Language of document : ECLI:EU:T:2020:290

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

25 juin 2020 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition –Enregistrement international désignant l’Union européenne – Marque verbale NOSTER – Marque de l’Union européenne verbale antérieure FOSTER – Motif relatif de refus – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 »

Dans l’affaire T‑550/19,

Nitto Pharmaceutical Industries Ltd, établie à Kyoto (Japon), représentée par Me P. Voutilainen, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. L. Rampini, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Chiesi Farmaceutici SpA, établie à Parme (Italie), représentée par Mes C. de Callataÿ et T. de Haan, avocats,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la cinquième chambre de recours de l’EUIPO du 13 mai 2019 (affaire R 2279/2018‑5), relative à une procédure d’opposition entre Chiesi Farmaceutici et Nitto Pharmaceutical Industries,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de Mme A. Marcoulli, présidente, MM. S. Frimodt Nielsen et R. Norkus (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 1er août 2019,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 7 novembre 2019,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2019,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 7 juin 2016, la requérante, Nitto Pharmaceutical Industries Ltd, a présenté à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) une demande de protection dans l’Union européenne de l’enregistrement international n° 1332950, du 7 juin 2016, de la marque verbale NOSTER, en vertu du règlement (CE) no 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p 1)].

2        Les produits pour lesquels la protection de cette marque a été demandée relèvent de la classe 5 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Préparations pharmaceutiques ; papier réactif à usage médical ; papier huilé à usage médical ; cachets pour le conditionnement de doses de médicaments ; gaze pour pansements ; gélules vides pour produits pharmaceutiques ; caches oculaires à usage médical ; bandages pour les oreilles ; bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques ; coton hydrophile ; pansements adhésifs ; bandages pour pansements ; pansements liquides ; coussinets d’allaitement ; écouvillons de coton à usage médical ; matériaux dentaires ; compléments d’apport alimentaire pour êtres humains ; produits à boire diététiques à usage médical ; aliments diététiques à usage médical ; produits à boire pour bébés ; aliments pour bébés ; compléments d’apport alimentaire pour animaux ».

3        Les indications de l’enregistrement international prévues à l’article 152, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009 (devenu article 190, paragraphe 1, du règlement 2017/1001) ont été publiées au Bulletin des marques de l’Union européenne no 43/2017, du 3 mars 2017.

4        Le 28 juin 2017, l’intervenante, Chiesi Farmaceutici SpA, a formé opposition, au titre de l’article 41 du règlement no 207/2009 (devenu article 46 du règlement 2017/1001), à la demande de protection de l’enregistrement international pour les produits visés au point 2 ci‑dessus.

5        L’opposition était fondée sur la marque de l’Union européenne verbale antérieure FOSTER, désignant les « [p]réparations et substances pharmaceutiques ; produits pharmaceutiques pour le traitement de maladies respiratoires » relevant de la classe 5, et était dirigée contre tous les produits visés par la demande de protection. Les motifs étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement no 207/2009 (devenu article 8, paragraphe 1, sous b, du règlement n° 2017/1001).

6        Le 26 septembre 2018, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif qu’il n’existait pas de risque de confusion.

7        Le 21 novembre 2018, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 66 à 71 du règlement 2017/1001, contre la décision de la division d’opposition.

8        Par décision du 13 mai 2019 (ci‑après la « décision attaquée »), la cinquième chambre de recours de l’EUIPO a accueilli le recours en ce qui concerne les « [p]réparations pharmaceutiques ; papier réactif à usage médical ; papier huilé à usage médical ; gaze pour pansements ; caches oculaires à usage médical ; bandages pour les oreilles ; bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques ; coton hydrophile ; pansements adhésifs ; bandages pour pansements ; pansements liquides ; écouvillons de coton à usage médical ; matériaux dentaires ; compléments d’apport alimentaire pour êtres humains ; produits à boire diététiques à usage médical ; aliments diététiques à usage médical ; produits à boire pour bébés ; aliments pour bébés ; compléments d’apport alimentaire pour animaux », au motif qu’il ne pouvait être exclu que, pour ces produits, identiques ou similaires à des degrés divers à ceux couverts par la marque antérieure, le public pertinent ne confondrait pas les marques, y compris en pensant que les produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement (points 50 et 52 de ladite décision).

