Language of document : ECLI:EU:T:2021:792

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

17 novembre 2021 (*)

« Marque de l’Union européenne – Demande de marque de l’Union européenne figurative représentant des extrémités rouges de lacets de chaussures – Rejet de la demande – Motifs absolus de refus – Absence de caractère distinctif – Article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 – Demande antérieure substantiellement identique – Absence d’autorité de la chose jugée – Obligation de motivation – Droit d’être entendu – Article 94, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 – Examen d’office des faits – Article 95 du règlement 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑298/19,

Think Schuhwerk GmbH, établie à Kopfing (Autriche), représentée par Me M. Gail, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mme D. Walicka, MM. S. Hanne et M. Eberl, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 1er mars 2019 (affaire R 1170/2018‑5), concernant une demande d’enregistrement d’un signe figuratif représentant des extrémités rouges de lacets de chaussures comme marque de l’Union européenne,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen (rapporteur) et R. Norkus, juges,

greffier : Mme R. Ūkelytė, administratrice,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 mai 2019,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 24 juillet 2019,

vu la demande de fixation d’une audience de plaidoiries présentée par la requérante et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, d’ouvrir la phase orale de la procédure,

vu les demandes de report d’audience déposées par la requérante au greffe du Tribunal les 9 mars, 2 juin, 29 septembre 2020 et 22 février 2021,

vu les questions écrites du Tribunal aux parties et leurs réponses à ces questions déposées au greffe du Tribunal les 17 avril et 4 mai 2020,

vu les demandes de report d’audience déposées par la requérante au greffe du Tribunal les 26 et 31 mai 2021,

à la suite de l’audience du 13 juillet 2021,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        Le 10 mai 2010, la requérante, Think Schuhwerk GmbH, a présenté à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (OHMI) une demande d’enregistrement (ci-après la « demande précédente ») portant sur la marque « autre », décrite comme représentant « des chaussures à lacets présentant des pointes rouges aux extrémités des lacets », reproduite ci-après :

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2        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relevaient de la classe 25 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondaient à la description suivante : « Chaussures, en particulier lacets ».

3        L’examinateur ayant rejeté la demande précédente au motif qu’elle était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1) [devenu l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1)], la requérante a introduit un recours contre cette décision.

4        Le recours de la requérante a été rejeté par décision de la première chambre de recours du 23 février 2012 (affaire R 1552/2011-1).

5        La requérante a introduit un recours contre la décision de la chambre de recours du 23 février 2012, lequel a été rejeté par arrêt du 11 juillet 2013, Think Schuhwerk/OHMI (Extrémités rouges de lacets de chaussures) (T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376).

6        Le pourvoi formé par la requérante contre cet arrêt a été rejeté par ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI (C‑521/13 P, EU:C:2014:2222).

7        Le 26 février 2016, la requérante a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement no 207/2009 (remplacé par le règlement 2017/1001).

8        La marque dont l’enregistrement a été demandé est représentée ci-après :

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9        Dans la demande d’enregistrement, la marque est décrite de la manière suivante :

« La marque en cause est une marque de position. La protection des marques est demandée pour les extrémités rouges de lacets de chaussures, en forme de pointes rouges, disposées sur la chaussure (couleur rouge) (pantone : 18-1658 TCX Pompeian Red) ; d’autres façonnages et/ou caractéristiques de conception reconnaissables dans la représentation visuelle ne font pas partie de cette marque. »

10      Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent des classes 10 et 25 au sens de l’arrangement de Nice, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 10 : « Chaussures orthopédiques, à savoir chaussures à lacets » ;

–        classe 25 : « Chaussures, à savoir chaussures à lacets ».

11      Le 10 novembre 2016, l’examinateur a émis des objections à l’enregistrement de la marque demandée, au motif de son absence de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. La requérante a contesté l’analyse provisoire de l’examinateur et a fait valoir l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage, au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 (devenu article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001). Un délai de deux mois a alors été accordé à la requérante pour présenter les preuves nécessaires. Ce délai a été prorogé de deux mois.

12      Par décision du 24 avril 2018, l’examinateur a rejeté la demande d’enregistrement de ladite marque, sur le fondement de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Il a estimé, en outre, que le caractère distinctif acquis par l’usage au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement no 207/2009 n’avait pas été établi.

13      Le 20 juin 2018, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de l’examinateur. Dans son recours, la requérante demandait notamment à la chambre de recours de lui indiquer quels autres documents elle devait fournir pour établir le caractère distinctif acquis par l’usage et si une étude de marché était nécessaire.

14      Par décision du 1er mars 2019 (ci-après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a rejeté le recours. En particulier, la chambre de recours a considéré que la marque demandée était dépourvue de caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et que la preuve de l’acquisition d’un caractère distinctif par l’usage de la marque demandée, au sens de l’article 7, paragraphe 3, dudit règlement n’avait pas été rapportée.

