Language of document : ECLI:EU:T:2021:456

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

14 juillet 2021 (*)

« Fonction publique – Agents temporaires – Congé de maladie – Résiliation du contrat sans préavis – Article 16 du RAA – Article 48, sous b), du RAA – Devoir de sollicitude – Article 34 de la charte des droits fondamentaux – Responsabilité – Préjudice matériel – Préjudice moral – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑164/19,

AQ, représentée par Mes L. Levi et N. Flandin, avocates,

partie requérante,

contre

Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), représentée par M. M. Chiodi, en qualité d’agent, assisté de Mes D. Waelbroeck et A. Duron, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. R. Meyer et M. Alver, en qualité d’agents,

partie intervenante,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 270 TFUE et tendant, d’une part, à l’annulation de la décision de l’eu-LISA du 8 mai 2018 de résilier le contrat d’agent temporaire de la requérante et, d’autre part, à la réparation du préjudice que cette dernière aurait subi du fait de cette décision,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de MM. R. da Silva Passos, président, L. Truchot (rapporteur) et M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 1er février 2021,

rend le présent

Arrêt

 Faits à l’origine du litige

1        Le 16 septembre 2013, la requérante, AQ, a été engagée par l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA), dont le siège se trouve à Tallinn (Estonie), en tant qu’agent temporaire, pour une période de cinq ans renouvelable, par la conclusion d’un contrat fondé sur l’article 2, sous a), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), annexé au statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut »). Elle occupait, à la suite de son recrutement, le poste [confidentiel] (1).

2        Le 27 juillet 2015, en vertu de la décision no 58/2015 du directeur exécutif de l’agence, agissant en qualité d’autorité habilitée à conclure les contrats d’engagement (ci-après l’« AHCC »), la requérante a été transférée vers [confidentiel]. Son contrat a été modifié en conséquence.

3        Par décision de l’AHCC no 123/2016, du 11 novembre 2016, la requérante a été transférée vers [confidentiel]. Le 11 février 2017, elle a déposé une réclamation contre cette décision, laquelle a été rejetée le 31 mai 2017.

4        Au cours de l’année 2016, la requérante s’est absentée pendant de longues périodes pour des raisons de santé. Pour ces mêmes raisons, elle a été autorisée à travailler à distance du 1er septembre au 31 octobre 2016. Le 3 novembre, puis le 1er décembre 2016, elle a informé le service des ressources humaines de l’agence qu’elle prolongeait son congé de maladie.

5        Alors qu’elle avait été déclarée apte à travailler à mi-temps par le service médical de la Commission européenne à compter du 9 janvier 2017, la requérante ne s’est pas présentée à son poste de travail à cette date. Bien qu’elle ait été soumise à ce régime de mi-temps médical pendant plusieurs mois, elle a été régulièrement absente, au cours de cette période, pendant des journées complètes. Une partie de ses jours d’absence a été déduite de son congé annuel.

6        Par lettre du 22 mars 2017, l’AHCC a fait savoir à la requérante que, à la date du 31 mars 2017, ses jours de congé annuel seraient épuisés et que, conformément à l’article 59, paragraphe 3, du statut, applicable aux agents temporaires par analogie en vertu de l’article 16, premier alinéa, du RAA, les jours d’absence non justifiée commenceraient à être déduits de sa rémunération. En outre, ladite lettre indiquait que, si la requérante n’avait pas repris le travail à la date du 10 avril 2017, une procédure de résiliation anticipée de son contrat serait engagée.

7        La requérante a repris le travail à temps partiel, selon un régime de mi-temps médical, le 10 avril 2017.

8        Le 27 juin 2017, la requérante a été convoquée à un entretien avec sa responsable de secteur. À la suite d’un incident l’ayant opposée à celle-ci lors de cet entretien, la requérante a été placée en congé de maladie. Par lettre du 10 juillet 2017, l’AHCC a informé la requérante que son attitude au cours de cet entretien constituait un manquement à ses obligations professionnelles et qu’il était envisagé de la suspendre de ses fonctions. Elle l’a invitée à présenter des observations écrites à cet égard. La requérante a transmis ses observations par lettre du 20 juillet 2017. Par décision du 21 juillet 2017, l’AHCC a suspendu la requérante de ses fonctions du 1er août au 30 septembre 2017, en vertu de l’article 23 de l’annexe IX du statut. La requérante a alors proposé de nouvelles modalités de travail et demandé l’ouverture d’une enquête interne au titre de l’annexe IX du statut, puis, le 23 octobre 2017, elle a déposé une réclamation contre la décision de suspension. La réclamation a été rejetée par décision de l’AHCC du 30 novembre 2017.

9        Le 15 décembre 2017, le directeur exécutif de l’eu-LISA a adopté une mesure de réorganisation des services ainsi que la décision no 129/2017, par laquelle il a supprimé le poste [confidentiel].

10      Par courriels des 15 février et 13 mars 2018, la requérante a été informée que le directeur exécutif de l’eu-LISA, en qualité d’AHCC, recommandait le non-renouvellement de son contrat. Par lettre du 9 avril 2018, l’AHCC a fait savoir à la requérante que son contrat ne serait pas renouvelé. Elle lui a indiqué que son dernier jour de travail était fixé au 15 septembre 2018. Le 16 avril 2018, la requérante a déposé une réclamation contestant la décision du 15 décembre 2017. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AHCC du 6 juillet 2018. Le 9 juillet 2018, la requérante a déposé une réclamation contestant la décision contenue dans la lettre du 9 avril 2018. Cette réclamation a été rejetée par décision de l’AHCC du 23 octobre 2018.

11      Par lettre du 23 avril 2018, le directeur exécutif de l’eu-LISA, en qualité d’AHCC, a informé la requérante que, au 1er février 2018, le nombre de jours de congé de maladie avec rémunération dont elle avait bénéficié depuis son recrutement était supérieur au nombre de jours travaillés et que, en conséquence, il avait l’intention « de résilier son contrat d’engagement sur le fondement des articles 16 et 91 du RAA ». La requérante a été invitée à exercer son droit d’être entendue avant le 29 avril 2018.

12      Par lettre du 25 avril 2018, la requérante a demandé que le délai pour présenter ses observations soit prorogé d’au moins deux semaines. Par lettre du même jour, elle a demandé que les éléments de preuve relatifs au calcul de ses jours d’absence ainsi que tout avis des services internes lui soient communiqués.

13      Le 27 avril 2018, le délai susvisé a été prorogé jusqu’au 2 mai 2018, date à laquelle la requérante a déposé ses observations. Par courriel du 4 mai 2018, l’AHCC a communiqué à la requérante les tableaux comptabilisant ses jours de service et ses jours de congé pendant la durée de son engagement.

14      Par décision du 8 mai 2018 (ci-après la « décision attaquée »), l’AHCC, ayant constaté que le nombre de jours de congé de maladie avec rémunération de la requérante dépassait le nombre de ses jours travaillés depuis son engagement, a résilié son contrat, sans préavis et avec effet immédiat, en se référant aux articles 16 et 91 du RAA.