 Conclusions des parties

9        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens.

10      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

11      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés devant la chambre de recours et devant le Tribunal.

 En droit

12      Au soutien du recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001.

13      La requérante soutient que la chambre de recours a apprécié erronément la similitude d’une partie des produits concernés, à savoir, d’une part, les « bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques » et, d’autre part, les « produits et substances pharmaceutiques ». Les produits ne seraient pas similaires et il n’existerait aucun risque de confusion.

14      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 32 et jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, EU:T:2009:14, point 42 et jurisprudence citée].

18      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le présent recours.

 Sur le public pertinent

19      Selon la jurisprudence, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, point 42 et jurisprudence citée].

20      En l’espèce, la chambre de recours a indiqué, au point 17 de la décision attaquée, prendre en compte, à l’instar de la division d’opposition, la perception des signes dans l’esprit du public polonophone ou germanophone qui ne parlait ni l’anglais, ni le danois ni le suédois comme langue étrangère, sans que ce choix n’ait été contesté par les parties.

21      La chambre de recours a en outre considéré, au point 20 de la décision attaquée, que la division d’opposition avait à juste titre constaté que les produits en cause s’adressaient à la fois au grand public et à des consommateurs professionnels. Au même point, elle a relevé qu’il ressortait de la jurisprudence que le degré d’attention du public pertinent serait au moins supérieur à la moyenne pour les produits relevant de la classe 5, lesquels étaient susceptibles d’avoir un effet sur l’état de santé du consommateur final ou étaient nécessaires à son bien-être. Pour la partie restante des produits, « tels que » les « serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques ; coton hydrophile ; pansements adhésifs », le public pertinent manifesterait un degré d’attention moyen.

22      La requérante conteste cette conclusion de la chambre de recours et renvoie à la jurisprudence selon laquelle en matière de produits pharmaceutiques, le niveau d’attention du public pertinent est relativement élevé [arrêt du 15 mars 2012, Cadila Healthcare/OHMI – Novartis (ZYDUS), T‑288/08, non publié, EU:T:2012:124, point 36].

23      En l’espèce, force est de constater que l’arrêt auquel renvoie la requérante, selon lequel, en matière de produits pharmaceutiques, le niveau d’attention du public pertinent est relativement élevé, ne contredit pas la conclusion à laquelle est parvenue la chambre de recours.

24      En effet, ainsi qu’il vient d’être relevé, la chambre de recours a clairement indiqué, au point 20 de la décision attaquée, que le degré d’attention du public pertinent sera au moins supérieur à la moyenne pour les produits relevant de la classe 5, qui sont susceptibles d’avoir un effet sur l’état de santé du consommateur final ou sont nécessaires à son bien-être.

25      En tout état de cause, il convient de constater que la requérante fonde le présent recours sur une prétendue erreur d’appréciation de la chambre de recours uniquement en ce qui concerne le risque de confusion s’agissant des « bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques ».

26      Or, les produits en cause, ainsi que la requérante le relève elle-même dans le cadre de la comparaison des produits en cause, ne sont pas des produits pharmaceutiques (voir point 30 ci‑dessous). La référence faite par la requérante à la jurisprudence relative aux produits pharmaceutiques n’est donc pas pertinente.

27      En outre, la chambre de recours a conclu que, en ce qui concerne les produits « tels » que les « serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques ; coton hydrophile ; pansements adhésifs », le public pertinent manifestera un degré d’attention moyen. Or, la requérante ne contredit pas cette appréciation et ne soutient pas non plus que cette liste, dont la locution « tels que » indique que la liste n’est pas exclusive, n’inclut pas également les autres produits sur lesquels elle fonde le présent recours, à savoir les « bandes à usage hygiénique » et les « tampons périodiques ». En effet, il n’y a aucune raison de penser que ces deux derniers produits entraîneraient un niveau d’attention différent.

