Language of document : ECLI:EU:T:2017:170

Édition provisoire

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

14 mars 2017 (*)

« Référé – Financement d’un parti politique – Droit institutionnel – Garantie bancaire – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑48/17 R,

Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ADDE), établie à Bruxelles (Belgique), représentée par Me L. Defalque, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté par Mmes C. Burgos et S. Alves, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur les articles 278 et 279 TFUE et tendant à l’octroi de mesures provisoires visant à obtenir la dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du préfinancement de la subvention résultant de la décision FINS-2017-13 du Parlement, du 15 décembre 2016, relative au financement alloué à la requérante,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige, procédure et conclusions des parties

1        Le 21 novembre 2016, le Parlement européen a décidé que la requérante, Alliance for Direct Democracy in Europe ASBL (ADDE), était redevable d’une somme de 172 654,92 euros, en raison d’un usage prétendument illégal des fonds qu’il lui avait versés pour l’année 2015 (ci-après la « décision du 21 novembre 2016 »).

2        Dans sa décision FINS-2017-13, du 15 décembre 2016, le Parlement a fixé à 1 102 642,71 euros le montant maximal du financement qu’il entendait verser à la requérante pour l’année 2017, dont la somme de 363 872,09 euros, qui devait être versée à la requérante en tant que préfinancement à condition que celle-ci constituât une garantie bancaire à première demande couvrant le montant du préfinancement (ci-après la « décision attaquée »).

3        Par la suite, la requérante s’est adressée à sa banque habituelle. Les échanges entre la requérante et cette banque ont abouti à la lettre de cette dernière, en date du 20 janvier 2017, par laquelle elle a constaté ce qui suit :

« Sur base de toutes ces informations, nous ne pouvons donc pas donner suite à l’émission d’une quelconque garantie bancaire. »

4        Dans l’exposé des éléments pris en considération par la banque aux fins de décider de l’octroi d’une garantie bancaire figurent les deux paragraphes suivants :

« Lors de notre entrevue, vous nous avez aussi confirmé que plus aucune somme ne serait perçue de la part du [P]arlement européen et ceci, sur base des termes de votre mail du 13/1/2017, rend ‘‘le fonctionnement de l’ADDE impossible’’.

Dans le même mail, vous estimez de plus que l’émission d’une garantie bancaire telle qu’exigée par la DG Finance n’est pas réaliste. »

5        Par requête, déposée au greffe du Tribunal le 27 janvier 2017, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision du 21 novembre 2016 et de la décision attaquée.

6        Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 27 janvier 2017, la requérante a introduit la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de la dispenser de l’obligation de fournir au Parlement une garantie bancaire à première demande.

7        Dans ses observations sur la demande en référé, déposées au greffe du Tribunal le 13 février 2017, le Parlement conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter cette demande ;

–        réserver les dépens.

 En droit

8        Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires, et ce en application de l’article 156 du règlement de procédure du Tribunal. Néanmoins, l’article 278 TFUE pose le principe du caractère non suspensif des recours, les actes adoptés par les institutions de l’Union européenne bénéficiant d’une présomption de légalité. Ce n’est donc qu’à titre exceptionnel que le juge des référés peut ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire des mesures provisoires (ordonnance du 19 juillet 2016, Belgique/Commission, T‑131/16 R, EU:T:2016:427, point 12).

9        L’article 156, paragraphe 4, première phrase, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier « l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent ».

10      Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents, en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui les sollicite, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets avant la décision au principal. Ces conditions sont cumulatives, de telle sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (voir ordonnance du 2 mars 2016, Evonik Degussa/Commission, C‑162/15 P‑R, EU:C:2016:142, point 21 et jurisprudence citée).

11      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement (voir ordonnance du 19 juillet 2012, Akhras/Conseil, C‑110/12 P(R), non publiée, EU:C:2012:507, point 23 et jurisprudence citée).

