Language of document : ECLI:EU:T:2014:31

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

13 janvier 2014 (*)

« Recours en annulation et en responsabilité – Contrats concernant le concours financier de l’Union à des projets relevant du domaine de la recherche et du développement – Exception d’irrecevabilité – Absence de requalification des conclusions – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑134/12,

Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT, SA, établie à Alicante (Espagne), représentée par Me M. Jiménez Perona, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. R. Lyal et Mme B. Conte, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Rivas Andrés et X. García García, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision figurant dans la lettre de la Commission du 13 janvier 2012 portant recouvrement des sommes mentionnées dans les notes de débit correspondant à l’audit financier auquel la requérante a été soumise et, d’autre part, une demande en responsabilité extracontractuelle tendant à la condamnation de la Commission au paiement de dommages et intérêts à hauteur de 732 768 euros,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni (rapporteur) et L. Madise, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT, SA, est une société espagnole qui fournit des produits et services dans les domaines de la technologie mobile, de l’intégration de systèmes IP, ainsi que des réseaux et communications.

 Les contrats relatifs aux projets Broadwan, Hearcom, Mosaic, WalkOnWeb, S3ms, Trackss, GridTrust, Workpad, Suddden, Coves, Eperspace, Mapped, Naturnet-Redime, Samantha, ForAll et eValues

2        Entre le 23 décembre 2003 et le 7 juillet 2008, la requérante a conclu avec la Commission des Communautés européennes, agissant pour le compte de la Communauté européenne, quatorze contrats dans le cadre du sixième programme-cadre de la Communauté pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration contribuant à la réalisation de l’espace européen de la recherche et à l’innovation (2002-2006) établi par la décision 1513/2002/CE du Parlement européen et du Conseil, du 27 juin 2002 (JO L 232, p. 1), à savoir le contrat n° 001930, relatif au projet Broadwan, le contrat n° 004171, relatif au projet Hearcom, le contrat n° 004341, relatif au projet Mosaic, le contrat n° 004688, relatif au projet WalkOnWeb, le contrat n° 027004, relatif au projet S3ms, le contrat n° 027329, relatif au projet Trackss, le contrat n° 033817, relatif au projet GridTrust, le contrat n° 034749, relatif au projet Workpad, le contrat n° 035169, relatif au projet Sudden, le contrat n° 035229, relatif au projet Coves, le contrat n° 506775, relatif au projet Eperspace, le contrat n° 511755, relatif au projet Mapped, le contrat n° 004074, relatif au projet Naturnet-Redime, et le contrat n° 006040, relatif au projet Samantha (ci-après, pris ensemble, les « contrats FP6 »).

3        Ces contrats stipulent que les juridictions de l’Union, à savoir le Tribunal ou la Cour, ont compétence exclusive pour trancher tout litige entre les parties relatif à leur validité, à leur application ou à leur interprétation.

4        Le 4 mai 2004 et le 31 mai 2006, la requérante a conclu avec la Commission, agissant pour le compte de la Communauté, deux conventions de subvention dans le cadre du règlement (CE) n° 2236/95 du Conseil, du 18 septembre 1995, déterminant les règles générales pour l’octroi d’un concours financier communautaire dans le domaine des réseaux transeuropéens (JO L 228, p. 1), à savoir le contrat n° 029399, relatif au projet ForAll, et le contrat n° 510716, relatif au projet eValues (ci-après, pris ensemble, les « contrats eTEN »).

5        Ces contrats stipulent que le Tribunal et, en cas de pourvoi, la Cour ont compétence exclusive pour trancher tout litige entre les parties relatif à leur validité, à leur application ou à leur interprétation.

 L’audit financier de la requérante

6        Entre le 29 juin et le 3 juillet 2009, la requérante a fait l’objet d’un contrôle sous la forme d’un audit financier portant sur les projets relevant des contrats FP6 et eTEN.

7        La Commission a communiqué à la requérante le projet de rapport d’audit par lettres des 15 et 18 octobre 2010.

8        Par lettre du 14 février 2011, la Commission a communiqué à la requérante le rapport final d’audit. Ce rapport conclut que la requérante a commis des irrégularités et fait des fausses déclarations

9        La requérante a accusé réception du rapport final d’audit le 9 mars 2011. Elle a précisé, à cette occasion, qu’elle n’avait pas reçu de projet de rapport d’audit. Par lettre du 5 avril 2011, la requérante a transmis à la Commission ses observations sur le rapport final d’audit.

10      Par lettre du 31 mai 2011, la Commission a informé la requérante du maintien, après évaluation des observations de cette dernière, des conclusions du rapport final d’audit transmis le 14 février 2011. Ledit rapport final, complété par une partie 2 intitulée « Réponse aux observations du cocontractant », a été annexé à cette lettre.

11      Entre le 29 juin et le 7 juillet 2011, la Commission a adressé à la requérante trois lettres d’information préalable à une procédure de recouvrement l’avertissant, premièrement, du refus de remboursement des coûts relatifs à certains contrats FP6 ainsi qu’aux contrats eTEN. Deuxièmement, la Commission a fait état de son intention de récupérer les contributions financières déjà versées dans le cadre des contrats FP6 et eTEN, à savoir un montant total de 3 028 194,54 euros au titre des projets Broadwan, Hearcom, Mosaic, WalkOnWeb, S3ms, Trackss, GridTrust, Workpad, Sudden, Coves, Eperspace, Mapped, ForAll et eValues, un montant de 298 701,41 euros au titre du projet Samantha et un montant de 133 733,46 euros au titre du projet Naturnet-Redime. Troisièmement, la Commission a signalé à la requérante son intention de réclamer, s’agissant des projets Samantha et Naturnet-Redime, des dommages et intérêts s’élevant, respectivement, à 18 179,38 et à 13 373,35 euros.

