Language of document : ECLI:EU:T:2021:819

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 novembre 2021 (*) (1)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreurs d’appréciation »

Dans l’affaire T‑257/19,

Khaldoun Al Zoubi, demeurant à Damas (Syrie), représenté par Me L. Cloquet, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 13), du règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 4), de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 132, p. 36), du règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 132, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 21 octobre 2020,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

1        Le requérant, M. Khaldoun Al Zoubi, également nommé M. Al-Zoubi, est décrit par le Conseil de l’Union européenne comme étant un homme d’affaires de nationalité syrienne ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont la liste figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

6        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2012, L 16, p. 1).

7        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9        Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein » et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par [lui] et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12      Par la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2019, L 18 I, p. 13), et par le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 18 I, p. 4) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été inséré à la ligne 268 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »), avec mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris son poste de vice-président d’Aman Holding et son titre d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman. Il a, à ce titre, des liens avec Samer Foz. Aman Holding est représentée au conseil d’administration de Aman [Dimashq] (dans lequel [elle] détient une participation majoritaire), coentreprise active dans la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime. [Al Zoubi] profite du régime et/ou soutient ce dernier, du fait de sa fonction de vice-président d’Aman Holding. »

13      Le 22 janvier 2019, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2019, C 27, p. 3).

14      Par lettre du 20 février 2019, le représentant du requérant s’est opposé à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et a demandé au Conseil de lui communiquer les documents étayant ladite inscription.

15      Par lettre du 12 mars 2019, d’une part, le Conseil a indiqué au représentant du requérant que, en substance, ses observations n’étaient pas de nature à remettre en cause la décision d’inscrire le nom du requérant sur les listes en cause. D’autre part, le Conseil lui a communiqué le document portant la référence WK 47/2019 INIT, daté du 28 février 2019, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de ladite inscription.

16      Le 17 mai 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/806, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2020 ; le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/798, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2019 »). Le nom du requérant a été maintenu à une ligne différente, la ligne 286 du tableau A des listes en cause sur la base de motifs identiques à ceux figurant dans les actes initiaux.

17      Par lettre du 20 mai 2019, le Conseil a informé le représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2019 ainsi que de la possibilité de solliciter un réexamen de la décision de maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause avant le 28 février 2020.

18      Par lettre du 28 février 2020, le requérant, par l’intermédiaire de son représentant, s’est opposé au maintien de son nom sur les listes en cause.

19      Par lettres des 16 et 22 avril 2020, le Conseil a informé le requérant, tout d’abord, de son intention de maintenir son nom sur les listes en cause pour des motifs partiellement différents de ceux figurant dans les actes de maintien de 2019. Ensuite, le Conseil l’a invité à présenter ses observations sur la proposition de motifs d’inscription avant le 4 mai 2020. Enfin, le Conseil lui a communiqué, tout d’abord, le document portant la référence WK 3600/2020 INIT, du 6 avril 2020, puis le document portant la référence WK 3600/2020 REV 1, du 20 avril 2020, incluant la traduction en français des éléments de preuve rédigés en arabe, comprenant les éléments de preuve venant au soutien de la proposition de motifs d’inscription partiellement modifiés par rapport à ceux des actes de maintien de 2019.

20      Par lettre du 4 mai 2020, le requérant a contesté la proposition de motifs d’inscription sur laquelle le Conseil entendait se fonder ainsi que la fiabilité et l’exactitude du document WK 3600/2020 REV 1.

21      Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2021, et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2020 »). Le nom du requérant a été maintenu à la ligne 286 du tableau A des listes en cause, sous des motifs partiellement différents de ceux mentionnés dans les actes de maintien de 2019. Le Conseil a justifié l’adoption des mesures restrictives à son égard par la mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris son poste de vice-président de Aman Holding et son titre d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman (jusqu’en février 2019). Il a, à ce titre, des liens avec Samer Foz. Aman Holding est représentée au conseil d’administration de Aman [Dimashq] (dans lequel [elle] détient une participation majoritaire), coentreprise active dans la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime syrien. [Al Zoubi] profite du régime et/ou soutient ce dernier. Membre fondateur de “Asas Iron Company”. »

22      Par lettre du 2 juin 2020, le Conseil a informé le représentant du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2020 ainsi que de la possibilité de solliciter un réexamen desdits actes, avant le 1er mars 2021. Le Conseil a également informé le représentant du requérant que, en substance, les observations transmises dans ses lettres du 28 février et du 4 mai 2020 n’étaient pas de nature à remettre en cause la décision de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

 Procédure et conclusions des parties

23      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, le requérant a introduit le présent recours tendant à l’annulation des actes initiaux, en tant que ces actes le concernent.

24      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2019, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête.

25      Le 8 août 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense et les observations sur le premier mémoire en adaptation.

26      La réplique a été déposée le 1er octobre 2019.

27      Par décision du 17 octobre 2019, le président du Tribunal a, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.

28      La duplique a été déposée le 8 janvier 2020.

29      La phase écrite de la procédure a été close le 8 janvier 2020.

30      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 23 juillet 2020, demandé au Conseil de répondre à une série de questions. Le Conseil a répondu aux questions dans le délai imparti.

31      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté une seconde fois la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2020, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête ainsi que dans le premier mémoire en adaptation et a présenté de nouveaux arguments.

32      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 30 septembre 2020, demandé au Conseil de produire un document. Le Conseil a déféré à cette demande dans le délai imparti. Au cours de l’audience qui s’est tenue le 21 octobre 2020, le requérant n’a pas soumis d’observations sur les réponses du Conseil aux différentes mesures d’organisation décidées par le Tribunal.

33      Le 2 octobre 2020, le Conseil a présenté ses observations sur le second mémoire en adaptation.

34      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal au cours de l’audience qui s’est déroulée le 21 octobre 2020.

35      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux, les actes de maintien de 2019 et les actes de maintien de 2020 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

36      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719 en tant que celles-ci concernent le requérant, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716 en tant qu’ils concernent le requérant.

 En droit

37      Au soutien de son recours, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, d’erreurs d’appréciation, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième, d‘une violation du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique, le quatrième, d’un « abus de pouvoir », le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation et, enfin, le sixième, d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

38      Il convient de commencer par examiner le premier moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation

39      En premier lieu, le requérant conteste être un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À cet égard, il conteste les éléments retenus par le Conseil pour inscrire son nom sur les listes en cause. En particulier, le requérant fait valoir qu’il existe une distinction claire entre la fonction de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding JSC qu’il a occupée et la fonction de vice-président. En outre, le requérant fait valoir qu’il a démissionné avec effet immédiat de cette fonction. Ensuite, il reconnaît être le fondateur et l’actionnaire majoritaire de Fly Aman LLC, mais il soutient qu’il a transféré l’intégralité de sa participation. De plus, la qualification du requérant retenue par le Conseil de « chef d’entreprise actif dans divers secteurs en Syrie et à l’étranger » ne serait pas étayée, puisque le document WK 47/2019 INIT ne ferait référence qu’à deux sociétés ayant leur siège social en Syrie et au regard desquelles le Conseil serait en mesure de prouver qu’il y a travaillé et son prétendu statut. Le requérant ne serait pas, directement ou indirectement, impliqué dans le projet Marota City, de sorte qu’il n’aurait pas pu exploiter des terres expropriées appartenant à des personnes déplacées par le conflit en Syrie, ce qui les aurait empêchées de regagner leur foyer. En outre, les missions confiées au requérant en tant que salarié d’Aman Holding, actionnaire d’Aman Damascus JSC (ci-après « Aman Dimashq »), chargée des droits de construction d’une partie des terrains de Marota City, n’auraient jamais inclus la supervision des activités de cette dernière qui était réservée à un autre salarié, M. Bashar Assi. Enfin, selon le requérant, le projet Marota City ne concerne en aucun cas l’exploitation de terrains expropriés, de sorte que ni le projet Marota City dans son ensemble ni Aman Dimashq ne pourraient être qualifiés d’entreprises bénéficiant du soutien de l’État.

40      En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2020, le requérant conteste le nouveau motif d’inscription de son nom, relatif à sa qualité de membre fondateur d’Asas Iron Company et fait valoir, à cet égard, qu’il n’a jamais été le fondateur ou le propriétaire d’Asas Iron Company et n’a jamais été autrement impliqué dans cette société, ni même lié à celle‑ci.

41      En troisième lieu, le requérant soutient que le Conseil n’a pas fourni suffisamment d’informations prouvant qu’il a un lien avec le régime syrien. En outre, les preuves liées à l’obtention de la citoyenneté libanaise par le requérant établiraient qu’il ne fait pas partie du cercle restreint des femmes et hommes d’affaires proches du régime syrien et qu’il n’est absolument pas associé audit régime.

42      En quatrième lieu, de nombreuses pièces concerneraient M. Samer Foz ou d’autres sociétés liées à celui‑ci, mais auxquelles le requérant ne serait pas associé, comme par exemple Aman Dimashq. En outre, aucune des pièces du document WK 47/2019 INIT ne ferait expressément référence au lien supposé du requérant avec le régime syrien. En revanche, le requérant reconnaît que, en tant que simple salarié d’Aman Holding, il a précédemment entretenu des liens professionnels avec M. Foz.

