Language of document : ECLI:EU:T:2021:820

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

24 novembre 2021 (*) (i)

«  Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre de la Syrie – Gel des fonds – Erreur d’appréciation – Proportionnalité – Droit de propriété – Droit d’exercer une activité économique – Détournement de pouvoir – Obligation de motivation – Droits de la défense – Droit à un procès équitable »

Dans l’affaire T‑258/19,

Samer Foz, demeurant à Dubai (Émirats arabes unis), représent par Mes Laurent Cloquet et J.-P. Buyle, avocats,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme S. Kyriakopoulou et M. V. Piessevaux, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 13), du règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 18 I, p. 4), de la décision (PESC) 2019/806 du Conseil, du 17 mai 2019, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2019, L 132, p. 36), du règlement d’exécution (UE) 2019/798 du Conseil, du 17 mai 2019, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2019, L 132, p. 1), de la décision (PESC) 2020/719 du Conseil, du 28 mai 2020, modifiant la décision 2013/255/PESC concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2020, L 168, p. 66), et du règlement d’exécution (UE) 2020/716 du Conseil, du 28 mai 2020, mettant en œuvre le règlement (UE) no 36/2012 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2020, L 168, p. 1), en tant que ces actes visent le requérant,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé de MM. S. Gervasoni, président, L. Madise et J. Martín y Pérez de Nanclares (rapporteur), juges,

greffier : M. B. Lefebvre, administrateur,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

1        Le requérant, M. Samer Foz, est un homme d’affaires de nationalités syrienne et turque qui développe une activité commerciale dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, ses entreprises étant actives dans les domaines du commerce des matières premières et des denrées alimentaires, du stockage, du transport et de la logistique (par route et par voie maritime), du fer et de l’acier, de l’assemblage automobile, du raffinage de sucre, des médicaments, des produits pharmaceutiques, de la fabrication de câbles, de l’importation et de la mouture de céréales, de l’immobilier, de l’hôtellerie et du tourisme.

2        Condamnant fermement la répression violente des manifestations pacifiques en Syrie et lançant un appel aux autorités syriennes pour qu’elles s’abstiennent de recourir à la force, le Conseil de l’Union européenne a adopté, sur le fondement de l’article 29 TUE, la décision 2011/273/PESC, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2011, L 121, p. 11). Compte tenu de la gravité de la situation, le Conseil a institué un embargo sur les armes, une interdiction des exportations de matériel susceptible d’être utilisé à des fins de répression interne, des restrictions à l’admission dans l’Union européenne ainsi que le gel des fonds et des ressources économiques de certaines personnes et entités responsables de la répression violente exercée contre la population civile syrienne.

3        Les noms des personnes responsables de la répression violente exercée contre la population civile en Syrie ainsi que ceux des personnes, physiques ou morales, et des entités qui leur sont liées sont mentionnés dans l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 5, paragraphe 1, de cette décision, le Conseil, statuant sur proposition d’un État membre ou du haut représentant de l’Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, peut modifier ladite annexe. Le nom du requérant n’y figurait pas lors de l’adoption de ladite décision.

4        Étant donné que certaines des mesures restrictives prises à l’encontre de la République arabe syrienne entrent dans le champ d’application du traité FUE, le Conseil a adopté, sur le fondement de l’article 215, paragraphe 2, TFUE, le règlement (UE) no 442/2011, du 9 mai 2011, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2011, L 121, p. 1). La teneur de ce règlement est, pour l’essentiel, identique à celle de la décision 2011/273, mais il prévoit des possibilités de déblocage des fonds gelés. La liste des personnes, des entités et des organismes reconnus comme étant soit responsables de la répression en cause, soit associés auxdits responsables, figurant à l’annexe II dudit règlement, est identique à celle figurant à l’annexe de la décision 2011/273. En vertu de l’article 14, paragraphes 1 et 4, du règlement no 442/2011, lorsque le Conseil décide d’appliquer à une personne, physique ou morale, à une entité ou à un organisme les mesures restrictives visées, il modifie l’annexe II en conséquence et, par ailleurs, examine la liste qui y figure à intervalles réguliers et au moins tous les douze mois.

5        Par la décision 2011/782/PESC, du 1er décembre 2011, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/273 (JO 2011, L 319, p. 56), le Conseil a estimé, compte tenu de la gravité de la situation en Syrie, qu’il était nécessaire d’instituer des mesures restrictives supplémentaires. Par souci de clarté, les mesures imposées par la décision 2011/273 et les mesures supplémentaires ont été regroupées dans un instrument juridique unique. La décision 2011/782 prévoit, à son article 18, des restrictions en matière d’admission sur le territoire de l’Union des personnes dont la liste figure à l’annexe I et, à son article 19, le gel des fonds et des ressources économiques des personnes et des entités dont le nom figure aux annexes I et II.

6        Le règlement no 442/2011 a été remplacé par le règlement (UE) no 36/2012 du Conseil, du 18 janvier 2012, concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Syrie (JO 2012, L 16, p. 1).

7        La décision 2011/782 a été remplacée par la décision 2012/739/PESC du Conseil, du 29 novembre 2012, concernant des mesures restrictives à l'encontre de la Syrie et abrogeant la décision 2011/782 (JO 2012, L 330, p. 21), elle-même remplacée par la décision 2013/255/PESC du Conseil, du 31 mai 2013, concernant des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie (JO 2013, L 147, p. 14).

8        Le 12 octobre 2015, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2015/1836, modifiant la décision 2013/255 (JO 2015, L 266, p. 75). Le même jour, il a adopté le règlement (UE) 2015/1828, modifiant le règlement no 36/2012 (JO 2015, L 266, p. 1).

9        Aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein » et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par [lui] et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

10      La rédaction des articles 27 et 28 de la décision 2013/255 a été modifiée par la décision 2015/1836. Ces articles prévoient désormais des restrictions à l’entrée ou au passage en transit sur le territoire des États membres ainsi que le gel des fonds des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », sauf « informations suffisantes indiquant [que ces personnes] ne sont pas, ou ne sont plus, lié[e]s au régime ou qu’[elles] n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’[elles] ne sont pas associé[e]s à un risque réel de contournement ».

11      Le règlement 2015/1828 a modifié, notamment, la rédaction de l’article 15 du règlement no 36/2012 afin d’y intégrer les nouveaux critères d’inscription définis par la décision 2015/1836 et introduits dans la décision 2013/255.

12      Par la décision d’exécution (PESC) 2019/87 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre la décision 2013/255 (JO 2019, L 18 I, p. 13), et par le règlement d’exécution (UE) 2019/85 du Conseil, du 21 janvier 2019, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 18 I, p. 4) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes initiaux »), le nom du requérant a été inséré à la ligne 267 du tableau A des listes des noms des personnes, entités et organismes visés par les mesures restrictives qui figurent à l’annexe I de la décision 2013/255 et à l’annexe II du règlement no 36/2012 (ci-après, prises ensemble, les « listes en cause »), avec mention des motifs suivants :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris une coentreprise appuyée par le régime et active dans la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme. Samer Foz fournit un soutien d’ordre financier et autre au régime, y compris en finançant le groupe paramilitaire appelé “Forces militaires de bouclier de sécurité” en Syrie et en offrant des services de courtage sur le marché des céréales. Il tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux, ayant la haute main sur le marché du blé, et à des projets de reconstruction, grâce à ses liens avec le régime. »

13      Le 22 janvier 2019, le Conseil a procédé à la publication au Journal officiel de l’Union européenne de l’avis à l’attention des personnes faisant l’objet des mesures restrictives prévues par la décision 2013/255 et par le règlement no 36/2012 (JO 2019, C 27, p. 3).

14      Par lettres des 7, 13 et 25 février 2019, les représentants du requérant se sont opposés à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et ont demandé au Conseil de leur communiquer les documents étayant ladite inscription.

15      Par lettre du 12 mars 2019, d’une part, le Conseil a indiqué aux représentants du requérant que, en substance, leurs observations n’étaient pas de nature à remettre en cause la décision d’inscrire le nom du requérant sur les listes en cause. D’autre part, le Conseil leur a communiqué le document portant la référence WK 46/2019 INIT, daté du 10 janvier 2019, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de ladite inscription.

16      Le 17 mai 2019, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2019/806, modifiant la décision 2013/255 (JO 2019, L 132, p. 36), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2020 ; le même jour, le Conseil a également adopté le règlement d’exécution (UE) 2019/798, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2019, L 132, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2019 »). Le nom du requérant a été maintenu à une ligne différente, la ligne 285 du tableau A des listes en cause.

17      Par lettre du 20 mai 2019, le Conseil a informé les représentants du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2019 ainsi que de la possibilité de solliciter un réexamen de la décision de maintien de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause avant le 28 février 2020.

18      Par lettre du 28 février 2020, le requérant, par l’intermédiaire de ses représentants, s’est opposé au maintien de son nom sur les listes en cause.

19      Le 28 mai 2020, le Conseil a adopté la décision (PESC) 2020/719, modifiant la décision 2013/255 (JO 2020, L 168, p. 66), qui a prorogé l’application de cette dernière décision jusqu’au 1er juin 2021, et le règlement d’exécution (UE) 2020/716, mettant en œuvre le règlement no 36/2012 (JO 2020, L 168, p. 1) (ci-après, dénommés ensemble, les « actes de maintien de 2020 »).

20      Par lettre du 2 juin 2020, le Conseil a informé les représentants du requérant de l’adoption des actes de maintien de 2020 ainsi que de la possibilité de solliciter un réexamen desdits actes avant le 1er mars 2021. Le Conseil a également informé les représentants du requérant que, en substance, les observations transmises dans sa lettre du 28 février 2020 n’étaient pas de nature à remettre en cause la décision de maintenir le nom du requérant sur les listes en cause.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 15 avril 2019, le requérant a introduit le présent recours, tendant à l’annulation des actes initiaux, en tant que ces actes le concernent.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 30 juillet 2019, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure du Tribunal, adapté la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2019, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête.

23      Le 5 août 2019, le Conseil a déposé au greffe du Tribunal le mémoire en défense et les observations sur le premier mémoire en adaptation.

24      La réplique a été déposée le 1er octobre 2019.

25      Par décision du 17 octobre 2019, le président du Tribunal a, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la quatrième chambre.

26      La duplique a été déposée le 8 janvier 2020.

27      La phase écrite de la procédure a été close le 8 janvier 2020.

28      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues à l’article 89, paragraphe 3, sous a) et d), du règlement de procédure, le Tribunal a, le 22 juillet 2020, demandé aux parties de répondre à une série de questions et de produire certains documents. Les parties ont répondu aux questions et ont déféré à la demande de production de documents dans le délai imparti.

29      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 13 août 2020, le requérant a, sur le fondement de l’article 86 du règlement de procédure, adapté une seconde fois la requête, de sorte que celle-ci tend également à l’annulation des actes de maintien de 2020, en tant que ces actes le concernent. Le requérant a également réitéré les chefs de conclusions qui figuraient dans la requête ainsi que dans le premier mémoire en adaptation et a présenté de nouveaux arguments.

30      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal au cours de l’audience qui s’est déroulée le 15 octobre 2020, lors de laquelle le Conseil a également présenté ses observations sur le second mémoire en adaptation.

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les actes initiaux, les actes de maintien de 2019 et les actes de maintien de 2020 (ci-après, dénommés ensemble, les « actes attaqués ») en tant qu’ils le concernent ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

32      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens ;

–        à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où le Tribunal annulerait les actes attaqués en tant qu’ils concernent le requérant, ordonner le maintien des effets de la décision d’exécution 2019/87 ainsi que des décisions 2019/806 et 2020/719 en tant que celles-ci concernent le requérant, jusqu’à la prise d’effet de l’annulation des règlements d’exécution 2019/85, 2019/798 et 2020/716 en tant qu’ils concernent le requérant.

 En droit

33      Au soutien de son recours, le requérant invoque six moyens, tirés, le premier, d’une erreur d’appréciation, le deuxième, d’une violation du principe de proportionnalité, le troisième, d’une violation du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique, le quatrième, d’un « abus de pouvoir », le cinquième, d’une violation de l’obligation de motivation et, enfin, le sixième, d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable.

34      Il convient d’examiner, tout d’abord, le cinquième moyen, puis le sixième moyen, avant d’examiner le premier moyen, le quatrième moyen et, enfin, les deuxième et troisième moyens pris ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

35      Le requérant soutient que la motivation fournie par le Conseil ne satisfait pas à l’obligation qui incombe aux institutions de l’Union en vertu de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE. Plus précisément, le requérant fait valoir que la motivation retenue dans les actes attaqués ne lui permet pas de déterminer quelles seraient les transactions litigieuses. En outre, il ajoute que le Conseil n’a pas examiné avec soin la motivation adoptée et que celle-ci est purement formelle, n’ayant pas fait l’objet d’une réflexion de la part du Conseil.

