Language of document : ECLI:EU:T:2011:617

ARRÊT DU TRIBUNAL (chambre des pourvois)

24 octobre 2011 (*)

« Pourvoi – Fonction publique – Agents temporaires – Licenciement – Perte de confiance – Motivation – Dénaturation des éléments de preuve »

Dans l’affaire T‑213/10 P,

ayant pour objet un pourvoi formé contre l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 24 février 2010, P/Parlement (F‑89/08), et tendant à l’annulation de cet arrêt,

P, ancien agent temporaire du Parlement européen, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

l’autre partie à la procédure étant

Parlement européen, représenté initialement par Mmes S. Seyr et R. Ignătescu, puis par Mme Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi (rapporteur) et E. Moavero Milanesi, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

1        Par son pourvoi, introduit au titre de l’article 9 de l’annexe I du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, la requérante, Mme P, demande l’annulation de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique de l’Union européenne (troisième chambre) du 24 février 2010, P/Parlement (F‑89/08, ci-après l’« arrêt attaqué »), par lequel celui-ci a rejeté son recours tendant, premièrement, à l’annulation de la décision du Parlement européen, du 15 avril 2008, de résilier son contrat d’agent temporaire à durée indéterminée l’affectant auprès des membres non inscrits du Parlement (ci-après la « décision litigieuse »), deuxièmement, à sa réintégration dans ses fonctions, troisièmement, à obtenir le versement de son salaire à compter du 15 juillet 2008 et, quatrièmement, à obtenir le versement d’une indemnité au titre des préjudices moral et de carrière qu’elle estimait avoir subis du fait de la décision litigieuse.

 Faits à l’origine du litige et procédure en première instance

2        Les faits à l’origine du litige sont énoncés aux points 8 à 21 de l’arrêt attaqué dans les termes suivants :

« 8      La requérante, qui depuis 1999, avait travaillé à plusieurs reprises au Parlement, notamment, en 2004, en tant qu’assistante parlementaire de M. Ashley Mote, a été engagée à compter du 1er mars 2005 en tant qu’agent temporaire de grade B*3, échelon 2, pour occuper un emploi d’assistante auprès des membres non inscrits du Parlement.

9      Suite à la décision de M. Mote de rejoindre le groupe ‘Identité, Tradition, Souveraineté’ (ci-après le ‘groupe ITS’), la requérante a été affectée auprès dudit groupe par un avenant à son contrat, signé le 31 janvier 2007.

10      Suite à un avenant à son contrat, du 27 mars 2007, la requérante a occupé le poste de secrétaire général du groupe ITS avec un classement au grade AD 14, échelon 1.

11      Le 14 juillet 2007, dans un rapport de ‘confirmation dans les fonctions de chef d’unité en tant que secrétaire général’, M. Gollnisch, évaluateur de la requérante et président du groupe ITS, faisait état, notamment, de difficultés relationnelles, de conflits, d’initiatives malencontreuses et d’une certaine confusion en matière de communication. Il faisait part alors de la décision du bureau du groupe ITS de ne pas maintenir la requérante dans les fonctions de secrétaire général dudit groupe. Cependant, estimant que celle-ci était apte à exercer des fonctions à un grade supérieur à celui qu’elle détenait antérieurement à l’avenant du 27 mars 2007, il proposait de la réintégrer dans le groupe ITS en l’affectant au service d’une des composantes de celui-ci.

12      Par courrier du 21 septembre 2007, adressé par M. Claeys, premier vice-président et président en exercice du groupe ITS, la requérante a été informée que son contrat serait résilié à l’issue d’un préavis de trois mois (ci-après la ‘décision de licenciement du 21 septembre 2007’). Dans ce courrier, lequel fait référence à l’article 47, sous c), du RAA [régime applicable aux autres agents de l’Union européenne], il est précisé que la décision de résiliation est fondée sur une perte de confiance et fait ‘suite [au] rapport concluant à la non[-]confirmation [des] fonctions temporaires [de la requérante en tant que] [s]ecrétaire général du groupe [ITS], [au] refus [de celle-ci] d’en prendre connaissance et [à] la décision du [b]ureau du groupe ITS en date du 5 septembre [2007, laquelle est jointe audit courrier]’.

13      Par courrier du 17 décembre 2007, le coordonnateur des membres non inscrits, délégué du secrétaire général du Parlement auprès desdits membres, a informé la directrice de la direction de la gestion administrative du personnel que, suite à la dissolution du groupe ITS et ‘en accord avec la délégation britannique [des membres non inscrits]’, laquelle comprenait M. Mote, il demandait la réintégration de la requérante ‘sur son ancien poste’ au sein du secrétariat des membres non inscrits.

14      La décision de licenciement du 21 septembre 2007 a été retirée et, par un avenant prenant effet à compter du 20 décembre 2007, la requérante a été affectée auprès des membres non inscrits et classée au grade AST 3, échelon 3.

15      Par un courrier dont il est constant, alors que la date indiquée sur ce courrier est le 27 mai 2008, qu’il date en fait du 27 mars 2008, le coordonnateur des membres non inscrits a demandé au secrétaire général du Parlement le licenciement de la requérante ‘[s]uite à la rupture de confiance, tant personnelle que politique, entre [la requérante], agent du [s]ecrétariat des [m]embres [non i]nscrits, et M. Ashley Mote, membre [non i]nscrit et son responsable administratif direct’.

16      Par décision du secrétaire général du Parlement du 15 avril 2008, le contrat de la requérante a été résilié sur le fondement de l’article 47, sous c), i), du RAA, ‘[s]uite à la perte de confiance à [l’égard de la requérante] survenue au sein du [s]ecrétariat’ des membres non inscrits (ci-après la ‘décision litigieuse’). Il est précisé que la résiliation interviendra à l’issue d’une période de préavis de trois mois.

17      La décision litigieuse prévoit par ailleurs que, durant la période de préavis, la requérante n’a plus accès aux locaux du Parlement et qu’elle doit remettre ‘dans les plus brefs délais’ les clefs des bureaux encore en sa possession.

18      Par courrier du 8 mai 2008, le conseil de la requérante a demandé au Parlement de retirer la décision litigieuse et de lui faire connaître les motifs de cette décision.

19      Par lettre du 14 mai 2008, émanant du chef de l’unité ‘Décomptes’ de la direction générale du personnel, la requérante a été informée que, ‘[c]onformément à la demande de recouvrement émise par M. Gollnisch, [p]résident de l’ex-[g]roupe ITS […] l’[u]nité des [d]écomptes procédera[it] au recouvrement du montant de 1 320,50 euros que [la requérante avait] indûment perçu’. La requérante a également été avertie par un courrier du secrétaire général du Parlement, du 9 juin 2008, de l’existence d’une enquête administrative diligentée à son égard après que ledit secrétaire général ait ‘été informé par M. Gollnisch, ancien président du groupe ITS, que [la requérante aurait] utilisé diverses manœuvres, de nature frauduleuse, pour tromper [la] confiance [de M. Gollnisch] ainsi que celle des autres membres du [b]ureau du groupe’.

20      Par courrier du 11 juillet 2008, le conseil de la requérante a introduit, sur le fondement de l’article 90, paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne], une réclamation préalable tendant, notamment, à l’annulation de la décision litigieuse.