12      La requérante a présenté ses observations sur les lettres visées au point précédent par lettres en date du 14 juillet 2011 et du 15 novembre 2011, auxquelles la Commission a répondu par lettres en date, respectivement, du 31 octobre 2011 et du 25 novembre 2011, réitérant notamment son intention de procéder au recouvrement du montant de 3 028 194,54 euros mentionné au point précédent.

13      Entre le 9 et le 19 décembre 2011, la Commission a envoyé à la requérante quinze notes de débit pour le recouvrement des sommes susvisées relatives aux projets WalkOnWeb, Hearcom, Mosaic, S3ms, Workpad, Mapped, ForAll, eValues, Trackss, Samantha, Broadwan, GridTrust, Sudden, CoVES et Eperspace. La requérante a demandé, par lettre du 19 décembre 2011, le sursis à l’exécution des remboursements.

14      Par lettre du 13 janvier 2012, référencée Ares (2012)39854 (ci-après la « lettre du 13 janvier 2012 ») et reçue par la requérante le 19 janvier 2012, la Commission a répondu à la lettre de la requérante du 19 décembre 2011 et rejeté la demande de sursis à l’exécution des remboursements. Elle a, en outre, joint à cette lettre les notes de débit visées au point 13 ci-dessus, à l’exception de celle relative au projet Samantha.

15      Le 19 janvier 2012, la Commission a envoyé à la requérante une note de débit concernant le projet Naturnet-Redime.

 Le contrat INDECT

16      Le 12 décembre 2008, la requérante a conclu avec la Commission, agissant au nom de la Communauté, dans le cadre du septième programme-cadre de la Communauté européenne pour des actions de recherche, de développement technologique et de démonstration (2007-2013) établi par la décision 1982/2006/CE du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006 (JO L 412, p. 1), le contrat n° 218086, relatif au projet Indect (ci-après le « contrat Indect »), dont la gestion a été transférée à l’Agence exécutive pour la recherche (REA).

17      Le 3 janvier 2012, la REA, agissant au nom de la Commission, a informé la requérante de sa décision de suspendre les paiements au titre du contrat Indect. Cette suspension était motivée par les soupçons d’irrégularités graves et systématiques révélées par l’audit financier effectué entre le 29 juin et le 3 juillet 2011 (voir point 8 ci-dessus).

 Le projet BeyWatch

18      Par lettre datée du 20 août 2008, la Commission a informé la requérante, qui avait été invitée, le 25 mars 2008, à participer au projet BeyWatch par le coordinateur dudit projet, de son intention de ne pas conclure de convention de subvention au motif que la requérante avait fait des déclarations inexactes. À cette occasion, la Commission a invité la requérante à présenter ses observations.

19      La requérante a présenté ses observations par lettre du 25 août 2008.

20      Par lettre du 16 octobre 2008, la Commission a rejeté les arguments présentés par la requérante dans la lettre visée au point précédent. Par conséquent, elle l’a exclue de la participation au projet BeyWatch.

 Procédure et conclusions des parties

21      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 mars 2012, la requérante a introduit le présent recours.

22      Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le même jour, la requérante a introduit une demande en référé. Par ordonnance du 8 mai 2012, le président du Tribunal a rejeté celle-ci et réservé les dépens.

23      Par acte séparé déposé le 18 juillet 2012, la Commission a soulevé une exception d’irrecevabilité au titre de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante a déposé ses observations sur cette exception d’irrecevabilité dans le délai imparti.

24      Suite au renouvellement partiel du Tribunal, l’affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur. Celui-ci a ensuite été affecté à la deuxième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée.

25      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision figurant dans la lettre du 13 janvier 2012 portant recouvrement des sommes mentionnées dans les notes de débit correspondant à l’audit financier 09-INFS-001/041 ;

–        condamner la Commission à lui verser des dommages et intérêts à hauteur de 732 768 euros à titre d’indemnisation du préjudice subi du fait du comportement illégal de celle-ci ;

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et déclarer le recours recevable ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable dans son intégralité ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

27      En vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal.

28      En outre, aux termes de l’article 111 du règlement de procédure, lorsqu’un recours est manifestement irrecevable, le Tribunal peut, sans poursuivre la procédure, statuer par voie d’ordonnance motivée.

29      En l’espèce, le Tribunal s’estime suffisamment éclairé par les pièces du dossier et décide qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

 Sur la recevabilité des conclusions en annulation de la décision contenue dans la lettre du 13 janvier 2012

30      La Commission soutient que les conclusions en annulation sont irrecevables au motif que la lettre du 13 janvier 2012 n’est pas un acte attaquable au sens de l’article 263 TFUE. Elle fait valoir, à titre principal, que ladite lettre s’inscrit dans un cadre purement contractuel dont elle est indissociable et, à titre subsidiaire, que cette lettre ne produit pas d’effets juridiques et constitue un acte purement préparatoire.

31      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union européenne de choisir lui-même la base légale la plus appropriée (arrêt de la Cour du 15 mars 2005, Espagne/Eurojust, C‑160/03, Rec. p. I‑2077, point 35, et ordonnance du Tribunal du 12 octobre 2011, Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, T‑353/10, Rec. p. II‑7213, point 18).