36      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

37      Il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’obligation de motiver un acte faisant grief, qui constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense, a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour savoir si l’acte est bien fondé ou s’il est éventuellement entaché d’un vice permettant d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de cet acte (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 60 et jurisprudence citée).

38      Il convient également de rappeler que la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et doit faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 61 et jurisprudence citée).

39      La motivation d’un acte du Conseil imposant une mesure de gel de fonds doit permettre que soient identifiées les raisons spécifiques et concrètes pour lesquelles celui-ci considère, dans l’exercice de son pouvoir discrétionnaire d’appréciation, que l’intéressé doit faire l’objet d’une telle mesure (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 63 et jurisprudence citée).

40      Cependant, l’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 64 et jurisprudence citée).

41      Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences de l’article 296 TFUE doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 65 et jurisprudence citée).

42      En particulier, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 66 et jurisprudence citée).

43      Enfin, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motiver un acte constitue une forme substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé des motifs, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’un acte consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cet acte. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond dudit acte, mais non la motivation de celui-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés (voir arrêt du 5 novembre 2014, Mayaleh/Conseil, T‑307/12 et T‑408/13, EU:T:2014:926, point 96 et jurisprudence citée).

44      En l’espèce, en premier lieu, il convient de relever que l’argument du requérant selon lequel le Conseil n’a pas examiné avec soin la motivation adoptée vise, en réalité, à contester les éléments factuels qui ont été retenus par le Conseil. Dès lors que cet argument ne tend pas à remettre spécifiquement en cause le caractère suffisant de la motivation des actes attaqués, mais plutôt le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie du requérant et l’existence de liens entre le requérant et le régime syrien, il doit être examiné dans le cadre du premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

45      En second lieu, en ce qui concerne les raisons pour lesquelles des mesures restrictives visant le requérant ont été adoptées et maintenues, il convient de relever que les motifs d’inscription du nom du requérant sont restés inchangés depuis l’adoption des actes initiaux, puisqu’ils n’ont pas été modifiés lors de l’adoption des actes de maintien de 2019, ni lors de celle des actes de maintien de 2020. Ainsi, le Conseil a motivé l’inscription de son nom sur les listes en cause de la manière suivante :

« Homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie, ayant des intérêts et des activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, y compris une coentreprise appuyée par le régime et active dans la construction de Marota City, un projet immobilier et commercial haut de gamme. Samer Foz fournit un soutien d’ordre financier et autre au régime, y compris en finançant le groupe paramilitaire appelé “Forces militaires de bouclier de sécurité” en Syrie et en offrant des services de courtage sur le marché des céréales. Il tire aussi des profits financiers de son accès à des débouchés commerciaux, ayant la haute main sur le marché du blé, et à des projets de reconstruction, grâce à ses liens avec le régime. »

46      Tout d’abord, il convient de rappeler que les critères généraux d’inscription énoncés à l’article 27, paragraphe 1, et à l’article 28, paragraphe 1, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1, sous a), du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient que les personnes et les entités bénéficiant des politiques menées par le régime syrien ou soutenant celui-ci font l’objet de mesures restrictives. De même, l’article 27, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 2, sous a), et paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, repris, en ce qui concerne le gel des fonds, à l’article 15, paragraphe 1 bis, sous a), et paragraphe 1 ter, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, disposent que la catégorie des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » fait l’objet de mesures restrictives, sauf s’il existe des informations suffisantes indiquant qu’ils ne sont pas, ou ne sont plus, liés au régime ou qu’ils n’exercent aucune influence sur celui-ci ou qu’ils ne sont pas associés à un risque réel de contournement.

47      Il y a lieu de déduire des motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause mentionnés aux points 12 et 45 ci-dessus que ce dernier a vu son nom être inscrit et maintenu sur les listes en cause en raison, premièrement, de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie et, deuxièmement, de son lien avec le régime syrien. Autrement dit, l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

48      Ensuite, il convient de constater que les raisons, spécifiques et concrètes, ayant conduit le Conseil à procéder à l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause et à l’y maintenir sont indiquées de manière suffisamment claire pour permettre au requérant de les comprendre. En effet, lesdits motifs portent sur des faits clairs concernant le requérant, à savoir, premièrement, ses intérêts et activités dans l’économie syrienne, en ce compris sa participation dans une coentreprise appuyée par le régime syrien pour la construction du projet Marota City, deuxièmement, le soutien d’ordre financier et autre au régime syrien qu’il fournit, notamment en finançant le groupe paramilitaire appelé « Forces militaires de bouclier de sécurité » et en offrant des services de courtage sur le marché des céréales et, enfin, troisièmement, les profits financiers qu’il tire de son accès à des débouchés commerciaux et à des projets de reconstruction grâce à ses liens avec le régime syrien.

49      De surcroît, les moyens et les arguments soulevés par le requérant dans ses écritures indiquent, d’une part, qu’il a été mis en mesure de connaître les justifications des mesures prises à son égard afin de pouvoir les contester utilement devant le juge de l’Union et, d’autre part, que le contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures était connu de lui.

50      Enfin, le fait que le Conseil n’ait pas exposé de manière détaillée les transactions litigieuses qui seraient à l’origine de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause ne saurait conduire à constater une violation de l’obligation de motivation qui lui incombe, dès lors que, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 41 et 42 ci-dessus, le Conseil n’est pas tenu de spécifier tous les éléments de fait et de droit pertinents et que le requérant a été mis en mesure de comprendre la portée des mesures prises à son égard.

51      Il convient d’en conclure que la motivation des actes attaqués est compréhensible et suffisamment précise pour permettre au requérant de connaître les raisons ayant conduit le Conseil à considérer que l’inscription et le maintien de son nom sur les listes en cause étaient justifiés et d’en contester la légalité devant le juge de l’Union et pour permettre à ce dernier d’exercer son contrôle.

52      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

53      Le requérant soutient, en substance, que les actes attaqués violent ses droits de la défense et son droit à un procès équitable, tels que prévus à l’article 48, paragraphe 2, de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 6, paragraphe 3, de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, dans la mesure où le Conseil ne l’a pas entendu avant l’adoption desdits actes.

54      À cet égard, le requérant fait valoir qu’il n’a pas pu présenter ses observations en temps utile, c’est-à-dire avant l’adoption des actes attaqués. Selon lui, il n’existait aucune urgence, ni aucun risque qu’il compromette l’efficacité des actes attaqués en étant auditionné préalablement à leur adoption. En revanche, la possibilité d’être entendu a posteriori ne lui aurait pas permis d’éviter des pertes.

55      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

56      Il y a lieu de rappeler que le respect des droits de la défense comporte notamment le droit d’être entendu, qui est consacré à l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la Charte (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 99 et jurisprudence citée).

57      L’article 52, paragraphe 1, de la Charte admet toutefois des limitations à l’exercice des droits consacrés par celle-ci, pour autant que la limitation concernée respecte le contenu essentiel du droit fondamental en cause et que, dans le respect du principe de proportionnalité, elle soit nécessaire et réponde effectivement à des objectifs d’intérêt général reconnus par l’Union (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 101 et jurisprudence citée).

58      Enfin, l’existence d’une violation des droits de la défense doit être appréciée en fonction des circonstances spécifiques de chaque cas d’espèce, notamment de la nature de l’acte en cause, du contexte de son adoption et des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 102 et jurisprudence citée).

59      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’analyser le sixième moyen.

60      Il convient de rappeler que le juge de l’Union distingue, d’une part, l’inscription initiale du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives et, d’autre part, le maintien du nom de cette personne sur lesdites listes (arrêt du 30 avril 2015, Al-Chihabi/Conseil, T‑593/11, EU:T:2015:249, point 40).

61      En premier lieu, en ce qui concerne les actes initiaux, inscrivant le nom du requérant sur les listes en cause, il ne saurait être requis des autorités de l’Union qu’elles communiquent les motifs desdites mesures préalablement à l’inscription initiale du nom d’une personne ou d’une entité sur les listes imposant des mesures restrictives (voir, en ce sens, arrêt du 21 janvier 2015, Makhlouf/Conseil, T‑509/11, non publié, EU:T:2015:33, point 34 et jurisprudence citée).

62      En effet, une telle mesure, afin de ne pas compromettre son efficacité, doit, par sa nature même, pouvoir bénéficier d’un effet de surprise et s’appliquer immédiatement. Dans un tel cas, il suffit, en principe, que l’institution procède à la communication des motifs à la personne ou à l’entité concernée et ouvre le droit à l’audition de celle-ci concomitamment avec ou immédiatement après l’adoption de la décision (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 61).

63      En l’espèce, la communication des motifs de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a fait l’objet d’un avis publié au Journal officiel de l’Union européenne du 22 janvier 2019.

64      En outre, par lettres des 7, 13 et 25 février 2019, les représentants du requérant, en substance, ont demandé au Conseil de leur communiquer les documents visant à étayer l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, ce que le Conseil a fait par lettre du 12 mars 2019.

65      Dès lors, il y a lieu de constater que, en l’espèce, le fait que le requérant n’a pas été entendu préalablement à l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause constitue une limitation justifiée de ses droits de la défense au sens de la jurisprudence citée au point 57 ci-dessus.

66      Cette conclusion ne saurait être infirmée par l’argument, non étayé, du requérant, tiré de ce qu’il n’existait aucune urgence ni aucun risque qu’il compromette l’efficacité des actes attaqués en étant auditionné préalablement à leur adoption, alors que la possibilité d’être entendu a posteriori ne lui aurait pas permis d’éviter des pertes.

67      En deuxième lieu, s’agissant des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020, il convient de rappeler que, dans le cas des actes par lesquels le nom d’une personne ou d’une entité figurant déjà dans les listes imposant des mesures restrictives est maintenu, un effet de surprise n’est plus nécessaire afin d’assurer l’efficacité desdites mesures, de sorte que l’adoption de tels actes doit, en principe, être précédée d’une communication des éléments retenus à charge ainsi que de l’opportunité conférée à la personne ou à l’entité concernée d’être entendue (voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 62).

68      À cet égard, la Cour a souligné que l’élément de protection qu’offraient l’exigence de communication des éléments à charge et le droit de présenter des observations avant l’adoption d’actes qui maintiennent le nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives était fondamental et essentiel aux droits de la défense. Cela est d’autant plus vrai que les mesures restrictives en question ont une incidence importante sur les droits et les libertés des personnes et des groupes visés (arrêt du 21 décembre 2011, France/People’s Mojahedin Organization of Iran, C‑27/09 P, EU:C:2011:853, point 64).

69      Toutefois, lorsque le maintien du nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de personnes ou d’entités visées par des mesures restrictives est fondé sur les mêmes motifs que ceux qui ont justifié l’adoption de l’acte initial sans que de nouveaux éléments aient été retenus à son égard, le Conseil n’est pas tenu, pour respecter son droit d’être entendu, de lui communiquer à nouveau les éléments retenus à charge (voir, en ce sens, arrêt du 7 avril 2016, Central Bank of Iran/Conseil, C‑266/15 P, EU:C:2016:208, points 32 et 33 et jurisprudence citée). La communication des éléments à charge s’impose, en revanche, lorsqu’il existe des éléments nouveaux par lesquels le Conseil réactualise les informations concernant la situation personnelle de la personne ou de l’entité concernée ou la situation politique et sécuritaire du pays à l’encontre duquel le régime de mesures restrictives a été adopté (voir, en ce sens, arrêt du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 72).

70      En l’espèce, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été signalé au point 45 ci-dessus, d’une part, les actes de maintien de 2019 et les actes de maintien de 2020 n’ont pas modifié les motifs d’inscription du nom du requérant figurant aux annexes des actes initiaux. En outre, le Conseil a, par lettre du 12 mars 2019, c’est-à-dire avant l’adoption des actes susmentionnés, communiqué aux représentants du requérant le document WK 46/2019 INIT, comprenant les éléments de preuve venant au soutien des motifs de l’inscription initiale de son nom sur les listes en cause.

71      D’autre part, le Conseil, dans la réponse aux mesures d’organisation de la procédure, a précisé qu’il n’avait pas recueilli de nouveaux éléments de preuve concernant le requérant afin d’étayer les motifs d’inscription du nom de ce dernier sur les listes en cause entre la date d’adoption des actes initiaux et celle des actes de maintien de 2019. Lors de l’audience, le Conseil a ajouté qu’il n’avait pas non plus recueilli de nouveaux éléments de preuve entre la date d’adoption de ces derniers actes et celle des actes de maintien de 2020. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que le Conseil ait pris en considération des éléments d’actualisation concernant la situation politique et sécuritaire de la Syrie entre la date d’adoption des actes initiaux et celle des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020.

