Language of document : ECLI:EU:T:1998:140

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

25 juin 1998 (1)

«Aide d'État — Transports aériens — Compagnie aérienne en situation de crise financière — Autorisation d'une augmentation de capital»

Dans les affaires jointes T-371/94 et T-394/94,

British Airways plc, société de droit anglais, établie à Hounslow (Royaume-Uni),

Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden, société de droit danois, de droit norvégien et de droit suédois, établie à Stockholm,

Koninklijke Luchtvaart Maatschappij NV, société de droit néerlandais, établie à Amstelveen (Pays-Bas),

Air UK Ltd, société de droit anglais, établie à Stansted (Royaume-Uni),

Euralair international, société de droit français, établie à Bonneuil (France),

TAT European Airlines, société de droit français, établie à Tours (France),

représentées par M. Romano Subiotto, solicitor, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Elvinger, Hoss et Prussen, 15, Côte d'Eich,

parties requérantes dans l'affaire T-371/94,

et

British Midland Airways Ltd, société de droit anglais, établie à Castle Donington (Royaume-Uni), représentée par M. Kevin F. Bodley, solicitor, et Me Konstantinos Adamantopoulos, avocat au barreau d'Athènes, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Arsène Kronshagen, 12, boulevard de la Foire,

partie requérante dans l'affaire T-394/94,

soutenues par

Royaume de Suède, représenté par M. Staffan Sandström, en qualité d'agent,

Royaume de Norvège, représenté par Mme Margit Tveiten, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège du consulat royal de Norvège, 3, boulevard Royal,

Maersk Air I/S, société de droit danois, établie à Dragøer (Danemark),

et

Maersk Air Ltd, société de droit anglais, établie à Birmingham (Royaume-Uni),

représentées par MM. Roderic O'Sullivan et Philip Wareham, solicitors, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Arendt et Medernach, 8-10, rue Mathias Hardt,

parties intervenantes dans l'affaire T-371/94,

Royaume de Danemark, représenté par M. Peter Biering, chef de division au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Danemark, 4, boulevard Royal,

et

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par M. John E. Collins, du Treasury Solicitor's Department, en qualité d'agent, et M. Richard Plender, QC, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

parties intervenantes dans les deux affaires,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. Nicholas Khan et Ben Smulders, membres du service juridique, en qualité d'agents, assistés de Me Ami Barav, barrister, du barreau d'Angleterre et du pays de Galles, et avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par

République française, représentée par M. Marc Perrin de Brichambaut, directeur des affaires juridiques au ministère des Affaires étrangères, Mmes Edwige Belliard, Catherine de Salins et M. Jean-Marc Belorgey, respectivement directeur adjoint, sous-directeur et chargé de mission à la direction des affaires juridiques du même ministère, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade de France, 8 B, boulevard Joseph II,

et

Compagnie nationale Air France, société de droit français, établie à Paris, représentée par Me Olivier d'Ormesson, avocat au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Jacques Loesch, 11, rue Goethe,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d'annulation de la décision 94/653/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, concernant l'augmentation de capital notifiée d'Air France (JO L 254, p. 73),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre élargie),

composé de MM. C. W. Bellamy, président, K. Lenaerts, C. P. Briët, A. Kalogeropoulos et A. Potocki, juges,

greffier: M. J. Palacio González, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale des 6 et 7 mai 1997,

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine des recours et procédures

Procédure administrative

1.
    Par lettre du 18 mars 1994, les autorités françaises ont informé la Commission, conformément à l'article 93, paragraphe 3, du traité CE, de leur intention d'injecter 20 milliards de FF dans le capital de la Compagnie nationale Air France (ci-après «Air France»). A cette notification était joint un plan de restructuration intitulé «Projet pour l'entreprise» (ci-après «projet»).

2.
    A la suite d'une réunion organisée avec des représentants d'Air France et du gouvernement français, ainsi que de la correspondance échangée avec ces derniers, la Commission a ouvert la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité. Elle en a informé les autorités françaises par une lettre du 30 mai 1994, qui a fait l'objet, le 3 juin 1994, d'une communication publiée au Journal officiel des Communautés européennes (JO C 152, p. 2, ci-après «communication du 3 juin 1994»).

3.
    Dans cette communication, la Commission a estimé que l'augmentation de capital envisagée constituait une aide d'État, tout en relevant qu'elle devait examiner si le projet d'aide affecterait les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. A cet égard, la Commission a considéré notamment:

—    que la réalité économique commande de prendre en considération la situation et les perspectives économiques de l'ensemble du groupe Air France;

—    qu'elle doit examiner les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France sur les liaisons internationales et intérieures, sur lesquelles Air France doit affronter la concurrence d'autres transporteurs européens.

4.
    Par la suite, les autorités françaises ont envoyé à la Commission une série de lettres et ont participé avec des représentants d'Air France à plusieurs réunions organisées par la Commission. Jusqu'au 4 juillet 1994, la Commission a reçu les observations de 23 parties intéressées, parmi lesquelles figuraient le royaume de Danemark, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le royaume de Suède, le royaume de Norvège, l'Association des compagnies aériennes de la Communauté européenne (ci-après «ACE») et un grand nombre de compagnies aériennes européennes, dont les requérantes.

5.
    La plupart des parties intéressées ont partagé les doutes de la Commission quant à la licéité de l'aide en question. Parmi leurs principales objections figuraient notamment les éléments suivants:

—    l'aide bénéficierait non seulement à Air France, mais également à l'ensemble du groupe;

—    l'aide se traduirait par une surcapitalisation du groupe Air France;

—    l'achat de 17 nouveaux avions au prix de 11,5 milliards de FF serait inacceptable;

—    l'évaluation de la compatibilité de l'aide avec le marché commun ne devrait pas se faire sous le seul angle de l'évolution de son bénéficiaire;

—    en cas d'autorisation de l'aide, une réduction énorme des capacités d'Air France devrait être imposée.

6.
    Les commentaires des parties intéressées ont été communiqués aux autorités françaises, qui y ont répondu par lettre transmise le 13 juillet 1994 aux services compétents de la Commission. Le 14 juillet 1994, le Premier ministre français a adressé au membre compétent de la Commission une lettre exposant les engagements que prendrait son gouvernement en cas d'approbation du projet. Le 18 juillet 1994, deux engagements supplémentaires du gouvernement français ont été transmis. Enfin, le 26 juillet 1994, les autorités françaises ont fait parvenir à la Commission un complément d'information.

Décision attaquée

7.
    Le 27 juillet 1994, la Commission a adopté la décision 94/653/CE, concernant l'augmentation de capital notifiée d'Air France (JO L 254, p. 73, ci-après «décision attaquée»), qui peut être résumée comme suit.

8.
    Après avoir décrit la structure du groupe Air France (actif dans le transport aérien, l'hôtellerie, le tourisme, la restauration, la maintenance et la formation des pilotes), la Commission relève que ce groupe est, avec British Airways et Lufthansa, l'un des trois grands transporteurs aériens européens. Depuis le début de l'année 1990, il poursuivrait une politique d'acquisition de participations dans d'autres compagnies aériennes (UTA, Air Inter, Sabena et CSA), visant notamment à consolider son influence sur le marché intérieur et à affronter la concurrence sur les liaisons internationales. Le groupe Air France se serait lancé dans un programme de modernisation et d'expansion de sa flotte financé par des emprunts, dont les charges financières auraient grevé le résultat final du groupe se soldant par une première perte de 717,2 millions de FF en 1990. Face à cette situation, le groupe Air France aurait adopté plusieurs plans de restructuration qui auraient pourtant tous échoué.

9.
    En résumé, la Commission constate que le groupe Air France traverse une très grave crise économique et financière: après avoir subi une perte de 3,2 milliards

de FF en 1992, il aurait enregistré, en 1993, le quatrième résultat annuel négatif consécutif, qui se serait élevé à 8,4 milliards de FF. Au cours des trois dernières années, la situation du groupe n'aurait cessé de se détériorer. Le fossé entre le groupe Air France et ses concurrents se serait encore creusé en raison des mauvais résultats de 1993, qui s'expliqueraient principalement par une faible productivité et par des coûts d'exploitation élevés, ainsi que par les lourdes charges financières supportées.

10.
    La Commission décrit ensuite les lignes du projet destiné à «faire d'Air France une véritable entreprise», cet objectif devant être atteint durant la période comprise entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996, et cela grâce à une réduction des coûts et des frais financiers, une modification de la conception des produits et une meilleure utilisation des moyens, une réorganisation de la compagnie ainsi qu'une participation des salariés.

11.
    Dans ce contexte, la Commission expose notamment que le nombre d'avions livrables durant la période de restructuration sera ramené de 22 à 17 et que l'investissement correspondant s'établira ainsi à 11,5 milliards de FF. La flotte en exploitation (145 avions) ne serait augmentée que d'un seul appareil; le nombre de sièges offerts serait légèrement diminué. Air France rationaliserait, en outre, sa flotte en faisant disparaître un certain nombre d'appareils. En effet, l'hétérogénéité de sa flotte (24 types ou versions différents) serait l'un des facteurs d'alourdissement de ses coûts d'exploitation. En plus, Air France simplifierait son réseau, augmenterait les fréquences sur les liaisons rentables, développerait les vols long-courriers, abandonnerait les liaisons marginales et se recentrerait sur les liaisons présentant de bonnes perspectives de croissance. Sur le plan social, le projet envisagerait notamment la réduction des effectifs de 5 000 personnes, le gel des salaires (sous réserve d'un réexamen) et un blocage des avancements. En outre,Air France serait restructurée en onze centres opérationnels responsables de leurs résultats financiers, chaque centre étant doté de moyens propres. La mise en oeuvre du projet serait financée par l'augmentation de capital et la cession d'actifs hors métiers de base.