32      En l’espèce, la requérante a expressément introduit des conclusions en annulation sur le fondement de l’article 263 TFUE. En effet, d’une part, elle demande explicitement l’annulation de la décision figurant dans la lettre du 13 janvier 2012. D’autre part, l’article 263 TFUE est visé à plusieurs reprises tant dans la requête introductive d’instance que dans les observations de la requérante sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission.

33      Partant, il y a lieu d’examiner la recevabilité des présentes conclusions au regard des dispositions de l’article 263 TFUE.

34      Selon la jurisprudence, les actes adoptés par les institutions qui s’inscrivent dans un cadre purement contractuel dont ils sont indissociables ne figurent pas, en raison de leur nature même, au nombre des actes dont l’annulation peut être demandée en vertu de l’article 263 TFUE (voir arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, Rec. p. II‑2431, point 52, et la jurisprudence citée).

35      En l’espèce, la requérante demande formellement l’annulation de la décision « figurant dans » la lettre du 13 janvier 2012 « portant recouvrement [des sommes mentionnées dans l]es notes de débit correspondant à l’audit ». Elle établit, en outre, une liste de seize projets concernés par « la décision de restitution des subventions » dont elle demande ainsi l’annulation.

36      Or, la lettre du 13 janvier 2012 ne vise que quatorze des seize projets ainsi référencés par la requérante, à savoir les projets Broadwan, Hearcom, Mosaic, WalkOnWeb, S3ms, Trackss, GridTrust, Workpad, Sudden, Coves, Eperspace, Mapped, ForAll et eValues. En revanche, cette lettre ne mentionne ni le projet Samantha ni le projet Naturnet-Redime, figurant également sur la liste établie par la requérante.

37      Dans ces conditions, il y a lieu d’examiner la recevabilité des présentes conclusions en annulation, dans un premier temps, en ce qu’elles concernent les quatorze projets visés dans la lettre du 13 janvier 2012 et, dans un second temps, pour autant qu’elles concernent les projets Samantha et Naturnet-Redime.

38      En premier lieu, s’agissant des conclusions relatives aux quatorze projets visés dans la lettre du 13 janvier 2012, il convient d’observer que, par cette lettre, la Commission écarte les arguments de la requérante ainsi que sa demande tendant au sursis à l’exécution du recouvrement à la suite de l’audit financier, présentés dans sa lettre du 19 décembre 2011. Ensuite, la Commission fait état de son intention de poursuivre la mise en œuvre des conclusions de l’audit financier. Enfin, elle joint à cette lettre les photocopies des quatorze notes de débit relatives aux projets susmentionnés, préalablement envoyées à la requérante.

39      Or, sans même qu’il soit besoin de statuer sur l’aptitude de la lettre du 13 janvier 2012 à produire des effets juridiques et sans qu’il soit besoin de déterminer si, par son recours, la requérante sollicite l’annulation de ladite lettre ou des notes de débit et si, dans cette dernière hypothèse, elle a respecté le délai de recours d’ordre public de deux mois, il y a lieu de relever qu’il ressort des éléments du dossier que tant ladite lettre que les notes de débit qui y sont jointes s’inscrivent dans le contexte des contrats FP6 et eTEN liant la Commission à la requérante, en ce qu’elles ont pour objet le recouvrement des créances qui trouvent leur fondement dans les stipulations desdits contrats.

40      En effet, premièrement, s’agissant des notes de débit, tout d’abord, il n’est pas contesté que les sommes en cause ont été versées par la Commission à la requérante sur le fondement des contrats en cause. Ensuite, en vertu du point II.31 des conditions générales figurant en annexe II des contrats FP6 (ci-après les « conditions générales FP6 ») et de l’article 19 des conditions générales figurant en annexe II des contrats eTEN (ci-après les « conditions générales eTEN »), la Commission a le droit de demander à un membre du consortium de rembourser toute somme indûment perçue ou dont la récupération est justifiée en vertu desdits contrats, ce qu’elle a fait, s’agissant des projets Broadwan, Hearcom, Mosaic, WalkOnWeb, S3ms, Trackss, GridTrust, Workpad, Sudden, Coves, Eperspace, Mapped, ForAll et eValues, seuls visés dans la lettre du 13 janvier 2012, en invitant la requérante à rembourser la somme totale de 3 028 194,54 euros (voir points 11 à 13 ci-dessus). En outre, chacune des quatorze notes de débit jointes à la lettre du 13 janvier 2012, d’une part, identifie le contrat au titre duquel est demandé le remboursement des sommes en cause et, d’autre part, établit le lien entre ce remboursement et la réalisation de l’audit financier de la requérante.

41      Deuxièmement, s’agissant de la lettre du 13 janvier 2012, elle s’inscrit dans le cadre de cette même procédure de recouvrement fondée directement sur les stipulations contractuelles. En effet, la Commission y réitère explicitement son intention de poursuivre la mise en œuvre des conclusions de l’audit financier et joint à cette lettre les notes de débit en cause.