28      Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante tiré d’une erreur dans l’appréciation du niveau d’attention du public pertinent.

 Sur la comparaison des produits

29      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il y a lieu de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêt du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, EU:T:2007:219, point 37 et jurisprudence citée].

30      La requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation relative à la similitude de certains produits en cause. Les « bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques » seraient utilisés par les femmes pendant leurs menstruations, lesquelles, ne constituant pas un problème de santé humaine, ne seraient pas traitées au moyen de produits et substances pharmaceutiques, alors que les « préparations et substances pharmaceutiques » seraient principalement des composés chimiques ou autres destinés à traiter des problèmes de santé. En outre, les premiers seraient des biens de consommation quotidiens, proposés à la vente principalement dans des magasins de détail et des épiceries, au contraire des seconds, qui seraient principalement vendus en pharmacie.

31      À cet égard, il y a lieu de relever que, au point 31 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu qu’il existait un très faible degré de similitude entre les produits en cause.

32      Ensuite, il convient également de relever que les produits couverts par la marque demandée auxquels se réfère la requérante sont tous des produits hygiéniques.

33      Or, il y a lieu de rappeler que les produits hygiéniques sont commercialisés tant dans les supermarchés que les pharmacies [voir, en ce sens, arrêt du 7 septembre 2006, Meric/OHMI – Arbora & Ausonia (PAM-PIM’S BABY-PROP), T‑133/05, EU:T:2006:247, point 37]. En outre, il est notoire qu’une grande partie des pharmacies vend des produits hygiéniques tels que des solutions dentaires, des dentifrices, des brosses à dents, des couches pour enfants, des lotions pour le corps, etc., et également des serviettes hygiéniques. La grande majorité des consommateurs se les procure dans une pharmacie, quand les drogueries ou les supermarchés sont fermés ou non accessibles. La chambre de recours pouvait, par conséquent, considérer à bon droit que les pharmacies ne vendaient pas seulement des médicaments, mais également des serviettes hygiéniques [voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, Novartis/OHMI – Tenimenti Angelini (LINEX), T‑444/12, non publié, EU:T:2014:886, point 34]. Dans cette dernière affaire, il a ainsi été conclu qu’il existait un degré de similitude, quoique très faible, entre les serviettes hygiéniques et les produits pharmaceutiques (arrêt du 16 octobre 2014, LINEX, T‑444/12, non publié, EU:T:2014:886, point 58).

34      C’est donc à bon droit que la chambre de recours a conclu, après avoir d’ailleurs fait référence à l’arrêt du 16 octobre 2014, LINEX (T‑444/12, non publié, EU:T:2014:886), qu’il existait un très faible degré de similitude entre les « bandes à usage hygiénique ; tampons périodiques ; serviettes hygiéniques ; slips hygiéniques » et les « préparations et substances pharmaceutiques ».

35      Il convient donc de rejeter l’argument de la requérante tiré d’une erreur dans la comparaison des produits.

 Sur la comparaison des signes

36      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

37      À titre liminaire, il convient de relever que la requérante avance que la chambre de recours n’aurait pas dû retrancher l’élément « oster » de l’impression d’ensemble produite par les signes, mais effectuer une comparaison adéquate et véritable entre la marque verbale antérieure FOSTER et le signe verbal NOSTER, dont la demande de protection dans l’Union a été demandée.

38      À cet égard, il y a lieu de constater, quant à la comparaison visuelle des signes en cause, que la chambre de recours n’a pas retranché l’élément « oster », mais a constaté que ces signes étaient composés du même nombre de lettres, dans le même ordre, à l’exception de la première lettre de chaque signe. De même, quant à la comparaison phonétique, ladite chambre n’a pas retranché cet élément de l’impression d’ensemble produite par lesdits signes, mais a relevé que, sur le plan phonétique, le groupe de lettres « oster » sera prononcé de manière identique, indépendamment des différentes règles de prononciation qui peuvent s’appliquer dans différentes parties du territoire pertinent.