15      Le 7 août 2018, la requérante a introduit une réclamation contre la décision attaquée au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut, laquelle a été rejetée par décision de l’AHCC du 4 décembre 2018 (ci-après la « décision de rejet de la réclamation »).

 Procédure et conclusions des parties

16      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 14 mars 2019, la requérante a introduit le présent recours. Le même jour, elle a présenté une demande d’anonymat et une demande d’omission de certaines données envers le public au titre de l’article 66 du règlement de procédure du Tribunal. Le 26 avril 2019, le bénéfice de l’anonymat lui a été accordé.

17      Le 27 juin 2019, le Conseil de l’Union européenne a demandé à intervenir au présent litige, au soutien des conclusions de l’eu-LISA. Le 25 juillet 2019, la requérante a déposé une demande de traitement confidentiel à l’égard du Conseil, sur le fondement de l’article 144, paragraphe 2, du règlement de procédure (ci-après la « demande de traitement confidentiel »).

18      Par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 16 septembre 2019, le Conseil a été admis à intervenir au soutien des conclusions de l’eu-LISA. Ladite ordonnance a provisoirement limité la communication des actes de procédure au Conseil à leurs versions non confidentielles, dans l’attente d’éventuelles objections de cette institution sur la demande de traitement confidentiel.

19      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 2 octobre 2019, le Conseil a contesté la demande de traitement confidentiel.

20      La composition du Tribunal ayant été modifiée, par décision du 21 octobre 2019, le président du Tribunal, en application de l’article 27, paragraphe 3, du règlement de procédure, a réattribué l’affaire à un nouveau juge rapporteur, affecté à la septième chambre.

21      Par ordonnance du président de la septième chambre du Tribunal du 27 novembre 2019, il a été fait droit à la demande de traitement confidentiel en ce qui concerne le point 43 de la requête et, partiellement, l’annexe A.11 de celle-ci, à savoir les pages 44 et 45 de la pagination continue des annexes.

22      Le 17 décembre 2019, la requérante a déposé au greffe du Tribunal la version non confidentielle de la requête et de ses annexes conforme à l’ordonnance mentionnée au point 21 ci-dessus. Cette version a été notifiée au Conseil, auquel un délai a été fixé pour présenter le mémoire en intervention.

23      Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure prévues aux articles 88 et 90 du règlement de procédure, le 19 décembre 2019, le Tribunal a invité les parties principales à se prononcer sur les conséquences à tirer, dans la présente affaire, des enseignements résultant des points 81 à 97 de l’arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE (T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397), eu égard aux arguments soulevés par la requérante dans le cadre des deuxième et troisième moyens. Le Conseil a été prié de se prononcer à ce sujet dans le mémoire en intervention.

24      Les parties principales ont déféré à cette mesure dans le délai imparti alors que le Conseil, dans le mémoire en intervention déposé au greffe du Tribunal le 31 janvier 2020, a affirmé ne pas avoir d’observation particulière à formuler sur l’arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE (T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397).

25      La phase écrite de la procédure a été close le 25 février 2020.

26      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 26 mars 2020, la requérante a demandé la tenue d’une audience de plaidoiries, sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, du règlement de procédure.

27      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties principales à répondre à certaines questions. Les réponses de ces parties ont été déposées au greffe du Tribunal le 10 août 2020.

28      Par la suite, le Tribunal a invité l’eu-LISA à se prononcer par écrit, au plus tard le 14 octobre 2020, sur la réponse de la requérante à l’une des questions susvisées. L’eu-LISA a transmis ses observations à cet égard par mémoire déposé à cette date.

29      L’audience de plaidoirie, initialement prévue le 12 novembre 2020, ayant été reportée à la demande de l’eu-LISA, les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales posées par le Tribunal lors de l’audience du 1er février 2021.

30      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ainsi que, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation ;

–        condamner l’eu-LISA à lui verser l’intégralité de sa rémunération jusqu’au 15 septembre 2018, déduction faite des allocations chômage, outre des intérêts de retard, au titre du préjudice matériel subi ;

–        condamner l’eu-LISA à lui verser une indemnisation, à titre du préjudice moral subi, évalué ex æquo et bono à la somme de 10 000 euros ;

–        ordonner l’examen de son état de santé au regard de l’article 33 du RAA ;

–        condamner l’eu-LISA aux dépens.

31      L’eu-LISA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        rejeter l’ensemble des arguments et des demandes présentés ;

–        condamner la requérante aux dépens.

32      Le Conseil conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter le recours.

 En droit

33      La requérante a présenté des conclusions en annulation et des conclusions en indemnité.

 Sur les conclusions en annulation

34      La requérante demande l’annulation de la décision attaquée ainsi que, en tant que de besoin, de la décision de rejet de la réclamation.

35      À titre liminaire, s’agissant de la demande de la requérante d’annuler, en tant que de besoin, la décision de rejet de la réclamation, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les conclusions en annulation formellement dirigées contre la décision de rejet d’une réclamation ont pour effet de saisir le Tribunal de l’acte contre lequel la réclamation a été présentée lorsqu’elles sont, en tant que telles, dépourvues de contenu autonome (arrêts du 17 janvier 1989, Vainker/Parlement, 293/87, EU:C:1989:8, point 8, et du 12 juillet 2018, PA/Parlement, T‑608/16, non publié, EU:T:2018:440, point 22).

36      En l’espèce, étant donné que la décision de rejet de la réclamation ne fait que confirmer la décision attaquée, par laquelle le contrat de la requérante a été résilié avec effet immédiat, les conclusions en annulation de la décision de rejet de la réclamation sont dépourvues de contenu autonome. Il n’y a donc pas lieu de statuer spécifiquement sur celles-ci même si, dans l’examen de la légalité de la décision attaquée, il conviendra de prendre en considération la motivation figurant dans la décision de rejet de la réclamation, cette motivation étant censée coïncider avec celle de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2018, CH/Parlement, T‑83/18, EU:T:2018:935, point 57, et du 30 avril 2019, Wattiau/Parlement, T‑737/17, EU:T:2019:273, point 43).

37      Au soutien de ses conclusions en annulation, la requérante invoque six moyens.

38      Le premier moyen est tiré de la violation des droits de la défense de la requérante et, en particulier, de son droit d’être entendue. Le deuxième moyen est tiré de la violation des articles 16 et 48 du RAA, d’une part, et d’erreurs manifestes d’appréciation des faits, d’autre part. Le troisième moyen est tiré de la violation de l’obligation de motivation. Le quatrième moyen est tiré de la violation du devoir de sollicitude. Le cinquième moyen est tiré de la violation des articles 31 et 34 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte »). Le sixième moyen est tiré d’un détournement de pouvoir.

39      Il convient de commencer par l’examen conjoint des deuxième, quatrième et cinquième moyens.

40      Par son deuxième moyen, la requérante fait valoir que l’AHCC, lorsqu’elle a adopté la décision attaquée, n’a pas fait usage de la marge d’appréciation dont elle disposait en vertu des articles 16 et 48 du RAA. Par son quatrième moyen, la requérante expose que l’eu-LISA n’a pas pris en compte son état de santé, qui aurait été fragile, dès lors qu’elle a été en congé de maladie pendant une longue période en 2016 puis, sans interruption, depuis juillet 2017. Par son cinquième moyen, la requérante avance avoir été privée de protection en matière de sécurité sociale et de protection de la santé du fait de la résiliation de son contrat sans préavis, laquelle l’aurait privée de sa rémunération et empêchée de demander à bénéficier d’une protection contre l’invalidité.

