Language of document : ECLI:EU:C:2023:479

ARRÊT DE LA COUR (huitième chambre)

15 juin 2023 (*)

« Pourvoi – Recours en annulation – Accord sur le retrait du Royaume‑Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique – Décision (UE) 2020/135 – Ressortissants du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord – Conséquences de cet accord sur le statut de citoyen de l’Union européenne et des droits attachés à ce statut pour ces ressortissants – Article 263, quatrième alinéa, TFUE – Qualité pour agir – Conditions – Intérêt à agir »

Dans l’affaire C‑499/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 13 août 2021,

Joshua David Silver, demeurant à Bicester (Royaume-Uni),

Leona Catherine Bashow, demeurant à Cheadle (Royaume-Uni),

Charles Nicholas Hilary Marquand, demeurant à Londres (Royaume‑Uni),

JY,

JZ,

Anthony Styles Clayton, demeurant à Kent (Royaume-Uni),

Gillian Margaret Clayton, demeurant à Kent,

représentés par Me P. Tridimas, dikigoros, M. D. Harrison et Mme A. von Westernhagen, solicitors,

parties requérantes,

l’autre partie à la procédure étant :

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. M. Bauer, Mme J. Ciantar et M. R. Meyer, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LA COUR (huitième chambre),

composée de M. M. Safjan, président de chambre, MM. N. Jääskinen (rapporteur) et M. Gavalec, juges,

avocat général : M. N. Emiliou,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, M. Joshua David Silver, Mme Leona Catherine Bashow, M. Charles Nicholas Hilary Marquand, JY, JZ, M. Anthony Styles Clayton et Mme Gillian Margaret Clayton demandent l’annulation de l’ordonnance du Tribunal de l’Union européenne du 8 juin 2021, Silver e.a./Conseil (T‑252/20, ci-après l’« ordonnance attaquée », EU:T:2021:347), par laquelle celui-ci a rejeté comme irrecevable leur recours tendant à l’annulation partielle de la décision (UE) 2020/135 du Conseil, du 30 janvier 2020, relative à la conclusion de l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 1, ci-après la « décision litigieuse »).

 Les antécédents du litige et la décision litigieuse

2        Les requérants sont des ressortissants du Royaume-Uni de Grande‑Bretagne et d’Irlande du Nord qui résident en France et au Royaume-Uni.

3        Le 23 juin 2016, les citoyens du Royaume-Uni se sont prononcés par référendum en faveur du retrait de leur État de l’Union européenne.

4        Le 29 mars 2017, le Royaume-Uni a notifié au Conseil européen son intention de se retirer de l’Union, en application de l’article 50, paragraphe 2, TUE.

5        Le 24 janvier 2020, les représentants de l’Union et du Royaume-Uni ont signé l’accord sur le retrait du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d’Irlande du Nord de l’Union européenne et de la Communauté européenne de l’énergie atomique (JO 2020, L 29, p. 7, ci-après l’« accord de retrait »).

6        Le 30 janvier 2020, le Conseil de l’Union européenne a adopté la décision litigieuse. En vertu de l’article 1er de cette décision, l’accord de retrait a été approuvé au nom de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique.

7        Le 31 janvier 2020, le Royaume-Uni s’est retiré de l’Union et de la Communauté européenne de l’énergie atomique. Le 1er février 2020, l’accord de retrait est entré en vigueur.

 La procédure devant le Tribunal et l’ordonnance attaquée

8        Par une requête déposée au greffe du Tribunal le 23 avril 2020, les requérants ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse, en tant qu’elle « les prive [...] de leur statut de citoyen[s] de l’Union et des droits qu’ils en tirent ».

9        Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 juin 2020, deux des requérants ont demandé le bénéfice de l’anonymat. Par une décision du 24 juin 2020, le Tribunal a fait droit à cette demande.

10      Par un acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 27 juillet 2020, le Conseil a soulevé une exception d’irrecevabilité du recours.

11      Le 8 septembre 2020, les requérants ont présenté leurs observations sur cette exception d’irrecevabilité.

12      Par l’ordonnance attaquée, le Tribunal a constaté, en premier lieu, aux points 23 à 26 de celle-ci, que, contrairement à ce qui avait été suggéré par le Conseil, il ne pouvait « se dessaisir », conformément à l’article 54, troisième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, afin que la Cour puisse statuer conjointement sur le recours et sur les demandes de décisions préjudicielles enregistrées sous les références C‑673/20 et C‑32/21.