21      Par décision en date du 18 septembre 2008, le Parlement a rejeté la réclamation de la requérante. »

3        Par requête déposée au greffe du Tribunal de la fonction publique le 3 novembre 2008, la requérante a conclu à ce qu’il plaise audit Tribunal :

–        annuler la décision litigieuse ;

–        la réintégrer dans ses fonctions, sur son poste et au grade qui était le sien à la date de la décision litigieuse avec effet rétroactif et avec affectation auprès de MM. les députés Kilroy-Silk, Helmer et Hannan ;

–        ordonner le paiement de son salaire à compter du 15 juillet 2008 et ce jusqu’à la date de sa réintégration effective, avec application d’intérêts moratoires à un taux de 7 % l’an ;

–        condamner le Parlement au paiement d’une somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et d’une atteinte à sa carrière ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

4        Le Parlement a conclu à ce qu’il plaise au Tribunal de la fonction publique :

–        rejeter le recours partiellement comme irrecevable et pour le reste comme non fondé ;

–        décider sur les dépens comme de droit.

 Arrêt attaqué

5        Par l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a rejeté le recours dans sa totalité.

6        À cet effet, il a rejeté les six moyens invoqués par la requérante à l’appui de sa demande d’annulation, à savoir, premièrement, le moyen tiré de la violation des droits de la défense, deuxièmement, le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, troisièmement, le moyen tiré d’une motivation insuffisante de la décision litigieuse, quatrièmement, le moyen tiré du détournement de pouvoir, cinquièmement, le moyen tiré du vice de procédure et, sixièmement, le moyen tiré de la méconnaissance du devoir de sollicitude.

7        Au soutien du rejet du premier moyen, tiré de la violation des droits de la défense, le Tribunal de la fonction publique s’est fondé sur les principes reconnus, notamment, dans l’arrêt de la Cour du 29 avril 2004, Parlement/Reynolds (C‑111/02 P, Rec. p. I‑5475, points 50 à 60), et dans l’arrêt du Tribunal du 17 octobre 2006, Bonnet/Cour de justice (T‑406/04, RecFP p. I‑A‑2‑213 et II‑A‑2‑1097, point 79) (points 31 à 35 de l’arrêt attaqué).

8        S’agissant du deuxième moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, le Tribunal de la fonction publique a considéré, notamment, ce qui suit (points 48 à 63 de l’arrêt attaqué) :

« 48      En l’espèce, la demande de licenciement du 27 mars 2008, présentée par le coordonnateur des membres non inscrits, a pour motif la perte de confiance de M. Mote à l’égard de la requérante et c’est donc sur ce fondement que la décision litigieuse a été adoptée.

49      Le Parlement a précisé, tant dans sa réponse aux questions posées par écrit par le Tribunal qu’à l’audience, que M. Mote était, à la date de la décision litigieuse, le responsable administratif direct de la requérante.

50      Sur ce point, il y a tout d’abord lieu de rappeler, ainsi qu’il a été dit plus haut, que dès 2004 les liens entre M. Mote et la requérante étaient très étroits puisqu’elle était son assistante parlementaire.

51      Il convient également de relever qu’il ressort expressément d’un courrier du coordonnateur des membres non inscrits, du 9 mars 2005, adressé à la division des décomptes que M. Mote était ‘le chef responsable qui sign[ait] les ordres de mission’ de la requérante, devenue, le 1er mars 2005, agent temporaire du Parlement. Un ordre de mission datant de cette époque est d’ailleurs produit par le Parlement. Cet ordre de mission est signé par M. Mote, en tant que ‘[c]hef responsable’.

52      Par la suite, la requérante a, au cours de l’année 2007, quitté les membres non inscrits pour être affectée auprès du groupe ITS. Or, cette affectation résultait, selon les écrits de la requérante, du fait que M. Mote avait décidé de rejoindre ledit groupe.

53      D’ailleurs, la requérante a produit au dossier des ordres de mission datés de juillet et septembre 2007 qui sont signés par M. Mote. L’un de ses ordres de mission concerne un déplacement au Royaume-Uni en novembre 2007 qui avait pour objet de rendre visite à M. Mote.

54      Enfin, c’est en accord avec la délégation britannique des membres non inscrits, laquelle comprenait M. Mote, que la requérante a été affectée à nouveau, en décembre 2007, auprès des membres non inscrits. Sur ce point, il convient de relever que M. Mote était le seul membre de cette délégation à avoir appartenu au groupe ITS pendant la période au cours de laquelle la requérante était affectée à ce groupe.

55      Alors qu’il est établi que M. Mote était le responsable administratif direct de la requérante en 2005, la chronologie dont il vient d’être fait état permet d’affirmer que le lien étroit qui existait dès 2005 entre la requérante et M. Mote s’est maintenu lors de leur retour conjoint, en 2007, au sein des membres non inscrits.

56      Si la requérante fait valoir qu’elle travaillait, à la date de la décision litigieuse, pour plusieurs membres de la délégation britannique des membres non inscrits – MM. Kilroy-Silk, Helmer et Hannan –, elle ne produit aucune pièce, par exemple un ordre de mission signé par l’un desdits membres, susceptible d’établir que ceux-ci auraient été ses responsables administratifs directs.

[…]

59      Par ailleurs, si à l’audience la requérante a invoqué le fait que M. Mote aurait été emprisonné au Royaume-Uni de septembre à décembre 2007 et que, durant cette période, elle aurait surtout travaillé pour d’autres membres non inscrits, la demande de licenciement présentée par le coordonnateur des membres non inscrits date du 27 mars 2008, soit près de trois mois après la fin de la période d’emprisonnement mentionnée ci-dessus.

60      Ainsi, et même si le Parlement n’a pas été en mesure de produire une décision formelle d’affectation de la requérante auprès de M. Mote, les éléments concordants qui précèdent confirment l’affirmation du Parlement selon laquelle M. Mote était, à la date de la décision litigieuse, le seul responsable administratif direct de l’intéressée. Aussi, la circonstance que d’autres parlementaires, qui n’étaient pas les responsables administratifs directs de la requérante, aient manifesté, au moment de son licenciement, la confiance qu’ils lui accordaient et le souhait qu’ils avaient de pouvoir continuer à bénéficier de sa collaboration, est sans incidence sur la légalité de la décision litigieuse.

61      Dès lors, c’est à tort que la requérante soutient que la décision litigieuse serait entachée d’une erreur manifeste d’appréciation tirée de ce que d’autres membres non inscrits que M. Mote, ayant de surcroît des affinités politiques divergentes, accordaient encore, à la date de la décision litigieuse, leur confiance à la requérante. C’est également à tort que la requérante soutient que la décision litigieuse, fondée sur une perte de confiance de M. Mote à l’égard de la requérante, ne reposerait pas sur un ‘motif valable’. D’ailleurs, sur ce dernier point, il y a lieu de constater que, à aucun moment, la requérante ne conteste l’existence d’une rupture du lien de confiance avec M. Mote.