41      Il y a lieu de rappeler les principales dispositions applicables en l’espèce, à savoir l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et l’article 48, sous b), du RAA.

42      Aux termes de l’article 16, deuxième et troisième alinéas, du RAA :

« […] le congé de maladie avec rémunération prévu à l’article 59 du statut ne dépasse pas trois mois ou la durée des services accomplis par l’agent lorsque celle-ci est plus longue. Ce congé ne peut se prolonger au-delà de la durée du contrat de l’intéressé.

À l’expiration des délais ci-dessus, l’agent dont l’engagement n’est pas résilié en dépit du fait qu’il ne peut encore reprendre ses fonctions est mis en congé sans rémunération. »

43      L’article 48 du RAA énonce ce qui suit :

« L’engagement tant à durée déterminée qu’à durée indéterminée peut être résilié par l’institution sans préavis :

[…]

b)      au cas où l’agent ne pourrait pas reprendre ses fonctions à l’issue du congé de maladie rémunéré prévu à l’article 16. Dans ce cas, l’agent bénéficie d’une indemnité égale à son traitement de base et à ses allocations familiales à raison de deux jours par mois de service accompli. »

44      Il convient d’observer que si, dans la décision attaquée, l’AHCC cite l’article 16, deuxième alinéa, du RAA, elle ne se réfère pas à l’article 48, sous b), de ce dernier, mais à son article 91, en vertu duquel ledit article 16 s’applique par analogie aux agents contractuels.

45      Or, d’une part, dès lors qu’il est constant que la requérante était un agent temporaire, et non un agent contractuel, la référence à l’article 91 du RAA est dépourvue de pertinence.

46      D’autre part, ainsi qu’il résulte de la réclamation de la requérante et de la décision de rejet de la réclamation, il y a lieu de constater que, pour résilier sans préavis et avec effet immédiat l’engagement de la requérante, l’AHCC a entendu se fonder sur l’article 16, deuxième alinéa, et sur l’article 48, sous b), du RAA, et que la requérante a compris quels étaient les fondements juridiques de la résiliation de son contrat. Il y a également lieu de relever que, lors de l’audience, les parties ont confirmé ces constatations.

47      Dans sa requête, la requérante met en cause le caractère automatique de l’application à son égard, par l’AHCC, des dispositions pertinentes du RAA, alors que celles-ci conféreraient à l’administration une marge d’appréciation.

48      En effet, selon la requérante, il est erroné de considérer, à l’instar de l’AHCC dans la décision de rejet de la réclamation, que les articles 16 et 48 du RAA contiennent une règle en vertu de laquelle, lorsque le nombre de jours de service non effectués par un agent est supérieur au nombre de ses jours de service effectués, son contrat doit être résilié sans préavis. La résiliation serait envisagée comme une possibilité et la mise en congé sans rémunération ne serait pas une exception à la prétendue règle dont l’AHCC a affirmé l’existence.

49      L’eu-LISA conteste les arguments de la requérante. Elle fait valoir que l’AHCC ne dispose d’aucune marge d’appréciation lorsqu’elle vérifie si la durée du congé de maladie avec rémunération est supérieure à la période de service. Ce serait uniquement dans le cas où le contrat d’un agent n’est pas résilié que celui-ci pourrait bénéficier d’un congé sans rémunération.

50      Il y a lieu de relever que la décision attaquée est fondée sur la constatation que le seuil prévu à l’article 16, deuxième alinéa, du RAA (ci-après le « seuil en cause ») était atteint. Ainsi que les parties le reconnaissent, l’AHCC s’est fondée sur une interprétation de l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et de l’article 48, sous b), du RAA, selon laquelle, lorsque le seuil en cause est atteint, la résiliation du contrat constitue la règle et la mise en congé sans rémunération l’exception.

51      Dans la décision attaquée, l’AHCC a constaté que, à la fin du congé de maladie couvert par un certificat médical de la requérante, le seuil en cause aurait été dépassé de 86 jours, soit la différence entre 525 jours de congé de maladie avec rémunération dont la requérante avait bénéficié et ses 439 jours de service.

52      Avant de déterminer si l’AHCC pouvait résilier le contrat de la requérante en se fondant sur la seule constatation du dépassement du seuil en cause, il y a lieu d’examiner les arguments en vertu desquels celle-ci conteste les calculs par l’AHCC de ses jours de congé et de ses jours de service. La requérante reproche à l’AHCC d’avoir pris en compte la période postérieure à la décision attaquée, d’avoir appliqué une méthodologie erronée de calcul de la totalisation des différentes catégories de jours et d’avoir commis plusieurs erreurs manifestes d’appréciation.

 Sur la prise en compte de la période postérieure à la décision attaquée

53      La requérante fait valoir que, son contrat ayant été résilié avec effet au 8 mai 2018, en vertu de la décision attaquée, la période postérieure à cette date n’est pas pertinente.

54      Il convient de relever que l’AHCC a arrêté le décompte du nombre de jours de congé de maladie au 31 mai 2018, date de fin du congé de maladie de la requérante couvert par un certificat médical.

55      Toutefois, l’AHCC ne saurait tenir compte de jours de congé de maladie postérieurs à la date de cette décision, qui prévoyait la résiliation sans préavis et avec effet immédiat, soit le 8 mai 2018. Aussi le décompte ne peut-il inclure la période allant du 9 au 31 mai 2018. Dès lors, ainsi que l’eu-LISA l’a reconnu devant le Tribunal, les données dont elle disposait auraient dû la conduire à considérer que, à la date de la décision attaquée, le seuil en cause avait été dépassé non pas de 86 jours (voir point 51 ci-dessus), mais de 73 jours, soit la différence entre 512 jours de congé de maladie avec rémunération dont la requérante avait bénéficié et ses 439 jours de service.

 Sur la méthodologie de calcul appliquée par l’AHCC

56      Lors de l’audience, la requérante a fait valoir que la légalité de la décision attaquée était affectée par l’application, par l’AHCC, d’une méthodologie de calcul erronée.

57      L’eu-LISA conteste la recevabilité de ce grief.

58      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 84, paragraphe 1, du règlement de procédure, la production de moyens nouveaux en cours d’instance est interdite à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

59      Selon la jurisprudence, cette disposition est applicable également aux griefs ou aux arguments [voir, en ce sens, ordonnance du 18 décembre 2008, Thierry/Commission, T‑223/07 P, EU:T:2008:606, point 27 ; arrêts du 3 mai 2018, Gall Pharma/EUIPO – Pfizer (Styriagra), T‑662/16, non publié, EU:T:2018:242, point 40 et jurisprudence citée, et du 14 décembre 2018, TP/Commission, T‑464/17, non publié, EU:T:2018:1006, point 52]. En outre, la généralité de l’intitulé d’un moyen invoqué au stade de la requête introductive d’instance ne saurait couvrir le développement, à un stade ultérieur de la procédure, d’arguments spécifiques ne présentant pas un lien suffisamment étroit avec les arguments soulevés dans cette requête (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2014, ASPLA/Commission, C‑35/12 P, EU:C:2014:348, point 33).

