marque, étaient identiques à ceux visés par la marque antérieure et, d’autre part, les produits « sacs de plage, sacs de sport, sacs de campeurs, sacs à provisions, sacs à main, ceintures-bananes, sacs à dos, notamment sacs de transport, cartables », relevant de la classe 18, visés par la demande de marque, étaient analogues à ceux visés par la marque antérieure.

35      Ces appréciations, qui ne sont pas contestées par la requérante, ne peuvent, eu égard à la nature et à l’utilisation des produits en cause, qu’être confirmées.

–       Sur la comparaison des signes

36      Tout d’abord, il y a lieu de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

37      Ensuite, l’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt OHMI/Shaker, point 36 supra, point 41, et la jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts de la Cour OHMI/Shaker, précité, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié au Recueil, point 42). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt Nestlé/OHMI, précité, point 43).

38      Enfin, s’agissant de l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il convient de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre, et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêts du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 35, et du 23 novembre 2010, Codorniu Napa/OHMI – Bodegas Ontañon (ARTESA NAPA VALLEY), T‑35/08, Rec. p. II‑5405, point 35].

39      Dans la décision attaquée, premièrement, la chambre de recours a considéré que les marques en conflit présentaient un degré moyen de similitude visuelle et phonétique. Elle a précisé, à ce titre, que la marque demandée incorporait pleinement le terme « carrera » qui constituait l’élément dominant de la marque antérieure et était mis en valeur par les éléments figuratifs de celle-ci (point 20 de la décision attaquée). La chambre de recours a ajouté que la présence du terme « panamericana » dans la marque demandée réduisait la similitude visuelle et phonétique, sans pour autant l’exclure (point 21 de la décision attaquée). Deuxièmement, s’agissant de la comparaison conceptuelle des marques en conflit, la chambre de recours a considéré que lesdites marques présentaient, pour le consommateur hispanophone, un degré élevé de similitude compte tenu de l’utilisation du terme espagnol « carrera », signifiant « course ». La chambre de recours a notamment écarté l’argument de la requérante selon lequel la marque demandée rappellerait au consommateur hispanophone la course automobile mexicaine portant la dénomination de « carrera panamericana », au motif que cette course avait eu lieu, pour la dernière fois, en 1955. Elle a ajouté que l’adjectif « panamericana » conférait une connotation géographique au terme « carrera » et a estimé que le consommateur non hispanophone percevrait probablement le terme « carrera » comme un mot purement fantaisiste (points 22 et 23 de la décision attaquée).

40      La requérante soulève, en substance, trois séries d’arguments à l’appui du présent moyen tendant à remettre en cause, premièrement, la considération selon laquelle le terme « carrera » constitue l’élément dominant de la marque antérieure, deuxièmement, les considérations émises par la chambre de recours au titre des comparaisons visuelle et phonétique et, troisièmement, la comparaison conceptuelle des marques en conflit effectuée par la chambre de recours.

41      En premier lieu, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que le terme « carrera » constituait l’élément dominant de la marque antérieure.

42      Il convient de rappeler que la marque antérieure est composée de l’élément verbal « carrera » et d’un élément figuratif. Ce dernier est constitué d’une forme géométrique aux contours irréguliers et de coloris noir au centre de laquelle est inscrit le terme « carrera » en caractères majuscules blancs.

43      La présentation graphique de la marque antérieure est ainsi centrée autour du terme « carrera », mis en valeur en caractères blancs sur fond noir. L’élément figuratif de la marque antérieure sert principalement, ainsi que le fait valoir à juste titre l’OHMI, d’arrière-plan mettant en exergue ledit terme que le public pertinent percevra ainsi en premier lieu. En outre, pour se référer à la marque antérieure, le public pertinent aura tendance à prononcer le terme « carrera » au lieu de décrire la forme graphique de ladite marque.

44      Partant, la chambre de recours a considéré à bon droit que le terme « carrera » constituait l’élément dominant de la marque antérieure, d’un point de vue tant visuel que phonétique.

