Language of document : ECLI:EU:T:2015:684

Affaire T‑674/11

TV2/Danmark A/S

contre

Commission européenne

« Aides d’État – Service public de la radiodiffusion – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur – Aide mise à exécution par les autorités danoises en faveur du radiodiffuseur danois de service public TV2/Danmark – Financement public accordé pour compenser les coûts inhérents à l’exécution des obligations de service public – Notion d’aide – Arrêt Altmark »

Sommaire – Arrêt du Tribunal (huitième chambre) du 24 septembre 2015

1.      Recours en annulation – Intérêt à agir – Nécessité d’un intérêt né et actuel – Appréciation au moment de l’introduction du recours – Recours susceptible de procurer un bénéfice au requérant – Recours de l’entreprise bénéficiaire d’une aide d’État dirigé contre la décision de la Commission la déclarant compatible avec le marché intérieur – Risque né et actuel d’action en justice contre le requérant – Recevabilité

(Art. 263 TFUE)

2.      Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Exclusion – Conditions énoncées dans l’arrêt Altmark

(Art. 107, § 1, TFUE)

3.      Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Exclusion – Conditions énoncées dans l’arrêt Altmark – Possibilité de déroger à certaines des conditions énoncées dans l’arrêt Altmark – Absence

(Art. 107, § 1, TFUE)

4.      Aides accordées par les États – Notion – Entreprises chargées de la gestion de services d’intérêt économique général – Secteur de la radiodiffusion – Distinction entre le test Altmark, visant à déterminer l’existence d’une aide, et le test de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, permettant d’établir la compatibilité d’une aide avec le marché intérieur – Pertinence du protocole sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres pour la seule appréciation de l’existence d’une aide d’État

(Art. 14 TFUE, 106, § 2, TFUE et 107, § 1, TFUE ; protocole nº 29 annexé aux traités UE et FUE)

5.      Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Exclusion – Conditions énoncées dans l’arrêt Altmark – Application moins rigoureuse desdites conditions – Condition – Absence de dimension concurrentielle et marchande du secteur d’activité du bénéficiaire de la compensation

(Art. 107, § 1, TFUE ; protocole nº 29 annexé aux traités UE et FUE)

6.      Questions préjudicielles – Interprétation – Effets dans le temps des arrêts d’interprétation – Effet rétroactif – Limites – Sécurité juridique

(Art. 107, § 1, TFUE et 267 TFUE)

7.      Aides accordées par les États – Projets d’aides – Obligation de notification préalable et de suspension provisoire de la mise à exécution de l’aide – Violation – Possibilité pour le bénéficiaire de se prévaloir des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime pour s’opposer à l’application des conditions Altmark – Absence

(Art. 107, § 1, TFUE et 108, § 3, TFUE)

8.      Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Deuxième condition énoncée dans l’arrêt Altmark – Examen de la condition relative à l’établissement de façon objective et transparente des paramètres servant à calculer la compensation – Prise en compte de l’exigence d’efficacité de la gestion du service public – Inadmissibilité

(Art. 107, § 1, TFUE)

9.      Recours en annulation – Objet – Décision reposant sur plusieurs piliers de raisonnement, chacun suffisant pour fonder son dispositif – Annulation d’une telle décision – Conditions

(Art. 263 TFUE)

10.    Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Quatrième condition énoncée dans l’arrêt Altmark – Détermination de la compensation, en l’absence de sélection de l’entreprise par une procédure de marché public, sur la base d’une analyse des coûts d’une entreprise moyenne du secteur concerné – Insuffisance d’une analyse des coûts de l’entreprise chargée de la mission de service public

(Art. 107, § 1, TFUE)

11.    Aides accordées par les États – Notion – Mesures visant à compenser le coût des missions de service public assumées par une entreprise – Quatrième condition énoncée dans l’arrêt Altmark – Détermination de la compensation, en l’absence de sélection de l’entreprise par une procédure de marché public, sur la base d’une analyse des coûts d’une entreprise moyenne du secteur concerné – Charge de la preuve reposant sur l’État membre concerné