13      En deuxième lieu, le Tribunal a considéré, aux points 27 à 29 de l’ordonnance attaquée, que, bien qu’il eût précédemment décidé de joindre au fond l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil, il était suffisamment informé par les pièces du dossier pour statuer par voie d’ordonnance, conformément à l’article 130 de son règlement de procédure.

14      En troisième lieu, s’agissant du bien-fondé de cette exception d’irrecevabilité, le Tribunal a estimé que les requérants ne satisfaisaient à aucune des conditions prévues pour avoir qualité pour agir, au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

15      À cet égard, le Tribunal a relevé, au point 33 de l’ordonnance attaquée, que, aux fins de l’appréciation de la qualité pour agir des requérants, il y avait lieu de prendre en compte non seulement la décision litigieuse, mais également la nature et le contenu de l’accord de retrait.

16      Dans ce contexte, le Tribunal a constaté, premièrement, au point 34 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’étaient destinataires ni de la décision litigieuse ni de l’accord de retrait et que, par conséquent, ils ne disposaient pas d’un droit de recours sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, premier membre de phrase, TFUE.

17      Deuxièmement, s’agissant de la qualité pour agir des requérants au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, le Tribunal a rappelé, au point 54 de l’ordonnance attaquée, qu’il appartenait aux requérants de démontrer que, en tant que la décision litigieuse les aurait privés du statut de citoyen de l’Union et des droits attachés à ce statut, cette décision les atteignait en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le seraient les destinataires d’une telle décision.

18      Le Tribunal a considéré, au point 67 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’étaient pas individuellement concernés par la décision litigieuse et que, partant, ils n’avaient pas qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième membre de phrase, TFUE, sans qu’il soit besoin d’examiner si ceux-ci étaient directement concernés par cette décision.

19      Troisièmement, s’agissant de la qualité pour agir des requérants au regard de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, le Tribunal a relevé, aux points 72 à 74 de l’ordonnance attaquée, que la décision litigieuse était un « acte non législatif de portée générale ».

20      Le Tribunal a estimé, aux points 90 et 91 de l’ordonnance attaquée, que la notion d’« acte réglementaire », au sens de l’article 263, quatrième alinéa, troisième membre de phrase, TFUE, devait être interprétée comme ne comprenant pas les décisions approuvant la conclusion d’un accord international, telles que la décision litigieuse, laquelle porte approbation de la conclusion d’un accord fixant les modalités du retrait d’un État membre de l’Union. Le Tribunal a considéré, aux points 92 et 96 de l’ordonnance attaquée, que les arguments des requérants ne sauraient remettre en cause une telle appréciation.

21      Dans ces conditions, le Tribunal a considéré, au point 97 de l’ordonnance attaquée, que les requérants n’avaient pas qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, que l’exception d’irrecevabilité soulevée par le Conseil devait ainsi être accueillie et que, partant, le recours devait être rejeté comme étant irrecevable.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties au pourvoi

22      Par un acte déposé au greffe de la Cour le 13 aout 2021, les requérants ont formé un pourvoi contre l’ordonnance attaquée.

23      Par leur pourvoi, les requérants demandent à la Cour :

–        d’annuler l’ordonnance attaquée ;

–        de déclarer le recours recevable ;

–        de faire droit à leurs conclusions dans le cadre de la procédure devant le Tribunal, et

–        de condamner le Conseil aux dépens de la procédure de pourvoi et de la procédure devant le Tribunal.

24      Le Conseil demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérants aux dépens.

25      Par les actes déposés au greffe de la Cour les 6 et 9 janvier 2023, les parties ont répondu à la question pour réponse écrite posée par la Cour, sur le fondement de l’article 61 de son règlement de procédure, portant sur les conséquences éventuelles à tirer de l’arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques (C‑673/20, EU:C:2022:449), quant à l’appréciation de la recevabilité du recours introduit devant le Tribunal.

