Language of document : ECLI:EU:T:1999:178

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

28 septembre 1999 (1)

«Bananes — Importations des États ACP et des pays tiers — Demande de certificats d'importation — Cas de rigueur — Mesures transitoires — Règlement (CEE) n° 404/93»

Dans l'affaire T-254/97,

Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz, société de droit allemand, établie à Chemnitz (Allemagne), représentée par Mes Jürgen Mielke et Thorsten W. Albrecht, avocats à Hambourg, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Entringer et Niedner, 34 A, rue Philippe II,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Klaus-Dieter Borchardt et Hubert van Vliet, membres du service juridique, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume d'Espagne, représenté par Mme Rosario Silva de Lapuerta, abogado del Estado, du service du contentieux communautaire, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade d'Espagne, 4-6, boulevard Emmanuel Servais,

et

République française, représentée par Mme Kareen Rispal-Bellanger, sous-directeur à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision de la Commission (VI/6251/97/DE), du 9 juillet 1997, rejetant la demande de la requérante visant à l'attribution de certificats d'importation dans le cadre des mesures transitoires prévues par l'article 30 du règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 20 avril 1999,

rend le présent

Arrêt

Cadre juridique

1.
    Le règlement (CEE) n° 404/93 du Conseil, du 13 février 1993, portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (JO L 47, p. 1, ci-après «règlement n° 404/93»), a mis en place un système commun d'importation de bananes qui s'est substitué aux différents régimes nationaux. Pour assurer une

commercialisation satisfaisante des bananes récoltées dans la Communauté ainsi que des produits originaires des États d'Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP) et des autres pays tiers, le règlement n° 404/93 prévoit l'ouverture d'un contingent tarifaire annuel pour les importations des bananes «pays tiers» et des bananes «non traditionnelles ACP». Les bananes non traditionnelles ACP correspondent aux quantités exportées par les pays ACP qui dépassent les quantités exportées traditionnellement par chacun de ces États, telles qu'elles sont fixées en annexe au règlement n° 404/93.

2.
    Chaque année est établi un bilan prévisionnel de la production et de la consommation de la Communauté, ainsi que des importations et des exportations. La répartition du contingent tarifaire déterminé sur la base de ce bilan prévisionnel est effectuée entre les opérateurs établis dans la Communauté en fonction de la provenance et des quantités moyennes de bananes qu'ils ont vendues au cours des trois dernières années pour lesquelles des données statistiques sont disponibles. Cette répartition donne lieu à la délivrance de certificats d'importation qui permettent aux opérateurs d'importer des bananes sans acquitter de droits ou à des tarifs douaniers préférentiels.

3.
    Le vingt-deuxième considérant du règlement n° 404/93 est rédigé comme suit:

«considérant que la substitution de cette organisation commune de marché aux différents régimes nationaux lors de l'entrée en vigueur du présent règlement risque d'entraîner une perturbation du marché intérieur; qu'il convient dès lors de prévoir, dès le 1er juillet 1993, la possibilité pour la Commission de prendre toutes les mesures transitoires nécessaires pour surmonter les difficultés de mise en oeuvre du nouveau régime».

4.
    L'article 30 du règlement n° 404/93 prévoit:

«Si des mesures spécifiques sont nécessaires, à compter de juillet 1993, pour faciliter le passage des régimes existant avant l'entrée en vigueur du présent règlement à celui établi par ce règlement, en particulier pour surmonter des difficultés sensibles, la Commission [...] prend toutes les mesures transitoires jugées nécessaires.»

Faits et procédure

5.
    La requérante, la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz (ci-après «Fruchthandelsgesellschaft»), est une société de négoce de fruits qui a pour origine la VEB Großhandelsgesellschaft OGS Karl-Marx-Stadt (ci-après «Großhandelsgesellschaft»), ancienne entreprise publique de l'ex-République démocratique allemande (ci-après «ex-RDA»). La Großhandelsgesellschaft a été privatisée sous le nom de «Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz» et gérée par

la Treuhandanstalt, organisme de droit public chargé de restructurer les anciennes entreprises de l'ex-RDA.

6.
    En 1990, la Treuhandanstalt a fait procéder à des travaux de transformation et de modernisation des installations de mûrissage de la société, devenus obsolètes. Cependant, ces nouvelles installations, qui avaient une capacité annuelle de 14 750 tonnes, n'ont mûri que 5 000 tonnes de bananes de 1991 à 1993. En avril 1993, la Treuhandanstalt a décidé de mettre fin à l'exploitation de la mûrisserie.