43      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

 Considérations liminaires

44      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

45      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

46      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

47      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

48      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

49      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

50      Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

51      Il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

52      Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, mentionnés aux points 12 et 21 ci-dessus, que ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

53      À cet égard, il convient d’observer que, si le Conseil a affirmé, dans le cadre de ses écritures, que le requérant avait été inscrit sur les listes en cause sur la base du seul critère d’inscription énoncé à l’article 27, paragraphe 2, sous a), et à l’article 28, paragraphe 2, sous a), de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, il a, en revanche, déclaré, lors de l’audience, que le requérant avait été inscrit sur la base de trois critères d’inscription. En effet, outre les deux critères mentionnés au point 52 ci-dessus, le Conseil a indiqué que le requérant avait été inscrit en raison de ses liens avec M. Foz. Par conséquent, son inscription serait aussi fondée sur le critère défini à l’article 27, paragraphe 2, dernière phrase, et à l’article 28, paragraphe 2, dernière phrase, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et à l’article 15, paragraphe 1 bis, dernière phrase, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (personnes et entités qui sont liées aux personnes et entités relevant de l’un des critères d’inscription sur les listes de l’Union). Toutefois, dans le contexte des motifs d’inscription présentés par le Conseil dans les actes attaqués, la seconde phrase desdits motifs, selon laquelle le requérant « a, à ce titre, des liens avec Samer Foz », ne peut être comprise qu’en référence à la première phrase qui, quant à elle, renvoie au critère de l’homme d’affaires influent. Par conséquent, le nom du requérant a bien été inscrit et maintenu sur les listes en cause sur le fondement des deux critères mentionnés au point 52 ci-dessus.

54      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé par le requérant et, tout d’abord, les arguments de ce dernier qui visent, en substance, à remettre en cause le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

 Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

55      Tout d’abord, pour justifier l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes figurant aux annexes des actes initiaux et des actes de maintien de 2019, le Conseil a fourni le document WK 47/2019 INIT comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet « Salon Syria », un blog composé de brèves journalistiques qui réunit de nouveaux articles liés à la Syrie, dont un article du 7 juin 2018 intitulé « Syrian Controversy in Lebanon » (Controverse syrienne au Liban) ; cet article inclut une déclaration du ministre de l’Intérieur libanais au regard d’un décret du gouvernement du Liban accordant la citoyenneté libanaise à des ressortissants étrangers, notamment de nationalité syrienne ; cette nationalité a été accordée à 411 ressortissants étrangers, dont le requérant, désigné comme étant le vice-président d’Aman Holding ; le requérant y est décrit comme homme d’affaires reconnu issu du cercle appartenant au proche entourage du gouvernement syrien ; selon l’article, le décret naturalisant le requérant n’a pas été publié au préalable selon les normes en vigueur et soulève des doutes concernant la motivation de cette naturalisation dans la mesure où une fraction importante de la population résidant au Liban depuis plusieurs années se trouve toujours dans l’attente d’une telle naturalisation libanaise ;

–        du site Internet « aawsat.com », du quotidien britannique Asharq al-Awsat (Le Moyen-Orient), dont l’article intitulé « Exclusive – 4 “Suspicious” Names behind freezing of Lebanon’s Naturalization Decree » (À la une – 4 noms « suspects » à l’origine de la suspension du décret de naturalisation libanais) a été publié le 8 juin 2018 et fournit des détails concernant la publication par les autorités libanaises de 400 noms de personnes ayant acquis la nationalité libanaise conformément à un décret gouvernemental controversé ; en outre, cet article désigne le requérant comme l’un des ressortissants étrangers ayant obtenu la nationalité libanaise et il est décrit comme étant le directeur de cabinet de l’homme d’affaires M. Foz ;

–        du site Internet « meirss.org », du Middle East Institute for Research and Strategic Studies (MEIRSS), dont l’article intitulé « Lebanese Nationalization Decree : Sanction Evasion & Shady Business ? » (Le décret libanais de naturalisation : contournement des sanctions et affaires douteuses ?) a été publié le 20 juin 2018 et apporte une analyse plus approfondie du décret du gouvernement libanais en matière de naturalisation ; cet article se réfère au requérant comme étant le vice-président d’Aman Holding, un homme d’affaires syrien et un actionnaire majoritaire détenant 90 % des parts de Fly Aman ; enfin, l’article indique que le requérant est sous surveillance internationale en raison de ses liens supposés avec le régime syrien et de ses liens étroits avec M. Foz, un proche du régime du président Bashar Al-Assad ;

–        du site Internet syrien « 7al.net », contenant un article intitulé « Two employees of a businessman, Samer Foz, founded an airline » (Deux employés de l’homme d’affaires, Samer Foz, ont créé une compagnie aérienne), publié le 10 avril 2018, qui mentionne que le requérant et l’homme d’affaires syrien M. Assi ont fondé une nouvelle compagnie aérienne, Fly Aman, à Damas (Syrie) ; selon cet article, le requérant et M. Assi sont employés par une société détenue par M. Foz ; cet article indique que le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien a ratifié les statuts de Fly Aman dont 90 % des parts appartiennent au requérant ; en outre, Fly Aman fait des affaires dans les services d’information aux passagers et pour le fret, possède, achète, prête, affrète et investit dans les aéronefs, arrange des plans de vol et fournit des services de conseil, des services au sol et des services d’agence ; enfin, selon cet article, en Syrie, le secteur de l’aviation civile souffre de grandes difficultés au regard des opérations militaires s’y déroulant depuis plus de sept ans et ayant pour conséquence la cessation du trafic touristique et celle des services au sein de certains aéroports ;

–        d’une page du site Internet « LinkedIn », un réseau social professionnel, contenant une capture d’écran de la page d’Aman Holding, consultée le 18 octobre 2018, sur laquelle la société s’est décrite comme étant l’un des conglomérats du pays les plus grands et les plus diversifiés ; Aman Holding est un groupe diversifié, appartenant au secteur privé, intervenant dans le commerce international et possédant une société importatrice localisée en Syrie ; elle dispose d’un prestige unique dans le monde des affaires syrien et possède de nombreuses filiales : Foz for Trading, la holding du groupe et l’un des plus grands importateurs de denrées de base de la région ; Al-Mohaimen for Transportation & Contracting, le bras opérationnel du groupe, qui fournit un soutien logistique illimité à Foz for Trading  grâce à une importante flotte terrestre ; et Emmar Industries, un partenariat stratégique dans l’industrie sidérurgique (usine de laminage et usine d’assemblage de voitures) ; Aman Holding a des relations stratégiques avec un réseau étendu de fournisseurs dans plus de 30 pays sur quatre continents, elle dispose d’une main-d’œuvre hautement qualifiée et fiable ainsi que d’infrastructures modernes et intégrées ; le groupe a son siège social à Damas et possède des bureaux à Lattaquié, Hama, Homs et Tartous (Syrie) ;

–        du site Internet du journal d’information syrien Wall Street Journal qui, dans un article publié le 5 septembre 2017, intitulé « Out of Syria’s Chaos, a Tycoon Builds a Fortune » (Du chaos syrien, un magnat construit une fortune), donne des détails concernant la variété des affaires que dirige M. Foz, lequel est présenté comme ayant accumulé une fortune pendant la guerre qui a anéanti son pays ; en outre, l’article indique que M. Foz est resté proche du gouvernement syrien au cours de la guerre et que, plus tard, il a réalisé des affaires avec ce dernier ; enfin, l’article décrit les sociétés détenues par M. Foz, dont Aman Holding serait la société faîtière (umbrella company) ;

–        du site Internet « The Syrian Observer », qui, dans un premier article publié le 6 avril 2018, intitulé « Alliance Companies Monopolizes New Damascus Development Organizations » (L’alliance des sociétés monopolise les nouvelles organisations de développement de Damas), indique que des hommes et des femmes d’affaires proches du régime syrien investissent dans les nouveaux projets de reconstruction impulsés par ce dernier à Damas ainsi que dans la banlieue de Damas ; selon cette source, ces hommes et femmes d’affaires seraient choisis par le régime syrien en fonction de leur soumission, de leur loyauté et de leurs liens avec les marchés étrangers ; puis, un second article, publié le 6 août 2018 sur le site Internet « The Syrian Observer », mais qui provient du blog « Salon Syria » ; cet article est intitulé « Samer Foz is a Primary Target of US Sanctions » (Foz est une cible principale des sanctions américaines) ; dans cet article, M. Foz est décrit comme étant placé à la tête de sociétés et d’institutions qui sont sous son contrôle ; M. Foz est ainsi décrit comme étant le président exécutif d’Aman Holding, établie en 1988, qui a été divisée en plusieurs sociétés, dont Foz for Trading, en fonction des différents investissements réalisés dans le domaine de l’exportation et de l’importation de denrées alimentaires, avant que Foz n’investisse dans des projets immobiliers situés en Syrie, au Liban et en Russie ou ailleurs et ne lance une chaîne de télévision ;