42      En second lieu, à supposer qu’il faille comprendre la mention, par la requérante, des projets Samantha et Naturnet-Redime dans la liste des projets visés par sa demande d’annulation de la « décision de restitution des subventions », comme tendant à l’annulation des notes de débit émises par la Commission le 19 décembre 2011 et le 19 janvier 2012, force de constater que, outre le fait qu’elles ne sont pas visées dans la lettre du 13 janvier 2012, ces notes de débit ne sont pas annexées à la requête, en méconnaissance des exigences de l’article 44, paragraphe 4, du règlement de procédure lu en combinaison avec l’article 21, deuxième alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne. En toute hypothèse, sans qu’il soit besoin de statuer sur le respect par la requérante du délai d’ordre public de deux mois, il convient d’observer que, selon les éléments du dossier, à savoir la lettre d’information préalable à une procédure de recouvrement en date du 5 juillet 2011, relative au projet Samantha (voir point 11 ci-dessus), annexée à la requête, ainsi que les explications fournies quant aux deux projets par la Commission dans son exception d’irrecevabilité, au demeurant non contestées explicitement par la requérante, lesdites notes de débit s’inscrivent dans le contexte des contrats relatifs à ces deux projets liant la Commission à la requérante. En effet, elles ont été adoptées par la Commission sur le fondement des points II.30 et II.31 des conditions générales FP6. Or, selon ces dispositions, la Commission a le droit, d’une part, de demander à un membre du consortium de rembourser toute somme indûment perçue ou dont la récupération est justifiée en vertu desdits contrats (point II.31) et, d’autre part, de demander le versement de dommages et intérêts en sus du remboursement (point II.30).

43      La requérante soutient toutefois que, « en annulant [sa] participation […] à tous les projets communautaires auxquels elle participait, et en annulant les paiements pendants de tous les projets en cours », la Commission a agi, par sa lettre du 13 janvier 2012, dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique.

44      Certes, selon la jurisprudence, l’acte adopté par une institution dans un contexte contractuel doit être considéré comme détachable de ce dernier lorsqu’il a été adopté par cette institution dans l’exercice de ses prérogatives de puissance publique (voir ordonnance Lito Maieftiko Gynaikologiko kai Cheirourgiko Kentro/Commission, point 31 supra, point 28, et la jurisprudence citée).

45      Toutefois, en l’espèce, l’argument de la requérante, exposé au point 43 ci-dessus, manque en fait. En effet, outre le fait que la lettre du 13 janvier 2012 n’a nullement pour objet d’annuler la participation de la requérante à tous les projets, aucun élément du dossier ne permet de conclure que la Commission a agi en faisant usage de ses prérogatives de puissance publique. Ainsi qu’il ressort des points 38 à 41 ci-dessus, ladite lettre et les notes de débit jointes, lesquelles ont été adoptées dans les conditions prévues, selon le cas, par les conditions générales FP6 ou eTEN, ont pour unique objet de faire valoir des droits que la Commission tire directement des stipulations tant des contrats FP6 que des contrats eTEN relatifs aux projets en cause. Ni la lettre ni les notes de débit ne visent ainsi à produire d’effets juridiques, à l’égard de la requérante, qui trouveraient leur origine dans l’exercice, par la Commission, de prérogatives de puissance publique dont elle serait titulaire en vertu du droit de l’Union.

46      Eu égard aux considérations qui précèdent, il convient de conclure que, par leur nature même, la lettre du 13 janvier 2012, ainsi que l’ensemble des notes de débits visées par la requérante, en ce compris les notes de débit relatives aux projets Samantha et Naturnet-Redime, ne figurent pas parmi les actes dont l’annulation peut être demandée aux juridictions de l’Union aux termes de l’article 263 TFUE.

47      Il convient cependant de vérifier si, malgré leur fondement explicite sur l’article 263 TFUE, les conclusions relatives à la lettre du 13 janvier 2012 peuvent être regardées comme présentées, en réalité, sur une base contractuelle.

48      Le Tribunal a, en effet, déjà accepté de procéder à une telle requalification (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 septembre 2001, Lecureur/Commission, T‑26/00, Rec. p. II‑2623, point 38, et ordonnance du Tribunal du 30 juin 2011, Cross Czech/Commission, T‑252/10, non publiée au Recueil, point 61).

49      Toutefois, il ressort également de la jurisprudence que, en présence d’un litige de nature contractuelle, le Tribunal s’estime dans l’impossibilité de requalifier un recours en annulation soit lorsque la volonté expresse de la requérante de ne pas fonder sa demande sur l’article 272 TFUE s’oppose à une telle requalification, soit lorsque le recours ne s’appuie sur aucun moyen tiré de la violation des règles régissant la relation contractuelle en cause, qu’il s’agisse des clauses contractuelles ou des dispositions de la loi nationale désignée dans le contrat (voir arrêt CEVA/Commission, point 34 supra, point 59, et la jurisprudence citée).

50      En l’espèce, d’une part, la requérante invoque, à l’appui de sa demande, essentiellement des moyens caractéristiques d’un recours en annulation, tels que, notamment, des violations des droits de la défense, du principe de sécurité juridique, du principe de présomption d’innocence, du droit à une bonne administration, du principe de protection de la confiance légitime, du principe de proportionnalité, d’un prétendu droit à l’intimité, de la protection des données à caractère personnel et de l’obligation de motivation, ainsi que la caducité du rapport d’audit pour dépassement du délai raisonnable. Elle ne se prévaut des stipulations contractuelles que de manière très cursive à deux titres. Premièrement, elle y fait brièvement allusion dans ses arguments présentés à l’appui des moyens pris de la violation des droits de la défense et de la violation du principe de confiance légitime. Deuxièmement, elle fait référence, de manière ponctuelle, aux stipulations contractuelles relatives à la déclaration des recettes des projets ayant fait l’objet de l’audit financier.

