Language of document : ECLI:EU:T:2007:355

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

22 novembre 2007 (*)

« Recours en annulation – FEDER – Réduction du concours financier – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑102/06,

Investire Partecipazioni SpA, établie à Rome (Italie), représentée par Mes G. M. Roberti et A. Franchi, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme M. Velardo et M. L. Flynn, en qualité d’agents, assistés de MG. Faedo, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2005) 4683 de la Commission, du 25 novembre 2005, relative à la réduction du concours accordé par le Fonds européen de développement régional (FEDER) en application de la décision C (97) 2199, du 27 juillet 1997, portant approbation d’un concours du FEDER en faveur des mesures prévues par le document unique de programmation de la période 1997-1999 relatif à la région du Piémont (Italie) au titre de l’objectif n° 2,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé, lors du délibéré, de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Cadre juridique

1        De 1989 à 1999, les règles relatives à la mise en œuvre de la politique de cohésion économique et sociale prévue à l’article 158 CE étaient définies par le règlement (CEE) n° 2052/88 du Conseil, du 24 juin 1988, concernant les missions des fonds à finalité structurelle, leur efficacité ainsi que la coordination de leurs interventions entre elles et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants (JO L 185, p. 9). Ce règlement constituait la principale disposition régissant les fonds structurels et notamment le Fonds européen de développement régional (FEDER). Il a été modifié par le règlement (CEE) n° 2081/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 5).

2        Le règlement (CEE) n° 4253/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne la coordination entre les interventions des différents fonds structurels, d’une part, et entre celles-ci et celles de la Banque européenne d’investissement et des autres instruments financiers existants, d’autre part (JO L 374, p. 1), et le règlement (CEE) n° 4254/88 du Conseil, du 19 décembre 1988, portant dispositions d’application du règlement n° 2052/88 en ce qui concerne le FEDER (JO L 374, p. 15), comportaient également des dispositions relatives aux fonds structurels. Ces règlements ont été modifiés respectivement par le règlement (CEE) n° 2082/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 20) et le règlement (CEE) n° 2083/93 du Conseil, du 20 juillet 1993 (JO L 193, p. 34).

3        Dans sa version applicable en l’espèce, l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 prévoit :

« Afin de garantir le succès des actions menées par des promoteurs publics ou privés, les États membres prennent les mesures nécessaires pour :

–        […]

–        récupérer les fonds perdus à la suite d’un abus ou d’une négligence. Sauf si l’État membre et/ou l’intermédiaire et/ou le promoteur apportent la preuve que l’abus ou la négligence ne leur est pas imputable, l’État membre est subsidiairement responsable du remboursement des sommes indûment versées […] »

4        Aux termes de l’article 24 du règlement n° 4253/88, intitulé « Réduction, suspension et suppression du concours » :

1. Si la réalisation d’une action ou d’une mesure semble ne justifier ni une partie ni la totalité du concours financier qui lui a été alloué, la Commission procède à un examen approprié du cas dans le cadre du partenariat, en demandant notamment à l’État membre ou aux autorités désignées par celui-ci pour la mise en œuvre de l’action de présenter leurs observations dans un délai déterminé.

2. Suite à cet examen, la Commission peut réduire ou suspendre le concours pour l’action ou la mesure concernée si l’examen confirme l’existence d’une irrégularité ou d’une modification importante qui affecte la nature ou les conditions de mise en œuvre de l’action ou de la mesure et pour laquelle l’approbation de la Commission n’a pas été demandée.

3. Toute somme donnant lieu à répétition de l’indu doit être reversée à la Commission […] »

 Antécédents du litige

5        Par décision C (97) 2199, du 27 juillet 1997, la Commission a octroyé un concours de 254 655 000 euros en faveur des mesures prévues par le document unique de programmation de la période 1997-1999 relatif à la région du Piémont (Italie) au titre de l’objectif n° 2.