60      Toutefois, un moyen, ou un grief, qui constitue l’ampliation d’un moyen ou d’un grief énoncé antérieurement, explicitement ou implicitement, dans la requête et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir arrêt du 24 septembre 2019, Yanukovych/Conseil, T‑301/18, non publié, EU:T:2019:676, point 74 et jurisprudence citée). Pour pouvoir être regardé comme une ampliation d’un moyen ou d’un grief antérieurement énoncé, un nouvel argument doit présenter, avec les moyens ou les griefs initialement exposés dans la requête, un lien suffisamment étroit pour pouvoir être considéré comme résultant de l’évolution normale du débat au sein d’une procédure contentieuse (voir arrêt du 20 novembre 2017, Petrov e.a./Parlement, T‑452/15, EU:T:2017:822, point 46 et jurisprudence citée).

61      En l’espèce, au cours de l’audience, la requérante a fait valoir que plusieurs versions linguistiques de l’article 16, deuxième alinéa, du RAA autres que la version anglaise, utilisée par l’AHCC, font référence non pas à la notion de « durée des services accomplis », comme la version anglaise, mais à celle de « time worked » (temps travaillé). Il s’ensuivrait que le seuil en cause devrait être calculé sur la base non seulement du nombre de jours pendant lesquels la requérante a travaillé, mais aussi du nombre de jours couverts par le congé annuel, par les autres jours de congé dont la requérante a bénéficié ainsi que par la période de deux mois couverte par la suspension décidée à la suite de l’incident du 27 juin 2017 (voir point 8 ci-dessus). Ce serait donc à tort que l’AHCC a inclus dans son calcul des jours de service les seuls jours travaillés.

62      Il y a lieu de constater que, lors de l’audience, la requérante a en substance fait valoir que l’eu-LISA a commis une erreur de droit dans l’interprétation de l’article 16, deuxième alinéa, du RAA. Dans la requête, la requérante avait fait valoir, dans le cadre du premier moyen, qui porte sur la violation des droits de la défense, que les tableaux qu’elle avait reçus présentaient des incohérences et qu’il était malaisé de déterminer si les jours non ouvrés, tels que les samedis, les dimanches et les jours chômés, avaient été pris en compte dans le calcul. Dans le cadre du deuxième moyen, qui porte sur la violation des articles 16 et 48 du RAA, en ce que l’AHCC n’aurait pas fait usage de la marge d’appréciation dont elle disposait, ainsi que sur l’existence d’erreurs manifestes d’appréciation commises par celle-ci, la requérante a renvoyé aux points pertinents du premier moyen lorsqu’elle a invoqué une erreur manifeste d’appréciation des faits. Or, l’argument tiré d’une erreur de droit soulevé par la requérante lors de l’audience au sujet de l’interprétation de la notion juridique de « durée des services accomplis » ne saurait, en l’espèce, être considéré comme constituant le développement plus spécifique de son argumentation tirée d’une erreur manifeste d’appréciation des faits. En effet, la présentation de cette argumentation dans la requête ne contient aucun élément susceptible d’être rattaché à une erreur dans l’interprétation de ladite notion.

63      Par ailleurs, il y a lieu de relever que la méthodologie de calcul appliquée par l’AHCC pour déterminer le seuil en cause constitue un des éléments essentiels de la décision attaquée. Or, selon la jurisprudence, toute contestation relative à un élément de la méthode de calcul retenue dans l’acte dont l’annulation est demandée doit être formulée de façon spécifique dès le stade de la requête introductive d’instance (voir, en ce sens, arrêts du 12 novembre 2009, SGL Carbon/Commission, C‑564/08 P, non publié, EU:C:2009:703, points 31 et 32, et du 22 mai 2014, ASPLA/Commission, C‑35/12 P, EU:C:2014:348, point 34). Un tel argument ne saurait, dès lors, être considéré comme le simple développement d’un moyen portant sur d’autres éléments de ladite méthode de calcul.

64      Au vu de ce qui précède, il apparaît que le grief invoqué au cours de l’audience ne constitue pas l’ampliation d’un grief énoncé dans la requête.

65      Dans ces conditions et dès lors qu’il ne repose pas sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure, le grief résumé au point 56 ci-dessus est tardif et doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les erreurs manifestes d’appréciation alléguées

66      La requérante fait valoir plusieurs erreurs manifestes d’appréciation des faits quant au décompte opéré par l’AHCC dans la décision attaquée.

67      Dans la requête, la requérante conteste, d’une part, le nombre total de jours de congé de maladie en ce qu’il comprend les demi-journées effectuées sous le régime de mi-temps médical (voir point 5 ci-dessus).

68      D’autre part, elle fait valoir qu’il existe des incohérences concernant les 34 journées d’absence injustifiée décomptées, à l’initiative de l’eu-LISA, de ses congés annuels pour 2017. Elle souligne que 34 jours d’absence injustifiée figurant dans le tableau qui affiche, pour l’année 2017, le détail des jours travaillés, des jours fériés ainsi que des jours d’absence couverts par des congés annuels ou de maladie ne figurent pas dans le tableau récapitulatif, pour les années 2013 à 2018, de l’ensemble des jours de congé de maladie dont elle a bénéficié durant son engagement.

69      En outre, dans sa réponse aux mesures d’organisation de la procédure transmises aux parties après l’ouverture de la phase orale de la procédure (voir point 27 ci-dessus), la requérante fait valoir que l’AHCC a commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que, pendant la période allant du 16 septembre 2013 au 8 mai 2018, le nombre de ses jours de congé de maladie rémunéré était supérieur au nombre de ses jours de service effectués. Elle allègue à ce titre plusieurs erreurs concernant le calcul du nombre de jours de congé de maladie rémunéré et de jours de service.

70      L’eu-LISA répond que les arguments de la requérante résumés au point 69 ci-dessus sont irrecevables. Ils auraient été invoqués pour la première fois au cours de la présente instance, alors que la requérante avait déjà connaissance de tous les éléments pertinents, de sorte qu’elle aurait pu les contester auparavant. Le droit de mettre en cause ces données serait dès lors forclos.

71      Ainsi qu’il a été rappelé aux points 58 et 59 ci-dessus, la production de moyens, de griefs ou d’arguments nouveaux en cours d’instance est interdite à moins qu’ils ne se fondent sur des éléments de droit et de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

72      Il convient de relever que les arguments résumés au point 69 ci-dessus, d’une part, ont été présentés pour la première fois dans la réponse de la requérante du 10 août 2020 à une question écrite du Tribunal (voir point 27 ci-dessus) et, d’autre part, ne portent pas sur les erreurs qu’elle avait invoquées dans la requête (voir point 68 ci-dessus), au sujet desquelles, par ladite question, le Tribunal lui avait demandé d’apporter des précisions. En outre, la requérante ne s’appuie pas sur des éléments de fait et de droit qui se seraient révélés au cours de la procédure. En effet, ainsi qu’il résulte des observations de l’eu-LISA du 14 octobre 2020 (voir point 28 ci-dessus), au début de chaque année elle a envoyé à la requérante un tableau récapitulatif dans lequel étaient répertoriés, pour l’année précédente, ses jours de présence et ses jours d’absence, avec la précision du statut de chaque journée ou demi-journée d’absence, au titre notamment du congé annuel ou du congé de maladie avec ou sans certificat. Partant, ces arguments sont tardifs et doivent de ce fait être rejetés comme irrecevables.