15      Au point 42 de la décision attaquée, la chambre de recours a indiqué ce qui suit :

« Dans ce contexte, la chambre de recours renvoie aussi aux [décisions suivantes] : [ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI (C‑521/13 P, EU:C:2014:2222), et arrêt du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures (T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, points 42 et 43)]. La marque de position pertinente dans ces arrêts demandait la protection pour des chaussures avec lacets présentant des pointes rouges aux extrémités des lacets. Cette marque, au moins fortement similaire à la marque demandée dans la présente procédure, a été refusée à l’enregistrement pour des “chaussures, en particulier lacets”, compris dans la classe 25, comme n’étant pas distinctive au sens de l’article 7, paragraphe 1, [sous] b), du [règlement no 207/2009]. »

II.    Conclusions des parties

16      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

17      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

18      À l’appui de son recours, la requérante invoque trois moyens. Le premier est pris de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, et se divise en trois branches, respectivement tirées de deux défauts de motivation, d’une violation du principe d’examen d’office énoncé à l’article 76 du règlement no 207/2009 (devenu article 95 du règlement 2017/1001) et de ce que la marque demandée n’est pas dépourvue de caractère distinctif. Par le deuxième moyen qu’elle invoque, la requérante soutient que la chambre de recours a violé le principe d’égalité de traitement en s’écartant de sa pratique décisionnelle. Le troisième moyen est tiré de la violation du droit d’être entendu prévu à « l’article 75, deuxième phrase, du règlement no 207/2009 » (devenu article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001).

19      Il convient de rappeler d’emblée que, compte tenu de la date d’introduction de la demande d’enregistrement en cause, à savoir le 26 février 2016, qui est déterminante aux fins de l’identification du droit matériel applicable, les faits de l’espèce sont régis par les dispositions matérielles du règlement no 207/2009 (voir, en ce sens, ordonnance du 5 octobre 2004, Alcon/OHMI, C‑192/03 P, EU:C:2004:587, points 39 et 40, et arrêt du 23 avril 2020, Gugler France/Gugler et EUIPO, C‑736/18 P, non publié, EU:C:2020:308, point 3 et jurisprudence citée). Par ailleurs, dans la mesure où, selon une jurisprudence constante, les règles de procédure sont généralement censées s’appliquer à la date à laquelle elles entrent en vigueur (voir arrêt du 11 décembre 2012, Commission/Espagne, C‑610/10, EU:C:2012:781, point 45 et jurisprudence citée), le litige est régi par les dispositions procédurales du règlement 2017/1001, lequel est entré en vigueur alors que la procédure d’examen était en cours.

20      Par suite, en l’espèce, en ce qui concerne les règles de fond, il convient d’entendre les références faites par la chambre de recours dans la décision attaquée à l’article 7, paragraphes 1 et 3, du règlement 2017/1001 comme visant l’article 7, paragraphes 1 et 3 du règlement n° 207/2009, d’une teneur identique. En outre, en ce qui concerne les règles de procédure applicables en l’espèce, il convient d’entendre les références faites par la requérante aux articles 75, seconde phrase, et 76 du règlement no 207/2009, comme visant respectivement les articles 94, paragraphe 1, deuxième phrase, et 95 du règlement 2017/1001, d’une teneur identique.

A.      Sur le premier moyen

21      Le premier moyen du recours s’articule en trois branches. En premier lieu, la requérante soutient que la décision attaquée est entachée de deux défauts de motivation. En deuxième lieu, elle fait valoir que la chambre de recours a méconnu le principe d’examen d’office. En troisième lieu, la requérante estime que la marque demandée n’est pas dépourvue de caractère distinctif et que, en estimant le contraire, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

22      À titre liminaire, l’EUIPO estime que le premier moyen est irrecevable. En effet, la question de savoir si la marque demandée présente un caractère distinctif intrinsèque aurait déjà été tranchée lors de l’examen de la demande précédente (voir points 1 et suivants ci-dessus). Il s’ensuivrait que la décision attaquée revêt un caractère purement confirmatif. Dès lors, les griefs procéduraux soulevés dans le cadre du premier moyen, à savoir des défauts de motivation et l’absence d’examen d’office seraient inopérants. L’EUIPO oppose en outre une fin de non-recevoir tirée de l’absence d’argumentation spécifique de la requérante en ce qui concerne les produits relevant de la classe 10 (voir point 10 ci-dessus). Le Tribunal estime opportun d’examiner d’abord cette dernière fin de non-recevoir partielle.

1.      Sur la recevabilité du premier moyen

a)      En ce qui concerne les produits relevant de la classe 10

23      L’EUIPO considère que, dès lors que la requérante n’a pas développé d’argumentation spécifique en ce qui concerne les chaussures orthopédiques (relevant de la classe 10) par rapport aux chaussures en général (relevant de la classe 25), la requérante a méconnu les exigences de clarté et de précision de la requête prévues à l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

24      Toutefois, si la chambre de recours a tenu compte de la particularité des chaussures orthopédiques à lacets pour déterminer le public pertinent (point 24 de la décision attaquée), elle n’a pas considéré que l’analyse du caractère distinctif du signe demandé devait différer selon qu’elle portait sur ces chaussures particulières ou sur les chaussures en général (point 32 de la décision attaquée). Dans ces conditions, la requérante n’était pas non plus tenue de présenter une argumentation spécifique en ce qui concerne les chaussures orthopédiques, à peine d’irrecevabilité de son recours en ce qu’il vise ces produits. Par ailleurs, une telle absence d’argumentation spécifique ne saurait être interprétée comme signifiant que la requérante a renoncé à contester la décision attaquée en ce qu’elle rejette la demande d’enregistrement pour les chaussures orthopédiques relevant de la classe 10.