[…]

63      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation doit être écarté. »

9        S’agissant du troisième moyen, tiré de la motivation insuffisante de la décision litigieuse, le Tribunal de la fonction publique a jugé ce qui suit (points 69 à 84 de l’arrêt attaqué) :

« 69      Dans son arrêt du 26 octobre 2006, Landgren/ETF (F‑1/05, RecFP p. I‑A‑1‑123 et II‑A‑1‑459, points 73 et 74, confirmé par l’arrêt du Tribunal de première instance du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec. p. II‑2841), le Tribunal a jugé qu’aucune raison impérieuse ne permet d’exclure les agents temporaires d’une protection contre les licenciements injustifiés, particulièrement lorsqu’ils sont liés par un contrat à durée indéterminée ou lorsque, étant liés par un contrat à durée déterminée, ils sont licenciés avant l’échéance de celui-ci. Or, pour garantir une protection suffisante en ce sens, il importe de permettre, d’une part, aux intéressés de s’assurer que leurs intérêts légitimes ont été respectés ou lésés ainsi que d’apprécier l’opportunité de saisir le juge et, d’autre part, à ce dernier d’exercer son contrôle, ce qui revient à reconnaître l’existence d’une obligation de motivation à la charge de l’autorité.

70      Il convient donc de préciser la portée de cette obligation de motivation s’agissant du licenciement d’un agent temporaire recruté sur le fondement de l’article 2, sous c), du RAA.

71      Lorsqu’une décision de licenciement intervient au motif d’une perte de confiance, l’intéressé ne dispose pas de garanties procédurales, telles que le droit d’être entendu durant la procédure administrative (arrêt Parlement/Reynolds, précité, points 49 à 60). Par suite, l’obligation de motivation et son respect par l’administration constituent l’unique garantie lui permettant, à tout le moins après l’adoption de la décision lui faisant grief, de se prévaloir utilement des voies de recours à sa disposition pour contester la légalité de ladite décision (arrêt du Tribunal de première instance du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 95).

72      Cependant, une rupture du lien de confiance, c’est-à-dire d’une relation de nature personnelle, ne se fonde pas nécessairement sur des éléments objectifs, contrairement à ce qu’il en est, par exemple, s’agissant d’une procédure de sélection, lorsqu’il a été décidé que cette procédure comporterait la présélection des candidats invités à participer à des épreuves orales et écrites, ainsi que l’élaboration par un jury d’une liste d’aptitude en fonction des résultats de ces tests (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, points 43 et 44 ; arrêt Bonnet/Cour de justice, précité, point 68).

73      Ainsi, le simple constat de l’existence d’une rupture du lien de confiance peut suffire à justifier l’adoption d’une décision de licenciement. Dès lors, si une décision de licenciement ne se fonde que sur un tel constat, l’exigence de précision quant à la présentation, dans les motifs de la décision, des circonstances factuelles révélant ou justifiant cette rupture du lien de confiance ne peut être que restreinte.

74      Il n’en demeure pas moins, en particulier en ce qui concerne les agents temporaires affectés auprès des membres non inscrits du Parlement, que la motivation d’une décision de licenciement fondée sur une perte de confiance doit nécessairement apporter des précisions suffisantes quant à la personne avec laquelle le lien de confiance est rompu. En effet, l’agent en cause pourra ainsi s’assurer que la décision concerne son responsable administratif direct, c’est-à-dire, ainsi qu’il a été dit plus haut, le membre non inscrit avec lequel doit exister un lien de confiance.

75      En l’espèce, il y a lieu de constater que la décision litigieuse fait uniquement référence ‘à la perte de confiance à [l’égard de la requérante] survenue au sein du [s]ecrétariat’.

76      Une telle motivation, même si elle est peu détaillée, fait apparaître une rupture du lien de confiance comme étant le motif du licenciement.

77      Cependant, ainsi qu’il vient d’être indiqué, la requérante aurait dû également être en mesure de connaître la personne avec laquelle le lien de confiance était rompu. Or, eu égard à la formulation ambiguë employée, la décision litigieuse n’apporte pas suffisamment de précisions sur ce point.

78      De plus, la décision litigieuse ne fait pas référence à la demande de licenciement du 27 mars 2008 dans laquelle le coordonnateur des membres non inscrits désigne nommément le membre à l’égard duquel existait une rupture du lien de confiance, c’est-à-dire M. Mote. Par ailleurs, il est constant que cette demande n’a pas été communiquée par le Parlement à la requérante.

79      Dès lors, il convient de déterminer si, en l’espèce, le contexte permettait, malgré tout, à la requérante d’identifier clairement les motifs de la décision litigieuse (arrêt du Tribunal de première instance du 27 avril 1999, Thinus/Commission, T‑283/97, RecFP p. I‑A‑69 et II‑353, point 77 ; arrêt Landgren/ETF, précité, point 78) et, en particulier, de disposer de suffisamment de précisions quant à la personne à l’égard de laquelle une rupture du lien de confiance était survenue.

80      Or, il ressort des termes mêmes de la réclamation du 11 juillet 2008 introduite par la requérante que celle-ci, en consultant son dossier personnel, avait pu prendre connaissance de la demande de licenciement du 27 mars 2008 présentée par le coordonnateur des membres non inscrits. À ce stade, c’est-à-dire avant même l’introduction de sa réclamation, elle avait donc pu s’informer du contenu de cette demande et elle était ainsi en mesure de savoir que ladite demande et, par suite, la décision litigieuse étaient fondées sur une ‘rupture de confiance, tant personnelle que politique, entre [elle] et M. Ashley Mote, membre [non i]nscrit et son responsable administratif direct’.

81      Il convient ici de rappeler que l’obligation de motivation s’impose à l’administration et qu’il n’incombe donc pas à un agent, en présence d’une décision insuffisamment motivée, de s’informer lui-même des motifs de cette décision.

82      Ainsi, lorsqu’une décision est insuffisamment motivée, l’administration ne saurait se prévaloir de la circonstance que les motifs de cette décision étaient accessibles dans le dossier personnel de l’agent en cause, pour pouvoir obtenir du juge qu’il écarte, au stade de la procédure contentieuse, le moyen tiré de cette motivation insuffisante.

83      Cependant, lorsque, comme en l’espèce, il ressort des termes mêmes de la réclamation introduite par un agent en vertu de l’article 90, paragraphe 2, du statut [des fonctionnaires de l’Union européenne], que celui-ci a pris connaissance des motifs d’une décision en consultant son dossier personnel, il serait excessif d’annuler cette décision en raison du fait, certes critiquable, que l’institution ne les a pas exposés explicitement dans le rejet de cette réclamation.

84      Il résulte de tout ce qui précède que, dans les circonstances particulières de l’espèce, le moyen tiré de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse doit être écarté. »

10      Enfin, le Tribunal de la fonction publique a rejeté les quatrième, cinquième et sixième moyens, respectivement tirés du détournement de pouvoir, du vice de procédure et de la méconnaissance du devoir de sollicitude, aux points 87 à 100, aux points 103 à 109 ainsi qu’aux points 112 à 117 de l’arrêt attaqué.

11      Dans le cadre de son appréciation du quatrième moyen, tiré du détournement de pouvoir, le Tribunal de la fonction publique a, notamment, considéré ce qui suit :

« 92      Dans le courrier du 17 septembre 2008 susmentionné, il est écrit :

‘[La requérante] a été licenciée à la suite d’une perte de confiance […] et une enquête interne, dont les résultats ne peuvent à ce stade pas être encore connus, est actuellement en cours.’

[…]

98      Par ailleurs, l’enquête en cause se rapporte à des faits relatifs aux fonctions que la requérante exerçait au sein du groupe ITS, alors que, dans son courrier du 21 janvier 2009, le coordonnateur des membres non inscrits a précisé que les faits reprochés à la requérante, qui justifiaient la rupture du lien de confiance à l’égard de M. Mote, avaient ‘empêch[é] le bon fonctionnement du [s]ecrétariat des [m]embres [n]on[ i]nscrits’.