7.
    Par contrat en date du 17 décembre 1993, la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz a été vendue à Peter Vetter GmbH Fruchtimport + Agentur. Aux termes du contrat de vente, il a été décidé, notamment, que le nom commercial de la société pourrait être maintenu et que l'ensemble des salariés seraient repris. Il a également été convenu que, jusqu'au 31 décembre 1996, l'acheteur s'engageait à ne céder aucun élément essentiel d'exploitation de la partie d'établissement sans l'accord préalable de la Treuhandanstalt, ainsi qu'à poursuivre l'exploitation en maintenant l'objet commercial actuel pour une durée d'au moins trois ans à compter du jour de la reprise. Enfin, l'acquéreur s'est engagé à réaliser des investissements pour un montant total de 1 million de DM.

8.
    La construction de nouvelles installations, incluant une mûrisserie, a démarré en 1995. Elle a nécessité des investissements d'environ 8,5 millions de DM et permis d'atteindre une capacité de production de 10 500 tonnes de bananes par an.

9.
    A la suite de l'achèvement des nouvelles installations de mûrissage, la requérante a présenté à la Commission, par lettre du 18 décembre 1996, une demande visant à l'attribution spéciale de certificats d'importation de bananes dans le cadre du contingent tarifaire en application des dispositions de l'article 30 du règlement n° 404/93.

10.
    Par décision (VI/6251/97/DE) du 9 juillet 1997, la Commission a rejeté cette demande (ci-après «décision attaquée»).

11.
    Cette décision exposait notamment:

«[...]considérant que [la] Fruchthandelsgesellschaft a fait valoir les circonstances suivantes: l'entreprise a été créée le 1er janvier 1994; auparavant, il s'agissait d'une entreprise de la Treuhand qui a été fermée en avril 1993 à la suite d'une décision de la Treuhandanstalt; les installations de mûrissement de bananes de cette dernière ont été liquidées par la Treuhandanstalt en 1994; l'entreprise a acheté un terrain à la Treuhandanstalt en décembre 1994 sur lequel elle a fait construire une mûrisserie de bananes; le mûrissement de bananes a pu débuter dans ces installations à partir de juillet 1996; la capacité de l'entreprise est de 10 500 tonnes par an;

considérant que [...] l'article 30 du règlement (CEE) n° 404/93 autorise la Commission et, selon les circonstances, lui impose de réglementer les cas de rigueur dus au fait que les importateurs de bananes pays tiers ou de bananes non traditionnelles ACP rencontrent des difficultés menaçant leur survie, lorsqu'un contingent exceptionnellement bas leur a été attribué sur la base des années de référence qui doivent être prises en considération en vertu de l'article 19, paragraphe 2, dudit règlement, dans l'hypothèse où ces difficultés sont inhérentes au passage des régimes nationaux existant avant l'entrée en vigueur du règlement à l'organisation commune des marchés et ne sont pas dues à l'absence de diligence de la part des opérateurs concernés;

[...]

considérant que le règlement (CEE) n° 404/93 a été publié au Journal officiel des Communautés européennes le 25 février 1993 et est entré en vigueur le 1er juillet 1993; que la proposition relative à l'instauration de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane a été publiée le 10 septembre 1992;

considérant que la date de création de [la] Fruchthandelsgesellschaft est postérieure aux dates précitées; que, par conséquent, [la] Fruchthandelsgesellschaft ne peut avoir agi sans avoir été en mesure de prévoir les conséquences que son action aurait après l'instauration de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane;

considérant que la démarche adoptée par la Treuhandanstalt avant la date de création de [la] Fruchthandelsgesellschaft ne peut être considérée comme une démarche adoptée par [la] Fruchthandelsgesellschaft;

considérant que, en application des critères fixés par la Cour de justice, il n'est pas possible d'accepter le cas de [la Fruchthandelsgesellschaft] comme cas de rigueur excessive et qu'une attribution spéciale de certificats d'importation doit par conséquent être refusée;

[...]»

Procédure et conclusions des parties

12.
    Par requête déposée le 17 septembre 1997, la requérante a introduit le présent recours.

13.
    Les 16 janvier et 17 février 1998, respectivement, le royaume d'Espagne et la République française ont demandé à intervenir dans l'affaire à l'appui des conclusions de la Commission. Ces demandes ont été accueillies par ordonnances du 17 juin 1998 du président de la quatrième chambre. Par mémoires déposés,

respectivement, les 30 juillet et 3 septembre 1998, le royaume d'Espagne et la République française ont présenté leurs observations.

14.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure prévues à l'article 64 du règlement de procédure, la Commission a été invitée à produire le rapport du 9 septembre 1997 de l'organe d'appel permanent de l'Organisation mondiale du commerce (OMC) relatif à l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane.

15.
    Les parties et le royaume d'Espagne, partie intervenante, ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 20 avril 1999.