25      Il s’ensuit que la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO en ce qui concerne les chaussures orthopédiques doit être écartée.

b)      En ce qui concerne le caractère confirmatif de la décision attaquée et l’autorité de la chose jugée

26      Dans ses écritures, l’EUIPO estimait que la décision attaquée était confirmative de la décision de la chambre de recours du 23 février 2012, laquelle serait devenue définitive en raison du rejet des recours juridictionnels introduits à l’encontre de cette première décision (voir points 1 et suivants ci-dessus). Il estimait, dès lors, que, la présente demande d’enregistrement ayant le même objet que la demande précédente, le recours dirigé contre la décision attaquée est irrecevable.

27      En réponse aux questions qui lui ont été adressées sur ce point lors de l’audience, l’EUIPO a admis que les circonstances de l’espèce diffèrent des précédents sur lesquels il avait appuyé son argumentation dans le mémoire en réponse, dès lors que la décision attaquée ne se borne pas à reprendre, sans que la chambre de recours ait effectué un nouvel examen de l’ensemble des éléments de fait et de droit pertinents, une décision antérieure qui n’aurait pas été contestée dans le délai de recours. Toutefois, l’EUIPO fait valoir que son argumentation doit être comprise en ce sens que le principe d’autorité de la chose jugée fait obstacle à la recevabilité de la troisième branche du premier moyen.

28      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, un recours est irrecevable en raison de l’autorité de la chose jugée qui s’attache à un arrêt antérieur ayant tranché un recours qui a opposé les mêmes parties, a porté sur le même objet et a été fondé sur la même cause (arrêts du 19 septembre 1985, Hoogovens Groep/Commission, 172/83 et 226/83, EU:C:1985:355, point 9 ; du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, EU:T:1996:71, point 37 ; du 25 juin 2010, Imperial Chemical Industries/Commission, T‑66/01, EU:T:2010:255, point 197).

29      S’agissant de la condition relative à l’identité d’objet, l’acte dont l’annulation est demandée constitue un élément essentiel (arrêts du 27 octobre 1987, Diezler e.a./CES, 146/85 et 431/85, EU:C:1987:457, points 14 à 16, et du 5 juin 1996, NMB France e.a./Commission, T‑162/94, EU:T:1996:71, point 38). Toutefois, la circonstance que les recours ont été dirigés contre des décisions distinctes que l’administration a formellement adoptées ne suffit pas pour conclure à l’absence d’identité d’objet, lorsque ces décisions ont un contenu substantiellement identique et sont fondées sur les mêmes motifs (arrêt du 13 septembre 2011, Michail/Commission, F‑100/09, EU:F:2011:132, point 30, et ordonnance du 27 février 2014, Walton/Commission, F‑32/13, EU:F:2014:37, point 41).

30      Or, en l’espèce, ainsi que la requérante l’a fait valoir à juste titre lors de l’audience, la présente demande d’enregistrement, sur laquelle la chambre de recours se prononce dans la décision attaquée, diffère de la demande précédente, sur laquelle la chambre de recours s’est prononcée dans la décision du 23 février 2012 (voir point 4 ci-dessus), sur la légalité de laquelle ont définitivement statué le Tribunal, par arrêt du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures (T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376), puis la Cour, par ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI (C‑521/13 P, EU:C:2014:2222), en ce que, d’une part, la couleur rouge des embouts des lacets de chaussures a été plus précisément définie dans la présente demande d’enregistrement et, d’autre part, les produits visés par cette dernière diffèrent de ceux qui étaient visés par la demande précédente (voir points 1, 2, 8, 9 et 10 ci-dessus).

31      Dans ces conditions, il convient de constater que le présent recours, d’une part, et les procédures de recours antérieures sur lesquelles il a été statué dans les décisions mentionnées au point 30 ci-dessus, ne portent pas sur le même objet. Dès lors, il convient d’écarter la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO à la troisième branche du premier moyen.

2.      Sur le bien-fondé du premier moyen

32      Il convient d’examiner d’abord la troisième branche du premier moyen, par laquelle la requérante fait valoir que, en refusant à tort de reconnaître le caractère distinctif de la marque demandée, la chambre de recours a violé l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

a)      Sur la troisième branche du premier moyen

33      Aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, sont refusées à l’enregistrement les marques qui sont dépourvues de caractère distinctif.

34      Le caractère distinctif d’une marque, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, signifie que cette marque permet d’identifier le produit pour lequel l’enregistrement a été demandé comme provenant d’une entreprise déterminée, et donc de distinguer ce produit de ceux issus d’autres entreprises (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 34, et du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures, T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, point 31).

35      Ce caractère distinctif doit être apprécié, d’une part, par rapport aux produits ou aux services pour lesquels l’enregistrement a été demandé et, d’autre part, par rapport à la perception qu’en a le public pertinent (arrêts du 29 avril 2004, Henkel/OHMI, C‑456/01 P et C‑457/01 P, EU:C:2004:258, point 35, et du 22 juin 2006, Storck/OHMI, C‑25/05 P, EU:C:2006:422, point 25).