 Sur le pourvoi

26      Au soutien de leur pourvoi, les requérants soulèvent deux moyens, tirés, le premier, d’une erreur de droit dans l’appréciation de la condition selon laquelle le requérant doit être concerné individuellement et, le second, d’une erreur de droit dans l’appréciation du caractère réglementaire de la décision litigieuse.

 Argumentation des parties

27      Par le premier moyen de pourvoi, les requérants contestent, en premier lieu, l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 58 et 59 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle les requérants ne font pas partie d’un « cercle restreint de personnes », dans la mesure où ce « cercle restreint » résulterait précisément du système établi par la décision litigieuse. Les requérants considèrent, à cet égard, que le Tribunal n’a pas motivé une telle appréciation et que la jurisprudence invoquée au soutien de cette appréciation dans l’ordonnance attaquée concerne des situations factuelles distinctes de celle en cause.

28      En particulier, les requérants font valoir que la décision litigieuse les a privés du statut de citoyen de l’Union ainsi que des droits attachés à ce statut. Or, ces droits seraient des « droits acquis » qui ont été octroyés de manière « définitive » et « irrévocable ». Dès lors qu’une telle privation n’aurait pas été prévue dans les traités et qu’elle ne ressortirait pas de l’article 50 TUE, elle serait contraire au droit de l’Union. De plus, lesdits droits ne relèveraient pas d’un système établi par l’accord de retrait, au sens de la jurisprudence mentionnée dans l’ordonnance attaquée, et auraient existé avant celui-ci.

29      Les requérants estiment faire partie d’un « cercle fermé de personnes », au sens de l’arrêt du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission (C‑152/88, EU:C:1990:259, point 11), étant donné qu’aucune personne ne pourrait être ajoutée au cercle de personnes constitué par des ressortissants du Royaume-Uni ayant perdu le statut de citoyen de l’Union et les droits attachés à ce statut après l’entrée en vigueur de la décision litigieuse. Le critère spécifique qui déterminerait leur atteinte individuelle par la décision litigieuse serait donc le fait qu’ils détenaient la citoyenneté de l’Union avant l’entrée en vigueur de l’accord de retrait, car ils étaient des ressortissants du Royaume-Uni.

30      En deuxième lieu, les requérants contestent l’appréciation du Tribunal, figurant aux points 60 et 61 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle le statut de citoyen de l’Union et les droits attachés à ce statut ne sauraient être qualifiés de droits « spécifiques » ou « exclusifs ».

31      Les requérants font valoir que ce statut est particulier et spécifique. Selon eux, le Tribunal aurait interprété de manière erronée l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, EU:C:1994:197, points 21 et 22), en considérant que la situation des membres du « cercle fermé » invoqué par les requérants ne pouvait être rapprochée de celle de la partie requérante dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, laquelle était empêchée d’utiliser une marque enregistrée, constitutive d’un droit de propriété individuel et exclusif par nature. Par ailleurs, le Tribunal aurait également fait une mauvaise interprétation de l’ordonnance du 23 novembre 2015, Beul/Parlement et Conseil (T‑640/14, EU:T:2015:907, point 48), ainsi que de l’arrêt du 16 décembre 2011, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission (T‑291/04, EU:T:2011:760, point 116), dans la mesure où les situations de fait et de droit dans les affaires ayant donné lieu à cette ordonnance et à cet arrêt étaient également différentes de celle en cause dans l’affaire ayant pour objet le recours de première instance.

32      En troisième lieu, les requérants contestent l’appréciation du Tribunal, figurant au point 62 de l’ordonnance attaquée, selon laquelle les requérants n’ont pas démontré que la perte du statut de citoyen de l’Union et des droits attachés à ce statut les atteint davantage que tous les autres citoyens de l’Union qui sont ressortissants du Royaume-Uni. Selon eux, une telle démonstration n’est pas nécessaire dans la mesure où la décision litigieuse a eu des effets négatifs spécifiques et importants sur leur situation juridique en les privant dudit statut et des droits attachés à ce dernier.

33      En quatrième lieu, les requérants font valoir que le Tribunal a commis une erreur de droit, aux points 63 et 64 de l’ordonnance attaquée, en considérant que le droit à une protection juridictionnelle effective ne peut requérir d’adopter une interprétation large de la condition selon laquelle le requérant doit être concerné individuellement et que le « principe de démocratie » est sans pertinence aux fins d’apprécier la qualité pour agir d’un requérant.