16.
    La Fruchthandelsgesellschaft, partie requérante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens.

17.
    La Commission, partie défenderesse, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens.

18.
    Le royaume d'Espagne, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter le recours.

19.
    La République française, partie intervenante, conclut à ce qu'il plaise au Tribunal rejeter le recours.

Conclusions en annulation

20.
    La requérante invoque un moyen unique à l'appui de son recours, tiré d'une violation de l'article 30 du règlement n° 404/93 et d'un détournement de pouvoir. Dans sa réplique, la requérante a exposé que son recours pourrait être devenu sans objet par les effets du rapport de l'organe d'appel permanent de l'OMC rendu le 9 septembre 1997 et adopté par l'organe de règlement des différends de l'OMC le 25 septembre 1997. A l'audience, elle a précisé avoir toujours intérêt à obtenir l'annulation de la décision attaquée et que cette annulation peut éventuellement être fondée sur la décision de l'organe de règlement des différends.

Sur les effets du rapport de l'organe d'appel permanent du 9 septembre 1997 et de la décision de l'organe de règlement des différends portant adoption de ce rapport

Arguments des parties

21.
    La requérante soutient que le rapport, rendu le 9 septembre 1997 par l'organe d'appel permanent et adopté par l'organe de règlement des différends le 25 septembre 1997, a déclaré que le régime de certificats d'importation de bananes pays tiers institué par le règlement n° 404/93 était contraire à l'accord sur les tarifs douaniers et le commerce (ci-après «GATT») à divers égards et n'était pas susceptible, dans sa conception actuelle, d'être mis en oeuvre d'une manière qui lui soit conforme.

22.
    Selon la requérante, les décisions impératives de l'organe de règlement des différends pourraient avoir un effet direct dans l'ordre juridique communautaire.

23.
    La Commission considère que, même si l'on reconnaissait un effet direct à la décision de l'organe de règlement des différends, elle serait sans effet sur la situation de la requérante. En effet, ladite décision ne remettrait nullement en question l'existence du contingent tarifaire pour les bananes pays tiers et les bananes non traditionnelles ACP. En tout état de cause, même en cas de non-application du régime de certificats d'importation actuel, il ne serait pas établi si, et dans quelle mesure, la requérante peut obtenir l'attribution de certificats d'importation dans le cadre du contingent tarifaire en tant que société de mûrissage de bananes. La requérante ne pourrait donc tirer un droit subjectif à participer au contingent tarifaire ni des règles du GATT, ni de la décision de l'organe de règlement des différends, ni des règles du droit communautaire.

24.
    Lors de l'audience, le royaume d'Espagne a soutenu la position de la Commission en affirmant, notamment, que la constatation de l'organe d'appel permanent selon laquelle une mesure est incompatible avec un accord de l'OMC a seulement pour effet de recommander au membre en cause de mettre sa législation en conformité avec l'accord. En effet, cette constatation ne ferait pas obligation au membre concerné de modifier sa législation, car l'article 22 du mémorandum d'accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends (JO L 336, p. 234) prévoit également la possibilité pour la partie plaignante d'obtenir une compensation ou de suspendre des concessions.

25.
    Par ailleurs, la Cour aurait jugé que le GATT, par sa nature même, ne peut produire d'effet direct et ne permet pas de mettre en cause la validité d'une norme communautaire. Un tel effet reviendrait, de surcroît, à déroger au monopole juridictionnel de la Cour prévu par l'article 164 du traité CE (devenu article 220 CE).

Appréciation du Tribunal

26.
    Il y a lieu de préciser que le rapport de l'organe d'appel permanent du 9 septembre 1997 adopté par l'organe de règlement des différends le 25 septembre 1997 ne remet pas en question le système de contingent tarifaire en tant que tel. En effet, ce rapport a conclu qu'il y avait certains éléments discriminatoires dans le régime instauré par le règlement n° 404/93 sans avoir déclaré l'ensemble du régime incompatible avec le GATT ni avec l'accord général sur le commerce des services (GATS). C'est ainsi que la Communauté a adopté des modifications au régime instauré par le règlement n° 404/93 afin de se conformer à ce rapport ainsi qu'à la décision de l'organe de règlement des différends [voir règlement (CE) n° 1637/98 du Conseil du 20 juillet 1998 modifiant le règlement n° 404/93 (JO L 210, p. 28)].

27.
    Par conséquent, la requérante ne saurait se prévaloir du rapport et de la décision en cause afin d'affirmer que le système portant organisation commune des marchés dans le secteur de la banane n'existe plus.

28.
    Par ailleurs, la requérante n'a pas établi un lien juridique entre la décision de l'organe de règlement des différends et son recours.