36      La perception du public pertinent est susceptible d’être influencée par la nature du signe dont l’enregistrement a été demandé. Ainsi, dans la mesure où les consommateurs moyens n’ont pas l’habitude de présumer l’origine commerciale des produits en se fondant sur des signes qui se confondent avec l’aspect de ces mêmes produits, de tels signes sont distinctifs, au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, seulement s’ils divergent, de manière significative, de la norme ou des habitudes du secteur. Dès lors, la nouveauté ou l’originalité ne sont pas des critères pertinents pour l’appréciation du caractère distinctif d’une marque. En effet, pour qu’une marque puisse être enregistrée, il ne suffit pas qu’elle soit originale, mais il faut qu’elle se différencie substantiellement des formes de base du produit en cause, communément utilisées dans le commerce, et qu’elle n’apparaisse pas comme une simple variante de ces formes (voir ordonnance du 11 septembre 2014, Think Schuhwerk/OHMI, C‑521/13 P, EU:C:2014:2222, points 48 et 49 et jurisprudence citée, et arrêt du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures, T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, points 33 et 47 et jurisprudence citée).

37      En l’espèce, la chambre de recours a tout d’abord estimé que la marque demandée se confondait avec une partie des produits, à savoir l’extrémité des lacets des chaussures à lacets. Elle en a déduit que, pour revêtir un caractère distinctif au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, le signe visé par la demande d’enregistrement devait diverger de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur (points 19 à 22 de la décision attaquée).

38      Ensuite, la chambre de recours a considéré que le public pertinent s’agissant des chaussures relevant de la classe 25 était le public général faisant preuve d’un degré d’attention normal. Quant au public pertinent s’agissant des chaussures orthopédiques relevant de la classe 10, la chambre de recours a estimé qu’il s’agirait d’un public spécialisé faisant preuve d’un degré d’attention supérieur à la moyenne (point 24 de la décision attaquée).

39      La chambre de recours a enfin relevé que les extrémités rouges des lacets de chaussures ne seraient pas perçues comme un signe distinctif par le public pertinent, qu’il s’agisse du public général ou du public spécialisé. L’extrémité des lacets aurait un caractère purement décoratif et ne serait pas considérée comme une indication de l’origine commerciale des produits. À cet égard, le choix d’une tonalité de rouge particulière (pantone : 18-1658 TCX Pompeian Red) serait sans incidence (points 32 et 33 de la décision attaquée). Dès lors, selon la chambre de recours, le signe dont l’enregistrement est demandé ne diverge pas de manière significative des habitudes du secteur, l’examinateur ayant montré l’existence notoire de nombreuses configurations de lacets comportant des extrémités d’une couleur différente de celle du reste du lacet (points 34 à 37).

40      Aucun des arguments de la requérante n’est de nature à établir que la chambre de recours, en se prononçant de la sorte, a méconnu les dispositions de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

41      Premièrement, en effet, s’agissant du degré d’attention du public pertinent, le Tribunal a déjà estimé, s’agissant des chaussures relevant de la classe 25, que celui-ci n’était pas supérieur à la moyenne (arrêt du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures, T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, point 42). L’allégation de la requérante selon laquelle, s’agissant des chaussures relevant de la classe 25, le niveau d’attention du public pertinent est élevé doit par conséquent être écartée. En outre, il convient de rappeler que, s’agissant des chaussures orthopédiques relevant de la classe 10, la chambre de recours a estimé, au point 24 de la décision attaquée, qu’il s’agissait d’un public spécialisé faisant preuve d’un degré d’attention supérieur à la moyenne (voir point 38 ci-dessus). Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces considérations relatives aux chaussures orthopédiques, au demeurant non contredites.

42      Deuxièmement, c’est également à juste titre, ainsi que la requérante en est convenue lors de l’audience, que la chambre de recours a appliqué en l’espèce le critère de la divergence significative par rapport à la norme et aux habitudes du secteur. En effet, il est constant que la demande d’enregistrement, en ce qu’elle vise une marque de position, porte sur l’apparence du produit, ce qui suffit à rendre applicable le critère rappelé au point 36 ci-dessus. Il s’ensuit que la requérante n’est pas fondée à soutenir que la chambre de recours ne pouvait prendre en considération l’existence sur le marché de produits présentant des caractéristiques identiques ou similaires.

43      Il s’ensuit également que la requérante n’est pas davantage fondée à soutenir que la chambre de recours a fait application d’un critère d’appréciation « exagérément strict », dès lors que le signe dont l’enregistrement est demandé ne saurait être considéré comme étant « indépendant du produit ». Quant à l’argument tiré de ce que la chambre de recours aurait omis de tenir compte de la position de l’élément en cause, il doit être écarté comme manquant en fait. En effet, au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a expressément indiqué que la coloration rouge des extrémités des lacets de chaussures serait perçue comme un élément purement décoratif.