72      Lors de l’audience, le requérant a reproché au Conseil de ne pas lui avoir communiqué de nouveaux éléments de preuve justifiant le maintien de son nom sur les listes en cause avant l’adoption des actes décidant dudit maintien.

73      Cet argument du requérant ne relève, en réalité, pas du droit d’être entendu, mais de la question de la pertinence des éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter les décisions 2019/806 et 2020/719 et les règlements d’exécution 2019/798 et 2020/716. Le Tribunal estime utile d’examiner cet argument dans le cadre de l’analyse du premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation.

74      Dès lors, il ressort de ce qui précède que le Conseil n’a pas porté aux droits de la défense du requérant une atteinte qui justifierait l’annulation des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020, pour autant que ces actes le concernent.

75      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le sixième moyen.

 Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

76      Le requérant ne conteste pas être un homme d’affaires important exerçant ses activités en Syrie, mais, d’une part, être un homme d’affaires « influent » et, d’autre part, avoir un lien avec le régime syrien.

77      En premier lieu, le requérant fait valoir qu’il n’est pas un homme d’affaires « influent ». Il estime, en ce sens, que le Conseil semble avoir confondu le concept d’homme d’affaires « influent », qui nécessite d’appartenir au cercle restreint des femmes et hommes d’affaires exerçant une influence sur le régime syrien, avec celui d’homme d’affaires important, qui est lié à la question de la taille des entreprises détenues ou gérées. Il ajoute, en outre, que « le volume de ses activités économiques ne peut être considéré comme un indicateur d’une façade économique du régime syrien ».

78      À ce titre, le requérant conteste les éléments retenus par le Conseil pour l’inscrire sur les listes en cause. Premièrement, il allègue, en substance, que ni la coentreprise impliquée dans le projet Marota City, Aman Dimashq JSC, ni le projet lui-même ne sont soutenus par le régime syrien. Deuxièmement, il dément financer les « Forces militaires de bouclier de sécurité en Syrie ». Troisièmement, il conteste offrir des services de courtage sur le marché des céréales. Quatrièmement, il prétend ne pas avoir racheté les sociétés d’autres hommes d’affaires influents en exerçant une pression sur eux grâce au soutien du régime et, cinquièmement, il nie tirer des profits financiers de l’accès à des débouchés commerciaux et à des projets de reconstruction du fait de ses liens avec le régime.

79      En second lieu, le requérant prétend n’avoir aucun lien avec le régime syrien ou la famille Al-Assad. Il ajoute, en ce sens, qu’il existe de profondes dissensions entre sa famille et la famille Al-Assad. À cet égard, le requérant reproche, en substance, au Conseil de n’avoir apporté aucune preuve de sa proximité avec le régime ou de l’influence qu’il exercerait sur celui-ci.

80      Le Conseil conteste les arguments du requérant.

 Considérations liminaires

81      Il convient de rappeler que l’effectivité du contrôle juridictionnel garanti par l’article 47 de la Charte exige notamment que le juge de l’Union s’assure que la décision par laquelle des mesures restrictives ont été adoptées ou maintenues, qui revêt une portée individuelle pour la personne ou l’entité concernée, repose sur une base factuelle suffisamment solide. Cela implique une vérification des faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend ladite décision, de sorte que le contrôle juridictionnel ne soit pas limité à l’appréciation de la vraisemblance abstraite des motifs invoqués, mais porte sur la question de savoir si ces motifs, ou, à tout le moins, l’un d’eux considéré comme suffisant en soi pour soutenir cette même décision, sont étayés (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 119).

82      Il incombe au juge de l’Union de procéder à cet examen en demandant, le cas échéant, à l’autorité compétente de l’Union de produire des informations ou des éléments de preuve, confidentiels ou non, pertinents aux fins d’un tel examen (voir arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 120 et jurisprudence citée).

83      C’est en effet à l’autorité compétente de l’Union qu’il appartient, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée, et non à ces dernières d’apporter la preuve négative de l’absence de bien-fondé desdits motifs (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 121).

84      À cette fin, il n’est pas requis que ladite autorité produise devant le juge de l’Union l’ensemble des informations et des éléments de preuve inhérents aux motifs allégués dans l’acte dont il est demandé l’annulation. Il importe toutefois que les informations ou les éléments produits étaient les motifs retenus à l’encontre de la personne ou de l’entité concernée (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 122).

85      Si l’autorité compétente de l’Union fournit des informations ou des éléments de preuve pertinents, le juge de l’Union doit vérifier l’exactitude matérielle des faits allégués au regard de ces informations ou éléments et apprécier la force probante de ces derniers en fonction des circonstances de l’espèce et à la lumière des éventuelles observations présentées, notamment, par la personne ou l’entité concernée à leur sujet (arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, point 124).

86      Conformément à la jurisprudence de la Cour, l’appréciation du bien-fondé d’une inscription doit être effectuée en examinant les éléments de preuve non pas de manière isolée, mais dans le contexte dans lequel ils s’insèrent (voir, en ce sens, arrêts du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑630/13 P, EU:C:2015:247, point 51, et du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 50).

87      Enfin, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

88      Il convient de rappeler, ainsi qu’il ressort des points 46 et 47 ci-dessus, que l’inscription du nom du requérant est fondée, d’une part, sur le critère défini au paragraphe 2, sous a), de l’article 27 et de l’article 28 de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, et au paragraphe 1 bis, sous a), de l’article 15 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828 (critère de l’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie) et, d’autre part, sur le critère défini au paragraphe 1 de l’article 27 et de l’article 28 de ladite décision et au paragraphe 1, sous a), de l’article 15 dudit règlement (critère de l’association avec le régime).

89      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le premier moyen soulevé par le requérant et, tout d’abord, les arguments de ce dernier qui visent, en substance, à remettre en cause le premier motif d’inscription, à savoir celui selon lequel il est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie.

 Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

90      Pour justifier l’inscription et le maintien du nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil a fourni le document WK 46/2019 INIT comportant des éléments d’information publiquement accessibles, à savoir des liens vers des sites Internet, des articles de presse et des captures d’écran provenant :

–        du site Internet « The Syria Report », lequel contient, en premier lieu, un article, publié le 19 avril 2018, intitulé « Factsheet : Samer Foz, Syria’s Most Powerful Businessman » (Résumé : Samer Foz, l’homme d’affaires syrien le plus puissant), qui mentionne que le requérant est devenu l’un des plus puissants acteurs de l’économie syrienne, qu’il est soupçonné d’avoir des liens étroits avec le président Bashar Al-Assad et qu’il aurait servi d’intermédiaire entre le parti de l’union démocratique (Kurdistan syrien) (PYD) et l’État islamique pour échanger du blé ; cet article indique également que le requérant est chargé de la gestion quotidienne d’Aman Holding, qui a été fondée en 1988 par son père ; selon cet article, en juin 2017, Aman Holding a fait l’acquisition du groupe Hamisho et a créé une coentreprise nommée Emmar Industries ; l’article mentionne aussi qu’Aman Holding a créé, avec Damascus Cham Holding, une coentreprise dénommée Aman Dimashq, dotée d’un capital de 10 milliards de livres syriennes (SYP) [environ 18,9 millions de dollars des États-Unis (USD) et environ 16,8 millions d’euros] ; cette coentreprise a été chargée de développer des projets de construction, dont le projet « Basateen Al-Razi », dans le quartier de Mazeeh, à Damas (Syrie), qui est désormais désigné sous le terme de « projet Marota City », sur des terrains expropriés et sur lesquels vivaient des personnes qui étaient en faveur de l’opposition au régime syrien ; en outre, selon cet article, le requérant a créé une société Mena dotée d’un capital de 25 milliards de SYP [47,16 millions d’USD (environ 42,04 millions d’euros)] afin de construire une raffinerie de sucre ; il est également indiqué que le requérant a investi, à travers Aman Holding, dans le domaine pharmaceutique et qu’il a acquis 55 % des parts de l’hôtel Four Seasons à Damas ; enfin, selon cet article, en avril 2018, le requérant a annoncé la signature d’un contrat avec un fabricant d’automobiles réputé pour vendre et distribuer des véhicules commerciaux, ce qui constituerait le quatrième contrat de ce type après la conclusion de contrats par le requérant avec trois autres fabricants d’automobiles ; tous ces contrats seraient particulièrement significatifs compte tenu du fait que le régime syrien a interdit l’importation de voitures en 2016 ; en deuxième lieu, dans deux autres articles, l’un du 16 janvier 2018, intitulé « Syrian Investor Signs Deal Over [Basateen] Al-Razi Project » (Un investisseur syrien conclut un marché concernant le projet de [Basateen] Al-Razi), et l’autre du 1er juin 2018, intitulé « Factsheet : Marota City, Syria’s Most Controversial Investment Project » (Résumé : Marota City, le projet d’investissement syrien le plus controversé), il est mentionné que le projet de construction de la cité de luxe dénommé « Marota City » est un projet soutenu par le régime syrien dans le cadre du décret no 66/2012, ce dernier ayant permis l’expropriation et l’exploitation de terrains au statut socio-économique inférieur, dont le quartier de Mazeeh, dénommé Basateen Al-Razi, situé à Damas ; Marota City est le nouveau nom donné au quartier d’une superficie de 2,15 millions de mètres carrés ; cette zone est située à l’entrée sud-ouest de la capitale de Damas et est proche du centre-ville, des ambassades et des services de sécurité, ce qui la rend attractive aux yeux des promoteurs immobiliers ; ces articles indiquent également que la société de droit privé Damascus Cham Holding est détenue par le gouvernorat de Damas et a créé, avec le requérant en juillet 2017, la coentreprise Aman Dimashq, dotée d’un capital de 10 milliards de SYP ; ces articles ajoutent qu’Aman Holding détient la majorité des parts de cette coentreprise et nomme trois représentants au sein de son conseil d’administration ; en outre, il est indiqué que, en septembre 2017, Damascus Cham Holding a accordé à Aman Dimashq le droit de construire trois gratte-ciel, devant compter jusqu’à 70 étages, et cinq bâtiments résidentiels, d’une valeur de 312 millions d’USD (environ 278,1 millions d’euros) ; enfin, selon ces articles, le requérant est devenu l’un des acteurs économiques les plus puissants et son influence sur les plus hautes sphères de l’élite syrienne résulte de ses liens étroits avec le président Bashar Al-Assad ; en troisième lieu, dans une liste de coentreprises créées par Damascus Cham Holding avec des investisseurs privés, publiée le 17 avril 2018, apparaît Aman Dimashq, créée en septembre 2017 par, d’une part, le requérant, à titre d’actionnaire individuel dans cette dernière par l’intermédiaire d’Aman Holding, et, d’autre part, la société détenue par le gouvernorat de Damas, Damascus Cham Holding, afin de développer le projet Marota City ; il y est indiqué que le requérant détient la majorité des parts de cette coentreprise ; Aman Dimashq est dotée d’un capital de 18,9 millions d’USD ; la liste les projets développés par cette coentreprise est détaillée et il est fait mention du développement de trois gratte-ciel et de cinq bâtiments résidentiels, d’une valeur de 150 milliards de SYP (environ 312 millions d’USD) en termes de coûts d’investissement ;

–        du site Internet du journal Arabisk London, qui a publié, le 5 juin 2017, un entretien avec le requérant dans lequel ce dernier a déclaré qu’Aman Holding était active notamment dans les secteurs du commerce, des investissements, de l’industrie et des transports en Turquie, au Liban et aux Émirats arabes unis ; par ailleurs, le requérant affirme qu’Aman Holding poursuit ses activités en Syrie et qu’il n’hésitera pas à participer aux travaux de reconstruction en Syrie ;

–        du site Internet « Factiva », qui décrit, sur une page du 14 juin 2018, Aman Holding, sise à Lattaquié (Syrie) et créée en 1988, comme une entité ayant ses intérêts, à titre principal, dans le domaine des ponts et chaussées ainsi que, accessoirement, dans les secteurs des services destinés aux entreprises, du conseil et de la gestion ;

–        du site Internet « Reuters », qui indique, dans un article publié sur une page consultée le 14 juin 2018, qu’Aman Holding agit pour le compte du régime syrien dans le commerce de graines ; en particulier, selon cet article, ledit groupe, dirigé par la famille Foz originaire de la ville côtière de Lattaquié, mène une activité de courtage de graines au profit de Hoboob, société détenue par l’État syrien ; il y est également mentionné que le site Internet d’Aman Holding confirme que ce groupe a importé du blé en Syrie en 2013 ;