34      Les requérants soutiennent, à cet égard, que le Tribunal aurait dû apprécier cette condition en tenant compte de la nature du droit dont la violation est invoquée, conformément à la jurisprudence issue de l’arrêt du 18 mai 1994, Codorniu/Conseil (C‑309/89, EU:C:1994:197). Le droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait être respecté dans la mesure où la plupart des requérants ne résidant pas dans l’Union, ces derniers ne pourraient contester la validité de la décision litigieuse en introduisant « indirectement » un recours devant les juridictions nationales d’un État membre.

35      En cinquième lieu, les requérants contestent l’appréciation selon laquelle l’examen de la condition selon laquelle le requérant doit être concerné individuellement ne requerrait pas un examen au fond de l’affaire. Selon eux, le Tribunal aurait dû examiner, aux fins de cette appréciation, si le statut de citoyen de l’Union présentait un caractère permanent et irrévocable.

36      Le Conseil réfute l’argumentation des requérants et fait valoir que le premier moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Appréciation de la Cour

37      À titre liminaire, il convient de relever que le Tribunal a jugé que les requérants étaient irrecevables à agir au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, en considérant, respectivement aux points 67 et 96 de l’ordonnance attaquée, qu’ils n’étaient pas individuellement concernés par la décision litigieuse, au sens du deuxième membre de phrase de cette disposition, et que cette décision ne pouvait être qualifiée d’acte réglementaire, au sens du troisième membre de phrase de ladite disposition. Dans un souci d’économie de procédure, le Tribunal est parti de la prémisse selon laquelle la « perte » ou la « privation » du statut de citoyen de l’Union et des droits attachés à ce statut seraient une conséquence de l’adoption de ladite décision.

38      Sans qu’il soit besoin d’apprécier si, en statuant ainsi, le Tribunal a commis une erreur de droit, la Cour rappelle que, selon une jurisprudence constante, toute circonstance ayant trait à la recevabilité du recours en annulation formé devant le Tribunal est susceptible de constituer un moyen d’ordre public que la Cour, saisie dans le cadre d’un pourvoi, est tenue de soulever d’office (ordonnances du 5 septembre 2013, ClientEarth/Conseil, C‑573/11 P, non publiée, EU:C:2013:564, point 20, et du 4 février 2021, Pilatus Bank/BCE, C‑701/19 P, non publiée, EU:C:2021:99, point 23).

39      Or, il est de jurisprudence constante, premièrement, que la recevabilité d’un recours introduit par une personne physique ou morale contre un acte dont elle n’est pas le destinataire, au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, est subordonnée à la condition que lui soit reconnue la qualité pour agir, laquelle se présente dans deux cas de figure. D’une part, un tel recours peut être formé à condition que cet acte la concerne directement et individuellement. D’autre part, une telle personne peut introduire un recours contre un acte réglementaire ne comportant pas de mesures d’exécution si celui-ci la concerne directement (voir en ce sens, notamment, arrêts du 19 décembre 2013, Telefónica/Commission, C‑274/12 P, EU:C:2013:852, point 19, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 59).

40      Deuxièmement, un recours en annulation intenté par une personne physique ou morale n’est recevable que dans la mesure où cette dernière a un intérêt à voir annuler l’acte attaqué. Un tel intérêt suppose que l’annulation de cet acte soit susceptible, par elle-même, d’avoir des conséquences juridiques et que le recours puisse ainsi, par son résultat, procurer un bénéfice à la partie qui l’a intenté. L’intérêt à agir constitue ainsi la condition essentielle et première de tout recours en justice (voir, en ce sens, arrêts du 19 octobre 1995, Rendo e.a./Commission, C‑19/93 P, EU:C:1995:339, point 13, ainsi que du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, points 55 et 58). En revanche, l’intérêt à agir fait défaut lorsque l’issue favorable d’un recours ne serait pas de nature, en tout état de cause, à donner satisfaction au requérant (voir, en ce sens, arrêts du 9 juin 2011, Evropaïki Dynamiki/BCE, C‑401/09 P, EU:C:2011:370, point 49, ainsi que du 23 novembre 2017, Bionorica et Diapharm/Commission, C‑596/15 P et C‑597/15 P, EU:C:2017:886, point 85).