44      Troisièmement, à supposer même que, ainsi que le prétend la requérante, il n’existe pas sur le marché de chaussures vendues avec des lacets comportant des extrémités de couleur Pompeian Red, il convient de rappeler que la reconnaissance du minimum de caractère distinctif requis à la marque demandée ne dépend pas de sa nouveauté ou de son originalité, mais du fait qu’elle présente des divergences significatives par rapport aux habitudes du secteur (voir point 36 ci-dessus), ce qui ne ressort pas des pièces du dossier.

45      Quatrièmement, l’argument tiré de ce qu’il n’y a pas d’intérêt général à ce que le signe revendiqué demeure disponible pour l’ensemble des entreprises du secteur est inopérant. En effet, à cet égard, il convient de rappeler que chacun des motifs de refus d’enregistrement énumérés à l’article 7, paragraphe 1, du règlement no 207/2009 est indépendant des autres et exige un examen séparé (arrêts du 21 octobre 2004, OHMI/Erpo Möbelwerk, C‑64/02 P, EU:C:2004:645, point 39, et du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 59).

46      Ainsi, selon la jurisprudence, il convient d’interpréter lesdits motifs de refus à la lumière de l’intérêt général qui sous-tend chacun d’entre eux. L’intérêt général pris en considération lors de l’examen de chacun de ces motifs de refus peut, voire doit, refléter des considérations différentes, selon le motif de refus en cause (arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 55).

47      À cet égard, il convient de relever que la notion d’intérêt général sous‑jacente à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 se confond, à l’évidence, avec la fonction essentielle de la marque qui est de garantir au consommateur ou à l’utilisateur final l’identité d’origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (voir arrêt du 8 mai 2008, Eurohypo/OHMI, C‑304/06 P, EU:C:2008:261, point 56 et jurisprudence citée). En revanche, l’intérêt général sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009 consiste à assurer que des signes descriptifs de l’une ou de plusieurs des caractéristiques des produits ou des services pour lesquels un enregistrement en tant que marque est demandé puissent être librement utilisés par l’ensemble des opérateurs économiques offrant de tels produits ou services [arrêts du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, point 37, et du 30 mai 2013, ultra air/OHMI – Donaldson Filtration Deutschland (ultrafilter international), T‑396/11, EU:T:2013:284, point 19].

48      Or, il est constant que la chambre de recours s’est exclusivement fondée sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 pour estimer que la marque demandée devait faire l’objet d’un refus d’enregistrement. Dès lors, ainsi que le Tribunal l’a déjà jugé, si l’impératif de disponibilité du signe auquel la requérante prétend satisfaire aurait pu être pertinent pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement no 207/2009, il n’est pas le critère à l’aune duquel l’article 7, paragraphe 1, sous b), dudit règlement doit être interprété [arrêts du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi-Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, points 62 et 63 ; du 13 juillet 2011, Evonik Industries/OHMI (Rectangle pourpre avec un côté convexe), T‑499/09, non publié, EU:T:2011:367, point 38, et du 11 juillet 2013, Extrémités rouges de lacets de chaussures, T‑208/12, non publié, EU:T:2013:376, point 51].

49      Cinquièmement, l’argument de la requérante selon lequel il est usuel que les embouts des lacets soient de la même couleur que les lacets eux-mêmes ne saurait invalider l’appréciation de la chambre de recours. En effet, au point 35 de la décision attaquée, la chambre de recours a produit de nombreux exemples de lacets à embouts de couleur différente, si bien que la marque demandée ne peut être considérée comme divergeant de manière significative des habitudes et des normes du secteur. Or, il convient de rappeler que le critère auquel la marque demandée en l’espèce doit satisfaire n’est pas celui de la simple originalité, mais que, pour pouvoir être enregistrée, la marque demandée doit diverger, de manière significative, des habitudes et des normes du secteur (voir point 36 ci-dessus), ce qui ne ressort pas des pièces du dossier.

50      Par conséquent, la demande de la requérante tendant à ce que le Tribunal ordonne une expertise destinée à établir le caractère original du signe demandé ne peut, en outre, qu’être rejetée. En effet, d’une part, en tout état de cause, le Tribunal ne pourrait prendre en considération des éléments de fait nouveaux qui n’ont pas été présentés en temps utile devant l’EUIPO [arrêt du 12 décembre 2002, eCopy/OHMI (ECOPY), T‑247/01, EU:T:2002:319, point 46 ; voir, également, arrêt du 24 novembre 2005, Sadas/OHMI – LTJ Diffusion (ARTHUR ET FELICIE), T‑346/04, EU:T:2005:420, point 19 et jurisprudence citée] et, d’autre part, ainsi qu’il vient d’être rappelé au point 49 ci-dessus, le critère de la simple originalité n’est en soi pas suffisant.