–        du site Internet « Syrian Law Journal », qui, sur une page du 14 mai 2018, révèle que le décret no 66/2012 a établi les conditions de délimitation des zones de Damas qui seraient dédiées au projet Marota City ; le décret no 19/2015 aurait, quant à lui, permis la création de sociétés privées par des entités publiques afin d’organiser et d’investir dans les biens appartenant aux divers gouvernorats ; selon cette source, le gouvernorat de Damas aurait ainsi pu créer, en 2016, Damascus Cham Holding dans l’objectif de développer le projet Marota City ; le gouvernorat de Damas détiendrait la totalité des parts de Damascus Cham Holding et le gouverneur de Damas serait le président de cette société ;

–        du site Internet du gouvernement syrien « 66.damascus.gov.sy », qui, sur une page datée du 18 septembre 2012, reproduit la partie du décret no 66/2012 identifiant les deux zones de Damas désignées afin d’y réaliser un projet de développement résidentiel et commercial ;

–        du site Internet « The Foundation for Strategic Research », qui, dans un article publié en avril 2018, énonce les circonstances ayant guidé l’adoption du décret no 66/2012 ; cette source mentionne que, selon les autorités syriennes, le décret no 66/2012 visait à améliorer les conditions de vie des habitants en remplaçant les habitations mal construites par des constructions plus modernes et confortables ; selon cet article, seules deux zones d’habitation de Damas, dont les habitants ont appuyé l’opposition, ont été désignées dans ce décret tandis que ledit décret a laissé intacts des quartiers de Damas où les habitants vivent dans des conditions similaires, mais où, à l’inverse, ils ont soutenu le régime syrien ; enfin, l’article indique que le décret va, d’une part, faciliter le développement rapide d’importants projets de construction favorisant l’enrichissement d’hommes et de femmes d’affaires proches du régime et, d’autre part, servir d’instrument punitif à l’encontre des franges de la population opposées au régime syrien ;

–        du site Internet « The Syrian Observer », qui, dans un article publié le 6 avril 2018, intitulé « Alliance Companies Monopolizes New Damascus Development Organizations » (L’alliance des sociétés monopolise les nouvelles organisations de développement de Damas), indique que des hommes et des femmes d’affaires proches du régime syrien investissent dans les nouveaux projets de reconstruction impulsés par ce dernier à Damas ainsi que dans la banlieue de Damas ; selon cette source, ces hommes et femmes d’affaires seraient choisis par le régime syrien en fonction de leur soumission, de leur loyauté et de leurs liens avec les marchés étrangers ;

–        du site Internet « Brookings Institution », qui a publié un rapport daté du mois de juin 2018 et intitulé « Beyond Fragility : Syria and the challenges of reconstruction in fierce states » (Au-delà de la fragilité : la Syrie et les défis de la reconstruction dans les États violents), qui mentionne les actes adoptés par le régime syrien, dont le décret no 66/2012, afin de faire saisir des terrains et des biens, de punir les opposants, de récompenser les personnes proches du régime syrien et les gouverneurs, de réimposer son autorité sur le territoire, de renforcer le contrôle sur l’économie syrienne et d’« aménager » la démographie syrienne pour atteindre, selon les termes de M. Bashar Al-Assad, une « société plus saine et homogène » ; selon ce rapport, le régime syrien, se fondant sur une réglementation nouvelle et préexistante, a exproprié des quartiers de Damas connus pour être des zones favorables à l’opposition et des biens appartenant à des personnes déplacées et suspectées d’être en faveur de l’opposition pour en faire profiter certains hommes d’affaires ; enfin, selon cet article, le projet de construction de la cité de luxe « Marota City » est cité, dans ce rapport, comme l’exemple le plus saillant de cette politique ;

–        du site Internet « Atlantic Council », qui, dans un article publié le 7 mars 2018, décrit le requérant comme un homme d’affaires proche du régime syrien qui est impliqué dans le projet Marota City et qui est devenu l’un des plus puissants hommes d’affaires de Syrie pendant les années de guerre ;

–        du site Internet « Eqtsad News », qui, dans un article publié le 14 janvier 2018 et intitulé « You know them… Big businessmen are sharing a project behind Al-Razi » (Vous les connaissez, ces hommes d’affaires partagent un projet situé derrière Al-Razi), décrit le projet Marota City comme un projet soutenu par le régime syrien au moyen duquel ce dernier soutient les hommes et femmes d’affaires qui lui sont loyaux ; selon cet article, le requérant a signé un contrat avec la région de Damas impliquant un investissement d’un montant de 150 milliards de SYP dans la construction de plusieurs immeubles ;

–        du site Internet « News Deeply », qui indique, dans un article publié le 5 juin 2017, qu’Aman Holding, dirigée par le requérant, a annoncé la création d’Aman Dimashq avec un capital de 18,9 millions d’USD afin de construire plusieurs immeubles sur des terrains expropriés dans le quartier de Mazeeh à Damas ;

–        du site Internet « Open Democracy », qui, dans un article publié le 5 septembre 2017 et intitulé « Militias and crony capitalism to hamper Syria reconstruction » (Les milices et les affairistes entravent la reconstruction de la Syrie), mentionne que, en août 2017, Aman Holding, dirigée par le requérant, qui a des liens étroits avec le régime syrien, annonce sa participation à la reconstruction de Basateen Al-Razi, dans le quartier de Mazeeh à Damas, en partenariat avec le gouvernorat de Damas par l’intermédiaire de sa société Damascus Cham Holding ; selon l’article, Aman Dimashq, coentreprise établie par Aman Holding, a été créée afin de mener à bien ce projet et dispose d’un capital de 18,9 millions d’USD ;

–        du site Internet « Zaman al-Wasl », qui, dans une page datée du 25 mars 2016, décrit le requérant comme l’acteur de l’économie syrienne le plus puissant du pays ; en outre, selon cet article, le requérant investit dans une société titulaire d’une licence exclusive de production de sucre ; il est également indiqué que le requérant a bénéficié de la vente aux enchères des propriétés des opposants au régime syrien ainsi que de l’acquisition de celles appartenant à des hommes d’affaires marginalisés par le régime syrien ; il résulte aussi de cet article que le requérant importe et distribue des biens selon les demandes du régime syrien ; enfin, cet article désigne le requérant comme étant le fondateur d’un groupe appelé « Military Security Shield Forces » (Forces militaires de bouclier de sécurité) qui lutterait aux côtés du président Bashar Al-Assad à Lattaquié ;

–        du site Internet « Orient News », qui, dans un article publié le 7 avril 2018, mentionne que les « Military Security Shield Forces » (Forces militaires de bouclier de sécurité) est un groupe paramilitaire fondé en janvier 2016 par des membres du régime dénommé « Shabiha » et des amis des fondateurs de la « Division de l’intelligence militaire 223 », située à Lattaquié ; l’article mentionne également que les membres de ce groupe sont déployés dans toutes les régions qui se trouvent sous le contrôle du régime et, en particulier, les régions de Deir Ezzor, d’Hama et de Palmyre (Syrie) ;

–        du site Internet « Sasa Post », qui, dans un article publié le 7 avril 2018, mentionne que le requérant a financé les forces militaires de bouclier de sécurité, décrites comme un groupe paramilitaire qui appartient à la « Division de l’intelligence militaire ».

 Sur la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil

91      Ainsi qu’il a été signalé au point 72 ci-dessus, le requérant reproche au Conseil de ne pas lui avoir communiqué de nouveaux éléments de preuve avant l’adoption des décisions 2019/806 et 2020/719 et des règlements d’exécution 2019/798 et 2020/716. En effet, le requérant soutient que l’absence de production d’éléments nouveaux de la part du Conseil est « particulière » compte tenu de son importance aux yeux du Conseil et dans la mesure où, d’une part, le Conseil n’a pas répondu aux éléments de preuve présentés par lui et, d’autre part, il est habituel que le Conseil recueille des éléments de preuve supplémentaires lorsqu’il décide de renouveler des mesures restrictives.

92      Il convient de constater, tout d’abord, que, ainsi qu’il a été signalé aux points 15 et 20 ci-dessus et contrairement à ce que semble soutenir le requérant, le Conseil a répondu aux demandes de réexamen formulées par le requérant en l’informant que ses observations n’étaient pas de nature à remettre en cause l’inscription de son nom sur les listes en cause.

93      En outre, il convient de relever que la question du caractère particulier ou habituel du comportement du Conseil ou encore la prétendue importance du requérant pour le Conseil dans le cadre de l’adoption des mesures restrictives à l’encontre de la Syrie sont sans incidence sur la pertinence des éléments de preuve produits par celui-ci afin de fonder l’adoption des actes attaqués.

94      Enfin, en tout état de cause, il y a lieu de signaler que, selon la jurisprudence, pour justifier le maintien du nom d’une personne sur les listes imposant des mesures restrictives, il n’est pas interdit au Conseil de se fonder sur les mêmes éléments de preuve ayant justifié l’inscription initiale, la réinscription ou le maintien précédent du nom de la partie requérante sur lesdites listes, pour autant que, d’une part, les motifs d’inscription soient inchangés et, d’autre part, le contexte n’ait pas évolué d’une manière telle que ces éléments de preuve seraient devenus obsolètes (arrêt du 23 septembre 2020, Kaddour/Conseil, T‑510/18, EU:T:2020:436, point 99).

95      En l’espèce, ainsi qu’il a été signalé aux points 45 et 70 ci-dessus, les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause sont restés inchangés depuis l’adoption de la décision d’exécution 2019/87 et du règlement d’exécution 2019/85. Ensuite, d’une part, force est de constater que la situation en Syrie n’a pas connu d’amélioration entre les mois de janvier et de mai 2019, puis entre les mois de mai 2019 et de mai 2020, ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le requérant. D’autre part, il ne ressort pas non plus du dossier que la situation du requérant ait évolué, durant ces périodes, d’une manière telle que les éléments de preuve soumis par le Conseil soient devenus obsolètes.

96      Par conséquent, le Conseil n’était pas tenu d’apporter des éléments de preuve supplémentaires par rapport à ceux communiqués au requérant le 12 mars 2019 en raison de changements dans la situation du requérant ou de celle de la Syrie.

 Sur la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil

97      Le requérant conteste la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil dans le document WK 46/2019 INIT en faisant valoir que ce dernier n’est qu’une simple compilation de captures d’écran de sites Internet et d’articles de presse partiaux, dénués de toute valeur probante, sans indication de leurs sources.

98      Plus spécifiquement, premièrement, concernant le site Internet « Brookings Institution », le requérant fait valoir que l’État du Qatar est l’un des principaux donateurs de cette institution et que, dans la mesure où il réside à Dubaï (Émirats arabes unis), il constituerait l’une des cibles des critiques de cette institution dans le cadre de l’opposition entre son pays de résidence, les Émirats arabes unis, et l’État du Qatar sur de nombreuses questions politiques.

99      Deuxièmement, concernant le site Internet « Arabisk London », le requérant signale, tout d’abord, que cette publication est manifestement un magazine d’informations et de divertissement « léger ». En outre, il exprime des doutes sur l’impact que le modèle de financement et de fonctionnement du magazine a sur sa crédibilité et sur sa stratégie de traitement de l’information. À cet égard, selon le requérant, ce modèle de financement provient d’« une agence de publicité ». Ce magazine est donc financé « à partir des revenus générés par [ladite] agence ». Le modèle de fonctionnement consiste en l’utilisation d’« une base de données comprenant près de 5 000 hommes d’affaires qui agissent à la fois comme sources d’informations et comme consommateurs du contenu de la publication ».

100    Troisièmement, concernant le site Internet « The Syrian Observer », le requérant relève, tout d’abord, qu’il s’agit d’une société syrienne de publication d’informations qui prétend être « indépendante sur les plans éditorial et politique ». Ensuite, le requérant signale que ce site Internet est consacré, principalement, à la traduction en anglais d’articles provenant de publications en Syrie sans que, pour autant, un travail de vérification du contenu de ces publications soit réalisé. Ce site précise d’ailleurs qu’il ne se rallierait pas aux points de vue exprimés dans les publications susmentionnées. En outre, selon ce site Internet, la sélection d’articles serait opérée sur la base de deux paramètres, à savoir, d’une part, le sérieux de la publication et, d’autre part, la mesure dans laquelle l’article reflète les positions politiques des auteurs.