99      Ainsi, malgré l’emploi par le coordonnateur des membres non inscrits dans le courrier du 21 janvier 2009 de l’expression ‘abus de confiance’ – expression qui apparaît également dans le courrier du secrétaire général du Parlement du 9 juin 2008 relatif à l’existence d’une enquête administrative diligentée à l’encontre de la requérante –, les faits justifiant, selon ledit coordonnateur, le licenciement de la requérante se sont déroulés dans un contexte différent de celui des faits ayant été à l’origine de l’enquête en cause, ces faits s’étant déroulés, de plus, à une date ultérieure. »

 Sur le pourvoi

 Procédure

12      Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 10 mai 2010, la requérante a formé le présent pourvoi. Le 28 juillet 2010, le Parlement a déposé son mémoire en réponse.

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (chambre des pourvois) a constaté qu’aucune demande de fixation d’une audience n’avait été présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et a décidé, en application de l’article 146 du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure.

 Conclusions des parties

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’arrêt attaqué ;

–        accueillir les chefs de conclusions invoqués en première instance ;

–        condamner le Parlement aux dépens des deux instances.

15      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le pourvoi pour partie comme irrecevable et pour partie comme non fondé ;

–        à titre subsidiaire, rejeter le recours de première instance ;

–        condamner la requérante aux dépens des deux instances.

 En droit

 Résumé des moyens de pourvoi

16      Au soutien de son pourvoi, la requérante avance trois moyens.

17      Par son premier moyen, la requérante soutient, en substance, que le raisonnement dans l’arrêt attaqué est vicié d’une erreur de droit et d’une motivation contradictoire et erronée dans la mesure où, d’une part, le Tribunal de la fonction publique a reconnu l’exigence formelle de motivation de la décision litigieuse et son non-respect par le Parlement dans le cas d’espèce (points 69 à 78 et 83 de l’arrêt attaqué) et, d’autre part, il a néanmoins conclu au rejet du moyen tiré de l’insuffisante motivation de cette décision en raison de la prise de connaissance par l’intéressée des motifs de ladite décision lorsqu’elle a consulté son dossier personnel, alors même qu’il aurait appartenu au Parlement de lui fournir, au plus tard dans la décision de rejet de sa réclamation, des précisions quant à la personne avec laquelle la prétendue perte de confiance était survenue (points 79 à 84 de l’arrêt attaqué).

18      En effet, en refusant d’annuler la décision litigieuse pour violation de l’obligation de motivation (point 83 de l’arrêt attaqué), le Tribunal de la fonction publique aurait méconnu la jurisprudence pertinente à plusieurs titres. En premier lieu, l’obligation de motivation ne serait pas limitée s’agissant d’une décision relative à l’engagement ou au licenciement relatif à un emploi relevant de l’article 2, sous c), du régime applicable aux autres agents de l’Union européenne (ci-après le « RAA »), et ce bien que la confiance mutuelle soit un élément essentiel des contrats de tous les agents temporaires visés à cette dernière disposition (arrêt du Tribunal du 8 septembre 2009, ETF/Landgren, T‑404/06 P, Rec. p. II‑2841, point 169). Dès lors, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu juger, au point 73 de l’arrêt attaqué, que « le simple constat de l’existence d’une rupture du lien de confiance peut suffire à justifier l’adoption d’une décision de licenciement », d’autant que, au point 74 dudit arrêt, il aurait précisé qu’une telle décision doit « nécessairement apporter des précisions suffisantes quant à la personne avec laquelle le lien de confiance est rompu ». Selon la requérante, si le simple constat de l’existence d’une rupture du lien de confiance était suffisant pour motiver le licenciement de certains agents temporaires, le juge de l’Union serait empêché d’exercer dûment son contrôle, les intéressés étant alors privés d’une protection adéquate contre un licenciement arbitraire ou abusif de la part de l’administration et l’étendue de cette protection variant en fonction du type de contrat d’agent temporaire en cause, ce qui donnerait lieu à des discriminations injustifiées. En deuxième lieu, la requérante estime qu’il ressort du point 79 de l’arrêt du Tribunal de la fonction publique du 26 octobre 2006, Landgren/ETF (F‑1/05, RecFP p. I‑A‑1‑123 et II‑A‑1‑459), qu’il existe une obligation de motivation renforcée à la charge de l’administration. En se limitant à se référer à une prétendue perte de confiance au sein du secrétariat des membres non inscrits du Parlement à l’égard de la requérante pour justifier la résiliation du contrat d’agent temporaire litigieux, ni la décision litigieuse ni la décision de rejet de la réclamation n’auraient satisfait à cette exigence. En troisième lieu, la requérante relève que, s’agissant des exigences de motivation des décisions de rejet de candidature adoptées dans le cadre de procédures de recrutement d’agents temporaires, au titre de l’article 2, sous c), du RAA, il a été jugé qu’une motivation spécifique est d’autant plus justifiée pour répondre à la réclamation de l’intéressé lorsque celui-ci a pris part à un entretien individuel non prévu initialement, n’a reçu aucune information sur l’issue de la procédure de recrutement avant d’en faire lui-même la demande et a fait expressément référence, dans sa réclamation, au contenu de la liste d’aptitude et à l’ordre de mérite établi (arrêt de la Cour du 23 septembre 2004, Hectors/Parlement, C‑150/03 P, Rec. p. I‑8691, point 47). En l’espèce, la requérante se serait référée expressément, dans sa réclamation, à la demande de licenciement du coordonnateur des membres non inscrits et à la prétendue perte de confiance de M. Mote qui y était invoquée. Or, la décision de rejet de la réclamation n’aurait apporté aucune précision quant à la personne avec laquelle la confiance était rompue, mais aurait continué de faire vaguement référence à une perte de confiance survenue au sein du secrétariat des membres non inscrits du Parlement.

19      Par son deuxième moyen, la requérante invoque une méconnaissance du système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge de l’Union et de l’article 26 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») ainsi qu’une violation de son droit à une protection juridictionnelle effective.

20      Selon la requérante, le Tribunal de la fonction publique s’est substitué illégalement au Parlement en énonçant, à sa place, les motifs supposés de la décision litigieuse. Au point 80 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu se fonder sur la prise de connaissance par la requérante de la demande de licenciement du coordonnateur des membres non inscrits pour considérer qu’elle « était ainsi en mesure de savoir que ladite demande et, par suite, la décision litigieuse étaient fondées sur une ‘rupture de confiance, tant personnelle que politique, entre [elle] et M. Ashley Mote, membre [non i]nscrit et son responsable administratif direct’ ». En effet, il conviendrait de distinguer la décision litigieuse de cette demande de licenciement, qui seraient des actes séparés issus d’auteurs différents. Le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas non plus pu inférer de cette seule demande que « c’est donc sur ce fondement que la décision litigieuse a été adoptée » (point 48 de l’arrêt attaqué). Il aurait ainsi outrepassé ses pouvoirs et aurait méconnu le système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge de l’Union, ce dernier devenant la seule et première instance devant laquelle la requérante est à même d’obtenir une telle motivation (voir, en ce sens, arrêt ETF/Landgren, point 18 supra, point 164).

