Language of document : ECLI:EU:T:2020:182

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre élargie)

13 mai 2020 (*)

« Aides d’État – Secteur aérien – Aide octroyée par l’Italie en faveur des aéroports sardes – Décision déclarant l’aide pour partie compatible et pour partie incompatible avec le marché intérieur – Imputabilité à l’État – Bénéficiaires – Avantage en faveur des compagnies aériennes cocontractantes – Principe de l’opérateur privé en économie de marché – Affectation des échanges entre États membres – Atteinte à la concurrence – Récupération – Confiance légitime – Obligation de motivation »

Dans l’affaire T‑8/18,

easyJet Airline Co. Ltd, établie à Luton (Royaume-Uni), représentée par M. P. Willis, solicitor, et Me J. Rivas Andrés, avocat,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme L. Armati et M. S. Noë, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision (UE) 2017/1861 de la Commission, du 29 juillet 2016, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1),

LE TRIBUNAL (première chambre élargie),

composé de MM. S. Papasavvas, président, J. Svenningsen (rapporteur), V. Valančius, Z. Csehi et P. Nihoul, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 2 octobre 2019,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

A.      Sur les mesures litigieuses

1        L’île de Sardaigne (Italie) compte cinq aéroports, parmi lesquels figurent ceux d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

2        L’aéroport d’Alghero est exploité par la So.Ge.A.Al SpA (ci-après la « SOGEAAL ») dont le capital a été intégralement souscrit par des organismes publics locaux et est détenu, majoritairement, par la Regione autonoma della Sardegna (Région autonome de Sardaigne, Italie, ci-après la « Région autonome »), y compris indirectement par l’intermédiaire de la Società Finanziaria Industriale Regione Sardegna (SFIRS). L’aéroport de Cagliari-Elmas est pour sa part exploité par la So.G.Aer SpA (ci-après la « SOGAER »), une société dont les parts sont majoritairement détenues par la chambre de commerce de Cagliari, tandis que l’aéroport d’Olbia est exploité par la GEASAR SpA (ci-après la « GEASAR »), une société enregistrée à Olbia dont la majorité des actions sont détenues par une entreprise privée, Meridiana SpA.

1.      Sur les dispositions adoptées par la Région autonome

a)      Sur l’article 3 de la loi no 10/2010

3        Le 13 avril 2010, la Région autonome a adopté la legge regionale n. 10 – Misure per lo sviluppo del trasporto aereo (loi régionale no 10 – mesures en vue du développement du transport aérien) (Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna no 12, du 16 avril 2010) (ci-après la « loi no 10/2010 »).

4        L’article 3 de la loi no 10/2010, intitulé « Incitations pour la désaisonnalisation des liaisons aériennes de l’île » (Incentivi alla destagionalizzazione dei collegamenti aerei isolani), se lit comme suit :

« 1. Sont autorisées les dépenses de 19 700 000 [euros] pour l’année 2010 et de 24 500 000 [euros] pour chacune des années 2011 à 2013 pour le financement des aéroports de l’île en vue du renforcement et du développement du transport aérien en tant que service d’intérêt économique général, y compris par la désaisonnalisation des liaisons aériennes, conformément à la communication de la Commission 2005/C 312/01, relative à des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’[É]tat au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux.

2. Les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités de la part des sociétés gestionnaires d’aéroports, qui tiennent compte des mesures relatives à la continuité territoriale visées à l’article 2, sont définis par résolution de l’exécutif régional, à adopter sur proposition du conseiller régional des transports, en accord avec les conseillers pour la planification, le budget, le crédit et l’aménagement régional, le tourisme, l’artisanat et le commerce, l’agriculture et la réforme agropastorale, les biens culturels, l’information, les loisirs et le sport.

3. La résolution visée au paragraphe 2 et les plans d’activités, y compris ceux déjà définis par les sociétés de gestion aéroportuaires à la date d’entrée en vigueur de la présente loi, accompagnés des actes et des contrats correspondants, sont financés s’ils sont établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives visées au paragraphe 2 et sont préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente. »

b)      Sur les actes d’exécution de la loi no 10/2010

5        Conformément à l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 10/2010, l’exécutif de la Région autonome a adopté plusieurs actes de mise en œuvre des mesures prévues à cet article 3 (ci-après les « actes d’exécution »), notamment la deliberazione della Giunta regionale n. 29/36 (décision du conseil régional no 29/36), du 29 juillet 2010 (ci-après la « décision régionale no 29/36 »), la deliberazione della Giunta regionale n. 43/37 (décision du conseil régional no 43/37), du 6 décembre 2010 (ci-après la « décision régionale no 43/37 »), et la deliberazione della Giunta regionale n. 52/117 (décision du conseil régional no 52/117), du 23 décembre 2011 (ci-après la « décision régionale no 52/117 »), (ci-après, pris ensemble avec l’article 3 de la loi no 10/2010, les « mesures litigieuses »).

6        Ces actes d’exécution définissent en substance trois types d’« activités » pour lesquels les exploitants aéroportuaires pouvaient recevoir une compensation de la Région autonome pour les années 2010 à 2013, à savoir :

–        l’augmentation du trafic aérien par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 1 ») ;

–        la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique par les compagnies aériennes (ci-après l’« activité 2 ») ;

–        d’autres activités de promotion confiées par les exploitants aéroportuaires, pour le compte de la Région autonome, à des prestataires de services tiers autres que des compagnies aériennes (ci-après l’« activité 3 »).

7        La décision régionale no 29/36, d’une part, précisait que, dans la mise en œuvre de l’article 3 de la loi no 10/2010, l’objectif de réduire la saisonnalité des liaisons aériennes consistait à augmenter la fréquence des vols pendant la moyenne saison et la saison hivernale ainsi qu’à ouvrir de nouvelles liaisons aériennes. D’autre part, cette décision indiquait que l’objectif ultime, poursuivi par les mesures prévues à l’article 3 de la loi no 10/2010 de promotion d’une politique régionale de transport aérien, était le renforcement de la cohésion économique, sociale et territoriale, ainsi que le développement des économies locales, du tourisme et de la culture de l’île de Sardaigne.

8        À cet égard, la décision régionale no 29/36 définissait les critères, la nature et la durée des services de transport pour lesquels une compensation pouvait être accordée pendant la période 2010-2013 ainsi que des lignes directrices pour l’élaboration et l’évaluation des « plans d’activités » rédigés par les exploitants aéroportuaires.

9        Concrètement, afin de recevoir un financement prévu par la loi no 10/2010, un exploitant aéroportuaire devait soumettre pour approbation à la Région autonome un plan d’activités détaillé. Ce plan devait identifier quelles activités, parmi celles 1 à 3, l’exploitant aéroportuaire comptait mettre en œuvre afin d’atteindre les objectifs de la loi no 10/2010. Ce plan devait éventuellement être concrétisé par des accords spécifiques entre l’exploitant aéroportuaire et des compagnies aériennes.

10      Lorsqu’un exploitant aéroportuaire souhaitait recevoir un financement pour l’activité 1, le plan d’activités qu’il présentait à la Région autonome devait identifier des « liaisons d’intérêt stratégique » (nationales et internationales) et définir des objectifs annuels en matière de fréquence de vols, de nouvelles liaisons et de nombre de passagers.

11      Selon les autorités italiennes, l’exploitation de ces liaisons d’intérêt stratégique constituait ainsi le service d’intérêt économique général que les compagnies aériennes fournissaient en échange d’une compensation.

12      Un plan d’activités mettant en œuvre l’activité 2 devait définir des activités spécifiques de marketing et de publicité qui visaient à augmenter le nombre de passagers et à promouvoir la zone d’attraction de l’aéroport.

13      La décision régionale no 29/36 prévoyait que les plans d’activités devaient être étayés par des prévisions relatives aux perspectives de rentabilité des activités qu’ils identifiaient.

14      Il ressort de la décision régionale no 29/36 que les plans d’activités devaient respecter certains principes :

–        les liaisons d’intérêt stratégique déterminées par les plans ne pouvaient pas chevaucher des liaisons déjà exploitées dans le cadre d’un régime d’obligation de service public ;

–        le financement accordé à chaque liaison subventionnée devait être dégressif avec le temps ;

–        l’accord financier conclu avec les compagnies aériennes devait inclure un plan de promotion du territoire.

15      Si la Région autonome constatait des incohérences entre, d’une part, les plans d’activités présentés par les exploitants aéroportuaires et, d’autre part, les dispositions de la loi no 10/2010 et ses actes d’exécution, elle pouvait exiger que ces plans d’activités soient modifiés.

16      Après avoir approuvé les différents plans d’activités qui lui étaient soumis par les exploitants aéroportuaires, la Région autonome répartissait les ressources financières disponibles pour chacune des années 2010 à 2013 entre les exploitants aéroportuaires.

17      Le montant de ces compensations était calculé à partir de la différence entre, d’une part, les coûts estimés supportés par les compagnies aériennes afin d’assurer les liaisons stratégiques et d’atteindre les objectifs annuels en matière de passagers et, d’autre part, les produits réels ou présumés de la vente des billets aux passagers.

18      Lorsque la somme des compensations demandées par les exploitants aéroportuaires était supérieure au montant prévu par la loi no 10/2010, la décision régionale no 29/36 prévoyait des critères d’attribution préférentiels.

19      Enfin, les actes d’exécution prévoyaient que les exploitants aéroportuaires devaient assurer le suivi des performances des compagnies aériennes. En particulier, ils imposaient que les accords spécifiques conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes prévissent l’application de sanctions aux compagnies aériennes en cas de non-respect des objectifs prédéfinis, notamment en matière de fréquence de vols et de nombre de passagers.

2.      Sur la mise en œuvre des mesures litigieuses

20      La requérante, easyJet Airline Co. Ltd, est une compagnie aérienne titulaire d’une licence enregistrée en Angleterre et au Pays de Galles (Royaume-Uni), qui exploite un réseau de liaisons court-courriers à destination et au départ d’aéroports de l’Union européenne, y compris ceux d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

a)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Olbia

21      L’exploitant de l’aéroport d’Olbia a publié, sur son site Internet, un appel à manifestation d’intérêt en vue de la conclusion de contrats de marketing et de publicité.

22      En réponse à cet appel à manifestation d’intérêt, la requérante a présenté un plan d’exploitation de développement de liaisons aériennes depuis et vers Olbia ainsi qu’un programme de marketing et de publicité. La compagnie aérienne y invitait la GEASAR à participer à l’investissement requis afin de mettre en place le programme de marketing et de publicité.

23      La GEASAR a examiné le plan d’exploitation de la requérante et a produit son propre plan d’exploitation duquel il ressortait qu’une participation à l’investissement telle que proposée par la requérante serait rentable pour l’exploitant aéroportuaire.

24      La GEASAR a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période triennale 2011-2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. La Région autonome a approuvé ces plans d’activités et fixé les montants qui devaient être accordés à la GEASAR pour 2010 et pour la période 2011-2013 par les décisions régionales no 43/37 et no 52/117.

25      La GEASAR et la requérante ont ensuite conclu trois contrats en vertu desquels la requérante s’engageait, contre rémunération, d’une part, à maintenir ou à assurer des liaisons de point à point entre Olbia et les aéroports européens de Bristol (Royaume-Uni), Bâle (Suisse), Genève (Suisse), Londres Gatwick (Royaume-Uni), Milan Malpensa (Italie), Berlin-Schönefeld (Allemagne), Lyon (France), Paris-Orly (France) et Madrid-Barajas (Espagne), et à atteindre des objectifs en matière de passagers ainsi que, d’autre part, à mettre en œuvre un programme de marketing et de publicité visant à promouvoir l’île de Sardaigne.

26      Le premier de ces contrats a été signé le 17 mars 2011 et couvrait la période comprise entre le 28 mars 2010 et le 27 mars 2011. Le deuxième de ces contrats a été signé le 25 janvier 2012 et couvrait la période allant du 27 mars 2011 au 30 mars 2013. Un dernier contrat avec la GEASAR a été signé le 1er mars 2013 et couvrait la période allant du 27 mars 2013 au 30 mars 2014.

b)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport de Cagliari-Elmas

27      La SOGAER, exploitant de l’aéroport de Cagliari-Elmas, a publié, sur son site Internet, un avis invitant des compagnies aériennes à lui présenter des plans d’exploitation pour des liaisons aériennes en provenance et à destination de cet aéroport ainsi que pour la conclusion de contrats de marketing visant à promouvoir l’île de Sardaigne.

28      La requérante a présenté à la SOGAER un plan d’exploitation triennale de développement de liaisons aériennes depuis et vers Cagliari ainsi qu’un programme de marketing et de publicité. Une étude d’impact économique, commandée à un consultant externe, concluait à l’appui de ce plan qu’un investissement dans les activités de marketing, ainsi prévu par ledit plan, serait rentable pour la requérante. Cette étude considérait également que cet investissement développerait l’économie de l’île de Sardaigne et serait rentable pour la SOGAER.

29      La SOGAER a présenté à la Région autonome des plans d’activités pour l’année 2010 et pour la période triennale 2011-2013, accompagnés des demandes de financement correspondantes. Ces plans ont été approuvés et les montants attribués à la SOGAER pour 2010 et pour la période 2011-2013 ont été respectivement fixés par les décisions régionales no 43/37 et no 52/117.

30      La requérante et la SOGAER ont conclu un contrat, numéroté 25/2011, couvrant la période allant du 29 mars 2010 au 28 mars 2013 (ci-après le « contrat no 25/2011 »). La requérante s’y engageait, d’une part, à maintenir ou à assurer des vols de point à point entre Cagliari-Elmas et Londres-Stansted (Royaume-Uni), Genève, Bâle et Berlin-Schönefeld et à atteindre des objectifs en matière de passagers, ainsi que, d’autre part, à fournir des activités de marketing et de publicité. Ces prestations relevaient des activités 1 et 2.

31      L’article 5 de cet accord précisait que ce contrat était subordonné au maintien et au renouvellement du financement de la SOGAER par la Région autonome.

c)      Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Alghero

32      En ce qui concerne l’aéroport d’Alghero, des contrats conclus entre la SOGEAAL et la société Ryanair Ltd, déjà en 2003 et prolongés depuis lors, ont fait l’objet d’une plainte déposée par une compagnie aérienne italienne. Celle-ci a conduit à l’ouverture, par la Commission européenne, le 12 septembre 2007, de la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE en ce qui concernait une aide d’État présumée octroyée à et par l’aéroport d’Alghero en faveur de Ryanair et d’autres transporteurs aériens (JO 2008, C 12, p. 7). Le 27 juin 2012, cette procédure a été étendue, afin d’inclure des mesures supplémentaires prises par l’Italie qui ne faisaient pas l’objet de la plainte initiale (JO 2013, C 40, p. 15), parmi lesquelles figuraient « toutes les mesures en faveur de Ryanair et de sa filiale AMS, ainsi que des autres compagnies aériennes utilisant l’aéroport depuis 2000 […] inclu[a]nt en particulier des contributions financières accordées directement par la SOGEAAL ou par son intermédiaire au moyen de plusieurs contrats de services aéroportuaires et contrats de services commerciaux conclus avec Ryanair et d’autres transporteurs aériens à partir de 2000 ».

33      Ladite procédure a donné lieu à l’adoption par la Commission de la décision (UE) 2015/1584, du 1er octobre 2014, concernant l’aide d’État SA.23098 (C 37/07) (ex NN 36/07) mise à exécution par l’Italie en faveur de Società di Gestione dell’Aeroporto di Alghero So.Ge.A.AL SpA. et de divers transporteurs aériens présents à l’aéroport d’Alghero (JO 2015, L 250, p. 38, ci-après la « décision “Alghero” »), dans laquelle la Commission a notamment considéré, en application du principe de l’opérateur privé en économie de marché, que les mesures mises en œuvre par la Région autonome, notamment les contrats conclus par la SOGEAAL, contrôlée par ladite Région, avec certaines compagnies aériennes et portant sur la promotion ou le démarrage de nouvelles liaisons aériennes au départ et à l’arrivée de l’aéroport d’Alghero ainsi que sur des activités de marketing et de publicité ne constituaient pas des aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

34      Concernant la période allant de 2010 à 2013, la requérante n’a toutefois pas conclu de contrat avec la SOGEAAL relevant du dispositif d’aide mis en place par la loi no 10/2010.

B.      Sur la décision attaquée

35      Le 30 novembre 2011, la République italienne a, conformément à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, notifié à la Commission la loi no 10/2010, laquelle mesure a été examinée conformément au chapitre III du règlement (CE) no 659/1999 du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article [108 TFUE] (JO 1999, L 83, p. 1).

36      Par lettre du 23 janvier 2013, la Commission a informé la République italienne de sa décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE (ci-après la « décision d’ouverture ») concernant le régime notifié (ci-après le « régime d’aides litigieux »). Par la publication de cette décision au Journal officiel de l’Union européenne le 30 mai 2013 (JO 2013, C 152, p. 30), la Commission a invité les parties intéressées à présenter leurs observations sur le régime d’aides présumé.

37      Les autorités italiennes de même que des parties intéressées, y compris la requérante et les exploitants des aéroports d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia, ont déposé des observations écrites. La Commission a transmis les observations des parties intéressées aux autorités italiennes, lesquelles ont pu déposer leurs commentaires sur celles-ci.

38      Par lettres du 24 février 2014, la Commission a informé les parties intéressées de l’adoption, le 20 février 2014, d’une communication intitulée « Lignes directrices sur les aides d’État aux aéroports et aux compagnies aériennes » (JO 2014, C 99, p. 3, ci-après les « lignes directrices de 2014 »), et du fait que ces lignes directrices s’appliqueraient en l’espèce à compter de la date de leur publication au Journal officiel. Le 15 avril 2014, une communication invitant les États membres et les parties intéressées à présenter leurs observations sur l’application à la présente affaire des lignes directrices de 2014, et ce dans un délai d’un mois à compter de la date de publication desdites lignes directrices, a été publiée au Journal officiel (JO 2014, C 113, p. 30). Le 4 juillet 2014, la requérante a alors déposé des observations.

39      Le 25 mars 2015, la Commission a demandé à la requérante de lui communiquer certains documents. Le 31 mars suivant, la requérante les lui a fournis, tout en présentant à cette occasion des observations complémentaires.

40      Les 1er et 14 mai 2015, la requérante et une société de conseil agissant en son nom ont communiqué à la Commission de nouvelles observations complémentaires.

41      Après une réunion avec les services de la Commission, la requérante a présenté de nouvelles observations le 1er juin 2015. Invitées à présenter leurs éventuels commentaires à cet égard, les autorités italiennes ont, le 17 septembre 2015, présenté des observations à la Commission.

42      Le 29 juillet 2016, la Commission a adopté la décision (UE) 2017/1861, concernant l’aide d’État SA 33983 (2013/C) (ex 2012/NN) (ex 2011/N) – Italie – Compensations versées aux aéroports sardes pour des obligations de service public (SIEG) (JO 2017, L 268, p. 1, ci-après la « décision attaquée »), dont le dispositif se lit comme suit :

« Article premier

1. Le régime que l’Italie a établi par la loi [no 10/2010] ne comporte pas d’aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE] en faveur de [la] SOGEAAL […], [de la] SOGAER […] et [de la] GEASAR […].

2. Le régime que l’Italie a établi par la loi no 10/2010 constitue une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, du traité en faveur de Ryanair/AMS, [de la requérante], [d’]Air Berlin, [de] Meridiana, [d’]Alitalia, [d’]Air Italy, [de] Volotea, [de] Wizzair, [de] Norwegian, [de] JET2.COM, [de] Niki, [de] Tourparade, [de] Germanwings, [d’]Air Baltic et [de] Vueling, en ce qui concerne les activités de ces compagnies aériennes à l’aéroport de Cagliari-Elmas et à l’aéroport d’Olbia.

3. L’aide d’État visée au paragraphe 2 a été mise à exécution par l’Italie en violation de l’article 108, paragraphe 3, [TFUE].

4. L’aide d’État visée au paragraphe 2 est incompatible avec le marché intérieur.

Article 2

1. L’Italie récupère auprès des bénéficiaires l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2.

2. Ryanair et AMS constituant une seule unité économique aux fins de la présente décision, elles sont solidairement responsables du remboursement de l’aide d’État reçue par l’une ou l’autre.

3. Les sommes à récupérer produisent des intérêts à compter de la date à laquelle elles ont été mises à la disposition des bénéficiaires jusqu’à celle de leur récupération effective.

[…]

5. L’Italie annule tous les paiements en suspens de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, à compter de la date d’adoption de la présente décision.

Article 3

1. La récupération de l’aide visée à l’article 1er, paragraphe 2, est immédiate et effective.

2. L’Italie veille à ce que la présente décision soit exécutée dans les quatre mois suivant la date de sa notification.

Article 4

1. Dans les deux mois suivant la notification de la présente décision, l’Italie communique les informations suivantes à la Commission :

–        la liste des bénéficiaires qui ont reçu une aide dans le cadre du régime visé à l’article 1er, paragraphe 2, et le montant total d’aide reçu par chacun d’eux à ce titre,

–        le montant total (principal et intérêts) à récupérer auprès de chaque bénéficiaire,

–        une description détaillée des mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision,

–        les documents prouvant que les bénéficiaires ont été mis en demeure de rembourser l’aide.

2. L’Italie tient la Commission informée de l’avancement des mesures nationales prises pour mettre à exécution la présente décision jusqu’à la récupération complète de l’aide visée à l’article 2. Elle transmet immédiatement, sur simple demande de la Commission, toute information sur les mesures déjà prises et prévues pour se conformer à la présente décision. Elle fournit également des informations détaillées concernant les montants de l’aide et les intérêts déjà récupérés auprès des bénéficiaires.