29.
    Il ressort de la jurisprudence communautaire que, pour qu'une disposition dans une décision dont l'intéressé n'est pas le destinataire puisse avoir un effet direct vis-à-vis de lui, il faut que cette disposition impose à son destinataire une obligation inconditionnelle et suffisamment nette et précise en faveur de l'intéressé (voir arrêts de la Cour du 6 octobre 1970, Grad, 9/70, Rec. p. 825, point 9, du 26 octobre 1982, Kupferberg, 104/81, Rec. p. 3641, points 22 et 23, et du 5 octobre 1994, Allemagne/Conseil, C-280/93, Rec. p. I-4973, point 110).

30.
    Or, la requérante n'a présenté aucun argument permettant de considérer que ces critères sont remplis. L'argumentation de la requérante tirée des effets du rapport de l'organe d'appel permanent et de la décision de l'organe de règlement des différends doit donc être rejetée comme étant non fondée sans qu'il y ait lieu d'examiner si les décisions impératives de l'organe de règlement des différends ont un effet direct.

Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 30 du règlement n° 404/93 ainsi que d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

31.
    La requérante fait valoir que la décision attaquée viole le règlement n° 404/93, en particulier son article 30, et que la Commission s'est rendue coupable d'un détournement de pouvoir.

32.
    Ainsi, la Commission aurait méconnu les conditions énoncées dans l'arrêt de la Cour du 26 novembre 1996, T. Port (C-68/95, Rec. p. I-6065), en ce qui concerne les cas de rigueur excessive.

33.
    En premier lieu, la requérante soutient que la décision attaquée fait une appréciation erronée des faits en considérant que ses difficultés sont imputables à son comportement. La décision de la Treuhandanstalt d'interrompre, en avril 1993, le mûrissage des bananes constituerait une circonstance exceptionnelle dont elle n'est pas responsable. Cette interruption ne devrait pas être prise en compte pour déterminer ses droits dans le cadre de l'attribution des certificats d'importation dans la mesure où elle a succédé à la Großhandelsgesellschaft. A la lumière de la situation particulière des nouveaux Länder, son contingent de bananes devrait être calculé sur la base de la capacité de cette entreprise.

34.
    Par ailleurs, la fermeture de la mûrisserie en avril 1993 n'aurait pas été décidée pour répondre à un objectif commercial à long terme, mais pour attirer des investisseurs potentiels. La modernisation n'ayant pas apporté le succès souhaité, la société requérante aurait été gérée, en janvier 1993, par le département «liquidation» de la Treuhandanstalt dont le responsable avait pour seule tâche d'établir des plans sociaux pour les travailleurs et de céder les biens de l'entreprise.

35.
    La requérante insiste sur le fait que la construction de la mûrisserie de bananes constituait, pour elle, la condition sine qua non de son maintien à long terme sur le marché. Elle serait l'unique grossiste dans un rayon de 100 km disposant d'un assortiment complet et aurait toujours assuré l'approvisionnement de base de la population de sa région en fruits et légumes, comme le témoignage d'un employé d'un de ses clients pourrait en justifier.

36.
         Dans ce contexte, la requérante soutient que les grandes maisons de négoce de fruits et grossistes des anciens Länder, proposant un assortiment complet, disposent toutes de leur propre mûrisserie de bananes. Dans la mesure où la Commission le contesterait, la requérante demande l'établissement d'un rapport d'expert.

37.
    Enfin, la Commission, en prenant comme quantités de référence dans le cadre de l'attribution de certificats d'importation les quantités de bananes mûries dans l'ancienne mûrisserie au cours des années 1991, 1992 et 1993, aurait reconnu l'existence d'une continuité de l'activité de mûrissage depuis la privatisation de la Großhandelsgesellschaft.

38.
         Dans ces conditions, la requérante estime que l'on ne saurait lui opposer qu'elle avait connaissance du règlement n° 404/93 à la date de la construction de sa nouvelle mûrisserie en 1995. Si l'application de ce règlement devait l'obliger à cesser définitivement son activité de mûrissage, cela équivaudrait à une interdiction d'exercer une activité professionnelle qui menacerait son existence et provoquerait

le licenciement de nombreux collaborateurs essentiellement spécialisés dans les activités de mûrissage de bananes. Cela reviendrait finalement à exclure durablement des activités de mûrissage de bananes toutes les anciennes entreprises de négoce de fruits de l'ex-RDA, qui ont été restructurées et modernisées entre 1990 et 1995, et cela aurait pour conséquence l'instauration d'un protectionnisme au sein de la Communauté.

39.
    En deuxième lieu, la requérante affirme que ses difficultés sont inhérentes à la mise en oeuvre de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. En effet, la période de référence définie par ce système serait un critère discriminatoire dans la mesure où, au cours des années prises en compte, elle n'avait aucune possibilité de réaliser un chiffre d'affaires satisfaisant. Néanmoins, elle serait traitée exactement de la même façon que toutes les autres entreprises de commerce de fruits de la Communauté.