21      De même, le Tribunal de la fonction publique aurait méconnu l’article 26 du statut qui viserait à protéger, d’une part, « le principe du contradictoire dans le respect, le plus large, du droit à une défense juste et équitable » et, d’autre part, le « droit à une motivation fondée sur des éléments connus ». Selon la requérante, ces principes s’appliquent à plus forte raison à l’office du juge, de sorte que ce dernier ne pourrait lui opposer une prétendue motivation de la décision litigieuse fondée sur la demande de licenciement du coordonnateur des membres non inscrits, qui « ne lui a jamais été communiquée avant classement ».

22      Enfin, la requérante estime que, dans la mesure où le Tribunal de la fonction publique s’est substitué au Parlement pour énoncer les motifs de la décision litigieuse, elle n’aurait bénéficié ni des « conditions minimales du droit à une protection juridictionnelle effective » ni d’une « protection suffisante contre un licenciement injustifié ». Or, l’obligation de motivation viserait à protéger l’intéressé, d’une part, en lui fournissant une indication suffisante pour savoir si l’acte en cause est entaché d’un vice permettant d’en contester la légalité et, d’autre part, en permettant au juge de contrôler la légalité de cet acte (voir également point 71 de l’arrêt attaqué). Cette obligation contribuerait ainsi à garantir le droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt ETF/Landgren, point 18 supra, point 148). Dès lors, le Tribunal de la fonction publique aurait méconnu tant le droit de la requérante à une motivation suffisante au terme de la procédure administrative que son droit à une protection juridictionnelle effective.

23      Par son troisième moyen, la requérante soutient, plusieurs pièces du dossier à l’appui, que l’arrêt attaqué est vicié d’une insuffisance de motivation et d’une dénaturation des éléments de preuve. En effet, le Tribunal de la fonction publique aurait omis de se prononcer sur ces pièces et se serait limité à considérer que le motif réel de licenciement de la requérante reposait sur la rupture de confiance avec M. Mote, motif qui ressortait pourtant de la seule lettre du coordonnateur des membres non inscrits et non de la décision litigieuse.

24      Au soutien de son grief tiré de la dénaturation des éléments de preuve, la requérante relève que, contrairement à ce qu’a indiqué le Tribunal de la fonction publique, l’affirmation selon laquelle M. Mote était son responsable administratif direct à la date de l’adoption de la décision litigieuse ne repose sur aucun élément probant pertinent. D’une part, les ordres de mission signés par M. Mote, sur lesquels s’est appuyé le Tribunal de la fonction publique, relèveraient d’une période antérieure à la réintégration de la requérante auprès des membres non inscrits du Parlement, de sorte qu’ils ne pourraient pas venir au soutien de cette affirmation. D’autre part, le Tribunal de la fonction publique aurait constaté que la réintégration de la requérante s’était faite « en accord avec la délégation britannique des membres non inscrits, laquelle comprenait M. Mote ». Or, en réalité, cette réintégration en novembre 2007 se serait faite « à la demande de la délégation britannique des membres non inscrits » et plus particulièrement à celle de MM. Helmer et Kilroy-Silk. En outre, étant donné que, à cette époque, M. Mote était emprisonné au Royaume-Uni, la requérante n’aurait pas été réintégrée auprès de ce dernier, mais auprès de MM. Helmer et Kilroy-Silk. En omettant de « préciser » ces éléments factuels essentiels, le Tribunal de la fonction publique aurait fondé son appréciation sur une fausse interprétation des faits et aurait conclu à tort, au point 60 de l’arrêt attaqué, que « M. Mote était, à la date de [l’adoption de] la décision litigieuse, le seul responsable administratif direct de l’intéressée ».

25      Par ailleurs, selon la requérante, le Tribunal de la fonction publique a rejeté, sans justification valable, les éléments probants qu’elle lui avait soumis à l’appui du moyen tiré du détournement de pouvoir. D’une part, il aurait reconnu que « la concomitance temporelle est établie (premier élément objectif) ». D’autre part, au point 92 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique aurait dénaturé la lettre du 17 septembre 2008, voire en aurait supprimé une partie en la remplaçant par « [...] », alors même que cette lettre faisait référence au licenciement de la requérante « à la suite de l’expression de la perte de confiance par certains des membres non inscrits ». Le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas non plus été en droit de se fonder sur la lettre du 21 janvier 2009 du coordonnateur des membres non inscrits, qui, « d’une part, n’éman[ait] pas de l’autorité compétente pour énoncer les motifs de la décision [litigieuse] et, d’autre part, n’a[vait] pas été établie [in] tempore non suspecto étant donné qu’elle [était] postérieure [a]u litige et à l’introduction de la requête en première instance ». Aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique se serait néanmoins appuyé sur cette lettre pour conclure au rejet du moyen tiré du détournement de pouvoir en considérant que « les faits justifiant, selon ledit coordonnateur [des membres non inscrits], le licenciement de la requérante se sont déroulés dans un contexte différent de celui des faits ayant été à l’origine de l’enquête en cause, ces faits s’étant déroulés, de plus, à une date ultérieure ».

26      Le Parlement conclut au rejet du pourvoi.

 Sur les premier, deuxième et troisième moyens, en tant qu’ils sont tirés d’une erreur de droit, d’une motivation contradictoire, erronée et insuffisante de l’arrêt attaqué, d’une méconnaissance du système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge de l’Union, d’une méconnaissance de l’article 26 du statut et d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective

27      Il y a lieu de rappeler que le respect par l’administration de la portée de l’obligation de motivation relève d’une question de droit qui est soumise au contrôle du Tribunal dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens et par analogie, arrêts de la Cour du 28 juin 2005, Dansk Rørindustri e.a./Commission, C‑189/02 P, C‑202/02 P, C‑205/02 P à C‑208/02 P et C‑213/02 P, Rec. p. I‑5425, point 453, et du 10 juillet 2008, Bertelsmann et Sony Corporation of America/Impala, C‑413/06 P, Rec. p. I‑4951, point 30 ; voir également, en ce sens, arrêt de la Cour du 28 février 2008, Neirinck/Commission, C‑17/07 P, non publié au Recueil, points 50 à 52).

28      Ainsi qu’il a été reconnu par le Tribunal, l’obligation de motivation au titre de l’article 25, deuxième alinéa, du statut s’applique à des décisions de résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée régi par le RAA (arrêt ETF/Landgren, point 18 supra, points 143 à 171), comme celui du cas d’espèce. Cette disposition prévoit que « [t]oute décision individuelle prise en application du présent statut doit être communiquée par écrit, sans délai, au fonctionnaire intéressé » et que « [t]oute décision faisant grief doit être motivée ».

29      En particulier, s’agissant du motif de licenciement relevant de la perte ou de la rupture de confiance mutuelle entre l’agent temporaire et le groupe politique du Parlement auprès duquel il est affecté, en l’absence d’une obligation de motivation, même un contrôle minimal de la part du juge de l’Union s’avérerait impossible. La circonstance que l’autorité habilitée à conclure des contrats (ci-après l’« AHCC ») ne possède aucune marge d’appréciation quant à la mise en œuvre de la demande du groupe politique ne limite aucunement la portée de l’obligation de motivation. Dans un tel cas, la motivation de la décision de l’AHCC doit, à tout le moins, refléter les motifs de la demande du groupe politique en vertu desquels l’AHCC se voit dans l’obligation de procéder à la décision mettant un terme au contrat. En effet, la demande du groupe peut comporter en elle-même des irrégularités l’entachant d’illégalité et doit, partant, pouvoir être soumise à un contrôle juridictionnel effectif. Enfin, ce n’est effectivement qu’au vu de la motivation que, d’une part, l’intéressé est en mesure de juger de la pertinence d’un recours juridictionnel contre la décision lui faisant grief et, d’autre part, le juge de l’Union peut exercer son contrôle (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 8 décembre 2005, Reynolds/Parlement, T‑237/00, RecFP p. I‑A‑385 et II‑1731, point 96 ; voir également, en ce sens, arrêt Bonnet/Cour de justice, point 7 supra, point 52).