73      S’agissant de l’argument de la requérante tiré du décompte erroné du mi-temps médical comme relevant partiellement du congé de maladie, invoqué notamment dans la requête (voir point 67 ci-dessus), celle-ci fait valoir que le régime de mi-temps médical n’entre pas dans la définition de la notion d’ « absence pour maladie » au sens de la décision C(2004)1597 de la Commission, du 28 avril 2004, portant création des dispositions d’application en matière d’absence pour maladie ou accident. Selon elle, ce régime est un aménagement en vue d’une réintégration, ainsi que le confirmerait le fait que, selon la décision susmentionnée, une demande visant à bénéficier de ce régime doit être introduite en temps utile afin de permettre au service médical de parvenir à une décision, notamment lorsque le travail à mi-temps pour raisons médicales fait suite à une période de congé de maladie.

74      Il y a lieu de constater que la décision mentionnée au point 73 ci-dessus ne s’oppose pas à l’interprétation effectuée par l’AHCC. En effet, il est constant que, sous le régime de mi-temps médical prévu dans cette décision, la requérante était autorisée à ne pas travailler la moitié de la journée, en raison du fait que sa santé ne lui permettait pas d’être en activité à temps plein, mais conservait son droit à rémunération. Dès lors que c’est en raison de son état de santé que la requérante a été autorisée à ne pas travailler pendant des demi-journées tout en conservant sa rémunération, celles-ci ne peuvent que relever du congé de maladie. Il convient dès lors de rejeter cet argument sur le fond.

75      S’agissant de l’argument de la requérante présenté dans la requête, résumé au point 68 ci-dessus, en vertu duquel il existe des incohérences concernant 34 journées d’absence injustifiée, il y a lieu de rappeler que l’article 59, paragraphes 2 et 3, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires en vertu de l’article 16, premier alinéa, du RAA, est libellé comme suit :

« 2. Lorsque les absences pour maladie sans certificat médical non supérieures à trois jours dépassent, sur une période de douze mois, un total de douze jours, le fonctionnaire est tenu de produire un certificat médical pour toute nouvelle absence pour cause de maladie. L’absence est considérée comme injustifiée à compter du treizième jour d’absence pour maladie sans certificat médical.

3. […] toute absence considérée comme injustifiée au titre [du paragraphe 2] est imputée sur la durée du congé annuel de l’intéressé. En cas d’épuisement de ce congé, le fonctionnaire perd le bénéfice de sa rémunération pour la période correspondante. ».

76      Ainsi, c’est à bon droit que l’eu-LISA a déduit du nombre de jours de congé annuel dont la requérante restait bénéficiaire ses jours d’absence dont il n’est pas contesté qu’ils n’étaient pas couverts par un certificat médical et qui dépassaient les douze jours visés à l’article 59, paragraphe 2, du statut.

77      Ainsi qu’il résulte de l’un des tableaux invoqués par la requérante, relatif à l’année 2017, 34 journées d’absence injustifiée ont été couvertes par le congé annuel dont elle disposait. Ce tableau contient le détail, pour chaque mois de cette année, des jours travaillés, des jours chômés, des congés annuels et des absences injustifiées couvertes par les congés annuels. En revanche, l’autre tableau invoqué par la requérante récapitule, pour chaque année entre 2013 et 2018, le nombre de jours travaillés et le nombres de jours de congé de maladie, avec et sans certificat médical. Dès lors que ce dernier tableau vise à rappeler les jours de congés pour ces deux seules catégories et ne comporte donc pas de case consacrée aux absences injustifiées couvertes par le congé annuel conformément aux dispositions reprises au point 75 ci-dessus, les 34 journées susmentionnées ne pouvaient pas y figurer. Toutefois, les deux tableaux sont cohérents entre eux, en ce qu’ils indiquent que, en 2017, la requérante a travaillé pendant 13,5 jours et a été en congé de maladie rémunéré pendant 150,5 jours.

78      Dès lors, il y a lieu de rejeter l’argument de la requérante visé au point 68 ci-dessus.

79      Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de conclure que les arguments de la requérante ne remettent pas en cause la constatation, par l’AHCC dans la décision attaquée, selon laquelle, à la date de cette dernière, la requérante avait atteint le seuil en cause. Toutefois, en raison de l’erreur constatée au point 55 ci-dessus, ce seuil avait été dépassé de 73 jours, et non de 86 jours.

80      La condition tenant au fait que le seuil en cause était atteint étant satisfaite, il convient d’examiner les arguments de la requérante relatifs à la marge d’appréciation dont l’AHCC disposait.

 Sur la marge d’appréciation de l’AHCC

81      La requérante fait valoir que, en cas de dépassement du seuil en cause, l’AHCC n’est pas tenue de résilier le contrat de l’agent concerné en vertu de l’article 48, sous b), du RAA, mais dispose d’une marge d’appréciation. Selon la requérante, c’est donc à tort que, dans la décision attaquée, l’AHCC s’est fondée exclusivement sur le fait que son nombre de jours de congé de maladie était supérieur au nombre de ses jours de service.

82      En premier lieu, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’utilisation du verbe « pouvoir » à l’article 48 du RAA indique que la résiliation de l’engagement constitue une faculté dont l’usage est soumis à une certaine marge d’appréciation de l’administration, contrairement à la cessation de la rémunération qui, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du RAA, survient automatiquement à l’expiration du délai prévu par l’article 16, deuxième alinéa, du RAA (voir, en ce sens, arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 87).

83      En deuxième lieu, l’article 16, deuxième alinéa, du RAA doit être lu à la lumière de l’article 34, paragraphe 1, de la Charte, selon lequel l’Union reconnaît et respecte, en tant que droit fondamental, le droit d’accès aux prestations de sécurité sociale assurant notamment une protection en cas de maladie et tend, en cas de maladie, à protéger les agents temporaires contre les risques sociaux et économiques liés à cet état, contribuant ainsi à un objectif aussi impérieux que la protection de la santé (arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 91).

84      En troisième lieu, lorsqu’une institution est investie d’un pouvoir d’appréciation, elle doit exercer la plénitude de ce pouvoir. Ainsi, l’auteur de l’acte doit être en mesure d’établir devant les juridictions de l’Union que celui-ci a été adopté moyennant un exercice effectif de son pouvoir d’appréciation, lequel suppose la prise en considération de tous les éléments et circonstances pertinents de la situation que cet acte a entendu régir [voir arrêt du 10 octobre 2019, Société des produits Nestlé/EUIPO – European Food (FITNESS), T‑536/18, non publié, EU:T:2019:737, point 38 et jurisprudence citée].