 Sur la similitude visuelle

39      La chambre de recours a relevé, au point 36 de la décision attaquée, que les signes en cause étaient composés de six lettres, dont cinq sont identiques et placées dans le même ordre sauf, respectivement, les initiales « f » et « n ». Elle a, dès lors, constaté que lesdits signes avaient un caractère et une longueur identiques, ainsi qu’une composition similaire. Elle a conclu que, la partie initiale de ces signes pouvant être susceptible selon la jurisprudence de retenir davantage l’attention du consommateur que les parties suivantes, les mêmes signes présentaient un degré moyen de similitude.

40      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours. Elle soutient que les signes en cause ne présentent aucune similitude, même faible, sur le plan visuel, car ils doivent être comparés dans leur ensemble, et non en les fractionnant et en ne comparant que les éléments qui ont été séparés. Lesdits signes ne seraient pas similaires, car les lettres initiales seraient des consonnes d’une différence remarquable et le public pertinent, dont le niveau d’attention est très élevé, remarquerait cette différence et serait capable de distinguer ces signes.

41      À cet égard, il convient de rappeler que ce qui importe plutôt dans l’appréciation de la similitude visuelle de deux marques verbales, c’est la présence, dans chacune d’elles, de plusieurs lettres dans le même ordre [voir arrêt du 27 février 2020, Knaus Tabbert/EUIPO – Carado (CaraTwo), T‑203/19, non publié, EU:T:2020:76, point 54 et jurisprudence citée].

42      Il est vrai que, selon la jurisprudence, le consommateur prête, en général, plus d’attention à la partie initiale d’une marque qu’à sa fin (voir arrêt du 27 février 2020, CaraTwo, T‑203/19, non publié, EU:T:2020:76, point 55 et jurisprudence citée).

43      Cependant, en l’espèce, il y a lieu de constater que les signes en cause sont composés de six lettres, dont les cinq dernières sont identiques et dans le même ordre.

44      À cet égard, il convient de relever qu’il a été jugé, à propos des marques figuratives KITANA et GITANA, que, lorsque les cinq dernières des six lettres composant un des signes étaient identiques, la différence au niveau de la première lettre de chaque signe ne suffisait pas pour atténuer la similitude existant entre les mêmes signes au niveau de toutes les autres lettres constituant la plus grande partie desdits signes. Dans une telle circonstance, il y a lieu de conclure à la similitude de ces signes sur le plan visuel [arrêt du 16 septembre 2013, Gitana/OHMI – Teddy (GITANA), T‑569/11, non publié, EU:T:2013:462, point 58].

45      De même, selon le Tribunal, l’existence d’une certaine similitude ne saurait être niée entre les marques verbales NORVIR et SORVIR, compte tenu, d’une part, de l’impression visuelle produite par l’élément « orvir », qui, étant composé de cinq lettres communes auxdites marques, en constitue la plus grande partie et, d’autre part, de la prononciation, identique dans lesdites marques, de cet élément [arrêt du 13 septembre 2010, Abbott Laboratories/OHMI – aRigen (Sorvir), T‑149/08, non publié, EU:T:2010:398, point 33]. En l’espèce, force est de constater qu’une même impression visuelle de similitude des signes en cause est produite par le groupe de lettres « oster ».

46      Enfin, le Tribunal a indiqué, à propos de la comparaison entre les marques verbales XENTEO et PENTEO, que la différence au niveau de la première lettre de chaque signe ne suffisait pas pour atténuer la similitude existant entre lesdites marques au niveau de toutes les autres lettres constituant la plus grande partie de ces marques, et qu’il y avait dès lors lieu de conclure à la similitude des mêmes marques sur le plan visuel [arrêt du 22 mai 2012, Aitic Penteo/OHMI – Atos Worldline (PENTEO), T‑585/10, non publié, EU:T:2012:251, point 67]. De même, en l’espèce, la différence au niveau de la première lettre entre les signes en cause ne saurait suffire à atténuer la similitude existant au niveau de toutes les autres lettres les composant.