12.
    La Commission relève que, au cours de ses négociations avec le gouvernement français, ce dernier a formulé une série d'engagements concernant la mise en oeuvre du projet et l'utilisation du capital octroyé à Air France, l'injection de capital étant prévue en trois tranches: 10 milliards de FF en 1994, 5 milliards de FF en 1995 et 5 milliards de FF en 1996. Ces engagements sont repris, sous forme de conditions, dans le dispositif de la décision attaquée.

13.
    Sur la base des éléments qui précèdent, la Commission estime que l'injection de capital en question constitue une aide d'État au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité et de l'article 61, paragraphe 1, de l'accord sur l'Espace économique européen (ci-après «accord EEE»), laquelle, eu égard au vaste réseau européen d'Air France et à la vive concurrence qui sévit sur la plupart des liaisons qu'elle dessert, fausse le jeu de la concurrence dans l'EEE. Par ailleurs, l'aide affecterait

les échanges entre les pays de l'EEE, étant donné que l'aviation civile est un secteur d'activités à caractère international.

14.
    Après avoir exclu l'application d'autres dispositions dérogatoires du traité et de l'accord EEE, la Commission vérifie dans quelle mesure il est satisfait aux critères fixés par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE.

15.
    En examinant la situation actuelle de l'aviation civile, la Commission estime que ce secteur semble avoir surmonté la crise économique sévissant depuis 1990. Malgré des résultats positifs (croissance du trafic passagers), certaines compagnies aériennes européennes continueraient cependant à perdre de l'argent, et cela en raison des surcapacités existant sur le marché. Toutefois, les perspectives pour le secteur de l'aviation européenne resteraient assez favorables à moyen terme. Compte tenu de ces prévisions, la surcapacité ne devrait être qu'un phénomène temporaire. En conséquence, la Commission estime que le marché n'est pas touché par une crise structurelle de surcapacité et que la situation du secteur de l'aviation ne justifie pas une réduction globale des capacités.

16.
    Après avoir évalué le projet, la Commission considère que ce dernier est de nature à restaurer la viabilité économique et financière d'Air France et qu'une véritable restructuration de la compagnie contribuera au développement du transport aérien européen en améliorant sa compétitivité; elle serait donc conforme à l'intérêt commun. Dans ce contexte, une note en bas de page renvoie au programme d'action de la Commission «L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs» [COM (94) 218].

17.
    En vérifiant si l'aide envisagée est proportionnée aux besoins de restructuration d'Air France, la Commission estime que cette mesure est à la fois nécessaire et appropriée pour donner à la compagnie les moyens de mener à bien son plan de restructuration et de retrouver sa viabilité. A cet égard, la Commission examine les différents instruments financiers émis par Air France entre 1989 et 1993, pour en conclure que le ratio d'endettement (dette/capitaux propres) sera de 1,12:1 à la fin de 1996. En effet, la structure du bilan du groupe Air France se présenterait comme suit: capitaux propres = 18,65 milliards de FF et dette = 20,85 milliards de FF. Ce ratio serait supérieur au ratio moyen de l'aviation civile où le chiffre de 1,5:1 serait considéré comme acceptable. La Commission explique ensuite que, si l'on fait abstraction de l'aide, Air France peut notamment, afin d'améliorer elle-même sa situation financière, différer ses commandes d'avions et vendre des actifs. Quant à la première possibilité, la Commission souligne qu'Air France a déjà différé certaines commandes; de nouveaux reports feraient monter l'âge moyen de la flotte à plus de dix ans, âge trop élevé pour une compagnie qui cherche à retrouver toute sa vigueur concurrentielle. Pour ce qui est de la vente des actifs, la Commission relève qu'il n'y en a qu'un petit nombre qui pourraient dégager des sommes suffisantes, comme Méridien, Sabena et Air Inter. Sabena et Air Inter

seraient deux éléments constitutifs importants de l'activité aérienne d'Air France. La vente des actifs restants ferait déjà partie du projet et ne devrait, par ailleurs, pas se traduire par une réduction significative du montant de l'aide.

18.
    En vérifiant si l'aide n'affecte pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, la Commission renvoie aux engagements que le gouvernement français a pris au cours de la procédure administrative — notamment celui de faire d'Air France le seul bénéficiaire de l'aide — pour en conclure que ces engagements atténuent ses préoccupations quant aux effets de l'aide, parce qu'ils empêchent virtuellement Air France d'utiliser l'aide pour subventionner les activités d'Air Inter. La Commission aurait donc limité l'analyse des effets de l'aide sur les échanges à Air France, qui en est le véritable bénéficiaire.

19.
    La Commission considère que ces engagements limitent très sévèrement la liberté dont Air France dispose en matière de capacité, d'offre et de fixation des prix et l'empêchent de mener une politique tarifaire agressive sur toutes les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'EEE. Par ailleurs, au cours des quatre premiers mois de 1994, Air France aurait déjà réduit son offre européenne de 6,4 % par rapport à la période correspondante de l'année 1993, alors que l'offre de toutes les compagnies européennes aurait augmenté en moyenne de 3,8 %. En limitant l'offre d'Air France en deçà de la croissance du marché, sa part de marché dans l'EEE se restreindrait au profit de ses concurrents. De la sorte, l'aide n'affecterait pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

20.
    La Commission souligne que, aux fins de l'analyse des effets de l'aide dans l'EEE, elle doit également tenir compte de la libéralisation accrue des transports aériens dans la Communauté à la suite de l'adoption en 1992 de plusieurs règlements du Conseil, appelés «troisième paquet». Dans ce contexte, elle estime que la suppression des contraintes mettant Air France à l'abri de la concurrence constitue une compensation appropriée, justifiant l'octroi d'une aide compatible avec l'intérêt commun.

21.
    Elle considère enfin que les effets négatifs de l'aide ne sont pas amplifiés par l'exploitation de droits exclusifs ou l'application d'un traitement de faveur réservé à Air France, étant donné que les autorités françaises se sont engagées à modifier les règles de distribution du trafic appliquées au système aéroportuaire parisien, de manière à les rendre non discriminatoires, d'une part, et à veiller à ce que les travaux d'aménagement des deux aérogares Orly-Sud et Orly-Ouest n'altèrent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies aériennes desservant l'aéroport d'Orly, d'autre part. La Commission rappelle, en outre, avoir adopté, le 27 avril 1994, une décision obligeant la France à autoriser les transporteurs de la Communauté à exercer leurs droits de trafic sur les liaisons entre Paris (Orly) et Toulouse, ainsi qu'entre Paris (Orly) et Marseille à compter du 27 octobre 1994 au plus tard.

22.
    En définitive, la Commission estime que l'ensemble des engagements pris par les autorités françaises répond aux préoccupations qu'elle a exprimées lors de l'ouverture de la procédure administrative.

23.
    Aux termes de l'article 1er de la décision attaquée, l'aide à octroyer à Air France durant la période de 1994 à 1996, sous forme d'une augmentation de capital de 20 milliards de FF, payable en trois tranches, et visant à assurer sa restructuration conformément aux dispositions du projet, est compatible avec le marché commun et l'accord EEE en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE, à condition que les autorités françaises respectent seize engagements faisant partie dudit article 1er.

24.
    L'article 2 de la décision attaquée subordonne le versement des deuxième et troisième tranches de l'aide au respect de ces engagements et à la réalisation effective du projet, ainsi que des résultats y prévus, afin d'assurer que le montant de l'aide demeure compatible avec le marché commun. Il est enjoint au gouvernement français de soumettre à la Commission, avant la libération des deuxième et troisième tranches d'aide en 1995 et 1996, un rapport sur l'avancement du programme de restructuration et sur la situation économique et financière d'Air France, la Commission confiant à des consultants indépendants la vérification de la bonne mise en oeuvre du plan ainsi que de la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide.

Procédures juridictionnelles

25.
    C'est dans ces circonstances que les requérantes ont introduit les présents recours, enregistrés au greffe du Tribunal respectivement les 21 novembre et 22 décembre 1994.

26.
    Les procédures écrites ont suivi un cours régulier.

27.
    Par ordonnances du président de la première chambre élargie du Tribunal des 10 mars, 8 mai et 12 juin 1995, le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède, le royaume de Norvège, Maersk Air I/S et Maersk Air Ltd (ci-après «sociétés Maersk» ou «Maersk») ont été admis à intervenir au soutien des conclusions des requérantes respectives.

28.
    Par ordonnances du président de la première chambre élargie du Tribunal, du 12 juin 1995, la République française a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse.

29.
    Par ordonnances du Tribunal (première chambre élargie) du 12 juin 1995, Air France a été admise à intervenir au soutien des conclusions de la défenderesse et autorisée à plaider en langue française lors des procédures orales.

30.
    Par décision du Tribunal, le juge rapporteur a été affecté à la deuxième chambre élargie, à laquelle les affaires ont, par conséquent, été attribuées.

31.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (deuxième chambre élargie) a décidé d'ouvrir les procédures orales sans procéder à des mesures d'instruction préalables. Il a toutefois invité les parties à approfondir leurs plaidoiries sur plusieurs points.

32.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal, lors de l'audience qui s'est déroulée les 6 et 7 mai 1997.

