Language of document : ECLI:EU:T:2003:111

ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

10 avril 2003 (1)

«Responsabilité non contractuelle - Directive 89/104/CEE - Marques - Symbole officiel de l'euro»

Dans l'affaire T-195/00,

Travelex Global and Financial Services Ltd, anciennement Thomas Cook Group Ltd, établie à Londres (Royaume-Uni),

Interpayment Services Ltd, établie à Londres,

représentées par Mes C. Delcorde et D. Alexander, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mme K. Banks, en qualité d'agent, assistée de Me R. Z. Swift, avocat, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande en indemnité tendant à la réparation du préjudice qu'auraient subi les requérantes du fait de l'adoption, de l'utilisation et de la promotion par la Commission du symbole officiel de l'euro, prétendument identique substantiellement à une marque graphique enregistrée par les requérantes,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de MM. J. D. Cooke, président, R. García-Valdecasas et Mme P. Lindh, juges,

greffier: M. J. Plingers, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l'audience du 20 juin 2002,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

1.
    Thomas Cook Group Ltd (devenu Travelex Global and Financial Services Ltd) (ci-après «Thomas Cook») et sa filiale, Interpayment Services Ltd (ci-après «ISL»), sont deux sociétés de droit anglais qui exercent leurs activités dans les secteurs des services financiers, des voyages internationaux et des services mondiaux de voyage. ISL exerce ses activités par l'intermédiaire d'institutions financières et d'agences de voyages qui distribuent et vendent ses chèques de voyage aux utilisateurs finaux avec lesquels elle ne traite pas directement.

2.
    Au sein de l'Union européenne, ISL a enregistré une marque, comprenant un signe figuratif, en 1991 en Italie, en 1992 en Allemagne, en Espagne et en Suède ainsi que, en 1993, au Royaume-Uni. Le signe figuratif de la marque d'ISL est représenté par un «C» ou un croissant traversé horizontalement en son milieu par deux traits parallèles et incurvés.

Signe figuratif d'ISL

image: euro

3.
    L'enregistrement de ces marques a été obtenu pour les produits et services relevant des classes 16 et 36 au sens de l'arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l'enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour ces deux classes, à la description suivante:

- classe 16:    «Chèques, chèques de voyages, cartes utilisables comme cartes de crédit, publications imprimées»;

- classe 36:    «Services bancaires et financiers».

4.
    Selon les requérantes, le signe figuratif d'ISL n'est pas reproduit sur les chèques de voyages qu'elle commercialise, mais est utilisé dans le cadre des transactions commerciales d'ISL avec ses intermédiaires commerciaux. Les requérantes ont fourni divers exemples de publications à destination de ces intermédiaires parmi lesquels figurent, notamment, des communiqués, un contrat, des spécimens de papier à lettres.

5.
    Le symbole officiel de l'euro a été dessiné par les services de la Commission en 1996 en vue de l'introduction de l'euro. La Commission a décidé que la nouvelle monnaie devait avoir son symbole officiel afin de lui donner, sur le plan politique, une valeur symbolique et afin de faciliter sa distinction avec les autres monnaies. Le symbole officiel de l'euro a été présenté aux chefs d'État ou de gouvernement des États membres et à la presse lors du conseil européen de Dublin des 13 et 14 décembre 1996.

6.
    Par lettre du 8 septembre 1998 , les conseils de Thomas Cook ont écrit à la Commission. Cette lettre mentionne notamment:

«Interpayment Services Ltd, filiale de Thomas Cook, est le propriétaire du symbole et de la marque INTERPAYMENT, déposés dans 25 pays, dont certains de l'Union européenne, pour des services bancaires et financiers. Les premiers enregistrements de ces marques remontent à 1989. Un spécimen du symbole présenté à côté de celui de l'euro proposé par la Commission est joint en annexe. Vous pouvez constater que le symbole proposé par la Commission est quasiment identique à celui de Thomas Cook.

La promotion du symbole de l'euro par la Commission porte atteinte aux droits de propriété de Thomas Cook sur la marque et à la valeur de cet actif incorporel. Nous avons l'honneur de demander une réunion avec vos services à votre meilleur convenance pour en débattre.»

7.
    Par lettre du 23 septembre 1998, la Commission a répondu au courrier du 8 septembre 1998 en ces termes:

«Il convient d'observer que la Commission ne poursuit aucun objectif commercial par l'usage du symbole de l'euro.

Il ressort des documents que vous nous avez transmis que le symbole de l'euro diffère grandement du symbole utilisé par Thomas Cook, celui-ci ne comprenant pas deux lignes horizontales et ressemblant plus à la lettre ‘C’ qu'à la lettre ‘E’.

Dans la mesure où nous sommes d'avis que l'usage du symbole de l'euro ne porte atteinte à aucun droit de propriété de Thomas Cook sur la marque, il n'y a pas lieu à réunion pour débattre à ce sujet.»

8.
    Les conseils de Thomas Cook et la Commission ont échangé plusieurs correspondances entre le 24 septembre 1998 et le 13 avril 1999 dans lesquels ils ont respectivement maintenu leur position.

9.
    Aucune réunion n'a eu lieu entre les requérantes et la Commission.

Procédure

10.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 26 juillet 2000, les requérantes ont introduit le présent recours.

11.
    La procédure écrite a été close en date du 8 juin 2001.

12.
    Par lettre du 24 juillet 2001 adressée au greffe du Tribunal, les requérantes ont, d'une part, fait valoir que la Commission avait invoqué deux nouveaux moyens dans sa duplique et, d'autre part, demandé que soit rectifiée l'erreur de référence à une annexe citée dans leurs écrits.

13.
    Par lettre du 25 octobre 2001 adressée au greffe du Tribunal, la Commission s'est opposée aux allégations et demande présentées par les requérantes dans leur lettre du 24 juillet 2001.

14.
    Le greffe du Tribunal a, par lettres des 8 août et 16 novembre 2001, informé les parties que les deux lettres susvisées étaient versées au dossier, qu'elles auraient l'opportunité de revenir sur ces points lors de l'audience et qu'il serait statué ultérieurement sur leurs demandes.

15.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (cinquième chambre) a, d'une part, décidé d'ouvrir la procédure orale et, d'autre part, invité les parties à produire certains documents et informations avant l'audience. La Commission a notamment été invitée à commenter la rectification opérée par les requérantes dans leur lettre du 24 juillet 2001 concernant une référence à une annexe. Les parties ont satisfait à ces demandes dans le délai qui leur avait été imparti.

16.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l'audience publique du 20 juin 2002.

17.
    Lors de l'audience, les parties sont convenues qu'il ne doit être statué, dans le cadre du présent arrêt, que sur l'existence d'une responsabilité de la Commission sans qu'il soit, en tout état de cause, utile de se prononcer à ce stade sur l'évaluation pécuniaire d'un éventuel préjudice.

Conclusions des parties

18.
    Les requérantes concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    condamner la Communauté à leur verser la somme de 25,5 millions de livres sterling (GBP) majoré d'intérêts au taux de 6 % l'an à compter de la date de prononcé du présent arrêt;

-    condamner la défenderesse aux dépens.

19.
    La défenderesse conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

-    déclarer irrecevables le moyen des requérantes relatif à l'atteinte aux droits de marque et, pour autant qu'ils soient fondés sur l'allégation d'atteinte aux droits de marque, les griefs des requérantes relatifs à la méconnaissance illégale de leurs droits et à l'expropriation;

-    pour le surplus, rejeter le recours comme non fondé;

-    condamner les requérantes aux dépens.

Sur la recevabilité

20.
    La Commission, sans soulever formellement une exception d'irrecevabilité au titre de l'article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, soutient que le moyen et les griefs des requérantes relatifs à une atteinte aux droits de marque sont irrecevables en application de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal.

21.
    Par ailleurs, les requérantes ont allégué que la Commission a soulevé deux nouveaux moyens dans sa duplique, lesquels seraient irrecevables. Elles ont également indiqué qu'elles ont commis une erreur de référence à une annexe de la requête. La Commission a avancé qu'elle n'a pas invoqué de nouveaux moyens dans sa duplique et qu'elle s'opposait à la recevabilité de la correction apportée par les requérantes concernant une référence à une annexe de la requête.

22.
    Il convient de procéder à l'examen de ces arguments.

Sur la recevabilité du moyen et des griefs tirés d'une atteinte aux droits de marque

23.
    La Commission rappelle qu'une requête adressée au Tribunal doit contenir un exposé sommaire des moyens invoqués et que ceux-ci doivent être exposés de manière suffisamment précise concernant, notamment, les règles de droit invoquées.

24.
    Or, alors qu'une atteinte à des droits de marque relatifs à des marques nationales relèverait du droit des marques des États concernés, les requérantes n'auraient pas indiqué quelles sont les marques nationales et les dispositions nationales éventuellement concernées. La seule base légale invoquée par les requérantes à l'appui de leur moyen tiré d'une atteinte aux droits de marque serait l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive 89/104/CEE du Conseil, du 21 décembre 1988, rapprochant les législations des État membres sur les marques (JO 1989, L 40, p. 1, ci-après la «première directive marque»).