47      En outre, il convient d’observer qu’aucun des signes en cause ne contient d’élément verbal additionnel ou figuratif susceptible de constituer un élément de différenciation suffisant pour écarter toute similitude visuelle. D’ailleurs, il y a lieu de relever que, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 16 septembre 2013 (GITANA, T‑569/11, non publié, EU:T:2013:462), même la présence d’un élément figuratif dans chacune des marques en conflit ainsi que le fait que lesdites marques divergeaient par leurs premières lettres écrites avec des caractères plus grands (arrêt du 16 septembre 2013, GITANA, T‑569/11, non publié, EU:T:2013:462, point 58) avaient été considérés comme insuffisants pour atténuer la similitude visuelle résultant de l’identité des cinq dernières des six lettres composant les marques en cause.

48      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude visuelle.

 Sur la similitude phonétique

49      La chambre de recours a considéré, au point 38 de la décision attaquée, que les considérations développées au point 37 de ladite décision concernant la similitude visuelle s’appliquaient, mutatis mutandis, à la comparaison phonétique. Selon elle, indépendamment des différentes règles de prononciation prévalant dans différentes parties du territoire pertinent, les signes en cause avaient la même longueur et seront prononcés en deux syllabes. Leur prononciation coïnciderait par le son du groupe de lettres « oster », la seule différence étant leur consonne initiale. Dès lors, lesdits signes seraient similaires à un degré moyen sur le plan phonétique.

50      La requérante conteste cette appréciation de la chambre de recours pour les mêmes raisons que celles développées quant à la question de la similitude visuelle. Par ailleurs, elle souligne que toute similitude n’emporte pas automatiquement un risque de confusion et renvoie, à cet égard, à l’arrêt du 5 décembre 2013, Grebenshikova/OHMI – Volvo Trademark (SOLVO) (T‑394/10, non publié, EU:T:2013:627, point 24).

51      À cet égard, il y a lieu de relever que la jurisprudence mentionnée aux points 41 et suivants ci‑dessus, relative à la comparaison des signes sur le plan visuel, s’applique également à la comparaison des signes sur le plan phonétique (voir, en ce sens, arrêt 22 mai 2012, PENTEO, T‑585/10, non publié, EU:T:2012:251, point 68).

52      En particulier, la prononciation, identique dans les signes en cause, du groupe de lettres « oster » (voir, en ce sens, arrêt du 13 septembre 2010, Sorvir, T‑149/08, non publié, EU:T:2010:398, point 33) ne saurait être atténuée par la différence de prononciation au niveau de la première lettre (voir, en ce sens, arrêt 22 mai 2012, PENTEO, T‑585/10, non publié, EU:T:2012:251, point 69).

53      Dès lors, il convient d’approuver la constatation de la chambre de recours faite au point 38 de la décision attaquée (voir point 49 ci-dessus).

54      La jurisprudence à laquelle renvoie la requérante, à savoir l’arrêt du 5 décembre 2013, SOLVO (T‑394/10, non publié, EU:T:2013:627), ne saurait remettre en cause cette conclusion. En effet, dans l’affaire ayant donné lieu à cet arrêt, alors même qu’il s’agissait d’une comparaison entre une marque verbale et une marque figurative, dont les signes comptaient quatre lettres identiques sur cinq, dans le même ordre, le Tribunal a constaté qu’il existait un certain degré de similitude entre lesdits signes, compte tenu de la prononciation identique à laquelle donnait lieu la très grande partie de chacun de ces signes, à savoir quatre de leurs cinq lettres (arrêt du 5 décembre 2013, SOLVO, T‑394/10, non publié, EU:T:2013:627, point 24).

55      C’est donc à juste titre que la chambre de recours a conclu à un degré moyen de similitude phonétique.

 Sur la similitude conceptuelle

56      La chambre de recours a considéré, au point 39 de la décision attaquée, qu’aucun des signes en cause n’avait de signification du point de vue du public polonophone et germanophone qui ne parle pas l’anglais, ni le danois ni le suédois comme langue étrangère. Lesdits signes n’auraient aucun concept en commun et la comparaison conceptuelle resterait neutre.

57      Selon la requérante, une comparaison conceptuelle n’étant pas possible, l’aspect conceptuel n’intervient pas dans l’appréciation de la similitude des signes en cause.