(Art. 107, § 1, TFUE)

12.    Procédure juridictionnelle – Intervention – Arguments différents de ceux de la partie soutenue – Recevabilité – Conditions

(Statut de la Cour de justice, art. 40, al. 4 ; règlement de procédure du Tribunal, art. 116, § 3)

13.    Aides accordées par les États – Notion – Octroi d’un avantage aux bénéficiaires – Obligation de verser à d’autres entreprises des sommes à titre d’intermédiaire agissant uniquement en tant que canal de transit ou de paiement – Exclusion – Obligation pour une entreprise de service public de verser des sommes provenant d’une redevance et à destination d’entreprises rémunérées pour leurs services – Inclusion

(Art. 107, § 1, TFUE)

14.    Aides accordées par les États – Notion – Aides provenant de ressources de l’État – Notion de ressources d’État – Mesure législative prescrivant à des tiers une utilisation particulière de leurs propres ressources – Exclusion

(Art. 107, § 1, TFUE)

15.    Aides accordées par les États – Notion – Avantage accordé au moyen de ressources d’État ou contrôlées par l’État – Portée – Recettes publicitaires d’un radiodiffuseur de service public – Exclusion

(Art. 107, § 1, TFUE)

16.    Recours en annulation – Moyens – Moyens susceptibles d’être soulevés à l’encontre d’une décision de la Commission en matière d’aides étatiques – Moyens non soulevés au cours de la procédure administrative – Distinction entre moyens de droit, recevables, et moyens de fait, irrecevables

(Art. 108, § 2, TFUE et 263 TFUE)

17.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Aide accordée à un nouveau bénéficiaire – Distinction entre les régimes d’aides et les aides individuelles

(Art. 108 TFUE)

18.    Aides accordées par les États – Aides existantes et aides nouvelles – Aide individuelle accordée à une entité juridique constituée après l’institution de l’aide et l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union – Qualification d’aide existante – Condition

(Art. 108 TFUE)

1.      Dans le cadre de recours en annulation introduits par le bénéficiaire de l’aide contre une décision de la Commission déclarant entièrement compatible avec le marché intérieur l’aide en cause ou déclarant compatible l’une des mesures de financement litigieuses, l’intérêt à agir peut se déduire de l’existence d’un risque avéré que la situation juridique des parties requérantes soit affectée par des actions en justice ou encore de ce que le risque d’actions en justice est né et actuel à la date d’introduction du recours devant le juge de l’Union européenne.

À cet égard, l’existence d’un risque « avéré » ou « né et actuel » d’action en justice à l’encontre d’une partie requérante bénéficiaire d’une aide illégale et compatible avec le marché intérieur est reconnue, d’une part, lorsqu’une telle action est déjà pendante devant les juridictions nationales au moment de l’introduction du recours en annulation devant le Tribunal ou lorsqu’elle est introduite devant ces juridictions avant que le Tribunal ne statue sur le recours en annulation et, d’autre part, lorsque l’action en justice pendante devant les juridictions nationales invoquée par la partie requérante a pour objet l’aide visée par la décision faisant l’objet du recours devant le Tribunal.

Il s’ensuit que le bénéficiaire d’une aide illégale déclarée compatible avec le marché intérieur peut avoir un intérêt légitime et actuel à introduire un recours fondé sur la qualification même des mesures concernées d’aides d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et d’aides nouvelles au sens de l’article 1er, sous c), du règlement nº 659/1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE, lorsqu’il est visé, par une action d’un concurrent introduite devant une juridiction nationale, suspendue jusqu’au prononcé de l’arrêt du Tribunal, tendant à obtenir sa condamnation au paiement des intérêts au titre de la période d’illégalité et à la réparation des dommages subis en raison du caractère illégal de l’aide.