25.
    En considération de ce qui précède et étant considéré qu'il ne lui incombe pas de procéder aux recherches nécessaires à l'identification des droits de marque concernés, la Commission estime qu'elle ne peut se prononcer de manière définitive sur la requête. Par conséquent, elle considère que doivent être déclarés irrecevables les moyens des requérantes tirés, d'une part, d'une atteinte aux droits de marque et, d'autre part, de la violation de principes généraux de droit et d'une expropriation dans la mesure où ces derniers sont fondés sur l'allégation d'atteinte aux droits de marque.

26.
    Le Tribunal rappelle que, en vertu de l'article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, toute requête doit indiquer l'objet du litige et l'exposé sommaire des moyens invoqués. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autres informations à l'appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu'un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d'une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (arrêt du Tribunal du 29 janvier 1998, Dubois et Fils/Conseil et Commission, T-113/96, Rec. p. II-125, point 29).

27.
    Pour satisfaire à ces exigences, une requête visant à la réparation de dommages causés par une institution communautaire doit contenir les éléments qui permettent d'identifier le comportement que la partie requérante reproche à l'institution, les raisons pour lesquelles elle estime qu'un lien de causalité existe entre le comportement et le préjudice qu'elle prétend avoir subi ainsi que le caractère et l'étendue de ce préjudice (arrêt Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité, point 30).

28.
    Or, en l'espèce, la requête répond à ces exigences minimales en ce qui concerne le moyen et les griefs tirés d'une atteinte aux droits de marque. En effet, il ressort des écrits des requérantes qu'elles entendent voir engager la responsabilité de la Communauté pour obtenir la réparation du préjudice allégué, à savoir la perte de la fonction essentielle et de la valeur de la marque d'ISL. Ce préjudice prétendument subi du fait de l'adoption et de l'utilisation du symbole officiel de l'euro serait, selon les requérantes, imputable à la Commission. Celle-ci aurait causé le préjudice allégué, notamment, en ne respectant pas les droits de marque que ISL détient sur son signe figuratif tels que définis à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque.

29.
    La requête apporte donc, contrairement à l'allégation de la Commission, des précisions formellement suffisantes sur le fondement juridique de la demande relative à l'atteinte aux droits de marque, de sorte que ce moyen d'irrecevabilité n'est pas fondé.

30.
    À cet égard, il importe de constater que l'argument de la Commission selon lequel les requérantes auraient dû invoquer les dispositions des droits nationaux pertinents en l'espèce se réfère aux conditions nécessaires à la mise en oeuvre de la responsabilité de la Communauté et ne relève donc pas de l'examen de la recevabilité. L'examen de cet argument est donc lié à celui du fond du litige.

Sur la recevabilité des deux prétendus nouveaux moyens soulevés par la Commission dans sa duplique

31.
    Les requérantes reprochent à la Commission d'avoir répondu aux moyens tirés d'une violation de principes généraux de droit communautaire, d'une expropriation et d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques seulement au stade de la duplique alors qu'elle aurait dû le faire au stade de la défense afin de leur permettre de répondre à cette argumentation dans leur réplique.

32.
    Elles reprochent également à la Commission d'avoir, pour la première fois, invoqué l'argument relatif à la «dilution» de la marque d'ISL dans sa duplique.

33.
    Le Tribunal rappelle que, aux termes de l'article 48, paragraphe 2, premier alinéa, du règlement de procédure du Tribunal, la production de nouveaux moyens en cours d'instance est interdite, à moins que ces moyens ne se fondent sur des éléments de droit ou de fait qui se sont révélés pendant la procédure.

34.
    À cet égard, il a d'ailleurs été jugé qu'un moyen qui constitue une ampliation d'un moyen énoncé antérieurement, directement ou implicitement, et qui présente un lien étroit avec celui-ci doit être déclaré recevable (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 26 octobre 2000, Asia Motor France e.a./Commission, T-154/98, Rec. p. II-3453, point 42).

35.
    S'agissant, premièrement, du moyen tiré d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques, il convient de relever que la Commission y a répondu dans la partie C de son mémoire en défense intitulée «Responsabilité du fait d'un acte licite».

36.
    Concernant, deuxièmement, les moyens tirés, d'une part, d'une violation de principes généraux de droit communautaire et, d'autre part, d'une expropriation, la Commission a indiqué, dans son mémoire en défense, que chacune de ces prétendues illégalités repose sur l'affirmation des requérantes selon laquelle la Commission a violé le droit de marque d'ISL et/ou a fait preuve de négligence en ne procédant pas à une recherche d'antériorité avant d'adopter le symbole officiel de l'euro. Selon la Commission, cette analyse des arguments des requérantes est également une conséquence inévitable du fait que le droit de marque définit le champ d'application des droits acquis et les limites de la propriété intellectuelle dont ISL aurait prétendument été expropriée.

37.
    La Commission annonce ensuite que, dans la suite de son exposé, elle démontrera qu'il n'a été porté atteinte à aucun droit de marque relatif à une marque valide et que l'absence de recherches d'antériorité n'est pas un signe de négligence.

38.
    Il apparaît donc, tel que la Commission l'a fait valoir, qu'elle a considéré que le bien-fondé de ces moyens est lié à celui tiré d'une atteinte aux droits qu'ISL détient sur sa marque.

39.
    S'agissant de ces deux premiers arguments de la Commission, les requérantes ne sauraient donc valablement contester, au stade de l'examen de la recevabilité, le choix opéré par la Commission dans l'organisation de ses arguments en réponse à ceux avancés par les requérantes.

40.
    Concernant, troisièmement, l'allégation des requérantes selon laquelle la Commission aurait soulevé, dans sa duplique, un nouvel argument relatif à la «dilution» de la marque d'ISL, il ressort clairement de la duplique que c'est en réponse aux arguments invoqués par les requérantes dans leur réplique (point 21) que la Commission a jugé nécessaire de traiter du problème de la «dilution» de la marque d'ISL.

41.
    Il s'ensuit que les requérantes ne sauraient pas davantage, au stade de l'examen de la recevabilité, contester l'analyse juridique, éventuellement différente de la leur, de leurs arguments par la Commission.

42.
    En tout état de cause, il ne saurait être considéré que le principe du contradictoire ait été en l'espèce violé, les requérantes ayant eu l'opportunité, lors de l'audience, de revenir sur les prétendus nouveaux arguments invoqués par la Commission dans sa duplique.

43.
    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter les allégations des requérantes relatives à la prétendue invocation par la Commission de nouveaux moyens dans sa duplique.

Sur la recevabilité de la correction de la référence à une annexe citée dans la requête

44.
    Les requérantes ont, dans leur lettre du 24 juillet 2001, signalé qu'elles avaient commis une erreur de référence à une des annexes de leur mémoire. Elles ont, en effet, allégué dans leurs écrits que la marque d'ISL, représentée par son seul signe figuratif, avait fait l'objet d'un enregistrement dans plusieurs États membres. Toutefois, la preuve de cet enregistrement ne serait pas contenue à l'annexe 3 de la requête, comme elles l'ont indiqué, mais à l'annexe 1 de l'annexe 21 de la requête et à l'annexe 1 de la réplique. L'annexe 3 de la requête contiendrait, en effet, la seule liste des pays dans lesquels a été enregistrée la marque d'ISL représentée par le signe figuratif d'ISL combiné au vocable «Interpayment».

45.
    La Commission répond, en substance, que les requérantes ont procédé à une modification substantielle de leur demande en faisant valoir, par le biais d'une correction d'une référence à une annexe, que la marque concernée par leur recours est représentée par le seul signe figuratif d'ISL et non plus, tel qu'elles l'auraient précédemment allégué, par le signe figuratif d'ISL combiné au vocable «Interpayment».

46.
    Le Tribunal constate que les requérantes ont indiqué dans leur requête qu'ISL a obtenu, tout d'abord, l'enregistrement de son signe figuratif en combinaison avec le vocable «Interpayment» puis l'enregistrement de son seul signe figuratif dans les pays et pour les classes énumérés à l'annexe 3 de ce mémoire et qu'elles se réfèrent uniquement, dans la suite de leur requête, à la marque d'ISL représentée par son seul signe figuratif.

47.
    Il y a également lieu de relever que, dans leur réplique, les requérantes ont précisé, d'une part, qu'il avait été procédé à trois types d'enregistrement, à savoir l'enregistrement du signe figuratif en combinaison avec le vocable «Interpayment», l'enregistrement du seul signe figuratif et l'enregistrement du seul vocable «Interpayment», d'autre part, que le recours ne vise que la marque ayant fait l'objet de ce deuxième type d'enregistrement, à savoir l'enregistrement du signe figuratif d'ISL, et, enfin que l'annexe 3 ne concerne que l'enregistrement du signe figuratif.

48.
    Il s'ensuit que, en dépit de la tardiveté des requérantes à procéder à cette correction, il n'en demeure pas moins que leur recours visait la marque d'ISL représentée par le seul signe figuratif, contrairement à ce qu'allègue la Commission.