Article 5

La République italienne est destinataire de la présente décision. »

43      S’agissant de la portée de la décision attaquée, la Commission a indiqué, aux considérants 344 à 346 de cette décision, que celle-ci ne devait pas couvrir les mesures d’aides faisant déjà l’objet de l’enquête, distincte, telle que visée au point 32 ci-dessus. En effet, même si tous les paiements effectués par la SOGEAAL pour les activités 1 et 2 prévues au titre de la loi no 10/2010 par les actes d’exécution n’avaient pas été effectués en vertu des contrats examinés dans le cadre de l’enquête distincte concernant exclusivement l’aéroport d’Alghero, la Commission a considéré que la grande majorité d’entre eux avaient été appréciés dans le cadre de cette autre affaire. En outre, la Commission a relevé « qu’il n’[était] pas simple d’établir une distinction claire dans tous les cas étant donné que les relations financières entre [la] SOGEAAL et une compagnie aérienne donnée au cours de la période concernée p[ouvaient] être régies par divers contrats dont seuls certains [avaie]nt été examinés dans le cadre de [ladite autre affaire] ». Elle a ainsi estimé qu’il convenait d’exclure de la portée de la décision attaquée tous les accords conclus entre les compagnies aériennes et la SOGEAAL dans le cadre du régime d’aides litigieux, soit, en d’autres termes, le volet des mesures litigieuses concernant l’aéroport d’Alghero.

44      Enfin, la Commission a estimé, dans la décision attaquée, que la procédure ouverte en l’espèce ne portait pas sur l’aide potentielle accordée par les exploitants aéroportuaires à des prestataires de services autres que les compagnies aériennes et relevant de l’activité 3. Ainsi, elle a retenu, au considérant 346 de la décision attaquée, qu’elle ne pouvait pas prendre position sur ce point.

45      Le 1er août 2016, les autorités italiennes ont communiqué à la requérante une version non confidentielle de la décision attaquée en l’invitant à indiquer quelles données devraient être omises dans la version publiée au Journal officiel, laquelle publication est intervenue le 18 octobre 2017.

II.    Procédure et conclusions des parties

46      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2018, la requérante a introduit le présent recours.

47      À l’issue d’un double échange de mémoires et sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure. En vue de celle-ci, la requérante et la Commission ont été invitées à produire des documents et à répondre par écrit à des questions posées par le Tribunal à titre de mesures d’organisation de la procédure ainsi qu’à prendre position sur l’opportunité de joindre la présente affaire à l’affaire Volotea/Commission (T‑607/17), jonction à laquelle le Tribunal a finalement décidé de ne pas procéder pour des questions liées à la confidentialité de certaines informations. Elles ont déféré à ces mesures dans les délais impartis.

48      Le 19 juin 2019, le Tribunal a, lors de sa conférence plénière, décidé, sur proposition de la première chambre et du vice-président, en application de l’article 28 de son règlement de procédure, de renvoyer l’affaire à la première chambre siégeant en formation élargie à cinq juges.

49      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal lors de l’audience du 2 octobre 2019 à l’issue de laquelle la phase orale de la procédure a été clôturée.

50      Par ordonnance du 7 novembre 2019, le Tribunal a décidé de rouvrir la phase orale de la procédure. Le 12 novembre 2019, il a demandé à la Commission de produire certains documents, ce qu’elle a fait dans le délai imparti. La requérante a alors eu l’occasion de déposer ses observations sur ces documents le 20 décembre 2019, dans lesquelles elle a toutefois noté que ceux-ci n’avaient pas été produits dans la langue de procédure, mais en langue italienne. Invitée à indiquer au Tribunal si la requérante entendait, par ce commentaire, demander au Tribunal d’ordonner à la Commission de produire lesdits documents en langue de procédure conformément à l’article 46 du règlement de procédure, celle-ci a toutefois répondu, le 29 janvier 2020, qu’elle ne demandait pas une telle régularisation. Dans ces conditions, le Tribunal a, le 4 février 2020, clos la phase orale de la procédure.

51      Faisant suite à la demande de la Commission de pouvoir présenter des observations sur celles de la requérante du 20 décembre 2019, le Tribunal a, par ordonnance du 25 février 2020, décidé de rouvrir la phase orale de la procédure et, à la suite du dépôt par la Commission desdites observations dans le délai imparti, la phase orale de la procédure a été, de nouveau, close.

52      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans son intégralité et, en tout état de cause, en ce qui concerne l’aide d’État prétendument illégale qui lui aurait été versée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

53      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

III. En droit

A.      Sur la recevabilité

54      Dans son mémoire en défense, la Commission excipe de l’irrecevabilité du recours en ce qu’il tend à l’annulation, d’une part, de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée et, d’autre part, de l’article 1er, paragraphe 2, de cette même décision en ce que ce paragraphe 2 concerne des compagnies aériennes autres que la requérante.

55      En effet, tout en admettant que la requérante est recevable à agir en annulation de la décision attaquée pour ce qui la concerne et, à ce titre, à contester les différents passages de la décision constituant le soutien du dispositif contesté, notamment ceux relatifs à l’article 1er, paragraphe 2, de cette décision, tels que ceux de la section 7.2.1, la Commission conteste toutefois la possibilité pour la requérante d’obtenir l’annulation de ladite décision dans son intégralité. En effet, la requérante n’aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles elle souhaiterait voir cette décision annulée au bénéfice d’autres entités, telles que des compagnies concurrentes.

56      Par ailleurs, selon la Commission, la requérante ne pourrait pas agir directement en annulation contre le constat, figurant à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, selon lequel les aéroports n’avaient pas perçu d’aides d’État. En effet, ce constat serait étayé par les développements figurant à la section 7.2.2 de la décision attaquée, lesquels ne concerneraient pas directement et individuellement la requérante en tant que compagnie aérienne.

57      La requérante, s’appuyant notamment sur le point 31 de l’arrêt du 17 septembre 1992, NBV et NVB/Commission (T‑138/89, EU:T:1992:95), estime qu’elle est en droit de contester, au-delà du dispositif, les motifs qui en constituent le support nécessaire. Or, en l’espèce, il serait manifeste que le constat de l’existence d’une aide au niveau des compagnies aériennes, telles que la requérante, considérées comme les bénéficiaires réels du régime d’aides litigieux, dépendait du constat, indissociable, de l’absence d’éléments d’aide au niveau des exploitants aéroportuaires, lesquels ont été qualifiés par la Commission de simples « intermédiaires » ayant dispensé en aval les avantages financiers distribués par la Région autonome. Ainsi, la requérante serait en droit de contester ce dernier constat afin de pouvoir démontrer qu’elle n’était pas le bénéficiaire réel desdites mesures et que, par conséquent, la Commission n’était pas fondée à exiger d’elle qu’elle rembourse des montants à la Région autonome.

58      En outre, la requérante maintient qu’elle peut demander l’annulation de la décision attaquée dans son intégralité, y compris donc des passages dans lesquels elle n’est pas nommément désignée, tout en rappelant que, en tout état de cause, elle a présenté une demande subsidiaire d’annulation de ladite décision en ce qui la concernait uniquement.

59      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas de cet article, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

60      La décision attaquée ayant pour unique destinataire la République italienne, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les sujets autres que les destinataires d’une décision ne peuvent prétendre être individuellement concernés par cette décision que si celle-ci les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle du destinataire [arrêts du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, EU:C:1963:17, p. 223, et du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 41].

61      Dans le domaine des aides d’État, la Cour a précisé qu’une entreprise ne saurait, en principe, attaquer une décision de la Commission interdisant un régime d’aides sectoriel si elle n’est concernée par cette décision qu’en raison de son appartenance au secteur en question et de sa qualité de bénéficiaire potentiel dudit régime. En effet, une telle décision se présente, à l’égard d’une telle entreprise, comme une mesure de portée générale qui s’applique à des situations déterminées objectivement et comporte des effets juridiques à l’égard d’une catégorie de personnes envisagées de manière générale et abstraite [voir arrêts du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, point 33 et jurisprudence citée, et du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 43].

62      Cependant, lorsque la décision affecte un groupe de personnes qui étaient identifiées ou identifiables au moment où cet acte a été pris et en fonction de critères propres aux membres du groupe, ces personnes peuvent être individuellement concernées par cet acte en tant qu’elles font partie d’un cercle restreint d’opérateurs économiques [voir arrêt du 13 mars 2008, Commission/Infront WM, C‑125/06 P, EU:C:2008:159, point 71 et jurisprudence citée ; arrêts du 27 février 2014, Stichting Woonpunt e.a./Commission, C‑132/12 P, EU:C:2014:100, point 59, et du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 44].

63      Ainsi, les bénéficiaires effectifs d’aides individuelles octroyées au titre d’un régime d’aides dont la Commission a ordonné la récupération sont, de ce fait, individuellement concernés au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE [arrêts du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 53, et du 28 juin 2018, Andres (faillite Heitkamp BauHolding)/Commission, C‑203/16 P, EU:C:2018:505, point 45 ; voir également, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2000, Italie et Sardegna Lines/Commission, C‑15/98 et C‑105/99, EU:C:2000:570, points 34 et 35].

64      Outre la ou les entreprises bénéficiaires, ont également été reconnues comme individuellement concernées par une décision de la Commission, clôturant la procédure ouverte au titre de l’article 108, paragraphe 2, TFUE, les entreprises concurrentes de cette dernière ayant joué un rôle actif dans le cadre de cette procédure, pour autant que leur position sur le marché ait été substantiellement affectée par la mesure d’aide faisant l’objet de la décision attaquée (arrêts du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, EU:C:1986:42, point 25 ; du 22 novembre 2007, Sniace/Commission, C‑260/05 P, EU:C:2007:700, point 55, et du 17 septembre 2015, Mory e.a./Commission, C‑33/14 P, EU:C:2015:609, point 98).

65      En l’espèce, le dispositif de la décision attaquée vise tant la République italienne que les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes. Les conclusions en annulation visant tant cette décision dans son intégralité que cette décision en ce qu’elle concerne la requérante, il convient de déterminer dans quelle mesure cette dernière peut agir en annulation contre ladite décision.

66      À cet égard, la requérante est renseignée, à l’article 1er, paragraphe 2, de la décision attaquée, comme étant bénéficiaire du régime d’aides litigieux. En outre, en application de l’article 2 de cette décision, elle est tenue de rembourser aux autorités italiennes les montants qu’elle a perçus au titre du régime d’aides litigieux.

67      Dans ces conditions, le recours, en ce qu’il tend à l’annulation de ces deux dispositions en ce qui concerne la requérante, est recevable au regard de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE et, dans le cadre de ce recours, la requérante peut soulever, au soutien de ses conclusions en annulation desdites deux dispositions, tout moyen de nature à démontrer qu’elle n’était pas bénéficiaire du régime d’aides litigieux, y compris, dans ce cadre, des arguments tendant à démontrer que les exploitants aéroportuaires étaient les bénéficiaires réels dudit régime d’aides litigieux et non les compagnies aériennes, telles que la requérante.

68      Dans le cadre dudit recours, le Tribunal n’est toutefois saisi que des éléments de la décision concernant la requérante. Ainsi, ceux concernant des personnes, autres que le destinataire, n’entrent pas dans l’objet du litige que le juge est appelé à trancher (arrêt du 14 septembre 1999, Commission/AssiDomän Kraft Products e.a., C‑310/97 P, EU:C:1999:407, point 53). Ainsi, dans le cadre du présent recours, le Tribunal ne peut se prononcer que sur la légalité de l’article 1er, paragraphe 2, et de l’article 2 de la décision attaquée qu’en ce que ces dispositions concernent la requérante. Partant, en ce qu’elles visent l’annulation desdites dispositions en ce qui concerne d’autres compagnies aériennes visées dans lesdites dispositions, les conclusions en annulation sont irrecevables pour défaut de qualité à agir de la requérante.

69      Par ailleurs, contrairement à ce que fait valoir la requérante, elle ne saurait agir en annulation directement contre l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée. En effet, cette disposition concerne les seuls exploitants aéroportuaires, en faveur desquels la Commission a estimé que le régime d’aides litigieux ne comportait pas d’aide d’État. Or, étant donné que la requérante, en tant que compagnie aérienne, n’est pas concurrente desdits exploitants aéroportuaires, elle n’a pas la qualité pour agir en annulation contre l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée.

70      Dans ces conditions, les conclusions en annulation doivent être déclarées recevables uniquement en ce qu’elles visent l’annulation de la décision attaquée en ce qu’elle concerne la requérante et, pour le surplus, être rejetées comme étant irrecevables.

B.      Sur les conclusions en annulation

71      À l’appui du recours, la requérante soulève six moyens d’annulation de la décision attaquée, tirés :

–        premièrement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la qualification des paiements, versés par les exploitants aéroportuaires à la requérante, de « ressources d’État » dont l’octroi était imputable à l’État italien ;

–        deuxièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la perception d’un avantage par les compagnies aériennes ;

–        troisièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant au fait que les mesures litigieuses faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre les États membres ;

–        quatrièmement, d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’absence de possibilité de déclarer les mesures litigieuses compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE ;

–        cinquièmement, de la violation du principe de confiance légitime quant à l’ordre de récupération de l’aide au niveau de la requérante ;

–        sixièmement, d’une insuffisance de motivation et d’une contradiction de motifs dans la décision attaquée.

1.      Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la qualification des paiements, versés par les exploitants aéroportuaires à la requérante, de ressources d’État dont l’octroi était imputable à l’État italien

72      Dans le cadre du premier moyen, la requérante conteste l’analyse de la Commission, figurant selon elle aux considérants 355 à 361 de la décision attaquée, selon laquelle, d’une part, la Région autonome exerçait un contrôle sur les exploitants aéroportuaires, impliquant que les décisions des sociétés SOGAER et GEASAR d’octroyer des fonds aux compagnies aériennes mobilisaient des ressources d’État et étaient imputables à l’État italien, et selon laquelle, d’autre part, les exploitants aéroportuaires agissaient à titre d’intermédiaires de la Région autonome en ce sens que leurs comportements étaient déterminés par la loi no 10/2010 et les plans d’activités approuvés par la Région autonome, impliquant que leurs décisions d’octroyer contractuellement les fonds en cause aux compagnies aériennes étaient en définitive imputables à l’État italien.

73      La Commission conclut au rejet du moyen comme étant non fondé.

74      Il convient d’examiner successivement les deux branches composant le premier moyen.

a)      Sur la première branche du premier moyen, relative à l’existence d’un contrôle de la Région autonome sur les exploitants aéroportuaires

75      Se référant aux considérants 55 et 58 de la décision attaquée, la requérante a fait initialement valoir, dans la requête, que, pour autant que la conclusion de la Commission selon laquelle les fonds qui lui ont été versés par les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia constituaient des aides d’État au motif que les deux aéroports concernés étaient sous le contrôle de l’État italien, en l’occurrence de la Région autonome, cette conclusion serait erronée et affecterait la légalité de la décision attaquée. En effet, lesdits exploitants ne sauraient être considérés comme des entreprises publiques. Ainsi, leurs décisions, notamment de conclure des contrats avec la requérante, ne seraient pas imputables à l’État italien de même que leurs ressources financières utilisées pour rémunérer la requérante ne sauraient être considérées comme des ressources d’État.

76      La Commission conclut au rejet de cette branche en relevant que, contrairement à ce que soutient la requérante, elle ne s’est pas fondée, dans la décision attaquée, sur le fait que les exploitants aéroportuaires auraient été détenus par l’État pour conclure que les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires au profit des compagnies aériennes cocontractantes mobilisaient des ressources d’État et étaient imputables à l’État italien. Ainsi, la requérante se méprendrait sur le contenu des considérants 52 à 58 de la décision attaquée et sur le fait que, dans la partie de la décision attaquée traitant de cet aspect, à savoir la section 7.2.1.2 de celle-ci, la Commission a tiré cette conclusion exclusivement du constat que lesdits exploitants mettaient en œuvre le régime d’aides litigieux élaboré par la Région autonome. En réalité, la question de savoir si les exploitants aéroportuaires étaient ou non détenus par l’autorité publique n’aurait joué aucun rôle dans cette appréciation, d’autant que le régime d’aides était indifféremment institué au profit de tous les aéroports sardes, indépendamment de la question de savoir si les parts dans leurs structures capitalistiques respectives étaient détenues par des acteurs publics ou privés.

77      À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, sont déclarées incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d’État, sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions. Ainsi, la qualification d’« aide d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE suppose la réunion de quatre conditions, à savoir l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, que cette intervention soit susceptible d’affecter les échanges entre les États membres, qu’elle accorde un avantage sélectif à son bénéficiaire et qu’elle fausse ou menace de fausser la concurrence (voir arrêt du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 17 et jurisprudence citée).

78      Concernant la première condition tenant à l’existence d’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État, pour que des avantages puissent être qualifiés d’aides au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, ils doivent, d’une part, être accordés directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, et, d’autre part, être imputables à l’État (voir arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 24 et jurisprudence citée, et du 13 septembre 2017, ENEA, C‑329/15, EU:C:2017:671, point 20 et jurisprudence citée), ces deux sous-conditions étant cumulatives (voir, en ce sens, arrêts du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, points 48 et 63 et jurisprudence citée, et du 5 avril 2006, Deutsche Bahn/Commission, T‑351/02, EU:T:2006:104, point 103 et jurisprudence citée).

79      En l’espèce, la Commission a certes relevé, au considérant 52 de la décision attaquée, que les exploitants aéroportuaires d’Alghero, de Cagliari-Elmas et d’Olbia étaient des sociétés à responsabilité limitée ; que les deux premiers étaient détenus par le secteur public et que le troisième était contrôlé par un transporteur aérien.

80      Cependant, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission ne s’est pas fondée, dans la décision attaquée, sur un de ces éléments relatifs à la structure capitalistique, publique ou privée, des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia pour imputer à la Région autonome les fonds reçus par la requérante de ces exploitants au regard des conditions, posées dans l’arrêt du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), selon lesquelles des fonds octroyés par une entreprise publique, relevant en principe de la notion de « ressources d’État », peuvent être imputables à l’État.

81      En effet, dans la partie pertinente de la décision attaquée, plus précisément aux considérants 355 à 361 placés sous le titre « 7.2.1.2 Ressources d’État et imputabilité à l’État », la Commission s’est essentiellement appuyée, pour arriver à la conclusion que les fonds perçus par les compagnies aériennes provenaient de ressources de l’État italien, en l’occurrence de la Région autonome, et étaient imputables à ce dernier, sur la description du mécanisme mis en place par ladite Région autonome, mécanisme par lequel cette entité étatique fournissait des financements aux exploitants aéroportuaires les sollicitant à la condition qu’ils lui soumettent pour approbation des plans d’activités dans lesquels lesdits exploitants devaient détailler la manière dont ils entendaient utiliser lesdits fonds, notamment pour rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes.

82      Dans ces conditions, dans la mesure où elle est fondée sur une prémisse erronée, à savoir que la Commission aurait imputé à l’État italien les fonds perçus par la requérante des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia en se basant sur le fait que lesdits exploitants seraient détenus par la puissance publique, la première branche du premier moyen ne peut qu’être rejetée comme étant non fondée.

83      Dans la réplique, la requérante soutient toutefois que, même si la Commission devait ne pas avoir imputé l’aide en cause à l’État italien sur le fait que les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia étaient contrôlés par l’État, la décision attaquée serait affectée d’une incohérence, puisque, bien qu’elles relevaient du régime d’aides litigieux mis en place par la loi no 10/2010, un sort différent a été réservé aux aides données à l’exploitant de l’aéroport d’Alghero au motif qu’il était détenu par la Région autonome. En particulier, la requérante reproche à la Commission le fait que, dans la décision concernant l’aéroport d’Alghero, elle n’a pas examiné la question de savoir si l’exploitant dudit aéroport avait agi en l’espèce en tant qu’intermédiaire de la Région autonome.

84      À cet égard, invitée à répondre par écrit à une question du Tribunal sur ce point, la Commission a expliqué que la grande majorité des paiements effectués par l’exploitant de l’aéroport d’Alghero dans le cadre du régime d’aides litigieux concernait des accords conclus avec des compagnies aériennes avant l’adoption dudit régime et qui avaient déjà été évalués dans la décision « Alghero ». Dans sa réponse, elle a également rappelé, en se référant au considérant 345 de la décision attaquée, que, en raison de la difficulté de distinguer les mouvements financiers au titre des accords antérieurs au régime d’aides litigieux de ceux effectivement faits au titre dudit régime, elle avait décidé d’exclure de la portée de la décision attaquée tous les accords conclus entre l’exploitant de l’aéroport d’Alghero et les compagnies aériennes opérant dans cet aéroport.

85      Ainsi, il apparaît que, dans la décision attaquée, la Commission n’a pas formellement examiné les paiements faits par l’exploitant aéroportuaire d’Alghero aux compagnies aériennes cocontractantes à partir des fonds qui avaient été octroyés à cet exploitant par la Région autonome dans le cadre du régime d’aides litigieux. Par ailleurs, dans la décision « Alghero », la Commission a certes examiné les paiements faits par cet exploitant aéroportuaire, détenu par la Région autonome, au titre du critère de l’investisseur privé. Cependant, ces paiements étaient pour l’essentiel liés à des contrats conclus avant l’adoption par la Région autonome du régime d’aides litigieux, lequel prévoyait le mécanisme de contrôle par ladite Région des fonds qu’elle octroyait aux exploitants aéroportuaires.

86      Il en résulte que l’argumentation de la requérante relative à une prétendue incohérence d’approche de la Commission doit être écartée.

87      En tout état de cause, la requérante ne saurait, par son argumentation, remettre indirectement en cause la légalité de la décision « Alghero » au motif que la Commission aurait omis, dans cette décision, d’examiner les paiements faits aux compagnies aériennes cocontractantes par l’exploitant aéroportuaire d’Alghero à partir des fonds qui lui avaient été alloués par la Région autonome au titre du régime d’aides litigieux. En effet, indépendamment de la question de la qualité de la requérante à agir à l’encontre de ladite décision en sa qualité de compagnie aérienne, force est de constater que, en l’absence de recours formé au titre de l’article 263 TFUE dans les délais prévus, la décision « Alghero » est devenue définitive.

88      Par ailleurs, s’agissant de la légalité de la décision attaquée en ce qu’elle omet d’examiner les paiements faits, à partir des fonds dispensés au titre du régime d’aides litigieux, par l’exploitant aéroportuaire d’Alghero aux compagnies aériennes avec lesquelles il avait conclu des contrats commerciaux, force est de constater que la requérante, en tant que compagnie aérienne, est active sur le marché du transport aérien et non sur celui des services et des infrastructures aéroportuaires. Dans ces conditions, n’étant pas en concurrence avec l’exploitant aéroportuaire d’Alghero, la requérante n’a pas la qualité pour agir contre ce volet de la décision attaquée.