58      À cet égard, il y a lieu de relever que, quoiqu’exprimée en des termes différents, la chambre de recours comme la requérante arrivent à la même conclusion selon laquelle la comparaison conceptuelle n’est pas possible. Au demeurant, aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause une telle appréciation.

59      Au vu de l’ensemble de ce qui précède, il convient de conclure que les signes en cause présentent un degré de similitude, sur les plans visuel et phonétique, qui doit être qualifié de moyen et que la comparaison conceptuelle n’est pas possible.

 Sur l’appréciation globale du risque de confusion

60      Il convient de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

61      La chambre de recours a considéré, en ce qui concerne les produits tels que ceux sur lesquels la requérante fonde le présent recours (voir point 27 ci‑dessus), que, compte tenu de leur très faible degré de similitude avec les « préparations et substances pharmaceutiques » et du degré moyen de similitude constaté entre les signes en cause, et compte tenu des principes d’interdépendance et de souvenir imparfait, il ne pouvait être exclu que le public pertinent ne confondrait pas les marques, y compris en pensant que les produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement (point 50 de la décision attaquée).

62      La requérante conteste cette conclusion de la chambre de recours. D’une part, elle soutient que l’aspect phonétique est moins important dans le cas de produits commercialisés d’une telle manière que, lors de l’achat, le public pertinent perçoit habituellement la marque les désignant de façon visuelle. Dans ces conditions, ce public tiendrait légitimement compte de la différence au niveau de leurs lettres initiales, en particulier dans la mesure où les lettres « n » et « f » seraient très différentes. D’autre part, la requérante considère que ladite chambre aurait dû procéder à un examen complet et concret des faits, plutôt qu’à des appréciations abstraites et indéfinies. Cette chambre n’aurait pas dû se satisfaire d’expressions telles « qu’il ne peut être exclu » pour conclure à l’existence d’un risque de confusion.

63      En ce qui concerne le premier argument de la requérante, pour autant qu’elle soutient que l’aspect phonétique est moins important dans le cas de marques essentiellement perçues, lors de l’achat, de manière visuelle, en tout état de cause, il y a lieu de souligner qu’il ne saurait être exclu que la seule similitude visuelle entre deux marques puisse créer un risque de confusion [voir, en ce sens, arrêt du 12 décembre 2014, Ludwig Schokolade/OHMI – Immergut (TrinkFix), T‑105/13, non publié, EU:T:2014:1070, point 141 et jurisprudence citée]. Or, il a été relevé au point 48 ci‑dessus que les signes en cause sont moyennement similaires au plan visuel, ce qui suffit à écarter cet argument de la requérante.

64      Deuxièmement, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas dû se satisfaire d’expressions telles « qu’il ne peut être exclu » pour conclure à l’existence d’un risque de confusion, ainsi qu’il a été rappelé au point 16 ci‑dessus, selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le « risque » que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

65      La chambre de recours n’avait donc pas à prouver une certitude avérée, mais seulement à démontrer qu’il existait un « risque » que le consommateur puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

66      Or, il résulte des développements qui précèdent que, d’une part, les signes en cause présentent, sur les plans visuel et phonétique, un degré moyen de similitude et, d’autre part, qu’il existe, en ce qui concerne les produits sur lesquels la requérante fonde le présent recours, une similitude, quoique très faible.

67      En outre, la requérante ne conteste pas que, pour les produits en cause, le public pertinent ne manifestera qu’un degré d’attention moyen.

68      Dès lors, en tenant compte du public pertinent et de son degré d’attention, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a pu estimer à bon droit qu’un tel public pourrait confondre les marques en conflit, y compris en pensant que ces produits proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement.

69      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le moyen unique de la requérante, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, comme non fondé et, par voie de conséquence, de rejeter le recours.

 Sur les dépens

70      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

71      La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’EUIPO et de l’intervenante.

72      S’agissant des dépens exposés par l’intervenante devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaqué, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, point 74]. 









Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Nitto Pharmaceutical Industries Ltd est condamnée à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par Chiesi Farmaceutici SpA.

Marcoulli

Frimodt Nielsen

Norkus

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 2020.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.