49.
    Dans ces circonstances, dès lors que l'annexe qui aurait dû être invoquée en lieu et place de l'annexe 3 de la requête est l'annexe 21 de la requête, laquelle ne constitue pas une offre de preuve tardive au sens de l'article 48, paragraphe 1, du règlement de procédure, la rectification opérée par les requérantes dans leur lettre du 24 juillet 2001 concernant le numéro de l'annexe invoquée n'est pas de nature à constituer une modification substantielle de leur demande au cours de la procédure.

50.
    De surcroît, il convient de rappeler que le Tribunal a mis en mesure la Commission, par écrit avant l'audience puis lors de l'audience, de présenter ses observations sur cette correction, respectant de ce fait le principe du contradictoire et les droits de la défense.

51.
    Lors de l'audience, la Commission a, par ailleurs, indiqué que, en dépit de la modification substantielle de l'objet de la demande résultant de cette correction, elle considérait, aux fins de ses plaidoiries, que le recours de la requérante visait la marque d'ISL représentée par son seul signe figuratif.

52.
    Il s'ensuit que les arguments de la Commission sur ce point doivent être rejetés.

Sur le fond

53.
    Selon une jurisprudence constante, le recours en indemnité doit tendre à la réparation d'un préjudice procédant d'actes, d'omissions d'adopter de tels actes ou de comportements illégaux des institutions communautaires (arrêts de la Cour du 5 octobre 1988, Hamill/Commission, 180/87, Rec. p. 6141; du 19 mai 1992, Mulder e.a./Conseil et Commission, C-104/89 et C-37/90, Rec. p. I-3061, et arrêt Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité).

54.
    À cet égard, en matière de responsabilité extracontractuelle de la Communauté, un droit à réparation est reconnu par le droit communautaire dès lors que trois conditions sont réunies, à savoir que la règle de droit violée ait pour objet de conférer des droits aux particuliers et que sa violation soit suffisamment caractérisée, que la réalité du dommage soit établie et, enfin, qu'il existe un lien de causalité direct entre la violation imputable à la Communauté et le dommage subi par les personnes lésées (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 4 juillet 2000, Bergaderm et Goupil/Commission, C-352/98 P, Rec. p. I-5291, point 42).

55.
    À l'appui de leur recours en indemnité formé en vertu de l'article 288, paragraphe 2, CE, les requérantes invoquent plusieurs moyens tirés, premièrement, d'une atteinte aux droits de marque d'ISL, deuxièmement, d'une violation de principes généraux de droit communautaire et, troisièmement, d'une expropriation. Les requérantes invoquent également un moyen tiré d'une rupture de l'égalité devant les charges publiques.

Sur la responsabilité à raison de la prétendue illégalité du comportement de la Commission

56.
    Les requérantes affirment, en substance, que le signe figuratif d'ISL est utilisé à travers le monde pour désigner et distinguer les activités d'ISL dans le secteur des services financiers et que le symbole officiel de l'euro, adopté, utilisé et promu par la Commission présente une similitude visuelle indéniable avec le signe figuratif d'ISL. Elles estiment que l'utilisation, largement répandue, du symbole officiel de l'euro a fait perdre au signe figuratif d'ISL son caractère distinctif, voire même sa validité, et que la marque d'ISL ne peut plus exercer sa fonction essentielle. À cet égard, les requérantes relèvent que la Commission n'a, lors de la mise en vigueur du symbole officiel de l'euro, procédé à aucune recherche d'antériorité qui lui aurait permis d'être informée de l'existence du signe figuratif d'ISL. Elles constatent également que la Commission a manqué à son obligation de respecter leurs droits et intérêts patrimoniaux.

57.
    Le Tribunal constate que l'examen auquel il convient de procéder en l'espèce est donc celui de la régularité du comportement de la Commission en ce qu'elle a adopté, utilisé et incité les tiers à utiliser le symbole officiel de l'euro.

58.
    Concernant le processus d'adoption du symbole officiel de l'euro, il ressort du dossier que divers exemples de représentations graphiques de celui-ci ont été dessinés par les services de la Commission et, plus précisément, par les services de la direction générale «Information, communication, culture, audiovisuel» et que lesdites représentations ont été soumises à un panel de citoyens européens qui en a sélectionné deux. Le président de la Commission et un membre de la Commission ont effectué le choix final du symbole officiel désignant la monnaie unique. Le choix de ce symbole officiel s'inscrit dans le cadre du programme de communication intitulé «Euro, une monnaie pour l'Europe». La communication de la Commission COM (97) 418 du 23 juillet 1997 sur l'utilisation du symbole de l'euro constitue l'un des aspects techniques de l'introduction de l'euro.

Sur le premier moyen, tiré d'une atteinte aux droits de marque

- Arguments des parties

59.
    Les requérantes, se référant à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, font valoir que la Commission a porté et continue à porter atteinte aux droits de marque d'ISL, étant considéré que, pour l'essentiel, il y a similitude entre le symbole officiel de l'euro et le signe figuratif d'ISL, qu'elle a utilisé et incité des tiers à utiliser ce signe dans la vie des affaires sans le consentement d'ISL et qu'il existe une probabilité de confusion et d'association entre le symbole officiel de l'euro et le signe figuratif d'ISL.

60.
    Elles rappellent que l'enregistrement des marques ISL a porté sur trois marques distinctes à savoir, en premier lieu, le vocable «Interpayment», en deuxième lieu, le signe figuratif d'ISL et, en troisième lieu, le signe figuratif d'ISL combiné au vocable «Interpayment» et que leur recours concerne l'enregistrement de la deuxième marque, c'est-à-dire du seul signe figuratif d'ISL.

61.
    Les requérantes font valoir que la Commission n'a pas contesté qu'elles n'avaient pas donné leur consentement à l'usage du symbole officiel de l'euro.

62.
    Concernant, premièrement, l'usage du symbole officiel de l'euro, elles estiment que la thèse de la Commission, selon laquelle son utilisation et son incitation à l'utilisation du symbole officiel de l'euro ne répondent pas à des objectifs économiques et, partant, à une utilisation dans la vie des affaires, est trop restrictive dans la mesure où toute utilisation dans un contexte commercial ou économique correspond à une utilisation de la marque dans la vie des affaires.

63.
    Les concurrents directs des requérantes utiliseraient, en effet, le symbole officiel de l'euro sur leurs chèques de voyage en euro et ce signe ferait, plus généralement, l'objet d'une utilisation dans les secteurs des services financiers et du tourisme. En outre, la Commission aurait utilisé et incité les tiers à utiliser le symbole officiel de l'euro dans un contexte commercial et non seulement pour désigner une monnaie. Ainsi, le fait d'encourager la reproduction du symbole officiel de l'euro sur des chapeaux ou des écharpes serait une activité commerciale, indépendamment de l'objectif poursuivi, à savoir le lancement du symbole d'une nouvelle monnaie.

64.
    À cet égard, les requérantes rappellent que l'article 5, paragraphe 3, sous a), de la première directive marque interdit expressément d'apposer le signe enregistré sur des produits. Or, la Commission aurait reconnu avoir fait apposer le symbole officiel de l'euro sur un grand nombre de produits, quoique uniquement dans un but promotionnel.

65.
    Les requérantes relèvent d'ailleurs que la Commission a, dans ce contexte, mis en oeuvre toutes les techniques commerciales d'une campagne de promotion d'une nouvelle marque.

66.
    Elles en concluent que le comportement de la Commission a pour résultat la perte du caractère distinctif de leur marque, la privation de sa fonction essentielle et donc la perte de la valeur du signe figuratif d'ISL.

67.
    Concernant, deuxièmement, la condition tenant à la similitude des signes, les requérantes font valoir que l'impression générale donnée par la comparaison entre le signe figuratif d'ISL et le symbole officiel de l'euro est celle d'une forte similitude. À cet égard, la Commission ne remettrait d'ailleurs pas en cause les avis émis par les trois experts en droit des marques mandatés par les requérantes qui ont considéré que les signes en cause étaient en grande partie similaires.

68.
    S'agissant, troisièmement, du risque de confusion, les requérantes indiquent qu'il a été jugé qu'une confusion, susceptible d'entraîner une action judiciaire, pouvait naître dès lors que le consommateur ne considérait plus la marque comme un élément caractéristique du titulaire de celle-ci et se réfère à cet égard à l'arrêt d'une juridiction britannique (Provident Financial PLC/Halifax Building Society, High Court, FSR 1994, p. 81). En l'espèce, le problème résiderait non pas dans le fait que des personnes puissent imaginer acheter les produits des requérantes lorsque des produits seront recouverts du symbole officiel de l'euro, mais dans le fait que les clients d'ISL cesseront d'associer le signe figuratif d'ISL avec les produits ISL, lequel perdra, de ce fait, la totalité de son caractère distinctif ainsi que sa fonction essentielle.