45      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de la requérante selon lequel le terme « carrera » serait descriptif pour des chaussures et ne saurait, dès lors, être considéré comme étant l’élément dominant de la marque demandée. En effet, d’une part, cet argument, en ce qu’il concerne la marque demandée, est inopérant dès lors qu’il n’est pas de nature à invalider la conclusion selon laquelle l’élément dominant de la marque antérieure est constitué par le terme « carrera ». Il manque, en tout état de cause, en fait dès lors que la chambre de recours n’a pas traité le terme « carrera » comme l’élément dominant de la marque demandée, mais comme l’élément dominant de la marque antérieure. D’autre part, même à supposer que cet argument de la requérante doive être compris en ce sens que la chambre de recours ne pouvait considérer l’élément verbal de la marque antérieure comme son élément dominant dès lors qu’il est descriptif, compte tenu de la jurisprudence selon laquelle les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 septembre 2010, Companhia Muller de Bebidas/OHMI – Missiato Industria e Comercio (61 A NOSSA ALEGRIA), T‑472/08, Rec. p. II‑3907, point 49, et la jurisprudence citée], ledit argument doit être écarté comme non fondé. En effet, cet argument procède, ainsi que l’a relevé à juste titre la chambre de recours, d’une confusion entre les mots espagnols « carrera » (course) et « correr » (courir). Or, l’expression « chaussure de course » se traduit en espagnol par « calzado para correr » et non par « calzado de carrera ». Le terme « carrera » n’est donc pas, contrairement à ce que soutient la requérante, descriptif pour des chaussures.

46      En deuxième lieu, la requérante remet en cause la considération selon laquelle les marques en conflit présentent un degré moyen de similitude visuelle et phonétique. À cet égard, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré que la similitude visuelle et phonétique n’était pas exclue par l’ajout, dans la marque demandée, de l’adjectif « panamericana ». En outre, la chambre de recours aurait omis, d’une part, de prendre en considération les facteurs mis en avant par la requérante ayant trait à la longueur et au nombre des mots, au nombre de syllabes, à la succession de voyelles et de consonnes et, d’autre part, de procéder à une appréciation d’ensemble de la marque antérieure.

47      En ce qui concerne la comparaison visuelle des deux marques, il convient d’abord de rappeler que rien ne s’oppose à ce que soit vérifiée l’existence d’une similitude visuelle entre une marque verbale et une marque figurative, étant donné que ces deux types de marques ont une configuration graphique capable de donner lieu à une impression visuelle [voir arrêt du Tribunal du 4 mai 2005, Chum/OHMI – Star TV (STAR TV), T‑359/02, Rec. p. II‑1515, point 43, et la jurisprudence citée].

48      En l’espèce, il est constant que la marque antérieure et la marque demandée ont en commun le même terme « carrera », composé des mêmes lettres et phonétiquement identique. Ce terme constitue l’élément verbal unique et, ainsi que cela a été relevé au point 44 ci-dessus, l’élément dominant de la marque antérieure. Il constitue le composant initial de la marque demandée, suivi de l’adjectif « panamericana ».

49      Certes, à la différence de la marque antérieure, la marque demandée est composée d’une succession de deux mots, « carrera » et « panamericana » ainsi que, comme le fait valoir la requérante, d’une succession de neuf syllabes, en l’occurrence « car », « re », « ra », « pa », « na », « me », « ri », « ca » et « na », et d’une succession de neuf voyelles, en l’occurrence « a », « e », « a », « a », « a », « e », « i », « a » et « a », alors que la marque antérieure comporte uniquement le terme « carrera ». Partant, il ne saurait être contesté, comme l’admet au demeurant l’OHMI, que les marques, considérées dans leur intégralité, présentent une certaine dissemblance visuelle et phonétique.