33.
    A cette occasion, le Tribunal a pris une mesure d'organisation de la procédure au titre de l'article 64 de son règlement de procédure en invitant les requérantes ainsi que les parties intervenues au soutien de leurs conclusions à déposer au greffe les observations qu'elles avaient introduites auprès de la Commission lors de la procédure administrative, pour autant qu'elles n'aient pas encore été versées au dossier. A la suite de cette mesure, les observations de British Airways plc (ci-après «British Airways»), de TAT European Airlines (ci-après «TAT»), de Scandinavian Airlines System Denmark-Norway-Sweden (ci-après «SAS»), d'Euralair international (ci-après «Euralair») et d'Air UK Ltd (ci-après «Air UK») ont été déposées au greffe le 8 mai 1997, celles formulées par le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède et le royaume de Norvège ayant déjà été déposées lors de l'audience.

34.
    Les parties entendues sur ce point à l'audience, et en l'absence d'objection de leur part à cet égard, le Tribunal (deuxième chambre élargie) estime qu'il y a lieu de joindre les deux affaires aux fins de l'arrêt.

Conclusions des parties

35.
    Les requérantes concluent, dans les deux affaires, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens.

La requérante dans l'affaire T-394/94 demande, en outre, au Tribunal d'ordonner des mesures d'organisation de la procédure et des mesures d'instruction, conformément aux articles 64 et 65 du règlement de procédure, et d'exiger la production de tous les dossiers et documents pertinents dont dispose la Commission.

36.
    Le Royaume-Uni conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens, y compris ceux du Royaume-Uni.

37.
    Le royaume de Danemark, le royaume de Suède et le royaume de Norvège concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée.

38.
    Les sociétés Maersk concluent à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision attaquée;

—    condamner la Commission aux dépens de leur intervention, pour autant qu'il appartienne au Tribunal de statuer à cet égard.

39.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    condamner les requérantes aux dépens;

—    condamner le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède, le royaume de Norvège et les sociétés Maersk à supporter une partie des dépens de la Commission.

40.
    La République française conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours.

41.
    La société Air France conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter les recours;

—    condamner les requérantes aux dépens, y compris ceux supportés par Air France.

Sur le fond

42.
    A l'appui de leur recours, les requérantes soulèvent plusieurs moyens, qui peuvent faire l'objet d'un regroupement. Dans le cadre du premier groupe de moyens (I), elles reprochent à la Commission, d'une part, d'avoir violé les règles relatives à la procédure administrative prévue par l'article 93, paragraphe 2, du traité, en négligeant de recueillir des informations suffisantes et/ou de fournir aux intéressés, dont les requérantes, des informations suffisantes pour leur permettre d'être loyalement entendues et d'exercer effectivement les droits que leur confèrent les articles 93, paragraphe 2, du traité et 62, paragraphe 1, sous a), de l'accord EEE. Elles lui font grief, d'autre part, de ne pas avoir eu recours à des experts indépendants pour évaluer la compatibilité de l'aide litigieuse avec les articles 92,

paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE et de ne pas avoir pris toutes les mesures nécessaires pour vérifier l'exactitude des renseignements fournis par les autorités françaises et par Air France.

43.
    Dans le cadre du second groupe de moyens (II), les requérantes reprochent à la Commission d'avoir commis plusieurs erreurs dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE. Dans ce contexte, il est fait grief à la Commission, tout d'abord, d'avoir violé le principe de proportionnalité applicable en matière d'aides d'État, en ayant, premièrement, autorisé, à tort, l'achat par Air France de 17 nouveaux avions (A), deuxièmement, autorisé, à tort, le financement de frais d'exploitation et de mesures opérationnelles d'Air France (B), troisièmement, opéré une classification erronée des titres émis par Air France entre 1989 et 1993 (C), quatrièmement, méconnu le ratio d'endettement d'Air France (D) et en s'étant, cinquièmement, abstenu à tort d'exiger la vente de certains actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés (E). En outre, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir considéré, à tort, que l'aide était destinée à faciliter le développement d'une activité économique sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Dans ce contexte, leurs critiques sont notamment dirigées contre douze des seize conditions dont la décision autorisant l'aide a été assortie. Les requérantes remettent en question, enfin, sous divers aspects, le caractère approprié du plan de restructuration d'Air France et reprochent à la Commission d'avoir conclu, à tort, que ce plan était de nature à rétablir la viabilité économique d'Air France. Dans le cadre de ces différents griefs, les requérantes reprochent également à la Commission d'avoir insuffisamment motivé la décision attaquée. Par un dernier moyen, la requérante dans l'affaire T-394/94, British Midland Airways Ltd (ci-après «British Midland») excipe d'une violation de l'article 155 du traité.

I — Sur les moyens tirés du déroulement incorrect de la procédure administrative

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

44.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 fait valoir, en substance, que la procédure administrative organisée par l'article 93, paragraphe 2, du traité revêt un caractère contradictoire et que la Commission doit, dès lors, fournir aux parties intéressées des informations suffisantes pour leur permettre d'apprécier pleinement l'effet potentiel d'une aide à leur égard. En l'espèce, la communication de la Commission du 3 juin 1994 aurait été insuffisante. En particulier, la Commission

—    n'aurait pas expliqué le calcul des 20 milliards de FF,

—    n'aurait pas indiqué, en ce qui concerne l'acquisition de 17 nouveaux avions, quels types d'appareils seraient acquis ni de quels types d'appareils la flotte se composerait,

—    n'aurait pas fourni le texte du plan de restructuration,

—    n'aurait pas expliqué sur quoi se fondait le calcul d'un accroissement de la productivité d'Air France de 30 ou de 33,3 %,

—    n'aurait pas indiqué quel était le coût des départs volontaires proposés,

—    n'aurait donné aucun détail concernant les actifs d'Air France, ni fourni de ventilation des actifs liés aux métiers de base et des actifs hors métiers de base,

—    n'aurait fourni aucune évaluation de la valeur de la chaîne d'hôtels Méridien,

—    n'aurait donné aucun détail sur la valeur des participations d'Air France dans Air Inter, dans la Sabena ou dans d'autres sociétés, ni expliqué pourquoi ces actifs n'étaient pas considérés comme des actifs hors métiers de base,

—    n'aurait donné aucun détail sur le projet de réseau d'Air France, de manière à permettre le calcul de ses effets éventuels sur la concurrence,

—    n'aurait donné aucun détail sur les «produits nouveaux» envisagés par Air France, de manière à permettre l'évaluation de leurs effets sur la concurrence,

—    n'aurait pas disposé des comptes annuels d'Air France au moment de l'adoption de la décision attaquée,

—    n'aurait pas expliqué pourquoi elle n'avait pas demandé la communication des informations essentielles nécessaires pour l'adoption d'une décision motivée au sujet de la compatibilité de l'aide avec le marché commun,

—    n'aurait pas tenu compte des filiales, et notamment d'Air Inter, du fait que le plan de restructuration se concentrait exclusivement sur Air France,

—    n'aurait pas expliqué comment les propositions visant à la poursuite des projets d'expansion d'Air France pouvaient se concilier avec les objectifs du traité, à la lumière notamment de l'échec des deux précédentes injections de capitaux portant sur un montant de 5,8 milliards de FF.

45.
    Dans ses observations déposées auprès de la Commission lors de la procédure administrative, British Midland avait déjà soulevé la plupart des points susmentionnés, en demandant à la Commission, notamment, de lui divulguer le plan de restructuration présenté par Air France, au motif que, à défaut d'une telle divulgation, elle ne disposerait pas d'informations suffisantes la mettant en mesure de se prononcer utilement sur le projet d'aide.

46.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment également que les informations contenues dans la communication du 3 juin 1994 étaient insuffisantes. Une plus grande précision dans la communication concernant les intentions d'Air France d'augmenter ses fréquences sur les liaisons rentables, de développer les vols long-courriers, d'abandonner les liaisons marginales et de se recentrer sur les liaisons présentant de bonnes perspectives de croissance aurait permis aux requérantes d'aider la Commission à évaluer ces aspects du plan de restructuration. En particulier, la Commission n'aurait pas évoqué les justifications d'Air France concernant la nécessité d'acheter 17 nouveaux appareils, de sorte que les parties intéressées n'auraient pas pu fournir à la Commission les informations nécessaires qui lui auraient permis d'examiner avec soin et impartialité cet aspect de l'affaire.

47.
    Elles soulignent, en outre, que la communication ne fait aucune mention de l'unité de mesure utilisée, exprimée en «équivalent passagers kilomètres transportés» (ci-après «EPKT»). Elles auraient été confrontées pour la première fois dans la décision attaquée à cette unité de mesure élaborée spécifiquement pour Air France et appliquée au calcul de leurs propres seuils de productivité actuels et futurs.

48.
    Elles relèvent encore que la Commission aurait dû vérifier la version française de la communication en ce qui concerne le passage relatif à une éventuelle surcapitalisation d'Air France. En effet, le transfert des ORA (obligations remboursables en actions) et des TSDI (titres subordonnés à durée indéterminée reconditionnés) «from the side of the debts into the equity», dans la version anglaise, aurait été traduit par un transfert «du passif vers l'actif». Cette erreur de traduction aurait dû rendre la formulation de commentaires pertinents plus difficile pour les tiers utilisant la version française.

49.
    Elles considèrent enfin que, en raison de la complexité de l'affaire, la Commission aurait dû être assistée par des experts indépendants en économie, financement et gestion des transports aériens. Ainsi qu'il ressortirait de l'article 2 de la décision attaquée, qui prévoit l'intervention de consultants indépendants avant la libération des deuxième et troisième tranches de l'aide, la Commission reconnaît elle-même qu'il est indispensable de faire vérifier l'application correcte du plan de restructuration par des experts extérieurs. Elle avouerait donc implicitement qu'elle ne dispose pas des connaissances techniques suffisantes pour procéder elle-même à une telle vérification.