69.
    Concernant, quatrièmement, la condition de notoriété, les requérantes allèguent que, bien que les marques utilisées dans le commerce inter-entreprises se distinguent de celles utilisées dans les relations avec le grand public, elles jouent un rôle indéniable dans la reconnaissance de l'origine, de la qualité et du caractère distinctif et peuvent, à ce titre, bénéficier des dispositions de la première directive marque. La neutralité de la marque d'ISL serait d'ailleurs l'image que la marque entendait véhiculer auprès de ses clients qui sont des professionnels.

70.
    La Commission avance, liminairement, que les dispositions applicables en l'espèce sont les législations de transposition adoptées par les États membres de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque dans les États dans lesquels la marque d'ISL a été enregistrée. Toutefois, dans un souci de simplification, elle annonce qu'elle présente ses arguments par référence audit article plutôt qu'aux dispositions nationales de transposition de ladite directive.

71.
    À cet égard, la Commission relève que la marque d'ISL déposée dans les États membres susmentionnés n'est pas constituée par son seul signe figuratif, mais par une combinaison de ce dernier et du vocable «Interpayment», contrairement à ce qu'allèguent les requérantes.

72.
    Or, le signe figuratif d'ISL étant toujours utilisé en combinaison avec le vocable «Interpayment» qui constitue l'élément dominant de cette marque, les entreprises et les professionnels en contact avec cette marque ne seraient pas susceptibles de la confondre avec le symbole officiel de l'euro.

73.
    Elle estime, à cet égard, que les requérantes n'ont pas rapporté la preuve établissant qu'elles satisfont aux conditions de protection des droits du titulaire d'une marque enregistrée au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque.

74.
    S'agissant, premièrement, de la condition relative à l'usage dans la vie des affaires, la Commission fait valoir que, contrairement à l'allégation des requérantes, elle n'a jamais utilisé le symbole officiel de l'euro dans la vie des affaires, étant considéré que, en tant qu'organe exécutif d'une organisation supranationale, elle n'exerce pas d'activité commerciale. La Commission rappelle, à cet égard, que la seule utilisation qu'elle a faite du symbole officiel de l'euro en relation avec des biens et des services ne visait qu'à promouvoir l'idée de la nouvelle monnaie en distribuant gratuitement aux chefs d'État ou de gouvernement et à la presse des articles (chapeaux et écharpes) sur lesquels le symbole officiel de l'euro avait été reproduit. En tout état de cause, ces articles et les produits ou services relevant des classes 16 et 36 pour lesquels le signe figuratif d'ISL a été enregistré ne sont pas similaires.

75.
    En outre, il ressortirait de la communication du 23 juillet 1997 que la Commission utilise et incite les tiers à utiliser le symbole officiel de l'euro pour désigner la monnaie unique. Cette utilisation ne viserait donc pas à indiquer l'origine commerciale des biens ou services concernés mais uniquement à promouvoir la connaissance universelle du symbole officiel de l'euro.

76.
    La Commission souligne, à cet égard, que les requérantes ont reconnu au point 31 de leur requête que l'utilisation du symbole officiel de l'euro pour désigner une monnaie n'est pas équivalent à un usage dans la vie des affaires. En tout état de cause, à supposer que cet usage soit effectif dans la vie des affaires, celui-ci relèverait du champ d'application de l'exemption prévue à l'article 6, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque.

77.
    Concernant, deuxièmement, la renommée du signe figuratif d'ISL, la Commission signale qu'il ressort de la jurisprudence de la Cour que le degré du caractère distinctif et la renommée d'une marque déposée sont des éléments pertinents pour l'appréciation de la similitude et du risque de confusion (arrêts de la Cour du 11 novembre 1997, SABEL, C-251/95, Rec. p. I-6191, et du 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, Rec. p. I-5507). Or, en l'espèce, il ressortirait clairement des «Corporate Identity Interpayment Guidelines» que les marques des requérantes ne sont pas destinées au grand public, lequel ne serait d'ailleurs pas en mesure de les reconnaître, puisque le signe figuratif d'ISL ne figurerait pas sur les chèques de voyage Interpayment. La faiblesse de cette notoriété signifierait que le signe figuratif d'ISL ne peut se prévaloir que d'un faible degré de protection. La Commission avance que les requérantes ont d'ailleurs omis d'apporter la preuve que leurs clients considèrent le signe figuratif d'ISL comme un signe distinctif important de leur entreprise.

78.
    Enfin, la Commission constate que les requérantes ont utilisé la marque d'ISL au sein d'un groupe restreint d'entreprises et de professionnels qui n'auront aucun mal à distinguer le symbole officiel de l'euro du signe figuratif d'ISL.

79.
    S'agissant de la similitude des signes au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, la Commission considère qu'il n'existe tout au plus qu'une légère similitude entre le signe figuratif d'ISL et le symbole officiel de l'euro.

80.
    Quant au degré de similitude des biens et services, la Commission rappelle que la marque d'ISL n'est enregistrée que pour les classes 16 et 36 et que les requérantes ne fondent leur grief d'atteinte aux droits de marque que sur l'utilisation du symbole officiel de l'euro sur les chèques de voyage ainsi que dans le cadre de certains services financiers. Or, la Commission fait observer que les autres biens et services cités par les requérantes ne présenteraient aucune similitude avec les biens et services couverts par ces spécifications. Dès lors, toute apposition du symbole officiel de l'euro sur des biens différents de ceux couverts par la marque d'ISL ne serait pas pertinente au regard de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque et ne saurait, à cet égard, constituer une atteinte aux droits de marque.

81.
    S'agissant, enfin, de l'existence d'un risque de confusion, la Commission relève que, la marque d'ISL ne jouissant d'aucune renommée auprès du grand public, un tel risque ne peut pas exister au sein de cette catégorie de personnes. En outre, la Commission fait valoir que les milieux d'affaires et de professionnels en contact avec la marque d'ISL sauront que le symbole officiel de l'euro désigne une monnaie et ne penseront pas que les biens et services sur lesquels ce symbole est apposé sont fournis par les requérantes ou par la Commission.

82.
    De surcroît, les requérantes auraient admis qu'il n'y pas de confusion possible concernant l'origine commerciale et considèrent que le risque existant concerne le fait que les clients d'ISL cesseront de penser que le signe figuratif d'ISL caractérise les produits ISL. Toutefois, ce type de risque caractérisant une «dilution» de la marque ne serait pas pertinent au regard de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque. Cette situation caractériserait, tout au plus, un risque d'association, lequel a été considéré comme insuffisant par la Cour aux fins de la reconnaissance d'un risque de confusion au sens de l'article 5 susmentionné (arrêts SABEL, précité, Canon, précité, et arrêt de la Cour du 22 juin 2000, Marca Mode, C-425/98, Rec. p. I-4861).

83.
    Quant à l'invocation par les requérantes de l'arrêt de la High Court, Provident Financial PLC/Halifax Building Society (FSR 1994, p. 81), la Commission considère qu'elle n'est pas pertinente et que, en tout état de cause, cette affaire a été jugée en vertu d'une loi antérieure à la directive applicable en l'espèce.

- Appréciation du Tribunal

84.
    Dans le cadre de ce premier moyen, les requérantes considèrent que l'atteinte portée aux droits de marque d'ISL par la Commission constitue une faute, ISL étant en droit d'utiliser en exclusivité son signe figuratif enregistré. Elles se réfèrent, à cet égard, à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, lequel détermine les conditions dans lesquelles le titulaire d'une marque enregistrée est habilité à interdire à des tiers de faire usage de signes similaires ou identiques à sa marque.

85.
    À titre liminaire, il convient de constater que les institutions de la Communauté sont tenues de se conformer à l'ensemble du droit communautaire au titre duquel figure le droit dérivé et, dans ce cadre, aux mesures visant au rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres qui ont une incidence directe sur l'établissement ou le fonctionnement du marché commun (voir, par analogie, arrêt de la Cour du 14 mai 2002, Commission/Allemagne, C-383/00, Rec. p. I-4219, point 18, in fine).

86.
    La Commission ne peut ainsi méconnaître les dispositions de la première directive marque adoptée, sur sa proposition, à l'unanimité par le Conseil en application de l'article 94 CE. Il convient, à cet égard, de relever que cette directive vise à ce que les marques enregistrées jouissent, dans tous les États membres, d'une protection uniforme.

87.
    Il importe, par ailleurs, de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l'action en indemnité au titre des articles 235 CE et 288, deuxième alinéa, CE a été instituée comme une voie autonome ayant sa fonction particulière dans le cadre du système des voies de recours et subordonnée à des conditions d'exercice conçues en vue de son objet. S'il est exact que l'action en indemnité doit être appréciée au regard de l'ensemble du système de protection juridictionnelle des particuliers et que sa recevabilité peut donc se trouver subordonnée, dans certains cas, à l'épuisement des voies de recours internes, il faut cependant, pour qu'il en soit ainsi, que ces voies de recours nationales assurent d'une manière efficace la protection des particuliers intéressés qui s'estiment lésés par les actes des institutions communautaires et qu'elles puissent aboutir à la réparation du dommage allégué (arrêt de la Cour du 29 septembre 1987, De Boer Buizen/Conseil et Commission, 81/86, Rec. p. 3677, point 9).