41      Troisièmement, l’intérêt à agir et la qualité pour agir constituent des conditions de recevabilité distinctes qu’une personne physique ou morale doit satisfaire de façon cumulative afin d’être recevable à former un recours en annulation au titre de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 62 ainsi que jurisprudence citée).

42      Eu égard aux circonstances de l’espèce et sans qu’il soit besoin d’apprécier si le Tribunal a commis une erreur de droit en statuant ainsi qu’il l’a fait aux points 50 à 67 et 73 à 95 de l’ordonnance attaquée, la Cour estime devoir soulever d’office la question de l’existence d’un intérêt à agir des requérants.

43      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 50, paragraphe 1, TUE énonce que tout État membre peut décider, conformément à ses règles constitutionnelles, de se retirer de l’Union. La décision de retrait relève de la seule volonté de l’État membre concerné, dans le respect de ses règles constitutionnelles, et dépend donc de son seul choix souverain (voir, en ce sens, arrêts du 10 décembre 2018, Wightman e.a., C‑621/18, EU:C:2018:999, point 50, ainsi que du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 53).

44      Par ailleurs, la possession de la nationalité d’un État membre constituant, conformément à l’article 9 TUE et à l’article 20, paragraphe 1, TFUE, une condition indispensable pour qu’une personne puisse acquérir et conserver le statut de citoyen de l’Union et bénéficier de la plénitude des droits attachés à celui-ci, la perte de cette nationalité entraîne donc, pour la personne concernée, celle de ce statut et de ces droits (arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 57).

45      Ainsi, pour les requérants, la perte du statut de citoyen de l’Union, et, par voie de conséquence, celle des droits attachés à ce statut, est une conséquence automatique de la seule décision prise souverainement par le Royaume-Uni de se retirer de l’Union, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2022, Préfet du Gers et Institut national de la statistique et des études économiques, C‑673/20, EU:C:2022:449, point 59) et non de l’accord de retrait ou de la décision litigieuse.

46      Il s’ensuit que le recours doit être rejeté comme étant irrecevable, en ce qu’il est dirigé contre l’accord de retrait ou la décision litigieuse au motif que ces derniers auraient entraîné pour les requérants la perte du statut de citoyen de l’Union et des droits attachés à ce statut, alors que cette perte procède de la seule décision prise souverainement par le Royaume-Uni de se retirer de l’Union, en vertu de l’article 50, paragraphe 1, TUE.

47      En effet, une annulation de la décision litigieuse ne saurait procurer un bénéfice aux requérants qui soit susceptible de fonder un intérêt à agir, puisque cette perte ne serait, en tout état de cause, pas remise en cause par cette annulation.

48      Les requérants ne présentant pas un intérêt à agir contre la décision litigieuse, il n’y a pas lieu d’examiner leur argumentation prise d’une appréciation erronée de leur qualité pour agir au regard de l’article 263, quatrième alinéa, deuxième et troisième membres de phrase, TFUE. En effet, une éventuelle erreur de droit serait sans incidence pour la solution du litige et n’affecterait pas le dispositif de l’ordonnance attaquée en tant que le recours a été rejeté comme étant irrecevable (voir, en ce sens, arrêt du 24 mars 2022, Wagenknecht/Commission, C‑130/21 P, EU:C:2022:226, point 43 et jurisprudence citée).

49      Il s’ensuit que, pour les motifs énoncés aux points 46 et 47 du présent arrêt, c’est sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a conclu, au point 97 de l’ordonnance attaquée, que le recours devait être rejeté comme étant irrecevable.

50      Le premier moyen de pourvoi doit donc être écarté.

51      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, le pourvoi est rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le second moyen de pourvoi.

 Sur les dépens

52      En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens.

53      Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement de procédure, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

54      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par le Conseil, conformément aux conclusions de ce dernier.

Par ces motifs, la Cour (huitième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      M. Joshua David Silver, Mme Leona Catherine Bashow, M. Charles Nicholas Hilary Marquand, JY, JZ, M. Anthony Styles Clayton et Mme Gillian Margaret Clayton sont condamnés aux dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.