6        Ces mesures comprenaient notamment des « services financiers aux entreprises » (mesure 1.5), parmi lesquels était prévue la constitution d’un fonds de capital-risque [sous-mesure a)]. Le 1er juillet 1999, la Région du Piémont, autorité désignée par la République italienne pour la mise en œuvre des mesures concernées, a conclu avec une association d’entreprises, composée d’Italia Investimenti SpA et d’Iniziativa Piemonte SpA, sociétés de droit italien, une convention, ayant pour objet la réglementation de l’activité d’investissement dans le capital-risque prévue. La requérante est une société de droit italien qui a acquis la participation, ayant initialement appartenu à Italia Investimenti, dans le fonds de capital-risque en question.

7        En février 2001, le fonds de capital-risque a procédé à la souscription, pour un montant de 1 807 600 euros, au capital social de Sys SpA, société de droit italien ayant son siège dans une zone extérieure à celle relevant de l’objectif n° 2, qui s’était engagée à réaliser un projet d’investissement dans la zone relevant dudit objectif. En raison des difficultés survenues, ce projet n’a pas été réalisé.

8        Par lettre du 13 janvier 2004, la Région du Piémont s’est adressée à la direction générale (DG) « Politique régionale » de la Commission au sujet de l’investissement effectué par le fonds de capital-risque dans le capital de Sys. Pour toute une série de considérations développées dans la lettre, la Région du Piémont était disposée à déclarer cet investissement éligible au financement du FEDER et demandait l’avis de la Commission à cet égard.

9        Par lettre du 6 mai 2004, envoyée dans le cadre de la procédure prévue à l’article 24 du règlement n° 4253/88 et adressée au ministère de l’Économie et des Finances italien, avec copie à la Région du Piémont, le directeur général de la DG « Politique régionale » a communiqué aux autorités italiennes les raisons pour lesquelles la Commission estimait inéligibles les dépenses relatives à l’ investissement du fonds de capital-risque dans Sys et a fixé un délai de deux mois dans lequel les autorités italiennes pouvaient faire connaître leurs éventuelles observations conformément à l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88.

10      Par note du 6 août 2004, le ministère de l’Économie et des Finances italien a transmis à la DG « Politique régionale » une lettre du 6 juillet 2004, rédigée par la Région du Piémont, dans laquelle celle-ci contestait la position de la Commission et sollicitait l’organisation d’une réunion pour exposer de manière plus complète ses observations et présenter d’autres éléments de fait.

11      Le 2 mars 2005, une réunion a eu lieu à Bruxelles au sujet de l’investissement du fonds de capital-risque dans Sys entre les services de la Commission et les fonctionnaires du ministère de l’Économie et des Finances italien, ainsi que les représentants de la Région du Piémont et du fonds de capital-risque en leur qualité de tiers concernés. À la lumière des informations complémentaires portées à sa connaissance lors de cette réunion, la Commission s’est engagée à réexaminer le dossier.

12      Par lettre du 11 août 2005, adressée à la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union européenne, avec une copie pour information au ministère de l’Économie et des Finances italien et à la Région du Piémont, le directeur général de la DG « Politique régionale » a communiqué à la République italienne les résultats de cet examen. La Commission a, notamment, informé la République italienne que, après avoir réexaminé le dossier à la lumière des éléments nouveaux exposés par les autorités italiennes, elle continuait à considérer comme inéligible la dépense de 1 800 000 euros, correspondant à l’investissement du fonds de capital-risque dans Sys, et que le concours communautaire, s’élevant à 500 000 euros, devra être reversé à la Commission selon des procédures qui seront communiquées ultérieurement. La Commission a également informé la République italienne qu’elle procédait à la clôture de la phase d’examen visée à l’article 24, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88 et engageait la procédure d’adoption de la décision de réduction du concours communautaire accordé pour la mise en œuvre de la mesure 1.5 susvisée, conformément à l’article 24, paragraphe 2, du même règlement.