88.
    Or, en l'espèce, l'éventuelle constatation, par les juridictions des États membres dans lesquels le signe figuratif d'ISL a été enregistré, d'une contrefaçon de ce signe imputable à la Commission ne pourrait aboutir à la réparation d'un préjudice prétendument subi par les requérantes.

89.
    En effet, les dispositions combinées des articles 235 CE et 288 CE donnent compétence exclusive au juge communautaire pour statuer sur les recours en réparation d'un dommage imputable à la Communauté qui est tenue, en vertu de l'article 288, deuxième alinéa, CE de réparer, conformément aux principes généraux communs aux droits des États membres, le préjudice causé par ses institutions ou par ses agents dans l'exercice de leurs fonctions (arrêt de la Cour du 13 mars 1992, Vreugdenhil/Commission, C-282/90, Rec. p. I-1937, point 14).

90.
    En conséquence, il convient d'examiner si, comme le prétendent les requérantes, la Commission a commis une faute de nature à engager sa responsabilité en adoptant, en utilisant et en incitant les tiers à faire usage du symbole officiel de l'euro en méconnaissance des conditions de protection de la marque enregistrée définies à l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque.

91.
    L'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque qui porte sur les «droits conférés par la marque» est libellé comme suit:

«La marque enregistrée confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage, dans la vie des affaires:

[...]

b)     d'un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque et le signe, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.»

92.
    Au regard des conditions de protection définies par cette disposition, il convient, tout d'abord, de déterminer si la Commission a fait usage, dans la vie des affaires, du symbole officiel de l'euro.

93.
    À cet égard, il a été jugé que l'usage d'un signe identique à la marque a bien lieu dans la vie des affaires dès lors qu'il se situe dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique (arrêt de la Cour du 12 novembre 2002, Arsenal Football Club, C-206/01, non encore publié au Recueil, point 40, et conclusions de l'avocat général M. Juiz-Jarabo Colomer sous ledit arrêt, non encore publiées au Recueil, point 59).

94.
    Aux termes du dixième considérant de la première directive marque, il est énoncé que l'objectif de la protection conférée par la marque est, notamment, de garantir sa fonction d'origine. Or, selon la jurisprudence, la fonction essentielle de la marque est de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance commerciale, et, pour que la marque puisse jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussé que le traité entend établir, elle doit constituer la garantie que tous les produits ou services qui en sont revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (arrêts de la Cour du 17 octobre 1990, HAG GF, C-10/89, Rec. p. I-3711, points 13 et 14, et Canon, précité, point 28).

95.
    En l'occurrence, le symbole officiel de l'euro ne constitue pas un signe apposé sur des produits ou services afin de les distinguer d'autres produits ou services et de permettre ainsi au public l'identification de leur origine, mais est destiné à désigner une unité monétaire et sera couramment précédé ou suivi d'une indication numérique. La communication de la Commission du 23 juillet 1997 mentionne d'ailleurs à cet égard que «la Commission européenne invite les utilisateurs de monnaie à utiliser le symbole [officiel de l'euro] [...] chaque fois qu'un symbole distinctif est nécessaire à la description de montants monétaires en euros, par exemple pour les tarifs et les factures, pour les chèques ainsi que pour tout autre instrument juridique». Il y est également indiqué que «[l]a définition précoce d'un [symbole officiel] de l'euro reflète aussi la vocation de l'euro de devenir l'une des principales monnaies au monde».

96.
    L'usage du symbole officiel de l'euro en tant que mode de désignation de la monnaie unique ne correspond ainsi pas à l'usage d'un signe constituant une marque dans la vie des affaires au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque.

97.
    En outre, sans qu'il soit contestable que la Commission ait incité les tiers à faire usage du symbole officiel de l'euro, y compris dans le cadre de transactions financières, son intervention s'est limitée à promouvoir la diffusion du symbole officiel de l'euro en tant que mode de désignation de la monnaie unique et non en tant que signe destiné à distinguer des biens ou des services spécifiques.

98.
    À cet égard, la circonstance alléguée par les requérantes selon laquelle la Commission a, lors du conseil européen de Dublin de 1996, distribué aux chefs d'États ou de gouvernement ainsi qu'à la presse des écharpes et chapeaux sur lesquels figurait le symbole officiel de l'euro ne saurait constituer un usage dans la vie des affaires. En effet, bien que cet usage puisse, sous certains aspects, être assimilé à de la publicité, il ne s'agissait pas pour la Commission, agissant en tant qu'entité supraétatique, de promouvoir la commercialisation de produits sur lesquels figurait le symbole officiel de l'euro et de caractériser ces produits comme provenant d'une entreprise déterminée ni de présenter un symbole destiné à permettre son identification mais de symboliser l'avènement et la reconnaissance de cette représentation graphique en tant que symbole officiel de la monnaie unique.

99.
    Il ne saurait donc s'agir d'un usage dans le cadre d'une activité commerciale consistant à produire et à fournir des biens ou des services sur un marché donné.

100.
    Quant au fait que le symbole officiel de l'euro a été apposé sur divers produits tels que ceux mentionnés dans la publication de la Commission intitulée «The Euro on everything, everywhere» produite par les requérantes ainsi que sur un billet de la loterie belge également transmis par les requérantes, ces dernières n'ont pas rapporté la preuve que la Commission est à l'origine de leur commercialisation ou de leur distribution, ni d'ailleurs que ces produits sont commercialisés dans les États membres dans lesquels le signe figuratif d'ISL a été enregistré.

101.
    Or, la Communauté ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement irrégulier de l'institution concernée (arrêt du Tribunal du 29 octobre 1998, TEAM/Commission, T-13/96, Rec. p. II-4073, point 68). Dès lors, à supposer même que la commercialisation des produits susvisés sur lesquels figurait le symbole officiel de l'euro ait porté préjudice aux requérantes, ces dernières sont en défaut d'établir que ce prétendu préjudice résulterait d'une manière suffisamment directe d'un prétendu comportement irrégulier de la Commission.

102.
    Par ailleurs, s'agissant des prétendus exemples d'usage dans la vie des affaires du symbole officiel de l'euro invoqués par les requérantes, il y a d'ores et déjà lieu de relever que, contrairement à ce qu'exige l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, les produits sur lesquels le symbole officiel de l'euro a été apposé par la Commission ne sont pas identiques, voire similaires, à ceux pour lesquels la marque d'ISL a été enregistrée.

103.
    Enfin, concernant l'initiative de la Commission tendant à la diffusion chez les commerçants du vocable «euro» accompagnant le slogan «Paiements en euros acceptés» et dont l'initiale est représentée sous la forme du symbole officiel de l'euro, il convient de relever que ce vocable ne présente pas de similitude avec le signe figuratif d'ISL. En tout état de cause, sa diffusion n'a pas pour objet la promotion commerciale de produits ou de services, mais les seules incitation et habituation du consommateur final à l'utilisation de la monnaie unique et sa mise en confiance quant à cet avènement.

104.
    Il ressort de ce qui précède que, contrairement aux allégations des requérantes, la Commission n'a pas fait usage ou incité les tiers à faire usage du symbole officiel de l'euro dans la vie des affaires, c'est-à-dire dans le contexte d'une activité commerciale visant à un avantage économique au sens de la jurisprudence susvisée. Dans ces circonstances, il ne saurait être considéré que la Commission a porté atteinte aux droits qu'ISL détient sur sa marque en adoptant et en diffusant le symbole officiel de l'euro.

105.
    Toutefois, compte tenu des aspects particuliers du présent recours, il importe, à titre subsidiaire, de constater que, à supposer même que l'usage par la Commission du symbole officiel de l'euro soit comparable à un usage dans la vie des affaires, les requérantes n'ont pas établi l'existence d'un risque de confusion entre le signe figuratif d'ISL et ledit symbole.

106.
    À cet égard, selon une jurisprudence constante, le risque de confusion doit être apprécié globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce. L'appréciation globale implique une certaine interdépendance entre les facteurs pris en compte. Par exemple, un risque de confusion peut être constaté, malgré un moindre degré de similitude entre les produits ou services désignés, lorsque la similitude des marques est grande et que le caractère distinctif de la marque antérieure, et en particulier sa renommée, est fort (arrêt Marca Mode, précité, point 40).

107.
    Dès lors, un risque de confusion existe au sens de l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque lorsque le public peut se méprendre quant à l'origine commerciale des produits ou des services en cause. En revanche, l'existence d'un tel risque est exclue s'il n'apparaît pas que le public puisse croire que les produits ou services en cause proviennent de la même entreprise ou, le cas échéant, d'entreprises liées économiquement (arrêt Canon, précité, point 30).

108.
    En effet, d'une part, il ressort de l'article 2 de la première directive marque qu'une marque doit être propre à distinguer les produits ou services d'une entreprise de ceux d'autres entreprises. D'autre part, il est indiqué au dixième considérant de la directive que l'objectif de la protection conférée par la marque est notamment de garantir sa fonction essentielle d'origine telle que définie au point 94 ci-dessus (arrêt Canon, précité, point 27).