89      Enfin et à titre surabondant, les raisons pour lesquelles la Commission aurait fait une appréciation différente de la situation en cause dans une décision antérieure, en l’occurrence dans la décision « Alghero », ne sauraient, en tout état de cause, affecter la légalité de la décision attaquée (voir, en ce sens, arrêts du 1er juillet 2008, Chronopost et La Poste/UFEX e.a., C‑341/06 P et C‑342/06 P, EU:C:2008:375, point 95, et du 16 janvier 2018, EDF/Commission, T‑747/15, EU:T:2018:6, point 238).

90      Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, la première branche du premier moyen doit être rejetée.

b)      Sur la seconde branche du premier moyen, relative au rôle d’intermédiaires des exploitants aéroportuaires

91      Dans le cadre de la seconde branche du premier moyen, la requérante conteste tant, d’une part, l’origine étatique de l’argent utilisé par les exploitants aéroportuaires pour la rémunérer dans le cadre des contrats que ces derniers avaient conclus avec elle que, d’autre part, l’imputabilité à la Région autonome des paiements faits par les exploitants aéroportuaires dans le cadre de l’exécution des contrats portant sur des objectifs de trafic aérien et la fourniture de prestations de marketing qu’ils avaient conclus avec des compagnies aériennes telles que la requérante.

92      S’agissant de l’origine étatique des fonds en cause, il convient de rappeler qu’une intervention de l’État ou au moyen de ressources d’État ne doit pas nécessairement être une mesure arrêtée par le pouvoir central de l’État concerné. Elle peut tout aussi bien émaner d’une autorité infra-étatique, telle que la Région autonome. En effet, une mesure prise par une collectivité territoriale et non par le pouvoir central est susceptible de constituer une aide dès lors que sont remplies les conditions posées à l’article 107, paragraphe 1, TFUE (arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 17, et du 6 septembre 2006, Portugal/Commission, C‑88/03, EU:C:2006:511, point 55). En d’autres termes, les mesures prises par des entités infra-étatiques, décentralisées, fédérées, régionales ou autres, des États membres, quels que soient le statut juridique et la désignation de celles-ci, tombent, au même titre que les mesures prises par le pouvoir fédéral ou central, dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, si les conditions de cette disposition sont remplies (arrêts du 6 mars 2002, Diputación Foral de Álava e.a./Commission, T‑92/00 et T‑103/00, EU:T:2002:61, point 57, et du 12 mai 2011, Région Nord-Pas-de-Calais et Communauté d’agglomération du Douaisis/Commission, T‑267/08 et T‑279/08, EU:T:2011:209, point 108).

93      En l’espèce, dans le cadre du régime d’aides litigieux, il est constant que la Région autonome a mis à la disposition des exploitants aéroportuaires des fonds sur une période pluriannuelle afin qu’ils entreprennent des actions en vue de promouvoir la région de Sardaigne en tant que destination touristique, impliquant à la fois l’atteinte d’objectifs en matière de desserte aérienne de l’île depuis et vers ses différents aéroports et la fourniture de prestations de marketing. La requérante ne conteste pas que ces fonds, provenant à l’origine de la Région autonome et versés dans un premier temps aux exploitants aéroportuaires, sont des ressources d’État et que la décision d’octroyer de tels fonds auxdits exploitants aéroportuaires était imputable à l’État italien. La question se pose toutefois de savoir si, comme le conteste la requérante, les montants qu’elle a perçus desdits exploitants en exécution des contrats qu’elle avait conclus avec eux revêtaient ou revêtaient encore la nature de « ressources d’État » et étaient imputables à l’État italien, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

1)      Sur la mobilisation de ressources d’État

94      À cet égard, il ressort tant du mécanisme mis en place par la Région autonome au moyen du régime d’aides litigieux que de sa mise en œuvre en pratique que les fonds versés par ladite Région aux exploitants aéroportuaires ont été ceux utilisés par ces derniers pour rémunérer les compagnies cocontractantes.

95      En effet, d’une part, il convient de relever que le régime d’aides litigieux prévoyait une sorte de mécanisme d’apurement. Plus particulièrement, la décision régionale no 29/36 prévoyait que les exploitants aéroportuaires retenus recevraient une avance de 20 % sur les fonds dus au titre de l’année de référence, suivie d’un paiement d’une deuxième tranche de 60 %, échelonnée et conditionnée à la présentation de rapports trimestriels, et, enfin, une dernière tranche de 20 % en présentant les documents permettant à la Région autonome de vérifier que l’activité avait été correctement exécutée, que les objectifs avaient été atteints et que les coûts engagés étaient réels. Ce mécanisme de contrôle avait par conséquent vocation à empêcher tout exploitant aéroportuaire d’obtenir le remboursement de montants autres que ceux engagés par lui pour rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, et qui font l’objet de l’obligation de récupération prévue à l’article 2 de la décision attaquée. L’existence de ce mécanisme confirme également que les prestations desdites compagnies aériennes étaient financées par ladite Région, puisque les montants avancés par les exploitants aéroportuaires en rémunération des compagnies aériennes cocontractantes correspondaient aux fonds qu’ils percevraient, au bout du processus, de la Région autonome.

96      D’autre part, ainsi que cela ressort des considérants 242 à 246 ainsi que 313, 314 et 317 de la décision attaquée, exposant les observations qu’ils avaient déposées dans le cadre de la procédure administrative devant la Commission, les exploitants aéroportuaires d’Olbia et de Cagliari-Elmas ont eux-mêmes expliqué que, dans les faits, ils avaient avancé les montants correspondant au paiement des compagnies aériennes cocontractantes fournissant les prestations voulues par la Région autonome pour promouvoir le tourisme sarde et qu’ils avaient, ensuite, présenté à ladite Région autonome leurs rapports comptables reprenant les coûts réellement encourus afin d’en obtenir le remboursement par la Région autonome. Dans ce cadre, l’exploitant de l’aéroport de Cagliari-Elmas a même affirmé que la Région autonome avait exigé de lui qu’il démontre que les compagnies aériennes prestataires avaient reçu l’intégralité des contributions régionales et qu’il n’était donc qu’un intermédiaire leur ayant transmis les montants perçus de la Région autonome. Par ailleurs, la République italienne a elle-même fait valoir, ainsi que cela ressort du considérant 340 de la décision attaquée, que l’exploitant aéroportuaire d’Olbia avait transféré à la requérante l’intégralité du montant des contributions que cet exploitant avait perçu de la Région autonome.

97      Il apparaît donc clairement que les fonds utilisés par les exploitants aéroportuaires pour rémunérer la requérante dans le cadre des contrats que ces derniers avaient conclus avec elle avaient pour origine le budget de la Région autonome et constituaient donc des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Par ailleurs, s’ils ont, dans certains cas, dû supporter les coûts d’avance de trésorerie, y compris par le SFIRS, sur les montants ultérieurement remboursés par la Région autonome, cela n’enlève rien au fait que, selon leurs propres déclarations et conformément à ce que prévoyait le régime d’aides litigieux, les exploitants aéroportuaires ont utilisé l’intégralité des fonds qui leur avaient été octroyés par ladite Région autonome aux fins de rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, et qui font exclusivement l’objet de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée.

98      Il convient donc d’écarter l’argumentation de la requérante selon laquelle, une fois les fonds transférés de la Région autonome aux exploitants aéroportuaires, il n’aurait pas été certain qu’ils auraient servi à la rémunérer. De la même manière, la circonstance, alléguée par la requérante, que les modalités de transfert des fonds reçus par les exploitants aéroportuaires à destination des compagnies aériennes n’étaient pas mentionnées dans la loi no 10/2010 n’est pas pertinente, dès lors que le système mis en place par le régime d’aides litigieux consistait à financer les actions entreprises par les exploitants aéroportuaires au moyen de contrats conclus avec les compagnies aériennes, ce qui, en définitive, a été constaté dans les faits et revenait à transférer des fonds auxdites compagnies aériennes par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires.

99      Outre par les déclarations du gouvernement italien et des exploitants aéroportuaires eux-mêmes dans le cadre de la procédure administrative ayant précédé l’adoption de la décision attaquée ainsi que par les tableaux contenus dans la décision attaquée, la correspondance entre les fonds fournis par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires et ceux utilisés par ces derniers pour rémunérer les compagnies aériennes cocontractantes est corroborée, dans le cas particulier de la requérante, par le contenu même des accords qu’elle a signés avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia.

100    En effet, le préambule du contrat no 25/2011 qu’elle a conclu avec la SOGAER indiquait expressément que la Région autonome avait décidé d’augmenter ses investissements en marketing dans les industries du transport et du tourisme ; que, dans cet objectif, elle fournissait annuellement à la SOGAER un montant que cet exploitant aéroportuaire devait dépenser pour atteindre cet objectif, et que, à la lumière de la volonté de la Région autonome, la SOGAER avait publié une annonce sur son site Internet afin d’investir dans des activités de marketing conçues pour promouvoir les attractions touristiques du sud de la Sardaigne. Quant au contrat conclu le 17 mars 2011 entre la requérante et la GEASAR, celui-ci indiquait que, afin d’étendre ses activités aériennes, la requérante avait développé un programme de marketing et de publicité pour promouvoir la région de Sardaigne qui devait être mis en œuvre avec la participation financière des parties intéressées dans le développement du tourisme de l’île, en l’occurrence, essentiellement voire exclusivement, la Région autonome.

101    En outre, le contrat no 25/2011 contenait une clause de résolution du contrat en cas de suppression ou de révocation du financement accordé par la Région autonome, confirmant le rôle d’intermédiaire financier retenu par la Commission dans la décision attaquée à l’égard des exploitants aéroportuaires qui, selon leurs propres déclarations lors de la procédure administrative, notamment celui de l’exploitant de Cagliari-Elmas, n’ont fait que sélectionner des compagnies aériennes capables d’atteindre les objectifs annuels fixés pour la fréquence et le volume de passagers sur les liaisons stratégiques en provenance et à destination des aéroports concernés.

102    La requérante objecte que, ainsi que cela est d’ailleurs mentionné au considérant 74 de la décision attaquée, la décision régionale no 29/36 prévoyait expressément que les plans d’activités devaient indiquer le niveau de ressources propres investi par chaque exploitant aéroportuaire ainsi que le niveau de contribution d’éventuels autres investisseurs privés bénéficiant de l’augmentation du trafic aérien, tels que ceux actifs dans les secteurs du tourisme, du commerce, de l’agriculture et de la culture.

103    Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, cet argument est inopérant. En effet, d’une part, interrogée à cet égard, la requérante n’a pas été en mesure d’expliquer quel autre investisseur privé se serait associé à l’initiative budgétaire prise par la Région autonome pour promouvoir l’île de Sardaigne en tant que destination touristique par le financement d’activités entreprises par le truchement des exploitants aéroportuaires.

104    D’autre part et en tout état de cause, à supposer que les prestations fournies aux exploitants aéroportuaires aient, partiellement et quoique, en toute hypothèse, marginalement, été cofinancées par d’autres investisseurs, y compris lesdits exploitants eux-mêmes, cela n’enlèverait rien à l’origine étatique des fonds utilisés par ces exploitants aéroportuaires pour rémunérer les compagnies aériennes dans le cadre du régime d’aides litigieux, lesquels fonds sont les seuls que lesdites compagnies aériennes ont l’obligation de rembourser à l’État italien en exécution de la décision attaquée. Au demeurant, s’il fallait suivre la requérante dans son raisonnement, il suffirait à un État membre de solliciter un cofinancement de ses mesures par des acteurs du secteur privé pour les faire échapper au champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

105    La requérante fait encore valoir, s’agissant des fonds qui avaient été octroyés par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires en exécution du régime d’aides litigieux, que lesdits exploitants concernés les ont utilisés dans le seul but d’accroître leurs bénéfices, mais n’auraient pas administré lesdits fonds dans l’intérêt général. Selon la thèse de la requérante, une fois octroyés auxdits exploitants, ces fonds, d’origine publique et de nature fongible, auraient été indistinctement versés dans leur trésorerie et auraient alors revêtu une nature privée et été utilisés à des fins purement lucratives.

106    À cet égard, force est de rappeler que, en matière d’aides d’État, la finalité poursuivie par des interventions étatiques ne suffit pas à les faire échapper à la qualification d’« aides » au sens de l’article 107 TFUE. En effet, cet article ne distingue pas selon les causes ou les objectifs des interventions étatiques, mais les définit en fonction de leurs effets (voir arrêt du 22 décembre 2008, British Aggregates/Commission, C‑487/06 P, EU:C:2008:757, points 84 et 85 et jurisprudence citée ; arrêt du 26 novembre 2015, Espagne/Commission, T‑461/13, EU:T:2015:891, point 39).

107    Or, étant donné que, lors de l’examen d’une mesure, la Commission peut être amenée à examiner si un avantage peut être considéré comme indirectement accordé à des opérateurs autres que le récipiendaire immédiat du transfert de ressources d’État (voir, en ce sens, arrêt du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 61 et 62), il y a lieu de considérer que, pour autant qu’il peut être établi, comme en l’espèce, qu’un avantage provenant de ressources d’État a été transféré par le récipiendaire immédiat à un bénéficiaire final, il est sans importance que ce transfert ait été opéré par le récipiendaire selon une logique commerciale ou, au contraire, que ce transfert ait répondu à un objectif d’intérêt général.

108    Cela est corroboré par la jurisprudence retenant qu’un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes morales qui sont des entreprises (voir, en ce sens, arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission, C‑156/98, EU:C:2000:467, points 22 à 35 ; du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission, C‑382/99, EU:C:2002:363, points 38 et 60 à 66 ; du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission, T‑445/05, EU:T:2009:50, point 127, et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission, T‑177/07, EU:T:2010:233). En effet, dans les affaires ayant donné lieu à ces arrêts, le transfert de l’avantage par des personnes physiques ou morales, récipiendaires immédiates de ressources d’État, s’inscrivait dans une relation commerciale, confirmant que l’existence d’une raison commerciale sous-jacente au transfert est sans incidence sur l’appréciation, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, du flux emprunté par les ressources d’origine étatique jusqu’au bénéficiaire final.

109    Quant à la circonstance, avancée par la requérante, que la Région autonome n’avait pas désigné d’organe public ou d’organisme qui aurait eu pour seule mission d’administrer les fonds en cause, celle-ci est également sans incidence sur la qualification des paiements litigieux, faits en faveur de la requérante, de « ressources d’État » au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

110    En effet, il a certes déjà été retenu que la notion d’intervention au moyen de ressources d’État visait à inclure, non seulement les avantages accordés directement par l’État, mais également ceux accordés par l’intermédiaire d’un organisme public ou privé, désigné ou institué par cet État en vue de gérer l’aide (voir, en ce sens, arrêts du 22 mars 1977, Steinike et Weinlig, 78/76, EU:C:1977:52, point 21 ; du 17 mars 1993, Sloman Neptun, C‑72/91 et C‑73/91, EU:C:1993:97, point 19, et du 30 mai 2013, Doux Élevage et Coopérative agricole UKL-ARREE, C‑677/11, EU:C:2013:348, point 26). La Cour a ainsi justifié l’inclusion d’avantages octroyés par l’intermédiaire d’organismes distincts de l’État dans le champ d’application de l’article 107, paragraphe 1, TFUE par la nécessité de préserver l’effet utile des règles relatives aux « aides accordées par les États » définies aux articles 107 à 109 TFUE, en évitant que le seul fait de créer des institutions autonomes chargées de la distribution d’aides puisse permettre aux États membres de contourner les règles relatives aux aides d’État (arrêt du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 23).

111    Cependant, il ne saurait être déduit de cette jurisprudence que seuls les avantages distribués directement par l’État, c’est-à-dire sans intermédiaire, et ceux octroyés par l’intermédiaire d’organismes, investis de prérogatives de puissance publique ou de missions d’intérêt général et institués ou désignés pour gérer l’aide, relèveraient du champ d’application de l’interdiction visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Au contraire, ainsi qu’il a déjà été rappelé précédemment, même un avantage directement accordé à certaines personnes physiques ou morales peut constituer un avantage indirect et, partant, une aide d’État pour d’autres personnes morales qui sont des entreprises (voir point 108 ci-dessus), et ce sans qu’il soit exigé que les avantages en cause aient transité par une structure spécifiquement désignée ou instituée par cet État en vue de gérer l’aide.

112    S’agissant de la référence de la requérante aux arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50), et du 15 janvier 2013, Aiscat/Commission (T‑182/10, EU:T:2013:9, point 104), il convient de souligner que ces affaires concernaient des situations dans lesquelles il s’agissait de déterminer si les fonds récoltés par des entreprises privées agissant dans le cadre d’une concession ou d’un monopole pouvaient constituer des ressources d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, même s’ils n’avaient jamais été formellement inscrits au crédit des comptes des États membres concernés.

113    Dans le contexte de ces affaires, la notion de « ressources d’État » a été élargie en ce sens que l’article 107, paragraphe 1, TFUE englobe tous les moyens pécuniaires que les autorités publiques peuvent effectivement utiliser pour soutenir des entreprises, sans qu’il soit pertinent que ces moyens appartiennent ou non de manière permanente au patrimoine de l’État. Ainsi, il a été jugé que, même si des sommes ne sont pas de façon permanente en possession du budget de l’État, le fait qu’elles restent constamment sous contrôle public, et donc à la disposition des autorités nationales compétentes, suffit pour qu’elles soient qualifiées de « ressources d’État » (arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50, et du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37).

114    De la même manière, dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851), également cité par la requérante, la question se posait de savoir si un mécanisme de compensation intégrale, à la charge du consommateur final, des surcoûts imposés à des entreprises en raison d’une obligation d’achat d’électricité d’origine éolienne à un prix supérieur à celui du marché pouvait relever de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Plus particulièrement, se posait la question de la qualification de ressources d’État de fonds collectés par un organisme spécifiquement désigné pour la gestion de ceux-ci, alors qu’ils ne transitaient pas nécessairement dans leur intégralité par ledit organisme. La Cour a considéré, au point 33 dudit arrêt, que l’ensemble de ces fonds restait sous contrôle public justifiant qu’ils soient qualifiés de « ressources d’État ».

115    Ainsi, même s’ils concernent des affaires dans lesquelles les fonds en cause, contrairement au cas d’espèce, n’émanaient pas immédiatement du budget de l’État ou n’avaient pas transité par celui-ci, ces arrêts confirment, s’agissant de la condition de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, tenant à l’existence d’un avantage accordé directement ou indirectement au moyen de ressources d’État, que le critère décisif est le niveau de contrôle exercé par l’État sur l’octroi de l’avantage, notamment sur le canal de transmission de cet avantage (arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission, C‑83/98 P, EU:C:2000:248, point 50 ; du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 37, et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 33), et que cela vaut même lorsque l’octroi dudit avantage n’implique pas un transfert formel de ressources d’État (voir arrêt du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a., C‑262/12, EU:C:2013:851, point 19 et jurisprudence citée).

116    Toutefois, au regard de l’argumentation de la requérante en lien avec les arrêts du 16 mai 2000, France/Ladbroke Racing et Commission (C‑83/98 P, EU:C:2000:248), du 16 mai 2002, France/Commission (C‑482/99, EU:C:2002:294), et du 19 décembre 2013, Association Vent De Colère ! e.a. (C‑262/12, EU:C:2013:851), laquelle vise tant la sous-condition de « ressources d’État » que celle de l’imputabilité à l’État, il convient également de déterminer si, en l’espèce, les montants acquittés par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes, telles que la requérante, provenant du budget de l’État italien, en l’occurrence de la Région autonome, pouvaient encore être qualifiés de « ressources d’État » et, par ailleurs, si les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes cocontractantes en exécution des contrats pouvaient être imputés à l’État italien, en l’occurrence à la Région autonome.

2)      Sur l’imputabilité à la Région autonome des paiements effectués par les exploitants aéroportuaires au bénéfice des compagnies aériennes

117    À cet égard, si le niveau de contrôle exercé par l’État sur l’octroi d’un avantage permet d’apprécier si celui-ci peut être considéré comme mobilisant des « ressources d’État », il convient, afin de vérifier la sous-condition tenant à l’imputabilité de la mesure concernée à l’État, prévue à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, de prendre également en compte ce niveau de contrôle dans l’examen de la question de savoir si les autorités publiques doivent être considérées comme ayant été impliquées dans l’adoption de ladite mesure (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, point 52, et du 28 mars 2019, Allemagne/Commission, C‑405/16 P, EU:C:2019:268, point 49 et jurisprudence citée), implication qui peut être déduite d’un ensemble d’indices résultant des circonstances de l’espèce et du contexte dans lequel cette mesure est intervenue et, en particulier, de l’ampleur de celle-ci, de son contenu ou des conditions qu’elle comporte (voir, en ce sens, arrêts du 16 mai 2002, France/Commission, C‑482/99, EU:C:2002:294, points 52 à 56, et du 17 septembre 2014, Commerz Nederland, C‑242/13, EU:C:2014:2224, points 31 à 33).

118    En l’espèce, la Commission a retenu, dans la décision attaquée, que les fonds mis à la disposition des exploitants aéroportuaires par la Région autonome devaient être et ont été utilisés dans les faits selon les consignes arrêtées par ladite Région, en l’occurrence en rémunération des services rendus par les compagnies aériennes, à savoir l’ouverture de nouvelles liaisons aériennes, l’augmentation des fréquences et l’extension des périodes d’exploitation de lignes existantes, l’atteinte d’objectifs en volume de passagers ainsi que la prestation de services de marketing.

119    D’emblée, il convient d’écarter l’argument de la requérante selon lequel la Commission avait reconnu, au point 75 de la décision d’ouverture, que la loi no 10/2010 n’imposait pas aux exploitants aéroportuaires l’obligation de transférer une certaine partie de la compensation aux compagnies aériennes cocontractantes, empêchant qu’elle puisse, par la suite, conclure le contraire dans la décision attaquée. En effet, l’objet de la procédure formelle d’examen étant d’approfondir l’examen de la mesure notifiée par l’État membre, il est dans l’esprit et l’objectif mêmes de cet approfondissement de l’examen de la mesure que la Commission puisse, à l’issue de celui-ci, aboutir à des conclusions différentes de celles, par nature préliminaires, qu’elle avait exposées dans la décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen afin de justifier de ladite ouverture de la procédure (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2009, Italie/Commission, T‑424/05, non publié, EU:T:2009:49, point 69).