101    Quatrièmement, concernant le site Internet « The Syria Report », le requérant signale, tout d’abord, que ce site Internet d’informations syrien s’organise autour d’une « vaste base d’informations, de données et de statistiques, incluant une base de données d’institutions syriennes ». Il s’agirait, principalement, d’un bulletin d’informations économiques. Ensuite, le requérant souligne que A est, d’une part, le fondateur et le rédacteur en chef du site Internet « The Syria Report » ainsi que, d’autre part, le co-fondateur du site Internet « The Syrian Observer ». Cette circonstance explique, selon le requérant, que les sites Internet « The Syria Report » et « The Syrian Observer » publient souvent les mêmes informations et opinions sous différentes formes et dans différentes publications. Ce faisant, ces sites Internet donnent l’impression que les informations publiées sont largement partagées par différents médias et peuvent donc être considérées comme objectives. Par ailleurs, le requérant émet des doutes sur l’intégrité de A, qui, selon lui, est, en sa qualité d’intervenant extérieur auprès du European Council on Foreign Relations (Conseil européen des relations internationales), amené à collaborer avec les institutions de l’Union, en ce compris le Conseil, sur des questions concernant la Syrie, notamment au vu du fait qu’il a publié des rapports portant sur l’économie de guerre syrienne et sur la décentralisation de cet État durant la guerre. Dans ce contexte, le requérant allègue, en substance, que le Conseil utilise ses liens avec A pour obtenir des articles appuyant la politique que celui-ci entend appliquer avant leur publication sur ces sites Internet, afin de servir par la suite de justification concernant des mesures restrictives amenées à être adoptées ou nouvellement adoptées. À l’appui de cette allégation, le requérant fournit une page extraite du site Internet « News Deeply », contenant une brève présentation de A et un article intitulé « Analyse : pas de fonds pour le projet de loi de reconstruction de la Syrie ». Enfin, le requérant souligne que le site Internet « The Syria Report » n’a pas respecté les règles professionnelles journalistiques, dans la mesure où il ne l’a jamais contacté afin de vérifier le contenu des informations publiées sur son site ou de solliciter son point de vue sur ces dernières.

102    Cinquièmement, concernant le site Internet « Zaman al-Wasl », le requérant fait valoir, en substance, que ce site Internet est biaisé dans sa couverture des informations, dans la mesure où il reflète les opinions de la partie de l’opposition au régime syrien parrainée par la Turquie. Plus précisément, selon le requérant, ce site se concentre sur la « diabolisation » des Syriens qui sont restés neutres pendant la guerre en Syrie. En outre, le requérant soutient que les informations publiées sur ce site sont souvent non vérifiées, peu fiables et manquent d’objectivité. Finalement, selon le requérant, ce site Internet a un penchant pour les informations à caractère « sensationnel ».

103    Enfin, sixièmement, concernant le site Internet « Orient News », le requérant relève, tout d’abord, que le groupe de médias « Orient News » appartient à B, un homme d’affaires syrien, une figure de l’opposition syrienne controversée, qui a une très mauvaise réputation, même parmi l’opposition syrienne. Selon le requérant, le site Internet « Orient News » est le plus grand soutien et sympathisant des groupes armés fanatiques et terroristes en Syrie et des combattants étrangers opérant dans la province syrienne d’Idlib. À cet égard, ce média est, selon le requérant, sectaire et promeut la haine et la vengeance interreligieuse.

104    Dans le cadre de la réponse aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal, le Conseil soutient qu’il ne dispose pas d’autres informations concernant les sources d’informations sur lesquelles il s’est fondé que ce qui peut être déduit du document WK 46/2019 INIT. Ensuite, il reproduit des informations publiquement accessibles sur Internet concernant les sites Internet « The Syria Report », « Arabisk London », « Reuters », « Syrian Law Journal », « The Foundation for Strategic Research », « The Syrian Observer », « Brookings Institution », « Atlantic Council », « Eqtsad News », « News Deeply », « Open Democracy », « Zaman al-Wasl » et « Orient News ».

105    Il convient de rappeler que, d’une part, dans le cadre de l’appréciation de la gravité de l’enjeu, qui fait partie du contrôle de la proportionnalité des mesures restrictives en cause, il peut être tenu compte du contexte dans lequel s’inscrivent ces mesures, du fait qu’il était urgent d’adopter de telles mesures ayant pour objet de faire pression sur le régime syrien afin qu’il arrête la répression violente dirigée contre la population et de la difficulté d’obtenir des preuves plus précises dans un État en situation de guerre civile doté d’un régime de nature autoritaire (arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46).

106    D’autre part, conformément à une jurisprudence constante, l’activité de la Cour et du Tribunal est régie par le principe de libre appréciation des preuves et le seul critère pour apprécier la valeur des preuves produites réside dans leur crédibilité. En outre, pour apprécier la valeur probante d’un document, il faut vérifier la vraisemblance de l’information qui y est contenue et tenir compte, notamment, de l’origine du document, des circonstances de son élaboration ainsi que de son destinataire, et se demander si, d’après son contenu, il semble sensé et fiable [voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2018, Kim e.a./Conseil et Commission, T‑533/15 et T‑264/16, EU:T:2018:138, point 224, et du 12 février 2020, Kande Mupompa/Conseil, T‑170/18, EU:T:2020:60, point 107 (non publié)].

107    En l’espèce, s’agissant de l’argument du requérant relatif au fait qu’il s’agirait principalement d’articles de presse manquant « cruellement de sources », il importe de relever que la situation de guerre en Syrie rend en pratique difficile, voire impossible, le recueil de témoignages de la part de personnes acceptant d’être identifiées et les difficultés d’investigation qui s’ensuivent et le danger auquel s’exposent ceux qui livrent des renseignements font obstacle à ce que des sources précises de comportements personnels de soutien au régime soient apportées (voir, en ce sens, arrêt du 21 avril 2015, Anbouba/Conseil, C‑605/13 P, EU:C:2015:248, point 46, et conclusions de l’avocat général Bot dans les affaires Anbouba/Conseil, C‑605/13 P et C‑630/13 P, EU:C:2015:2, point 204).

108    Par ailleurs, il convient de relever, tout d’abord, que les éléments de preuve figurant dans le document WK 46/2019 INIT et dont la force probante est contestée par le requérant émanent de sources d’informations numériques d’origines variées, non seulement locales, mais également étrangères. Ainsi, parmi les sources d’informations locales, il peut être mentionné « The Syria Report », la première source d’informations économiques, d’affaires et financières sur la Syrie, indépendante et ne se rattachant à aucune organisation religieuse, sociale ou politique ; « The Syrian Observer », un service d’informations en ligne qui, pour l’essentiel, collecte et traduit en anglais des contenus informatifs produits par la presse officielle syrienne, des groupes d’opposition au régime ou encore la société civile et qui est financé par des donateurs dont, notamment, la Fondation Konrad Adenauer et le Département fédéral des affaires étrangères suisse ; « Zaman al-Wasl », un site d’actualité syrien ; « Eqtsad News », un organe de presse, faisant partie de « Zaman al-Wasl », qui appartient au plus important média indépendant du régime syrien ; « Orient News », un groupe de presse syrien détenu par une figure de l’opposition et qui fournit des services d’information au Moyen-Orient et « Syrian Law Journal », un site spécialisé dans le domaine juridique et couvrant des informations en provenance de Syrie dans ce domaine ainsi que dans les domaines économiques et des affaires. Parmi les sources d’informations d’origine étrangère, peuvent être cités « Reuters », une agence de presse réputée ; « News Deeply », une entreprise établie à New York (États-Unis) et spécialisée dans les sites Internet d’informations monothématiques et la création de bases de données en ligne de parties prenantes ; « Open Democracy », un site Internet pour l’analyse des questions sociales et politiques dont les fondateurs sont actifs dans des médias bien établis et dans le domaine du militantisme politique et qui compte, parmi ses contributeurs, des personnalités connues sur le plan international ; « Arabisk London », une revue trimestrielle établie à Londres (Royaume-Uni) qui publie, notamment, des entretiens ainsi que des informations économiques et sur le monde des affaires ; « Atlantic Council », un groupe de réflexion des États-Unis actif dans le domaine des affaires internationales ; « Brookings Institution », un groupe de réflexion réputé aux États-Unis et « The Foundation for Strategic Research », une organisation indépendante à but non lucratif, reconnue en France comme une fondation d’utilité publique. En outre, le Conseil a produit des pages provenant d’un site Internet du gouvernement syrien. Or, ces différentes sources relaient des éléments d’information qui se corroborent, de sorte que le requérant ne saurait uniquement se prévaloir du fait qu’il s’agit de captures d’écran de sites Internet et d’articles de presse pour en contester le caractère sensé et fiable.

109    Ensuite, il convient de signaler que l’argument du requérant selon lequel il constitue l’une des cibles des critiques de « Brookings Institution » dans le cadre d’une opposition entre l’État du Qatar et les Émirats arabes unis n’est aucunement étayé. En tout état de cause, dans l’hypothèse où l’État du Qatar exercerait l’influence sur le site Internet « Brookings Institution » que le requérant lui prête, le fait que le requérant réside à Dubaï n’apparaît pas comme étant, en tant que tel, suffisant pour attirer les critiques de cette institution.

110    En outre, concernant les critiques du requérant relatives au site Internet « Arabisk London », il y a lieu de constater que l’élément de preuve apporté par le Conseil consiste en un entretien du requérant, publié sur ce site Internet. À cet égard, le requérant ne conteste pas l’authenticité des questions et réponses qui y figurent. Il a d’ailleurs précisé, lors de l’audience, qu’il ne contestait pas cet élément de preuve en particulier, mais plutôt le fait que le Conseil se fondât sur ce type de magazine pour adopter des mesures restrictives. Or, ces critiques, formulées d’une manière générale, ne sont pas de nature à remettre en question la fiabilité du contenu de l’entretien qui constitue l’un des éléments de preuve sur lesquels le Conseil s’est fondé pour adopter les actes attaqués. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

111    De plus, concernant les arguments du requérant relatifs au site Internet « The Syrian Observer », il convient de constater, tout d’abord, que la description faite de cette source d’information ne contient pas d’éléments permettant de douter de sa fiabilité. Au contraire, en indiquant de manière transparente le fait que le contenu des articles qui y sont publiés n’est pas systématiquement vérifié, cette source avertit ses lecteurs de ce qu’il peut être nécessaire de croiser les informations transmises par les articles publiés pour en apprécier la véracité. C’est pourquoi il apparaît également utile que ce site Internet publie des articles provenant de différentes sources, certaines proches du régime syrien et d’autres s’opposant à celui-ci. Partant, il y a lieu de rejeter cet argument.

112    Il en va de même pour les arguments du requérant concernant le site Internet « The Syria Report ». Plus précisément, s’agissant de l’allégation selon laquelle cette publication ne respecte pas les règles professionnelles journalistiques, force est de constater, tout d’abord, que le requérant ne précise pas au regard de quelles règles il aurait dû être contacté par ce site Internet. En outre, il ne ressort aucunement du dossier que le requérant a réagi à ce prétendu manque de respect de telles règles, notamment, en entreprenant une action en diffamation. Enfin, en tout état de cause, il convient de relever que le fait que le requérant n’aurait pas été contacté afin de vérifier les informations relayées, à le supposer avéré, n’est pas, en tant que tel, suffisant pour dénier toute fiabilité aux informations publiées sur ce site Internet. Il convient donc d’écarter cet argument.

113    Ensuite, concernant, d’une part, l’allégation du requérant selon laquelle les sites Internet « The Syrian Observer » et « The Syria Report » publient, en substance, les mêmes informations afin de doter ces dernières d’une objectivité apparente, force est de constater, tout d’abord, que le requérant ne produit aucune preuve illustrant la collusion alléguée. En outre, il ne ressort pas davantage du document WK 46/2019 INIT que les informations publiées sur ces deux sites Internet sont similaires au point de témoigner d’une telle collusion. Par ailleurs, force est de constater que le requérant a reconnu que certains des faits relatés par le site Internet « The Syria Report » étaient corrects, de sorte que, même à supposer que les informations qui y sont publiées fassent l’objet d’une présentation subjective, ils n’en demeurent pas moins fiables. En tout état de cause, le fait que deux sources publient les mêmes informations ne saurait être suffisant pour remettre en cause leur fiabilité, dès lors qu’il est courant, dans le milieu journalistique, que différents journaux ou sites d’informations relaient les mêmes faits. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

114    Concernant, d’autre part, les doutes exprimés par le requérant quant à l’intégrité de A, il convient de relever, tout d’abord, que le requérant les a nuancés lors de l’audience, tout en maintenant qu’il existait un certain degré de collaboration et d’influence mutuelle entre le Conseil et A. Ensuite, force est de constater qu’il n’a avancé aucun élément au soutien de cette allégation. En effet, la brève présentation de A apportée par le requérant ne mentionne pas l’existence de relations entre ce dernier et le Conseil. Cette circonstance ne peut pas non plus être déduite de l’article intitulé « Analyse : pas de fonds pour le projet de loi de reconstruction de la Syrie », dont A est l’auteur. Par ailleurs, le requérant n’explique pas non plus quel serait l’intérêt pour A de publier des articles appuyant la politique que le Conseil entend appliquer, afin de servir, par la suite, de justification concernant des mesures restrictives amenées à être adoptées ou nouvellement adoptées. Enfin, le Conseil a nié, lors de l’audience, qu’il existe une relation de coopération quelconque entre le Conseil et les sources des éléments de preuve figurant dans le document portant la référence WK 46/2019 INIT. Dès lors, il y a lieu de rejeter cet argument.