(cf. points 34, 36-39)

2.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 47-49)

3.      En matière d’aides d’État, il résulte des termes dépourvus de toute équivoque de l’arrêt Altmark que les quatre conditions qu’il énonce ont toutes pour objet la qualification de la mesure en cause d’aide d’État, et plus précisément la détermination de l’existence d’un avantage. Une intervention étatique qui ne répond pas à une ou à plusieurs desdites conditions devra ainsi être considérée comme une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

À cet égard, s’agissant plus particulièrement du rapport entre la troisième et la deuxième condition Altmark, il semble impossible de constater qu’une compensation accordée à une entreprise bénéficiaire chargée d’une mission de service public ne dépasse pas ce qui est nécessaire pour couvrir tout ou partie des coûts occasionnés par l’exécution des obligations de service public, en tenant compte des recettes qui y sont relatives ainsi que d’un bénéfice raisonnable pour l’exécution de ces obligations sans savoir, au préalable, selon quels paramètres a été établi le montant de cette compensation, ce qui constitue justement l’objet de la deuxième condition Altmark.

(cf. points 54, 55)

4.      Il ressort du libellé du protocole nº 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres (protocole d’Amsterdam) que cet acte vise à interpréter la dérogation énoncée à l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Il n’est donc pas pertinent pour l’appréciation de l’applicabilité des critères Altmark qui ont pour objectif d’établir l’existence d’une aide d’État et non sa compatibilité avec le marché intérieur. En outre, il ne saurait être admis que le protocole d’Amsterdam écarte l’application des règles de concurrence et interdise à la Commission de vérifier si un financement étatique apporte un avantage économique aux radiodiffuseurs de service public en se fondant sur les critères définis par la Cour dans l’arrêt Altmark. Par ailleurs, même si la pertinence du protocole d’Amsterdam pour l’appréciation de l’existence d’une aide d’État devait être reconnue, elle se limiterait à la première condition Altmark, relative à la définition des obligations de service public.

(cf. points 61, 62)

5.      Dans le cadre de la détermination de l’existence d’une aide d’État, ce qui peut justifier une application moins rigoureuse des conditions Altmark dans un cas particulier est l’absence de dimension concurrentielle et marchande du secteur dans lequel le bénéficiaire de la compensation est actif. Or, tout en tenant compte de la spécificité de la mission de service public de la radiodiffusion, soulignée par le protocole nº 29 sur le système de radiodiffusion publique dans les États membres, il ne saurait être admis que le secteur de la radiodiffusion n’est pas doté d’une dimension concurrentielle et marchande. L’existence de cette dimension se manifeste, notamment, lorsqu’un radiodiffuseur de service public, partiellement financé par ses recettes publicitaires, est actif sur le marché de la publicité télévisée.

(cf. point 70)

6.      Voir le texte de la décision.

(cf. points 79, 80, 83, 85)

7.      Les conséquences financières pour le bénéficiaire d’une mesure non notifiée ne sont pas une circonstance qui justifie, au regard du principe général de la sécurité juridique, une limitation dans le temps des effets d’un arrêt par lequel la Cour interprète l’article 107, paragraphe 1, TFUE en ce sens que la mesure concernée s’avère être une aide d’État. Il s’ensuit que le bénéficiaire d’une telle mesure ne saurait se prévaloir des circonstances financières négatives qu’entraîne pour lui l’application des conditions Altmark à cette mesure et sa qualification d’aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tel qu’interprété par l’arrêt Altmark, pour demander, au nom du principe de sécurité juridique, l’inapplication de ces conditions.