120    S’agissant ensuite de la contestation par la requérante des constatations de la Commission, figurant aux considérants 357 à 359 de la décision attaquée, selon lesquelles le comportement des exploitants aéroportuaires aurait été déterminé par la Région autonome au moyen de la loi no 10/2010 et des plans d’activités, lesquels devaient être approuvés par la Région autonome avant d’entrer en vigueur, il convient de constater que la loi no 10/2010 renseigne certes les exploitants aéroportuaires comme étant formellement les bénéficiaires des paiements prévus par cette loi.

121    Cependant, l’article 3, paragraphe 2, de la loi no 10/2010 prévoyait expressément que les critères, la nature et la durée de l’offre de transport ainsi que les directives pour l’élaboration des plans d’activités par les exploitants aéroportuaires devaient être adoptés par résolutions de l’exécutif régional, tandis que l’article 3, paragraphe 3, de cette loi prévoyait, également expressément, que les plans d’activités établis par les exploitants aéroportuaires devaient être accompagnés des actes et des contrats correspondants et qu’ils ne seraient financés que s’ils étaient établis conformément aux critères, à la nature, à la durée de l’offre de transport et aux directives adoptées par l’exécutif régional et uniquement s’ils avaient été préalablement soumis pour avis contraignant à la commission compétente.

122    Contrairement à ce que soutient la requérante, notamment en faisant valoir que la loi no 10/2010 ne contient aucune ligne directrice spécifique, ni instruction contraignante, à l’adresse des exploitants aéroportuaires quant à l’utilisation des fonds que la Région autonome devait leur octroyer au titre des mesures litigieuses, il ressort du dispositif mis en place par la loi no 10/2010 que les dispositions de cette dernière doivent nécessairement être lues conjointement avec les textes dont cette loi prévoyait l’adoption par l’exécutif régional et qui conditionnaient les paiements effectués par la Région autonome aux exploitants aéroportuaires en cause en l’espèce. Or, ceux-ci, en particulier la décision régionale no 29/36, prévoyaient expressément que les exploitants aéroportuaires devaient soumettre leurs plans d’activités pour approbation à la Région autonome et que lesdits plans devaient, pour pouvoir être éligibles au financement prévu par ladite Région autonome, être élaborés conformément aux critères, à la nature et à la durée de l’offre de transport ainsi qu’aux directives arrêtées par l’exécutif régional.

123    En outre, le mécanisme de remboursement des frais avancés par les exploitants aéroportuaires était de nature à permettre à la Région autonome de contrôler les initiatives des exploitants aéroportuaires, puisque seules celles établies conformément à ses directives et justifiées par la production des documents contractuels et comptables pertinents pouvaient donner lieu au financement prévu par le régime d’aides litigieux. À cet égard, la requérante fait valoir que, dans le système mis en place par la Région autonome, les exploitants aéroportuaires n’étaient contrôlés qu’à un moment où ils avaient déjà obtenu 80 % du financement prévu. Cependant, force est de constater que, outre le fait que les plans d’activités étaient soumis en amont du processus pour approbation par la Région autonome, les exploitants aéroportuaires devaient également produire des rapports trimestriels en vue du paiement des 60 % de l’aide et ils n’ont pu obtenir la dernière tranche du paiement, de 20 %, qu’après avoir prouvé qu’ils avaient respecté les consignes de la Région autonome.

124    Sur ce point, l’absence de modalités précises d’allocation des fonds obtenus par chacun des exploitants aéroportuaires est sans pertinence, puisque, en tout état de cause, d’une part, lesdits exploitants ne se sont engagés contractuellement avec les compagnies aériennes qu’avec la garantie de la Région autonome qu’ils percevraient les fonds correspondants de cette dernière et que, d’autre part, la requérante reste en défaut d’expliquer quel contrat conclu dans ce contexte n’aurait pas donné lieu à un financement de la Région autonome en raison de l’épuisement de l’enveloppe budgétaire initialement fixée par la Région autonome.

125    L’emprise de la Région autonome sur le contenu et la portée des initiatives des exploitants aéroportuaires est corroborée par ces derniers eux-mêmes. En effet, ainsi que cela ressort du considérant 237 de la décision attaquée, la GEASAR a indiqué avoir négocié les propositions d’activités de marketing, avec les compagnies aériennes ayant répondu à l’appel à manifestation d’intérêt que cet exploitant aéroportuaire avait publié sur son site Internet, en tenant compte du plan de marketing touristique élaboré par la Région autonome parmi ses instruments de planification. Pour sa part, la SOGAER a soutenu, ainsi que cela ressort du considérant 313 de la décision attaquée, que, dans le cadre du régime d’aides litigieux, ladite Région fournissait une compensation qui transitait simplement par l’exploitant aéroportuaire, et ce « dans le cadre d’un plan décidé, financé et contrôlé par la Région [autonome] ».

126    Certes, comme le souligne la requérante, la loi no 10/2010 ne mentionnait pas les actions spécifiques devant être proposées par les exploitants aéroportuaires dans les plans d’activités, pas plus qu’elle n’identifiait quelles compagnies aériennes devaient être sollicitées. La requérante en déduit que les principes généraux, établis dans la décision régionale no 29/36 et devant être respectés lors de la préparation des plans d’activités, ne pourraient pas être considérés comme des « spécifications détaillées » relatives au transfert de fonds spécifiques aux compagnies aériennes.

127    Sur ce point, il convient de constater que, effectivement, l’initiative de présenter des plans d’activités à la Région autonome en vue de solliciter les fonds prévus dans le cadre du régime d’aides litigieux de même que la sélection des compagnies aériennes cocontractantes incombaient formellement aux exploitants aéroportuaires, notamment dans la mesure où, comme le souligne la requérante, la loi no 10/2010 et ses mesures d’exécution ne mentionnaient pas nommément des compagnies aériennes avec lesquelles ils devaient nécessairement entrer en relation commerciale. Cela étant, une fois la décision prise par les exploitants aéroportuaires de participer au programme de financement mis en place par la Région autonome au moyen du régime d’aides litigieux, leur marge d’appréciation dans la définition de leurs plans d’exploitation et la sélection des prestataires cocontractants était largement réduite par les critères et les directives définis par la Région autonome.

128    En particulier, la référence, dans l’article 3, paragraphe 3, de la loi no 10/2010, aux contrats devant être produits par les exploitants aéroportuaires et la référence, dans la décision régionale no 29/36, au cas dans lesquels les plans d’activités sont effectués par des compagnies aériennes confirment, contrairement à ce que soutient la requérante, que la Région autonome incitait les exploitants aéroportuaires à recourir à des compagnies aériennes, puisque ce sont les seules entités à pouvoir s’engager avec les compagnies aériennes sur l’ouverture ou le maintien de liaisons aériennes, leurs fréquences et des objectifs en matière de passagers, et que ladite Région décidait quelles lignes aériennes seraient considérées comme éligibles. En outre, s’agissant des activités de marketing, la Région autonome a distingué celles qui seraient offertes par des compagnies aériennes, confirmant le recours nécessaire des exploitants aéroportuaires à de telles compagnies, de celles qui seraient offertes par des prestataires autres que des compagnies aériennes, lesquelles, ainsi que le soutient la Commission, ne sont pas en cause en l’espèce et dont l’existence, en tout état de cause, n’est pas de nature à influer sur la question de savoir si les fonds perçus par la requérante provenaient du budget de la Région autonome et lui étaient imputables.

129    En contrôlant étroitement, en amont, les plans d’activités présentés par les exploitants aéroportuaires, notamment les liaisons aériennes concernées et les prestations de marketing envisagées, de même que, en aval, les montants engagés par les exploitants aéroportuaires en rémunération desdites prestations offertes par les compagnies aériennes dans le cadre de la promotion de l’île de Sardaigne en tant que destination touristique, la Région autonome s’est arrogée un contrôle suffisant, sur les comportements contractuels des exploitants aéroportuaires ayant décidé de solliciter les mesures de financement prévues dans le cadre du régime d’aides litigieux, au point de considérer que lesdits comportements lui étaient imputables.

130    D’ailleurs, dans les décisions de la Région autonome nos 300 et 322, respectivement du 16 juin 2014 et du 13 juin 2013, fixant les montants annuels définitifs, la Région autonome a considéré que « l’intervention visée dans la loi [no 10/2010] [était] réalisée par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires, qui jou[ai]ent le rôle d’intermédiaires et de précurseurs opérationnels du transfert de ressources aux compagnies aériennes, selon la voie déterminée par la Région elle-même, telle que tracée par la loi [no 10/2010] précitée et les mesures d’application » (che l’intervento di cui alla LR. n. 10/2010 si realizza attraverso le societa di gestione aeroportuale, che fungono da tramiti operativi e da soggetti anticipatori del trasferimento di risorse a favore dei vettori, secondo il percorso dalla Regione stessa disegnato con la sopraccitata legge regionale n. 10/2010 e con e delibere di attuazione della stessa) et que, « les compagnies aériennes devraient être considérées comme les destinataires réels et uniques des flux de ressources financières en vertu de la loi [no 10/2010] » (che i vettori debbano considerarsi i reali ed unici destinatari dei flussi delle risorse di cui alla predetta legge regionale).

131    Par ailleurs, ainsi que le souligne la Commission, le préambule du contrat no 25/2011 démontre, de manière claire, l’étendue du contrôle exercé par la Région autonome, puisque, en effet, il précise que c’était « [c]onformément aux directives publiées par la Région [autonome que la] SOGAER a[vait] élaboré un plan d’activités décrivant la stratégie et les actions qui [devaient être] mises en œuvre afin d’atteindre l’objectif de développement et de consolidation du trafic » et que « [l]e financement du plan d’activités [était] soumis à l’approbation du comité du Conseil régional conformément à l’article 3, paragraphe 3, de la loi [no 10/2010] ».

132    Au regard de l’ensemble de ces éléments, l’argumentation de la requérante quant à l’autonomie décisionnelle alléguée des exploitants aéroportuaires dans la définition de leurs rapports contractuels avec les compagnies aériennes cocontractantes au titre du régime d’aides litigieux doit être rejetée comme étant non fondée.

133    La circonstance, alléguée par la requérante, que certains plans d’activités soumis par les exploitants aéroportuaires contenaient des calculs détaillés de l’équilibre entre la compensation qui devait être versée aux tiers, en l’occurrence aux compagnies aériennes, et les avantages économiques attendus des prestations fournies par les compagnies aériennes ne démontre pas qu’ils auraient agi en vue de maximiser leurs investissements. En effet, la compensation en question, laquelle fait l’objet de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée, ne constituait pas un investissement desdits exploitants aéroportuaires sur leurs fonds propres, mais uniquement un investissement fait, en définitive, au nom et pour le compte de la Région autonome, laquelle agissait en vue du développement économique de la Sardaigne, notamment en augmentant la fréquence des liaisons aériennes vers l’île et le nombre de passagers.

134    Certes, les exploitants aéroportuaires ont eu un intérêt à participer, en tant qu’intermédiaires, à la mise en œuvre du régime d’aides litigieux, puisque l’exécution par les compagnies aériennes de leurs obligations en matière de fréquence des liaisons aériennes et d’objectifs en matière de passagers ainsi que la fourniture de leurs prestations de marketing ont eu pour effet d’augmenter la fréquentation des aéroports concernés et, nécessairement, les recettes aéroportuaires et extra-aéroportuaires de leurs exploitants. Pour autant, cela n’enlève rien au fait que le prix contractuel prévu pour ces prestations des compagnies aériennes et qui fait l’objet de l’obligation de remboursement au titre de l’article 2 de la décision attaquée a été financièrement supporté par la Région autonome et non par les exploitants aéroportuaires. À cet égard, il est sans incidence que, pour certains contrats ne prévoyant pas une clause résolutoire telle que celle figurant dans le contrat no 25/2011, certains exploitants aéroportuaires aient pu devoir s’acquitter d’un montant résiduel auprès de certaines compagnies aériennes lorsqu’ils n’ont pas pu obtenir le remboursement en totalité des montants avancés en raison de l’intervention, en cours d’exécution de ces contrats, de la décision de la Région autonome de suspendre l’exécution du régime d’aides litigieux. En effet, d’une part, la très grande proportion des contrats a été financée par la Région autonome. D’autre part et en tout état de cause, ces montants résiduels ne relevaient pas des montants calculés par la Commission comme constituant un avantage en faveur des compagnies aériennes.

135    De même, force est de constater, contrairement d’ailleurs à ce que soutient la requérante, que l’article 3, paragraphe 3, de la loi no 10/2010 faisait expressément référence à la production par les exploitants aéroportuaires de contrats tandis que la décision régionale no 29/36 se référait à la production de rapports trimestriels et des documents relatifs aux activités. Par conséquent, la Commission pouvait considérer, dans la décision attaquée, que la Région autonome avait pu vérifier la conformité à ses exigences, telles qu’elles sont posées dans la loi no 10/2010 et de ses mesures d’exécution, des contrats de prestation conclus avec les compagnies aériennes par les exploitants aéroportuaires et qui devaient être produits par ces derniers à la Région autonome, à tout le moins en vue d’obtenir la dernière tranche de financement.

136    S’agissant de l’obligation pour les exploitants aéroportuaires, telle que prévue notamment dans la décision régionale no 29/36, de mettre en place, s’agissant des plans d’activités établis par les compagnies aériennes, un système de sanction destiné à prévenir que ces dernières ne manquent à leurs obligations à l’égard des exploitants aéroportuaires, en particulier concernant le respect des fréquences des liaisons aériennes, du nombre de passagers et du nombre de sièges offerts, il y a lieu de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, l’insertion par les exploitants aéroportuaires desdites clauses dans les contrats conclus avec les compagnies aériennes ne reflétait pas l’existence d’un risque commercial contre lequel lesdits exploitants cherchaient à se prémunir pour protéger leurs investissements. En effet, les investissements dont il était question, ainsi que l’ont confirmé les exploitants aéroportuaires eux-mêmes, n’ont été engagés qu’avec la perspective d’en obtenir le remboursement ultérieur et intégral par la Région autonome.

137    Ainsi, l’insertion desdites clauses pénales dans les contrats conclus avec les compagnies aériennes partenaires s’explique, avant tout, par le souci des exploitants aéroportuaires de respecter leurs obligations, telles que prévues dans la décision régionale no 29/36, afin de s’assurer qu’ils obtiendraient effectivement le financement sollicité auprès de la Région autonome et qu’ils avaient avancé au titre de l’exécution desdits contrats. Du point de vue de l’intérêt de la Région autonome et ainsi que le soutient la Commission, l’obligation imposée aux exploitants aéroportuaires de prévoir un mécanisme de sanctions visait à protéger l’investissement public, en garantissant que les fonds octroyés seraient correctement utilisés et donneraient lieu aux prestations attendues en vue de promouvoir le tourisme en Sardaigne. Cela vaut également pour le mécanisme de suivi, en ce qui concerne la production par les exploitants aéroportuaires à la Région autonome tant de rapports trimestriels que de l’ensemble des pièces comptables et contractuelles justificatives en vue d’obtenir les dernières tranches de paiement du financement proposé par ladite Région.

138    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est sans commettre d’erreur de droit, ni, en particulier, d’erreur manifeste d’appréciation, que la Commission a retenu, aux considérants 355 à 361 de la décision attaquée, que les exploitants aéroportuaires pouvaient être considérés comme des intermédiaires entre la Région autonome et les compagnies aériennes, ayant intégralement transféré les fonds reçus de la Région autonome et ayant ainsi agi conformément aux instructions reçues de ladite Région au moyen des plans d’activités approuvés par cette dernière.

139    Dans ces conditions, c’est sans commettre d’erreur de droit que la Commission a conclu que les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes au titre des activités 1 et 2 correspondaient à des ressources d’État et qu’ils étaient imputables à l’État italien.

140    Partant, il convient de rejeter la seconde branche du premier moyen et, de ce fait, l’ensemble du premier moyen comme étant non fondé.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la perception d’un avantage par les compagnies aériennes

141    Dans le cadre du deuxième moyen, la requérante développe, en substance, quatre branches par lesquelles elle entend contester la décision attaquée en ce que la Commission aurait, à tort, conclu, premièrement, que le régime d’aides litigieux constituait un « régime d’aides » au sens de l’article 1er, sous d), du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 TFUE (JO 2015, L 249, p. 9) ; deuxièmement, que la Région autonome n’avait pas agi conformément au principe de l’investisseur privé en économie de marché ; troisièmement, qu’il n’était pas possible d’appliquer le principe de l’investisseur privé également à la relation financière entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes et, quatrièmement, que les exploitants aéroportuaires n’avaient reçu aucun avantage indu de la Région autonome en exécution de la loi no 10/2010.

142    Il convient d’examiner, en premier lieu, la première branche du deuxième moyen, puis, conjointement, les deuxième et troisième branches de celui-ci, avant d’apprécier la quatrième et dernière branche dudit moyen.

a)      Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de la définition de « régime d’aides » prévue à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589

143    Dans le cadre de la première branche du deuxième moyen, la requérante conteste la qualification, par la Commission, des mesures litigieuses de « régime d’aides » au motif qu’elle serait fondée sur une application erronée de la définition visée dans la première hypothèse couverte par l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 comme « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition ». Selon la requérante, la Commission ne pouvait pas, en l’espèce, prendre en compte les mesures d’exécution de la loi no 10/2010 comme composantes dudit régime, car cela reviendrait à lui permettre de contourner le problème lié au fait que cette loi nécessitait des mesures d’application supplémentaires pour pouvoir être mise en œuvre. Ainsi, dans l’application de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, la Commission ne saurait prendre en compte des mesures d’exécution adoptées par l’État membre concerné et, notamment, la conclusion figurant au considérant 349 de la décision attaquée serait ainsi erronée.

144    La requérante estime que la condition relative à l’absence de « besoin de mesures d’application supplémentaires » aurait d’autant moins été remplie en l’espèce que la République italienne a, postérieurement à la notification des mesures litigieuses, continué d’adopter des mesures d’exécution telles que la loi régionale no 15, du 7 août 2012, la décision no 649, du 2 octobre 2012, et la décision no 4/34, du 5 février 2014, lesquelles sont mentionnées aux considérants 40 et 41 de la décision attaquée et n’auraient pas été examinées par la Commission comme composantes du régime d’aides litigieux.

145    Par ailleurs, la requérante souligne que, contrairement à ce qu’exige l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, la loi no 10/2010 ne définit pas les compagnies aériennes comme étant des bénéficiaires potentiels d’une aide individuelle « d’une manière générale et abstraite », puisque, au contraire, tant cette loi que les mesures d’exécution ne mentionneraient pas le terme « compagnie aérienne ». Seule la décision régionale no 29/36 mentionnerait des bénéficiaires des financements, à savoir les aéroports sardes d’Alghero, de Cagliari-Elmas, d’Olbia, d’Oristano et de Tortoli, confirmant que ceux-ci étaient les seuls bénéficiaires des mesures litigieuses.

146    La requérante conclut que, dès lors que la Commission n’était pas en présence d’un régime d’aides adopté par la Région autonome, elle aurait dû examiner les mesures litigieuses à l’aune du critère de l’investisseur privé. En tout état de cause, ce serait à tort que la Commission a conclu, dans la décision attaquée, que l’existence d’un régime d’aides – que la requérante conteste – excluait que les contrats conclus entre les aéroports et les compagnies aériennes puissent être individuellement examinés par elle, y compris au regard du critère de l’investisseur privé. En effet, l’application du critère de l’investisseur privé aurait été examinée dans plusieurs affaires mettant en cause des régimes d’aides, telles que la législation italienne dite « Prodi », instaurant une procédure d’administration extraordinaire pour les grandes entreprises en difficulté dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 1er décembre 1998, Ecotrade (C‑200/97, EU:C:1998:579), et du 17 juin 1999, Piaggio (C‑295/97, EU:C:1999:313).

147    La Commission conclut au rejet de la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée, en considérant que la requérante se méprend quant à la définition d’un régime d’aides. En effet, il serait primordial que, dans ledit régime, les bénéficiaires soient définis de manière générale et abstraite. Cependant, une fois que cela ne serait plus le cas, ce serait uniquement parce que, selon les termes de la Commission, l’on se situerait alors dans l’application même de ce régime. En l’espèce, le régime d’aides aurait été constitué à la fois de la loi no 10/2010 et des différents actes d’exécution. La Commission reconnaît que, dans certains cas exceptionnels, un régime d’aides pourrait être appréhendé au regard du critère de l’investisseur privé en économie de marché. Tel serait le cas lorsque l’État détient et contrôle tous les bénéficiaires d’un tel régime. Cependant, tel ne serait manifestement pas le cas en l’espèce, d’autant moins que le régime d’aides litigieux poursuit expressément des objectifs de politique publique.

148    À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, il convient d’entendre par « régime d’aides », notamment, « toute disposition sur la base de laquelle, sans qu’il soit besoin de mesures d’application supplémentaires, des aides peuvent être octroyées individuellement à des entreprises, définies d’une manière générale et abstraite dans ladite disposition ». La Commission ayant convenu, en réponse à une question du Tribunal, que la seconde définition de la notion de régime d’aides, telle que prévue dans cette disposition, n’était pas d’application en l’espèce, il y a lieu de déterminer si le régime d’aides litigieux constituait effectivement un régime d’aides au sens de la première hypothèse couverte par l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

149    S’agissant de cette définition, le Tribunal a déjà jugé, premièrement, que, dans la mesure où les aides individuelles sont accordées sans l’intervention de mesures d’application supplémentaires, les éléments essentiels du régime d’aides en question doivent nécessairement ressortir des dispositions identifiées comme étant le fondement dudit régime. Deuxièmement, lorsque les autorités nationales appliquent ledit régime, elles ne sauraient disposer d’une marge d’appréciation quant à la détermination des éléments essentiels de l’aide en question et quant à l’opportunité de son octroi. En effet, pour que l’existence de telles mesures d’application soit exclue, le pouvoir des autorités nationales devrait se limiter à une application technique des dispositions censées constituer le régime en cause, le cas échéant après avoir vérifié que les demandeurs réunissent les conditions préalables pour bénéficier de celui-ci. Troisièmement, il découle de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 que les actes fondant le régime d’aides doivent définir les bénéficiaires de manière générale et abstraite, même si l’aide qui leur est accordée reste indéterminée (arrêt du 14 février 2019, Belgique et Magnetrol International/Commission, T‑131/16 et T‑263/16, sous pourvoi, EU:T:2019:91, points 86 à 88).