115    Enfin, les critiques du requérant à l’égard du site Internet « Zaman al-Wasl » et d’« Orient News » ne sont que de simples affirmations non étayées. En tout état de cause, le fait que ces sites Internet soient proches de certaines parties de l’opposition, à le supposer avéré, ne saurait être, en tant que tel, de nature à priver de toute fiabilité les informations qui y sont publiées. Il y a donc lieu de rejeter ces arguments.

116    Au vu de ce qui précède, le Tribunal estime, en l’absence d’élément dans le dossier susceptible de remettre en cause la fiabilité des sources utilisées par le Conseil, qu’il convient de leur reconnaître un caractère sensé et fiable, au sens de la jurisprudence rappelée au point 106 ci-dessus.

 Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

117    Il convient de vérifier si l’ensemble des éléments de preuve soumis par le Conseil satisfait à la charge de la preuve qui lui incombe, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 83 ci-dessus, et constitue ainsi un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants pour étayer le premier motif d’inscription.

118    À cet égard, le Conseil a considéré que le requérant était un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison des intérêts et des activités qu’il a dans de multiples secteurs de l’économie syrienne.

119    S’agissant, premièrement, d’Aman Holding, il peut être constaté, eu égard aux éléments d’information provenant des sites Internet « The Syria Report », « Arabisk London », « Factiva », « Reuters », « News Deeply » et « Zaman al-Wasl », que le requérant est chargé de la gestion quotidienne de ce groupe d’entreprises, créé en 1988 à Lattaquié par son père et actif dans de multiples secteurs de l’économie syrienne.

120    Plus précisément, il en ressort que les entreprises faisant partie d’Aman Holding développent des activités dans les domaines de la construction, en participant au projet Marota City par l’intermédiaire de la coentreprise Aman Dimashq ; des denrées alimentaires, grâce, notamment, à sa participation au marché du blé et à la création d’une société pour la construction d’une raffinerie de sucre qui aurait une licence exclusive pour la production de ce produit ; du tourisme, avec la détention de 55 % des parts de l’hôtel Four Seasons à Damas ; de l’assemblage automobile, grâce à la signature de contrats avec plusieurs fabricants d’automobiles réputés, et des produits pharmaceutiques. Il en ressort également qu’Aman Holding a fait l’acquisition de certaines propriétés d’autres hommes d’affaires, dont le groupe Hamisho, avec lequel il a créé Emmar Industries, société active dans le secteur de la construction, ainsi que Syria Modern Cables, société qui produit des câbles isolés et des câbles électriques à haute tension, et le restaurant-salle de danse Orient Club.

121    Ces éléments sont, en substance, confirmés par le requérant. À cet égard, le requérant affirme être le « capitaine d’industrie » des entreprises constituant Aman Holding. En effet, le requérant a confirmé, lors de l’audience, qu’il assumait le rôle de directeur des sociétés actives dans les domaines mentionnés au point 120 ci-dessus, et qui sont entièrement détenues par Aman Holding. Par ailleurs, il ressort des statuts d’Aman Holding, produits par le requérant, que ce dernier détient 33,3 % des parts de cette société. Enfin, le requérant confirme avoir créé des coentreprises avec le groupe Hamisho et avoir acquis Syria Modern Cables et l’Orient Club.

122    S’agissant, deuxièmement, du projet Marota City, il ressort des sites Internet « The Syria Report », « Syrian Law Journal », « The Foundation for Strategic Research », « The Syrian Observer », « Brookings Institution », « Atlantic Council », « Eqtsad News », « News Deeply » et « Open Democracy » qu’il s’agit d’un projet immobilier de grande ampleur soutenu par le régime syrien et mené sur des terrains expropriés dans Basateen Al-Razi, dans le quartier de Mazeeh, à Damas.

123    Plus précisément, il en ressort que le décret no 66/2012 a établi les conditions de délimitation des zones de Damas qui seraient dédiées aux projets de construction, tandis que le décret no 19/2015 a permis aux entités publiques de créer des sociétés privées afin de développer ce projet. En outre, il en résulte que Basateen Al-Razi, dans le quartier de Mazeeh, à Damas, est l’une des deux zones délimitées conformément au décret no 66/2012, dans laquelle le projet Marota City sera construit. Cette zone s’étend sur une superficie de 2,15 millions de mètres carrés et est située près du centre de la ville de Damas, des ambassades et des services de sécurité, ce qui la rend attractive aux yeux des promoteurs immobiliers. Le projet Marota City comprend la construction de gratte-ciel, de 12 000 unités résidentielles avec une capacité de logement pour 60 000 personnes et d’établissements commerciaux et de loisir. En octobre 2016, Commercial Bank of Syria a annoncé qu’elle avait approuvé un prêt de 20 milliards de SYP, soit une somme équivalente à 40 millions d’USD (environ 35,65 millions d’euros), sollicité par le gouvernorat de Damas afin de l’aider à financer les travaux d’infrastructure, ce qui constituerait le prêt le plus élevé octroyé par cette banque depuis 2011. Un officiel du gouvernorat de Damas a déclaré, en mars 2017, qu’une soixantaine d’entrepreneurs avaient manifesté leur intérêt pour le projet et que le coût de la partie résidentielle de celui-ci s’élevait à 100 milliards de SYP, soit une somme équivalente à 185 millions d’USD (environ 164,91 millions d’euros). Par ailleurs, il ressort desdits éléments de preuve que Damascus Cham Holding est une entité qui a été créée en 2016 pour mener à bien le développement du projet Marota City, qu’elle est entièrement détenue par le gouvernorat de Damas et que le gouverneur de Damas en est le président.

124    Il y a lieu de constater que ces éléments sont, en substance, confirmés par les éléments de preuve produits par le requérant, en particulier par le « guide illustré sur le projet “Marota City” et sur le quartier Basateen Al-Razi », produit en annexe à la réplique. En outre, il convient de relever que le requérant a lui-même précisé que Damascus Cham Holding avait été créée afin de mener à bien le développement de 30 % des terrains dédiés au projet Marota City détenus par le gouvernorat de Damas et que ce dernier a apporté ces terrains en nature au capital de ladite société.

125    Par ailleurs, il peut être conclu, à la lecture des articles provenant des sites Internet « The Syria Report », « Syrian Law Journal », « News Deeply » et « Open Democracy », tout d’abord, que Damascus Cham Holding a créé avec Aman Holding la coentreprise Aman Dimashq. Cette circonstance est d’ailleurs confirmée par le requérant, qui précise que, d’une part, Foz for Trading et Aman Holding détiennent, respectivement, 11 % et 40 % des parts d’Aman Dimashq et, d’autre part, Damascus Cham Holding en détient 49 %.

126    Ensuite, il en ressort qu’Aman Dimashq est dotée d’un capital de 18,9 millions d’USD et a été créée afin de construire plusieurs immeubles dans le cadre du projet Marota City. En particulier, selon le site Internet « The Syria Report », Damascus Cham Holding a accordé à Aman Dimashq le droit de construire trois gratte-ciel, d’une hauteur respective de 70 étages, et cinq bâtiments résidentiels. Selon le « guide illustré sur le projet “Marota City” et sur le quartier Basateen Al-Razi » susmentionné, les bâtiments résidentiels comporteront chacun jusqu’à 22 étages. Enfin, le montant de l’investissement d’Aman Dimashq s’élève à 312 millions d’USD.

127    Dans ce contexte, en premier lieu, le requérant conteste, d’une part, être directement impliqué dans le projet Marota City et, d’autre part, l’importance de sa participation audit projet.

128    Concernant l’argument du requérant selon lequel il n’est pas directement impliqué dans le projet Marota City, il convient de constater, tout d’abord, que cet argument est dénué de pertinence. À cet égard, il y a lieu de relever que, selon les motifs d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, l’adoption des actes attaqués se fonde, notamment, sur les intérêts et activités de ce dernier dans une coentreprise appuyée par le régime et active dans la construction du projet Marota City, à savoir Aman Dimashq. Autrement dit, il n’est pas affirmé, dans les motifs d’inscription, que le requérant a une implication directe dans le projet Marota City. Ensuite, il convient de relever que Foz for Trading et Aman Holding détiennent, conjointement, 51 % des parts d’Aman Dimashq et que le requérant reconnaît être le « propriétaire bénéficiaire ultime » de ces sociétés. De plus, comme il a été signalé au point 121 ci-dessus, le requérant a également affirmé lors de l’audience être le directeur de ces sociétés. Dans ces circonstances, il peut être conclu que le requérant a effectivement des intérêts et activités dans Aman Dimashq, société participant à la construction du projet Marota City, sans qu’il soit besoin d’examiner le caractère, direct ou indirect, de sa participation audit projet.

129    En outre, le requérant fait valoir que sa participation au projet Marota City est extrêmement faible. À cet égard, il soutient qu’Aman Dimashq a le droit de développer seulement 0,93 % de la superficie totale des terrains dédiés au projet Marota City. Ainsi, compte tenu du fait que, par l’intermédiaire de Foz for Trading et Aman Holding, il ne détiendrait que 51 % du capital social d’Aman Dimashq, il ne posséderait que 0,00445 % du projet Marota City, ce qui représenterait un pourcentage très faible.

130    Il y a lieu de relever, tout d’abord, que le pourcentage des terrains dédiés au projet Marota City dont le développement a été, selon le requérant, assigné à Aman Dimashq, à le supposer avéré, correspond à un calcul fondé sur la superficie des terrains et non sur la superficie de construction. Ainsi, ce pourcentage n’est pas forcément illustratif de la participation de cette société, et finalement du requérant, dans le projet Marota City, dans la mesure où il ressort du dossier que ce dernier est composé d’immeubles qui comptent chacun, au minimum, plus d’une dizaine d’étages. Par ailleurs, ce pourcentage ne tient pas compte non plus de la finalité, résidentielle, commerciale ou mixte, des immeubles, ce qui pourrait éventuellement avoir un impact sur la valeur de la participation d’Aman Dimashq dans ledit projet.

131    En tout état de cause, il convient de relever que le fait que le requérant ne soit pas directement impliqué dans le projet Marota City ou que sa participation dans ce projet soit faible n’implique pas automatiquement qu’il n’est pas un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie. À cet égard, il convient de relever qu’il ressort du dossier que le requérant a investi une somme de plus de 9 millions d’USD (environ 7,4 millions d’euros), par l’intermédiaire de Foz for Trading et d’Aman Holding, dans Aman Dimashq, société qui investit à son tour une somme de 312 millions d’USD dans le projet Marota City, ce qui témoigne de l’importance de la participation financière de ces deux sociétés dont le requérant a reconnu être le directeur. L’investissement du requérant ne saurait, dès lors, être qualifié d’insignifiant.

132    En deuxième lieu, le requérant soutient que ni le projet Marota City ni la coentreprise Aman Dimashq ne peuvent être considérés comme étant soutenus par le régime syrien. À cet égard, le requérant fait valoir, d’une part, que Damascus Cham Holding, qui détient 49 % des parts d’Aman Dimashq, est une société de droit privé et, d’autre part, que le gouvernorat de Damas est une entité locale entièrement indépendante du régime syrien.

133    S’agissant de Damascus Cham Holding, ainsi qu’il a été relevé au point 123 ci-dessus, il ressort des éléments de preuve produits par le Conseil que cette société est entièrement détenue par le gouvernorat de Damas et que le gouverneur de Damas en est le président. Ces circonstances sont confirmées par les statuts de cette société, produits par le requérant dans le cadre de ses réponses aux mesures d’organisation de la procédure adoptées par le Tribunal. Il en ressort également que, parmi les huit membres qui, en plus du gouverneur de Damas, composent le conseil d’administration de ladite société, quatre doivent être des experts dans les domaines commercial, juridique et financier, ne faisant pas partie du gouvernorat de Damas, mais nommés par ce dernier. Ainsi, rien ne s’oppose à ce que les quatre autres membres fassent partie du gouvernorat de Damas. Il y est également précisé que le gouverneur de Damas, en tant que président du conseil d’administration de ladite société, jouit d’une voix prépondérante en son sein. En outre, il convient de rappeler, comme il a été signalé au point 124 ci-dessus, que le gouvernorat de Damas a apporté au capital social de Damascus Cham Holding les terrains qui lui avaient été assignés et qui représentaient 30 % de la superficie totale du projet Marota City. Enfin, ainsi que l’a relevé le Conseil lors de l’audience, il en ressort que Damascus Cham Holding est chargée, sous l’autorité du gouvernorat de Damas, notamment, de l’octroi des licences de construction, de la collecte des frais, indemnités et amendes et de la construction de centres prestataires de services pour les citoyens. Ainsi, il résulte de l’ensemble de ces éléments que Damascus Cham Holding a été créée par le gouvernorat de Damas et constitue un instrument contrôlé par ce dernier afin de mener à bien sa participation dans le projet Marota City. Cette conclusion ne saurait être infirmée par le fait que cette société est une société de droit privé.