30      L’étendue de cette obligation de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications, et il importe, pour apprécier le caractère suffisant de la motivation, de la replacer dans le contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué. Ainsi, une décision est suffisamment motivée dès lors qu’elle est intervenue dans un contexte connu de l’agent concerné qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, RecFP p. I‑A‑253 et II‑1169, point 36 ; du 7 février 2007, Caló/Commission, T‑118/04 et T‑134/04, RecFP p. I‑A‑2‑37 et II‑A‑2‑253, points 127 et 128, et du 4 juillet 2007, Lopparelli/Commission, T‑502/04, RecFP p. I‑A‑2‑145 et II‑A‑2‑995, point 75, et la jurisprudence qui y est citée).

31      Par ailleurs, l’obligation pour le Tribunal de la fonction publique de motiver ses arrêts en vertu de l’article 36 du statut de la Cour, lu en conjonction avec l’article 7, paragraphe 1, de l’annexe I du même statut (arrêt du Tribunal du 8 juin 2009, Krcova/Cour de justice, T‑498/07 P, RecFP p. I‑B‑1‑35 et II‑B‑1‑197, point 34), ne lui impose pas de fournir un exposé qui suivrait exhaustivement et un par un tous les raisonnements articulés par les parties au litige. La motivation peut donc être implicite, à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles les mesures en question ont été prises et au juge de pourvoi de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle juridictionnel (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance de la Cour du 21 janvier 2010, Iride et Iride Energia/Commission, C‑150/09 P, non publiée au Recueil, point 42, et la jurisprudence qui y est citée). En effet, cette obligation ne saurait être interprétée comme impliquant que le Tribunal de la fonction publique fût tenu de répondre dans le détail à chaque argument invoqué par le requérant, en particulier s’il ne revêtait pas un caractère suffisamment clair et précis et ne reposait pas sur des éléments de preuve circonstanciés (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 2 mars 2010, Doktor/Conseil, T‑248/08 P, point 64, et la jurisprudence qui y est citée).

32      Enfin, la question de savoir si la motivation d’un arrêt du Tribunal de la fonction publique est contradictoire ou insuffisante constitue une question de droit pouvant être, en tant que telle, invoquée dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance de la Cour du 24 juin 2010, Kronoply/Commission, C‑117/09 P, non publiée au Recueil, point 52, et la jurisprudence qui y est citée).

33      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’examiner, d’une part, si, en l’espèce, le Tribunal de la fonction publique était en droit de conclure que la décision litigieuse était suffisamment motivée et, d’autre part, si le Tribunal de la fonction publique a satisfait à sa propre obligation de motivation à cet égard dans l’arrêt attaqué.

34      S’agissant du premier grief soulevé dans le cadre du premier moyen de pourvoi, tiré de la méconnaissance de l’insuffisance de motivation de la décision litigieuse, force est de constater que la requérante reconnaît elle-même que le Tribunal de la fonction publique a tenu compte de l’ensemble des principes jurisprudentiels, tels qu’exposés aux points 27 à 29 ci-dessus, régissant l’obligation de l’administration de motiver une décision de résiliation d’un contrat d’agent temporaire à durée indéterminée. Cela est surtout vrai de l’exigence selon laquelle cette motivation doit figurer dans l’acte litigieux en tant que tel et faire apparaître de façon claire et non équivoque le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, y compris les éléments de fait et de droit essentiels sur lesquels il repose, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir, en ce sens, points 69, 71, 72 et 79 de l’arrêt attaqué).

35      Dans ce contexte, le Tribunal de la fonction publique a légalement constaté, en substance, que le motif essentiel de licenciement justifiant la décision litigieuse, à savoir la rupture du lien de confiance entre l’agent temporaire et son responsable administratif direct, devait figurer dans la motivation de ladite décision (voir, en ce sens, points 72 à 74 de l’arrêt attaqué). En outre, sans préjudice de la question de savoir si, en l’espèce, M. Mote était effectivement le responsable administratif direct de la requérante à l’époque de l’adoption de la décision litigieuse, ce qui relève d’une appréciation de la légalité au fond et non de celle du respect de la motivation suffisante en tant que formalité substantielle, le Tribunal de la fonction publique pouvait raisonnablement déduire de la jurisprudence citée au point 29 ci-dessus que, dans un tel cas, l’obligation de motivation exige d’identifier le responsable administratif direct avec lequel le lien de confiance mutuelle a été rompu (voir, en ce sens, point 74 de l’arrêt attaqué). En effet, c’est uniquement lorsque cette condition est remplie que l’intéressé est capable de comprendre toute la portée de la décision prise à son égard et de remettre en cause, le cas échéant, l’existence d’une telle rupture de la confiance mutuelle.

36      Il en résulte que le Tribunal de la fonction publique n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que la motivation de la décision litigieuse devait non seulement faire apparaître une rupture du lien de confiance comme étant le motif du licenciement, mais également mettre l’intéressé en mesure de connaître la personne avec laquelle ce lien de confiance était rompu.

37      Toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, l’appréciation précédente n’était pas de nature à empêcher le Tribunal de la fonction publique de rechercher si les principes jurisprudentiels exposés au point 30 ci-dessus l’autorisaient à considérer que l’institution concernée avait néanmoins respecté son devoir de motivation, notamment, parce que la requérante connaissait le contexte dans lequel la décision litigieuse s’insérait, ce qui lui permettait de comprendre la portée de la mesure prise à son égard. Ainsi, la requérante n’est pas fondée à reprocher au Tribunal de la fonction publique d’avoir procédé à une approche contradictoire ou erronée, lorsque, au point 79 de l’arrêt attaqué, il s’est référé à cette jurisprudence pour « déterminer si, en l’espèce, le contexte permettait, malgré tout, à la requérante d’identifier clairement les motifs de la décision litigieuse […] et, en particulier, de disposer de suffisamment de précisions quant à la personne à l’égard de laquelle une rupture du lien de confiance était survenue ».

38      À cet égard, il y a lieu de préciser que, d’une part, la requérante ne conteste pas que, à la suite d’une consultation de son dossier personnel à la fin du mois d’avril 2008 – c’est-à-dire bien avant le dépôt de sa réclamation, le 11 juillet 2008, ainsi qu’avant l’adoption de la décision de rejet de sa réclamation, le 18 septembre 2008 –, elle avait effectivement pris connaissance de l’identité du membre avec lequel, selon les dires du Parlement, le lien de confiance était rompu, motif sur lequel la décision litigieuse était expressément fondée. D’autre part, cette connaissance lui a manifestement permis de contester, de manière circonstanciée, le bien-fondé de ce motif tant dans sa réclamation que dans sa requête de première instance.