51      D’autre part, la requérante, en réponse à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, s’est limitée à justifier la recevabilité de ses conclusions en annulation au regard des dispositions de l’article 263 TFUE sans se prévaloir de l’article 272 TFUE. En particulier, elle ne demande ni explicitement ni implicitement au Tribunal de requalifier lesdites conclusions en demande fondée sur l’article 272 TFUE. Or, selon la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus, c’est à la partie requérante qu’il appartient de faire le choix du fondement juridique de son recours et non au juge de l’Union de choisir lui-même la base légale la plus appropriée.

52      Dans ces conditions, eu égard à la jurisprudence citée au point 49 ci-dessus, le Tribunal ne saurait requalifier les conclusions en annulation de la requérante en conclusions introduites sur le fondement de l’article 272 TFUE.

53      Partant, il y a lieu de rejeter les conclusions en annulation comme étant irrecevables, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres arguments soulevés par la Commission dans l’exception d’irrecevabilité.

 Sur la recevabilité des conclusions en indemnité

54      Le deuxième chef de conclusions de la requérante (voir point 25, deuxième tiret, ci-dessus) se compose de trois demandes en indemnité ayant trait, la première, à l’exclusion de la requérante du projet BeyWatch (ci-après la « demande en indemnité relative au projet BeyWatch »), la deuxième, à la suspension des versements liés au projet Indect (ci-après la « demande en indemnité relative au projet Indect ») et, la troisième, à la suspension de « multiples paiements […] sur des projets déjà menés à bien » par elle (ci-après la « demande relative aux autres projets »).

55      Il y a lieu d’examiner successivement la recevabilité de chacune de ces trois demandes.

 Sur la recevabilité de la demande en indemnité relative au projet BeyWatch

56      À l’appui de sa demande en indemnité relative au projet BeyWatch, la requérante soutient que, par la décision de l’exclure dudit projet, la Commission a violé l’obligation de motivation ainsi que le principe de protection de la confiance légitime. L’illégalité du comportement de la Commission lui aurait causé un préjudice s’élevant à 430 350 euros. Cette somme se composerait, premièrement, de la perte de la subvention d’un montant de 288 750 euros, qui aurait déjà été approuvée par la Commission, deuxièmement, des coûts de personnel s’élevant à 21 600 euros et, troisièmement, d’un manque à gagner qu’elle évalue à 120 000 euros.

57      La Commission soutient que cette demande est irrecevable dès lors qu’elle tend, en réalité, au paiement d’une somme correspondant au montant de la subvention refusée à la requérante par la décision de l’exclure dudit projet. Or, la requérante n’ayant pas contesté cette décision dans le délai de deux mois visé à l’article 263, paragraphe 6, TFUE, il ne saurait lui être permis de contourner ledit délai en introduisant un recours en responsabilité non contractuelle.

58      La requérante conteste cette argumentation de la Commission au motif, en substance, que la demande en indemnité relative au projet BeyWatch tend exclusivement à la réparation du préjudice causé par la décision de l’exclure dudit projet. La requérante rappelle, à cet égard, que les recours en annulation et en responsabilité sont indépendants. Elle précise en outre que ses conclusions en indemnité relatives au projet BeyWatch ne sont pas prescrites dès lors qu’elle a respecté, en l’espèce, le délai de prescription de cinq ans mentionné à l’article 46 du statut de la Cour.

59      Il convient de rappeler, s’agissant de la recevabilité de conclusions en indemnité, laquelle peut être examinée d’office par le juge en tant qu’elle touche à l’ordre public (arrêt du Tribunal du 17 octobre 2002, Astipesca/Commission, T‑180/00, Rec. p. II‑3985, point 139), que, si l’action en indemnité fondée sur l’article 340, deuxième alinéa, TFUE est une voie autonome dans le cadre des voies de recours en droit de l’Union, de sorte que l’irrecevabilité d’une demande en annulation n’entraîne pas, par elle-même, celle d’une demande d’indemnisation (voir arrêt du Tribunal du 15 mars 1995, Cobrecaf e.a./Commission, T‑514/93, Rec. p. II‑621, point 58, et la jurisprudence citée), un recours en indemnité doit toutefois être déclaré irrecevable lorsqu’il tend, en réalité, au retrait d’une décision individuelle devenue définitive et qu’il aurait pour effet, s’il était accueilli, d’annihiler les effets juridiques de cette décision (arrêt de la Cour du 26 février 1986, Krohn Import‑Export/Commission, 175/84, Rec. p. 753, points 32 et 33, et arrêt Cobrecaf e.a./Commission, précité, point 59).

60      Afin de préciser l’étendue de cette règle, il convient, néanmoins, d’observer qu’il serait contraire à l’autonomie du recours en indemnité, ainsi qu’à l’efficacité du système des voies de recours instauré par le traité, de considérer qu’un recours en indemnité est irrecevable au seul motif qu’il pourrait conduire à un résultat comparable aux résultats d’un recours en annulation. C’est uniquement dans le cas où un recours en indemnité tendrait en réalité au retrait d’une décision individuelle destinée aux parties requérantes et devenue définitive – de sorte qu’il aurait le même objet et le même effet qu’un recours en annulation – que ce recours en indemnité pourrait être considéré comme un détournement de procédure (arrêt du Tribunal du 23 novembre 2004, Cantina sociale di Dolianova e.a./Commission, T‑166/98, Rec. p. II‑3991, point 122). La charge de la preuve d’un tel détournement de procédure pèse sur la partie qui s’en prévaut (arrêt du Tribunal du 24 septembre 1996, Richco/Commission, T‑491/93, Rec. p. II‑1131 point 65).