134    En ce qui concerne la qualité du gouvernorat de Damas comme entité indépendante du régime syrien, il convient de constater, tout d’abord, que l’argument du requérant, énoncé d’une manière générale, n’est étayé par aucun élément concret. En tout état de cause, compte tenu de la nature autoritaire du régime syrien, le Conseil pouvait considérer, à juste titre, comme constituant une règle d’expérience commune le fait que les activités du gouvernorat de Damas n’avaient pas pu prospérer sans le soutien du régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2013, Anbouba/Conseil, T‑592/11, non publié, EU:T:2013:427, point 48). À cet égard, il convient de relever que le requérant a lui-même signalé, dans la requête, que les réunions tenues afin d’établir des plans et des calendriers de développement de quartiers résidentiels à Damas étaient organisées entre des représentants d’entités européennes, le ministère de l’Administration locale et de l’Environnement syrien et le gouvernorat de Damas, ce qui constitue un indice corroborant cette règle d’expérience commune.

135    Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que le Conseil a apporté un faisceau d’indices suffisamment concrets, précis et concordants permettant d’établir que le requérant est un homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie en raison de ses intérêts et activités dans de multiples secteurs de l’économie syrienne, en ce compris sa détention, par l’intermédiaire de Foz for Trading et d’Aman Holding, de 51 % des parts d’Aman Dimashq, société participant à la construction du projet Marota City soutenu par le régime syrien.

136    Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments du requérant.

137    À cet égard, en premier lieu, le requérant soutient que le projet Marota City n’est pas construit sur des terrains expropriés. Il fait valoir, en ce sens, que les terrains dédiés au projet Marota City n’ont jamais fait l’objet d’une expropriation forcée, mais bien d’une négociation avec les propriétaires de logements non conformes situés sur ces terrains. À cet égard, le requérant soutient que 359 opérations d’acquisition desdits logements ont été réalisées, leur valeur totale approximative s’élevant à 8,856 milliards de SYP, soit 18 335 403 euros. Le requérant a produit, à titre d’illustration, des éléments de preuve concernant le paiement du prix aux propriétaires dans 20 de ces 359 opérations. Par ailleurs, le requérant ajoute, en substance, qu’une indemnité locative aurait été versée aux propriétaires de logements non conformes qui n’ont pas désiré vendre leur bien. Enfin, le requérant allègue, en substance, que ces terrains n’ont pas été le théâtre d’affrontements entre les forces de l’opposition et le régime syrien et que les quartiers de Damas situés dans cette zone n’ont jamais été détruits pendant le conflit armé qui a eu cours en Syrie.

138    Il convient de relever que les arguments exposés au point 137 ci-dessus sont dénués de pertinence. À cet égard, aux termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, « [l]e Conseil a estimé que, en raison du contrôle étroit exercé sur l’économie par le régime syrien, un cercle restreint de femmes et d’hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie n’[était] en mesure de maintenir son statut que grâce à des liens étroits avec le régime et au soutien de celui-ci, ainsi qu’à l’influence exercée en son sein » et « [l]e Conseil estime qu’il devrait prévoir des mesures restrictives pour imposer des restrictions à l’admission des femmes et des hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie, identifiés par le Conseil et dont la liste figure à l’annexe I, ainsi que pour geler tous les fonds et ressources économiques qui leur appartiennent, qui sont en leur possession, ou qui sont détenus ou contrôlés par eux, afin de les empêcher de fournir un soutien matériel ou financier au régime et, par l’influence qu’ils exercent, d’accroître la pression sur le régime lui-même afin qu’il modifie sa politique de répression ».

139    Il en découle que le critère de l’« homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie » suppose notamment un soutien par le régime syrien et vise à empêcher les femmes et les hommes appartenant à cette catégorie de fournir un soutien matériel ou financier audit régime. Ainsi, la question de savoir si le projet Marota City est construit sur des terrains expropriés ou si ces terrains ont été le théâtre d’affrontements est sans incidence sur la participation du requérant dans un projet soutenu par le régime syrien et, ainsi, sur l’application dudit critère au cas d’espèce.

140    En tout état de cause, force est de constater que, comme l’a signalé, à juste titre, le Conseil lors de l’audience, les éléments de preuve produits par le requérant et tendant à démontrer le paiement d’un prix d’achat aux anciens propriétaires des logements situés sur les terrains destinés à la construction du projet Marota City mentionnés au point 137 ci-dessus révèlent certaines incohérences. En particulier, les montants de ces prix d’achat figurant dans les reçus signés par les anciens propriétaires ne concordent pas avec les montants figurant dans les reçus bancaires des dépôts des espèces  correspondants, ces derniers étant d’une valeur notablement inférieure. Ainsi, en l’absence de justification de la part du requérant sur ce point, ces incohérences soulèvent, à tout le moins, des doutes quant à ces allégations.

141    En deuxième lieu, le requérant fait valoir, dans le second mémoire en adaptation, que l’importance économique, industrielle et commerciale d’Aman Holding a diminué, notamment en raison de l’adoption des actes attaqués. En effet, le requérant soutient que de nombreux projets et activités ont été complètement arrêtés ou fonctionnent à une capacité minimale. Il ajoute qu’Aman Holding a suspendu tout nouvel investissement et que de nombreux emplois sont menacés. Enfin, il fait valoir que l’usine de laminage de fer a été liquidée.

142    À cet égard, force est de constater que, à l’exception d’une résolution du ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien du 2 mars 2020 ratifiant la décision de l’assemblée générale d’Emaar for Iron Limited Liability de liquider cette société, tendant à démontrer la liquidation de l’usine de laminage de fer, le requérant n’a produit aucun élément de preuve pour étayer ces allégations, ni précisé quelles activités des entreprises d’Aman Holding, en particulier, auraient diminué ou se seraient arrêtées. Ainsi, même dans l’hypothèse où l’usine de laminage de fer serait détenue par Emaar for Iron et aurait donc été liquidée, le requérant n’a pas avancé d’éléments permettant de conclure qu’il ne poursuit plus ses activités et intérêts dans nombre d’autres secteurs de l’économie syrienne. Il convient, dès lors, d’écarter les arguments avancés par le requérant.

143    Enfin, en troisième lieu, il convient d’examiner les arguments du requérant visant à soutenir, d’une part, que l’application au cas d’espèce du critère de l’« homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie » exige que le Conseil démontre l’existence d’un lien entre le requérant et le régime syrien et, d’autre part, que, en tout état de cause, le requérant aurait valablement réfuté la présomption selon laquelle, en tant qu’homme d’affaires important, il serait lié au régime syrien.

144    À cet égard, il convient de relever que, en l’espèce, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause a eu lieu en application de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836. À ce titre, la décision 2015/1836 a notamment introduit comme critère d’inscription objectif, autonome et suffisant celui des « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie », de sorte que le Conseil n’est plus tenu de démontrer l’existence d’un lien entre cette catégorie de personnes et le régime syrien, au sens où l’entendait la décision 2013/255 avant sa modification, ni non plus entre cette catégorie de personnes et le soutien apporté à ce régime ou le bénéfice tiré de ce dernier, étant donné qu’être une femme ou un homme d’affaires influents exerçant ses activités en Syrie suffit pour l’application des mesures restrictives en cause à une personne. Ainsi, il ne découle aucunement de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, qu’il incomberait au Conseil de rapporter la preuve que tant la condition relative à la situation de femme ou d’homme d’affaires influent que celle de liens suffisants avec le régime sont cumulativement remplies [voir, en ce sens, arrêts du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, point 38 ; du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 71 à 74 ; et du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, points 55 et 56 (non publiés)].

145    En ce sens, le Tribunal a considéré qu’il pouvait être déduit du critère relatif à la qualité de « femmes et hommes d’affaires influents exerçant leurs activités en Syrie » une présomption réfragable de lien avec le régime syrien (voir, en ce sens, arrêt du 4 avril 2019, Sharif/Conseil, T‑5/17, EU:T:2019:216, point 106, et ordonnance du 11 septembre 2019, Haswani/Conseil, T‑231/15 RENV, non publiée, EU:T:2019:589, point 60). Cette présomption trouve à s’appliquer dès lors que le Conseil a été en mesure de démontrer que la personne est non seulement une femme ou un homme d’affaires exerçant ses activités en Syrie, mais aussi qu’elle peut être qualifiée d’influente. En effet, ainsi qu’il ressort des termes du considérant 6 de la décision 2015/1836, c’est l’influence que cette catégorie de personnes est susceptible d’exercer sur le régime syrien que le Conseil vise à exploiter en les poussant, par le biais des mesures restrictives qu’il adopte à leur égard, à faire pression sur le régime syrien pour qu’il modifie sa politique de répression. Ainsi, dès lors que le Conseil est parvenu à démontrer l’influence qu’une femme ou un homme d’affaires peut exercer sur ledit régime, le lien entre ladite personne et le régime syrien est présumé.

146    En outre, il y a lieu de rappeler que le respect des règles relatives à la charge et à l’administration de la preuve en matière de mesures restrictives par le Tribunal implique que ce dernier respecte le principe énoncé par la jurisprudence constante mentionnée au point 83 ci-dessus et rappelé par la Cour, en dernier lieu, dans l’arrêt du 11 septembre 2019, HX/Conseil (C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 48 à 50), selon lequel, en substance, la charge de la preuve incombe à l’institution en cas de contestation du bien-fondé des motifs d’inscription. La Cour a ainsi jugé que la charge de la preuve de l’existence d’informations suffisantes, au sens de l’article 27, paragraphe 3, et de l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, indiquant que la partie requérante n’était pas, ou n’était plus, liée au régime syrien, qu’elle n’exerçait aucune influence sur celui-ci et qu’elle n’était pas associée à un risque réel de contournement des mesures restrictives adoptées à l’égard de ce régime n’incombait pas à cette partie (voir, en ce sens, arrêts du 14 juin 2018, Makhlouf/Conseil, C‑458/17 P, non publié, EU:C:2018:441, point 86, et du 11 septembre 2019, HX/Conseil, C‑540/18 P, non publié, EU:C:2019:707, points 50 et 51).

147    Par conséquent, il ne saurait être imposé à la partie requérante un niveau de preuve excessif aux fins de renverser la présomption de lien avec le régime syrien. Ainsi, celle-ci doit être considérée comme ayant réussi à renverser la présomption de lien avec le régime syrien si elle fait valoir des arguments ou des éléments susceptibles de remettre sérieusement en cause la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou leur appréciation, notamment au regard des conditions posées par l’article 27, paragraphe 3, et l’article 28, paragraphe 3, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ou si elle produit devant le juge de l’Union un faisceau d’indices de l’inexistence ou de la disparition du lien avec le régime syrien, ou de l’absence d’influence sur ledit régime, ou de l’absence d’association avec un risque réel de contournement des mesures restrictives, conformément à l’article 27, paragraphe 3, et à l’article 28, paragraphe 3, de cette décision (arrêt du 8 juillet 2020, Zubedi/Conseil, T‑186/19, EU:T:2020:317, point 71).

148    En l’espèce, le requérant nie l’existence de son lien avec le régime et son influence sur celui-ci. À l’appui de cette allégation, le requérant relève, tout d’abord, qu’il ressort de l’article publié sur le site Internet « The Syria Report » qu’il « n’est pas membre de la famille proche, ni même étendue, de M. [Bashar Al-]Assad [et qu’]il ne semble pas avoir de parent proche au sein des services de sécurité et n’est pas membre de la communauté alaouite ».

149    Ensuite, le requérant fait valoir qu’il existe de profondes dissensions entre [donnée personnelle] et la famille Al-Assad. Ces dissensions trouvent leur origine, selon le requérant, dans l’incarcération, en tant que prisonnier politique, [donnée personnelle] par M. Hafez Al-Assad lors de la prise de pouvoir de ce dernier en 1970. Au soutien de cette affirmation, il a produit deux lettres adressées au Tribunal signées, respectivement, par [donnée personnelle], certifiant, en substance, l’aversion [donnée personnelle] éprouve pour le régime.