13      Par lettre du 23 août 2005, adressée au ministère de l’Économie et des Finances italien, avec une copie pour information à la Région du Piémont, le chef de l’unité compétente de la DG « Politique régionale » a rectifié le montant du concours communautaire considéré comme non éligible, en précisant que celui-ci s’élevait à 542 277,60 euros, correspondant à la part communautaire de l’investissement du fonds de capital-risque dans Sys (30 % de 1 807 592 euros).

14      Le 25 novembre 2005, la Commission a adopté, conformément à l’article 24, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 4253/88, la décision C (2005) 4683, relative à la réduction du concours accordé par le FEDER en application de la décision C (97) 2199, cité point 5 (ci-après la « décision attaquée »). Dans cette décision, la Commission a pris acte de l’existence d’une irrégularité dans la mise en œuvre du document de programmation en cause, de sorte qu’une partie du concours communautaire accordé n’était pas justifiée. Elle a considéré, par conséquent, que le concours du FEDER, lequel s’élevait à 542 277,60 euros, avait été indûment perçu et devait être récupéré selon les modalités précisées par une note de débit qui serait transmise aux autorités nationales par l’ordonnateur compétent. Cette décision a été notifiée conformément à l’article 254 CE à la représentation permanente de la République italienne auprès de l’Union européenne le 28 novembre 2005. [requête, p

 Procédure et conclusions des parties

15      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 avril 2006, la requérante a introduit le présent recours.

16      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 23 juin 2006, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal.

17      La requérante a déposé ses observations sur cette exception le 8 septembre 2006.

18      Dans sa requête, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        subsidiairement, déclarer les points B 12 et C 2 de la fiche n° 19, annexée à la décision 97/322/CE de la Commission, du 23 avril 1997, modifiant les décisions portant approbation des cadres communautaires d’appui, des documents uniques de programmation et des programmes d’initiative communautaire, adoptées à l’égard de l’Italie (JO L 146, p. 11), illicites et inapplicables conformément à l’article 241 CE ;

–        condamner la Commission aux dépens.

19      Dans son exception d’irrecevabilité, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme irrecevable ;

–        condamner la requérante aux dépens.

20      Dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception soulevée par la Commission ;

–        subsidiairement, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

 En droit

 Arguments des parties

21      La Commission conteste la recevabilité du recours dans la mesure où il a été formé par une personne qui, sur la base des critères établis à l’article 230 CE, n’a pas qualité pour agir contre la décision attaquée.

22      La Commission fait observer que, conformément à l’article 230, quatrième alinéa, CE, une personne qui n’est pas le destinataire d’une décision ne peut former un recours en annulation de cette décision que si cette dernière la concerne directement et individuellement.

23      En ce qui concerne le critère de l’affectation individuelle, la Commission s’appuie sur la jurisprudence constante, selon laquelle pour qu’une personne soit individuellement concernée, il est nécessaire que la mesure l’atteigne en raison de certaines qualités qui lui sont particulières ou d’une situation de fait qui la caractérise par rapport à toute autre personne en l’individualisant d’une manière analogue à celle dont le destinataire de la mesure le serait. Or, la requérante ne serait pas mentionnée dans la décision attaquée et sa situation ne serait pas non plus prise en considération de manière à pouvoir être assimilée au destinataire de la décision.

24      En ce qui concerne le critère de l’affectation directe, la Commission fait également valoir la jurisprudence constante, selon laquelle une personne est directement concernée par une décision lorsque cette dernière produit directement des effets sur sa situation juridique et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette décision qui sont chargés de sa mise en oeuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique sans application d’autres règles intermédiaires. Il en serait ainsi lorsque la mise en oeuvre, par les autorités nationales, de l’acte attaqué dont elles sont destinataires a un caractère purement automatique et ne découle que de la réglementation communautaire ou lorsque la possibilité, pour les destinataires de l’acte, de ne pas lui donner suite est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute.