61      Sont par conséquent irrecevables des conclusions en indemnité tendant au paiement d’une somme dont le montant correspond à celui des droits dont la requérante se trouve privée du fait d’une décision devenue définitive (voir arrêt Astipesca/Commission, point 59 supra, point 140, et la jurisprudence citée).

62      Un recours en indemnité est également irrecevable lorsque la partie requérante recherche un bénéfice plus étendu, mais incluant celui qu’elle aurait pu retirer d’un arrêt d’annulation, à condition, cependant, que soit constatée l’existence d’un lien étroit entre le recours en indemnité et le recours en annulation (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 4 octobre 2010, Ivanov/Commission, C‑532/09 P, non publiée au Recueil, points 23 à 25, et ordonnance du Tribunal du 24 mai 2011, Power-One Italy/Commission, T‑489/08, non publiée au Recueil, point 46).

63      En l’espèce, la requérante ne conteste pas que la décision de l’exclure du projet BeyWatch constitue un acte faisant grief, dont elle était destinataire et dont elle aurait pu demander l’annulation sur le fondement de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, ce qu’elle n’a pas fait dans le délai de deux mois prévu au sixième alinéa de cette même disposition. Cette décision d’exclusion est donc devenue définitive.

64      Dès lors, il y a lieu d’examiner si, ainsi que le fait valoir la Commission, la demande en indemnité relative au projet BeyWatch a le même objet et le même effet qu’un recours en annulation contre la décision d’exclure la requérante du projet BeyWatch, au sens de la jurisprudence citée aux points 59 à 62 ci-dessus.

65      À cet égard, il importe de relever que les effets juridiques de la décision d’exclure la requérante du projet BeyWatch se résument, outre l’impossibilité pour la requérante de participer à la réalisation dudit projet, au refus, par la Commission, de lui accorder une subvention.

66      Or, la demande en indemnité relative au projet BeyWatch tend précisément au retrait de la décision de l’exclure dudit projet et aurait pour effet, si elle était accueillie, d’annihiler les effets juridiques de cette décision.

67      En effet, d’une part, il ressort des éléments du dossier que le montant de 288 750 euros (voir point 56 ci-dessus) correspond à la part de la subvention dont la requérante aurait bénéficié au titre du projet BeyWatch. Or, une telle demande est irrecevable compte tenu de la jurisprudence citée au point 61 ci-dessus.

68      D’autre part, s’agissant des préjudices allégués qui dépassent le seul refus de la subvention, la requérante demande, premièrement, le remboursement des frais prétendument exposés aux fins de la préparation du projet dont elle a été exclue par l’effet de ladite décision et, deuxièmement, l’octroi de dommages et intérêts à hauteur des bénéfices financiers que lui aurait procurés, selon elle, sa participation au projet BeyWatch en l’absence de ladite décision. Or, par ces demandes, la requérante tend encore à remettre en cause le caractère définitif de la décision de l’exclure du projet BeyWatch. En effet, elle cherche ainsi à être rétablie, sur un plan financier, dans la situation qui aurait, selon elle, été la sienne en l’absence de ladite décision. Partant, la demande en indemnité relative au projet BeyWatch, en ce qu’elle tend au paiement de ces sommes, présente un lien étroit avec l’annulation de la décision de l’exclure dudit projet au sens de la jurisprudence citée au point 62 ci-dessus.

69      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de faire droit à l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de rejeter la demande en indemnité relative au projet BeyWatch comme irrecevable.

 Sur la recevabilité de la demande indemnitaire relative au projet Indect

70      La Commission fait valoir que la demande en indemnité relative au projet Indect est irrecevable dès lors qu’elle aurait dû être introduite sur un fondement contractuel. En effet, selon la Commission, la suspension des paiements à la requérante est fondée sur le point II.5, paragraphe 3, sous d), des conditions générales figurant en annexe II du contrat relatif au projet Indect, compte tenu des irrégularités graves et systématiques constatées dans le contexte d’autres contrats conclus avec la requérante. Cette suspension faisant ainsi partie des actes de suivi et de contrôle du projet Indect, elle relève de la relation contractuelle relative à celui-ci. La Commission observe, en outre, que les dommages et intérêts demandés par la requérante équivalent aux sommes dont le paiement a été suspendu.

71      La requérante conteste cette argumentation de la Commission au motif, à titre principal, que sa demande en indemnité dépasse le cadre contractuel du projet Indect et est liée à l’illégalité du comportement de la Commission. Elle soutient, en outre, qu’elle s’est acquittée de toutes les obligations contractuelles relatives audit projet, ainsi que la Commission l’aurait reconnu dans son exception d’irrecevabilité. Elle s’interroge, par ailleurs, sur la cohérence du raisonnement de la Commission, étant donné que, d’une part, cette dernière, tout en reconnaissant que la requérante s’est toujours conformée à ses obligations contractuelles relatives au projet Indect, fonde la suspension des paiements sur des « soupçons sérieux et systématiques » éveillés par l’audit financier, et que, d’autre part, la Commission ne se prévaut nullement du « contexte purement contractuel » dans le cadre de ses observations relatives au projet BeyWatch.

72      Afin d’apprécier la fin de non-recevoir soulevée par la Commission, il y a lieu de déterminer, dans un premier temps, le contexte, contractuel ou extracontractuel, dans lequel s’insère la demande de la requérante.