50.
    Les requérantes dans les deux affaires estiment que la Commission, en adoptant la décision attaquée, a fait preuve d'une trop grande précipitation, incompatible avec le respect de leurs droits fondamentaux et de ceux des autres parties intéressées. En effet, la décision attaquée aurait été prise 16 jours ouvrables seulement après l'expiration du délai fixé aux parties intéressées pour présenter leurs observations, ce qui représenterait un temps exceptionnellement court pour analyser, débattre et trancher les problèmes complexes soulevés par le projet d'aide litigieux. Le délai entre la date d'ouverture de la procédure engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité et la date d'adoption de la décision attaquée (3

juin et 27 juillet 1994) aurait effectivement été de 37 jours ouvrables et donc bieninférieur à la moyenne des délais constatés dans des affaires similaires.

51.
    Le royaume de Danemark a rappelé, à l'audience, qu'il avait demandé en vain à la Commission, lors de la procédure administrative, de transmettre aux autres États membres la réponse du gouvernement français à la communication du 3 juin 1994, afin qu'ils puissent présenter leurs observations avant que la Commission ne prenne sa décision.

52.
    La Commission rétorque que la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité n'impose aucun débat contradictoire avec des tiers intéressés. Ceux-ci ne pourraient pas prétendre être traités de la même façon que le destinataire de la décision finale. A cet égard, la Commission renvoie à la jurisprudence élaborée en matière de concurrence, selon laquelle les droits procéduraux des plaignants ne sont pas aussi étendus que les droits de la défense des entreprises contre lesquelles la Commission mène son enquête.

53.
    Quant à la communication qui ouvre la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, la Commission souligne qu'elle vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à l'éclairer dans son action future. En l'espèce, la communication du 3 juin 1994 aurait énuméré tous les aspects à propos desquels elle souhaitait recevoir des observations afin de pouvoir se prononcer sur le projet d'aide notifié par les autorités françaises. Dans cette communication, elle aurait fourni toutes les informations nécessaires pour permettre aux parties concernées d'exprimer leur opinion.

54.
    Sur un plan plus général, la Commission estime ne pouvoir faire figurer dans sa communication que les informations en sa possession au moment de la publication et qui ne sont ni dénuées d'intérêt ni couvertes par le secret professionnel ou le secret des affaires. Du reste, l'objectif d'une communication au titre de l'article 93, paragraphe 2, ne serait pas d'exprimer une opinion définitive, mais de soulever des questions. Quant aux nombreuses informations qui, de l'avis des requérantes, auraient dû figurer dans la communication du 3 juin 1994, la Commission souligne que la plupart des points relevés étaient couverts par le secret des affaires ou ne soulevaient pas de doutes à l'égard desquels elle aurait eu besoin de renseignements supplémentaires.

55.
    En ce qui concerne le délai d'examen, la Commission rappelle que le projet d'aide litigieux lui a été notifié le 18 mars 1994 et que la décision attaquée a été prise 131 jours plus tard, le 27 juillet 1994. L'écart entre ces deux dates serait approximativement le même que dans des affaires similaires [décision 91/555/CEE de la Commission, du 24 juillet 1991, relative aux aides que le gouvernement belge prévoit d'octroyer au transporteur aérien communautaire Sabena (JO L 300, p. 48, ci-après «décision Sabena»); décision 94/118/CE de la Commission, du 21 décembre 1993, concernant l'octroi par l'Irlande d'une aide au groupe Aer Lingus

(JO 1994, L 54, p. 30, ci-après «décision Aer Lingus»); décision 94/698/CE de la Commission, du 6 juillet 1994, concernant une augmentation de capital, des garanties de crédit et une exonération fiscale en faveur de la compagnie aérienne TAP (JO L 279, p. 29, ci-après «décision TAP»)]. Par ailleurs, le caractère normal de ce délai serait confirmé par l'article 10, paragraphe 3, du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1, ci-après «règlement n° 4064/89»), selon lequel la décision déclarant une concentration notifiée compatible avec le marché commun doit être prise dans un délai de quatre mois.

56.
    La Commission considère enfin qu'elle n'a aucune obligation juridique de s'adresser à des experts externes avant de prendre ses décisions.

Appréciation du Tribunal

Généralités

57.
    Il y a lieu de rappeler, à titre liminaire, que le projet d'aide litigieux a été officiellement notifié par les autorités françaises à la Commission qui, ayant décidé d'ouvrir la procédure prévue à l'article 93, paragraphe 2, du traité, était tenue, avant de statuer sur ce projet, de mettre «les intéressés en demeure de présenter leurs observations».

58.
    Quant à la finalité de ce dernier passage dudit article 93, paragraphe 2, il convient de rappeler ensuite que, selon la jurisprudence de la Cour, cette disposition vise, d'une part, à obliger la Commission à faire en sorte que toutes les personnes potentiellement intéressées soient averties et reçoivent l'occasion de faire valoir leurs arguments (arrêt de la Cour du 14 novembre 1984, Intermills/Commission, 323/82, Rec. p. 3809, point 17) ainsi que, d'autre part, à permettre à la Commission d'être complètement éclairée sur l'ensemble des données de l'affaire avant de prendre sa décision (arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission, 84/82, Rec. p. 1451, point 13).

59.
    En ce qui concerne plus particulièrement le devoir incombant à la Commission d'informer les intéressés, la Cour a jugé que la publication d'un avis au Journal officiel des Communautés européennes constitue un moyen adéquat en vue de faire connaître à tous les intéressés l'ouverture d'une procédure (arrêt Intermills/Commission, précité, point 17), tout en précisant que «cette communication vise exclusivement à obtenir, de la part des intéressés, toutes informations destinées à éclairer la Commission dans son action future» (arrêt de la Cour du 12 juillet 1973, Commission/Allemagne, 70/72, Rec. p. 813, point 19). Le Tribunal a suivi cette jurisprudence qui impartit essentiellement aux intéressés le rôle de sources d'information pour la Commission dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité (arrêt du Tribunal du 22 octobre 1996, Skibsværftsforeningen e.a./Commission, T-266/94, Rec. p. II-1399, point 256).

60.
    Il s'ensuit que les intéressés, loin de pouvoir se prévaloir des droits de la défense reconnus aux personnes à l'encontre desquelles une procédure est ouverte (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 17 novembre 1987, BAT et Reynolds/Commission 142/84 et 156/84, Rec. p. 4487, points 19 et 20, intervenu en matière de concurrence, ainsi que l'arrêt de la Cour du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C-142/87, Rec. p. I-959, point 46), disposent du seul droit d'être associés à la procédure administrative dans une mesure adéquate tenant compte des circonstances du cas d'espèce.

61.
    Or, l'étendue des droits à la participation et à l'information dont disposent les intéressés dans le cadre de la procédure administrative engagée au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité peut se voir restreinte à un double titre.

62.
    D'une part, lorsque — comme en l'espèce — un État membre notifie à la Commission un projet d'aide assorti de pièces justificatives et que les services compétents de la seconde ont ensuite une série d'entretiens avec les fonctionnaires du premier, le niveau d'information de la Commission peut déjà avoir atteint un degré relativement élevé qui ne laisse subsister qu'un nombre réduit de doutes susceptibles d'être écartés par des renseignements fournis par les intéressés. En effet, en ce qu'il porte sur les détails du projet d'aide, sur la situation économique, financière et concurrentielle de l'entreprise bénéficiaire ainsi que sur le fonctionnement interne de celle-ci, le débat entre l'État membre et la Commission a nécessairement un caractère plus approfondi que celui mené avec les parties intéressées. Par conséquent, tout en fournissant aux intéressés des informations générales sur les éléments essentiels du projet d'aide, la Commission peut se borner à concentrer sa communication au Journal officiel sur les points du projet à l'égard desquels elle nourrit encore certains doutes.

63.
    D'autre part, la Commission est tenue, en vertu de l'article 214 du traité, de ne pas divulguer aux intéressés des informations qui, par leur nature, sont couvertes par le secret professionnel, telles que, notamment, des données relatives au fonctionnement interne de l'entreprise bénéficiaire. A cet égard, la situation des intéressés ne se distingue pas de celle des plaignants en matière de concurrence qui, selon la jurisprudence de la Cour, ne doivent pas recevoir communication de secrets d'affaires (arrêt BAT et Reynolds/Commission, cité au point 60 ci-dessus, point 21).

64.
    Le caractère restreint des droits à la participation et à l'information susmentionnés, en ce qu'ils concernent le seul déroulement de la procédure administrative, ne se trouve pas en contradiction avec le devoir qui incombe à la Commission, en vertu de l'article 190 du traité, de pourvoir sa décision finale autorisant le projet d'aide d'une motivation suffisante qui doit se prononcer sur tous les griefs essentiels que les intéressés, concernés directement et individuellement par cette décision, ont soulevés soit spontanément, soit à la suite des informations communiquées par la Commission. Ainsi, à supposer même que la Commission puisse, dans un cas

d'espèce, valablement préférer exploiter d'autres sources d'information et réduire, par là même, l'importance de la participation des intéressés, cela ne la dispense pas de pourvoir sa décision d'une motivation adéquate (voir ci-après point 96).

65.
    C'est à la lumière des principes développés ci-dessus qu'il convient d'examiner les prétendues irrégularités dont le déroulement de la procédure administrative aurait été entaché, étant entendu qu'il n'est pas contesté que les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ainsi que l'ACE qui, lors de la procédure administrative devant la Commission, se sont opposées à une autorisation du projet d'aide litigieux, doivent être considérées comme des intéressés au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, tel qu'il a été interprété par la Cour dans son arrêt Intermills/Commission (cité au point 58 ci-dessus, point 16).