51      Sixièmement, c’est à tort que la requérante soutient que la chambre de recours ne devait pas apprécier si la marque demandée pouvait être enregistrée au regard du seul règlement no 207/2009. Il convient, certes, de rappeler que ni les parties ni le Tribunal lui-même ne sauraient être empêchés de s’inspirer, dans l’interprétation du droit de l’Union européenne, d’éléments tirés de la jurisprudence de l’Union, nationale ou internationale [arrêt du 14 avril 2016, Henkell & Co. Sektkellerei/EUIPO – Ciacci Piccolomini d’Aragona di Bianchini (PICCOLOMINI), T‑20/15, EU:T:2016:218, point 55]. Toutefois, si la pratique décisionnelle des offices et juridictions nationaux peut être prise en compte par l’EUIPO et le juge de l’Union, elle ne peut conduire à l’application d’autres critères que ceux prévus dans les règlements relatifs à la marque de l’Union européenne. Or, ainsi qu’il a été constaté aux points 36 et 49 ci-dessus, l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009, tel qu’interprété par la jurisprudence de l’Union, fait obstacle à l’enregistrement de marques qui, telle la marque demandée, se confondent avec l’aspect du produit sans diverger, de manière significative, des normes et des habitudes du secteur.

52      Septièmement, pour les motifs indiqués aux points 45 à 48 ci-dessus, l’argument tiré par la requérante de ce que tous les autres « designs » resteraient disponibles pour ses concurrents est inopérant, dès lors que l’absence de disponibilité du signe revendiqué n’est pas le motif retenu par la chambre de recours pour justifier son refus d’enregistrement, celle-ci ayant exclusivement fondé la décision attaquée sur l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009.

53      Il résulte de ce qui précède que la troisième branche du premier moyen doit être écartée.

b)      Sur la première branche du premier moyen

54      La première branche du premier moyen s’articule en deux griefs. D’une part, la requérante fait valoir que l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque demandée, aux yeux du public pertinent, ne se distingue pas de la forme du produit, n’a pas été suffisamment « réfléchie » et que la décision attaquée est, sur ce point, entachée d’un défaut de motivation. D’autre part, la requérante estime que les appréciations figurant aux points 22, 32 et 40 de la décision attaquée ne sont pas suffisamment motivées.

55      Il convient de rappeler que le droit à une bonne administration comporte, notamment, conformément à l’article 41, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, l’obligation pour l’administration de motiver ses décisions. Cette obligation, qui découle également de l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001, a pour double objectif de permettre, d’une part, aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits et, d’autre part, au juge de l’Union d’exercer son contrôle sur la légalité de la décision concernée (voir, en ce sens, arrêts du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 111, et du 17 mars 2016, Naazneen Investments/OHMI, C‑252/15 P, non publié, EU:C:2016:178, point 29).

56      Par ailleurs, cette obligation a la même portée que celle découlant de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, lequel exige que la motivation fasse apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’auteur de l’acte, sans qu’il soit nécessaire que cette motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait auxdites exigences devant cependant être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir, en ce sens, arrêt du 21 octobre 2004, KWS Saat/OHMI, C‑447/02 P, EU:C:2004:649, points 63 à 65, et ordonnance du 14 avril 2016, KS Sports/EUIPO, C‑480/15 P, non publiée, EU:C:2016:266, point 32) . En outre, il convient de rappeler que l’obligation de motiver des décisions constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, point 48, et du 17 septembre 2015, Ricoh Belgium/Conseil, T‑691/13, non publié, EU:T:2015:641, point 32).

1)      En ce qui concerne le caractère opérant de la première branche du premier moyen

57      L’EUIPO, parce qu’il estime que la troisième branche du premier moyen est irrecevable, fait valoir que la première branche dudit moyen, tirée d’un défaut de motivation, est inopérante.

58      Or, ainsi qu’il résulte des points 26 à 31 ci-dessus, la fin de non-recevoir opposée par l’EUIPO à la troisième branche du premier moyen doit être écartée. Il s’ensuit qu’il convient d’écarter également l’argument de l’EUIPO selon lequel la première branche dudit moyen est inopérante.

2)      En ce qui concerne le bien-fondé de la première branche du premier moyen

i)      Sur le premier grief

59      La requérante relève que, au point 21 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que le public pertinent, lorsqu’il serait confronté à des chaussures comportant des lacets à pointes rouges, ne serait pas en mesure d’identifier un signe se distinguant de la forme d’une partie des produits pour lesquels l’enregistrement est demandé. Selon la chambre de recours, le signe demandé ne différerait donc pas de l’apparence du produit lui-même.

60      La requérante estime que cette appréciation n’est pas « suffisamment réfléchie ». Elle fait valoir qu’il n’est pas nécessaire que toutes les extrémités de lacets soient de couleur rouge. Dès lors, selon elle, « étant donné qu’il n’est pas nécessaire d’effectuer une distinction par la couleur du bout des lacets, la décision attaquée présente un défaut de motivation ». Le signe dont l’enregistrement est demandé serait, quant à lui, parfaitement clair. Les raisons pour lesquelles la chambre de recours a estimé qu’il se confondait avec le produit lui-même seraient donc incompréhensibles.

61      Bien qu’elle conteste formellement la motivation de la décision attaquée, la requérante, par ce premier grief, conteste en fait le bien-fondé des motifs de la décision attaquée. Or, d’une part, ainsi qu’il a été rappelé au point 39 ci-dessus, la chambre de recours a, sans la moindre équivoque et avec une clarté suffisante pour permettre à la requérante de le contester et au Tribunal d’exercer son contrôle sur ce point, estimé que le signe demandé se confondait avec l’apparence des produits visés par la demande d’enregistrement.