25      Or, en l’espèce, il serait évident que la République italienne, destinataire de la décision attaquée, n’est nullement privée de son pouvoir d’appréciation dans la mise en œuvre de cette décision et pour l’adoption des mesures d’exécution visant à rembourser à la Commission le concours du FEDER indûment perçu. La République italienne pourrait notamment décider de ne pas répercuter sur la Région du Piémont les effets de la décision attaquée en imputant, sur le budget de l’État, la charge du remboursement du concours communautaire à la Commission. En outre, même dans l’hypothèse où la République italienne procéderait effectivement à la récupération du concours auprès de la Région du Piémont, cette dernière pourrait décider de prendre ce remboursement à sa charge sans le répercuter sur la requérante. Selon la Commission, ces circonstances excluent que la requérante puisse être considérée comme directement concernée par la décision attaquée.

26      La Commission s’appuie à cet égard sur l’ordonnance du Tribunal du 8 juillet 2004, Regione Siciliana/Commission (T‑341/02, Rec. p. II‑2877), confirmée sur pourvoi par l’arrêt de la Cour du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission (C‑417/04 P, Rec. p. I‑3881), ayant déclaré irrecevable un recours formé par la Région de Sicile contre une décision adressée à la République italienne portant sur un concours du FEDER.

27      La Commission fait observer que, eu égard à cette jurisprudence, l’exclusion de l’affectation directe de la requérante par la décision attaquée est d’autant plus manifeste que celle-ci n’est ni l’autorité responsable, vis-à-vis de la Commission, de la réalisation du projet du FEDER, ce rôle incombant à la Région du Piémont, ni le titulaire du droit au concours dont la Commission a décidé la réduction. En effet, la requérante ne serait que le gestionnaire de la mesure 1.5 susvisée, en vertu d’une convention signée avec la Région du Piémont, à laquelle la Commission serait totalement étrangère.

28      La Commission explique que, d’après les dispositions contenues dans la fiche n° 19 annexée à la décision 97/322, le fonds de capital-risque doit être établi comme un fonds indépendant dont la gestion est confiée à un organisme autorisé par la législation nationale à effectuer les opérations requises. Il en résulterait que le seul bénéficiaire final réel des concours communautaires serait le fonds de capital-risque et non le gestionnaire de celui-ci, lequel n’aurait aucun titre, par lui-même, à percevoir le concours communautaire. La Commission conteste ainsi la position de la requérante, selon laquelle la qualification du fonds de capital-risque de bénéficiaire final de la mesure 1.5 susvisée conduit à conférer également cette qualité à la requérante.

29      La Commission soutient que même si la requérante devait être considérée comme le bénéficiaire final du concours en question, elle n’aurait pas pour autant la qualité pour agir contre la décision attaquée.

30      En ce qui concerne, premièrement, les arrêts cités dans la requête ayant reconnu la qualité pour agir aux bénéficiaires finals, la Commission soutient qu’ils ne s’écartent pas du critère exposé au point 24 ci-dessus selon lequel il serait nécessaire, pour que le bénéficiaire soit directement concerné, que la mesure communautaire attaquée produise des effets directs sur la situation juridique du bénéficiaire et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de la mesure chargés de sa mise en œuvre.

31      S’agissant, deuxièmement, du prétendu rapport direct entre la Commission et le bénéficiaire final du concours, la Commission soutient qu’il n’existe pas, puisque la négociation du financement communautaire se fait entre la Commission et les États membres.

32      Pour ce qui est, troisièmement, du fait que la décision attaquée désigne la Région du Piémont et le fonds de capital-risque comme des « tiers concernés », il serait dénué de pertinence aux fins de la recevabilité du présent recours. La Commission fait observer, d’une part, que cette expression nie précisément tout rapport direct avec la requérante et, d’autre part, que la décision attaquée ne contient pas de référence à la requérante.