La communication du 3 juin 1994

66.
    En ce qui concerne, en premier lieu, le caractère prétendument insuffisant de la communication du 3 juin 1994, il convient de relever que cette communication expose:

—    la situation économique et financière d'Air France qui a précédé l'élaboration du projet d'aide, en particulier les plans de restructuration et les injections de capital antérieures, ainsi que ses pertes accumulées,

—    les «grandes lignes de force» du nouveau plan de restructuration,

—    le montant d'aide envisagé de 20 milliards de FF,

—    les principaux doutes exprimés par la Commission à ce stade de la procédure, relatifs notamment aux gains de productivité d'Air France, à la structure du groupe Air France, à la situation concurrentielle d'Air France et à l'éventualité de sa surcapitalisation.

Le Tribunal estime qu'une telle information était suffisante pour permettre aux intéressés de faire valoir utilement leurs arguments devant la Commission.

67.
    Dans la mesure où les requérantes dans l'affaire T-371/94 considèrent que l'unité de mesure EPKT, le réseau aérien d'Air France et son futur développement, ainsi que les raisons justifiant l'acquisition des 17 nouveaux avions, auraient également dû figurer dans la communication, la réponse de la Commission, selon laquelle elle n'éprouvait pas de doutes sur ces points spécifiques, suffit à justifier le silence de la communication à cet égard, lequel ne prive pas les requérantes du droit de faire examiner par le Tribunal si la décision finale de la Commission comporte une motivation suffisante au regard de ces éléments ou encore des erreurs manifestes d'appréciation ou de droit.

68.
    En ce qui concerne les griefs soulevés par la requérante dans l'affaire T-394/94 quant à l'omission de communiquer les nombreux détails susmentionnés (voir ci-dessus point 44), c'est à juste titre que la Commission invoque le secret d'affairesqui lui interdisait de divulguer aux concurrents d'Air France des informations commercialement sensibles de la compagnie aérienne. En particulier, le plan de restructuration — au stade antérieur à son approbation par la Commission et au début de sa mise en oeuvre — contenait de telles informations, et il n'appartenait évidemment pas aux concurrents d'évaluer, et de comparer avec leurs propres mesures de gestion, chacune des mesures de restructuration envisagées par Air France. Dans le cas contraire, les concurrents pourraient s'immiscer dans la restructuration interne d'Air France et essayer de «dicter» les mesures qui leur sembleraient bonnes pour cette dernière, après avoir obtenu des informations précieuses sur leur concurrente. Cette analyse n'est pas contredite par le fait que d'autres intéressés, tels que l'ACE (p. 27, dernier alinéa, de ses observations), ont apparemment pu se procurer ce plan de restructuration. Cela ne peut pas amener la Commission à violer l'article 214 du traité.

69.
    Il convient d'ajouter que les comptes annuels d'Air France pour 1993 ont été publiés au Bulletin des annonces légales obligatoires du 17 juin 1994, à la page 10207 (n° 319 du mémoire en intervention d'Air France dans l'affaire T-371/94), et étaient donc accessibles aux intéressés. Ceux-ci ne sauraient, par conséquent, reprocher à la Commission de ne pas avoir divulgué les chiffres définitifs dans sa communication du 3 juin et d'avoir pris sa décision finale sans connaissance de ces données.

70.
    Enfin, le reproche adressé à la Commission, de ne pas s'être procurée des informations essentielles avant l'adoption de sa décision finale et de ne pas avoir suffisamment vérifié tous les aspects pertinents de l'affaire, se réduit à de simples affirmations et suppositions générales qui ne sont étayées par aucune preuve concrète. La Commission pouvait donc se limiter à répondre qu'elle avait effectivement obtenu toutes les informations utiles et nécessaires qui ont fait l'objet d'une vérification approfondie de sa part. Par ailleurs, ce grief vise, en réalité, non pas le stade de la communication du 3 juin 1994, mais celui, ultérieur, de la décision attaquée. Il en va de même des deux derniers griefs soulevés par la requérante dans l'affaire T-394/94 (voir ci-dessus point 44) qui constituent, en vérité, des griefs dirigés, au titre de la motivation et de l'appréciation quant au fond, contre la légalité de la décision attaquée. Par conséquent, ils seront examinés ci-après dans un contexte différent.

Le délai d'examen

71.
    Les requérantes considèrent que, eu égard à la complexité du projet d'aide litigieux, le délai que la Commission s'est octroyé pour l'examiner avant d'adopter la décision attaquée était trop court. A cet égard, il convient de relever, tout d'abord, qu'aucun texte du traité ou de la législation communautaire ne prévoit que les

décisions en matière d'aides d'État, adoptées au terme de la procédure au titre de l'article 93, paragraphe 2, du traité, doivent respecter un délai fixe. Par ailleurs, à supposer que la Commission ait agi avec une trop grande précipitation et ne se soit pas donné suffisamment de temps pour examiner le projet litigieux, un tel comportement ne saurait justifier, à lui seul, l'annulation de la décision attaquée. Une annulation présupposerait plutôt que ledit comportement se traduise par une violation de règles spécifiques de procédure, du devoir de motivation ou de la légalité interne de la décision attaquée. Par conséquent, sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la pertinence de la pratique décisionnelle de la Commission en matière de concentrations, il convient de rejeter ce grief.

Les experts extérieurs

72.
    Le reproche adressé à la Commission de ne pas avoir eu recours à des experts extérieurs pour élaborer la décision attaquée est manifestement dépourvu de fondement, aucune disposition du traité ou de la législation communautaire n'imposant à la Commission une telle obligation. Il y a lieu d'ajouter que, en tout état de cause, la Commission disposait d'un niveau relativement élevé d'informations dans le domaine du transport aérien avant l'adoption de la décision attaquée. A cet égard, il convient de rappeler que la Commission s'était déjà familiarisée avec la situation du transport aérien, laquelle faisait l'objet notamment du rapport «Expanding Horizons» publié au début de 1994 par le «comité des sages», du programme «L'aviation civile européenne vers des horizons meilleurs», ainsi que des publications de l'International Air Transport Association (IATA) et de l'Association of European Airlines (AEA). En outre, la Commission avait adopté d'autres décisions dans le secteur du transport aérien, telles que les décisions Sabena, Aer Lingus et TAP (précitées au point 55). Enfin, aucun élément spécifique du cas d'espèce n'indique que la Commission ait eu besoin d'experts extérieurs.

L'erreur de traduction

73.
    L'erreur figurant dans le texte français de la communication du 3 juin 1994, relevée par les requérantes dans l'affaire T-371/94, est tellement manifeste que les milieux initiés du secteur aérien pouvaient facilement s'en rendre compte. En effet, il est évident que les titres d'un emprunt ne peuvent pas, d'après les principes comptables, être transférés «du passif vers l'actif» («from the side of the debts into the equity», selon le texte anglais de la communication), mais que leur qualification doit être opérée à l'intérieur du seul passif, où ils constituent soit des fonds propres, soit des dettes.

74.
    En tout état de cause, la Commission a expressément relevé, dans ce passage de sa communication, qu'elle devait encore examiner en profondeur la classification des titres en cause. Il en résulte que l'appréciation de la Commission n'était pas encore définitive, et cela également au regard du point faussé par l'erreur susmentionnée. Cette erreur ne saurait donc affecter la légalité de la procédure

administrative, la question décisive dans ce contexte étant uniquement de savoir si la décision finale a encore été affectée par cette erreur, ce qui n'a même pas été allégué par les parties requérantes.

La participation des autres États membres

75.
    Le moyen tiré par le royaume de Danemark, de ce que la Commission aurait dû transmettre aux autres États membres la réponse du gouvernement français à la communication du 3 juin 1994, doit être rejeté comme irrecevable, dès lors qu'il n'a pas été soulevé par les requérantes. En effet, les parties intervenantes devant, en vertu de l'article 116, paragraphe 3, du règlement de procédure, accepter le litige dans l'état où il se trouve lors de leur intervention, et les conclusions de leur requête en intervention ne pouvant avoir, en vertu de l'article 37, quatrième alinéa, du statut (CE) de la Cour, d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties principales, le royaume de Danemark en tant que partie intervenante n'a donc pas qualité pour soulever ce moyen (voir, en ce sens, l'arrêt de la Cour du 24 mars 1993, CIRFS e.a./Commission, C-313/90, Rec. p. I-1125, points 19 à 22).

76.
    En tout état de cause, le texte de l'article 93 du traité n'oblige pas la Commission à transmettre aux autres États membres les observations qu'elle a reçues de la part du gouvernement de l'État qui demande l'autorisation d'octroyer une aide. Au contraire, il ressort de l'article 93, paragraphe 2, troisième alinéa, du traité que les autres États membres ne sont impliqués dans un dossier d'aide spécifique qu'au seul cas où ce dossier, sur demande de l'État intéressé, est porté devant le Conseil.

Conclusions

77.
    Il résulte de ce qui précède que la procédure de l'article 93, paragraphe 2, du traité, qui s'est déroulée en l'espèce, n'est entachée d'aucun vice, de sorte que les moyens y afférents doivent être rejetés.

II — Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et d'erreurs de droit que la Commission aurait commises en violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE

Généralités

78.
    Dans la décision attaquée, la Commission a examiné la légalité de l'aide litigieuse au regard de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE. Dans le cadre de cet examen, elle a constaté qu'une véritable restructuration d'Air France serait conforme à l'intérêt commun, que le montant de l'aide ne semblait pas excessif et que l'aide n'affectait pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

79.
    Il est de jurisprudence constante que la Commission jouit d'un large pouvoir d'appréciation dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité (voir, par exemple, les arrêts de la Cour du 17 septembre 1980, Philip Morris/Commission, 730/79, Rec. p. 2671, points 17 et 24, du 24 février 1987, Deufil/Commission, 310/85, Rec. p. 901, point 18, et du 14 février 1990, France/Commission, C-301/87, Rec. p. I-307, point 49). Dès lors que ce pouvoir discrétionnaire implique des appréciations complexes d'ordre économique et social, le contrôle juridictionnel d'une décision prise dans ce cadre doit se limiter à vérifier le respect des règles de procédure et de motivation, l'exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l'absence d'erreur manifeste dans l'appréciation de ces faits ainsi que l'absence de détournement de pouvoir (arrêt de la Cour du 29 février 1996, Belgique/Commission, C-56/93, Rec. p. I-723, point 11, et jurisprudence citée). En particulier, il n'appartient pas au Tribunal de substituer son appréciation économique à celle de l'auteur de la décision (arrêt de la Cour du 15 juin 1993, Matra/Commission, C-225/91, Rec. p. I-3203, point 23). Le Tribunal estime que cette jurisprudence est tout aussi pertinente pour l'examen au titre de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE.

80.
    En l'espèce, la Commission souligne qu'une partie des griefs soulevés par les requérantes repose sur des événements postérieurs à l'adoption de la décision attaquée. Les requérantes rétorquent que certains de ces événements postérieurs s'inscrivent dans une suite ininterrompue de faits dont la Commission aurait dû avoir connaissance. Par ailleurs, certains faits postérieurs illustreraient clairement les commentaires que les requérantes avaient présentés dans le cadre de la procédure administrative.

81.
    A cet égard, il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d'un recours en annulation en vertu de l'article 173 du traité, la légalité d'un acte communautaire doit être appréciée en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date où l'acte a été adopté (arrêts de la Cour du 7 février 1979, France/Commission, 15/76 et 16/76, Rec. p. 321, point 7, et du Tribunal du 15 janvier 1997, SFEI e.a./Commission, T-77/95, Rec. p. II-1, point 74) et ne saurait dépendre de considérations rétrospectives concernant son degré d'efficacité (arrêt de la Cour du 7 février 1973, Schroeder, 40/72, Rec. p. 125, point 14). En particulier, les appréciations complexes portées par la Commission ne doivent être examinées qu'en fonction des seuls éléments dont celle-ci disposait au moment où elle les a effectuées (arrêts de la Cour du 10 juillet 1986, Belgique/Commission, 234/84, Rec. p. 2263, point 16, et du 26 septembre 1996, France/Commission, C-241/94, Rec. p. I-4551, point 33).

82.
    C'est à la lumière des principes susmentionnés qu'il convient de procéder à l'examen des moyens et arguments de fond soulevés en l'espèce par les requérantes, lesquels mettent en cause l'appréciation du caractère proportionné de l'aide, l'appréciation de l'impact de l'aide sur le secteur de l'aviation civile de l'EEE et l'appréciation du caractère approprié du plan de restructuration accompagnant l'aide litigieuse.

Quant aux griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité applicable en matière d'aides d'État

83.
    Par ces griefs, les requérantes et les parties intervenues au soutien de leursconclusions reprochent à la Commission d'avoir autorisé une aide d'un montant excessif par rapport aux besoins de la restructuration d'Air France. Ces griefs reposent, en substance, sur l'arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 17), dans lequel la Cour a jugé qu'il ne saurait être permis aux États membres d'effectuer des versements qui apporteraient une amélioration de la situation de l'entreprise bénéficiaire de l'aide «sans être nécessaires pour atteindre les buts prévus par l'article 92, paragraphe 3».

A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort l'achat par Air France de 17 nouveaux avions

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

84.
    Les requérantes estiment qu'il était disproportionné d'approuver une aide dont l'objectif était de permettre à Air France d'acheter 17 avions neufs. La Commission aurait eu manifestement tort de conclure que le montant de l'aide ne pouvait pas être diminué par l'annulation ou le report de la commande passée par Air France pour un montant de 11,5 milliards de FF. En effet, le coût de la nécessaire rénovation périodique de la flotte serait un investissement en biens d'équipement et ferait, en principe, partie des frais d'exploitation normaux d'une compagnie aérienne. Ce type de rénovation devrait être effectué sans aide d'État. En tout état de cause, l'achat de nouveaux appareils n'aurait pas été indispensable pour Air France.

85.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 reprochent à la Commission, en outre, d'avoir fourni une motivation insuffisante sur ce point, bien qu'elle ait été informée, au cours de la procédure administrative, que l'achat de 17 nouveaux avions n'était pas un élément essentiel du plan de restructuration d'Air France et devait donc être annulé. La Commission n'aurait pas sérieusement examiné les commentaires soumis en réponse à sa communication du 3 juin 1994 par les tiers. La requérante dans l'affaire T-394/94 et les parties intervenantes Maersk soutiennent, de manière générale, que la Commission a négligé de pourvoir la décision attaquée d'une motivation adéquate, en omettant, notamment, de dûment tenir compte des observations détaillées soumises par les tiers au cours de la procédure administrative.

86.
    La Commission souligne qu'il était nécessaire pour Air France d'acquérir les 17 nouveaux appareils. A cet égard, elle rappelle le texte de la décision attaquée, selon lequel les coûts d'exploitation élevés d'Air France tenaient en partie à l'hétérogénéité de sa flotte, dont la rationalisation était donc prévue dans le plan de restructuration (JO p. 75 et 76). Ce plan, loin de rajeunir la flotte d'Air France,

ne ferait que ralentir son vieillissement. Par ailleurs, les nouveaux avions à réaction consommeraient sensiblement moins de carburant, seraient conformes aux réglementations en matière de protection de l'environnement, et leurs coûts de réparation et de maintenance seraient peu élevés. Enfin, ils présenteraient davantage d'attrait pour les passagers.

87.
    Quant à son obligation de motivation, la Commission considère que la décision attaquée est conforme aux dispositions de l'article 190 du traité. En effet, il serait suffisant d'expliciter, dans une décision, les principaux points de droit et de fait lui servant de support et nécessaires pour rendre compréhensible le raisonnement qui a déterminé la Commission (arrêt de la Cour du 4 juillet 1963, Allemagne/Commission, 24/62, Rec. p. 129, 143). Il ne serait pas exigé qu'elle discute tous les points de fait et de droit qui ont été soulevés par chaque intéressé au cours de la procédure administrative (voir, par exemple, l'arrêt de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 66). Enfin, l'exigence de motivation devrait être appréciée en fonction des circonstances de l'espèce, notamment du contenu de l'acte, de la nature des motifs invoqués et de l'intérêt que les destinataires peuvent avoir à recevoir des explications. La Commission estime que les conditions établies par la jurisprudence susmentionnée ont été pleinement respectées par la décision attaquée, qui expose sur 17 pages du Journal officiel tous les éléments de fait et de droit pertinents qui entourent la présente affaire et qui résume également les objections soulevées par les tiers au cours de la procédure administrative. La Commission nie notamment ne pas avoir tenu compte des observations soumises lors de la procédure administrative. Ces observations auraient été dûment examinées et transmises pour commentaires aux autorités françaises.

Appréciation du Tribunal

88.
    Au vu des griefs soulevés par les requérantes, le Tribunal estime qu'il convient de vérifier, en premier lieu, si la décision attaquée est pourvue d'une motivation suffisante en ce qui concerne l'autorisation de l'achat, par Air France, de 17 nouveaux avions. A cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que, compte tenu de la jurisprudence constante, selon laquelle tout éventuel défaut de motivation peut être soulevé d'office (arrêts de la Cour du 20 mars 1959, Nold/Haute Autorité, 18/57, Rec. p. 89, 115, et du 20 février 1997, Commission/Daffix, C-166/95 P, Rec. p. I-983, points 24 et 25, ainsi que du Tribunal du 2 juillet 1992, Dansk Pelsdyravlerforening/Commission, T-61/89, Rec. p. II-1931, point 129), le Tribunal a invité les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions à déposer les observations qu'elles avaient introduites auprès de la Commission au cours de la procédure administrative en qualité d'intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, pour autant que ces observations n'aient pas encore été versées au dossier (voir ci-dessus point 33).

89.
    Conformément à la jurisprudence constante de la Cour, la motivation exigée par l'article 190 du traité doit faire apparaître, d'une façon claire et non équivoque, le

raisonnement de l'autorité communautaire, auteur de l'acte incriminé, de façon à permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle et aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise afin de défendre leurs droits (voir l'arrêt de la Cour du 14 février 1990, Delacre e.a./Commission, C-350/88, Rec. p. I-395, point 15, et la jurisprudence citée).

90.
    En ce qui concerne la notion d'«intéressés» au sens de la jurisprudence précitée, la Cour a jugé, dans une affaire concernant une décision de la Commission portant refus d'autoriser un projet d'aide conçu par un État membre en faveur d'une entreprise nationale, que l'exigence de motivation doit être appréciée en fonction notamment de l'intérêt que les destinataires «ou d'autres personnes concernées directement et individuellement» par l'acte attaqué, au sens de l'article 173 du traité, peuvent avoir à recevoir des explications (arrêt de la Cour du 13 mars 1985, Pays-Bas et Leeuwarder Papierwarenfabriek/Commission, 296/82 et 318/82, Rec. p. 809, point 19).