39      Dès lors, la condition de la connaissance suffisante par la requérante du contexte pertinent au sens de la jurisprudence citée au point 30 ci-dessus était manifestement remplie. En tout état de cause, une jurisprudence constante a jugé qu’il est possible de pallier une insuffisance – mais non l’absence totale – de motivation même en cours d’instance lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà, comme en l’espèce, d’éléments constituant un début de motivation (voir, en ce sens, arrêt Doktor/Conseil, point 31 supra, point 93, et la jurisprudence qui y est citée). Dans ces circonstances, les griefs de la requérante, tirés de l’insuffisance de motivation des décisions litigieuse et de rejet de la réclamation ainsi que de la prise de connaissance des motifs pertinents à sa seule initiative, ne sauraient prospérer.

40      Il résulte en outre des considérations qui précèdent que le Tribunal de la fonction publique n’a ni procédé à une substitution illégale de motifs (voir le deuxième moyen), ni omis de motiver à suffisance, dans l’arrêt attaqué, la réalité de l’existence du motif de licenciement invoqué à l’encontre de la requérante (voir le troisième moyen). En effet, eu égard aux éléments de preuve contenus dans le dossier, le Tribunal de la fonction publique s’est limité à tirer les conséquences nécessaires de la jurisprudence citée aux points 29 et 30 ci-dessus.

41      À cet égard, doit être rejeté l’argument de la requérante selon lequel le Tribunal de la fonction publique n’aurait pas pu déduire de la demande du coordonnateur des membres non inscrits, du 27 mars 2008, qui se réfère expressément à la rupture du lien de confiance avec M. Mote, que la décision litigieuse était fondée précisément sur ce motif. Dans ce contexte, il y a lieu de rappeler que la requérante n’a pas remis en cause, ni en première instance ni dans le cadre de son pourvoi, le fait que son lien de confiance avec M. Mote était effectivement rompu (voir point 61 in fine de l’arrêt attaqué), mais seulement – et ce uniquement dans le cadre du présent pourvoi – que celui-ci était encore son responsable administratif direct. Il s’ensuit que la requérante était consciente du fait que cette rupture du lien de confiance, sur laquelle était fondée la décision litigieuse, ne pouvait avoir eu lieu qu’à l’égard de M. Mote, ce qui est corroboré par le texte même de sa réclamation.

42      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient par ailleurs de conclure que le raisonnement suivi par le Tribunal de la fonction publique aux points contestés de l’arrêt attaqué est suffisamment clair, compréhensible et complet et qu’il est de nature à motiver les conclusions qu’il vise à étayer.

43      Dans la mesure où la requérante invoque, en outre, une violation de l’article 26 du statut, cette disposition n’est pas de nature à infirmer la conclusion que, en l’espèce, le Parlement a respecté son obligation de motivation. À cet égard, en ce qu’elle se prévaut du respect du principe du contradictoire et des droits de la défense, la requérante remet en cause implicitement mais nécessairement l’appréciation du Tribunal de la fonction publique figurant aux points 31 à 35 de l’arrêt attaqué au soutien du rejet du premier moyen de première instance, tiré de la violation des droits de la défense, que la requérante n’a toutefois pas contesté en tant que tel dans le cadre du présent pourvoi. En tout état de cause, compte tenu des principes énoncés dans les arrêts Parlement/Reynolds, point 7 supra (points 50 à 60), et Bonnet/Cour de justice, point 7 supra (point 79), aux termes desquels l’adoption d’une décision mettant fin à un rapport d’emploi fondé sur la confiance mutuelle ne présuppose pas d’entendre l’intéressé au préalable, cet argument ne peut être accueilli. Au demeurant, dans la mesure où la requérante entend se référer à la jurisprudence ayant interprété l’article 26 du statut comme ayant pour but d’assurer le respect des droits de la défense de l’agent concerné, en évitant que des décisions prises par l’administration et affectant sa situation administrative ne soient fondées sur des faits concernant son comportement non mentionnés dans son dossier individuel (voir arrêt du Tribunal du 9 février 1994, Lacruz Bassols/Cour de justice, T‑109/92, RecFP p. I‑A‑31 et II‑105, point 68, et la jurisprudence citée), il suffit de constater que l’élément déterminant, à savoir la demande de licenciement du 27 mars 2008 du coordonnateur des membres non inscrits contenant le motif du licenciement et l’identité du député en cause, avait effectivement été versé au dossier individuel de la requérante avant l’introduction par celle-ci de sa réclamation.

44      Enfin, l’argument tiré du droit à une protection juridictionnelle effective n’est pas non plus susceptible d’infirmer l’appréciation portée par le Tribunal de la fonction publique quant au respect de l’obligation de motivation. En effet, la jurisprudence citée au point 31 ci-dessus a reconnu une solution précisant la portée de l’obligation de motivation précisément au motif que, lorsque l’intéressé a pris connaissance du contexte dans lequel l’acte litigieux a été adopté, il est en mesure de le contester devant le juge de l’Union, même si cet acte en tant que tel n’est pas suffisamment motivé.

45      Par conséquent, il y a lieu de rejeter les premier, deuxième et troisième moyens, dans la mesure où ceux-ci visent à faire valoir l’existence d’une erreur de droit, d’une motivation contradictoire, erronée et insuffisante de l’arrêt attaqué, d’une méconnaissance du système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge de l’Union, d’une violation de l’article 26 du statut et d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective.

 Sur le troisième moyen, en tant qu’il est tiré de la dénaturation des éléments de preuve

46      Il convient de rappeler, à titre liminaire, qu’il résulte de l’article 11 de l’annexe I du statut de la Cour, qui reprend le libellé de l’article 58 dudit statut, que le pourvoi est limité aux questions de droit et doit être fondé sur des moyens tirés de l’incompétence du Tribunal de la fonction publique, d’irrégularités de procédure devant le Tribunal de la fonction publique portant atteinte aux intérêts de la partie requérante ou de la violation du droit de l’Union par ce dernier (voir, par analogie, ordonnance de la Cour du 9 novembre 2007, Lavagnoli/Commission, C‑74/07 P, non publiée au Recueil, point 20 ; voir arrêt Doktor/Conseil, point 31 supra, point 39, et la jurisprudence qui y est citée).

47      Par conséquent, le Tribunal de la fonction publique est seul compétent pour constater les faits, sauf dans le cas où l’inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui ont été soumises, et pour apprécier ces faits. L’appréciation des faits ne constitue donc pas, sous réserve du cas de la dénaturation des éléments de preuve produits devant le Tribunal de la fonction publique, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle du juge du pourvoi (voir, en ce sens et par analogie, ordonnance de la Cour du 27 avril 2006, L/Commission, C‑230/05 P, non publiée au Recueil, points 45 et 46, et la jurisprudence qui y est citée ; voir arrêt Doktor/Conseil, point 31 supra, points 40 et 41, et la jurisprudence qui y est citée).

48      Une telle dénaturation doit apparaître de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves (voir arrêt Doktor/Conseil, point 31 supra, point 42, et la jurisprudence qui y est citée), voire d’avoir recours à de nouveaux éléments de preuve (voir, en ce sens et par analogie, arrêt de la Cour du 17 juin 2010, Lafarge/Commission, C‑413/08 P, Rec. p. I‑5361, point 17, et la jurisprudence qui y est citée).

49      C’est au regard de ces principes qu’il convient d’apprécier le bien-fondé des griefs de la requérante, tirés d’une dénaturation des éléments de preuve contenus dans le dossier litigieux.

50      Il y a lieu de rappeler que, selon la requérante, l’affirmation du Tribunal de la fonction publique selon laquelle M. Mote était son responsable administratif direct à la date de l’adoption de la décision litigieuse ne reposait sur aucun élément probant pertinent.