62      D’autre part, pour autant que la requérante doive être regardée comme contestant au fond l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle le signe demandé se confond avec l’apparence des produits visés par la demande d’enregistrement, il suffit de rappeler, en premier lieu, que, lors de l’audience, la requérante a expressément admis que le critère applicable en l’espèce était celui de la divergence significative par rapport aux habitudes du secteur (voir point 42 ci-dessus) et de renvoyer, en second lieu, pour ce qui concerne l’application de ce critère, au point 49 ci-dessus.

ii)    Sur le second grief

63      À l’appui du second grief qu’elle soulève dans le cadre de la première branche du premier moyen, en premier lieu, la requérante rappelle que la chambre de recours, au point 22 de la décision attaquée, a indiqué que le critère de la divergence significative par rapport à la norme ou aux habitudes du secteur devait être appliqué pour l’appréciation du caractère distinctif de la marque demandée. Or, elle fait valoir que la chambre de recours a omis de préciser en quoi consistaient les « habitudes du secteur » sur lesquelles elle s’est fondée. Selon la requérante, une telle lacune constitue un défaut de motivation.

64      À cet égard, il convient de rappeler que la chambre de recours a mentionné, au point 35 de la décision attaquée, les exemples qui lui permettaient de considérer que la marque demandée n’était pas substantiellement différente des habitudes du secteur (voir point 49 ci-dessus). Dans ces conditions, contrairement à ce que prétend la requérante, la chambre de recours n’était pas tenue de définir plus avant ce que sont les habitudes du secteur.

65      En deuxième lieu, la chambre de recours n’aurait pas précisé pour quelles raisons, au point 32 de la décision attaquée, elle a entériné l’appréciation de l’examinateur selon laquelle le public ciblé n’attribuerait qu’un caractère purement décoratif aux extrémités rouges des lacets, si bien que la marque demandée serait dépourvue de caractère distinctif.

66      Cependant, la chambre de recours ayant démontré, à l’appui des exemples figurant au point 35 de la décision attaquée, qu’il existait sur le marché des lacets dont l’embout était de couleur différente de celle du reste du lacet, cette constatation suffisait pour considérer que la marque demandée ne différait pas substantiellement des usages du marché. Dès lors, dans la mesure où, selon la jurisprudence mentionnée au point 56 ci-dessus, la motivation n’implique pas que soient spécifiés tous les éléments de fait et de droit pertinents, la chambre de recours n’était pas tenue d’indiquer les raisons pour lesquelles elle a considéré que le public pertinent attribuerait un caractère purement décoratif aux extrémités rouges des lacets.

67      En troisième lieu, la requérante estime qu’une marque consistant en la position spécifique d’un élément figuratif est susceptible d’être pourvue de caractère distinctif, alors même que, indépendamment de cette position, l’élément figuratif lui-même pourrait en être dépourvu. La chambre de recours ayant posé cette prémisse au point 40 de la décision attaquée, elle aurait dû en déduire que la marque demandée présentait un caractère distinctif. À cet égard, la requérante rappelle qu’il n’est pas nécessaire de donner une couleur aux extrémités des lacets. Ainsi, la marque demandée, limitée à une seule couleur, serait reconnaissable. Elle ne devrait pas être considérée comme décorative, mais plutôt comme un « signe simple, tel qu’on en utilisait jadis pour marquer les bovins, afin de clarifier les relations de propriété ».

68      Néanmoins, ainsi qu’il a été rappelé au point 49 ci-dessus, la chambre de recours a suffisamment établi que l’extrémité rouge des lacets en cause en l’espèce ne divergeait pas de manière significative des usages du secteur. Dès lors, elle n’était pas tenue d’indiquer les raisons pour lesquelles, en l’espèce, la position de l’élément figuratif en cause, à savoir les embouts des lacets, n’était pas susceptible de conférer un caractère distinctif à la marque demandée. Cet argument de la requérante, en tant qu’il devrait être considéré comme étant relatif au bien-fondé des motifs de la décision attaquée et non à sa motivation, doit être écarté pour les raisons indiquées aux points 42 à 52 ci-dessus.

69      Il résulte de ce qui précède que la première branche du premier moyen doit être écartée.

c)      Sur la deuxième branche du premier moyen

70      Par la deuxième branche du premier moyen qu’elle invoque, la requérante fait valoir qu’elle n’était pas tenue de prouver le caractère distinctif de la marque demandée et que, en tout état de cause, elle a fourni des preuves suffisantes en ce sens. En inversant la charge de la preuve et en contestant le caractère probant des éléments qu’elle a fournis, l’EUIPO aurait violé le principe d’examen d’office prévu à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

1)      Sur le caractère opérant de la deuxième branche du premier moyen

71      L’EUIPO, parce qu’il estime que la troisième branche du premier moyen est irrecevable, fait valoir que la deuxième branche dudit moyen est inopérante.