91.
    La Cour a ensuite précisé qu'une entreprise qui est en concurrence avec l'entreprise bénéficiaire de l'aide doit être considérée comme «intéressée» au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité et regardée, en cette qualité, comme directement et individuellement concernée par la décision de la Commission qui a autorisé le versement de l'aide en cause. Ce faisant, la Cour a aussi rappelé que les intéressés, au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, avaient déjà été définis comme les personnes, entreprises ou associations éventuellement affectées dans leurs intérêts par l'octroi d'une aide d'État, c'est-à-dire notamment les entreprises concurrentes et les organisations professionnelles (arrêt de la Cour du 19 mai 1993, Cook/Commission, C-198/91, Rec. p. I-2487, points 24 à 26, et la jurisprudence citée).

92.
    Il s'avère donc que l'exigence de motivation d'une décision prise en matière d'aides d'État ne saurait être déterminée en fonction de l'intérêt d'information du seul État membre auquel cette décision est adressée. En effet, dans un cas où l'État membre a obtenu de la Commission ce qu'il sollicitait, à savoir l'autorisation de son projet d'aide, son intérêt à se voir adresser une décision motivée, à la différence de celui des concurrents du bénéficiaire de l'aide, peut n'être que très réduit, en particulier lorsqu'il a reçu, au cours des négociations avec la Commission et notamment à travers la correspondance échangée avec cette dernière antérieurement à l'adoption de la décision d'autorisation, des renseignements suffisants.

93.
    En l'espèce, il est constant que les parties requérantes, les parties intervenantes Maersk et l'ACE sont des intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité, et que la décision attaquée les concerne directement et individuellement au sens de l'article 173, quatrième alinéa, du traité, étant donné que leur position sur le marché est substantiellement affectée par la mesure d'aide autorisée par la décision attaquée (arrêt de la Cour du 28 janvier 1986, Cofaz e.a./Commission, 169/84, Rec. p. 391, point 25).

94.
    Selon une jurisprudence constante, la question de savoir si la motivation d'une décision satisfait aux exigences de l'article 190 du traité doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte, ainsi que de l'ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (arrêt Delacre e.a./Commission, cité au point 89 ci-dessus, point 16, et la jurisprudence citée). Si la Commission n'est pas tenue de répondre, dans la motivation d'une décision, à tous les points de fait et de droit invoqués par les intéressés au cours de la procédure administrative (arrêt de la Cour du 17 janvier 1995, Publishers Association/Commission, C-360/92 P, Rec. p. I-23, point 39), elle doit néanmoins tenir compte de toutes les circonstances et de tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêt de la Cour du 24 octobre 1996, Allemagne e.a./Commission, C-329/93, C-62/95 et C-63/95, Rec. p. I-5151, point 32, ci-après «arrêt Bremer Vulkan/Commission»), afin de permettre au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité et de faire connaître, tant aux États membres qu'aux ressortissants intéressés, les conditions dans lesquelles elle a fait application du traité (arrêt Publishers Association/Commission, précité, point 39).

95.
    Il convient d'ajouter que la Commission a adopté la décision attaquée en application de l'article 92, paragraphe 3, du traité, c'est-à-dire dans un domaine où elle jouit d'un large pouvoir d'appréciation (voir ci-dessus point 79). La Cour ayant jugé que le pouvoir discrétionnaire de la Commission s'accompagne de l'obligation d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce (arrêt de la Cour du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C-269/90, Rec. p. I-5469, point 14), le contrôle de cette obligation exige une motivation suffisamment précise pour permettre au juge de s'assurer qu'elle a été respectée.

96.
    Il y a donc lieu de vérifier si la motivation de la décision attaquée fait apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission, au vu notamment des griefs essentiels pour l'évaluation du projet d'aide litigieux, tels qu'ils ont été portés à la connaissance de la Commission, lors de la procédure administrative, par les compagnies British Airways, TAT, Koninklijke Luchtvaart Maatschappij (ci-après «KLM»), SAS, Air UK, Euralair et British Midland, ainsi que par l'ACE, au nom notamment d'Euralair et de Maersk, par le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède et le royaume de Norvège (ci-après «parties intéressées»).

97.
    A la lecture de l'ensemble des observations déposées devant le Tribunal, il s'avère que certaines de ces parties avaient notamment insisté, devant la Commission, sur le caractère inacceptable de l'achat de 17 nouveaux avions, pour 11,5 milliards de FF, prévu dans le plan de restructuration. Toutes les compagnies aériennes non subventionnées, confrontées à la crise de surcapacité, ayant dû annuler ou reporter, au début des années 90, les commandes de nouveaux avions, Air France ne pourrait échapper à une telle obligation. La décision d'investir 11,5 milliards de FFdans l'acquisition d'avions augmenterait les besoins en capital additionnel et donc les dettes d'Air France. Vu sa situation financière désastreuse, il ne serait pas

justifié d'utiliser les recettes de la vente d'autres actifs pour un tel financement. Afin d'assurer l'homogénéisation de la flotte d'Air France, prévue dans le plan de restructuration, il conviendrait plutôt de transformer les avions existants.

98.
    En particulier la compagnie TAT (observations, p. 18) et le Royaume-Uni (observations, p. 6) ont souligné que l'investissement que constitue l'achat de 17 nouveaux avions concernait les activités opérationnelles à court terme d'Air France, et non pas sa restructuration. Il s'agirait d'une modernisation normale destinée à maintenir la compétitivité de la compagnie. Or, une telle mesure devrait être financée par les ressources propres d'une entreprise et non par une aide d'État. En l'espèce, il serait inévitable que, contrairement aux exigences de la jurisprudence et de la pratique décisionnelle de la Commission, l'aide litigieuse soit utilisée pour financer l'achat de ces avions. Cette aide devrait être qualifiée d'aide au fonctionnement, non conforme aux exigences de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. Dans ce contexte, il a été renvoyé aux arrêts de la Cour Deufil/Commission (cité au point 79 ci-dessus) et du 8 mars 1988, Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission (62/87 et 72/87, Rec. p. 1573), ainsi qu'à la décision 90/70/CEE de la Commission, du 28 juin 1989, concernant des aides accordées par la France à certaines entreprises sidérurgiques de première transformation de l'acier (JO 1990, L 47, p. 28).

99.
    A cet égard, le Tribunal constate que la Commission relève, dans la décision attaquée, que l'un des handicaps du groupe Air France est l'hétérogénéité de sa flotte, qui se compose d'un trop grand nombre d'aéronefs différents (24 types ou versions différents), cette hétérogénéité étant l'un des facteurs d'alourdissement des coûts d'exploitation (les coûts de maintenance étant particulièrement élevés en raison du grand nombre des pièces de rechange différentes nécessaires et des disparités dans les qualifications des personnels navigant et au sol). Au 31 décembre 1993, le groupe aurait disposé d'une flotte de 208 avions (la flotte en exploitation d'Air France se composant de 145 appareils) d'un âge moyen de 8,6 ans (JO p. 75).

100.
    Quant aux «grandes lignes de force» du plan de restructuration, la Commission expose qu'il est prévu de ramener de 22 à 17 le nombre d'avions livrables durant la période de restructuration. L'investissement correspondant s'établirait ainsi à 11,5 milliards de FF (JO p. 75). Pour ce qui est des capitaux nécessaires à cet investissement, la Commission prend acte du report des commandes qui fait passer, à la fin de la période de restructuration, l'âge moyen de la flotte à 9,3 ans environ. Tout retard supplémentaire dans le renouvellement de la flotte ne ferait qu'augmenter encore ce chiffre et risquerait de mettre à mal la compétitivité d'Air France et la viabilité de sa restructuration (JO p. 82).

101.
    Dans le cadre de l'examen de la proportionnalité de l'aide par rapport aux besoins de la restructuration (JO p. 83), la Commission considère qu'Air France a, si l'on fait abstraction de l'aide, trois possibilités d'améliorer elle-même sa situation

financière, l'une consistant à différer ses commandes d'avions. Or, la compagnie ayant déjà différé certaines commandes, de nouveaux reports feraient monter l'âge moyen de la flotte à plus de 10 ans, âge trop élevé pour une compagnie qui cherche à retrouver toute sa vigueur concurrentielle (JO p. 85).

102.
    Le Tribunal estime que cet exposé des motifs fait apparaître, de façon claire et non équivoque, les raisons pour lesquelles la Commission considère qu'il est indispensable, dans le cas spécifique d'Air France, de procéder à l'achat de 17 nouveaux avions. La motivation comporte les points justificatifs qualifiés d'essentiels par la Commission, à savoir la nécessité pour Air France de disposer d'une flotte d'un âge moyen raisonnable, la circonstance que le nombre d'avions à acquérir ne constitue qu'une fraction du nombre initialement envisagé et le fait que l'investissement prévu servira à homogénéiser la flotte d'Air France et se soldera donc par une réduction des coûts d'exploitation. Ainsi, la Commission a, en même temps, donné une réponse suffisante au premier volet des observations présentées par les parties intéressées lors de la procédure administrative.

103.
    Au titre du second volet de leurs observations, les parties intéressées ont qualifié une partie de l'aide litigieuse d'aide au fonctionnement interdite par la jurisprudence, en ce qu'elle visait à financer des activités purement opérationnelles d'Air France, à savoir la rénovation des avions de sa flotte en tant que biens d'équipement.

104.
    A cet égard, il convient de constater que, dans son arrêt Deufil/Commission (cité au point 79 ci-dessus), la Cour a approuvé la Commission, en ce qu'elle avait considéré qu'un investissement consacré à une modernisation normale destinée à maintenir la compétitivité d'une entreprise devait être financé sur les ressources propres de l'entreprise, et non pas par une aide d'État (points 16 à 19). Dans son arrêt Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission (cité au point 98 ci-dessus), la Cour a estimé que les considérations développées par la Commission, selon lesquelles un investissement ayant pour but la rénovation et la modernisation technologique d'une ligne de production, laquelle doit intervenir régulièrement, ne pouvait être considéré comme étant destiné à faciliter le développement de certaines activités économiques au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, constituaient une ligne de raisonnement compréhensible et ressortissaient à son pouvoir d'appréciation (points 31, 32 et 34).