50      Toutefois, compte tenu de l’identité du terme « carrera », les éléments de dissemblance relevés au point précédent ne sont pas suffisants pour écarter chez le consommateur pertinent l’impression selon laquelle ces marques, appréciées globalement, sont similaires sur les plans visuel et phonétique [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 20 janvier 2010, Nokia/OHMI – Medion (LIFE BLOG), T‑460/07, Rec. p. II‑89, points 54 et 56, et la jurisprudence citée].

51      La conclusion tirée au point précédent s’impose d’autant plus que le terme « carrera » constitue l’élément initial de la marque demandée. Or, selon la jurisprudence, et ainsi que l’admet la requérante, la partie initiale des marques verbales peut être susceptible de retenir l’attention du consommateur davantage que les parties suivantes [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 17 mars 2004, El Corte Inglés/OHMI – González Cabello et Iberia Líneas Aéreas de España (MUNDICOR), T‑183/02 et T‑184/02, Rec. p. II‑965, point 81, et du 16 mars 2005, L’Oréal/OHMI – Revlon (FLEXI AIR), T‑112/03, Rec. p. II‑949, points 64 et 65].

52      Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la chambre de recours aurait omis de prendre en considération la longueur et le nombre des mots, le nombre de syllabes et la succession de voyelles et de consonnes, il convient de relever que si, certes, la chambre de recours n’a pas explicitement pris position sur ces éléments, il n’en demeure pas moins que, au point 21 de la décision attaquée, elle a indiqué que la présence de l’adjectif « panamericana » réduisait la similitude visuelle et phonétique des deux marques en conflit. Ce faisant, la chambre de recours a, d’une part, pris en considération l’incidence de ce terme sur la comparaison des marques en conflit et, d’autre part, implicitement, mais nécessairement, écarté l’ensemble des éléments susvisés. De surcroît, contrairement à ce qu’allègue la requérante, il ressort de ce rappel du point 21 de la décision attaquée que la chambre de recours a procédé, au stade des comparaisons visuelle et phonétique des marques en conflit, à une appréciation d’ensemble de la marque demandée, en ce que cette dernière était composée des termes « carrera » et « panamericana ».

53      Eu égard aux considérations qui précèdent, il y a lieu d’approuver la conclusion de la chambre de recours selon laquelle les marques en cause présentent un degré moyen de similitude visuelle et phonétique.

54      En troisième lieu, la requérante conteste les considérations de la chambre de recours relatives à la comparaison conceptuelle des deux marques. Elle fait valoir, tout d’abord, qu’aucune des significations du terme espagnol « carrera », se traduisant par le mot « course » et désignant une célèbre voiture de sport ainsi que de nombreuses autres marques, n’a de rapport avec la marque demandée. Ensuite, la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas avoir tenu compte du fait que la course automobile organisée de 1950 à 1955 au Mexique et connue sous le nom de « carrera panamericana » a repris en 1988 et est, dès lors, toujours connue d’un large public. Même sans connaître cette course automobile, le consommateur identifierait la marque demandée comme faisant référence à la « panamericana », également appelée « carretera panamericana », qui constitue un réseau routier « reli[ant] l’Alaska et la Terre de Feu ». Les deux composants de cette expression seraient, ainsi, inséparablement associés, de sorte que la chambre de recours les aurait dissociés à tort.

55      Tout d’abord, il y a lieu de valider la considération selon laquelle le public non hispanophone percevra probablement le terme « carrera » comme un mot purement fantaisiste. Dans ces conditions, il n’est pas possible de procéder, à l’égard du public non hispanophone, à une comparaison conceptuelle des marques en cause.

56      La requérante fait toutefois valoir que le terme « carrera » est susceptible d’évoquer, auprès du public pertinent même non hispanophone, une célèbre voiture de sport et que d’autres marques utilisent le même terme pour d’autres produits. Or, d’une part, pour autant que la requérante se réfère à une célèbre voiture de sport, outre le fait qu’elle n’a pas présenté cet argument devant la chambre de recours, elle reste en défaut d’expliquer en quoi cette référence est de nature à affecter la similitude conceptuelle des marques en conflit. D’autre part, l’allégation de la requérante, relative à l’utilisation du terme « carrera » par d’autres marques, n’est établie par aucun élément de preuve recevable (voir points 13 et 14 ci-dessus).