51      Toutefois, l’argumentation de la requérante selon laquelle le Tribunal de la fonction publique aurait manifestement omis de tenir compte de tous les éléments de preuve pertinents contenus dans le dossier pour arriver à cette conclusion ne saurait être accueillie.

52      Premièrement, ainsi qu’il ressort du point 53 de l’arrêt attaqué, le Tribunal de la fonction publique a fondé son appréciation sur des ordres de mission de juillet et septembre 2007 indiquant l’affectation de la requérante au service de M. Mote et signés par ce dernier, dont l’un avait pour objet un voyage de la requérante en novembre 2007, via Londres, pour rendre visite à M. Mote à Alton. Tous ces ordres de mission ont d’ailleurs été produits par la requérante elle-même en première instance. Or, conformément à ce que le Tribunal de la fonction publique a constaté au point 56 de l’arrêt attaqué, la requérante n’a pas soumis de preuve analogue d’affectation à l’un ou l’autre des députés appartenant aux membres non inscrits pour la période comprise entre décembre 2007 et avril 2008.

53      Deuxièmement, ni dans sa réclamation ni dans sa requête de première instance la requérante n’avait explicitement contesté le fait que, à l’époque de l’adoption de la décision litigieuse, M. Mote représentait le service auquel elle avait été formellement affectée ou que celui-ci était son responsable administratif direct, son argumentation se limitant à faire valoir que, à ce stade, elle travaillait pour d’autres députés appartenant aux membres non inscrits et que le lien de confiance avec ces membres n’était pas rompu. En effet, ce n’est que dans le cadre du présent pourvoi que la requérante a pour la première fois contesté son affectation formelle auprès de M. Mote pour remettre en cause la légalité des conclusions du Tribunal de la fonction publique figurant aux points 60 et 61 de l’arrêt attaqué.

54      Troisièmement, la question de savoir si la réintégration de la requérante s’était faite soit « en accord avec la délégation britannique des membres non inscrits, laquelle comprenait M. Mote », comme le constate le Tribunal de la fonction publique au point 54 de l’arrêt attaqué, soit « à la demande de la délégation britannique des membres non inscrits » et plus particulièrement à celle de MM. Helmer et Kilroy-Silk, comme le prétend la requérante (voir point 24 ci-dessus), n’est pas décisive pour apprécier si cette réintégration était accompagnée d’une réaffectation formelle de la requérante exclusivement à ces derniers membres, aucune pièce du dossier ne confirmant une telle réaffectation. En effet, dans l’avenant prenant effet à compter du 20 décembre 2007, la requérante a été affectée auprès des membres non inscrits dans leur totalité et sans que soit spécifié son responsable administratif direct.

55      À cet égard, ne peut pas non plus prospérer l’argument de la requérante selon laquelle une telle réintégration auprès de M. Mote aurait été impossible à ce stade en raison de son emprisonnement au Royaume-Uni, ce qui démontrerait qu’elle aurait été réintégrée auprès de MM. Helmer et Kilroy-Silk. D’une part, il est constant que M. Mote a continué à faire partie des membres non inscrits après sa sortie de prison en novembre 2007 et que la requérante lui a même alors rendu visite brièvement, avant sa réintégration intervenue le 20 décembre 2007. D’autre part, il ressort en particulier des points 53, 55 et 59 de l’arrêt attaqué que le Tribunal de la fonction publique a tenu compte de tous ces éléments pour arriver à sa conclusion exposée aux points 60 et 61 dudit arrêt.

56      Dès lors, les arguments de la requérante ne sont pas susceptibles de démontrer une dénaturation des éléments de preuve par le Tribunal de la fonction publique.

57      S’agissant de l’appréciation par le Tribunal de la fonction publique du moyen tiré du détournement de pouvoir, la requérante reproche audit Tribunal, notamment, d’avoir dénaturé, au point 92 de l’arrêt attaqué, la lettre du 17 septembre 2008 en ne citant qu’une partie de son texte et en omettant le passage « à la suite de l’expression de la perte de confiance par certains des membres non inscrits ». Toutefois, la requérante n’explique pas dans quelle mesure la citation abrégée de ce texte pourrait avoir eu une incidence sur l’appréciation effectuée par le Tribunal de la fonction publique du bien-fondé du moyen en cause. Dès lors, cet argument doit être rejeté.

58      En outre, c’est de manière très peu intelligible que la requérante fait grief au Tribunal de la fonction publique, premièrement, de s’être fondé sur la lettre du 21 janvier 2009 du coordonnateur des membres non inscrits, qui, « d’une part, n’éman[ait] pas de l’autorité compétente pour énoncer les motifs de la décision [litigieuse] et, d’autre part, n’a[vait] pas été établie [in] tempore non suspecto étant donné qu’elle [était] postérieure à l’ensemble du litige et à l’introduction de la requête en première instance » et, deuxièmement, de s’être néanmoins appuyé, aux points 98 et 99 de l’arrêt attaqué, sur cette lettre pour conclure au rejet du moyen tiré du détournement de pouvoir en considérant que « les faits justifiant, selon ledit coordonnateur [des membres non inscrits], le licenciement de la requérante se sont déroulés dans un contexte différent de celui des faits ayant été à l’origine de l’enquête en cause, ces faits s’étant déroulés, de plus, à une date ultérieure ».

59      Indépendamment des difficultés de compréhension que ce grief pose, la requérante n’a pas démontré en quoi cette appréciation du Tribunal de la fonction publique relève d’une dénaturation de certains éléments de preuve capable d’avoir une incidence sur sa conclusion quant à l’absence d’un détournement de pouvoir. Cela est d’autant plus vrai que, en substance, le Tribunal de la fonction publique a constaté lui-même que les faits en cause étaient postérieurs à l’adoption de la décision litigieuse, de sorte qu’ils ne pouvaient être révélateurs d’un éventuel détournement de pouvoir intervenu au moment de cette adoption.

60      Par conséquent, le troisième moyen doit être rejeté également, en tant qu’il est tiré d’une dénaturation des éléments de preuve.

61      Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le pourvoi dans son intégralité.

 Sur les dépens

62      Conformément à l’article 148, premier alinéa, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, le Tribunal statue sur les dépens.

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, premier alinéa, du même règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 144 de celui-ci, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      La requérante ayant succombé en ses conclusions et le Parlement ayant conclu en ce sens, la requérante supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement dans le cadre de la présente instance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (chambre des pourvois)

déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      Mme P supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par le Parlement européen dans le cadre de la présente instance.

Jaeger

Azizi

Moavero Milanesi

Signatures

Table des matières

Faits à l’origine du litige et procédure en première instance

Arrêt attaqué

Sur le pourvoi

Procédure

Conclusions des parties

En droit

Résumé des moyens de pourvoi

Sur les premier, deuxième et troisième moyens, en tant qu’ils sont tirés d’une erreur de droit, d’une motivation contradictoire, erronée et insuffisante de l’arrêt attaqué, d’une méconnaissance du système de séparation des fonctions et de l’équilibre institutionnel entre l’administration et le juge de l’Union, d’une méconnaissance de l’article 26 du statut et d’une violation du droit à une protection juridictionnelle effective

Sur le troisième moyen, en tant qu’il est tiré de la dénaturation des éléments de preuve

Sur les dépens


* Langue de procédure : le français.