150    Par ailleurs, il convient de rappeler que la qualification, de régime d’aides, d’un ensemble de mesures adoptées par les autorités publiques d’un État membre a pour conséquence que, y compris afin de réduire la charge administrative de cette institution, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision en cause, si, en raison des modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement d’un tel régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides, en l’occurrence au niveau national, qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêt du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63 et jurisprudence citée).

151    En l’espèce, la Commission a considéré, au considérant 349 de la décision attaquée, que les mesures notifiées constituaient un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 au motif que, « sur la base du cadre juridique décrit à la section 2 de la décision [attaquée], sans que d’autres mesures d’exécution soient requises en plus de celles déjà décrites, des subventions individuelles p[ouvaient] être accordées à des entreprises (telles que des compagnies aériennes) définies de manière générale et abstraite par la loi no 10/2010 (c’est-à-dire qu’aucune entreprise individuelle n’[était] désignée) ».

152    Le cadre juridique dont il s’agit est celui qui figure, sous la section intitulée « 2.3 Cadre juridique » de la décision attaquée, et qui vise les éléments suivants : l’article 3 de la loi no 10/2010 ; le décret régional no 122/347, du 17 mai 2010, précisant que les montants fixés par la loi no 10/2010 sont à la charge du budget régional ; les décisions régionales nos 29/36, 43/37 et 52/117 ; la loi régionale no 1, du 19 janvier 2011, qui a réduit les contributions que la Région autonome accordait aux exploitants aéroportuaires à, respectivement, 21 100 000 euros pour 2011 et 21 500 000 euros pour 2012 et 2013 ; la loi régionale no 12, du 30 juin 2011, établissant un mécanisme d’avances financières géré au moyen d’un fonds financier ad hoc constitué auprès de la SFIRS et telle que modifiée par la loi régionale no 15, du 7 août 2012, et mise en œuvre par la décision no 694, du 2 octobre 2012, ainsi que, finalement, la décision no 4/34, du 5 février 2014, modifiant l’affectation des contributions régionales pour l’année 2013 pour tenir compte de la réduction des contributions régionales décidée dans le cadre du budget de la Région autonome en vertu de la loi no 10/2010 ainsi que des coûts effectivement supportés par les exploitants aéroportuaires.

153    À cet égard, tout d’abord, ainsi que le souligne la requérante, la Commission a certes inclus, dans le cadre juridique constituant, selon elle, le régime d’aides litigieux, des textes adoptés par la Région autonome postérieurement à la notification, par la République italienne, de la mesure faisant l’objet de la décision attaquée.

154    Cependant, il peut précisément arriver que, au cours de la procédure formelle d’examen, la Commission soit mise en possession d’éléments nouveaux ou que son analyse évolue par rapport à la décision d’ouverture de cette procédure. Ainsi, dans l’hypothèse où la Commission s’apercevrait, après l’adoption d’une décision d’ouverture de la procédure formelle d’examen, que cette dernière est fondée soit sur des faits incomplets soit sur une qualification juridique erronée de ces faits, elle devrait avoir la possibilité d’adapter sa position, en adoptant une décision de rectification (arrêt du 20 septembre 2011, Regione autonoma della Sardegna e.a./Commission, T‑394/08, T‑408/08, T‑453/08 et T‑454/08, EU:T:2011:493, point 71). Une telle décision ne se justifie toutefois pas lorsque le cadre d’examen défini dans la décision d’ouvrir la procédure formelle d’examen n’a pas été modifié de manière sensible et si les éléments de fait et de droit qui constituent le fondement du raisonnement de la Commission restent, en substance, les mêmes (arrêt du 2 juillet 2015, France et Orange/Commission, T‑425/04 RENV et T‑444/04 RENV, EU:T:2015:450, point 134).

155    En l’espèce, d’une part, à la date d’adoption de la décision attaquée et à celles auxquelles les parties intéressées, dont la requérante, ont déposé leurs observations lors de la procédure administrative, les actes mentionnés par la requérante et qui n’étaient pas évoqués dans la décision d’ouverture, à savoir la loi régionale no 15, du 7 août 2012, la décision no 694, du 2 octobre 2012, et la décision no 4/34, du 5 février 2014, étaient déjà adoptés et en vigueur. D’autre part et surtout, il ressort du considérant 67 de la décision attaquée que, tout au long de la période de mise en œuvre du régime d’aides litigieux, la Région autonome a progressivement réduit les montants initialement affectés au financement dudit régime. Or, les textes visés par la requérante sont précisément ceux par lesquels lesdits montants ont été modifiés, sans que le cœur du dispositif ait été altéré. La Commission pouvait donc, dans la décision attaquée, prendre en considération ces textes bien qu’ils fussent postérieurs à la notification du régime d’aides litigieux par la République italienne.

156    Ensuite, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission pouvait prendre en compte en tant que composantes du régime d’aides litigieux les dispositions d’application de la loi no 10/2010 adoptées par la Région autonome. En effet, le libellé de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 n’exclut pas la possibilité de qualifier en tant que régime d’aides un ensemble de dispositions générales et leurs dispositions d’application. Au contraire, cette disposition vise l’absence de besoin, aux fins d’octroyer l’aide aux bénéficiaires individuels, d’adopter des mesures d’application « supplémentaires ».

157    Or, en l’espèce, l’octroi du financement par l’exécutif de la Région autonome n’était pas tributaire de l’adoption par ladite Région autonome de mesures d’application « supplémentaires » par rapport à celles déjà adoptées et listées dans la section 2.3 de la décision attaquée.

158    À cet égard, contrairement à ce que suggère la requérante, l’adoption des plans d’activités et la conclusion des contrats individuels entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes ne constituaient pas des dispositions d’application « supplémentaires » du régime d’aides, mais relevaient déjà de la mise en œuvre individualisée de ce régime, à savoir l’octroi individuel des aides, dans un premier temps aux récipiendaires immédiats, les exploitants aéroportuaires, puis, dans un second temps, aux bénéficiaires finaux, les compagnies aériennes.

159    En effet, force est de constater que les textes pris en considération par la Commission en tant que composantes du régime d’aides litigieux définissaient les éléments essentiels du régime d’aides en question et permettaient l’octroi des aides individuelles sans l’intervention de mesures d’application supplémentaires, pour autant que les conditions prévues par ces textes soient remplies, ce qui impliquait, notamment, d’une part, l’approbation par la Région autonome des plans d’activités des exploitants aéroportuaires définissant les mesures de promotion de la région de Sardaigne en tant que destination touristique et, d’autre part, aux fins du paiement aux exploitants aéroportuaires des montants avancés par eux dans le cadre de l’exécution des contrats qu’ils avaient conclus, dans cette perspective, avec les compagnies aériennes, la production à la Région autonome desdits contrats et des documents comptables justifiant les dépenses engagées.

160    Il résulte également des dispositions identifiées par la Commission comme constituant le régime d’aides litigieux que, lorsque les autorités nationales, à savoir l’exécutif de la Région autonome, ont appliqué ledit régime, elles ne disposaient pas d’une marge d’appréciation quant à la détermination des éléments essentiels de l’aide en question et quant à l’opportunité de son octroi. En effet, il apparaît que les enveloppes budgétaires annuelles étaient initialement prévues dans la loi no 10/2010, qu’elles ont été ajustées au cours de la mise en œuvre du dispositif litigieux et que les dispositions d’application, notamment la décision no 29/36, prévoyaient des critères de répartition des fonds entre les exploitants aéroportuaires lorsque les montants sollicités par eux dépassaient le montant global prévu, étant entendu que, dans les faits, la Région autonome n’a pas eu à appliquer lesdits critères et a remboursé, sur leur demande, la quasi-totalité des montants exposés par les exploitants aéroportuaires.

161    Ainsi, aux stades, premièrement, de l’adoption des plans d’activités par les exploitants aéroportuaires, deuxièmement, de la conclusion des accords entre ceux-ci et les compagnies aériennes, troisièmement, de la présentation, par lesdits exploitants, des demandes de financement et, quatrièmement, de remboursement des avances par la Région autonome, l’exécutif de cette dernière se limitait à une application technique des dispositions constituant le régime en cause, le cas échéant après avoir vérifié que les demandeurs réunissaient les conditions prévues pour bénéficier de celui-ci.

162    Enfin, ainsi que le prévoit l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589, les actes fondant le régime d’aides litigieux définissaient les récipiendaires immédiats de manière générale et abstraite, à savoir les exploitants aéroportuaires, tout en ne déterminant pas quelle serait l’aide qui leur serait individuellement accordée.

163    Quant aux compagnies aériennes cocontractantes, lesquelles ont été considérées par la Commission comme bénéficiaires finaux et, partant, réels, des mesures d’aides litigieuses, d’une part et d’une manière générale, l’absence d’identification formelle de ce type de bénéficiaires n’est pas en soi un obstacle à la qualification du dispositif de « régime d’aides », puisque, le cas échéant, cela priverait d’effet utile cette notion en contraignant la Commission, y compris dans des cas tels que ceux en cause dans les affaires ayant donné lieu aux arrêts du 19 septembre 2000, Allemagne/Commission (C‑156/98, EU:C:2000:467, points 22 à 35), du 13 juin 2002, Pays-Bas/Commission (C‑382/99, EU:C:2002:363), du 4 mars 2009, Associazione italiana del risparmio gestito et Fineco Asset Management/Commission (T‑445/05, EU:T:2009:50), et du 15 juin 2010, Mediaset/Commission (T‑177/07, EU:T:2010:233), à examiner un nombre potentiellement élevé de bénéficiaires individuels réels, alors même que l’octroi des aides à ceux-ci a été fait dans le cadre d’un dispositif général.

164    Cela est corroboré par le fait que, même en l’absence d’identification d’un acte juridique instituant un tel régime d’aides, la Commission peut se fonder sur un ensemble de circonstances de nature à déceler l’existence en fait d’un régime d’aides (voir, en ce sens, arrêt du 13 avril 1994, Allemagne et Pleuger Worthington/Commission, C‑324/90 et C‑342/90, EU:C:1994:129, points 14 et 15). Partant, dans le cas d’espèce, même si les compagnies aériennes n’étaient pas formellement désignées en tant que bénéficiaires du régime d’aides litigieux, la Commission pouvait se fonder sur l’ensemble des éléments du dispositif mis en place, formellement en faveur des exploitants aéroportuaires, pour conclure à l’existence, en fait, d’un régime d’aides en faveur des compagnies aériennes en tant que bénéficiaires réels et finaux de ce dispositif.

165    D’autre part et en tout état de cause, force est de constater que, contrairement à ce que soutient la requérante, si la loi no 10/2010 ne mentionne pas l’intervention des compagnies aériennes dans le système de financement prévu, elle faisait toutefois référence à la production de contrats, en l’occurrence conclus avec ces compagnies, tandis que la décision régionale no 29/36 faisait expressément référence à la nécessité, pour les exploitants aéroportuaires, de prévoir un système de sanctions lorsque les plans d’activités étaient établis par les compagnies aériennes. Ainsi, le régime d’aides litigieux identifiait les compagnies aériennes de manière générale et abstraite comme parties prenantes au système de financement mis en place par la Région autonome. Au demeurant, nonobstant la désignation, dans la décision régionale no 29/36, des exploitants aéroportuaires comme étant bénéficiaires des mesures adoptées, la Région autonome a elle-même reconnu, dans les décisions nos 300 et 322 susmentionnées, que les compagnies aériennes devaient être considérées comme les bénéficiaires réels desdites mesures.

166    Au regard de l’ensemble des considérations qui précèdent, c’est à bon droit que la Commission a pu qualifier l’ensemble des dispositions visées aux considérants 35 à 41 de la décision attaquée comme constituant un « régime d’aides » au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589.

167    Par ailleurs, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’a pas, dans la décision attaquée, justifié son refus d’appliquer au cas d’espèce le principe de l’opérateur privé en économie de marché au motif qu’un tel principe ne pouvait pas s’appliquer dans le cas d’un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589. Pour le surplus, les arguments présentés par la requérante en lien avec ledit principe seront examinés dans le cadre de la deuxième branche du deuxième moyen.

168    Il convient par conséquent de rejeter la première branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

b)      Sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, relatives à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome et au niveau des exploitants aéroportuaires

169    Dans le cadre des deuxième et troisième branches du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission a commis une erreur de droit en refusant d’appliquer le principe de l’opérateur privé en économie de marché tant au niveau de la Région autonome qu’au niveau des exploitants aéroportuaires. La Commission conclut pour sa part au rejet des deux branches comme étant non fondées.

170    Il convient d’examiner, successivement, la troisième puis la deuxième branche du deuxième moyen.

1)      Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’application du principe de l’investisseur privé aux relations contractuelles entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes

171    Dans le cadre de la troisième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que la Commission aurait dû examiner si le critère de l’investisseur privé était susceptible de s’appliquer non seulement au niveau de la décision, de la Région autonome, de distribuer des fonds aux exploitants aéroportuaires, mais également au niveau des décisions de ces derniers de rémunérer les compagnies aériennes pour les prestations qu’elles leur ont fournies dans le cadre des accords qu’ils avaient conclus avec elles, en particulier pour les aéroports d’Olbia et de Cagliari-Elmas.

172    À titre liminaire, il convient de relever que, dans la décision attaquée, la Commission a justifié l’inapplicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau des transactions effectuées entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes, au motif, en substance, que les mesures examinées constituaient un régime d’aides établi par une autorité publique pour des raisons de politique publique, qui couvrait plusieurs aéroports, dont un seul était détenu par la Région autonome, et non pas un accord individuel entre un aéroport et une compagnie aérienne. En outre, pour la Commission, il était clair que les exploitants aéroportuaires n’avaient pas agi comme des opérateurs en économie de marché lorsqu’ils avaient conclu les différents contrats avec les compagnies aériennes. En effet, ils n’auraient fait que mettre en œuvre le régime d’aides litigieux conçu par la Région autonome pour accroître le transport aérien au profit général du territoire de l’île de Sardaigne.

173    À cet égard, la requérante estime que la Commission ne pouvait pas exclure l’application du critère de l’investisseur privé au motif que les exploitants aéroportuaires devaient prétendument mettre en œuvre un régime d’aides général, excluant de ce fait qu’ils aient pu agir comme des opérateurs en économie de marché.

174    S’agissant de l’argumentation de la requérante relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au regard de l’autonomie des exploitants aéroportuaires dans l’utilisation des fonds fournis par la Région autonome et dans la définition de leurs rapports contractuels avec les compagnies aériennes, il convient de la rejeter pour les motifs déjà exposés ci-dessus dans le cadre du traitement de la seconde branche du premier moyen.

175    Ensuite, force est de constater que, ainsi que le reconnaît la requérante, les deux exploitants aéroportuaires concernés en l’espèce, à savoir ceux de Cagliari-Elmas et d’Olbia, ne sont en tout état de cause pas détenus par la Région autonome. Or, comme le soutient à juste titre la Commission, pour pouvoir envisager l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché à une transaction financière entre deux entreprises afin de savoir si, au regard de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, lu conjointement avec l’article 345 TFUE (voir, en ce sens, arrêts du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, EU:C:1990:125, point 29 ; du 21 mars 1991, Italie/Commission, C‑303/88, EU:C:1991:136, point 20, et du 12 décembre 1996, Air France/Commission, T‑358/94, EU:T:1996:194, point 70), cette transaction répond à une rationalité économique écartant qu’elle puisse donner lieu à l’octroi par la première entreprise d’un avantage à la seconde, encore faut-il que la première entreprise soit détenue par l’État et que celui-ci puisse être réputé agir comme un investisseur attendant un rendement économique à plus ou moins long terme de son investissement.

176    Dans ces conditions, indépendamment de l’établissement de plans d’exploitation par les compagnies aériennes et/ou d’analyse ex ante de la rentabilité des investissements faits par les exploitants aéroportuaires, tels qu’invoqués par la requérante, il apparaît que, d’une part, lesdits exploitants n’étaient pas détenus par la Région autonome et que, d’autre part et en tout état de cause, ceux-ci n’ont fait qu’utiliser l’argent mis à leur disposition par la Région autonome pour acquérir des services selon les consignes de cette dernière.

177    Il en résulte que, ainsi que l’a retenu à juste titre la Commission dans la décision attaquée, les exploitants aéroportuaires se sont bornés pour l’essentiel à mettre en œuvre le régime d’aides litigieux. Étant donné, en outre, que lesdits exploitants n’étaient pas détenus par l’État, les transactions effectuées entre les compagnies aériennes et les exploitants aéroportuaires n’avaient pas vocation à être examinées au regard du critère de l’opérateur privé en économie de marché, même si ces transactions étaient effectuées au moyen de ressources d’État, en l’occurrence de la Région autonome.

178    Cette constatation n’est pas remise en cause par le fait, à le supposer avéré, que les exploitants aéroportuaires auraient rémunéré les compagnies aériennes également sur leurs fonds propres. En effet, d’une part, la requérante reste en défaut de démontrer quels montants les exploitants aéroportuaires auraient acquittés sur leurs fonds propres sans en obtenir ou en demander le remboursement ultérieur à la Région autonome au titre du régime d’aides litigieux, alors même que la Commission soutient, sans que la requérante apporte la preuve contraire, que les exploitants aéroportuaires n’auraient recouru à leurs fonds propres que dans de très faibles proportions et uniquement en vue de répondre à leurs engagements contractuels résiduels à la suite de la suspension du régime d’aides litigieux par la Région autonome. D’autre part, force est de rappeler que, en tout état de cause, ces prétendus investissements propres des exploitants aéroportuaires ne relèvent pas de l’obligation de remboursement prévue à l’article 2 de la décision attaquée et ne traduisent pas une prise de risques commerciaux significative en rapport avec l’utilisation des fonds provenant de la Région autonome.

179    En outre, ainsi que le fait valoir la Commission, les compagnies aériennes n’ont été sélectionnées qu’afin, pour les exploitants aéroportuaires, de recevoir les financements régionaux destinés à rémunérer leurs prestations. Cependant, comme l’a souligné la Commission en particulier lors de l’audience, il est improbable que, en l’absence du financement de la Région autonome, les exploitants aéroportuaires auraient disposé de fonds suffisants, en l’occurrence plusieurs dizaines de millions d’euros, pour entreprendre des acquisitions d’une telle ampleur, auprès des compagnies aériennes, d’obligations d’ouverture de liaisons aériennes et d’atteinte d’objectifs de trafic passagers ainsi que de prestations de marketing. Aussi, même si, comme le soutient la requérante, les exploitants aéroportuaires ont pu, en raison des effets positifs des prestations fournies par les compagnies aériennes au titre du régime d’aides litigieux, bénéficier d’effets indirects d’augmentation de leurs ressources aéroportuaires et extra-aéroportuaires, cela ne permet pas de considérer que les contrats qu’ils ont conclus avec lesdites compagnies aériennes dans le cadre du régime d’aides litigieux pouvaient être examinés au regard du critère de l’investisseur privé.

180    S’agissant de l’exploitant de l’aéroport d’Alghero, contrairement à ce que soutient la requérante et ainsi qu’il a été constaté précédemment, la Commission n’a examiné les mesures mises en œuvre en faveur de cet aéroport au titre du régime d’aides litigieux ni dans la décision attaquée ni dans la décision « Alghero ». Par ailleurs, la circonstance que, s’agissant de contrats de marketing conclus par l’exploitant aéroportuaire d’Alghero, analogues à ceux en cause en l’espèce, la Commission soit arrivée à la conclusion que certains relevaient du principe de l’investisseur privé, car lesdits accords ont été considérés comme rentables pour ledit aéroport, celle-ci n’est pas de nature à démontrer l’applicabilité en l’espèce du principe de l’investisseur privé au niveau des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia. En effet, d’une part, l’exploitant aéroportuaire d’Alghero est détenu par la Région autonome, ce qui n’est pas le cas des aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia. D’autre part, dans la décision « Alghero », la Commission a pris position sur les mouvements financiers entre la Région autonome, l’exploitant aéroportuaire d’Alghero et les compagnies aériennes cocontractantes de celui-ci, non pas s’agissant des mouvements faits au titre du régime d’aides litigieux, mais uniquement s’agissant de ceux résultant de contrats antérieurs audit régime d’aides.

181    Eu égard à ces constatations, c’est à tort que la requérante affirme que la décision « Alghero » confirmerait que la Commission ne pouvait pas examiner les mesures litigieuses en tant que régime d’aides alors même que, pour l’un des bénéficiaires aéroportuaires, elle aurait examiné – ce qui n’est pas le cas – les financements qu’il avait obtenus de la Région autonome en tant que mesure individuelle et finalement conclu qu’il ne s’agissait pas d’une aide dans certains cas.

182    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter la troisième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

2)      Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché aux décisions de la Région autonome

183    S’agissant de l’application au niveau de la Région autonome du principe de l’opérateur privé en économie de marché, faisant l’objet de la deuxième branche du deuxième moyen, la requérante fait tout d’abord grief à la Commission d’avoir écarté l’applicabilité du critère de l’investisseur privé au motif que, lors de la procédure formelle d’examen, l’État membre concerné n’aurait pas invoqué ce critère afin de démontrer la compatibilité de sa mesure avec le marché intérieur. En effet, selon la requérante, la Commission est tenue d’examiner l’application de ce principe, susceptible d’aboutir à la conclusion que la mesure litigieuse ne constitue pas une aide d’État, même lorsqu’il n’est pas invoqué par l’État membre en cause. En particulier, dans la note de bas de page no 112 de la décision attaquée, la Commission se méprendrait quant à la portée de la jurisprudence résultant de l’arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF (C‑124/10 P, EU:C:2012:318, point 104), notamment parce que, dans cet arrêt, la Cour n’aurait fait que rappeler l’obligation pour la Commission d’examiner l’application dudit principe lorsqu’il est invoqué par l’État membre concerné, mais cette juridiction ne se serait pas prononcée sur le cas inverse, tel que celui de l’espèce, dans lequel l’État membre en cause n’allègue pas ledit principe au soutien de sa mesure.

184    La Commission estime pour sa part avoir correctement fait application de la jurisprudence, étant donné que la République italienne n’invoquait pas le principe de l’opérateur privé en économie de marché et qu’il n’apparaissait pas non plus que ce principe pouvait être applicable dans un cas dans lequel la Région autonome poursuivait des objectifs de politique publique générale de nature économique, consistant à attirer plus de touristes, ce qui ne saurait relever de l’objectif d’un investisseur privé. En effet, le rendement attendu du régime d’aides litigieux n’aurait pas consisté en une augmentation de dividendes, en des gains en capital ou en toute autre forme de bénéfice financier, mais uniquement en une stimulation du développement économique de l’île de Sardaigne, y compris en la création d’emplois.