57      Ensuite, s’agissant du public hispanophone qui comprendra le terme espagnol « carrera » comme signifiant « course », il y a lieu d’écarter l’argument de la requérante tendant à remettre en cause la conclusion de la chambre de recours selon laquelle ce public ne fera pas nécessairement le lien entre l’expression « carrera panamericana » et la course automobile mexicaine mentionnée par la requérante. En effet, d’une part, comme l’a relevé la chambre de recours, la course automobile connue sous la dénomination de « carrera panamericana » a eu lieu, pour la dernière fois, en 1955. Dans ces conditions, il est raisonnable de considérer que, plus de 50 ans plus tard, le consommateur moyen, même hispanophone, n’a plus connaissance de l’existence de cette course. D’autre part, si la requérante fait valoir que ladite course a repris en 1988 et est, dès lors, toujours connue du public pertinent, il convient de relever que, devant la chambre de recours, la requérante n’a produit aucune preuve de cette allégation et s’est bornée à relever, en une phrase unique, que, depuis 1955, cette course a été rétablie comme rallye automobile classique. La requérante ne saurait donc reprocher à la chambre de recours d’avoir omis de tenir compte du fait, à le supposer établi, que la « carrera panamericana » serait toujours connue du public en raison de sa reprise en 1988. Il en va de même de l’argument tiré de ce que l’expression « carrera panamericana » ferait référence à un réseau d’autoroutes.

58      Enfin, l’examen, par la chambre de recours, de l’argument relatif à la référence à la course automobile démontre que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ladite chambre a, au titre de la comparaison conceptuelle, procédé à une appréciation d’ensemble des marques en conflit. Partant, la requérante ne peut davantage faire grief à la chambre de recours d’avoir dissocié l’« unité inséparable » constituée par la marque demandée en méconnaissance des règles grammaticales.

59      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que c’est à bon droit que la chambre de recours a constaté que les marques en conflit présentaient un haut degré de similitude conceptuelle pour le consommateur hispanophone.

–       Sur le risque de confusion

60      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

61      En l’espèce, il y a lieu de rappeler, d’une part, que les produits en cause sont, en partie, identiques et, en partie, similaires. D’autre part, les marques en conflit présentent un degré de similitude visuelle et phonétique qui peut être qualifié de moyen et, pour le consommateur hispanophone, un degré élevé de similitude conceptuelle, alors que, pour le consommateur non hispanophone, les marques n’évoquent, sur un plan conceptuel, rien de précis.

62      Compte tenu de l’ensemble de ces éléments, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit au regard de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 en considérant qu’il existait un risque de confusion entre les marques en conflit.

63      La conclusion formulée au point précédent ne saurait être remise en cause par la décision du Bundespatentgericht (Cour fédérale des brevets, Allemagne), du 18 septembre 2010, produite par la requérante au cours de la procédure devant l’OHMI et citée dans la requête, selon laquelle tout risque de confusion entre les marques en conflit était exclu. En effet, il ressort d’une jurisprudence constante que les enregistrements d’ores et déjà effectués dans des États membres ne constituent que des éléments qui, sans être déterminants, peuvent seulement être pris en considération aux fins de l’enregistrement d’une marque communautaire. Les mêmes considérations valent pour la jurisprudence des juridictions des États membres [arrêts du Tribunal du 16 février 2000, Procter & Gamble/OHMI (Forme d’un savon), T‑122/99, Rec. p. II‑265, point 61, et du 19 septembre 2001, Henkel/OHMI (Tablette ronde rouge et blanc), T‑337/99, Rec. p. II‑2597, point 58].

64      Il résulte de ce qui précède que le second moyen doit être écarté.

65      Au regard de l’ensemble des motifs exposés ci-dessus, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

66      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Schuhhaus Dielmann GmbH & Co. KG est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 janvier 2014.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.