–        du site Internet « The Syria Report », qui, dans un article du 1er juin 2018 intitulé « Factsheet : Marota City, Syria’s Most Controversial Investment Project » (Résumé : Marota City, le projet d’investissement syrien le plus controversé), indique que le projet de construction de la cité de luxe dénommé « Marota City » est un projet soutenu par le régime syrien dans le cadre du décret no 66/2012, ce dernier ayant permis l’expropriation et l’exploitation de terrains au statut socio-économique inférieur, dont le quartier de Mazeeh, dénommé Basateen Al-Razi, situé à Damas ; Marota City est le nouveau nom donné au quartier d’une superficie de 2,15 millions de mètres carrés ; cette zone est proche du centre-ville, des ambassades et des services de sécurité, ce qui la rend attractive aux yeux des promoteurs immobiliers ; selon cet article, la société de droit privé Damascus Cham Holding est détenue par le gouvernorat de Damas et a créé, avec M. Foz, en juillet 2017, la coentreprise Aman Dimashq, dotée d’un capital de 10 milliards de livres syriennes (SYP) [18,9 millions de dollars des États-Unis (USD), environ 16,8 millions d’euros] ; cet article ajoute qu’Aman Holding détient, selon la même source, la majorité des parts de cette coentreprise et nomme trois représentants au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq ; en outre, il est indiqué que, en septembre 2017, Damascus Cham Holding a accordé à Aman Dimashq les droits de construction de trois gratte-ciel devant compter jusqu’à 70 étages et de cinq bâtiments résidentiels d’une valeur de 312 millions d’USD (environ 278,1 millions d’euros) ; enfin, cet article ajoute que M. Foz est devenu l’un des acteurs économiques les plus puissants et que son influence sur les plus hautes sphères de l’élite syrienne résulte de ses liens étroits avec le président Bashar Al-Assad ;

–        du site Internet « Syrian Law Journal », qui, sur une page du 14 mai 2018, révèle que le décret no 66/2012 a établi les conditions de délimitation des zones de Damas qui seraient dédiées au projet Marota City ; le décret no 19/2015 aurait, quant à lui, permis la création de sociétés privées par des entités publiques afin d’organiser et d’investir dans les biens appartenant aux divers gouvernorats ; selon cette source, le gouvernorat de Damas aurait ainsi pu créer, en 2016, Damascus Cham Holding dans l’objectif de développer le projet Marota City ; le gouvernorat de Damas détiendrait la totalité des parts de Damascus Cham Holding et le gouverneur de Damas serait le président de cette société ;

–        du site Internet du gouvernement syrien « 66.damascus.gov.sy », qui, sur une page datée du 18 septembre 2012, reproduit la partie du décret no 66/2012 identifiant les deux zones de Damas désignées afin d’y réaliser un projet de développement résidentiel et commercial ;

–        du site Internet « Damacham.sy » de la société Damascus Cham Holding, dont la page est datée du 5 septembre 2017 et a été consultée le 20 septembre 2018, selon laquelle la première assemblée générale d’Aman Dimashq s’est tenue, le 7 octobre 2017, au siège de Damascus Cham Holding, qui se situe sur le site du projet Marota City ; selon ce site, M. Assi a été nommé président du conseil d’administration d’Aman Dimashq et il est représentant d’Aman Holding ; de surcroît, le projet réalisé par Aman Dimashq est, au vu de son ampleur, l’un des plus importants et des plus grands du projet Marota City et la valeur de l’investissement est supérieure à 150 milliards de SYP ;

–        du site Internet « The Foundation for Strategic Research », qui, dans un article publié en avril 2018, énonce les circonstances ayant guidé l’adoption du décret no 66/2012 ; cette source mentionne que, selon les autorités syriennes, le décret no 66/2012 visait à améliorer les conditions de vie des habitants en remplaçant les habitations mal construites par des constructions plus modernes et confortables ; selon cet article, seules deux zones d’habitation de Damas, dont les habitants ont appuyé l’opposition, ont été désignées dans ce décret tandis que ledit décret a laissé intacts des quartiers de Damas où les habitants vivent dans des conditions similaires, mais où, à l’inverse, ils ont soutenu le régime syrien ; enfin, l’article indique que le décret va, d’une part, faciliter le développement rapide d’importants projets de construction favorisant l’enrichissement d’hommes et de femmes d’affaires proches du régime et, d’autre part, servir d’instrument punitif à l’encontre des franges de la population opposées au régime syrien ;

–        du site Internet « Brookings Institution », qui a publié un rapport, daté du mois de juin 2018 et intitulé « Beyond Fragility : Syria and the challenges of reconstruction in fierce states » (Au-delà de la fragilité : la Syrie et les défis de la reconstruction dans les États violents), qui mentionne les actes adoptés par le régime syrien, dont le décret no 66/2012, afin de faire saisir des terrains et des biens, de punir les opposants, de récompenser les personnes proches du régime syrien et les gouverneurs, de réimposer son autorité sur le territoire, de renforcer le contrôle sur l’économie syrienne et d’« aménager » la démographie syrienne pour atteindre, selon les termes de M. Bashar Al-Assad, une « société plus saine et homogène » ; selon ce rapport, le régime syrien, se fondant sur une réglementation nouvelle et préexistante, a exproprié des quartiers de Damas connus pour être des zones favorables à l’opposition et des biens appartenant à des personnes déplacées et suspectées d’être en faveur de l’opposition pour en faire profiter certains hommes d’affaires ; enfin, selon cet article, le projet de construction de la cité de luxe « Marota City » est cité, dans ce rapport, comme l’exemple le plus saillant de cette politique ;

–        du site Internet « Aliqtisadi », consulté le 12 novembre 2018, qui est un site d’information du monde des affaires rédigé en arabe et indiquant que le requérant est le directeur général et le partenaire fondateur de Fly Aman depuis 2018 et possède 90 % des parts de la société évaluées à 63 millions de SYP (environ 127 342 euros).

56      Ensuite, pour justifier le maintien du nom du requérant sur les listes figurant aux annexes des actes de maintien de 2020, le Conseil a fourni, en plus du document WK 47/2019 INIT, le document WK 3600/2020 REV 1, comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet « Eqtsad News », dont l’article, intitulé « Qui est assis à côté de Samer Foz lors de la réunion au Sheraton ? », a été publié le 2 octobre 2019 et décrit le requérant comme étant un partenaire d’affaires de M. Foz ; ce dernier a fait du requérant son associé dans la société Fly Aman depuis 2018, dont le requérant détient plus de 90 % des parts ; le requérant est aussi un membre fondateur d’Assas lil-Hadid ; selon cet article, il occupe également la fonction de vice-président du conseil d’administration d’Aman Holding, société détenue depuis 2017 par M. Foz ;

–        du site Internet « Aliqtisadi », dont la page « who is who », consultée le 12 mars 2020, indique que le requérant est le président et co-fondateur de la société à responsabilité limitée Fly Aman depuis 2018 ; selon ce site, le requérant détient 90 % des parts pour une valeur de 63 millions de SYP et est également vice-président du conseil d’administration d’Aman Holding depuis 2017 ; enfin, ce site indique que le requérant est membre du conseil d’administration de la société Assas lil-Hadid ;

–        du site Internet « newturkpost.com », consulté le 12 mars 2020, qui concerne un reportage sur l’accord du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien à la création d’une nouvelle compagnie aérienne en Syrie, daté du 4 avril 2019, et qui mentionne que le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien a approuvé, en avril 2018, la création d’une compagnie aérienne privée, Fly Aman, dont 90 % des actions sont détenues par le requérant, vice-président du conseil d’administration d’Aman Holding, société détenue par l’homme d’affaires M. Foz.

57      Il ressort du dossier que la première page du document WK 47/2019 INIT, qui contient les éléments de preuve visant à étayer les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, indique la date du 28 février 2019, alors que les actes initiaux, inscrivant pour la première fois le nom du requérant sur lesdites listes, ont été adoptés antérieurement, le 21 janvier 2019. En réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées le 30 septembre 2020 par le Tribunal, visant à confirmer l’existence d’un dossier de preuves lors de l’adoption des actes initiaux, le Conseil a soutenu que le document WK 47/2019 INIT indiquait la date du 28 février 2019 en raison d’un problème technique. Le Conseil a indiqué que les éléments de preuve contenus dans le document WK 47/2019 INIT faisaient partie de la proposition d’inscription du nom du requérant sur les listes annexées aux actes initiaux.

58      À cet égard, il convient de rappeler que la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée). Par conséquent, il incombe au Tribunal de ne tenir compte que des éléments de fait qui existaient au moment de l’adoption des actes attaqués et sur lesquels le Conseil s’est fondé à cette date (voir, en ce sens, arrêts du 30 novembre 2016, Rotenberg/Conseil, T‑720/14, EU:T:2016:689, point 127, et du 15 juin 2017, Kiselev/Conseil, T‑262/15, EU:T:2017:392, points 102 à 104).