Par ailleurs, la question de savoir s’il est conforme au principe de sécurité juridique de charger le bénéficiaire de ce qui, à l’époque des faits, était considéré comme une compensation accordée pour l’exécution d’une mission de service public, d’une obligation de remboursement d’une somme d’argent qui est le résultat de l’application conjointe et rétroactive des arrêts relatifs à l’interprétation de l’article 107, paragraphe 1, TFUE et 108, paragraphe 3, TFUE, rendus plusieurs années après le versement de cette compensation, ne peut pas être tranchée dans le cadre d’un litige qui porte sur la validité de la décision par laquelle la Commission a qualifié ladite compensation d’aide d’État. Il appartient au juge national d’apprécier, le cas échéant après avoir posé à la Cour des questions préjudicielles, si, dans les circonstances posées devant lui, les règles relatives à l’obligation de rembourser à l’État les intérêts au titre de la période d’illégalité et, le cas échéant, à l’obligation de réparer des dommages que ses concurrents auraient pu subir en raison du caractère illégal de l’aide sont applicables.

(cf. points 82, 84)

8.      Dans le cadre de la détermination de l’existence d’une aide d’État, la deuxième condition Altmark, selon laquelle les paramètres sur la base desquels est calculée la compensation doivent être préalablement établis de façon objective et transparente, afin d’éviter qu’elle comporte un avantage économique susceptible de favoriser l’entreprise bénéficiaire par rapport à des entreprises concurrentes, pose trois exigences, auxquelles doivent répondre les paramètres de calcul de la compensation, afin d’assurer que ce calcul est fiable et susceptible d’être vérifié par la Commission. Ces exigences imposent que les paramètres de calcul de la compensation soient établis à l’avance, selon une procédure transparente et qu’ils soient, par leur nature, objectifs. Il ne ressort aucunement de l’arrêt Altmark que, selon la deuxième condition qu’il énonce, les paramètres de calcul de la compensation doivent être conçus de façon à influencer ou à contrôler le niveau de dépenses encourues par le bénéficiaire de cette compensation.

En effet, une interprétation de la deuxième condition par laquelle les paramètres de calcul de la compensation doivent non seulement être objectifs et établis à l’avance dans le cadre d’une procédure transparente, mais doivent, en plus, assurer l’efficacité de la gestion du service public, est incompatible avec le libellé de la deuxième condition Altmark et conduit à une confusion avec la quatrième condition dudit arrêt, qui concerne cette exigence d’efficacité.

Partant, en exigeant que les paramètres de calcul de la compensation attribuée à l’entreprise pour l’exécution d’une mission de service public soient formulés de façon à assurer que l’exécution de la mission de service public soit effectuée de façon efficace, la Commission commet une erreur de droit.

(cf. points 102-106)

9.      Voir le texte de la décision.

(cf. point 109)

10.    Dans le cadre de la détermination de l’existence d’une aide d’État, en ce qui concerne l’examen de la quatrième condition Altmark selon laquelle, à défaut d’une procédure de marché public permettant de sélectionner un candidat capable d’exécuter la mission de service public au moindre coût, la compensation accordée doit être établie en prenant comme référence une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée des moyens nécessaires, la recherche d’une telle entreprise vise à optimiser le montant de la compensation considérée comme nécessaire pour accomplir la mission de service public et à éviter que les coûts élevés d’une entreprise inefficace soient pris comme référence dans le calcul du montant de cette compensation.

Il ne suffit donc pas, pour remplir cette condition, que l’État membre déclare que, compte tenu des spécificités de la mission du service public, il n’est pas possible d’identifier sur le marché une entreprise comparable au bénéficiaire de la compensation pour s’attacher ensuite à démontrer que le bénéficiaire lui-même est une entreprise bien gérée et adéquatement équipée au sens de cette condition.

(cf. points 116, 117, 131)

11.    En matière d’aides d’État, en ce qui concerne la charge de la preuve, s’il revient à la Commission de démontrer l’existence d’une aide d’État, l’État membre concerné est tenu, conformément à l’article 10, paragraphe 2, lu en combinaison avec l’article 2, paragraphe 2, du règlement nº 659/1999, portant modalités d’application de l’article 93 du traité CE, de fournir à la Commission tous les renseignements nécessaires pour lui permettre de prendre une décision relative à la qualification de la mesure examinée et, le cas échéant, à sa compatibilité avec le marché intérieur.