185    À cet égard, ainsi que l’a rappelé à juste titre la requérante, le critère de l’opérateur privé en économie de marché ne constitue pas une exception ne s’appliquant que sur la demande d’un État membre. En effet, ce critère, lorsqu’il est applicable, figure parmi les éléments que la Commission est tenue de prendre en compte pour établir l’existence d’une telle aide. Par conséquent, lorsqu’il apparaît que le principe de l’opérateur privé en économie de marché pourrait être applicable, il incombe à la Commission de demander à l’État membre concerné de lui fournir toutes les informations pertinentes lui permettant de vérifier si les conditions d’applicabilité et d’application de ce principe sont remplies et elle ne peut refuser d’examiner de telles informations que si les éléments de preuve produits ont été établis postérieurement à l’adoption de la décision d’effectuer l’opération en question (arrêt du 5 juin 2012, Commission/EDF, C‑124/10 P, EU:C:2012:318, points 103 et 104).

186    Cependant, en l’espèce, la Commission ne s’est pas exclusivement fondée sur l’absence d’invocation par la République italienne du principe de l’opérateur privé en économie de marché pour expliquer son appréciation sur l’absence de possibilité de justifier le régime d’aides litigieux au regard dudit principe.

187    En effet, aux considérants 380 à 388 de la décision attaquée, la Commission a tout d’abord noté que la République italienne n’avait pas suggéré l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome ; que rien n’indiquait que la Région autonome aurait agi selon ce principe lorsqu’elle avait établi le régime d’aides litigieux et qu’il était clair qu’elle avait cherché, par la mise en place dudit régime, à atteindre des objectifs de politique publique, en particulier le renforcement de l’économie régionale en attirant plus de touristes, plutôt qu’à obtenir des bénéfices en sa qualité de propriétaire. Puis, la Commission a examiné l’applicabilité de ce principe au niveau des exploitants aéroportuaires et de la Région autonome pour conclure que tel n’était pas le cas en l’espèce.

188    Partant, le grief de la requérante, relatif à une prétendue absence d’examen par la Commission de l’applicabilité du principe de l’opérateur privé en économie de marché, doit être écarté comme étant non fondé.

189    Ensuite, la requérante estime erronée la conclusion de la Commission, figurant au considérant 380 de la décision attaquée, selon laquelle la Région autonome n’aurait pas agi en tant qu’investisseur privé en économie de marché, car, toujours selon la Commission, ladite collectivité régionale aurait cherché à atteindre des objectifs de politique publique, en particulier le renforcement de l’économie régionale en attirant plus de touristes, plutôt qu’à obtenir des bénéfices en sa qualité de propriétaire de l’aéroport.

190    Cependant, en l’espèce, étant donné que la Région autonome ne détient pas les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia, seuls en cause dans le cas de la requérante, il ne saurait être considéré que celle-ci aurait agi en tant qu’investisseur. Il apparaît au contraire que la Région autonome a mis en place le régime d’aides litigieux uniquement en vue du développement économique de l’île de Sardaigne.

191    Dans ces conditions, c’est à juste titre que la Commission a conclu, notamment aux considérants 380 à 384 de la décision attaquée, qu’elle n’avait pas à analyser si, par le financement faisant l’objet du régime d’aides litigieux, la Région autonome avait procédé à un investissement comparable à celui d’un investisseur privé. Dès lors, elle pouvait considérer que les analyses ex ante de la rentabilité économique des contrats de prestations conclus entre les exploitants aéroportuaires et la requérante n’étaient pas pertinentes, puisque, en l’espèce, la Région autonome, agissant exclusivement en tant que puissance publique, ne pouvait pas escompter des dividendes, gains en capital ou toute autre forme de bénéfice comparable à celui qu’obtiendrait un investisseur privé. Sur ce point, contrairement à ce que soutient la requérante, l’éventuel accroissement des ressources fiscales d’une entité publique, telle que la Région autonome, en raison de l’adoption de mesures de politique publique, ne saurait être assimilé, ni comparé, aux gains qu’un investisseur privé attend de ses investissements.

192    Par ailleurs, la Commission a souligné à juste titre que l’accord conclu entre la SOGAER et la requérante prévoyait certes une augmentation des recettes de l’exploitant aéroportuaire de Cagliari-Elmas de l’ordre de 3 millions d’euros, mais que celle-ci n’était pas en faveur de la Région autonome, puisque cette dernière ne détenait pas la SOGAER. Elle soulignait que, en revanche, l’effet attendu sur le tourisme était, lui, évalué à 47 millions d’euros et, cumulé avec d’autres effets indirects et induits, à 139 millions d’euros. Or, ainsi que le fait valoir la Commission, cet avantage que, en tant que puissance publique, la Région autonome pouvait escompter et s’approprier, n’est pas comparable et n’est pas de même nature qu’un avantage financier escompté par un opérateur de l’un de ses investissements. En effet, il s’agit ici de bienfaits macroéconomiques attendus de l’intervention publique dans le cadre d’une politique économique, laquelle ne relève pas du principe de l’opérateur privé en économie de marché, mais des principes de rationalisation de la dépense publique.

193    Partant, il convient d’écarter l’argumentation de la requérante tendant à considérer que la Région autonome, dans le cadre du régime d’aides litigieux adopté dans le cadre d’une politique économique générale, aurait agi en tant qu’investisseur justifiant d’appliquer le principe de l’investisseur privé en économie de marché.

194    La requérante soutient encore que, pour apprécier correctement les mesures litigieuses au regard du critère de l’investisseur privé, la Commission aurait dû examiner si la Région autonome avait véritablement besoin de chercher à augmenter le trafic aérien de passagers au moyen d’accords de marketing entre les aéroports et les compagnies aériennes et si, lorsqu’elle a cherché à satisfaire ce besoin en tant qu’exploitant aéroportuaire à Alghero et à Cagliari, elle a payé un prix correspondant aux conditions de marché comme tout autre opérateur économique l’aurait fait, notamment pour développer son secteur de l’aviation, mais également pour assurer une plus grande connectivité aérienne, la promotion de l’île en tant que destination touristique, la désaisonnalité et l’augmentation de ses revenus par l’augmentation des recettes aéroportuaires. En outre, les services fournis par les compagnies aériennes, y compris en matière de marketing, auraient constitué des prestations réelles, distinctes des activités liées à l’exploitation des lignes aériennes.

195    À cet égard, le Tribunal relève que, au considérant 377 de la décision attaquée, la Commission a considéré que les paiements effectués par la Région autonome aux compagnies aériennes par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires dans le cadre de l’activité 1 et de l’activité 2 devaient être considérés comme des subventions octroyées aux compagnies aériennes pour qu’elles opèrent davantage de vols vers et depuis l’île de Sardaigne.

196    Il convient encore de relever que, étant donné que la Région autonome ne détient pas l’ensemble des aéroports de l’île de Sardaigne, lesquels sont les seules entités pouvant convenir contractuellement de l’utilisation des infrastructures aéroportuaires qu’ils gèrent, notamment de l’ouverture de nouvelles lignes aériennes, la Région autonome ne pouvait pas, en tant qu’autorité publique, acquérir ce type de services directement auprès des compagnies aériennes. D’ailleurs, l’exploitant aéroportuaire de Cagliari-Elmas a confirmé, ainsi que cela ressort des considérants 312 et 314 de la décision attaquée, que, d’une part, la Région autonome a, au moyen du régime d’aides litigieux, demandé un service consistant en la sélection de compagnies aériennes capables d’atteindre les objectifs annuels fixés pour la fréquence et le volume de passagers sur des liaisons stratégiques en provenance et à destination de l’aéroport de Cagliari-Elmas et que, d’autre part, ce service a été fourni par les compagnies aériennes cocontractantes choisies par les exploitants aéroportuaires.

197    Il ressort également du régime d’aides litigieux que les prestations de marketing fournies par les compagnies aériennes avaient pour objectif de promouvoir l’île de Sardaigne en tant que destination touristique.

198    Partant, s’il ne saurait être retenu que, en adoptant le régime d’aides litigieux, la Région autonome a agi en tant qu’investisseur, il doit toutefois être retenu, comme l’a soutenu la requérante, quoiqu’à titre subsidiaire, dans sa réponse à l’une des questions écrites posées par le Tribunal, que ladite Région a agi en tant qu’acquéreur de services, notamment de marketing.

199    En effet, d’une part, les montants que la requérante a perçus correspondaient à la fourniture de prestations de services en réponse à une commande de la Région autonome pour laquelle les exploitants aéroportuaires n’ont joué qu’un rôle d’intermédiaires entre l’adjudicateur et les prestataires de ces services. D’autre part, ainsi que le soutient la requérante, les compagnies aériennes ont fourni des prestations de services, qu’il s’agisse tant des engagements en termes de liaisons aériennes et de volume de trafic de passagers que de marketing, qui peuvent être offertes aux exploitants aéroportuaires dans le secteur du transport aérien.

200    À cet égard, une mesure étatique en faveur d’une entreprise ne saurait, du seul fait que les parties s’engagent à des prestations réciproques, être exclue a priori de la notion d’aide d’État visée à l’article 107 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du 28 janvier 1999, BAI/Commission, T‑14/96, EU:T:1999:12, point 71).

201    S’agissant en particulier de l’acquisition de prestations de services par la puissance publique, celle-ci doit en principe se faire en suivant les règles de passation des marchés publics prévues par le droit de l’Union dérivé. Dans ce cas, l’existence d’une telle procédure d’appel d’offres, conduite préalablement à un achat de services par une autorité publique d’un État membre, est normalement considérée comme suffisante pour exclure que cet État membre puisse octroyer un avantage à l’entreprise prestataire retenue qu’elle n’aurait pas autrement obtenu dans des conditions normales de marché [voir, en ce sens, arrêt du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, EU:T:2003:217, point 118].

202    En l’espèce, l’acquisition des services en cause n’a pas été faite par la Région autonome elle-même, laquelle, en tant qu’autorité publique, aurait été soumise aux règles de l’Union relatives à la passation de marchés publics. En effet, cette acquisition a été faite par l’intermédiaire d’autres acteurs, non soumis dans cette situation auxdites règles, en l’occurrence les exploitants aéroportuaires, lesquels ont été chargés d’obtenir sur le marché les prestations de services souhaitées par la Région autonome et que cette dernière finançait.

203    Dans une telle situation, le seul fait qu’un État membre achète des services qui, comme le soutient la requérante, ont été prétendument offerts aux conditions du marché ne suffit pas pour que cette opération constitue une transaction commerciale effectuée dans des conditions qu’un opérateur privé aurait acceptées, ou, autrement dit, une transaction commerciale normale. En effet, dans ce type de situation, il faut, d’une part, que l’État ait eu un besoin réel de ces services et, d’autre part, que l’acquisition de ces services ait été faite au moyen d’une procédure ouverte, transparente et non discriminatoire de nature à assurer l’égalité de traitement entre les prestataires susceptibles d’offrir les services en cause et à garantir que les prestations de services en cause sont acquises au prix du marché, lequel prix assure que, à l’occasion de l’acquisition desdits services, la puissance publique ne confère pas un avantage au prestataire retenu [voir, en ce sens, arrêt du 5 août 2003, P & O European Ferries (Vizcaya) et Diputación Foral de Vizcaya/Commission, T‑116/01 et T‑118/01, EU:T:2003:217, points 112 à 120 ; voir également, par analogie, arrêts du 24 octobre 2013, Land Burgenland e.a./Commission, C‑214/12 P, C‑215/12 P et C‑223/12 P, EU:C:2013:682, points 93 et 94, et du 16 juillet 2015, BVVG, C‑39/14, EU:C:2015:470, point 32].

204    En l’espèce, la Commission a considéré, au considérant 386 de la décision attaquée, que le financement apporté par le régime d’aides litigieux ne constituait pas une rémunération pour des produits ou des services satisfaisant de véritables besoins de la Région autonome et qu’aucune procédure d’appel d’offres ouverte et transparente n’avait été suivie pour fournir le soutien financier aux compagnies aériennes concernées.

205    À cet égard, contrairement à ce qu’a retenu la Commission, la Région autonome, en tant que puissance publique poursuivant des objectifs de politique économique, pouvait considérer qu’elle avait un besoin de promouvoir l’île de Sardaigne en tant que destination touristique afin de contribuer au développement économique de l’île.

206    Cependant, d’une part, ainsi que le soutient la Commission, l’ampleur inédite des prestations de marketing financées dans le cadre du régime d’aides litigieux est de nature à mettre en doute le fait que ces prestations répondaient, de manière proportionnée et au regard des principes de rationalisation de la dépense publique, aux besoins réels de la Région autonome en vue de poursuivre ses objectifs de développement économique de l’île de Sardaigne.

207    D’autre part et en tout état de cause, la Commission a précisé, dans son mémoire en défense, que la décision attaquée avait abordé la question de l’organisation d’appels d’offres en vue de la conclusion d’accords par les exploitants aéroportuaires parce que l’organisation de tels appels d’offres aurait pu prouver l’existence de conditions de marché et, dès lors, l’absence d’avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

208    Or, à cet égard, force est de constater, ainsi que le soutient la Commission, que, en vue d’acquérir les services d’augmentation de trafic aérien et de marketing, ni la Région autonome ni les exploitants aéroportuaires, agissant en tant qu’intermédiaires, n’ont organisé de procédures d’appel d’offres ouvertes et transparentes de nature à garantir le respect du principe d’égalité de traitement entre prestataires et l’acquisition desdits services, par la Région autonome et au moyen de ressources d’État mises à la disposition des exploitants aéroportuaires, à des prix du marché.

209    En effet, il est certes constant que les exploitants aéroportuaires ont publié sur leurs sites Internet respectifs des appels à manifestation d’intérêt dans le cadre desquels les compagnies aériennes intéressées à ouvrir ou à désaisonnaliser certaines de leurs liaisons aériennes, autres que celles faisant déjà l’objet d’obligations de service public, et à fournir des prestations de marketing pouvaient proposer leurs services aux exploitants aéroportuaires.

210    Cependant, ces appels à manifestation d’intérêt ne sauraient être considérés comme équivalents à des procédures d’appel d’offres. En effet, invitée par le Tribunal à produire ces appels à manifestation d’intérêt de même que les offres qu’elle avait soumises aux exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, la requérante est restée en défaut de les produire, en expliquant qu’elle n’avait pas conservé ces documents. La Commission n’a pas non plus été en mesure de produire lesdits appels à manifestation d’intérêt. Par ailleurs, il ne ressort pas du dossier que des critères précis avaient été fixés afin de sélectionner les compagnies aériennes cocontractantes. Au contraire, il semble que toutes celles qui avaient soumis des offres ont été invitées à contracter avec les exploitants aéroportuaires concernés et que, en ce qui concerne la tarification des prestations offertes, les tarifs appliqués par les compagnies aériennes étaient disparates. Or, alors même qu’elles apparaissaient comme des évaluations financières grossières et arrondies, les exigences financières des compagnies aériennes ont toutefois donné lieu à des remboursements dans leur quasi-intégralité, par la Région autonome, aux exploitants ayant avancé les paiements desdites prestations.

211    Dans ces conditions, la Commission pouvait, dans la section 7.2.1.3 de la décision attaquée, intitulée « Avantage économique », constater que les paiements reçus par les compagnies aériennes cocontractantes, telles que la requérante, ne pouvaient pas être considérés comme une véritable contrepartie pour les services de marketing fournis.

212    À ce sujet, la requérante conteste encore les considérants 362 à 374 de la décision attaquée, en soutenant que la Commission ne pouvait pas considérer que les compagnies aériennes, telles que la requérante, auraient de toute façon fait de la publicité pour leurs propres destinations aériennes et que, par conséquent, les mesures litigieuses servaient à supporter des coûts qu’elles auraient autrement dû supporter. En effet, sans les accords conclus entre la requérante et les aéroports d’Olbia et de Cagliari-Elmas, la requérante n’aurait pas nécessairement réservé prioritairement des espaces publicitaires, parmi les meilleurs, sur son site Internet pour ces destinations. En particulier, la requérante fait valoir que les exploitants aéroportuaires bénéficiaient de réelles prestations dont ils tiraient un profit matériel, comme l’atteste le fait que les contrats qu’ils avaient conclus avec les compagnies aériennes avaient donné lieu, préalablement à leur conclusion, à des études de marché et que les exploitants aéroportuaires ont financé ces contrats également au moyen de leurs fonds propres. Enfin, le prix payé par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes aurait été celui du marché pour des prestations de marketing de ce type et, à cet égard, la requérante rappelle que, « lorsqu’une pratique est objectivement justifiée par des raisons commerciales, le fait qu’elle réponde également à un objectif politique n’implique pas qu’elle constitue une aide d’État au sens de l’article [107 TFUE] » (arrêt du 29 février 1996, Belgique/Commission, C‑56/93, EU:C:1996:64, point 79).

213    À cet égard, outre le fait que les compagnies aériennes cocontractantes n’ont pas été sélectionnées à l’issue d’une procédure de nature à garantir que la Région autonome, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires, les a rémunérées au prix du marché, force est de constater que, invitée par le Tribunal à produire des documents probants à cet égard, la requérante a produit du matériel publicitaire et contractuel confirmant que, comme l’a retenu la Commission au considérant 368 de la décision attaquée, la promotion de certaines villes et régions desservies par la requérante est généralement intrinsèquement liée, sur son site Internet, à la promotion des vols exploités par elle-même. Interpellée lors de l’audience, la requérante a d’ailleurs confirmé qu’elle faisait encore la promotion, sur son site Internet, de destinations sardes même en l’absence d’engagements contractuels en ce sens conclus avec les exploitants aéroportuaires.

214    C’est donc à juste titre que la Commission a relevé, dans la décision attaquée, que les services de marketing au titre de l’activité 2 ont été achetés par les exploitants aéroportuaires en cause, en l’occurrence avec les fonds mis à leur disposition par la Région autonome, pour promouvoir l’exploitation de la ou des lignes aériennes assurées par les compagnies aériennes cocontractantes et pour l’ouverture ou le maintien desquelles elles étaient rémunérées au titre de l’activité 1.

215    Dans ces conditions, la Commission pouvait conclure que les compagnies aériennes ont été rémunérées par la Région autonome afin de promouvoir leurs propres prestations en tant que compagnies aériennes (voir, en ce sens, arrêts du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑53/16, non publié, EU:T:2018:943, point 271 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/16, non publié, EU:T:2018:952, point 167 ; du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑165/15, non publié, EU:T:2018:953, point 230, et du 13 décembre 2018, Ryanair et Airport Marketing Services/Commission, T‑111/15, non publié, EU:T:2018:954, point 232), alors même qu’il s’agit de coûts de marketing et de publicité que les compagnies aériennes en cause, y compris la requérante, devaient en principe supporter. En définitive, l’atteinte des objectifs en matière de fréquences aériennes et de volume de passagers, lesquels faisaient l’objet de l’activité 1, de même que la fourniture des prestations de marketing au titre de l’activité 2 ont eu pour effet d’accroître l’activité économique de la requérante.

216    En outre, il doit être encore constaté que, ainsi que l’a fait valoir la Commission, en l’absence du financement conséquent apporté par la Région autonome, les exploitants aéroportuaires n’auraient pas nécessairement, dans leurs stratégies d’expansion, conclu des accords ni d’une telle ampleur, voire n’auraient pas pu le faire financièrement, de sorte que, contrairement à ce que soutient la requérante, la Commission n’était pas tenue de considérer que seule la partie des paiements effectués par les exploitants aéroportuaires prétendument supérieure aux prix du marché aurait dû être considérée comme constitutive d’une aide d’État.

217    L’absence de propension des exploitants aéroportuaires à conclure les contrats litigieux en l’absence du financement de la Région autonome est corroborée par le fait, d’une part, que, à la suite de la suspension du régime d’aides litigieux, la requérante n’a conclu qu’un nombre limité d’accords avec l’exploitant aéroportuaire d’Olbia et uniquement de marketing tandis que celui de Cagliari-Elmas n’a pas recouru à ses services et, d’autre part, qu’il n’est pas établi que la requérante avait conclu de tels contrats avant l’adoption du régime d’aides litigieux. En effet, invitée par le Tribunal à indiquer si elle avait conclu des accords analogues antérieurement au régime d’aides litigieux et postérieurement à la suspension de celui-ci, la requérante a confirmé l’existence d’accords antérieurs au régime d’aides litigieux, mais n’a pas apporté la preuve de l’existence de ces contrats. Par ailleurs, elle a certes apporté la preuve de la conclusion de contrats analogues postérieurement à la suspension du régime d’aides litigieux, portant, en l’occurrence, sur les périodes allant, respectivement, de juin à décembre 2015, de mars à décembre 2017 et d’octobre 2018 à mars 2019. Cependant, tandis qu’elle avait perçu, sous l’empire du régime d’aides litigieux, des rémunérations de 750 000 euros pour la période allant de mars 2010 à mars 2011, de 750 000 euros pour la période allant de l’été 2011 à l’hiver 2011/2012 et de 1 million d’euros pour la période allant de l’été 2012 à l’hiver 2012/2013, la requérante n’a finalement perçu, dans le cadre des trois contrats postérieurs au régime d’aides litigieux, que des montants de 65 000 euros, 165 000 euros et 132 800 euros, soit des montants manifestement inférieurs à ceux revendiqués dans les contrats relevant du régime d’aides litigieux.

218    Dans ces conditions, la Commission a pu conclure, au considérant 388 de la décision attaquée, que le financement fourni par la Région autonome aux compagnies aériennes, telles que la requérante, par l’intermédiaire des exploitants aéroportuaires pour le financement des activités 1 et 2 dans le cadre du régime d’aides litigieux avait conféré un avantage économique aux compagnies aériennes concernées, en l’occurrence une rémunération qu’elles n’auraient pas obtenue dans des conditions normales de marché.