59      Le Conseil a produit, à cet effet, le document ST 10248/20, du 15 septembre 2020, contenant la proposition d’inscription du nom du requérant, portant la référence COREU CFSP/0195/18, du 4 décembre 2018, sur laquelle il s’est fondé pour adopter les actes initiaux. Il convient de relever que la proposition d’inscription COREU CFSP/0195/18 liste un ensemble de liens hypertextes se rapportant aux preuves produites dans le cadre du document WK 47/2019 INIT.

60      Lors de l’audience, le Conseil a déclaré que l’article du blog « Salon Syria », issu du site Internet « The Syrian Observer », publié le 6 août 2018 et intitulé « Samer Foz is a Primary Target of US Sanctions » (Foz est une cible principale des sanctions américaines), présent dans le document WK 47/2019 INIT, ne correspondait à aucun des liens hypertextes cités dans la proposition d’inscription COREU CFSP/0195/18.

61      Or, il convient de noter que, contrairement à la déclaration faite par le Conseil lors de l’audience, l’article du blog « Salon Syria » issu du site Internet « The Syrian Observer », cité au point 60 ci-dessus, est bien mentionné dans un des liens hypertextes cités dans la proposition d’inscription COREU CFSP/0195/18 et qui renvoient aux pièces contenues dans le document WK 47/2019 INIT.

62      Dès lors, il y a lieu de constater que cet article faisait bien partie des preuves sur lesquelles s’est fondé le Conseil pour adopter les actes initiaux.

 Sur la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil

63      Au préalable, le requérant fait valoir, en substance, que le document WK 3600/2020 INIT ne contient pas une version traduite vers l’anglais de l’article du site Internet « Eqtsad News » et allègue qu’il serait, dès lors, impossible pour les membres du Conseil, qui ne maîtrisent probablement pas l’arabe, de déduire quelles phrases de l’article précité avaient été traduites ou interprétées dans les résumés en anglais. À cet égard, il ressort des écritures que le Conseil a fourni, à la demande du requérant, une nouvelle version du document WK 3600/2020 INIT, à savoir le document WK 3600/2020 REV 1, lequel contient une traduction en français de cet article, datée du 20 avril 2020, sur laquelle les États membres se sont fondés pour examiner le maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause.

64      Ensuite, selon le requérant, de nombreuses pièces issues du document WK 47/2019 INIT concernent M. Foz ou d’autres sociétés liées à celui‑ci, mais auxquelles le requérant n’est pas associé. Il importe de relever que, conformément à la jurisprudence rappelée au point 49 ci-dessus, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent. Ainsi, quand bien même ces éléments de preuve ne concerneraient pas directement le requérant, cette circonstance ne saurait être de nature à les priver de toute pertinence dans l’examen de la légalité des actes attaqués, dans la mesure où ils sont susceptibles de donner des informations de contexte à même de compléter et de renforcer les autres éléments de preuve mentionnant plus spécifiquement le requérant. En tout état de cause, cet argument n’est pas fondé. En effet, d’une part, les pièces issues des sites Internet « Salon Syria », « aawsat.com » et « meirss.org » citent et identifient explicitement le requérant dans le cadre de l’acquisition de sa nationalité libanaise. D’autre part, il ressort des motifs d’inscription du nom du requérant que ses liens avec M. Foz sont pris en considération par le Conseil pour lui reconnaître la qualité d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Par conséquent, cet argument doit être écarté.

65      Par conséquent, l’ensemble des éléments de preuve contenus dans les documents WK 47/2019 INIT et WK 3600/2020 REV 1 sont pertinents pour apprécier la légalité des actes attaqués.

 Sur la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil

66      Le requérant conteste la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil dans le document WK 47/2019 INIT en faisant valoir que ce dernier n’est qu’une simple compilation de captures d’écran de sites Internet et d’articles de presse partiaux, dénués de toute valeur probante, sans indication de leurs sources.

67      Plus spécifiquement et premièrement, le requérant soutient que l’article du blog « Salon Syria » du 7 juin 2018 n’indique pas son auteur et qu’il utilise l’expression « cercle restreint du gouvernement », similaire à celle présente au considérant 6 de la décision 2015/1836, comme si l’auteur de cet article était tenté de favoriser l’adoption desdites sanctions.

68      Deuxièmement, en ce qui concerne le site Internet « The Syrian Observer », le requérant relève, tout d’abord, qu’il s’agit d’une société syrienne de publication d’informations qui prétend être « indépendante sur les plans éditorial et politique ». Ensuite, le requérant signale que ce site Internet est consacré, principalement, à la traduction en anglais d’articles provenant de publications en Syrie sans que, pour autant, un travail de vérification du contenu de ces publications soit réalisé. Ce site précise d’ailleurs qu’il ne se rallierait pas aux points de vue exprimés dans les publications susmentionnées. En outre, selon ce site Internet, la sélection d’articles serait opérée sur la base de deux paramètres, à savoir, d’une part, le sérieux de la publication et, d’autre part, la mesure dans laquelle l’article reflète les positions politiques des auteurs.

69      Troisièmement, s’agissant du site Internet « The Syria Report », le requérant signale, tout d’abord, que ce site Internet d’informations syrien s’organise autour d’une « vaste base d’informations, de données et de statistiques, incluant une base de données d’institutions syriennes ». Il s’agirait, principalement, d’un bulletin d’informations économiques. Ensuite, le requérant souligne que A est, d’une part, le fondateur et le rédacteur en chef du site Internet « The Syria Report » ainsi que, d’autre part, le co-fondateur du site Internet « The Syrian Observer ». Cette circonstance explique, selon le requérant, que les sites Internet « The Syria Report » et « The Syrian Observer » publient souvent les mêmes informations et opinions sous différentes formes et dans différentes publications. Ce faisant, ces sites Internet donnent l’impression que les informations publiées sont largement partagées par différents médias et peuvent donc être considérées comme objectives. Par ailleurs, le requérant émet des doutes sur l’intégrité de A, qui, selon lui, est, en sa qualité d’intervenant extérieur auprès du European Council on Foreign Relations (Conseil européen des relations internationales), amené à collaborer avec les institutions de l’Union, en ce compris le Conseil, sur des questions concernant la Syrie, notamment au vu du fait qu’il a publié des rapports portant sur l’économie de guerre syrienne et sur la décentralisation de cet État durant la guerre. Dans ce contexte, le requérant allègue, en substance, que le Conseil utilise ses liens avec A pour obtenir des articles appuyant la politique que celui-ci entend appliquer avant leur publication sur ces sites Internet, afin de servir par la suite de justification concernant des mesures restrictives amenées à être adoptées ou nouvellement adoptées. À l’appui de cette allégation, le requérant fournit une page extraite du site Internet « News Deeply », contenant une brève présentation de A et un article intitulé « Analyse : pas de fonds pour le projet de loi de reconstruction de la Syrie ». Enfin, le requérant souligne que le site Internet « The Syria Report » n’a pas respecté les règles professionnelles journalistiques, dans la mesure où il ne l’a jamais contacté afin de vérifier le contenu des informations publiées sur son site ou de solliciter son point de vue sur ces dernières.

70      Dans le cadre de la réponse aux mesures d’organisation de la procédure, adoptées par le Tribunal le 23 juillet 2020, le Conseil soutient qu’il ne dispose pas d’autres informations concernant les sources d’informations sur lesquelles il s’est fondé que ce qui peut être déduit du document WK 47/2019 INIT. Ensuite, il reproduit des informations publiquement accessibles sur Internet concernant les sites Internet « The Syria Report », « The Foundation for Strategic Research », « The Syrian Observer », « Brookings Institution », « Wall Street Journal », « Syrian Law Journal », « Aliqtisadi », « aawsat.com » et « meirss.org ».

71      Il convient de rappeler que, d’une part, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

72      D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

73      En l’espèce, s’agissant de l’argument du requérant relatif au fait qu’il s’agirait principalement d’articles de presse manquant « cruellement de sources », il importe de relever que la situation de guerre en Syrie rend en pratique difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées et les difficultés d’investigation qui s’ensuivent et le danger auquel s’exposent ceux qui livrent des renseignements font obstacle à ce que des sources précises de comportements personnels de soutien au régime soient apportées (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46, et conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires Anbouba/Conseil, C‑605/13 P et C‑630/13 P, EU:C:2015:2, point 204).

74      En outre, concernant le défaut de fiabilité de l’article publié sur le site Internet « Salon Syria » allégué par le requérant, il convient de relever, tout d’abord, que, effectivement, cet article, reproduit dans son intégralité dans le document WK 47/2019 INIT, ne mentionne pas le nom de l’auteur, seul « About Syria in a Week Editors » étant à ce titre visible. Néanmoins, un des onglets de ce site, dédié à la soumission des projets d’article, contraint les éventuels auteurs de ces projets à remplir un formulaire détaillé contenant leurs renseignements personnels ainsi que leur parcours professionnel. Enfin, le second article du site Internet « Salon Syria », du 6 août 2018, a été publié sur le site Internet « The Syrian Observer », ce qui donne des indices de sa qualité journalistique. Dès lors, cet argument doit être écarté.