33      La Commission estime, enfin, que le fait que la requérante a été informée de la décision attaquée et a formellement reçu une copie de celle-ci, a signé une convention avec la Région du Piémont et a participé à la réunion du 2 mars 2005 ne suffit pas pour lui attribuer la qualité pour agir requise par l’article 230 CE.

34      La requérante soutient que la décision attaquée la concerne individuellement et directement en sa qualité d’actionnaire et de gestionnaire du fonds de capital-risque en question.

35      En ce qui concerne le critère de l’affectation individuelle, la requérante considère qu’elle peut être assimilée au destinataire de la décision attaquée eu égard aux circonstances factuelles de l’espèce. En effet, la correction financière opérée par la décision attaquée la concernerait individuellement en tant qu’investisseur dans le fonds de capital-risque et gestionnaire des participations de celui-ci. En outre, la requérante fait valoir qu’elle a souscrit des actions nouvelles de Sys en son nom propre et qu’elle est intervenue aux côtés de la Région du Piémont dans les contacts avec la Commission au cours de la procédure administrative, y compris lors de la réunion du 2 mars 2005.

36      S’agissant du critère de l’affectation directe, la requérante s’appuie également sur les circonstances factuelles de l’espèce pour soutenir qu’elle peut être assimilée au bénéficiaire du concours en sa qualité d’investisseur dans le fonds, de capital-risque et de gestionnaire des participations de celui-ci. La requérante explique que la réduction du concours total du FEDER a une incidence directe sur la situation juridique de ce fonds, mais également sur celle de la requérante dans la mesure où elle est affectée par la réduction des ressources financières du fonds en question.

37      Quant à la jurisprudence récente du Tribunal et de la Cour en matière de fonds structurels, invoquée par la Commission (voir point 26 ci-dessus), la requérante soutient que, à la différence de la présente affaire, ces précédents ne portaient pas sur des recours engagés par des bénéficiaires de concours financiers, mais par la Région de Sicile en qualité de responsable du projet en cause. La requérante rappelle la jurisprudence selon laquelle la recevabilité des recours engagés par des bénéficiaires de concours financiers du FEDER contre des décisions déclarant un investissement inéligible ou constatant la perte des droits acquis ou encore portant réduction des concours communautaires est admise à condition qu’il s’avère que l’acte communautaire produit des conséquences automatiques sur les bénéficiaires et que l’on puisse exclure que l’État membre destinataire de la mesure dispose d’un pouvoir d’appréciation.

38      La requérante estime que ce critère est satisfait en l’espèce. En effet, les autorités italiennes ne disposeraient d’aucun pouvoir d’appréciation pour la mise en œuvre de la décision attaquée, laquelle aurait un caractère purement automatique et découlerait uniquement de la réglementation communautaire, sans intervention d’autres règles intermédiaires. Il s’ensuivrait que la décision attaquée a pour effet de transformer directement la situation juridique du fonds de capital-risque et celle de la requérante, qui sont passés du statut de créancier incontesté à celui de débiteur, au moins potentiel, des sommes en cause. Selon la requérante, bien que la récupération du concours communautaire en cause n’ait pas encore eu lieu, il ressort du ton et du contenu de la lettre du 20 octobre 2005, que la Région du Piémont lui avait adressée, que celle-ci faisait endosser directement à la requérante l’obligation de restituer le concours communautaire à hauteur de 542 277,60 euros.

39      La requérante considère que la présente affaire est analogue à celle qui a donné lieu récemment à l’arrêt du Tribunal du 18 octobre 2005, Regione Siciliana/Commission (T‑60/03, Rec. p. II‑4139), dans lequel le Tribunal a jugé recevable un recours introduit par la Région de Sicile, en tant que bénéficiaire du concours communautaire, afin d’obtenir l’annulation de la décision par laquelle la Commission supprimait le concours du FEDER accordé à la République italienne et en exigeait la récupération. Elle fait également valoir l’arrêt du 18 janvier 2006, Regione Marche/Commission (T‑107/03, non publié au Recueil), dans lequel le Tribunal n’a pas soulevé d’office l’irrecevabilité d’un recours introduit par la Région des Marches contre une décision de la Commission portant clôture d’un concours financier du FEDER destiné à la constitution d’un fonds de capital-risque.