40.
    Dans sa réplique, elle ajoute que les anciennes entreprises de l'ex-RDA ne peuvent pas non plus être traitées de la même façon que celles venant s'implanter dans les nouveaux Länder. Contrairement à la thèse de la Commission, une ancienne entreprise de l'ex-RDA entravée dans son activité de mûrissage en raison des difficultés survenues postérieurement à la réunification et contrainte de suspendre provisoirement cette activité se trouverait dans une situation très différente de celle d'un opérateur qui débute entièrement. Contrairement à celui-ci, la requérante aurait souscrit des obligations de livraison à long terme avant l'entrée en vigueur de l'organisation des marchés dans le secteur de la banane et aurait maintenu des effectifs importants. Le nouvel opérateur supporterait un risque économique incomparablement plus réduit puisqu'il pourrait subordonner sa politique personnelle à l'importance des certificats d'importation qui lui seraient attribués.

41.
    En troisième lieu, la requérante soutient que la décision attaquée porte atteinte à ses droits de propriété et au libre exercice d'une activité professionnelle. En effet, le refus de lui octroyer des certificats supplémentaires mettrait en péril la poursuite de son activité et, en tant que grossiste proposant un assortiment complet, elle aurait impérativement besoin d'installations de mûrissage de bananes.

42.
    La Commission fait valoir que la décision de fermeture de la mûrisserie prise par la Treuhandanstalt entrait dans le cadre de la gestion de la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz. Cette décision n'aurait pas été prise en prévision de la prochaine entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. Par conséquent, il serait impossible de déduire l'existence d'un cas de rigueur excessive des difficultés particulières de la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz entre 1989 et avril 1993.

43.
    La seule circonstance que la requérante pourrait éventuellement invoquer comme cas de rigueur est le fait que, en 1995 et 1996, elle a construit, en y investissant des sommes considérables, une nouvelle mûrisserie de bananes d'une capacité de 10 500 tonnes par année qu'elle ne peut faire fonctionner pleinement et rentabiliser

faute d'obtenir les certificats d'importation dont elle a besoin en raison du régime instauré par le règlement n° 404/93.

44.
    Or, les difficultés rencontrées par la requérante en raison de cette situation seraient dues à un manque de diligence de sa part, puisqu'elle a construit une nouvelle mûrisserie de bananes un an et demi après l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, sans savoir comment elle pourrait exploiter cette installation, alors qu'elle connaissait parfaitement les règles de la période de référence.

45.
    A ce propos, la Commission réfute l'argument de la requérante selon lequel elle pouvait espérer que des règles particulières adaptées à la situation spécifique des nouveaux Länder seraient prises. Elle affirme que la requérante savait, dès décembre 1993, lorsqu'elle a acquis la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz, alors dirigée par la Treuhandanstalt, que le secteur «mûrissement de bananes» avait été abandonné et que, en 1996, elle ne pourrait pas faire valoir que la mise en oeuvre d'une nouvelle installation de mûrissement de bananes était la continuité de l'activité de mûrissage exercée par la Großhandelsgesellschaft ou par la Fruchthandelsgesellschaft mbH Chemnitz lorsqu'elle était dirigée par la Treuhandanstalt.

46.
    Elle explique que, certes, la requérante a bien obtenu des certificats d'importation sur la base des quantités de bananes mûries dans l'ancienne mûrisserie pendant les années 1991, 1992 et 1993, avant la fermeture de celle-ci.

47.
    Cependant, cela ne signifie pas que la requérante puisse se prévaloir des activités antérieures de mûrissage de la Großhandelsgesellschaft. En effet, les droits qui lui sont transférés se limitent à la période de référence.

48.
    Pour ce qui est de l'argument de la requérante selon lequel, en tant que grossiste offrant un assortiment complet, elle aurait impérativement besoin d'installations de mûrissage de bananes, la Commission affirme que cet élément n'entraîne pas une situation juridiquement particulière en droit sur le marché. En outre, la requérante affirmerait à tort que le mûrissement des bananes constitue une condition sine qua non pour se maintenir à long terme sur le marché, car l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane ne réglemente pas l'activité commerciale des mûrisseries. En effet, ces dernières, à défaut de pouvoir importer elles-mêmes des bananes des pays tiers ou des bananes non traditionnelles ACP et procéder ensuite à leur mûrissement, pourraient mûrir des bananes «étrangères», c'est-à-dire importées par d'autres importateurs, sans la moindre limitation juridique.

49.
         Sur l'allégation du caractère discriminatoire de la période de référence, la Commission soutient que les difficultés liées à la privatisation de la Großhandelsgesellschaft ne mettent pas la requérante dans une situation particulière justifiant qu'elle soit traitée différemment des autres entreprises faisant

du commerce de fruits. En effet, en ce qui concerne le secteur «mûrissement des bananes», la requérante se trouverait dans la même situation que toute autre entreprise de commerce de fruits ayant commencé cette activité après l'entrée en vigueur des règles de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane.