12      Compte tenu des éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

13      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

14      Afin de vérifier si les mesures provisoires demandées sont urgentes, il convient de rappeler que la finalité de la procédure en référé est de garantir la pleine efficacité de la future décision définitive, afin d’éviter une lacune dans la protection juridique assurée par le juge de l’Union. Pour atteindre cet objectif, l’urgence doit s’apprécier au regard de la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la protection provisoire. Il appartient à cette partie d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours au fond sans subir un préjudice grave et irréparable (voir ordonnance du 14 janvier 2016, AGC Glass Europe e.a./Commission, C‑517/15 P‑R, EU:C:2016:21, point 27 et jurisprudence citée).

15      Lorsque le préjudice invoqué est d’ordre financier, les mesures provisoires sollicitées se justifient s’il apparaît que, en l’absence de ces mesures, la partie qui les sollicite se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril sa viabilité financière avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure au fond ou que ses parts de marché seraient modifiées de manière importante au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de son entreprise ainsi que, le cas échéant, des caractéristiques du groupe auquel elle appartient (voir ordonnance du 12 juin 2014, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P‑R, EU:C:2014:1749, point 46 et jurisprudence citée).

16      S’agissant plus particulièrement des demandes visant à la dispense de l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant d’une amende infligée par la Commission européenne, il ressort de la jurisprudence qu’une telle demande ne peut être accueillie qu’en présence de circonstances exceptionnelles [voir, en ce sens, ordonnance du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée, EU:C:2010:242, point 43 et jurisprudence citée].

17      Certes, en l’espèce, l’obligation de constituer une garantie bancaire s’insère dans le cadre juridique relatif au financement d’un parti politique.

18      Toutefois, cette différence de cadre juridique sous-jacent n’exclut pas de transposer les principes dégagés par la jurisprudence citée au point 16 ci-dessus au cas d’espèce. Cela vaut d’autant plus que tant la requérante que le Parlement s’expriment en ce sens.

19      S’agissant de la réserve formulée par le Parlement en ce que ces principes devraient être d’une application particulièrement stricte en l’espèce, puisque la requérante cherche à obtenir des fonds provenant du budget de l’Union, il suffit de constater que, même sur la base des principes tels que dégagés par la jurisprudence en matière de concurrence, la demande de la requérante ne saurait prospérer.

20      En effet, l’existence de circonstances exceptionnelles, telle qu’exigée par la jurisprudence rappelée au point 16 ci-dessus, peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de constituer la garantie bancaire requise apporte la preuve, soit qu’il lui est objectivement impossible de constituer cette garantie, soit que sa constitution mettrait en péril son existence (voir, en ce sens, ordonnance du 13 avril 2011, Westfälische Drahtindustrie e.a./Commission, T‑393/10 R, EU:T:2011:178, point 23).

21      Or, la requérante n’établit pas, ni même invoque, le fait que la constitution d’une garantie bancaire mettrait en péril son existence et n’apporte pas la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer une telle garantie.

22      À ce dernier égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, le contenu des lettres de refus des banques doit permettre au juge des référés de vérifier le caractère sérieux des demandes correspondantes et le contexte dans lequel elles s’inscrivent. En principe, il incombe donc à la partie qui sollicite les mesures provisoires de fournir, au stade de l’introduction de la demande en référé, des informations claires et suffisamment complètes concernant les lettres de refus provenant des banques dont elle se prévaut en vue de démontrer qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise [voir, en ce sens, ordonnance du 20 avril 2012, Fapricela/Commission, C‑507/11 P(R), non publiée, EU:C:2012:231, point 55].

23      Or, dans la lettre de refus de la seule banque que la requérante a sollicitée, figure, parmi les autres constatations conduisant au refus, le constat suivant :

« Dans le même mail, vous estimez de plus que l’émission d’une garantie bancaire telle qu’exigée par la DG Finance n’est pas réaliste. »

24      Dans ces conditions, il ne saurait être conclu au caractère sérieux des démarches entreprises par la requérante aux fins d’obtenir une garantie bancaire.

25      Il résulte de ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin d’examiner si la condition tenant à l’existence d’un fumus boni juris est remplie, ni de procéder à la mise en balance des intérêts.

26      En vertu de l’article 158, paragraphe 5, du règlement de procédure, il convient de réserver les dépens.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.



2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 14 mars 2017.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

M. Jaeger


*      Langue de procédure : l’anglais.