219    Eu égard à l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter la deuxième branche du deuxième moyen comme étant non fondée.

c)      Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative à la perception par les exploitants aéroportuaires d’avantages indus de la Région autonome en exécution de la loi no 10/2010

220    À l’appui de la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante fait valoir que, aux considérants 398 à 406 de la décision attaquée, la Commission a erronément conclu que les exploitants aéroportuaires n’avaient bénéficié d’aucun avantage, pas même indirect, au motif qu’ils auraient été de simples intermédiaires assurant la transmission de l’aide de la Région autonome vers les compagnies aériennes. En effet, premièrement, les exploitants aéroportuaires étaient expressément désignés comme les bénéficiaires exclusifs des mesures litigieuses. Deuxièmement, ils auraient disposé d’un pouvoir d’appréciation dans l’utilisation des fonds qui leur ont été alloués et dans le choix de leurs prestataires, ce qui démontrerait qu’ils n’agissaient pas en tant que simples intermédiaires. Troisièmement, étant donné que la Commission a elle-même reconnu, dans la décision attaquée, que les mesures litigieuses avaient pour objet et eu pour effet d’augmenter le trafic aérien dans les aéroports concernés, il serait clair que les recettes desdits aéroports ont augmenté en raison de cette hausse, tant sur le plan des services de nature aéronautique que sur celui des services d’une autre nature. Contrairement à ce qu’a retenu la Commission au considérant 403 de la décision attaquée, il ne saurait être soutenu que ces effets seraient secondaires en ce que « le régime n’a[urait] pas été conçu de manière à orienter ses effets secondaires vers les exploitants aéroportuaires » et qu’il aurait au contraire été conçu pour bénéficier au secteur du tourisme dans son ensemble. Selon la requérante, l’effet principal attendu, à savoir l’augmentation du trafic aérien, se confondait avec l’avantage tiré par les exploitants aéroportuaires par l’atteinte dudit objectif.

221    La Commission fait valoir, à titre principal, que la quatrième branche du deuxième moyen est irrecevable en ce qu’elle est dirigée contre l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée, lequel concernerait exclusivement les exploitants aéroportuaires avec lesquels la requérante n’est pas en relation de concurrence. À cet égard, elle soutient que la conclusion selon laquelle les compagnies aériennes en cause ont bénéficié d’un régime d’aides d’État n’aurait pas été fondée sur la conclusion selon laquelle les exploitants aéroportuaires n’avaient pas reçu d’aides d’État. En tout état de cause, dès lors que la requérante ne conteste pas que les exploitants aéroportuaires ont transmis l’intégralité des fonds reçus de la Région autonome dans le cadre du régime d’aides litigieux, la conclusion de la Commission selon laquelle lesdits exploitants n’ont agi que comme intermédiaires et n’étaient pas les bénéficiaires réels desdites mesures resterait valable. Tout au plus, ces exploitants n’auraient bénéficié d’une augmentation du trafic aérien et du nombre de passagers que comme tous les autres opérateurs économiques des autres secteurs, tels que les loueurs de voitures, les hôtels, les restaurants, les stations-service, les commerces de nourriture et les commerces de détail.

222    À cet égard, il convient de relever que, par la quatrième branche du deuxième moyen, la requérante reproche à la Commission de ne pas avoir considéré, en l’occurrence à l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée et aux considérants 394 à 406 développés sous la section 7.2.2, que les exploitants aéroportuaires étaient bénéficiaires du régime d’aides litigieux.

223    En l’espèce, la requérante, en tant que compagnie aérienne, est active sur le marché du transport aérien et non sur celui des services et des infrastructures aéroportuaires. Par conséquent et ainsi qu’il a été constaté aux points 59 à 70 ci-dessus, la requérante n’est pas affectée dans sa position concurrentielle par le constat selon lequel les exploitants aéroportuaires n’étaient pas les bénéficiaires du régime d’aides litigieux de sorte qu’elle n’a pas qualité pour agir en annulation de l’article 1er, paragraphe 1, de la décision attaquée et que, dans cette mesure, il n’y a pas lieu d’examiner la quatrième branche du deuxième moyen.

224    Ainsi, dans cette mesure, la quatrième branche du deuxième moyen doit être rejetée comme étant irrecevable.

225    Ensuite et, en tout état de cause, il y a lieu de constater que, dès lors que les exploitants aéroportuaires ont transmis aux compagnies aériennes l’intégralité des fonds qu’ils ont perçus de la Région autonome pour les rémunérer dans le cadre des contrats de prestations éligibles au régime d’aides litigieux, ceux-ci n’ont pas bénéficié d’un avantage au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE. Cela est corroboré par le fait que, en l’absence dudit financement, ils n’auraient pas recouru à de tels contrats ou, à tout le moins, pas dans de telles proportions, étant entendu que la requérante n’a pas prouvé que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia avaient conclu avec elle des accords portant sur des services marketing ou sur des fréquences de desserte aérienne ou d’objectif de passagers avant l’adoption du régime d’aides litigieux et que, à la suite de la suspension dudit régime, les accords qui ont été conclus portaient sur des prestations et des rémunérations bien moindres que celles contractuellement convenues grâce au financement obtenu au titre du régime d’aides litigieux. En définitive, ainsi que l’a observé la Commission, l’achat desdits services tenait moins à une nécessité commerciale des exploitants aéroportuaires qu’à la décision de ces derniers de prêter leur concours à la mise en œuvre du régime d’aides mis en place par la Région autonome. Ainsi, la requérante ne saurait soutenir que, par le régime d’aides litigieux, la Région autonome aurait soulagé des coûts que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia auraient dû normalement supporter.

226    Certes, l’exécution par les compagnies aériennes cocontractantes des prestations souhaitées et financées par la Région autonome a eu pour effet d’augmenter le trafic aérien et le volume de passagers à destination et au départ des aéroports concernés, impliquant une augmentation des ressources aéroportuaires et extra-aéroportuaires de leurs exploitants. Cependant, ainsi que le fait valoir la Commission, il s’agit là d’un effet secondaire du régime d’aides litigieux dont toute la filière du secteur touristique sarde a bénéficié, y compris, d’ailleurs, la requérante, qui, d’une certaine manière, a également obtenu un tel avantage secondaire par un accroissement des ventes des prestations proposées à bord de ses aéronefs. Pour autant, l’avantage immédiat faisant l’objet du régime d’aides litigieux et qui n’a pas été obtenu dans des conditions normales de marché était toutefois constitué des paiements effectués aux compagnies aériennes.

227    Dans ces conditions, il convient de rejeter la quatrième branche du deuxième moyen et, partant, le deuxième moyen dans son intégralité comme étant non fondé.

3.      Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant au fait que les mesures litigieuses faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre les États membres

228    Dans le cadre du troisième moyen, la requérante conteste que les mesures litigieuses aient faussé ou menacé de fausser la concurrence sur le marché du transport aérien au départ et à destination des aéroports de l’île de Sardaigne, à tout le moins d’Olbia et de Cagliari-Elmas, notamment parce que, s’agissant des liaisons aériennes qu’elle exploite et après la conclusion d’accords de marketing entre la requérante et les exploitants de ces aéroports, aucune autre compagnie aérienne n’exploiterait ces liaisons aériennes commerciales. À cet égard, la Commission aurait insuffisamment pris en compte les arguments formulés par la requérante dans ses observations du 30 juillet 2013. Par ailleurs, étant donné que lesdits exploitants aéroportuaires ont sélectionné les compagnies cocontractantes à l’issue de procédures d’appel d’offres, la Commission aurait commis une erreur de droit en retenant que les mesures litigieuses ont eu un impact négatif sur la concurrence pour l’accès aux liaisons aériennes en cause. En effet, chaque compagnie aérienne européenne pouvait soumettre une offre dans le cadre de ces appels d’offres si bien que, ainsi que l’aurait retenu la Commission dans une affaire concernant un projet d’autoroute dans le centre de la Grèce, cette modalité de sélection aurait exclu la possibilité d’effet négatif des mesures litigieuses sur les échanges au sein de l’Union et sur la concurrence.

229    La Commission conclut au rejet du troisième moyen comme étant non fondé, en soulignant qu’une affectation de la concurrence est constatée chaque fois que le destinataire d’une mesure d’aide est en concurrence avec des entreprises sur des marchés ouverts à la concurrence, ce qui serait le cas en l’espèce, puisque les compagnies aériennes en cause, actives sur le marché aérien particulièrement concurrentiel, auraient reçu une compensation financière.

230    À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux fins de la qualification d’une mesure nationale d’aide d’État, il y a lieu non pas d’établir une incidence réelle de l’aide en cause sur les échanges entre les États membres et une distorsion effective de la concurrence, mais seulement d’examiner si cette aide est susceptible d’affecter ces échanges et de fausser la concurrence (voir, en ce sens, arrêts du 15 décembre 2005, Italie/Commission, C‑66/02, EU:C:2005:768, point 111, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 134).

231    En particulier, lorsqu’une aide accordée par un État membre renforce la position d’une entreprise par rapport à celle d’autres entreprises concurrentes dans les échanges à l’intérieur de l’Union, ces derniers doivent être considérés comme influencés par l’aide (voir arrêt du 9 octobre 2014, Ministerio de Defensa et Navantia, C‑522/13, EU:C:2014:2262, point 52 et jurisprudence citée).

232    Par ailleurs, dans le cas d’un régime d’aides, la Commission peut se borner à étudier les caractéristiques du régime en cause pour apprécier, dans les motifs de la décision, si, en raison des montants ou des pourcentages élevés des aides, des caractéristiques des investissements soutenus ou d’autres modalités que ce régime prévoit, celui-ci assure un avantage sensible aux bénéficiaires par rapport à leurs concurrents et est de nature à profiter essentiellement à des entreprises qui participent aux échanges entre États membres. Ainsi, la Commission, dans une décision qui porte sur un tel régime, n’est pas tenue d’effectuer une analyse de l’aide octroyée dans chaque cas individuel sur le fondement dudit régime. Ce n’est qu’au stade de la récupération des aides qu’il sera nécessaire de vérifier la situation individuelle de chaque entreprise concernée (voir, en ce sens, arrêts du 14 octobre 1987, Allemagne/Commission, 248/84, EU:C:1987:437, point 18, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, point 63).

233    Dans la décision attaquée, en l’occurrence aux considérants 390 à 392, la Commission a suffisamment expliqué que les compagnies aériennes, bénéficiant des paiements versés par les exploitants aéroportuaires en vertu du régime d’aides litigieux, étaient actives dans un secteur caractérisé par une concurrence intense entre des opérateurs provenant d’États membres différents, et donc participaient à des échanges à l’intérieur de l’Union.

234    Contrairement à ce que soutient la requérante, une telle motivation est en soi suffisante au regard de l’obligation de motivation pesant sur la Commission (voir, en ce sens, arrêts du 7 mars 2002, Italie/Commission, C‑310/99, EU:C:2002:143, points 88 et 89, et du 9 juin 2011, Comitato « Venezia vuole vivere » e.a./Commission, C‑71/09 P, C‑73/09 P et C‑76/09 P, EU:C:2011:368, points 114 et 121).

235    Par ailleurs, la Commission n’a pas méconnu la notion d’aide d’État, telle que visée à l’article 107, paragraphe 1, TFUE, en retenant que la nature transfrontalière évidente des activités en cause, à savoir des services de transports aériens de passagers, impliquait que le régime d’aides litigieux était susceptible de fausser la concurrence et d’affecter le commerce entre les États membres en renforçant la position sur le marché des compagnies aériennes ayant bénéficié dudit régime. En effet, les transporteurs aériens, tels que la requérante, sont en concurrence sur le marché aérien au niveau européen de sorte que l’octroi de l’aide aux compagnies aériennes, telles que la requérante, ayant conclu des contrats avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, renforce la position concurrentielle de ces entreprises bénéficiaires par rapport à celle d’autres entreprises aériennes concurrentes au niveau européen, opérant ou non des liaisons aériennes directes avec l’île de Sardaigne.

236    En tout état de cause, d’une part, ainsi que l’a reconnu la requérante, celle-ci est en concurrence, sur ses lignes aériennes au départ et à l’arrivée des aéroports sardes, avec des compagnies aériennes européennes assurant un acheminement de voyageurs depuis et vers les mêmes aéroports continentaux par des correspondances via d’autres aéroports. Or, ces compagnies aériennes, s’agissant de ces lignes aériennes par correspondance, concurrentes à celles directes de la requérante, n’ont pas été bénéficiaires du régime d’aides litigieux qui ne couvrait que des lignes directes (point-to-point), en tout état de cause pas en ce qui concerne les segments aériens opérés au-delà de l’aéroport de correspondance, de sorte que la position concurrentielle des bénéficiaires, telles que la requérante, a été nécessairement renforcée par rapport à celle de telles compagnies aériennes non bénéficiaires.

237    Quant à l’argument de la requérante tenant au fait que certaines compagnies, notamment les compagnies aériennes régulières, n’auraient pas été bénéficiaires du régime d’aides litigieux uniquement parce qu’elles n’avaient pas soumis d’offres de collaboration dans le cadre des appels à manifestation d’intérêt publiés par les exploitants aéroportuaires, il ne saurait davantage prospérer. En effet, l’affectation des échanges entre les États membres au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE ne peut pas dépendre en l’espèce de la question de savoir si toutes les compagnies aériennes ont bénéficié ou ont eu la possibilité de bénéficier de la mesure en cause. En tout état de cause, à supposer même – ce qui n’est pas établi en l’espèce – que toutes les compagnies aériennes européennes opérant des vols directs depuis et vers les aéroports sardes aient pu prétendre au régime d’aides litigieux, cette circonstance, concernant la sélectivité des mesures litigieuses – laquelle, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, n’est pas contestée par la requérante –, n’aurait eu aucune conséquence sur le constat, par la Commission, de l’affectation du commerce entre les États membres par ledit régime dans la mesure où il renforce la position concurrentielle de ces compagnies aériennes par rapport à leurs concurrentes, sur le marché européen, qui ne desservent pas l’île de Sardaigne.

238    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le troisième moyen comme étant non fondé.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’absence de possibilité de déclarer les mesures litigieuses compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

239    À l’appui du quatrième moyen, la requérante soutient que, en ce qu’elle est fondée sur le non-respect de certaines des conditions prévues dans la communication de la Commission 2005/C 312/01, relative à des lignes directrices communautaires sur le financement des aéroports et les aides d’état au démarrage pour les compagnies aériennes au départ d’aéroports régionaux (JO 2005, C 312, p. 1, ci-après « les lignes directrices de 2005 »), la conclusion de la Commission selon laquelle les mesures litigieuses ne pouvaient pas être déclarées compatibles avec le marché intérieur est erronée.

240    La Commission conclut au rejet du quatrième moyen comme étant non fondé.

241    À cet égard, aux termes de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, peuvent notamment être considérées comme compatibles avec le marché intérieur les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, quand elles n’altèrent pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun, condition qui doit être appréciée selon les critères de nécessité et de proportionnalité (arrêt du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 80).

242    Cependant, il est de jurisprudence constante que le principe général posé par l’article 107, paragraphe 1, TFUE est celui de l’interdiction des aides d’État et que les dérogations à ce principe, telles que visées au paragraphe 3 dudit article 107, sont d’interprétation stricte (arrêts du 29 avril 2004, Allemagne/Commission, C‑277/00, EU:C:2004:238, point 20 ; du 23 février 2006, Atzeni e.a., C‑346/03 et C‑529/03, EU:C:2006:130, point 79, et du 26 février 2015, Orange/Commission, T‑385/12, non publié, EU:T:2015:117, point 81).

243    En outre, selon une jurisprudence également constante, la Commission jouit, pour l’application de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, d’un large pouvoir d’appréciation dont l’exercice implique des évaluations complexes d’ordre économique et social. Le contrôle juridictionnel appliqué à l’exercice de ce pouvoir d’appréciation se limite ainsi à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation ainsi qu’au contrôle de l’exactitude matérielle des faits retenus et de l’absence d’erreur de droit, d’erreur manifeste dans l’appréciation des faits ou de détournement de pouvoir (arrêts du 26 septembre 2002, Espagne/Commission, C‑351/98, EU:C:2002:530, point 74 ; du 29 avril 2004, Italie/Commission, C‑372/97, EU:C:2004:234, point 83, et du 15 décembre 2016, Abertis Telecom Terrestre et Telecom Castilla-La Mancha/Commission, T‑37/15 et T‑38/15, non publié, EU:T:2016:743, point 160).

244    Ainsi que cela ressort notamment du point 24 des lignes directrices de 2005, celles-ci visent à préciser les cas dans lesquels un financement public aux aéroports et aux compagnies aériennes constitue une aide d’État et, lorsqu’il s’agit effectivement d’une aide, les conditions dans lesquelles elle peut être déclarée compatible avec le marché intérieur conformément à l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

245    À cet égard, ainsi que l’a retenu la Commission aux considérants 412 à 414 de la décision attaquée, le régime d’aides litigieux, à supposer qu’il puisse être analysé comme fournissant des aides au démarrage de nouvelles lignes aériennes, relevait effectivement des lignes directrices de 2005. En effet, conformément à ce que prévoit le point 174 des lignes directrices de 2014, les aides notifiées avant l’entrée en vigueur de ces dernières lignes directrices pouvaient en principe être examinées, après le 4 avril 2014, au regard de ces lignes directrices. Cependant, les aides, notifiées ou non, mises en œuvre, comme en l’espèce, avant que la Commission n’ait statué sur les mesures notifiées par la République italienne et, par conséquent, s’avérant illégales au regard de l’obligation de suspension visée à l’article 108, paragraphe 3, TFUE, doivent, elles, être examinées au regard des lignes directrices de 2005.

246    S’agissant du point 79 des lignes directrices de 2005, pertinent en l’espèce, celui-ci se lit comme suit :

« Compte tenu des objectifs précités et des difficultés importantes auxquelles peut donner lieu le lancement d’une nouvelle ligne, la Commission pourra approuver de telles aides lorsqu’elles rempliront les conditions suivantes :

[…]

d)       Viabilité à terme et dégressivité dans le temps : la ligne [nouvelle] aidée doit s’avérer viable à terme, c’est-à-dire couvrir au moins ses coûts, sans financement public. C’est pourquoi les aides au démarrage doivent être dégressives et limitées dans le temps.

e)       Compensation des coûts additionnels de démarrage : le montant de l’aide doit être strictement lié aux coûts additionnels de démarrage qui sont liés au lancement de la nouvelle route ou fréquence et que l’opérateur aérien n’aurait pas à supporter en rythme de croisière. Ces coûts comprennent notamment les dépenses de marketing et de publicité à engager au départ pour faire connaître la nouvelle liaison ; ils peuvent comprendre les frais d’installation supportés par la compagnie aérienne sur le site de l’aéroport régional concerné pour lancer la ligne, s’il s’agit bien d’un aéroport des catégories C ou D et que ces coûts n’ont pas déjà été aidés. À l’inverse, l’aide ne peut concerner des coûts opérationnels réguliers tels que la location ou l’amortissement des avions, le carburant, le salaire des équipages, les charges aéroportuaires, les coûts de commissariat (catering). Les coûts éligibles retenus devront correspondre à des coûts réels obtenus dans les conditions normales de marché.

f)      Intensité et durée : l’aide dégressive peut être accordée pour une durée maximale de trois ans. Le montant de l’aide ne peut dépasser, chaque année, 50 % du montant des coûts éligibles de cette année et, sur la durée de l’aide, une moyenne de 30 % des coûts éligibles.

Pour les lignes au départ des régions défavorisées, c’est-à-dire les régions ultrapériphériques, les régions visées à l’article 87, paragraphe 3, [sous] a), [du traité CE] et les régions à faible densité de population, l’aide dégressive peut être accordée pour une durée maximale de cinq années. Le montant de l’aide ne peut dépasser, chaque année, 50 % du montant des coûts éligibles de cette année et, sur la durée de l’aide, une moyenne de 40 % des coûts éligibles. Si l’aide est effectivement accordée pendant cinq ans, l’aide peut être maintenue à 50 % du montant des coûts éligibles pendant les trois premières années.

En tout état de cause, la durée pendant laquelle l’aide au démarrage est accordée à une compagnie devra rester inférieure de manière substantielle à la durée pendant laquelle celle-ci s’engage à exercer ses activités au départ de l’aéroport considéré, tel qu’indiqué dans le plan d’affaires requis au paragraphe 79, [sous] i). En outre, l’aide devra être arrêtée dès que les objectifs en termes de passagers seront atteints ou que la rentabilité de la ligne sera avérée, même si cela intervient avant la fin de la durée initialement prévue.

[…]

h)       Attribution non discriminatoire : toute entité publique qui envisage d’octroyer à une compagnie, via un aéroport ou non, des aides au démarrage d’une nouvelle route doit rendre son projet public dans un délai suffisant et avec une publicité suffisante pour permettre à toutes les compagnies aériennes intéressées de proposer leurs services. Cette communication doit comporter notamment la description de la route, ainsi que des critères objectifs en termes de montant et de durée des aides. Les règles et principes en matière de marchés publics et de concessions doivent, lorsqu’ils sont applicables, être respectés.

[…] »

247    Dans la décision attaquée, en l’occurrence aux considérants 410 à 421, la Commission a considéré que la compensation financière fournie par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes en vertu du régime d’aides litigieux ne pouvait pas être considérée comme compatible avec le marché intérieur, car les critères de compatibilité mentionnés audit point 79 des lignes directrices de 2005 n’étaient pas remplis.

248    Par son quatrième moyen, la requérante tente de démontrer que, dans son cas individuel, les aides qu’elle aurait perçues, constituées des montants que les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia lui ont versés en exécution des contrats conclus avec elle, répondaient aux conditions posées au point 79 des lignes directrices de 2005 et que, à défaut, elles pouvaient tout de même être déclarées compatibles avec le marché intérieur au titre du point 81 desdites lignes directrices ou, indépendamment de ces lignes directrices, en tant qu’aide au développement du tourisme dans l’esprit de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE.

249    À cet égard, force est toutefois de constater, ainsi que le fait valoir la Commission, que les arguments invoqués par la requérante ne sont pas de nature à infirmer son constat, figurant dans la décision attaquée, selon lequel le régime d’aides litigieux ne satisfaisait pas aux critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005, lesquels sont cumulatifs, ce qui impliquait que le non-respect de l’un d’eux suffisait à exclure qu’une aide puisse être qualifiée d’« aide au démarrage » compatible avec le marché intérieur au titre de ces lignes directrices.

250    Tout d’abord, il y a lieu de relever que, ainsi que cela ressort du considérant 410 de la décision attaquée, la République italienne a, elle-même, soutenu que le régime d’aides litigieux n’avait pas été conçu comme un régime visant à soutenir le lancement de nouvelles liaisons aériennes et qu’il ne satisfaisait pas aux conditions visées au point 79 des lignes directrices de 2005.