75      Par ailleurs, il convient de relever, tout d’abord, que les éléments de preuve figurant dans le document WK 47/2019 INIT et dont la force probante est contestée par le requérant émanent de sources d’informations numériques d’origines variées, non seulement locales, mais également étrangères. Ainsi, parmi les sources d’informations locales, il peut être mentionné « The Syria Report », la première source d’informations économiques, d’affaires et financières sur la Syrie, indépendante et ne se rattachant à aucune organisation religieuse, sociale ou politique ; « The Syrian Observer », un service d’informations en ligne qui, pour l’essentiel, collecte et traduit en anglais des contenus informatifs produits par la presse officielle syrienne, des groupes d’opposition au régime ou encore la société civile et qui est financé par des donateurs dont, notamment, la Fondation Konrad Adenauer et le Département fédéral des affaires étrangères suisse ; « Aliqtisadi », un des dix principaux sites Internet consacrés à la vie des affaires du Moyen-Orient ; « Syrian Law Journal », un site spécialisé dans le domaine juridique et couvrant des informations en provenance de Syrie dans ce domaine ainsi que dans les domaines économiques et des affaires. Parmi les sources d’informations d’origine étrangère, peuvent être cités « aawsat.com », un journal international en langue arabe dont le siège se situe à Londres (Royaume-Uni) et a été fondé en 1978 ; « Brookings Institution », un groupe de réflexion réputé aux États-Unis ; « The Foundation for Strategic Research », une organisation indépendante à but non lucratif, reconnue en France comme une fondation d’utilité publique et « meirss.org », le site Internet d’une organisation et d’un centre de recherche à but non lucratif basé au Liban, qui travaille avec des chercheurs et des organisations à l’échelon tant régional qu’international en vue de contribuer notamment à l’élaboration de politiques fondées sur des données probantes. En outre, le Conseil a produit des pages provenant des sites Internet de Damascus Cham Holding et du gouvernement syrien. Or, ces différentes sources relaient des éléments d’information qui se corroborent, de sorte que le requérant ne saurait uniquement se prévaloir du fait qu’il s’agit de captures d’écran de sites Internet et d’articles de presse pour en contester le caractère sensé et fiable.

76      De plus, concernant les arguments du requérant relatifs au site Internet « The Syrian Observer », il convient de constater, tout d’abord, que la description faite de cette source d’information ne contient pas d’éléments permettant de douter de sa fiabilité. Au contraire, en indiquant de manière transparente le fait que le contenu des articles qui y sont publiés n’est pas systématiquement vérifié, cette source avertit ses lecteurs de ce qu’il peut être nécessaire de croiser les informations transmises par les articles publiés pour en apprécier la véracité. C’est pourquoi il apparaît également utile que ce site Internet publie des articles provenant de différentes sources, certaines proches du régime syrien et d’autres s’opposant à celui-ci. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument.

77      Il en va de même pour les arguments du requérant concernant le site Internet « The Syria Report ». Plus précisément, s’agissant de l’allégation selon laquelle cette publication ne respecte pas les règles professionnelles journalistiques, force est de constater, tout d’abord, que le requérant ne précise pas au regard de quelles règles il aurait dû être contacté par ce site Internet. En outre, il ne ressort aucunement du dossier que le requérant a réagi à ce prétendu manque de respect de telles règles, notamment, en entreprenant une action en diffamation. Enfin, en tout état de cause, il convient de relever que le fait que le requérant n’aurait pas été contacté afin de vérifier les informations relayées, à le supposer avéré, n’est pas, en tant que tel, suffisant pour dénier toute fiabilité aux informations publiées sur ce site Internet. Il convient donc d’écarter cet argument.

78      Ensuite, concernant, d’une part, l’allégation du requérant selon laquelle les sites Internet « The Syrian Observer » et « The Syria Report » publient, en substance, les mêmes informations afin de doter ces dernières d’une objectivité apparente, force est de constater, tout d’abord, que le requérant ne produit aucune preuve illustrant la collusion alléguée. En outre, il ne ressort pas davantage du document WK 47/2019 INIT que les informations publiées sur ces deux sites Internet sont similaires au point de témoigner d’une telle collusion. Par ailleurs, il ressort des écritures du requérant que certains des faits relatés par le site Internet « The Syria Report » étaient corrects, de sorte que, même à supposer que les informations qui y sont publiées fassent l’objet d’une présentation subjective, ils n’en demeurent pas moins fiables. Enfin, il convient de relever que, indépendamment de la circonstance que A est le directeur de publication du site Internet « The Syrian Observer » et le co-fondateur du site Internet « The Syria Report », le fait que deux sources publient les mêmes informations ne saurait être suffisant pour remettre en cause leur fiabilité, dès lors qu’il est courant, dans le milieu journalistique, que différents journaux ou sites d’informations relaient les mêmes faits. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

79      Concernant, d’autre part, les doutes exprimés par le requérant quant à l’intégrité de A, force est de constater qu’il n’a avancé aucun élément au soutien de cette allégation. En effet, la brève présentation de A, apportée par le requérant, ne mentionne pas l’existence de relations entre ce dernier et le Conseil. Cette circonstance ne peut pas non plus être déduite de l’article intitulé « Analyse : pas de fonds pour le projet de loi de reconstruction de la Syrie », dont A est l’auteur. Enfin, le requérant n’explique pas non plus quel serait l’intérêt pour A de publier des articles appuyant la politique que le Conseil entend appliquer, afin de servir par la suite de justification concernant des mesures restrictives amenées à être adoptées ou nouvellement adoptées. Dès lors, il y a lieu de rejeter cet argument.

80      Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime, en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, qu’il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 72 ci-dessus.

 Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

81      Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe en vertu de la jurisprudence rappelée au point 46 ci-dessus et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription.

82      À cet égard, le Conseil a considéré que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison des intérêts et des activités qu’il a dans de multiples secteurs de l’économie syrienne. Concernant les actes initiaux et les actes de maintien de 2019, les éléments de preuve issus du document WK 47/2019 INIT se rapportent à deux activités principales, à savoir, d’une part, le statut d’actionnaire majoritaire de la compagnie aérienne Fly Aman du requérant et, d’autre part, son statut de vice-président d’Aman Holding, société représentée au conseil d’administration d’Aman Dimashq, qui est une coentreprise active dans le projet Marota City. Il est également fait mention des liens que le requérant entretient avec M. Foz. Concernant les actes de maintien de 2020, en plus des éléments susmentionnés, les éléments de preuve complémentaires, issus du document WK 3600/2020 REV 1, mentionnent le fait que le requérant est un associé fondateur d’Asas Iron Company.

83      Il convient, dès lors, d’examiner chacun de ces éléments.

–       Sur le statut d’actionnaire majoritaire de Fly Aman

84      Au préalable, selon le requérant, le Conseil a fait une erreur de traduction ou d’interprétation dans la proposition des motifs d’inscription des actes de maintien de 2020 en mentionnant erronément Fly Safety Limited Liability comme étant une société différente de Fly Aman. Sur ce point, il suffit de constater que les actes de maintien de 2020 ne mentionnent pas Fly Safety, de sorte que l’argument du requérant est inopérant.

85      Il ressort des articles publiés sur les sites Internet « meirss.org », « Aliqtisadi » et « 7al.net », reproduits dans le document WK 47/2019 INIT, que le requérant est l’actionnaire majoritaire de Fly Aman et détient à ce titre 90 % des parts de cette société. De plus, l’article publié sur le site Internet syrien « 7al.net » indique qu’il a fondé, en coopération avec l’homme d’affaires M. Assi, une nouvelle compagnie aérienne, Fly Aman. Selon ce site Internet, le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien a ratifié les statuts de cette dernière. Enfin, il découle également de l’article du site Internet « Aliqtisadi », présenté dans le document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est le président et co-fondateur de Fly Aman.

86      Le requérant conteste cet élément et fait valoir qu’il ne détiendrait aucune part de Fly Aman, puisqu’il aurait transféré l’intégralité de sa participation. À ce titre, il produit le certificat d’enregistrement de Fly Aman, du 28 mai 2018, et les statuts de Fly Aman, ratifiés le 22 février 2018, desquels il ressort, en substance, qu’il était initialement l’actionnaire majoritaire de Fly Aman avec la société B. Il produit également la résolution 2274/169/12/3, du 14 février 2019, du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien faisant référence à un courrier recommandé envoyé par Fly Aman. La résolution 2274/169/12/3 indique que la participation au sein de Fly Aman du requérant a été transmise, pour partie, à la société B (dont la part des actions détenues s’élève désormais à 20 %) et, pour partie, aux actionnaires C et D qui détiennent tous deux une part représentant, au total, 80 % des parts du capital de Fly Aman.