109.
    Au vu de ces seules considérations, afin de déterminer si l'usage du symbole officiel de l'euro est susceptible de donner lieu à un risque de confusion avec la marque d'ISL, il y a lieu de comparer, tout d'abord, les produits et les services concernés en l'espèce, puis les signes en cause et, enfin, d'identifier le public pertinent.

110.
    S'agissant de la comparaison des produits et des services en cause, lesquels doivent être, selon l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, identiques ou similaires, il importe de rappeler que, aux fins de cette comparaison, il doit être tenu compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre les produits ou les services. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire (arrêt Canon, précité, point 23).

111.
    Or, ainsi qu'il a été précédemment constaté, la Commission ne procède pas elle-même à l'apposition du symbole officiel de l'euro sur des produits ou des services. De surcroît, il y a lieu de rappeler que l'apposition du symbole officiel de l'euro sur des produits ou des services vise, en principe, uniquement à désigner l'unité monétaire, et cela même dans l'hypothèse où celui-ci serait apposé sur des produits ou des services relevant des classes 16 et 36 pour lesquelles les requérantes ont obtenu l'enregistrement du signe figuratif d'ISL. Quant aux produits cités par les requérantes et sur lesquels le symbole officiel de l'euro a été apposé par la Commission, il a été précédemment constaté que ceux-ci ne relèvent pas des classes 16 et 36.

112.
    Quant à la comparaison des signes visés, il a été jugé que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle de signes, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, en particulier, de leurs éléments distinctifs et dominants (arrêt SABEL, précité, point 23, et arrêt de la Cour du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C-342/97, Rec. p. I-3819, point 25).

113.
    À cet égard, le signe figuratif d'ISL et le symbole officiel de l'euro présentent incontestablement des similitudes visuelles sans pour autant être identiques. Une des différences est, comme l'ont à juste titre relevé les requérantes, que les deux traits parallèles traversant le «C» majuscule sont incurvés concernant le signe figuratif d'ISL et rectilignes s'agissant du symbole officiel de l'euro.

114.
    Enfin, en ce qui concerne la détermination du public pertinent, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, la perception des marques par le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services en cause joue un rôle déterminant dans l'appréciation globale du risque de confusion (arrêt Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 26).

115.
    Toutefois, selon les requérantes, le signe figuratif d'ISL n'est pas apposé sur les chèques de voyage destinés au grand public, ce signe étant uniquement utilisé dans le cadre des transactions d'ISL avec les professionnels par l'intermédiaire desquels ses activités commerciales sont effectivement exercées. Il s'agit, selon les requérantes, des organismes financiers et des agences de voyage avec lesquels ISL traite aux fins de la commercialisation de ses produits ou services.

116.
    Dès lors, étant donné que la marque d'ISL est enregistrée au Royaume-Uni, en Allemagne, en Italie, en Espagne et en Suède, le public pertinent n'est composé que des professionnels de ces États membres par l'intermédiaire desquels ISL exerce ses activités commerciales.

117.
    Or, il ne saurait être considéré qu'existe, dans l'esprit de ce public avisé de professionnels, un risque de confusion entre le symbole officiel de l'euro et le signe figuratif d'ISL.

118.
    En effet, les requérantes n'ont pas apporté d'éléments probants permettant de considérer que, en dépit d'un faible degré de similitude entre les produits ou les services visés, le signe figuratif d'ISL présente un caractère distinctif élevé soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance de celui-ci sur le marché et jouit, en particulier, d'une forte renommée auprès du public pertinent identifié.

119.
    À cet égard, il convient d'ailleurs de relever que les requérantes n'ont pas rapporté la preuve de leur allégation selon laquelle ISL ferait un usage régulier et abondant de sa marque représentée par son seul signe figuratif. Au contraire, les exemples d'utilisation de la marque d'ISL produits par les requérantes ne concernent, à une seule exception près, que la marque représentée par le signe figuratif d'ISL combiné avec le vocable «Interpayment» et non la marque d'ISL visée dans le cadre du présent recours, laquelle ne consiste que dans son signe figuratif. Cet état de fait ressort clairement de l'annexe 4 à la requête intitulée «Corporate Identity Interpayment Guidelines», relative, notamment, aux conditions d'utilisation de la marque d'ISL, dans laquelle celle-ci est représentée par son signe figuratif combiné avec le vocable «Interpayment».

120.
    Par ailleurs, il ne saurait être admis que, lorsque ce public avisé visualise le symbole officiel de l'euro apposé sur des billets ou même sur les produits cités par les requérantes, il pense que ces billets ou ces produits ont été produits et commercialisés par ISL.

121.
    De surcroît, il importe de relever que, selon les requérantes, le risque de confusion réside dans le fait que les clients d'ISL cesseront d'associer le signe figuratif d'ISL aux produits d'ISL et non dans le fait que ces clients penseront que les produits revêtus du symbole officiel de l'euro sont des produits commercialisés par ISL. Elles affirment, à cet égard, qu'aucune des personnes qui associaient auparavant le signe figuratif d'ISL à ces produits ne continuera à le faire.

122.
    Force est ainsi de constater que les requérantes n'ont pas invoqué, à l'appui de ce moyen, l'existence d'un risque de confusion entre le symbole de l'euro et le signe figuratif d'ISL, mais celle d'un risque d'association.

123.
    Or, l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque n'a vocation à s'appliquer que si, en raison de l'identité ou de la similitude et des marques et des produits ou services désignés, il existe, dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risque d'association entre le signe et la marque.

124.
    La Cour a jugé, à cet égard, qu'il découle du libellé de cet article que la notion de risque d'association n'est pas une alternative à la notion de risque de confusion, mais sert à en préciser l'étendue. Les termes mêmes de cette disposition excluent donc qu'elle puisse être appliquée s'il n'existe pas, dans l'esprit du public, un risque de confusion. La protection d'une marque enregistrée dépend ainsi, selon l'article 5, paragraphe 1, sous b), de la première directive marque, de l'existence d'un risque de confusion et cette interprétation résulte également du dixième considérant de la première directive marque, duquel il ressort que «le risque de confusion [...] constitue la condition spécifique de la protection» (arrêts SABEL, précité, points 18, 19 et 26, Canon, précité, point 30, Lloyd Schuhfabrik Meyer, précité, point 17, et, en dernier lieu, Marca Mode, précité, points 34 et 35).

125.
    Il s'ensuit que l'existence d'un seul risque d'association, tel qu'invoqué par les requérantes, n'est pas de nature à satisfaire la condition relative à l'existence d'un risque de confusion et que les éléments constitutifs d'un tel risque ne sont, en tout état de cause, comme cela a été précédemment constaté, pas réunis en l'espèce.

126.
    Dans ces circonstances, la Commission n'ayant pas fait usage du symbole officiel de l'euro dans la vie des affaires et puisque, en tout état de cause, il n'existe pas, dans l'esprit du public pertinent, un risque de confusion entre le signe figuratif d'ISL et le symbole officiel de l'euro, il ne saurait être considéré qu'elle a, du fait de l'adoption, de l'usage et de la promotion dudit symbole, commis une faute de nature à engager sa responsabilité dès lors qu'elle n'a pas porté atteinte aux droits de marque d'ISL. Le premier moyen invoqué par les requérantes doit dès lors être rejeté.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des principes du respect des droits acquis, de protection de la confiance légitime, de non-discrimination et de proportionnalité

- Arguments des parties

127.
    Les requérantes rappellent que «tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer». Or, indépendamment de l'atteinte aux droits de marque constatée dans le cadre du premier moyen, la Commission aurait agi de manière dommageable, négligente et, partant, illicite et aurait, en particulier, violé de manière flagrante des règles «supérieures» de droit.

128.
    S'agissant, premièrement, du respect des droits acquis, les requérantes font valoir que le droit de propriété et, plus largement, les droits fondamentaux sont garantis et font partis de l'ordre juridique communautaire (arrêt de la Cour du 13 décembre 1979, Hauer, 44/79, Rec. p. 3727, point 17, et arrêt Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité, point 73). À cet égard, les droits de marque constitueraient des droits essentiels dont le respect devrait être assuré dans la Communauté (voir, en ce sens, l'esprit de la première directive marque et arrêt HAG GF, précité).

129.
    Or, la Commission n'aurait pas procédé à une recherche d'antériorité afin d'évaluer le risque qu'une autre personne ait obtenu des droits exclusifs sur une marque similaire, faisant preuve de ce fait d'une négligence extrêmement grave. D'ailleurs, si la Commission avait fait procéder à une recherche normale, elle aurait eu connaissance du signe figuratif d'ISL, comme le prouvent les résultats des recherches d'antériorité effectuées au Royaume-Uni en utilisant le système Marquesa.

130.
    Les requérantes se réfèrent également aux consultations juridiques établies à leur demande par Me A. Braun, avocat, et par les professeurs C. Gielen et W. Tilmann, spécialistes du droit des marques, lesquelles confirment la nécessité de procéder à une recherche d'antériorité et l'imprudence dont s'est rendue coupable la Commission en ne procédant pas de la sorte.