50.
    En outre, les difficultés rencontrées dans le cadre du processus de privatisation par toutes les entreprises de l'ex-RDA après la réunification ne relèveraient pas de l'article 30 du règlement n° 404/93, dans la mesure où la Cour a énoncé, dans son arrêt T. Port, précité, que les conditions requises pour pouvoir régler les cas de rigueur excessive en vertu de cet article sont purement individuelles. A cet égard, la Commission fait référence également à l'ordonnance du président du Tribunal du 21 mars 1997, Camar/Commission (T-79/96 R, Rec. p. II-403).

51.
    S'agissant de l'allégation de la requérante selon laquelle le passage à l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane porterait atteinte à son droit fondamental d'exercer librement sa profession, la Commission relève qu'il est de jurisprudence constante que le libre exercice d'une activité économique fait partie des principes généraux du droit communautaire, mais qu'il n'apparaît pas, toutefois, comme une prérogative absolue et doit être pris en considération par rapport à sa fonction dans la société (voir arrêt du Tribunal du 11 décembre 1996, Atlanta e.a./Conseil et Commission, T-521/93, Rec. p. II-1707, point 62). De plus, les garanties conférées aux opérateurs économiques ne sauraient en aucun cas être étendues à la protection de simples intérêts ou chances d'ordre commercial dont le caractère aléatoire est inhérent à l'essence même de l'activité économique (voir arrêt de la Cour du 14 mai 1974, Nold e.a./Commission, 4/73, Rec. p. 491, point 14). Les certificats d'importation réclamés par la requérante pour assurer son volume d'affaires ne seraient donc pas protégés par le droit fondamental au libre exercice de l'activité économique.

52.
    Enfin, concernant le droit à la protection de la propriété invoqué par la requérante, la Commission estime que, si l'application des règles de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane peut effectivement mettre en cause l'existence de l'entreprise tout entière, le risque ainsi encouru est imputable à la décision de la requérante elle-même, qui, bien que connaissant parfaitement le cadre juridique défini par l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane, n'en a pas moins investi dans la construction d'une nouvelle mûrisserie sans aucune garantie quant à sa rentabilité.

53.
    Le royaume d'Espagne, au soutien des arguments de la Commission, fait observer, notamment, que la possibilité d'arrêter les mesures transitoires prévues par l'article 30 du règlement n° 404/93 a pour objet, aux termes du vingt-deuxième considérant de ce règlement, d'affronter les perturbations du marché intérieur qui peuvent découler de la substitution de l'organisation commune des marchés aux différents régimes nationaux. Néanmoins, elle n'aurait pas pour objet de résoudre les

problèmes de nature très diverse qui peuvent se poser, pour d'autres raisons, aux entreprises qui exercent leurs activités dans le secteur de la banane.

54.
    En particulier, les difficultés alléguées par la requérante ne seraient pas dues à l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane et ne répondraient pas à l'objectif poursuivi par les mesures transitoires prévues par l'article 30 du règlement n° 404/93.

55.
    Le royaume d'Espagne fait remarquer, à cet égard, que la méconnaissance des conditions prévues par l'article 30 du règlement n° 404/93 pour l'octroi de mesures transitoires risquerait d'altérer l'ensemble du système d'importations de bananes dans la Communauté, de porter atteinte aux droits des opérateurs du secteur lésés et, par conséquent, de compromettre l'équilibre d'intérêts établi par les dispositions de la politique agricole commune relatives à l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane (voir ordonnance Camar/Commission, précitée, point 47).

56.
    Le royaume d'Espagne conteste également l'allégation de la requérante relative au détournement de pouvoir en soutenant que, en l'espèce, la Commission n'a pas arrêté la décision attaquée afin d'atteindre un objectif distinct de l'objectif prévu, mais s'est bornée à appliquer l'article 30 du règlement n° 404/93, tel que la Cour l'a interprété.

57.
    Pour ce qui est du principe d'égalité, le royaume d'Espagne considère que la Commission a, à juste titre et en conformité avec ce principe, traité la requérante de la même manière que celle dont elle traite toutes les entreprises de commercialisation de bananes pays tiers et non traditionnelles ACP.

58.
    La République française souligne, tout d'abord, qu'il ressort des termes employés par la requérante dans sa demande que ses difficultés ne répondent pas aux conditions de mise en oeuvre de l'article 30 du règlement n° 404/93, telles que précisées par le juge communautaire, mais trouvent leur source dans une décision de l'entreprise postérieure à l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés.