87      Il importe de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la légalité d’un acte de l’Union doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l’acte a été adopté (voir arrêts du 3 septembre 2015, Inuit Tapiriit Kanatami e.a./Commission, C‑398/13 P, EU:C:2015:535, point 22 et jurisprudence citée, et du 4 septembre 2015, NIOC e.a./Conseil, T‑577/12, non publié, EU:T:2015:596, point 112 et jurisprudence citée).

88      En l’espèce, s’agissant des actes initiaux, il convient de relever que le transfert des parts de Fly Aman détenues par le requérant, tel que confirmé par la résolution 2274/169/12/3, est postérieur à leur date d’adoption. Partant, la résolution 2274/169/12/3 ne saurait remettre en cause la légalité des actes initiaux, conformément à la jurisprudence rappelée au point 87 ci-dessus. En outre, les statuts de Fly Aman, du 22 février 2018, confirment que le requérant était, à la date d’adoption des actes initiaux, actionnaire majoritaire de Fly Aman. En tout état de cause, comme le soulève justement le Conseil, l’allégation du requérant selon laquelle il ne détiendrait plus d’actions confirme qu’il en a détenu. Partant, cette partie des motifs des actes initiaux est fondée.

89      Concernant les actes de maintien de 2019, il importe de rappeler que, dans le cadre de son contrôle de la légalité de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur des listes établies par le Conseil, il incombe au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard des informations ou éléments fournis par l’autorité compétente de l’Union et d’apprécier la force probante de ces derniers à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet, ainsi que rappelé au point 48 ci-dessus. Ainsi, le juge de l’Union peut se fonder sur l’ensemble des éléments qui lui ont été communiqués tant à charge qu’à décharge par les parties au cours de la procédure judiciaire. À cet égard, il ressort du considérant 15 de la décision 2015/1836 que « [t]outes les décisions d’inscription sur la liste devraient être prises sur une base individuelle et au cas par cas en tenant compte de la proportionnalité de la mesure ».

90      Or, il ressort des éléments du dossier que le requérant a démontré avoir transféré les parts de Fly Aman qu’il détenait. Le requérant a produit à cet égard la résolution 2274/169/12/3, qui est antérieure à la date d’adoption des actes de maintien de 2019. Force est encore de relever que le Conseil a admis, dans les actes de maintien de 2020, le fait que le requérant n’était plus, à compter du mois de février 2019, actionnaire majoritaire de Fly Aman. En effet, l’énoncé des motifs des actes de maintien de 2020 reflète le contenu de la résolution 2274/169/12/3, puisque ce dernier mentionne la date effective du transfert de cette participation, à savoir « février 2019 ».

91      Par ailleurs, la circonstance que le Conseil ne pouvait pas, lors de l’adoption des actes de maintien de 2019, avoir connaissance de la résolution 2274/169/12/3, compte tenu de la diffusion limitée de cette décision à quelques organes administratifs, ne saurait limiter l’examen de la légalité de l’inscription du nom du requérant opéré par le juge de l’Union. De même, l’appréciation de la légalité de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne peut pas être restreinte au fait que le requérant n’a pas évoqué la résolution 2274/169/12/3 dans le cadre de ses échanges avec le Conseil au cours de la procédure de réexamen ayant eu lieu préalablement à l’adoption des actes de maintien de 2019 (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, points 21 à 24). Par conséquent, il y a lieu de conclure que le requérant a démontré, dans le cadre de la présente procédure, qu’il n’était plus actionnaire majoritaire de Fly Aman à la date d’adoption des actes de maintien de 2019.

92      Partant, cet élément des motifs des actes de maintien de 2019 n’est pas fondé.

93      Concernant les actes de maintien de 2020, il convient de remarquer que le Conseil a maintenu le nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut d’actionnaire majoritaire en citant, toutefois, la date de transfert des parts possédées par le requérant en février 2019.

94      Or, en l’espèce, il ne ressort pas du document WK 3600/2020 REV 1 que le Conseil a présenté des indices sérieux et concordants permettant raisonnablement de considérer que le requérant maintenait des liens avec Fly Aman alors qu’il ne possédait plus de parts dans cette compagnie à la date d’adoption des actes de maintien de 2020. Les trois articles des sites Internet « Eqtsad News », « Aliqtisadi » et « newturkpost.com » ont en effet été soit consultés soit publiés postérieurement à la résolution 2274/169/12/3, mais ne font pas référence au transfert de participations, ni à l’existence d’autres liens entre Fly Aman et le requérant. Ainsi, le document WK 3600/2020 REV 1 ne comporte aucun élément de preuve de nature à justifier que, malgré la cession des parts en février 2019, il convenait de maintenir cette mention dans les motifs d’inscription. Force est encore de relever que, lors de l’audience, si le Conseil a soutenu que, malgré le fait que le requérant avait renoncé à cette participation, cette circonstance constituait un indice de ce qu’il était toujours un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, il n’a pas étayé son propos.

95      Partant, cet élément des motifs des actes de maintien de 2020 n’est pas fondé.

96      Il s’ensuit que, s’agissant de l’élément des motifs relatif à la participation majoritaire du requérant au sein de Fly Aman, seul celui concernant les motifs des actes initiaux est fondé.

–       Sur le statut de vice-président d’Aman Holding

97      Il ressort de l’extrait du blog « Salon Syria », du 7 juin 2018, et de l’article du site Internet « meirss.org », issus du document WK 47/2019 INIT, que le requérant est le vice-président d’Aman Holding, ce qui est confirmé par les articles provenant des sites Internet « Eqtsad News », « Alqtisadi » et « newturkpost.com », contenus dans le document WK 3600/2020 REV 1. Par ailleurs, l’article du site Internet « 7al.net », contenu dans le document WK 47/2019 INIT, décrit le requérant comme étant un employé d’une société détenue par M. Foz.

98      Toutefois, sans être contesté sur ce point par le Conseil, le requérant nie avoir occupé le poste de vice-président d’Aman Holding et fait valoir qu’il occupait la fonction de responsable des directeurs exécutifs au sein d’Aman Holding. Afin de le démontrer, il produit son contrat de travail, daté du 18 janvier 2017. À l’appui de son allégation, il produit également les statuts d’Aman Holding ainsi que l’« ancien » certificat d’enregistrement de cette société, qui démontrent clairement l’existence d’une distinction entre, d’une part, le conseil d’administration au sein duquel il ne siégeait pas et, d’autre part, les directeurs exécutifs, au nombre desquels il figurait. Ainsi, le requérant y est désigné comme occupant la fonction de responsable des directeurs exécutifs de la société. Par conséquent, le requérant a valablement démontré, à l’aide de son contrat de travail du 18 janvier 2017, des statuts d’Aman Holding et du certificat d’enregistrement de cette société, provenant de l’administration syrienne et dont la fiabilité n’a pas été, au demeurant, contestée par le Conseil, qu’il n’occupait pas le poste de vice-président d’Aman Holding.

99      Il s’ensuit que l’élément des motifs des actes attaqués relatif à la fonction de vice-président d’Aman Holding occupée par le requérant n’est pas fondé.

–       Sur la participation d’Aman Holding, qui est représentée au conseil d’administration d’Aman Dimashq, coentreprise active dans la construction de Marota City, à un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime syrien

100    Au préalable, il convient de comprendre, ainsi que le Conseil l’a confirmé lors de l’audience, que les motifs des actes attaqués en français précisant qu’« Aman Holding est représentée au conseil d’administration d’Aman [Dimashq] (dans lequel il détient une participation majoritaire) » contient une erreur de traduction. En effet, contrairement à ce qui pourrait être compris, c’est bien Aman Holding qui détient une participation majoritaire au sein d’Aman Dimashq et non le requérant. Partant, il n’est pas contesté entre les parties que le requérant ne possède aucune participation au sein d’Aman Dimashq.

101    Tout d’abord, le requérant soutient que le seul lien qui pourrait exister entre lui et le projet Marota City réside dans le fait qu’Aman Holding est actionnaire de la coentreprise Aman Dimashq. À cet égard, il convient de préciser qu’il ressort des écritures du requérant qu’Aman Holding possède 40 % des parts d’Aman Dimashq et que les autres actionnaires de cette coentreprise, Foz for Trading et Damascus Cham Holding, possèdent, respectivement, 11 % et 49 % des parts de celle-ci. À ce titre, il peut être déduit de cette répartition des parts qu’Aman Holding dispose d’un certain pouvoir décisionnel au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq.

102    Ensuite, sans qu’il soit nécessaire d’analyser en détail le projet Marota City, il convient de rappeler que, au point 99 ci-dessus, il a été établi que le Conseil avait erronément retenu le statut de vice-président d’Aman Holding du requérant pour démontrer son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Il en découle que, a fortiori, le Conseil ne saurait alléguer la participation du requérant, en tant que vice-président d’Aman Holding, au projet Marota City pour établir ledit statut.