73      À cet égard, il convient de préciser que, lorsqu’elles établissent le fondement de la responsabilité invoquée, les juridictions de l’Union sont tenues de vérifier si le recours en indemnité dont elles sont saisies a pour objet une demande de dommages et intérêts reposant de manière objective et globale sur des droits et des obligations d’origine contractuelle ou d’origine non contractuelle. À ces fins, ces juridictions doivent vérifier, au regard d’une analyse des différents éléments du dossier, tels que notamment la règle de droit prétendument violée, la nature du préjudice invoqué, le comportement reproché ainsi que les rapports juridiques existant entre les parties en cause, s’il existe entre celles-ci un véritable contexte contractuel, lié à l’objet du litige, dont l’examen approfondi se révèle indispensable pour trancher ledit recours (arrêt de la Cour du 18 avril 2013, Commission/Systran et Systran Luxembourg, C‑103/11 P, non encore publié au Recueil, point 66).

74      En l’espèce, il ressort clairement des écritures des parties que la demande en indemnité relative au projet Indect s’inscrit dans un contexte contractuel.

75      En effet, tout d’abord, il est constant que la requérante a conclu avec la Commission, agissant pour le compte de la Communauté, un contrat portant sur le projet Indect (voir point 16 ci-dessus).

76      Ensuite, il ressort des termes dépourvus d’ambiguïté des écritures de la requérante, confirmés par la Commission dans son exception d’irrecevabilité, que les dommages et intérêts demandés, s’agissant du projet Indect, s’élèvent précisément à la somme dont le versement a été suspendu en application des stipulations contractuelles.

77      Enfin, dans son exception d’irrecevabilité, la Commission explique qu’elle a décidé la suspension des paiements liés à ce contrat à la suite de l’audit financier et sur le fondement des stipulations contractuelles, ce que la requérante ne conteste pas. Il ressort, en effet, du point II.5, paragraphe 3, sous d), cinquième tiret, des conditions générales figurant en annexe II du contrat relatif au projet Indect, cité par la Commission sans que cela soit contesté par la requérante, que la Commission peut suspendre, à tout moment, le paiement de la subvention en cas d’irrégularité, suspectée ou avérée, commise par le bénéficiaire d’une autre convention de subvention financée par le budget général de l’Union ou par des budgets gérés par celle-ci, à condition que ladite irrégularité soit d’une nature sérieuse et systématique qui est susceptible d’affecter la réalisation du contrat en cause. Or, les parties s’accordent sur le contenu de la lettre du 3 janvier 2012 par laquelle la requérante a été informée de la suspension des paiements relatifs au projet Indect, cette suspension ayant été décidée au motif que l’audit financier avait révélé des soupçons d’irrégularités graves et systématiques commises dans le cadre d’autres projets auxquels la requérante participait.

78      Partant, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la demande en indemnité relative au projet Indect s’insère dans un litige de nature contractuelle.

79      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les arguments de la requérante.

80      Premièrement, s’agissant de l’argument, soulevé à titre principal par la requérante, selon lequel la demande en indemnité relative au projet Indect « dépasse le cadre contractuel du projet » et « est liée […] à l’illégalité du comportement adopté par la Commission dans la poursuite du projet Indect », il convient de relever, d’une part, que cet argument confirme la conclusion selon laquelle la présente demande en indemnité s’inscrit « dans la poursuite du[dit] projet ». D’autre part, s’agissant de la prétendue illégalité du comportement de la Commission, il y a lieu de rappeler que la simple invocation de règles juridiques ne découlant pas du contrat en cause ne saurait avoir pour conséquence de modifier la nature contractuelle du litige (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 20 mai 2009, Guigard/Commission, C‑214/08 P, non publié au Recueil, point 43). En effet, lorsqu’elles établissent le fondement de la responsabilité invoquée et donc la nature même du litige en question, les juridictions de l’Union ne sauraient se fonder simplement sur les normes alléguées par les parties (arrêt Commission/Systran et Systran Luxembourg, point 73 supra, point 64).

81      Deuxièmement, l’argument de la requérante, selon lequel elle s’est toujours acquittée des obligations lui incombant dans le cadre du contrat Indect, n’a pas trait à la recevabilité de la demande en indemnité, mais porte sur son bien-fondé. En tout état de cause, ainsi que cela a été relevé au point 77 ci-dessus, la suspension des paiements relatifs au projet Indect est fondée sur des irrégularités relevées par la Commission dans le cadre d’autres projets. Elle est donc indépendante de toute appréciation du respect, par la requérante, de ses obligations découlant du contrat relatif à ce projet.

82      Troisièmement, l’argument tiré de ce que la Commission n’a pas opposé la notion de « contexte purement contractuel » à la recevabilité de la demande en indemnité relative au projet BeyWatch est dénué de toute pertinence aux fins d’établir la recevabilité de la demande en indemnité relative au projet Indect.

83      Par conséquent, ainsi que le fait valoir la Commission, la demande en indemnité relative au projet Indect s’inscrit dans un contexte contractuel.

84      Or, la requérante a explicitement introduit cette demande sur un fondement extracontractuel, en visant l’article 340 TFUE et en soutenant que le comportement illégal de la Commission, qui se serait manifesté par des violations de l’obligation de motivation et du principe de protection de la confiance légitime, lui a causé un préjudice réel et certain, alors qu’il ressort de la jurisprudence que, lorsque la relation entre la Commission et la partie requérante est clairement de nature contractuelle, cette dernière ne saurait reprocher à la Commission que des violations de stipulations contractuelles ou des violations du droit applicable au contrat (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 5 mai 2011, Evropaïki Dynamiki/Commission, C‑200/10 P, non publié au Recueil, point 85). En l’espèce, la requérante ne saurait donc reprocher à la Commission la violation d’obligations s’imposant à celle-ci exclusivement dans le cadre de l’exercice de ses compétences administratives, telle que la violation du principe général de bonne administration (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 3 juin 2009, Commission/Burie Onderzoek en advies, T‑179/06, non publié au Recueil, point 118) ou encore la violation de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 25 mai 2004, Distilleria Palma/Commission, T‑154/01, Rec. p. II‑1493, point 46). De même, la requérante ne saurait reprocher à la Commission la violation du principe de protection de la confiance légitime à l’appui de ses conclusions, en dehors de toute critique tirée de la méconnaissance, par la Commission, des stipulations contractuelles pertinentes.