Ainsi, il existe une obligation pour l’État membre de démontrer que, à défaut d’un appel d’offres public organisé en vue de choisir l’entreprise chargée de l’exécution de la mission de service public concernée, le niveau de la compensation octroyée à cette entreprise a été déterminé sur la base d’une analyse des coûts qu’une entreprise moyenne, bien gérée et adéquatement équipée afin de pouvoir satisfaire aux exigences de service public en cause aurait encourus pour exécuter cette mission. À défaut d’une telle démonstration, il ne saurait être exclu que la compensation accordée à l’entreprise chargée de la mission de service public comporte un élément d’aide d’État.

(cf. points 124, 126)

12.    Voir le texte de la décision.

(cf. point 156)

13.    En matière d’aides d’État, dans l’hypothèse d’une somme versée à une partie tenue de la transférer intégralement à un tiers, il ne saurait, en principe, être question d’un avantage accordé à la partie agissant uniquement comme « organisme payeur » ou « canal de paiement ». Dans un tel cas, la somme en question ne fait que transiter par le patrimoine de cette dernière partie. Une conclusion contraire ne saurait être admise que s’il est démontré que ce seul transit apporte à la partie concernée un bénéfice sous forme, par exemple, d’intérêts pour la période où elle est en possession de cette somme.

À cet égard, lorsque, pour exécuter une partie de la mission de service public qui lui est confiée par le législateur, une entreprise doit avoir recours aux services d’autres entreprises, ce qui implique que, en contrepartie, elle doit assumer, à l’égard de ces dernières, l’obligation de leur verser une rémunération appropriée pour ces services, qui leur permet de fournir les services en question, l’entreprise chargée de la mission de service public doit assumer elle-même des obligations à l’égard des autres entreprises, de sorte que son rôle ne se limite pas à celui d’un simple « canal de transit » de versements provenant d’une redevance et à destination d’autres entreprises. En outre, le fait que les autres entreprises disposent de leur propre personnalité juridique, distincte de celle de l’entreprise chargée de la mission de service public, n’a aucune incidence.

(cf. points 159, 171)

14.    En matière d’aides d’État, des avantages qui ne sont pas accordés au moyen de ressources d’État ne sont pas, en tout état de cause, capables de constituer une aide d’État. À cet égard, un avantage accordé au moyen de ressources d’État est un avantage qui, une fois accordé, comporte un effet négatif sur les ressources de l’État.

La forme la plus simple que peut prendre cet effet négatif est celle d’un transfert de ressources de l’État à celui auquel l’avantage est accordé. Toutefois, il n’est pas nécessaire d’établir, dans tous les cas, qu’il y a eu un transfert de ressources d’État pour que l’avantage accordé à une ou à plusieurs entreprises puisse être considéré comme une aide d’État. En ce sens, il est possible de concevoir un avantage entraînant des effets négatifs sur les ressources de l’État qui n’implique pas un transfert de ressources d’État. Tel est, notamment, le cas d’une mesure par laquelle les autorités publiques accordent à certaines entreprises une exonération fiscale qui, bien que ne comportant pas un transfert de ressources d’État, place les bénéficiaires dans une situation financière plus favorable que les autres contribuables.

En ce qui concerne la portée de la notion de ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, celle-ci englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. En conséquence, même si les sommes correspondant à la mesure en cause ne sont pas de façon permanente en possession du Trésor public, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de ressources d’État.

Ainsi, des ressources d’État peuvent également consister en des ressources qui proviennent de tiers, mais qui, soit ont été volontairement mises à la disposition de l’État par leurs propriétaires, soit ont été abandonnées par leurs propriétaires et dont l’État a assumé la gestion, en exercice de ses pouvoirs souverains. Il ne saurait, en revanche, être considéré que des ressources se trouvent sous contrôle public et constituent, donc, des ressources d’État au sens susvisé du simple fait que, par une mesure législative, l’État prescrit à un tiers une utilisation particulière de ses propres ressources.