103    En tout état de cause, ainsi que le Tribunal l’a reconnu au point 98 ci-dessus, le requérant a valablement démontré qu’il exerçait les fonctions de responsable des directeurs exécutifs au sein d’Aman Holding et non celles de vice-président. À cet égard, il importe de relever que le requérant est bien placé dans l’organigramme de la société, qu’il dispose d’un certain nombre de délégations de pouvoirs et qu’il est chargé d’encadrer les directeurs exécutifs et ainsi d’exécuter des décisions stratégiques d’Aman Holding, mais il reste un employé d’Aman Holding, ce qui n’est pas contesté par le Conseil. En outre, le requérant allègue, à bon droit, que les missions qui lui sont confiées en tant que salarié d’Aman Holding n’auraient jamais inclus la supervision des activités d’Aman Dimashq. Cette tâche est réservée à un autre salarié, à savoir M. Assi, qui a, à ce titre, été nommé président du conseil d’administration d’Aman Dimashq, en vue de tenir informé le conseil d’administration d’Aman Holding du développement d’Aman Dimashq, ce qui est, en substance, confirmé par la page issue du site Internet « Damacham.sy » de Damascus Cham Holding. Ainsi, il est constant entre les parties que le requérant ne siège pas au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq. Par ailleurs, il ressort, certes, du contrat de travail de M. Assi, daté du 4 octobre 2017 et produit par le requérant, que le poste occupé par celui-ci en tant que gestionnaire de projets s’exerce sous la responsabilité, notamment, du responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding. Néanmoins, ni les documents WK 47/2019 INIT et WK 3600/2020 REV 1 ni les écritures du Conseil n’établissent qu’il existait un lien de supervision entre le requérant et M. Assi dans le cadre de la conduite du projet Marota City à la date d’adoption des actes attaqués. Dès lors, le Conseil n’a pas démontré que les fonctions que le requérant occupe au sein d’Aman Holding comprennent l’exercice de responsabilités décisionnelles dans le cadre de la participation majoritaire d’Aman Holding au sein du conseil d’administration d’Aman Dimashq.

104    Il s’ensuit que l’élément des motifs des actes attaqués relatif à la participation du requérant, en tant que vice-président d’Aman Holding, au projet Marota City n’est pas fondé.

–       Sur les liens du requérant avec M. Foz

105    À titre liminaire, il convient de rappeler, ainsi qu’il a été indiqué au point 53 ci-dessus, que la seconde phrase des motifs d’inscription et de maintien du nom du requérant sur les listes en cause, selon laquelle il « a, à ce titre, des liens avec Samer Foz », ne peut être comprise qu’en référence à la première phrase qui, quant à elle, renvoie aux activités exercées par le requérant, en particulier à son statut d’actionnaire majoritaire de Fly Aman et à son statut de vice-président d’Aman Holding. Il convient d’en déduire que les liens qu’entretient le requérant avec M. Foz, dans le cadre de ses activités professionnelles, ont été considérés, par le Conseil, comme un élément permettant d’établir son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Par ailleurs, il y a lieu de constater que le nom de M. Foz a été inséré, puis maintenu, à la ligne 278 du tableau A des listes en cause, en raison, d’une part, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, d’autre part, de son association avec le régime syrien, conformément aux critères rappelés au point 52 ci-dessus.

106    Ensuite, en premier lieu, il convient de relever que la proximité étroite du requérant avec M. Foz est évoquée dans les articles des sites Internet « aawsat.com », qui le décrit comme son directeur de cabinet, et « meirss.org », issus du document WK47/2019 INIT. En outre, il ressort de l’article du site Internet « Eqtsad News », produit dans le cadre du document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est un partenaire d’affaires de M. Foz.

107    En deuxième lieu, il y a lieu de rappeler qu’il a été établi, au point 99 ci-dessus, que le requérant n’est pas vice-président d’Aman Holding. Par ailleurs, il a produit un certificat d’enregistrement d’Aman Holding, daté de septembre 2019, et un échange de correspondances ayant eu lieu entre lui et ladite société, démontrant qu’à partir du 22 janvier 2019 il n’occupait plus la fonction de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding.

108    Il en résulte que, concernant les actes initiaux, les liens existant entre le requérant et M. Foz se résument au fait que le requérant était associé majoritaire dans Fly Aman. Lors de l’audience, le requérant a fait valoir que Fly Aman a été créée sur ordre de M. Foz et que la création de cette compagnie est intervenue dans le cadre de sa relation professionnelle, puisque M. Foz était alors son employeur. Or, le Conseil n’a pas apporté, au sens de la jurisprudence rappelée au point 46 ci-dessus, dans le cadre du document WK 47/2019 INIT, d’indices suffisamment concrets, précis et concordants susceptibles d’étayer de manière suffisante que le lien existant entre le requérant et M. Foz dépassait la seule relation professionnelle pouvant exister entre un employeur et son employé, de sorte qu’il puisse justifier de considérer que le requérant, associé à M. Foz, est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

109    Concernant les actes de maintien de 2019 et ceux de 2020, il convient de relever que, dès lors que le requérant n’a plus été actionnaire majoritaire de Fly Aman à compter du mois de février 2019 et a démissionné de son poste de responsable des directeurs exécutifs d’Aman Holding, les liens privilégiés qu’il entretenait éventuellement avec M. Foz en raison de tels statuts ne sont plus, en tout état de cause, démontrés. Partant, le Conseil échoue à établir que le requérant, du fait de ses activités professionnelles, entretient des liens avec M. Foz.

110    Par conséquent, dans les actes attaqués, le Conseil ne pouvait se fonder sur les liens entre le requérant et M. Foz pour démontrer le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant.

–       Sur la constitution d’Asas Iron Company

111    Concernant le nouvel élément des motifs contenu dans les actes de maintien de 2020, il ressort des articles des sites Internet « Eqtsad News » et « Aliqtisadi », provenant du document WK 3600/2020 REV 1, que le requérant est, respectivement, un membre fondateur et un membre du conseil d’administration de la société Assas lil-Hadid. À cet égard, il y a lieu de relever que, comme le soutient le requérant, les résumés des articles de ces sites Internet, réalisés par le Conseil, indiquent la dénomination « Asas Iron Company » au lieu d’« Assas lil-Hadid ». Toutefois, il s’agit bien de la même société. En effet, la première dénomination est la traduction anglaise de la seconde dénomination, qui correspond au nom arabe de l’entité. Les statuts d’Asas Iron Company ratifiés par le représentant de ses fondateurs et le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien ainsi que le certificat d’enregistrement d’Asas Iron Company du 6 novembre 2019, produits par le requérant, confirment la correspondance de ces deux noms.

112    Ensuite, le requérant conteste être un membre fondateur d’Asas Iron Company. Il soutient qu’il n’aurait jamais été le fondateur ni le propriétaire de cette société et qu’il n’aurait jamais été autrement impliqué dans celle-ci ni même lié à celle-ci, puisqu’il ne fait pas partie de ses organes de gestion et de direction.

113    À cet égard, le requérant produit le certificat d’enregistrement et les statuts d’Asas Iron Company dans lesquels son nom n’apparaît pas. De plus, selon l’article 5 desdits statuts, les propriétaires d’Asas Iron Company sont MM. E et F. Ils détiennent chacun 500 parts, représentant 50 % des parts totales de l’entreprise, d’une valeur de 1,5 milliard de SYP (environ 3,03 millions d’euros). En outre, selon les statuts d’Asas Iron Company, le capital s’élève à 3 milliards de SYP (environ 6,06 millions d’euros), ce qui correspond également au montant inscrit sur le certificat d’enregistrement de ladite société. Dès lors, le requérant a valablement démontré qu’il n’était pas le fondateur d’Asas Iron Company.

114    Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument du Conseil visant à contester la pertinence des statuts d’Asas Iron Company et du certificat d’enregistrement produits par le requérant, en faisant valoir, en substance, que ces preuves témoignent de ce que, à compter du 6 novembre 2019, le requérant n’était plus l’un des propriétaires de la société. Il soutient que, par la résolution no 832, du 19 mars 2019, du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien, produite par le requérant, la forme juridique de la société a été modifiée. Asas Iron Company, qui était une société uninominale à responsabilité limitée, est ainsi devenue la société à responsabilité limitée Asas Iron Company, après que le détenteur du capital a légué 50 % de ses parts. Or, les statuts d’Asas Iron Company et le certificat d’enregistrement ne permettraient pas de confirmer l’identité des actionnaires fondateurs d’Asas Iron Company entre la date de création de cette société, le 30 mars 2017, et la date de la résolution no 832, c’est-à-dire avant le changement de forme juridique de la société. En d’autres termes, le Conseil allègue que le requérant aurait pu être inscrit en tant qu’unique associé fondateur de la société uninominale à responsabilité limitée avant de céder ses parts, afin de ne plus figurer dans les documents officiels relatifs à Asas Iron Company, sans apporter de preuve étayant son propos.

115    À cet égard, force est de constater que, même à supposer que le requérant ait réellement été le fondateur d’Asas Iron Company, il ressort des pièces qu’il a produites qu’il n’était plus, à la date d’adoption des actes de maintien de 2020, lié à ladite société.