85      En quatrième lieu, selon la jurisprudence, lorsque l’administration use de son pouvoir d’appréciation pour adopter une décision de licenciement, elle doit prendre en considération l’ensemble des éléments susceptibles de déterminer sa décision et faire toutes diligences pour s’assurer de la réunion desdits éléments avant de résilier l’engagement d’un agent. En particulier, l’autorité compétente doit tenir compte de l’intérêt du service, mais également, pour satisfaire à son devoir de sollicitude, de l’intérêt de l’agent concerné (arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 88 ; voir également, en ce sens, arrêt du 23 octobre 1986, Schwiering/Cour des comptes, 321/85, EU:C:1986:408, point 18). Par ailleurs, les obligations découlant pour l’administration du devoir de sollicitude sont substantiellement renforcées lorsqu’est en cause la situation d’un agent dont il est avéré que la santé, physique ou mentale, est affectée (voir, en ce sens, arrêt du 7 novembre 2019, WN/Parlement, T‑431/18, non publié, EU:T:2019:781, point 106).

86      En vertu de ces principes, en l’espèce, dès lors que le seuil en cause était dépassé, l’AHCC était tenue d’en prendre acte et de placer la requérante en congé sans rémunération, en vertu de l’article 16, troisième alinéa, du RAA.

87      En revanche, l’AHCC ne pouvait résilier le contrat de la requérante, en vertu de l’article 48, sous b), du RAA, que si une telle décision, qui impliquait des conséquences plus graves pour la requérante, était requise par l’intérêt du service, qui devait être évalué par l’AHCC à la lumière de tous les éléments et circonstances pertinents, dans l’exercice de la marge d’appréciation dont l’AHCC disposait à cet égard et dont devrait témoigner la décision attaquée.

88      En se contentant, dans la décision attaquée, de constater le dépassement du seuil en cause pour justifier la résiliation du contrat de la requérante, l’AHCC a omis de procéder à une appréciation d’ensemble de tous les éléments et circonstances pertinents, tels que la capacité et la volonté de la requérante de reprendre ses fonctions, l’état dans lequel son absence prolongée avait placé le service dont elle relevait et l’intérêt de ce dernier, qui devait être mis en balance avec l’intérêt de la requérante. Une telle appréciation ne figure pas non plus dans la décision de rejet de la réclamation, dans laquelle l’AHCC a considéré que, en cas de dépassement du seuil en cause, la règle était de résilier le contrat sans préavis.

89      Par ailleurs, la décision attaquée procède d’une interprétation de l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et de l’article 48, sous b), du RAA qui ne tient pas compte de l’article 34 de la Charte, alors que l’AHCC était tenue de prendre en considération cette disposition. Si l’article 34 de la Charte ne saurait conférer à l’agent une protection contre tout licenciement, la lecture des dispositions pertinentes du RAA à la lumière de cet article s’oppose à l’interprétation retenue par l’AHCC dans la décision attaquée, selon laquelle la résiliation du contrat est la règle, qui trouve automatiquement application, et la mise en congé sans rémunération l’exception.

90      Dès lors, il y a lieu de constater que l’eu-LISA n’a pas exercé sa marge d’appréciation, en violation tant de l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et de l’article 48, sous b), du RAA, lus à la lumière de l’article 34 de la Charte, que de son devoir de sollicitude.

91      Cette conclusion n’est pas remise en cause par l’argument de l’eu-LISA selon lequel la solution retenue par le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE (T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397), est dénuée de pertinence dans la mesure où, en l’espèce, l’engagement de la requérante a été résilié à un stade ultérieur, plusieurs mois après que le seuil en cause a été dépassé, alors que, dans ladite affaire, la résiliation avait eu lieu quelques jours seulement après le dépassement de ce seuil.

92      En effet, ces différences factuelles relatives à la date de résiliation du contrat litigieux sont sans incidence sur l’obligation dans laquelle l’eu-LISA se trouvait d’exercer la marge d’appréciation dont elle disposait avant de résilier le contrat de la requérante et, en conséquence, d’examiner l’ensemble des éléments à sa disposition.

93      Partant, il y a lieu de conclure que, en adoptant la décision attaquée, l’eu-LISA a violé l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et l’article 48, sous b), du RAA, lus à la lumière de l’article 34 de la Charte, ainsi que le devoir de sollicitude.

94      Il convient donc de constater que la décision attaquée doit être annulée, sans qu’il soit besoin d’examiner, à ce stade, les autres moyens avancés par la requérante.

 Sur les conclusions en indemnité

95      La requérante fait valoir que les conditions d’engagement de la responsabilité de l’Union sont réunies de sorte qu’elle a droit au paiement de l’intégralité de sa rémunération jusqu’au 15 septembre 2018, déduction faite des allocations chômage, outre les intérêts de retard sur le montant de cette rémunération. Elle demande également l’examen de son état de santé au regard de l’article 33 du RAA ainsi qu’une indemnisation au titre de son préjudice moral qu’elle évalue ex æquo et bono à la somme de 10 000 euros.

96      L’illégalité du comportement de l’eu-LISA serait matérialisée par les illégalités visées par les premier à quatrième et sixième moyens invoqués au soutien des conclusions en annulation (voir point 38 ci-dessus). Ces violations seraient suffisamment graves pour engager la responsabilité de l’Union en ce qu’elles aboutiraient à une application des articles 16 et 48 du RAA contraire, notamment, aux articles 31, 34 et 35 de la Charte. Cette gravité résulterait du fait que la requérante, malade, a perdu le bénéfice de la protection en matière de sécurité sociale et de la protection de la santé dans le cadre de son engagement et que cette relation de travail a pris fin sans préavis, la privant de sa rémunération et d’une potentielle protection contre l’invalidité.

97      Il convient de rappeler que, dans le domaine de la fonction publique, l’Union est tenue de réparer les dommages causés par ses institutions, ses organes et ses organismes ou par leurs agents dans l’exercice de leurs fonctions. Selon une jurisprudence constante, en matière de fonction publique, l’engagement de la responsabilité de l’Union est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution, à l’organe ou à l’organisme, la réalité du dommage et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué. Ces trois conditions sont cumulatives de sorte que, dès lors que l’une d’entre elles n’est pas satisfaite, la responsabilité de l’Union ne saurait être retenue (voir, en ce sens, arrêt du 17 mai 2017, PG/Frontex, T‑583/16, non publié, EU:T:2017:344, point 97 et jurisprudence citée).

98      S’agissant de la condition relative au comportement illégal reproché à l’administration, il convient de rappeler qu’il résulte de la jurisprudence que, lorsqu’elle agit en tant qu’employeur, l’Union est soumise à une responsabilité accrue se manifestant par l’obligation de réparer les dommages causés à son personnel par toute illégalité commise en sa qualité d’employeur (voir arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 100 et jurisprudence citée).

99      S’agissant de la condition relative à la réalité du dommage, la responsabilité de l’Union ne saurait être engagée que si la partie requérante a effectivement subi un préjudice réel et certain. Il incombe à la partie requérante d’apporter des éléments de preuve au juge de l’Union afin d’établir l’existence et l’ampleur d’un tel préjudice (voir arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 101 et jurisprudence citée).