(cf. points 190, 195, 196, 198, 201, 208, 209)

15.    Les recettes publicitaires d’un radiodiffuseur chargé d’une mission de service public constituent la contrepartie financière, versée par les annonceurs, pour la mise à leur disposition du temps d’antenne publicitaire. Dès lors, à l’origine, ces recettes ne proviennent pas de ressources d’État, mais de ressources privées, celles des annonceurs.

Quant à la question de savoir s’il est loisible de considérer que ces ressources, d’origine privée, sont contrôlées par les autorités de l’État membre concerné, ces ressources ne sont pas placées volontairement à la disposition de l’État par leurs propriétaires et ne constituent pas davantage de ressources abandonnées par leurs propriétaires et dont l’État a assumé la gestion. En effet, dans un cas où l’intervention de l’État consiste concrètement à la fixation de la proportion des ressources en question provenant des recettes publicitaires qui doivent être transmises à ce radiodiffuseur et où les autorités nationales compétentes ont seulement le pouvoir de plafonner la somme provenant de ces ressources qui serait transmise à ce radiodiffuseur, ce pouvoir ne saurait être considéré comme suffisant pour conclure qu’il s’agit de ressources sous contrôle public.

En revanche, si, sur instruction des autorités nationales compétentes une partie des recettes publicitaires était mise à la disposition desdites autorités, cette partie des recettes publicitaires constituerait des ressources de l’État. Au contraire, il n’y a pas de raisons de considérer que la partie restante des recettes publicitaires, qui n’a pas été retenue, constitue une ressource d’État.

Ne saurait conduire à une conclusion différente le fait que le ministre de la Culture de l’État membre concerné peut retenir une partie des recettes publicitaires. En effet, une telle circonstance ne signifie ni que le reste non retenu constitue une ressource d’État, ni que son transfert au radiodiffuseur constitue une aide d’État en faveur de ce dernier. Enfin, est sans pertinence à cet égard l’absence de lien contractuel entre les annonceurs et le radiodiffuseur, ou d’influence de celui-ci sur l’activité de publicité.

Il s’ensuit que dans la mesure où une décision de la Commission qualifie d’aide d’État de telles recettes publicitaires, elle commet une erreur de droit qui, sur ce point, entache cette décision de nullité.

(cf. points 211, 212, 214, 217, 218, 220)

16.    Voir le texte de la décision.

(cf. points 229-231)

17.    En matière d’aides d’État, lorsqu’une aide est accordée à un nouveau bénéficiaire, différent des bénéficiaires d’une aide existante, il ne peut que s’agir, dans le cas de ce nouveau bénéficiaire, d’une aide nouvelle. À cet égard, il est nécessaire de distinguer entre, d’une part, les régimes d’aides et, d’autre part, les aides individuelles.

(cf. points 236-239)

18.    Dans le contexte du droit de la concurrence, y compris aux fins de l’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, la notion d’entreprise comprend toute entité exerçant une activité économique, indépendamment du statut juridique de cette entité et de son mode de financement.

Ainsi, pour identifier le bénéficiaire d’une aide existante, il faut tenir compte de l’unité économique qui est le bénéficiaire de cette aide, indépendamment de toute modification éventuelle dans son statut juridique. Par conséquent, même une aide individuelle peut être considérée comme étant une aide existante, quand bien même elle aurait été accordée à une entité juridique constituée après l’institution de l’aide et l’adhésion de l’État membre concerné à l’Union, s’il s’avère que l’entité juridique en question, quoique inexistante en tant que telle au moment de l’institution de l’aide, faisait partie, à ce moment, de l’entreprise, c’est-à-dire de l’unité économique à laquelle l’aide existante avait été accordée.

(cf. points 243, 244)