116    Il résulte de ce qui précède que le requérant a valablement démontré que, à la date d’adoption des actes de maintien de 2020, d’une part, il ne détenait aucune part dans Asas Iron Company et, d’autre part, il n’était pas désigné en qualité de membre fondateur de cette société.

117    Partant, le Conseil ne pouvait se fonder sur la qualité de membre fondateur d’Asas Iron Company du requérant pour considérer ce dernier comme étant un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

–       Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant

118    En premier lieu, concernant les actes initiaux, il convient de conclure de l’ensemble de ce qui précède que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant était un actionnaire majoritaire de Fly Aman. En revanche, le Conseil a commis des erreurs matérielles en inscrivant le nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut de vice-président d’Aman Holding, puisque, ainsi qu’il ressort du point 98 ci-dessus, le requérant a démontré qu’il était responsable des directeurs exécutifs de cette société. Par conséquent, n’étant pas vice-président d’Aman Holding, le requérant ne participe pas, au titre de telles fonctions, au projet Marota City et n’a pas de liens avec M. Foz. Par ailleurs, le Conseil n’a pas démontré, par des indices suffisamment concrets, précis et concordants, le lien entre le statut d’actionnaire majoritaire dans Fly Aman du requérant et M. Foz.

119    En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2019, outre les considérations mentionnées au point 118 ci-dessus, le Conseil a commis une erreur matérielle puisque le requérant a démontré qu’il ne possédait plus, à partir du 14 février 2019, de parts au capital de Fly Aman. Par conséquent, le requérant n’avait pas de liens avec M. Foz à ce titre.

120    En troisième lieu, s’agissant des actes de maintien de 2020, outre les considérations mentionnées aux points 118 et 119 ci-dessus, le Conseil a commis une erreur matérielle en ce que le requérant a apporté la preuve, d’une part, qu’il ne détenait aucune part d’Asas Iron Company et, d’autre part, qu’il n’était pas membre fondateur de cette société.

121    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que, contrairement aux motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes figurant dans les actes initiaux, le requérant n’a pas « des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne ». En effet, ainsi qu’il ressort du point 118 ci-dessus, le Conseil est uniquement en mesure de démontrer que, s’agissant des actes initiaux, le requérant a des intérêts dans Fly Aman, ce qui est insuffisant pour remplir le critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. En outre, s’agissant des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020, le Conseil n’a pas réussi à démontrer que le requérant possédait, à la date d’adoption desdits actes, le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. Partant, le premier motif d’inscription n’est pas suffisamment étayé.

122    Il convient, dès lors, d’examiner le second motif d’inscription.

 Sur l’association avec le régime syrien

123    À titre liminaire, il convient de relever qu’il résulte des actes initiaux et des actes de maintien de 2019 que le requérant soutient le régime syrien et en bénéficie en raison de sa fonction de vice-président d’Aman Holding, tandis que, en vertu des actes de maintien de 2020, il le fait en raison de l’ensemble des activités et intérêts qu’il possède, tels qu’ils sont mentionnés dans les motifs d’inscription.

124    En outre, force est de constater que les motifs pour lesquels le requérant est considéré, par le Conseil, comme soutenant le régime syrien et comme en tirant avantage sont, en substance, les mêmes que ceux l’ayant conduit à le considérer comme un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

125    À cet égard, il y a lieu de rappeler qu’il ne saurait être exclu que, pour une personne déterminée, les motifs d’inscription se recoupent dans une certaine mesure, en ce sens qu’une personne peut être qualifiée de femme ou d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et être considérée comme bénéficiant, dans le cadre de ses activités, du régime syrien ou comme soutenant celui-ci au travers de ces mêmes activités. Cela ressort précisément de ce que, ainsi qu’il est établi au considérant 6 de la décision 2015/1836, les liens étroits avec le régime syrien et le soutien de celui-ci apporté par cette catégorie de personnes sont l’une des raisons pour lesquelles le Conseil a décidé de créer cette catégorie. Il n’en demeure pas moins qu’il s’agit, même dans cette hypothèse, de critères différents (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 77).

126    En l’espèce, en premier lieu, s’agissant des actes initiaux et des actes de maintien de 2019, il convient de déduire des conclusions aux points 99 et 104 ci-dessus, que, dès lors que le requérant n’était pas vice-président d’Aman Holding à la date d’adoption des actes attaqués, il ne saurait être considéré comme bénéficiant du régime syrien à ce titre, ni le soutenir en raison de sa participation au projet Marota City.

127    En deuxième lieu, concernant les actes de maintien de 2020, le Tribunal a constaté que, premièrement, au point 126 ci-dessus, le requérant ne saurait être considéré comme bénéficiant du régime syrien au titre de son statut de vice-président d’Aman Holding. Deuxièmement, il ressort de l’article du site Internet « 7al.net » que le requérant a créé une compagnie aérienne alors que, en Syrie, le secteur de l’aviation civile souffre de grandes difficultés au regard des opérations militaires qui ont eu pour conséquence la cessation du trafic touristique et la cessation des services au sein de certains aéroports. Néanmoins, le Tribunal a établi, au point 96 ci-dessus, que le requérant n’est plus actionnaire majoritaire de Fly Aman. De plus, il ne ressort d’aucun des éléments de preuve compris dans les documents WK 47/2019 INIT et WK 3600/2020 REV 1 que le requérant bénéficie, en sa qualité d’actionnaire majoritaire puis d’ancien actionnaire majoritaire de ladite compagnie, du régime syrien ni qu’il le soutient.

128    Ainsi, il convient de conclure que le Conseil n’a pas apporté un faisceau d’indices concrets, précis et concordants susceptible de mettre en évidence le fait que le requérant soutient le régime syrien et/ou en tire avantage. Dès lors, le second motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son association avec le régime syrien n’est pas suffisamment étayé, de sorte que l’inscription du nom du requérant n’est pas fondée s’agissant des actes attaqués.

129    Dès lors, il convient d’accueillir le premier moyen du recours et, partant, d’annuler les actes attaqués en ce qu’ils concernent le requérant, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième, troisième, quatrième, cinquième et sixième moyens soulevés à l’appui du recours.

 Conclusion sur le recours et les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

130    En raison de l’accueil du premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation en ce qui concerne les actes attaqués, il y a lieu d’accueillir le recours en ce qu’il tend à obtenir l’annulation de ces actes en tant qu’ils concernent le requérant.

131    À cet égard, le Conseil a demandé, dans le cadre de son troisième chef de conclusions, que, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en ce qu’ils visent le requérant, le Tribunal ordonne le maintien des effets de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719 en tant que celles-ci concernent le requérant, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation partielle des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716 en tant qu’ils concernent le requérant.

132    Tout d’abord, s’agissant des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716, il doit être rappelé que, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, par dérogation à l’article 280 TFUE, les décisions du Tribunal annulant un règlement ne prennent effet qu’à compter de l’expiration du délai de pourvoi visé à l’article 56, premier alinéa, dudit statut ou, si un pourvoi a été introduit dans ce délai, à compter du rejet de celui-ci.

133    Dans ces circonstances, en l’absence de pourvoi, le Conseil dispose d’un délai de deux mois, augmenté du délai de distance de dix jours, à compter de la notification du présent arrêt pour remédier aux violations constatées en adoptant, le cas échéant, de nouvelles mesures restrictives à l’égard du requérant.

134    Ensuite, s’agissant de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719, il convient de constater que la décision 2020/719 a été modifiée par la décision (PESC) 2021/855 du Conseil, du 27 mai 2021, modifiant la décision 2013/255 (JO 2021, L 188, p. 90), qui a remplacé la liste à partir du 29 mai 2021 et a prorogé l’application des mesures restrictives, en ce qui concerne le requérant, jusqu’au 1er juin 2022.

135    Partant, à ce jour, le requérant fait l’objet d’une nouvelle mesure restrictive. Il s’ensuit que l’annulation de la décision d’exécution 2019/87 et des décisions 2019/806 et 2020/719, en ce qu’elles visent le requérant, n’entraîne pas la disparition de l’inscription du nom de ce dernier sur la liste.

136    Par conséquent, il n’est pas nécessaire de maintenir les effets de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719.

 Sur les dépens

137    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

138     En l’espèce, le Conseil ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie, le règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et le règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie, sont annulés en tant qu’ils concernent M. Khaldoun Al Zoubi.

2)      Le Conseil de l’Union européenne est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2021

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré d’erreurs d’appréciation

Considérations liminaires

Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

Sur la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil

Sur la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil

Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

– Sur le statut d’actionnaire majoritaire de Fly Aman

– Sur le statut de vice-président d’Aman Holding

– Sur la participation d’Aman Holding, qui est représentée au conseil d’administration d’Aman Dimashq, coentreprise active dans la construction de Marota City, à un projet immobilier et commercial haut de gamme appuyé par le régime syrien

– Sur les liens du requérant avec M. Foz

– Sur la constitution d’Asas Iron Company

– Conclusion sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant

Sur l’association avec le régime syrien

Conclusion sur le recours et les effets dans le temps de l’annulation des actes attaqués

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.