85      Certes, contrairement à ce que fait valoir la Commission, il ne découle pas du seul fait que la requérante a fondé sa demande indemnitaire sur la responsabilité extracontractuelle de la Communauté au lieu de la fonder sur la responsabilité contractuelle, que cette demande est nécessairement irrecevable. En effet, il arrive que le juge de l’Union requalifie une demande en indemnité en lui restituant son fondement contractuel et procède, pour autant que le contrat en cause lui attribue compétence pour connaître des litiges nés du contrat, à l’examen de son bien-fondé [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal Lecureur/Commission, point 48 supra, points 38 et 39, et du 19 mai 2010, Nexus Europe (Ireland)/Commission, T‑424/08, non publié au Recueil, points 59 à 61].

86      Toutefois, sans même qu’il soit besoin de vérifier si le contrat Indect comporte une clause attribuant compétence au Tribunal pour connaître des litiges nés dudit contrat, il convient de constater qu’une requalification est exclue dans les circonstances de la présente affaire.

87      En effet, d’une part, la requérante a explicitement réitéré, dans ses observations sur l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission, que la présente demande était fondée sur la responsabilité extracontractuelle de la Communauté. Elle ne s’est à aucun moment prévalue d’une quelconque responsabilité contractuelle et n’a pas davantage demandé au Tribunal de requalifier l’objet de sa demande.

88      D’autre part, les règles de droit invoquées par la requérante à l’appui de sa demande en indemnité relative au projet Indect, à savoir l’obligation de motivation en vertu de l’article 296 TFUE et le principe de protection de la confiance légitime, sont caractéristiques de recours fondés sur la responsabilité extracontractuelle de la Communauté.

89      En outre, il convient d’ajouter que la requérante ne se prévaut, dans ses écritures, ni des stipulations contractuelles ni de la loi applicable au contrat Indect.

90      Dans ces conditions, en l’absence, dans les écritures de la requérante, de tout moyen opérant dans le cadre d’une demande fondée sur la responsabilité contractuelle, il y a lieu de conclure que le Tribunal ne saurait requalifier la demande en indemnité relative au projet Indect en demande introduite sur un fondement contractuel.

91      Par conséquent, il convient d’accueillir l’exception d’irrecevabilité soulevée par la Commission et de conclure que la demande en indemnité relative au projet Indect doit être rejetée comme étant irrecevable.

 Sur la recevabilité de la demande en indemnité relative aux autres projets

92      La requérante fait valoir que la suspension, par la Commission, des paiements relatifs aux projets Hearcom, GridTrust, Sudden et Workpad lui a causé un préjudice s’élevant à un montant total de 217 650,16 euros, dont 17 319,68 euros au titre du projet Hearcom, 92 423,12 euros au titre du projet GridTrust, 44 722,58 euros au titre du projet Sudden et 63 184,78 euros au titre du projet Workpad.

93      En vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, la requête doit contenir l’objet du litige et un exposé sommaire des moyens invoqués. Ces éléments doivent être suffisamment clairs et précis pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant sans autres informations. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il est nécessaire, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit, sur lesquels celui-ci se fonde, ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnances du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20 ; du 21 mai 1999, Asia Motor France e.a./Commission, T‑154/98, Rec. p. II‑1703, point 49, et arrêt du Tribunal du 15 juin 1999, Ismeri Europa/Cour des comptes, T‑277/97, Rec. p. II‑1825, points 28 et 29). En outre, les exigences de l’article 44, paragraphe 1, du règlement de procédure étant d’ordre public, il appartient au Tribunal de soulever d’office un moyen pris de leur inobservation (arrêt du Tribunal du 10 juillet 1990, Automec/Commission, T‑64/89, Rec. p. II‑367, point 74).

94      En l’espèce, la requérante n’invoque aucun moyen visant spécifiquement les projets mentionnés au point 92 ci-dessus, mais se borne à soutenir que les « paiements [relatifs auxdits projets] ont été retenus sans motivation par la Commission » et que « les mêmes concepts appliqués à BeyWatch et à Indect » s’appliquent à ces projets. De surcroît, la requérante a omis de déposer au greffe du Tribunal les documents attestant de la suspension desdits paiements de sorte que le Tribunal n’est pas en mesure d’apprécier le bien-fondé des allégations de la requérante.

95      Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’établir le fondement de la responsabilité invoquée par la requérante s’agissant de la suspension des paiements relatifs aux projets visés au point 92 ci-dessus, il y a lieu de conclure que la demande en indemnité relative auxdits projets est manifestement irrecevable au regard des exigences posées à l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour et à l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, telles que rappelées au point 93 ci-dessus.

96      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

97      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, y compris ceux relatifs à la procédure de référé, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Investigación y Desarrollo en Soluciones y Servicios IT, SA, supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne, y compris ceux relatifs à la procédure de référé.

Fait à Luxembourg, le 13 janvier 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. E. Martins Ribeiro


* Langue de procédure : l’espagnol.