131.
    S'agissant, deuxièmement, du principe de protection de la confiance légitime, les requérantes rappellent que, du fait de l'adoption par le Conseil de la première directive marque et des nombreuses décisions de la Commission reconnaissant l'importance des droits de marque, elles ont été amenées à nourrir des «espérances fondées», au sens de la jurisprudence, concernant le respect et la préservation de leurs droits de marque. Ainsi, en omettant de prendre en considération les droits des requérantes lors du lancement de l'euro alors que l'existence et la préservation des droits de marque dans la Communauté ne sont subordonnées à aucun pouvoir d'appréciation de la Commission, celle-ci aurait porté atteinte au principe fondamental du respect de leur confiance légitime (arrêt de la Cour du 26 juin 1990, Sofrimport/Commission, C-152/88, Rec. p. I-2477, point 26, et arrêts du Tribunal du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T-267/94, Rec. p. II-1239, point 32, et Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité, point 68).

132.
    Concernant, troisièmement, le principe de non-discrimination, les requérantes avancent que, en adoptant, en mettant en vigueur et en promouvant le symbole officiel de l'euro, la Commission a exercé une discrimination envers elles étant donné que le droit d'aucun autre titulaire de marque n'a été méconnu.

133.
    Concernant, quatrièmement, le principe de proportionnalité, les requérantes considèrent que la Commission poursuivait des objectifs apparemment légitimes mais que les moyens utilisés afin d'atteindre ces objectifs dépassaient ce qui était nécessaire pour les atteindre. Le respect de ce principe aurait exigé que ces objectifs soient atteints sans que soient vidés de leur substance les droits des requérantes.

134.
    La Commission répond à l'argument des requérantes relatif au fait qu'elle a fait preuve de négligence en ne procédant pas à une recherche d'antériorité que les extraits des trois avis juridiques invoqués par les requérantes ne corroborent pas la thèse qu'elles défendent, à savoir qu'elle était légalement tenue, à l'égard de l'ensemble des titulaires de marques, de procéder à une recherche d'antériorité. Il ressortirait de ces trois avis juridiques qu'une entreprise commerciale qui souhaite adopter une nouvelle marque procéderait normalement à une recherche d'antériorité. Or, bien que cette considération générale ne soit pas contestable, la Commission avance que, le symbole officiel de l'euro étant très semblable à son ancien emblème réservé selon la convention d'union de Paris du 20 mars 1883 pour la protection de la propriété intellectuelle et largement utilisé par elle, il n'y avait pas lieu d'effectuer de nouvelles recherches. En tout état de cause, la conclusion commune aux trois avis juridiques serait dépourvue de pertinence dans la mesure où la Commission n'aurait pas eu l'intention d'adopter une marque ou un label.

135.
    Par ailleurs, la Commission allègue qu'une obligation juridique de recherche d'antériorité serait incompatible avec le système de protection des signes, marques et labels, le moyen de se défendre contre l'usage illicite d'une marque existant déjà (recours pour atteinte aux droits de marque). Le fait de ne pas effectuer de recherches d'antériorité ne serait pas, en soi, un motif suffisant pour agir en justice.

136.
    La Commission avance, concernant le grief tiré de la méconnaissance des droits acquis, que les droits évoqués par les requérantes ne sont que les droits de marque sur le signe figuratif d'ISL. Or, il aurait été précédemment démontré par la Commission qu'il n'a pas été porté atteinte aux droits tirés de cette marque.

137.
    Quant à l'argument tiré d'une violation du principe de non-discrimination, il serait fallacieux et celui tiré d'une violation du principe de proportionnalité trop vague.

- Appréciation du Tribunal

138.
    S'agissant du droit de propriété, il convient de rappeler que ce droit est garanti dans l'ordre juridique communautaire conformément aux conceptions communes aux constitutions des États membres, reflétées également par le protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales (voir arrêt Hauer, précité, point 17).

139.
    Toutefois, en l'espèce, le droit de propriété invoqué par les requérantes est celui dont ISL dispose sur sa marque du fait de l'enregistrement de son signe figuratif dans plusieurs États membres. Il s'agit d'un droit de propriété incorporel, lequel consiste en un droit exclusif d'exploitation de cette marque opposable à tous, mais de manière limitée. Les limitations inhérentes au caractère relatif de ce droit de propriété résultent, premièrement, de la règle de la spécialité en vertu de laquelle le droit conféré se limite aux produits ou aux services désignés et, deuxièmement, du caractère national de l'enregistrement, la protection conférée étant limitée au territoire de l'État dans lequel la marque a été enregistrée.

140.
    Il s'ensuit que cet argument ne saurait être distingué de celui tiré d'une atteinte aux droits de marque d'ISL.

141.
    Or, il a été précédemment constaté que la Commission n'a pas fait usage dans la vie des affaires du symbole officiel de l'euro et que les requérantes n'ont, en tout état de cause, pas établi la perte de la fonction essentielle de la marque d'ISL. Dès lors, il ne saurait être considéré que la Commission a porté atteinte au droit de propriété qu'ISL détient à titre exclusif sur son signe figuratif ni, a fortiori, qu'elle a violé les principes de non-discrimination et de proportionnalité.

142.
    En outre, concernant l'allégation des requérantes selon laquelle la Commission aurait omis de procéder à une recherche d'antériorité afin de déterminer si une entreprise détenait déjà un droit exclusif sur un signe similaire, il y a de nouveau lieu de rappeler que la Commission n'a pas fait usage du symbole officiel de l'euro en tant que marque.

143.
    De surcroît, selon une jurisprudence constante, les omissions des institutions communautaires ne sont susceptibles d'engager la responsabilité de la Communauté que dans la mesure où les institutions ont violé une obligation légale d'agir résultant d'une disposition communautaire (arrêt de la Cour du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C-146/91, Rec. p. I-4199, point 58, et ordonnance du Tribunal du 26 juin 2000, Argon e.a./Conseil et Commission, T-12/98 et T-13/98, Rec. p. II-2473, point 18). Or, les requérantes n'ont pas indiqué, dans leurs écrits, en vertu de quelle disposition de droit communautaire la Commission aurait été tenue de procéder à une recherche d'antériorité de l'enregistrement du symbole officiel de l'euro ou d'un signe similaire en tant que marque.

144.
    Les consultations juridiques de trois spécialistes du droit des marques produites par les requérantes n'identifient pas non plus de dispositions de droit communautaire dont il résulterait une telle obligation pour la Commission.

145.
    Concernant d'ailleurs ces consultations, il importe plus généralement de relever qu'elles ne sont pas de nature à infirmer les appréciations précédemment portées concernant la prétendue atteinte aux droits de marque d'ISL. En effet, ces consultations se fondent sur le postulat erroné en l'espèce selon lequel la Commission a fait usage du symbole officiel de l'euro en tant que marque à des fins commerciales.

146.
    S'agissant du principe de confiance légitime, il convient de rappeler que le droit de réclamer sa protection s'étend à tout particulier qui se trouve dans une situation dans laquelle il ressort que l'administration communautaire a fait naître dans son chef des espérances fondées. En revanche, personne ne peut invoquer une violation du principe de protection de la confiance légitime en l'absence d'assurances précises que lui aurait fournies l'administration (arrêt Dubois et Fils/Conseil et Commission, précité, point 68).

147.
    Les requérantes considèrent, à cet égard, que le fait que le Conseil a adopté la première directive marque et la Commission diverses décisions reconnaissant l'importance des droits de marque a fait naître à leur profit des espérances fondées.

148.
    Toutefois, outre le fait que l'adoption du symbole officiel de l'euro par la Commission n'a pas porté atteinte aux droits de marque d'ISL, il y a lieu, en tout état de cause, de constater qu'il existe une grande différence entre une affirmation formulée par la Commission en termes très généraux, qui ne pourraient faire naître des espérances fondées, et une assurance précise de nature à fonder des espérances (voir arrêt du Tribunal du 14 septembre 1995, Lefebvre e.a./Commission, T-571/93, Rec. p. II-2379, point 74).

149.
    Dès lors, cet argument doit également être rejeté ainsi que le présent moyen dans son entièreté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une expropriation

150.
    Les requérantes rappellent que le droit fondamental à la propriété a pour corollaire le droit à ce qu'il soit impossible de se l'approprier, tel que le consacre l'article 1er du protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales que les institutions communautaires sont tenues de respecter (voir, à cet égard, arrêt de la Cour du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft, 11/70, Rec. p. 1125, conclusions de l'avocat général M. Capotorti sous l'arrêt Hauer, précité, Rec. p. 3752, et conclusions de l'avocat général M. Jacobs sous l'arrêt de la Cour du 13 juillet 1989, Wachauf, 5/88, Rec. p. 2609, 2622, point 22). Les mesures arrêtées par la Commission en l'espèce seraient assimilables à une expropriation illégale du bien des requérantes, puisqu'il en résulte la perte du caractère distinctif et de la valeur du signe figuratif d'ISL. La Commission aurait pu facilement éviter que ne soit occasionné aux requérantes un préjudice et, si elles ne disposaient pas de voie de recours pour atteinte aux droits de marque, ainsi que l'affirme la Commission, elles ne recevraient aucun dédommagement pour la perte du droit de propriété intellectuelle et de sa réputation commerciale. Par ailleurs, la Commission ne pourrait invoquer aucune justification à son action et, à supposer que cette action soit justifiée ou légale, elle serait, en tout état de cause, tenue de réparer le préjudice causé aux requérantes (voir, à cet égard, conclusions de l'avocat général Sir Slynn sous l'arrêt de la Cour du 6 décembre 1984, Biovilac/CEE, 59/83, Rec. p. 4057, 4082).