72      Or, pour les raisons indiquées au point 58 ci-dessus, il convient d’écarter également cet argument.

2)      Sur le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen

73      En ce qui concerne le bien-fondé de la deuxième branche du premier moyen, il suffit d’observer que le principe d’examen d’office prévu à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, permet simplement à l’EUIPO de retenir des faits qui ne lui sont pas soumis par les parties à la procédure d’enregistrement lorsqu’est en cause, comme en l’espèce, un motif absolu de refus d’enregistrement.

74      Il appartenait en revanche à la requérante, dès lors qu’elle contestait le refus d’enregistrement qui lui a été opposé par l’examinateur, d’apporter des éléments de preuve suffisants à l’appui de sa contestation. Dès lors, en fondant la décision attaquée sur des éléments de preuve avancés par l’examinateur dont la requérante n’a pas contesté la valeur probante, la chambre de recours n’a ni renversé la charge de la preuve ni méconnu le principe d’examen d’office prévu à l’article 95, paragraphe 1, du règlement 2017/1001.

75      Il s’ensuit que la deuxième branche du premier moyen et, par suite, celui-ci dans son ensemble doivent être écartés.

B.      Sur le deuxième moyen

76      Le deuxième moyen invoqué par la requérante est tiré d’une violation du principe d’égalité de traitement, en ce que la chambre de recours a rejeté la demande d’enregistrement, alors pourtant que la requérante avait cité durant la procédure des décisions d’enregistrement de marques comparables. Or, la chambre de recours n’aurait ni tenu compte ni même évoqué ces décisions antérieures.

77      Ainsi, la requérante produit en annexe huit décisions démontrant, selon elle, que la marque demandée peut être enregistrée. Elle estime que c’est à tort que la chambre de recours n’en a pas tenu compte.

1.      Sur le caractère opérant du deuxième moyen

78      L’EUIPO, parce qu’il estime que la troisième branche du premier moyen est irrecevable, fait valoir que le deuxième moyen est inopérant.

79      Or, pour les raisons indiquées au point 58 ci-dessus, il convient d’écarter également cet argument.

2.      Sur le bien-fondé du deuxième moyen

80      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 76 et 77 ci-dessus, par le deuxième moyen qu’elle invoque, la requérante fait valoir que la chambre de recours a violé le principe d’égalité de traitement en ne prenant pas en compte des décisions antérieures ayant autorisé l’enregistrement de diverses marques de position, notamment pour des chaussures.

81      Certes, selon la jurisprudence, eu égard aux principes d’égalité de traitement et de bonne administration, l’EUIPO doit, dans le cadre de l’instruction d’une demande d’enregistrement d’une marque de l’Union, prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et s’interroger avec une attention particulière sur le point de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 73 et 74).

82      Toutefois, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité. Par conséquent, la personne qui demande l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne saurait invoquer à son profit une illégalité éventuelle commise en faveur d’autrui afin d’obtenir une décision identique. Au demeurant, pour des raisons de sécurité juridique et, précisément, de bonne administration, l’examen de toute demande d’enregistrement doit être strict et complet afin d’éviter que des marques ne soient enregistrées de manière indue. Cet examen doit avoir lieu dans chaque cas concret. En effet, l’enregistrement d’un signe en tant que marque dépend de critères spécifiques, applicables dans le cadre des circonstances factuelles du cas d’espèce, destinés à vérifier si le signe en cause ne relève pas d’un motif de refus (arrêt du 10 mars 2011, Agencja Wydawnicza Technopol/OHMI, C‑51/10 P, EU:C:2011:139, points 75 à 77).

83      En l’espèce, il résulte de l’examen du premier moyen du recours que la demande de marque présentée par la requérante se heurte au motif de refus énoncés à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009. Dès lors, la requérante ne saurait utilement invoquer des décisions antérieures de l’EUIPO.

84      Il s’ensuit que le deuxième moyen doit également être écarté.

C.      Sur le troisième moyen

85      À l’appui du troisième moyen qu’elle invoque, la requérante rappelle que, dans le mémoire exposant les motifs du recours, elle avait demandé à la chambre de recours de lui indiquer quels étaient les éléments de preuve nécessaires et, notamment, si elle devait fournir une étude de marché. Or, la chambre de recours ne lui aurait pas fait part de sa position à ce sujet avant d’adopter la décision attaquée. Elle aurait ainsi méconnu son droit d’être entendue.

86      L’EUIPO conteste cette argumentation.

87      Il suffit, à cet égard, d’indiquer que le droit d’être entendu énoncé à l’article 94, paragraphe 1, deuxième phrase, du règlement 2017/1001 prévoit que les décisions de l’EUIPO ne peuvent être fondées que sur des motifs ou des preuves au sujet desquels les parties ont pu prendre position. En revanche, ce droit n’implique pas que l’EUIPO indique aux parties les preuves qu’elles doivent fournir pour établir le bien-fondé de leur argumentation.

88      Or, la requérante ne soutenant pas que la chambre de recours s’est fondée sur des éléments de preuve sur lesquels elle n’aurait pu prendre position, il s’ensuit que le troisième moyen doit également être écarté.

89      Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté.

IV.    Sur les dépens

90      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

91      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Think Schuhwerk GmbH est condamnée aux dépens.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 novembre 2021.

Signatures


*      Langue de procédure : l’allemand.