251    Par ailleurs, s’agissant de la condition posée au point 79, sous d), des lignes directrices de 2005, à supposer même, comme le soutient la requérante, que les accords commerciaux entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes aient été conclus dans une perspective de rentabilité économique, évaluée au moyen d’une évaluation ex ante de la viabilité et de la rentabilité des plans d’exploitation présentés par les compagnies aériennes et des analyses économiques établies par les exploitants aéroportuaires, le régime d’aides litigieux n’a pas mis en place un système d’aides dégressif dans le temps pour chacune des lignes aériennes faisant l’objet des contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes et qui, en tout état de cause, ne sont pas toutes « nouvelles » au sens de ces lignes directrices. En particulier, chaque compagnie aérienne a reçu des montants globaux correspondant à des périodes d’activités, mais, dans les faits, le financement n’a pas été individualisé par ligne aérienne concernée au départ et à l’arrivée de chaque aéroport concerné.

252    Dans son cas particulier, la requérante ne conteste pas que l’aide qu’elle a perçue pour l’ensemble des lignes aériennes qu’elle assure depuis l’aéroport d’Olbia n’était pas dégressive s’agissant de cet aéroport, puisque, sous l’empire du régime d’aides litigieux, elle a perçu de l’exploitant de cet aéroport des rémunérations au contraire en hausse dans le temps, allant de 750 000 euros pour la période de mars 2010 à mars 2011 et de 750 000 euros pour la période allant de l’été 2011 à l’hiver 2011/2012 à un montant de 1 million d’euros pour la période allant de l’été 2012 à l’hiver 2012/2013. S’agissant de l’aéroport de Cagliari-Elmas, elle a certes perçu, ainsi qu’elle le souligne, des rémunérations effectivement dégressives, à savoir un montant de 800 000 euros pour la période allant de mars 2010 à mars 2011, 700 000 euros pour celle allant de mars 2011 à mars 2012 et 600 000 euros pour celle allant de mars 2012 à mars 2013. Cependant, il ne ressort pas du régime d’aides litigieux ou des documents produits par la requérante que les lignes aériennes faisant, globalement, l’objet de ces montants étaient rentables sans le financement en cause, ni que l’aide puisse être individualisée pour chacune de ces lignes afin de constater, pour chacune d’elles, que l’aide correspondante à la ligne concernée était dégressive.

253    S’agissant du mécanisme de suivi, mis en place par la Région autonome, des paiements effectués au titre du régime d’aides litigieux, il n’apparaît pas, contrairement à ce que soutient la requérante, qu’il garantissait, au regard du critère posé au point 79, sous e), des lignes directrices de 2005 que le financement public apporté était nécessaire pour couvrir une partie des frais de démarrage des lignes aériennes concernées, qu’il représentait seulement les coûts réels engagés par les exploitants aéroportuaires et qu’il ne concernait que ces coûts. Cela est d’autant moins le cas que l’aide apportée à chaque compagnie aérienne n’a pas été ventilée pour chacune des lignes aériennes assurées depuis et vers chacun des aéroports sardes concernés.

254    À cet égard, il est sans pertinence que les exploitants aéroportuaires auraient prétendument pris en charge sur leurs fonds propres, d’ailleurs dans une mesure inconnue, des coûts supplémentaires ou que la requérante n’aurait pas ouvert ou maintenu les lignes aériennes concernées en l’absence du soutien financier reçu des exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia. En outre, le régime d’aides litigieux et les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes ne précisent pas, pour les lignes aériennes concernées, quels étaient les coûts additionnels de démarrage pour chacune d’elles.

255    De la même manière, s’agissant de la condition posée au point 79, sous f), des lignes directrices de 2005, celle-ci n’est clairement pas remplie tant il est manifeste que le régime d’aides litigieux et les contrats conclus entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes n’identifient pas de coûts éligibles. En effet, en l’absence de mention de coûts éligibles, il n’est pas possible d’apprécier le respect de la condition d’un financement maximal de 50 % du montant des coûts éligibles par année, avec un maximum de financement moyen de 30 %. Au contraire, il ressort du dossier que la Région autonome a remboursé sur demande les paiements effectués par les exploitants aéroportuaires aux compagnies aériennes et que ceux-ci étaient fixés à des montants forfaitaires, souvent arrondis, sans autre précision et, en tout état de cause, de manière non individualisée pour chacune des lignes aériennes concernées.

256    Quant à l’allégation de la requérante selon laquelle la Sardaigne étant une région économique défavorisée de l’Union au sens du point 79, sous f), deuxième alinéa, des lignes directrices de 2005, force est de constater, ainsi que le souligne la Commission, que cette région ne remplit pas les conditions prévues par les lignes directrices concernant les aides d’État à finalité régionale pour la période 2007/2013 (JO 2006, C 54, p. 13).

257    S’agissant de la condition visée au point 79, sous h), des lignes directrices de 2005 et concernant l’attribution non discriminatoire des aides au démarrage, il y a lieu, pour les motifs déjà exposés ci-dessus au soutien du rejet de la deuxième branche du deuxième moyen, de rejeter l’argumentation de la requérante selon laquelle les exploitants aéroportuaires auraient organisé une procédure garantissant une mise en concurrence des compagnies aériennes, assurant la transparence, une publicité suffisante, l’absence de discrimination et la sélection des offres les plus économiquement avantageuses.

258    Ainsi, il est manifeste que le régime d’aides litigieux, y compris s’agissant de l’aide individuellement perçue par la requérante, ne remplissait pas les critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005.

259    Dans ces conditions, compte tenu du pouvoir d’appréciation de la Commission en la matière ainsi que de la nécessité d’interpréter de manière stricte les exceptions au principe de l’interdiction des aides d’État, la Commission pouvait, malgré la demande faite en ce sens par la République italienne au cours de la procédure administrative, décider qu’il n’y avait pas non plus lieu de déroger aux critères énoncés dans les lignes directrices de 2005 au titre du point 81 desdites lignes directrices, aux termes duquel la Commission peut « examiner au cas par cas une aide ou un régime qui ne respecterait pas intégralement les critères [du point 79], mais aboutirait à une situation comparable ». En effet, en tout état de cause, le régime d’aides litigieux, ne respectant pas la majorité des critères prévus au point 79 des lignes directrices de 2005, ne saurait être considéré comme aboutissant à une situation comparable à une aide respectant lesdites exigences.

260    Quant à la prétention de la requérante de voir le régime d’aides litigieux autorisé, indépendamment des lignes directrices de 2005, au titre de l’article 107, paragraphe 3, sous c), TFUE, en ce qu’il visait à promouvoir le tourisme en Sardaigne et les activités commerciales des exploitants aéroportuaires sardes, d’une part, la République italienne n’a pas demandé le bénéfice de ces dérogations lors de la procédure administrative, lesquelles sont d’application stricte. D’autre part, à supposer que la requérante vise spécifiquement la dérogation concernant les aides destinées à faciliter le développement de certaines activités ou de certaines régions économiques, le régime d’aides litigieux, par l’ampleur du financement qu’il apportait, était peu susceptible de ne pas altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l’intérêt commun.

261    Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent que le quatrième moyen doit être rejeté comme étant non fondé.

5.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime quant à l’ordre de récupération de l’aide au niveau de la requérante

262    Dans le cadre du cinquième moyen, la requérante soutient que la Commission a méconnu le principe de confiance légitime en exigeant, à l’article 2 de la décision attaquée, la récupération par les autorités italiennes auprès de la requérante des montants que cette dernière avait perçus en exécution des contrats la liant aux exploitants aéroportuaires et trouvant leur origine dans les fonds perçus par lesdits exploitants en provenance du budget de la Région autonome. En effet, un opérateur diligent qui aurait conclu de tels accords avec des opérateurs privés, tels que les exploitants aéroportuaires, dans des conditions normales de concurrence, n’aurait eu aucune raison de douter de la nature commerciale desdits accords et, partant, n’aurait pas raisonnablement pu soupçonner que, dans ce cadre, lesdits exploitants ne géraient pas leurs fonds propres, ni anticiper qu’il aurait ainsi pu être ultérieurement considéré comme bénéficiaire de l’aide d’État alléguée.

263    En particulier, un tel opérateur n’aurait pas nécessairement su que les fonds utilisés par lesdits exploitants pour le rétribuer correspondaient, du moins en partie, aux fonds qui leur étaient versés par la Région autonome au titre des mesures litigieuses. Un opérateur diligent n’aurait donc pas jugé nécessaire de vérifier l’origine de ces fonds et leur éventuelle incompatibilité avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE. Par ailleurs, l’organisation d’appels d’offres par les exploitants aéroportuaires de même que l’application, au niveau des redevances aéroportuaires, de tarifs du marché voire de tarifs supérieurs à ceux du marché et l’existence de clauses pénales dans les contrats de services, conclus avec des plans d’exploitation et des études à l’appui, n’auraient pu que conforter la requérante dans sa confiance que ses rapports économiques avec chacun des exploitants aéroportuaires en cause en l’espèce étaient de nature purement commerciale et non étatique. En tout état de cause, selon la requérante, un opérateur avisé dans le domaine du transport aérien ne pouvait pas anticiper, au regard de la pratique de la Commission en la matière, que l’accord commercial ne serait pas examiné, en tant qu’aide individuelle, au regard du critère de l’investisseur privé, mais serait au contraire considéré, comme en l’espèce, comme un cas individuel d’application d’un régime d’aides.

264    La Commission conclut au rejet du cinquième moyen comme étant non fondé en relevant que la requérante n’avance aucune assurance précise que la Commission lui aurait donnée au cours de l’examen du régime d’aides litigieux. En tout état de cause, elle estime qu’un opérateur diligent concluant les accords en cause en l’espèce aurait dû savoir que les exploitants aéroportuaires étaient financés par la Région autonome dans le cadre de la loi no 10/2010, d’autant que le préambule de l’accord conclu entre la requérante et la SOGAER indiquait de manière très claire que ledit accord était conclu dans le cadre établi par la loi no 10/2010, alors même que celle-ci n’avait pas été notifiée par l’État italien à la date de conclusion de cet accord.

265    À cet égard, selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime s’étend à tout justiciable chez lequel une institution de l’Union a fait naître des espérances fondées. En outre, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence d’assurances précises que lui aurait fournies l’administration (voir arrêt du 24 novembre 2005, Allemagne/Commission, C‑506/03, non publié, EU:C:2005:715, point 58 et jurisprudence citée). De même, lorsqu’un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l’adoption d’une mesure de l’Union de nature à affecter ses intérêts, il ne saurait invoquer le bénéfice d’un tel principe lorsque cette mesure est adoptée [voir arrêts du 11 mars 1987, Van den Bergh en Jurgens et Van Dijk Food Products (Lopik)/Commission, 265/85, EU:C:1987:121, point 44 et jurisprudence citée, et du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, EU:C:2006:416, point 147 et jurisprudence citée].

266    Compte tenu du rôle fondamental joué par l’obligation de notification pour permettre l’effectivité du contrôle des aides d’État par la Commission, lequel revêt un caractère impératif, les bénéficiaires d’une aide ne peuvent avoir, en principe, une confiance légitime dans la légalité de ladite aide que si celle-ci a été accordée dans le respect de la procédure prévue à l’article 108 TFUE et un opérateur économique diligent doit normalement être en mesure de s’assurer que ladite procédure a été respectée. En particulier, lorsqu’une aide est mise à exécution sans notification préalable à la Commission ou, comme en l’espèce, sans attendre la décision de la Commission clôturant la procédure, de sorte qu’elle est illégale au regard de l’article 108, paragraphe 3, TFUE, le bénéficiaire de l’aide ne peut avoir, en principe, de confiance légitime dans la légalité de l’octroi de celle-ci (voir, en ce sens, arrêt du 27 septembre 2012, Producteurs de légumes de France/Commission, T‑328/09, non publié, EU:T:2012:498, points 20 et 21 et jurisprudence citée).

267    En l’espèce, ainsi que le soutient la Commission, cette dernière n’a, à aucun moment, donné des assurances à la requérante quant à la compatibilité du régime d’aides litigieux avec le marché intérieur, d’autant moins que la République italienne a mis en œuvre ledit régime sans attendre que la Commission se soit prononcée sur celui-ci au titre de l’article 108 TFUE, impliquant, par conséquent, l’illégalité dudit régime.

268    Quant à la prétendue confiance légitime de la requérante dans la nature strictement commerciale de ses rapports contractuels avec les exploitants aéroportuaires de Cagliari-Elmas et d’Olbia, laquelle n’aurait pas pu éveiller des soupçons quant à l’origine étatique du comportement et des fonds utilisés par lesdits exploitants, force est de constater, d’une part, que l’origine étatique des fonds obtenus par les exploitants aéroportuaires ne semble pas avoir été dissimulée dans les appels à manifestation d’intérêt publiés par ceux-ci sur leurs sites Internet et, d’autre part et en tout état de cause, que le contrat liant la requérante à l’exploitant de Cagliari-Elmas expliquait, en des termes particulièrement explicites, que la Région autonome finançait l’exécution dudit contrat.

269    Aussi, même si les contrats conclus par la requérante avec l’exploitant d’Olbia ne mentionnaient pas la Région autonome et ne se référaient qu’à une « participation financière des sujets intéressés par le développement touristique de l’île » (financial participation of the subjects interested in the toursim development of the Island), la requérante ne peut pas raisonnablement soutenir qu’elle pensait conclure un contrat avec un simple opérateur privé.

270    En outre, la loi no 10/2010 ayant été publiée au Bollettino ufficiale della Regione autonoma della Sardegna, la requérante, en tant qu’opérateur avisé actif sur le marché du transport aérien en Italie, ne pouvait pas en ignorer l’existence (voir, par analogie, arrêt du 20 novembre 2008, Heuschen & Schrouff Oriëntal Foods Trading/Commission, C‑38/07 P, EU:C:2008:641, point 61), ni, par conséquent, les mécanismes de financement qu’elle prévoyait et le risque, d’une part, que ceux-ci puissent être considérés comme un régime d’aides au sens de l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589 et, d’autre part, que les compagnies aériennes soient considérées comme étant les bénéficiaires réels dudit régime. D’ailleurs, le point 79, sous h), des lignes directrices de 2005, invoquées par la requérante, évoque expressément la possibilité qu’une entité publique puisse octroyer une aide à une compagnie aérienne « via un aéroport ».

271    Quant à l’application du critère de l’investisseur privé, dès lors que la Région autonome ne détient pas de participation dans les aéroports en cause en l’espèce, ni ne les contrôle, la requérante ne pouvait pas avoir de confiance légitime que ce principe serait appliqué au cas d’espèce, de même qu’elle ne pouvait pas davantage spéculer sur le fait que l’application de ce principe conduirait nécessairement à la conclusion qu’elle ne percevait pas un avantage provenant d’une ressource d’État.

272    Compte tenu de ce qui précède, il convient de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

6.      Sur le sixième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation et d’une contradiction de motifs de la décision attaquée

273    Au titre du sixième moyen, la requérante reproche à la Commission tant une insuffisance de motivation qu’une contradiction dans les motifs figurant dans la décision attaquée.

274    La Commission conclut au rejet du sixième moyen comme étant non fondé.

275    Selon une jurisprudence établie, la motivation d’un acte doit être adaptée à la nature de celui-ci et doit faire apparaître clairement le raisonnement de l’institution qui en est l’auteur, de manière à permettre, d’une part, aux intéressés d’en comprendre le fondement et, le cas échéant, d’en contester la validité devant le juge de l’Union et, d’autre part, au juge d’en contrôler le bien-fondé, sans cependant qu’il soit exigé que l’institution spécifie tous les éléments de droit et de fait pertinents, puisque la question de savoir si elle satisfait à l’article 296 TFUE s’apprécie compte tenu tant du libellé de cet acte que de son contexte juridique et factuel (voir, en ce sens, arrêts du 15 juillet 2004, Espagne/Commission, C‑501/00, EU:C:2004:438, point 73, et du 14 décembre 2005, Regione autonoma della Sardegna/Commission, T‑200/04, non publié, EU:T:2005:460, point 63 et jurisprudence citée).

276    En outre, dans le cadre d’un moyen tiré d’un défaut ou d’une insuffisance de motivation, les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé de la décision attaquée sont inopérants et dénués de pertinence (voir arrêt du 15 juin 2005, Corsica Ferries France/Commission, T‑349/03, EU:T:2005:221, point 59 et jurisprudence citée).

277    En l’espèce, la requérante estime tout d’abord que la Commission n’a pas suffisamment expliqué les raisons pour lesquelles elle a considéré, aux considérants 357 à 361 de la décision attaquée, que les exploitants aéroportuaires n’auraient agi que comme de simples intermédiaires de la Région autonome et que, par conséquent, les flux financiers entre lesdits exploitants et les compagnies aériennes ne devaient pas être considérés comme l’exécution commerciale des contrats liant ces entités, mais comme des ressources d’État. En particulier, la Commission n’aurait pas examiné de manière détaillée la situation propre à chaque aéroport, notamment la position de l’État dans les sociétés exploitant chacun des aéroports concernés, afin d’asseoir ses conclusions concernant le contrôle ou non de ceux-ci par la puissance publique. La Commission n’aurait pas non plus expliqué comment la GEASAR, pourtant exploitante privée, n’aurait pas agi indépendamment de l’État. De même, elle n’aurait pas expliqué de quelle manière l’État exerçait un contrôle sur les décisions adoptées par les exploitants aéroportuaires d’Olbia et de Cagliari-Elmas et en quoi le mécanisme d’approbation prévu par les mesures d’exécution aurait été un motif suffisant pour arriver à cette conclusion.

278    À cet égard, force est de constater que, dans la décision attaquée, la Commission a expliqué, en particulier aux considérants 355 à 362 de cette décision, les raisons pour lesquelles elle estimait que les exploitants aéroportuaires avaient agi comme des intermédiaires entre la Région autonome et les compagnies aériennes. La requérante a d’ailleurs compris le raisonnement en cause, puisqu’elle a présenté un moyen détaillé, en l’occurrence le premier moyen, mettant en cause le raisonnement de la Commission quant à l’appréciation de ce rôle d’intermédiaires, y compris au regard de la circonstance que la Région autonome ne détenait pas les aéroports de Cagliari-Elmas et d’Olbia. En réalité, sous couvert de son allégation d’une violation de l’obligation de motivation, la requérante ne fait rien d’autre que de réitérer le fait qu’elle ne partage pas l’analyse, au fond, retenue par la Commission dans la décision attaquée.

279    La requérante fait encore grief à la Commission de ne pas avoir expliqué pour quelle raison les mesures litigieuses ne satisfaisaient pas de véritables besoins de la Région autonome, alors même que, de manière contradictoire, elle a examiné une telle question de manière approfondie dans ses précédentes décisions concernant des accords de marketing tels que ceux conclus en l’espèce entre la requérante et les exploitants aéroportuaires.

280    À cet égard, il y a lieu de constater que la Commission a expliqué les raisons pour lesquelles le régime d’aides litigieux ne satisfaisait pas de véritables besoins de la Région autonome, même si, ce faisant, elle est arrivée à une conclusion erronée, relevée par le Tribunal dans le cadre de l’examen de la deuxième branche du deuxième moyen. Par ailleurs, elle s’est expliquée quant aux raisons pour lesquelles elle estimait que le régime d’aides litigieux ne pouvait pas échapper à la qualification d’aide d’État en application du principe de l’opérateur privé en économie de marché.

281    Eu égard à ce qui précède, il convient de rejeter le sixième moyen comme étant non fondé et, partant, le recours dans son intégralité.

IV.    Sur les dépens

282    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      easyJet Airline Co. Ltd est condamnée aux dépens.

Papasavvas

Svenningsen

Valančius

Csehi

 

      Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 mai 2020.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige

A. Sur les mesures litigieuses

1. Sur les dispositions adoptées par la Région autonome

a) Sur l’article 3 de la loi no 10/2010

b) Sur les actes d’exécution de la loi no 10/2010

2. Sur la mise en œuvre des mesures litigieuses

a) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Olbia

b) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport de Cagliari-Elmas

c) Mise en œuvre de la loi no 10/2010 pour ce qui concerne l’aéroport d’Alghero

B. Sur la décision attaquée

II. Procédure et conclusions des parties

III. En droit

A. Sur la recevabilité

B. Sur les conclusions en annulation

1. Sur le premier moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la qualification des paiements, versés par les exploitants aéroportuaires à la requérante, de ressources d’État dont l’octroi était imputable à l’État italien

a) Sur la première branche du premier moyen, relative à l’existence d’un contrôle de la Région autonome sur les exploitants aéroportuaires

b) Sur la seconde branche du premier moyen, relative au rôle d’intermédiaires des exploitants aéroportuaires

1) Sur la mobilisation de ressources d’État

2) Sur l’imputabilité à la Région autonome des paiements effectués par les exploitants aéroportuaires au bénéfice des compagnies aériennes

2. Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à la perception d’un avantage par les compagnies aériennes

a) Sur la première branche du deuxième moyen, tirée d’une violation de la définition de « régime d’aides » prévue à l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589

b) Sur les deuxième et troisième branches du deuxième moyen, relatives à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché au niveau de la Région autonome et au niveau des exploitants aéroportuaires

1) Sur la troisième branche du deuxième moyen, relative à l’application du principe de l’investisseur privé aux relations contractuelles entre les exploitants aéroportuaires et les compagnies aériennes

2) Sur la deuxième branche du deuxième moyen, relative à l’application du principe de l’opérateur privé en économie de marché aux décisions de la Région autonome

c) Sur la quatrième branche du deuxième moyen, relative à la perception par les exploitants aéroportuaires d’avantages indus de la Région autonome en exécution de la loi no 10/2010

3. Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant au fait que les mesures litigieuses faussent ou menacent de fausser la concurrence et affectent les échanges entre les États membres

4. Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation quant à l’absence de possibilité de déclarer les mesures litigieuses compatibles avec le marché intérieur au titre de l’article 107, paragraphe 3, TFUE

5. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de confiance légitime quant à l’ordre de récupération de l’aide au niveau de la requérante

6. Sur le sixième moyen, tiré d’une insuffisance de motivation et d’une contradiction de motifs de la décision attaquée

IV. Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.