150    Il convient de constater, tout d’abord, que le fait que le requérant ne fasse pas partie de la famille de M. Bashar Al-Assad, qu’il n’ait pas de lien avec les services de sécurité ou encore qu’il ne fasse pas partie de la communauté alaouite, à le supposer avéré, n’est pas, en tant que tel, suffisant pour renverser la présomption de lien avec le régime syrien, dans la mesure où son lien avec ledit régime est présumé en raison de ses activités commerciales. Ensuite, il y a lieu de relever que cette affirmation repose sur une lecture tronquée de l’article publié sur le site Internet « The Syria Report ». En effet, comme l’a souligné, à juste titre, le Conseil lors de l’audience, cet article indique que « le lien étroit de la famille Foz avec [le] cousin germain de [M.] Bashar [Al-Assad,] [qui est] la personne responsable de la sécurité personnelle des deux derniers présidents, [M.] Hafez Al-Assad, et [son successeur], [M.] Bashar [Al-Assad], est considéré par plusieurs sources à Damas comme un facteur primordial expliquant l’ascendant de la famille [Foz] » et que, « [à] présent, il est considéré que la famille [Foz] est liée directement à [M.] Bashar Al-Assad en personne ».

151    S’agissant des dissensions entre [donnée personnelle] et Al-Assad, force est de constater, tout d’abord, qu’un demi-siècle s’est écoulé depuis l’incarcération [donnée personnelle] par M. Hafez Al-Assad. Le requérant n’a pourtant pas expliqué en quoi, concrètement, cet événement continuerait de nos jours à constituer une source d’affrontement entre [donnée personnelle] ni avancé d’éléments de preuve au soutien de cette allégation. À cet égard, concernant les lettres apportées par le requérant, mentionnées au point 149 ci-dessus, il y a lieu de relever que ces témoignages, émanant des [donnée personnelle], ne disposent que d’une faible valeur probante (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 31 mai 2018, Kaddour/Conseil, T‑461/16, EU:T:2018:316, point 116).

152    Enfin, en tout état de cause, l’allégation du requérant visant à soutenir qu’il n’a pas de lien avec le régime syrien se heurte à certains éléments de preuve qu’il a lui-même produits. Plus précisément, comme l’a souligné, à juste titre, le Conseil lors de l’audience, il ressort d’une brochure de Foz Charity Association que cette association a fourni un soutien à des initiatives économiques gouvernementales en organisant, notamment, des ateliers sur la protection des consommateurs avec le ministère du Commerce intérieur et de la Protection des consommateurs syrien ou un forum d’hommes d’affaires à Lattaquié sous le patronage du ministère des Finances syrien. Si ces éléments de preuve ne démontrent pas, à eux seuls, l’existence d’un lien entre le requérant et le régime syrien, ils témoignent d’une certaine collaboration entre ladite association et des ministères syriens.

153    Par conséquent, le requérant n’est pas parvenu à renverser la présomption de lien avec le régime syrien, car il n’a présenté aucun argument ou élément permettant de douter de la fiabilité des éléments de preuve soumis par le Conseil ou de l’appréciation qu’il convenait d’en faire, ni fait état d’aucun indice concret permettant au Tribunal de considérer qu’il n’existait pas, ou plus, de lien entre lui et ledit régime, qu’il n’exerçait aucune influence sur le régime syrien et qu’il était étranger à tout risque réel de contournement des mesures restrictives.

154    Au vu de tout ce qui précède, il convient de considérer que le motif d’inscription du nom du requérant sur les listes en cause en raison de son statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie est suffisamment étayé, de sorte que, au regard de ce critère, l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause est bien fondée.

155    Or, selon la jurisprudence, eu égard à la nature préventive des décisions adoptant des mesures restrictives, si le juge de l’Union considère que, à tout le moins, l’un des motifs mentionnés est suffisamment précis et concret, qu’il est étayé et qu’il constitue en soi une base suffisante pour soutenir cette décision, la circonstance que d’autres de ces motifs ne le seraient pas ne saurait justifier l’annulation de ladite décision (voir arrêt du 28 novembre 2013, Conseil/Manufacturing Support & Procurement Kala Naft, C‑348/12 P, EU:C:2013:776, point 72 et jurisprudence citée).

156    Dès lors, il y a lieu, sans qu’il soit besoin d’examiner le bien-fondé des autres griefs soulevés par le requérant et visant à remettre en cause le second motif d’inscription, de rejeter le premier moyen comme non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’un « abus de pouvoir »

157    À l’appui de son moyen, le requérant fait valoir que le Conseil a adopté les actes attaqués pour cibler non le régime syrien, mais lui-même, alors qu’il a toujours, d’une part, respecté les sanctions décrétées par l’Union et la communauté internationale et, d’autre part, conservé son indépendance vis-à-vis du régime syrien. Ainsi, le requérant serait exclu du marché afin de favoriser d’autres acteurs commerciaux. Ce faisant, le requérant doit être regardé comme invoquant un détournement de pouvoir.

158    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

159    Il y a lieu de rappeler qu’un acte n’est entaché de détournement de pouvoir que s’il apparaît, sur la base d’indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été pris dans le but exclusif, ou à tout le moins déterminant, d’atteindre des fins autres que celles excipées ou d’éluder une procédure spécialement prévue par le traité pour parer aux circonstances de l’espèce (voir arrêt du 25 novembre 2014, Safa Nicu Sepahan/Conseil, T‑384/11, EU:T:2014:986, point 30 et jurisprudence citée).

160    En l’espèce, le requérant se borne à émettre des soupçons quant à l’existence d’un « abus de pouvoir » et n’explique pas en quoi le Conseil aurait poursuivi un autre objectif que celui qui ressort du considérant 6 de la décision 2015/1836, à savoir l’exercice d’une pression sur le régime syrien afin qu’il modifie sa politique de répression. En effet, le requérant n’a aucunement étayé ladite allégation ni apporté le moindre indice ou argument au soutien de celle-ci.

161    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen.

 Sur les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, tirés d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique

162    Premièrement, le requérant fait valoir que les mesures restrictives adoptées à son égard sont disproportionnées. En effet, compte tenu du fait qu’il serait privé de tout contact commercial international et qu’il serait de ce fait exclu de son environnement professionnel, il se serait retrouvé au chômage forcé. En pratique, les mesures restrictives adoptées à son égard l’empêcheraient d’exercer toute activité professionnelle et d’effectuer toute opération économique dans sa vie professionnelle et privée. Il ajoute que ni lui ni les sociétés dans lesquelles il détient, directement ou indirectement, des parts ne soutiennent le régime syrien, de sorte que les mesures restrictives adoptées à son égard ne sont pas adéquates par rapport aux objectifs que les actes attaqués poursuivent.

163    Deuxièmement, il estime, en substance, que les actes attaqués violent son droit de propriété ainsi que sa liberté d’exercer une activité économique, ce qui constituerait également une violation du premier protocole additionnel de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.

164    Troisièmement, le requérant fait valoir, dans les premier et second mémoires en adaptation, que la prorogation des mesures restrictives adoptées à son égard en vertu, respectivement, des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020 aggrave les conséquences disproportionnées desdites mesures pour lui.

165    Le Conseil conteste les arguments du requérant.

166    Il convient de rappeler qu’il ressort de la jurisprudence que les droits fondamentaux invoqués par le requérant, à savoir le droit de propriété, consacré à l’article 17 de la Charte, et la liberté d’exercer une activité économique, consacré aux articles 15 et 16 de la Charte, ne sont pas des prérogatives absolues et que leur exercice peut faire l’objet de restrictions justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union. Ainsi, toute mesure restrictive économique ou financière comporte, par définition, des effets qui affectent les droits de propriété et le libre exercice des activités professionnelles de la personne ou de l’entité qu’elle vise, causant ainsi des préjudices à cette dernière. L’importance des objectifs poursuivis par les mesures restrictives en cause est toutefois de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour les personnes ou les entités concernées (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2015, Central Bank of Iran/Conseil, T‑563/12, EU:T:2015:187, point 115).

167    De plus, si le respect des droits fondamentaux constitue une condition de la légalité des actes de l’Union, selon une jurisprudence constante, ces droits fondamentaux ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue, mais doivent être pris en considération par rapport à leur fonction dans la société. Par conséquent, des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits, à condition qu’elles répondent effectivement à des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et ne constituent pas, au regard du but poursuivi, une intervention démesurée et intolérable qui porterait atteinte à la substance même des droits ainsi garantis (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 97 et jurisprudence citée).

168    En outre, il résulte d’une jurisprudence constante que le principe de proportionnalité, qui fait partie des principes généraux du droit de l’Union et qui est repris à l’article 5, paragraphe 4, TUE, exige que les moyens mis en œuvre par une disposition du droit de l’Union soient de nature à permettre que soient atteints les objectifs légitimes poursuivis par la réglementation concernée et n’aillent pas au-delà de ce qui est nécessaire pour atteindre lesdits objectifs [voir, en ce sens, arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 122 ; du 25 juin 2015, Iranian Offshore Engineering & Construction/Conseil, T‑95/14, EU:T:2015:433, point 60 (non publié), et du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 149].

169    En ce qui concerne le droit de propriété et la liberté d’exercer une activité économique du requérant, il convient, certes, de relever que ces droits sont restreints du fait des mesures restrictives prises à son égard, dès lors qu’il ne peut pas, notamment, disposer de ses fonds éventuellement situés sur le territoire de l’Union, ni les transférer vers l’Union, sauf en vertu d’autorisations particulières.

170    Cependant, en l’occurrence, l’adoption de mesures restrictives à l’encontre du requérant revêt un caractère adéquat, dans la mesure où elle s’inscrit dans un objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale que la protection des populations civiles. En effet, le gel de fonds, d’avoirs financiers et d’autres ressources économiques ainsi que l’interdiction d’entrer sur le territoire de l’Union concernant des personnes identifiées comme étant impliquées dans le soutien du régime syrien ne sauraient, en tant que tels, passer pour inadéquats (voir arrêt du 13 septembre 2013, Makhlouf/Conseil, T‑383/11, EU:T:2013:431, point 100 et jurisprudence citée).

171    Quant au caractère prétendument disproportionné de l’inscription du nom du requérant sur les listes en cause, il convient de rappeler que l’article 28, paragraphe 6, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi que l’article 16 du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 3 septembre 2008, Kadi et Al Barakaat International Foundation/Conseil et Commission, C‑402/05 P et C‑415/05 P, EU:C:2008:461, point 364, et du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127).

172    Il en résulte que, étant donné l’importance primordiale de la protection des populations civiles en Syrie, les restrictions aux droits du requérant éventuellement causées par les actes attaqués sont justifiées par un objectif d’intérêt général et ne sont pas disproportionnées au regard des buts visés.

173    Enfin, concernant la prolongation de l’application dans le temps des mesures restrictives adoptées à l’égard du requérant en vertu des actes de maintien de 2019 et des actes de maintien de 2020, qui aggraverait les conséquences disproportionnées desdites mesures pour ce dernier, il y a lieu de constater que, dans le cadre de telles mesures restrictives, le Conseil est appelé à procéder à un réexamen périodique, conformément à l’article 34, deuxième et troisième phrases, de la décision 2013/255, telle que modifiée par la décision 2015/1836, ainsi qu’à l’article 32, paragraphe 4, du règlement no 36/2012, tel que modifié par le règlement 2015/1828, qui comporte à chaque fois la possibilité pour la personne ou l’entité concernée d’opposer ses arguments et de soumettre des éléments factuels corroborant ses allégations (voir, en ce sens, arrêt du 9 juillet 2020, Haswani/Conseil, C‑241/19 P, EU:C:2020:545, points 106 et 107).

174    Dès lors, c’est à bon droit, sur la base d’un réexamen du maintien du nom du requérant sur les listes en cause, que le Conseil a décidé de proroger ces mesures restrictives jusqu’au 1er juin 2020, puis jusqu’au 1er juin 2021.

175    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, et, partant, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

176    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

177    En l’espèce, le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Conseil.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Samer Foz est condamné aux dépens.

Gervasoni

Madise

Martín y Pérez de Nanclares

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 novembre 2021.

Signatures


Table des matières


Antécédents du litige et faits postérieurs à l’introduction du recours

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le cinquième moyen, tiré d’une violation de l’obligation de motivation

Sur le sixième moyen, tiré d’une violation des droits de la défense et du droit à un procès équitable

Sur le premier moyen, tiré d’une erreur d’appréciation

Considérations liminaires

Sur les éléments de preuve soumis par le Conseil

Sur la pertinence des éléments de preuve produits par le Conseil

Sur la fiabilité des éléments de preuve produits par le Conseil

Sur le statut d’homme d’affaires influent exerçant ses activités en Syrie

Sur le quatrième moyen, tiré d’un « abus de pouvoir »

Sur les deuxième et troisième moyens, pris ensemble, tirés d’une violation du principe de proportionnalité, du droit de propriété et de la liberté d’exercer une activité économique

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


i      Conformément à la réglementation en matière de protection des données à caractère personnel dans le cadre des fonctions juridictionnelles du Tribunal, une donnée a été occultée dans la version publique de l’arrêt par décision du greffier et remplacée par la mention « [donnée personnelle] ».