151.
    La Commission objecte que les législations applicables ne contiennent aucune disposition permettant d'affirmer que la «dilution» d'une marque peut être assimilée à une expropriation.

152.
    À cet égard, le Tribunal constate simplement que le moyen tiré d'une expropriation ne saurait être distingué du moyen tiré d'une atteinte aux droits de marque ou de l'argument tiré d'une violation des droits acquis dès lors que, dans ces griefs, est en cause, de manière identique, le droit incorporel qu'ISL détient, à titre exclusif, sur le signe figuratif en cause.

153.
    Il s'ensuit que les appréciations précédemment portées, et aux termes desquelles il a été considéré que la Commission n'a pas porté atteinte aux droits dont est titulaire ISL sur sa marque, sont pertinentes dans le cadre du présent moyen et que ce dernier doit, par conséquent, être également rejeté.

154.
    Il ressort de tout ce qui précède que les requérantes n'ont pas établi que la Commission a commis une faute de nature à engager sa responsabilité.

Sur la responsabilité sans faute

Arguments des parties

155.
    Les requérantes allèguent que la responsabilité, au sens de l'article 288 CE, peut être engagée alors même que le comportement de l'institution communautaire en cause n'est pas illégal, dès lors que ce comportement pèse de manière disproportionnée sur certains particuliers, qu'il est contraire à l'équité et qu'il constitue une rupture de l'égalité devant les charges publiques.

156.
    Ainsi, dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt du Tribunal du 28 avril 1998, Dorsch Consult/Conseil et Commission (T-184/95, Rec. p. II-667), le Conseil aurait reconnu que la responsabilité de la Communauté pouvait être engagée pour des actes licites et le Tribunal aurait subordonné l'engagement de cette responsabilité au fait que le préjudice allégué soit né et actuel, affecte une catégorie particulière d'opérateurs économiques d'une façon disproportionnée par rapport aux autres opérateurs (préjudice spécial) et dépasse les limites des risques économiques inhérents aux activités dans le secteur concerné (préjudice anormal), sans que l'acte réglementaire se trouvant à l'origine du dommage invoqué soit justifié par un intérêt économique général (voir point 80 de cet arrêt).

157.
    Or, tandis que ces éléments n'étaient pas réunis dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts Biovilac/CEE, Dubois et Fils/Conseil et Commission, et Dorsch Consult/Conseil et Commission, précités, les requérantes estiment qu'ils existent dans la présente espèce. En effet, quant à l'existence d'un préjudice spécial, les requérantes font valoir que l'adoption et le lancement du symbole de l'euro ont porté préjudice à elles seules en les affectant d'une manière disproportionnée. S'agissant de l'existence d'un préjudice anormal, le risque de la méconnaissance, par un organisme public, des droits détenus par un titulaire de marque du fait de l'adoption d'un signe lié au commerce par cet organisme ne serait pas inhérent à l'ensemble des marques et ne pourrait pas être prévu, alors même que le dommage occasionné pourrait être évité. Enfin, bien que l'objectif poursuivi par la Commission ait pu être justifié par l'intérêt économique général, ce ne serait pas l'objectif poursuivi mais les moyens imprudents et injustifiables au regard de l'intérêt général que la Commission a utilisés pour atteindre cet objectif qui auraient occasionné aux requérantes un préjudice.

158.
    Les requérantes en concluent que, à supposer que le comportement de la Commission ne constitue pas une faute de nature à engager sa responsabilité, la Commission reste tenue de les dédommager.

159.
    La Commission rétorque que, comme l'admettent d'ailleurs les requérantes, les juridictions communautaires n'ont pas encore fait application du principe selon lequel peut être recherchée la responsabilité de la Communauté du fait d'un acte licite. En outre, il résulterait de cette jurisprudence que l'engagement de cette responsabilité supposerait, en tout état de cause, l'établissement de la réalité du dommage prétendument subi et l'existence d'un préjudice anormal et spécial (arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, point 59). Or, les requérantes n'auraient pas rapporté la preuve de ces éléments en l'espèce.

160.
    D'ailleurs, la Commission fait valoir qu'il ressort clairement de l'arrêt Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, qu'aucune responsabilité n'est engagée si la mesure ayant causé le préjudice invoqué est justifiée par un intérêt économique général, ainsi que cela est le cas en l'espèce. Or, bien que les requérantes tentent de distinguer l'objectif poursuivi par la Commission en adoptant le symbole officiel de l'euro et qui serait, selon elles, justifié par un intérêt économique général des moyens qu'elle a utilisés afin d'atteindre cet objectif, à savoir l'absence de recherche d'antériorité, la Commission rappelle qu'elle n'était pas tenue de procéder à cette recherche et que ce simple fait n'est pas de nature à engager sa responsabilité.

Appréciation du Tribunal

161.
    Il convient de rappeler que, dans l'hypothèse où le principe d'une responsabilité sans faute devrait être reconnu en droit communautaire, celle-ci supposerait, en tout état de cause, que trois conditions soient cumulativement remplies, à savoir la réalité du préjudice prétendument subi, le lien de causalité entre celui-ci et l'acte reproché aux institutions de la Communauté ainsi que le caractère anormal et spécial de ce préjudice (arrêts de la Cour du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, C-237/98 P, Rec. p. I-4549, points 17 à 19, et du Tribunal du 6 décembre 2001, Area Cova e.a./Conseil et Commission, T-196/99, Rec. p. II-3597, point 171).

162.
    S'agissant de la condition relative à l'existence d'un préjudice réel et certain, il incombe à la partie requérante d'apporter au juge communautaire des éléments de preuve afin d'établir l'existence du préjudice qu'elle prétend avoir subi. À cet égard, l'existence d'un préjudice réel et certain ne saurait être envisagé de manière abstraite par le juge communautaire, mais elle doit être appréciée en fonction des circonstances de fait précises caractérisant chaque espèce soumise à ce dernier (arrêt du 15 juin 2000, Dorsch Consult/Conseil et Commission, précité, points 23 et 25).

163.
    S'agissant de la condition relative à l'existence d'un lien de causalité, il ressort d'une jurisprudence constante qu'un lien de causalité au sens de l'article 288, deuxième alinéa, CE est admis lorsqu'il existe un lien direct de cause à effet entre l'acte reproché à l'institution concernée et le préjudice invoqué, lien dont il appartient à la partie requérante d'apporter la preuve. La Communauté ne peut être tenue pour responsable que du préjudice qui découle de manière suffisamment directe du comportement de l'institution concernée (voir, par analogie, arrêt TEAM/Commission, précité, point 68, et la jurisprudence citée).

164.
    Or, il a été précédemment constaté que les requérantes n'ont pas, dans le présent contexte, apporté d'éléments de preuve desquels il ressortirait qu'ISL aurait effectivement été, de facto, privée de l'usage de sa marque du fait des agissements de la Commission. En effet, elles n'ont pas rapporté la preuve que le symbole officiel de l'euro, destiné à désigner la monnaie unique, a fait l'objet d'un usage en tant que marque dans la vie des affaires et, en tout état de cause, a provoqué un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent qui aurait occasionné la perte de la fonction essentielle de la marque d'ISL.

165.
    En outre, quant à la circonstance selon laquelle des tiers ont apposé le symbole officiel de l'euro sur divers produits, il y a lieu de relever que, à supposer que ledit symbole ait été apposé sur des produits relevant des classes 16 et 36 afin de permettre au public l'identification de leur origine commerciale, il n'en demeure pas moins que cet usage n'est pas, dans une mesure suffisante, directement imputable à la Commission. En effet, il a été précédemment constaté que, bien que la Commission ait incité les tiers à faire usage du symbole officiel de l'euro, son intervention tendait à promouvoir la diffusion du symbole officiel de l'euro en tant que mode de désignation de la monnaie unique et non en tant que signe destiné à distinguer des biens ou des services spécifiques (voir point 104 ci-dessus).

166.
    Il s'ensuit que la demande des requérantes se fondant sur la responsabilité sans faute de la Communauté doit être rejetée, celles-ci n'ayant pas rapporté la preuve de l'existence d'un préjudice réel et certain imputable à la Commission.

167.
    Eu égard à tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son entièreté.

Sur les dépens

168.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. Les requérantes ayant succombé, il y a lieu de les condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre),

déclare et arrête:

1)     Le recours est rejeté.

2)     Les requérantes sont condamnées aux dépens.

Cooke García-Valdecasas Lindh

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 10 avril 2003.

Le greffier

Le président

H. Jung

R. García-Valdecasas


1: Langue de procédure: l'anglais.