 Appréciation du Tribunal

40      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’entendre les parties en leurs explications orales.

41      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 230, quatrième alinéa, CE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions visées aux premier et deuxième alinéas de cette disposition, un recours contre les décisions dont elle est destinataire et contre les décisions qui, bien que prises sous l’apparence d’un règlement ou d’une décision adressé à une autre personne, la concernent directement et individuellement.

42      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée a été notifiée par la Commission à la République italienne.

43      Dans ces conditions, il y a lieu de vérifier si la requérante, qui ne peut être considérée comme destinataire de la décision attaquée au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, est recevable à former un recours en annulation contre ladite décision au motif qu’elle est directement et individuellement concernée par celle-ci.

44      S’agissant de l’affectation directe, conformément à une jurisprudence constante, la condition selon laquelle une personne physique ou morale doit être directement concernée par la décision faisant l’objet du recours, telle que prévue à l’article 230, quatrième alinéa, CE, requiert que la mesure communautaire contestée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et ne laisse aucun pouvoir d’appréciation à ses destinataires qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Glencore Grain/Commission, C‑404/96 P, Rec. p. I‑2435, point 41 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C‑486/01 P, Rec. p. I‑6289, point 34 ; du 2 mai 2006, Regione Siciliana/Commission, point 26 supra, point 28, et du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, C‑15/06 P, non encore publié au Recueil, point 31 ; ordonnance du Tribunal du 22 novembre 2006, Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, T‑225/02, non publiée au Recueil, point 41). Il en va de même lorsque la possibilité pour les destinataires de ne pas donner suite à l’acte communautaire est purement théorique, leur volonté de tirer des conséquences conformes à celui-ci ne faisant aucun doute (voir arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 44, et la jurisprudence citée).

45      En l’espèce, il convient de constater que la décision attaquée a pour effet de permettre à la Commission de procéder à la récupération du montant de 542 277,60 euros, correspondant à la part communautaire de l’investissement du fonds de capital-risque dans Sys (30 % de 1 807 592 euros), déjà versée par le FEDER. Il y a lieu également de relever que la requérante est la gestionnaire de l’activité d’investissement du fonds de capital-risque en vertu de la convention conclue avec la Région du Piémont et détient en même temps une participation dans ce fonds.

46      Dans cette situation, la décision attaquée ne pourrait être regardée comme ayant produit directement des effets sur la situation juridique de la requérante que si, du fait de ladite décision, et sans que la République italienne ait disposé d’un pouvoir d’appréciation à cet égard, la requérante était tenue à la restitution des montants indus correspondant aux sommes déjà reçues par le fonds de capital-risque au titre du concours communautaire et utilisées pour effectuer des dépenses devenues inéligibles (voir en ce sens, ordonnance Regione Siciliana/Commission, point 26 supra, point 57).

47      Or, il convient de constater que la décision attaquée a été adressée par la Commission à l’État membre et n’a nullement imposé à ce dernier l’obligation de récupérer des sommes auprès des bénéficiaires finals, contrairement à ce que prétend la requérante et à la différence de la pratique généralement suivie par la Commission en matière d’aides d’État illégales déclarées incompatibles avec le marché commun (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 25 avril 2001, Coillte Teoranta/Commission, T‑244/00, Rec. p. II‑1275, point 45). En effet, les articles 1er et 2 de la décision attaquée indiquent que le concours de 542 277,60 euros accordé par le FEDER a été perçu indûment et doit être récupéré conformément à une note de débit qui sera transmise aux autorités nationales. L’article 3 de la décision attaquée requiert seulement de la République italienne qu’elle prenne les mesures nécessaires pour en informer les bénéficiaires finals concernés par cette décision.