59.
    La République française affirme, ensuite, que la Commission a considéré à juste titre que la requérante ne succédait pas à la Großhandelsgesellschaft dans l'ensemble de ses droits. En effet, ainsi que le reconnaît la requérante, le contrat précité conclu le 17 décembre 1993 avec la Treuhandanstalt ne contiendrait aucune clause relative à une quelconque mûrisserie.

60.
    En d'autres termes, la requérante aurait pris la décision de construire une nouvelle mûrisserie après l'entrée en vigueur de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane en toute connaissance du régime de contingent tarifaire prévu par ce système.

Appréciation du Tribunal

61.
    L'article 30 du règlement n° 404/93 confère à la Commission le pouvoir de prendre des mesures transitoires spécifiques «pour faciliter le passage des régimes existant avant l'entrée en vigueur du [...] règlement à celui établi par ce règlement, en particulier pour surmonter des difficultés» provoquées par ce passage. Selon une jurisprudence constante, ces mesures provisoires sont destinées à faire face à la perturbation du marché intérieur qu'entraîne la substitution de l'organisation commune des marchés aux différents régimes nationaux et ont pour but de résoudre les difficultés auxquelles sont confrontés les opérateurs économiques à la suite de l'établissement de l'organisation commune des marchés, mais ayant pour origine les conditions qui existaient sur les marchés nationaux avant l'entrée en vigueur du règlement n° 404/93 (voir ordonnance de la Cour du 29 juin 1993, Allemagne/Conseil, C-280/93 R, Rec. p. I-3667, points 46 et 47, arrêts de la Cour T. Port, précité, point 34, et du 4 février 1997, Belgique et Allemagne/Commission, C-9/95, C-23/95 et C-156/95, Rec. p. I-645, point 22, ainsi que l'ordonnance Camar/Commission, précitée, point 42).

62.
    La Cour a énoncé que la Commission doit prendre en considération, à cet égard, la situation des opérateurs économiques qui ont adopté, dans le cadre d'une réglementation nationale antérieure au règlement n° 404/93, un certain comportement sans avoir pu prévoir ses conséquences après l'instauration de l'organisation commune des marchés (voir arrêt T. Port, précité, point 37).

63.
    C'est sur ce critère que la Commission se fonde lorsqu'elle énonce, dans la décision attaquée (voir point 11 ci-dessus), que la date de création de la requérante est postérieure à la proposition relative à l'instauration de l'organisation commune desmarchés dans le secteur de la banane, publiée le 10 septembre 1992, ainsi qu'à la publication au Journal officiel des Communautés européennes du règlement n° 404/93 le 25 février 1993 et que, par conséquent, elle ne peut avoir agi sans avoir été en mesure de prévoir les conséquences que son action aurait après l'instauration de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane.

64.
    La requérante ne conteste pas qu'elle a construit une nouvelle mûrisserie en 1995 dans laquelle le mûrissement de bananes a pu débuter à partir de juillet 1996. Elle a d'ailleurs fourni elle-même cette information à la Commission dans sa demande de certificats supplémentaires du 18 décembre 1996.

65.
    La requérante a précisé, lors de l'audience, que la construction d'une nouvelle mûrisserie avait été prévue depuis longtemps et que la fermeture de l'ancienne installation de mûrissage n'était qu'une interruption temporaire de cette activité. La discussion relative à la construction de la nouvelle mûrisserie aurait, en effet, déjà débuté en 1990, alors même que la décision de fermeture de l'ancienne mûrisserie n'a été prise qu'en 1993.

66.
    Or, force est de constater que cette information, qui n'a pas été transmise à la Commission à l'époque de la décision attaquée, n'est pas démontrée. Il convient, à cet égard, de souligner que le contrat de vente ne contenait aucune disposition relative à la construction d'une nouvelle mûrisserie. Par ailleurs, le coût des travaux de construction de l'installation de la Fruchthandelgesellschaft a excédé largement le montant des investissements que l'acquéreur s'était engagé à réaliser.

67.
    Il s'ensuit que la requérante, lorsqu'elle a pris sa décision de construire une nouvelle mûrisserie, pouvait en prévoir les conséquences dans le cadre de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane instaurée par le règlement n° 404/93. Par conséquent, la Commission, qui, d'ailleurs, dispose d'un large pouvoir dans l'appréciation de la nécessité de mesures transitoires, était fondée à rejeter la demande de la requérante du 18 décembre 1996 d'octroi de certificats supplémentaires.

68.
    Cette conclusion ne peut pas être infirmée par les autres arguments avancés par la requérante au soutien de son recours.

69.
    Premièrement, concernant l'argument de la nécessité pour la requérante de disposer d'installations de mûrissage de bananes, il convient d'abord d'observer qu'il n'est pas démontré. En effet, un grossiste disposant d'un assortiment de fruits et légumes complet n'est pas, comme l'a souligné la Commission, un opérateur ayant une situation juridiquement particulière en droit sur le marché. En outre, la requérante ne conteste pas qu'une mûrisserie peut mener ses activités dans le cadre de l'organisation commune des marchés, même sans certificat d'importation, en mûrissant des bananes qui sont importées par d'autres opérateurs.