100    S’agissant de la condition relative au lien de causalité exigée pour engager la responsabilité de l’Union, il est nécessaire qu’une relation directe et certaine de cause à effet soit établie entre l’illégalité commise par l’institution de l’Union et le préjudice invoqué. Le comportement reproché doit ainsi être la cause déterminante du préjudice allégué (voir arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 102 et jurisprudence citée).

101    C’est au regard de ces considérations qu’il convient d’examiner les griefs de la requérante au soutien de ses conclusions indemnitaires.

 Sur l’illégalité du comportement reproché

102    Dès lors qu’il a été conclu que les deuxième, quatrième et cinquième moyens invoqués par la requérante sont fondés dans la mesure précisée aux points 90 à 93 ci-dessus, il y a lieu de constater que la décision attaquée est illégale en raison de la violation de l’article 16, deuxième et troisième alinéas, et de l’article 48, sous b), du RAA, lus à la lumière de l’article 34 de la Charte, ainsi que du devoir de sollicitude.

103    Étant donné que la requérante, dans le cadre de ses conclusions en indemnité, demande que le Tribunal ordonne l’examen par l’eu-LISA de son état de santé, il convient de se prononcer sur ceux des arguments qu’elle invoque qui sont relatifs à la violation par l’AHCC de son devoir de sollicitude en raison du défaut d’examen de son état de santé.

104    La requérante soutient que l’administration, en application de l’article 16 du RAA, était également dans l’obligation de vérifier si elle souffrait d’une maladie professionnelle ou si elle avait subi un accident du travail. En outre, l’AHCC, avant de résilier le contrat, aurait été tenue de vérifier si elle remplissait les conditions lui ouvrant droit au bénéfice d’une pension d’invalidité. La requérante expose qu’elle aurait eu l’intention de demander le déclenchement de la procédure prévue à cette fin, mais qu’elle en aurait été empêchée par l’adoption de la décision attaquée.

105    L’eu-LISA conteste les arguments de la requérante.

106    Il convient de rappeler que, le 13 décembre 2005, les institutions de l’Union ont adopté une réglementation commune relative à la couverture des risques d’accident et de maladie professionnelle des fonctionnaires de l’Union, laquelle est entrée en vigueur le 1er janvier 2006 (ci-après la « réglementation commune »).

107    Il ressort de l’article 1er de la réglementation commune que celle-ci est applicable aux agents temporaires et contractuels.

108    Les articles 15 et 16 de la réglementation commune prévoient que, pour obtenir la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou d’une maladie, l’agent concerné doit introduire une déclaration qui déclenche une procédure au terme de laquelle l’autorité compétente statue sur cette reconnaissance.

109    Tout d’abord, il est constant que la requérante n’a pas présenté de demande de reconnaissance d’accident dans les dix jours ouvrables suivant l’incident qui s’est produit le 27 juin 2017 (voir point 8 ci-dessus), ainsi que l’exige l’article 15 de la réglementation commune. Par ailleurs, aucun autre incident de nature à justifier une telle demande n’a été invoqué par la requérante.

110    Ensuite, il résulte du dossier que la requérante n’a introduit aucune déclaration en vue de la reconnaissance de l’origine professionnelle de sa maladie auprès de l’administration de l’eu-LISA.

111    Dès lors, il doit être constaté que la requérante, alors qu’elle en avait le droit, n’a pas effectué les démarches nécessaires permettant d’obtenir la reconnaissance du caractère professionnel d’un accident ou de sa maladie. Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’AHCC de ne pas être à l’initiative d’une procédure de reconnaissance qu’il appartenait à la seule requérante d’engager.

112    Enfin, il convient de rappeler que la procédure de reconnaissance de l’état d’invalidité d’un agent implique, en vertu de l’article 33, paragraphe 2, du RAA, la saisine de la commission d’invalidité prévue à l’article 9, paragraphe 1, du statut.

113    En vertu de l’article 59, paragraphe 4, du statut, applicable par analogie aux agents temporaires, en vertu de l’article 16, premier alinéa, du RAA, l’AHCC peut saisir ladite commission de sa propre initiative du cas de l’agent dont les congés cumulés de maladie excèdent douze mois pendant une période de trois ans. Toutefois, il convient de rappeler que, indépendamment de la question de savoir si la durée du congé de maladie est suffisante pour permettre l’application de cette disposition, celle-ci confère à l’AHCC une faculté et non l’obligation de saisir ladite commission (voir, en ce sens, arrêt du 16 juin 2000, C/Conseil, T‑84/98, EU:T:2000:156, point 68).

114    Il est constant, par ailleurs, que la requérante n’a pas formulé de demande d’ouverture d’une telle procédure ni exprimé, avant l’adoption de la décision attaquée, cette intention. Le congé de maladie de la requérante ayant débuté en 2016, soit à une date notablement antérieure à la résiliation de son contrat, il ne saurait être considéré que cette dernière l’ait empêchée de prendre une telle initiative.

115    Il est vrai que le devoir de sollicitude impose à l’administration les obligations rappelées au point 85 ci-dessus. Toutefois, il n’en découle pas qu’elle soit tenue d’exercer par elle-même une vérification que l’agent pouvait lui-même solliciter en vertu des procédures prévues par le RAA. Si le devoir de sollicitude devait avoir pour effet de transformer une faculté en une obligation pour l’administration, il modifierait l’équilibre des droits et des obligations créé par le statut dans les relations entre l’autorité publique et les agents du service public, alors qu’il a pour objet de refléter ledit équilibre (arrêts du 16 avril 2008, Doktor/Conseil, F‑73/07, EU:F:2008:42, point 42, et du 6 novembre 2014, DH/Parlement, F‑4/14, EU:F:2014:241, point 76).

116    Dès lors, il doit être conclu que le fait que l’AHCC, avant de résilier l’engagement de la requérante, n’a pas vérifié si celle-ci avait subi un accident, souffrait d’une maladie professionnelle ou remplissait les conditions lui ouvrant droit au bénéfice d’une pension d’invalidité ne constitue pas une illégalité susceptible d’engager la responsabilité de l’Union.

117    Le chef de conclusions de la requérante visant à ce qu’il soit ordonné à l’eu-LISA d’examiner son état de santé doit dès lors, en tout état de cause, être rejeté, sans qu’il soit nécessaire d’en examiner la recevabilité, contestée par l’eu-LISA, au motif qu’il n’incomberait pas au Tribunal, dans le cadre d’un recours introduit au titre de l’article 91 du statut, d’adresser des injonctions aux institutions de l’Union.

 Sur le préjudice matériel

118    La requérante soutient avoir subi un préjudice matériel caractérisé par la perte de sa rémunération.

119    La décision attaquée étant illégale en ce qu’elle a entraîné la résiliation du contrat de la requérante sans préavis et avec effet immédiat au 8 mai 2018, il convient d’évaluer quelle aurait été la situation de la requérante en l’absence de cette illégalité.

120    Ainsi qu’il résulte du point 10 ci-dessus, le contrat de la requérante faisait l’objet d’un non-renouvellement et son engagement ne se serait donc pas poursuivi au-delà du 15 septembre 2018, date à laquelle ce contrat expirait.