48      Il résulte ainsi de la décision attaquée qu’elle ne contient aucune disposition enjoignant à la République italienne de procéder à la récupération des sommes indûment perçues auprès de la requérante. À cet égard, l’obligation d’information des bénéficiaires finals ne saurait être assimilée à une telle injonction. L’exécution correcte de la décision attaquée impliquait seulement que la République italienne restitue au FEDER les sommes indues (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général M. Alber sous l’arrêt de la Cour du 22 janvier 2004, COPPI, C‑271/01, Rec. p. I‑1029, I‑1031, points 58 à 63 ; ordonnances Coillte Teoranta/Commission, point 47 supra, point 45 ; Regione Siciliana/Commission, point 26 supra, points 66 à 68, et Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, point 44 supra, point 47).

49      Dans ces circonstances, le remboursement par la requérante des fonds communautaires indûment versés serait la conséquence directe non de la décision attaquée, mais de l’action exercée à cette fin par la République italienne, sur la base de sa législation nationale, afin de satisfaire aux obligations découlant de la réglementation communautaire en la matière (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 21 septembre 1983, Deutsche Milchkontor e.a., 205/82 à 215/82, Rec. p. 2633, points 19 et 20, et conclusions de l’avocat général M. Cruz Vilaça sous l’arrêt de la Cour du 7 juillet 1987, Étoile commerciale et CNTA/Commission, 89/86 et 91/86, Rec. p. 3005, 3012, points 46 à 51 ; ordonnances Coillte Teoranta/Commission, point 47 supra, point 47 ; Regione Siciliana/Commission, point 26 supra, point 70, et Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, point 44 supra, point 48).

50      Il convient d’ajouter que la protection juridictionnelle des opérateurs économiques contre les décisions individuelles des États membres prises pour l’application de l’article 23, paragraphe 1, du règlement n° 4253/88, décisions qui sont adoptées par ces États membres en vertu de leurs compétences propres (voir, en ce sens, arrêt COPPI, point 48 supra, points 39 à 45 et 48, et conclusions de l’avocat général M. Alber sous cet arrêt, point 48 supra, point 72 ; ordonnance Regione Siciliana/Commission, point 26 supra, point 72), peut être assurée de manière efficace par les voies de recours devant les juridictions nationales, lesquelles peuvent, le cas échéant, poser à la Cour, conformément à l’article 234 CE, une question préjudicielle en cas de doute sur la validité et l’interprétation des normes communautaires invoquées à l’appui de telles décisions (arrêt du 22 mars 2007, Regione Siciliana/Commission, point 44 supra, point 39 ; ordonnance Cámara de Comercio e Industria de Zaragoza/Commission, point 44 supra, point 49 ; voir également, en ce sens, ordonnance Coillte Teoranta/Commission, point 47 supra, point 49).

51      Enfin, le Tribunal relève que, dans la présente affaire, la requérante n’est ni l’autorité responsable, vis-à-vis de la Commission, de la réalisation du projet du FEDER, ce rôle incombant à la Région du Piémont, ni le titulaire du droit au concours dont la Commission a décidé la réduction et n’a donc aucun rapport juridique direct avec la Commission. En effet, la requérante n’est qu’un investisseur dans une société qui est responsable de la gestion de la mesure bénéficiant du concours financier en cause, gestion qui a d’ailleurs été stipulée dans une convention conclue avec la Région du Piémont à laquelle la Commission est étrangère.

52      Il s’ensuit que la décision attaquée n’a pas produit d’effets directs sur la situation juridique de la requérante.

53      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que la requérante n’est pas directement concernée par la décision attaquée.

54      Partant, sans qu’il soit besoin d’examiner si la requérante est individuellement concernée par la décision attaquée, il convient de rejeter le présent recours comme irrecevable.

 Sur les dépens

55      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter les dépens exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Investire Partecipazioni SpA est condamnée aux dépens.

Fait à Luxembourg, le 22 novembre 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras


* Langue de procédure : l’italien.