70.
    Par ailleurs, à supposer même qu'une mûrisserie ait été indispensable à la requérante, cela ne la dispensait pas, avant de commencer sa construction, d'évaluer sa rentabilité compte tenu des conditions imposées par l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane.

71.
    Deuxièmement, en ce qui concerne l'attribution à la requérante, comme quantités de référence pour le calcul de ses droits à l'importation, des quantités de bananes mûries dans l'ancienne mûrisserie, il convient de retenir les explications fournies par la Commission, notamment lors de l'audience, selon lesquelles il s'agit d'un transfert de droits patrimoniaux limité à l'activité de mûrissage au cours des années 1991, 1992 et 1993. Cela n'implique nullement que la requérante est fondée à déduire de ce transfert l'existence d'une continuité de l'activité de mûrissage depuis la privatisation de la Großhandelsgesellschaft jusqu'à la mise en oeuvre de sa nouvelle mûrisserie.

72.
         Troisièmement, quant à la prétendue violation du principe d'égalité de traitement en raison de la situation particulièrement difficile des entreprises de l'ex-RDA privatisées, il suffit de constater que ces difficultés ne sont pas dues à

l'établissement de l'organisation commune des marchés (voir la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus). Par conséquent, il s'agit de difficultés qui ne relèvent pas du champ d'application de l'article 30 du règlement n° 404/93.

73.
    De surcroît, la Cour a jugé dans l'arrêt Allemagne/Conseil, précité (points 73 et 74), que, s'il est vrai que toutes les entreprises ne sont pas affectées de la même manière par le règlement n° 404/93, ce traitement différencié apparaît comme inhérent à l'objectif d'une intégration de marchés jusqu'alors cloisonnés, compte tenu de la situation différente dans laquelle se trouvaient les différentes catégories d'opérateurs économiques avant l'instauration de l'organisation commune des marchés.

74.
    Quatrièmement, s'agissant des arguments tirés de la violation des droits de propriété et au libre exercice d'une activité professionnelle, il y a lieu de préciser que la Cour a jugé qu'aucun opérateur économique ne peut revendiquer un droit de propriété sur une part de marché qu'il détenait à un moment antérieur à l'adoption de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane. De plus, les restrictions à la faculté d'importer les bananes pays tiers, que comportent l'ouverture du contingent tarifaire et son mécanisme de répartition, sont inhérentes aux objectifs d'intérêt général communautaire poursuivis par l'instauration de l'organisation commune des marchés dans le secteur de la banane et, dès lors, ne portent pas indûment atteinte au libre exercice des activités professionnelles des opérateurs traditionnels de bananes pays tiers (voir arrêts de la Cour Allemagne/Conseil, précité, points 79, 82 et 87, et du 10 mars 1998, Allemagne/Conseil, C-122/95, Rec. p. I-973, point 77).

75.
    Ainsi, elle n'est pas fondée à alléguer une violation de son droit de propriété. De même, la requérante qui, d'ailleurs, en tant que mûrisserie, n'est pas directement soumise à des restrictions juridiques selon l'organisation commune des marchés, ne saurait invoquer une violation du droit au libre exercice d'une activité professionnelle.

76.
    Enfin, la requérante n'est pas fondée à alléguer que le rejet de sa demande par la décision attaquée constitue un détournement de pouvoir. A cet égard, il suffit de rappeler que, conformément à la jurisprudence, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (voir arrêt du Tribunal du 6 avril 1995, Ferriere Nord/Commission, T-143/89, Rec. p. II-917, point 68, et arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94, Rec. p. I-5755, point 69). Or, la requérante n'a apporté aucun élément de preuve en ce sens.

77.
    Il ressort de ce qui précède que la Commission a correctement appliqué l'article 30 du règlement n° 404/93 et que, en prenant la décision attaquée, elle n'a pas poursuivi un objectif distinct de celui prévu par cet article.

78.
    Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner les mesures d'instruction proposées par la requérante (voir points 35 et 36 ci-dessus), il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

Sur les dépens

79.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions, et la Commission ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la requérante aux dépens exposés par celle-ci. Conformément à l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, le royaume d'Espagne et la République française, parties intervenantes au litige, supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête:

1)    Le recours est rejeté.

2)    La requérante supportera ses propres dépens ainsi que les dépens de la Commission.

3)    Le royaume d'Espagne et la République française supporteront leurs propres dépens.

Cooke                García-Valdecasas            Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 28 septembre 1999.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. D. Cooke


1: Langue de procédure: l'allemand.