121    Dès lors, le préjudice matériel invoqué par la requérante consiste dans la différence entre, d’une part, le montant correspondant à la rémunération qu’elle aurait pu recevoir pour la période comprise entre le 8 mai 2018 et le 15 septembre 2018 et, d’autre part, l’indemnité dont elle a bénéficié en vertu de l’article 48, sous b), dernière phrase, du RAA tel que cité au point 43 ci-dessus.

122    En premier lieu, ainsi qu’il résulte du point 86 ci-dessus, la requérante aurait dû, eu égard à l’article 16, troisième alinéa, du RAA, être mise en congé sans rémunération, automatiquement, à compter de la date à laquelle le nombre de jours de congé de maladie avec rémunération dont elle a bénéficié a dépassé le nombre de ses jours de service.

123    Il ressort du point 79 ci-dessus que l’AHCC a établi l’existence d’un dépassement du solde du nombre de jours de service de la requérante par le nombre de ses jours de congé de maladie, condition d’application de l’article 16, troisième alinéa, du RAA. Par ailleurs, le seuil en cause avait été dépassé avant la date de l’adoption de la décision attaquée de sorte que, en vertu de cette disposition, qui ne confère pas à l’AHCC l’exercice d’une marge d’appréciation, la requérante aurait dû être placée en congé sans rémunération déjà avant cette date.

124    En second lieu, il n’est pas établi, au regard des pièces du dossier, que la requérante était en mesure de reprendre ses fonctions à la date de la décision attaquée. En effet, elle avait présenté un certificat médical la plaçant en congé de maladie jusqu’au 31 mai 2018 et n’a pas produit d’éléments qui remettraient en cause le fait qu’elle n’était pas à même de reprendre le travail avant cette échéance. Elle n’a pas non plus manifesté l’intention de reprendre ses fonctions à l’issue de cette période. En outre, il convient de relever que l’argumentation de la requérante est contradictoire en ce qu’elle affirme, d’un côté, que, à la date de résiliation de son engagement, elle était disposée et capable d’exercer une activité professionnelle et, de l’autre, qu’elle avait l’intention de demander l’engagement d’une procédure d’invalidité.

125    En outre, elle indique qu’elle n’aurait pu reprendre une telle activité que dans des conditions aménagées, telles que le télétravail ou son transfert vers un autre site de l’agence. Or, selon une jurisprudence constante relative à l’article 7 du statut, les institutions disposent d’un large pouvoir d’appréciation dans l’organisation de leurs services en fonction des missions qui leur sont conférées et, en vue de celle-ci, dans l’affectation du personnel qui se trouve à leur disposition, à la condition cependant que cette affectation se fasse dans l’intérêt du service et dans le respect de l’équivalence des emplois (arrêts du 7 mars 1990, Hecq/Commission, C‑116/88 et C‑149/88, EU:C:1990:98, point 11, et du 16 décembre 2004, De Nicola/BEI, T‑120/01 et T‑300/01, EU:T:2004:367, point 84).

126    Il ressort d’une lettre du 23 janvier 2018 que l’eu-LISA a considéré que la possibilité de travailler sous le régime du télétravail ne pouvait pas être accordée à la requérante, étant donné que les tâches requises pour le poste vers lequel elle avait entre-temps été transférée (voir point 3 ci-dessus), [confidentiel], ne pouvaient être effectuées à distance, ce que la requérante n’a pas contesté.

127    Il n’est donc pas établi que la requérante aurait pu reprendre ses fonctions à une date proche de celle de la décision attaquée et qu’elle aurait donc pu bénéficier à nouveau de sa rémunération. Ainsi, la requérante n’a pas démontré que, si l’AHCC n’avait pas résilié son contrat par l’adoption de la décision attaquée, elle aurait continué à percevoir sa rémunération au-delà du 8 mai 2018.

128    Dès lors que la requérante aurait, en tout état de cause, été placée en congé sans solde en l’absence de résiliation de son contrat d’engagement et que cette situation lui aurait été moins favorable, d’un point de vue financier, que celle résultant de l’octroi des indemnités prévues à l’article 48, sous b), dont elle a bénéficié, il y a lieu de constater que la requérante n’a démontré ni la réalité du préjudice matériel invoqué ni l’existence d’un lien de causalité entre l’illégalité de la décision attaquée et ce préjudice.

 Sur le préjudice moral

129    La requérante sollicite l’indemnisation du préjudice moral qu’elle aurait subi en raison de l’illégalité commise par l’AHCC lors de l’adoption de la décision attaquée.

130    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte entaché d’illégalité peut constituer en elle-même la réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral que cet acte peut avoir causé, à moins que la partie requérante ne démontre avoir subi un préjudice moral détachable de l’illégalité fondant l’annulation et insusceptible d’être intégralement réparé par cette annulation (voir arrêt du 11 juin 2019, TO/AEE, T‑462/17, non publié, EU:T:2019:397, point 130 et jurisprudence citée).

131    En l’espèce, la requérante ne démontre pas que le préjudice moral allégué serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision attaquée dans laquelle il trouverait son origine. Dès lors, il convient de considérer que le préjudice moral que la décision attaquée pourrait avoir causé à la requérante est réparé de manière adéquate par l’annulation de celle-ci.

132    Il convient donc de rejeter les conclusions indemnitaires relatives au préjudice moral invoqué sans qu’il soit besoin d’examiner le lien de causalité entre l’illégalité et ledit préjudice.

133    Dès lors, les conclusions en indemnité doivent être rejetées dans leur ensemble.

134    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu d’annuler la décision attaquée et de rejeter le recours pour le surplus.

 Sur les dépens

135    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure, si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs, chaque partie supporte ses propres dépens. Dès lors que les conclusions en annulation de la requérante sont fondées, tandis que ses conclusions en indemnité doivent être rejetées, il y a lieu de décider que la requérante et l’eu-LISA supporteront chacune leurs propres dépens.

136    Par ailleurs, selon l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les institutions qui sont intervenues au litige supportent leurs propres dépens. Il convient donc de décider que le Conseil supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 8 mai 2018, par laquelle le directeur exécutif de l’Agence de l’Union européenne pour la gestion opérationnelle des systèmes d’information à grande échelle au sein de l’espace de liberté, de sécurité et de justice (eu-LISA) a résilié l’engagement d’AQ en tant qu’agent temporaire, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      AQ et l’eu-LISA supporteront chacune leurs propres dépens.

4)      Le Conseil de l’Union européenne supportera ses propres dépens.

da Silva Passos

Truchot

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 juillet 2021.

Signatures

Table des matières


Faits à l’origine du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur les conclusions en annulation

Sur la prise en compte de la période postérieure à la décision attaquée

Sur la méthodologie de calcul appliquée par l’AHCC

Sur les erreurs manifestes d’appréciation alléguées

Sur la marge d’appréciation de l’AHCC

Sur les conclusions en indemnité

Sur l’illégalité du comportement reproché

Sur le préjudice matériel

Sur le préjudice moral

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1 Données confidentielles occultées.