105.
    Les parties intéressées, en se référant à cette jurisprudence, ont souligné que le montant de l'aide autorisé risquait de devenir excessif dès lors qu'une partie de celle-ci n'était pas affectée à la restructuration d'Air France proprement dite. Or, dans son arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 17), la Cour a jugé qu'il n'était pas permis aux États membres d'effectuer des versements qui apporteraient une amélioration de la situation de l'entreprise bénéficiaire «sans être nécessaires pour atteindre les buts prévus par l'article 92, paragraphe 3».

106.
    Dès lors, les parties intéressées ont relevé l'éventualité d'une erreur de droit, en l'occurence une violation du principe de proportionnalité spécifiquement consacré en matière d'aides d'État par l'article 92, paragraphe 3, du traité. Le Tribunal estime qu'il s'agissait là d'un grief essentiel pour l'évaluation du projet d'aide litigieux. La Commission était donc tenue d'y répondre dans les motifs de la décision attaquée.

107.
    A cet égard, il y a lieu de constater que la Commission considère, dans la décision attaquée, que l'investissement dans le renouvellement de la flotte est nécessaire à la viabilité de la restructuration d'Air France (JO p. 82) et que le report des commandes de nouveaux avions ferait monter l'âge moyen de la flotte d'Air France à plus de 10 ans, âge trop élevé pour une compagnie qui vise à retrouver toute sa vigueur concurrentielle (JO p. 85). L'investissement dans le renouvellement de la flotte d'un montant de 11,5 milliards de FF, qui figure dans les «grandes lignes de force» du plan de restructuration (JO p. 75), est ainsi considéré par la Commission comme faisant partie intégrante de la restructuration d'Air France.

108.
    Devant le Tribunal, la Commission a d'ailleurs confirmé ce point de vue en déclarant que l'acquisition de 17 nouveaux avions était justifiée «dans le cadre de la mise en oeuvre du projet» (n° 40 de la duplique dans l'affaire T-371/94). En outre, selon le rapport Ernst & Young présenté par la Commission (annexe 2 au mémoire en défense dans l'affaire T-371/94), l'achat des avions était «un élément intégral du programme visant à rationaliser la flotte [...], cet investissement constituant un élément clé du plan» (p. 22, n° 22 du rapport).

109.
    En ce qui concerne les modalités de financement de cet investissement, la décision attaquée indique que la mise en oeuvre du plan de restructuration sera financée par l'augmentation de capital et la cession d'actifs hors métiers de base, dont Air France espère retirer quelque 7 milliards de FF, à savoir notamment la vente d'un certain nombre d'avions, qui devrait rapporter quelque 4,1 milliards de FF, ainsi que la cession d'un stock de pièces de rechange (1,2 milliard de FF), d'un bâtiment (0,4 milliard de FF) et de la chaîne hôtelière Méridien (JO p. 76). La décision attaquée ajoute que les autorités françaises se sont engagées à ce que, pendant la durée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie (JO p. 78 et 79).

110.
    Dans son évaluation de la viabilité du plan de restructuration, la Commission déclare que l'aide en question vise à financer la mise en oeuvre du plan et à restructurer les finances d'Air France (JO p. 82). En résumé, elle est convaincue que l'aide accordée à Air France est à la fois nécessaire et appropriée pour donner à la compagnie les moyens de mener à bien son plan de restructuration et de retrouver sa viabilité (JO p. 86). Enfin, la condition d'autorisation n° 6 impose aux autorités françaises de veiller «à ce que [...] l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie» (JO p. 89).

111.
    Ainsi qu'il ressort de ces motifs, la décision attaquée considère que l'aide d'État litigieuse, si elle sert à réduire l'endettement d'Air France, vise aussi à financer la réalisation du plan de restructuration, cofinancée par la cession d'actifs. Or, la Commission estime, en même temps, que l'investissement dans le renouvellement de la flotte constitue lui-même un élément indispensable de la restructuration d'Air France. Il apparaît donc que la décision attaquée admet que l'aide sert à financer l'investissement dans la flotte comportant l'achat de 17 nouveaux avions. En tout état de cause, la décision n'interdit pas que l'aide puisse être utilisée, au moins partiellement, pour financer cet investissement. En effet, le seul moyen financier autonome d'Air France destiné à contribuer au financement de cet investissement, à savoir la cession d'actifs, n'est censé rapporter que 7 milliards de FF, alors que le coût de l'investissement en cause s'élève à 11,5 milliards de FF.

112.
    Bien qu'un tel achat, accompagné de la cession d'anciens avions, constitue manifestement une modernisation de la flotte d'Air France, la décision attaquée ne se prononce pas sur la pertinence, affirmée par les parties intéressées, de la jurisprudence Deufil/Commission et Exécutif régional wallon et Glaverbel/Commission (citée aux points 79 et 98 ci-dessus). La Commission s'est ainsi abstenue de préciser si elle tolérait, à titre exceptionnel, le financement en cause parce qu'elle considérait ladite jurisprudence comme dénuée de pertinence dans les circonstances particulières du cas d'espèce ou si elle entendait se départir du principe même posé par cette jurisprudence.

113.
    Une prise de position de la Commission en la matière aurait été d'autant plus nécessaire que sa propre pratique décisionnelle traduit l'opposition de principe à toutes les aides au fonctionnement, destinées à financer la modernisation normale des installations. En effet, la Commission estime que les investissements destinés à une telle modernisation ne peuvent pas être considérés comme une restructuration et doivent donc être financés sur les ressources propres des entreprises concernées, sans intervention étatique [décision 85/471/CEE de la Commission, du 10 juillet 1985, relative à une aide accordée par le gouvernement allemand à un producteur de fils de polyamide et de polypropylène installé à Bergkamen (JO L 278 p. 26, 29) ; décision 89/228/CEE de la Commission, du 30 novembre 1988, relative au décret-loi n. 370/87, du gouvernement italien, du 7 septembre 1987, converti en loi n. 460, du 4 novembre 1987, relative à laproduction et à la commercialisation et portant notamment nouvelles normes en matière de production et de commercialisation des produits viti-vinicoles (JO 1989, L 94, p. 38, 41) ; décision 92/389/CEE de la Commission, du 25 juillet 1990, relative aux aides d'État prévues par les décrets-lois n. 174 du 15 mai 1989 et n. 254 du 13 juillet 1989, ainsi que par le projet de loi n. 4230 portant régularisation des effets produits par les décrets-lois susmentionnés (JO 1992, L 207, p. 47, 51)].

114.
    Il s'ensuit que les motifs de la décision attaquée ne font pas apparaître que la Commission a effectivement examiné si — et, dans l'affirmative, pour quelles raisons — la modernisation de la flotte d'Air France pouvait être partiellement financée par une aide destinée à la restructuration de la compagnie, et cela

contrairement à la jurisprudence susmentionnée et à sa propre pratique décisionnelle.

115.
    Cette constatation n'est pas infirmée par les précisions que la République française et Air France ont apportées devant le Tribunal au sujet des investissements aéronautiques de 11,5 milliards de FF prévus dans le plan de restructuration. Dans la mesure où ces parties intervenantes ont indiqué que la somme de 11,5 milliards de FF était fractionnée en trois parties, à savoir 7,6 milliards pour l'achat de 17 avions, 3 milliards pour l'achat de pièces de rechange et 0,9 milliard pour des travaux aéronautiques, il est évident que les travaux aéronautiques et les pièces de rechange servent, au même titre que les nouveaux avions, à la modernisation de la compagnie.

116.
    Il est vrai que la Commission a fait valoir ultérieurement, au cours de la présente procédure, que l'aide litigieuse était destinée au seul désendettement d'Air France et non pas à l'achat des 17 nouveaux avions, l'investissement dans la flotte devant être financé exclusivement par les recettes d'exploitation d'Air France. Il y a toutefois lieu de constater que ce raisonnement, développé par les agents de la Commission devant le Tribunal, non seulement ne figure pas dans la décision attaquée, mais est même contredit par les motifs de celle-ci, selon lesquels l'aide était destinée à financer, au moins partiellement, la mise en oeuvre du plan de restructuration qui comportait la modernisation de la flotte d'Air France. Or, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555, points 66 à 68), le dispositif et les motifs d'une décision, qui doit être obligatoirement motivée en vertu de l'article 190 du traité, constituent un tout indivisible, de sorte qu'il appartient uniquement au collège des membres de la Commission, en vertu du principe de collégialité, d'adopter à la fois l'un et les autres, toute modification des motifs dépassant une adaptation purement orthographique ou grammaticale étant du ressort exclusif du collège.

117.
    Ces considérations basées sur le principe de collégialité sont tout aussi pertinentes pour la décision attaquée en l'espèce, qui devait également être motivée en vertu de l'article 190 du traité, et par laquelle le collège des membres de la Commission exerçait le pouvoir discrétionnaire qui lui est réservé, à l'exclusion de toute autre instance, dans l'application de l'article 92, paragraphe 3, du traité. Il s'ensuit que l'argumentation présentée par les agents de la Commission devant le Tribunal ne saurait être retenue (voir, en ce sens, également l'arrêt Bremer Vulkan/Commission, cité au point 94 ci-dessus, points 47 et 48).

118.
    Il en va de même, et à plus forte raison, en ce qui concerne les explications fournies devant le Tribunal par les parties intervenues au soutien de la Commission, Air France et la République française, qui soulignent que, premièrement, il était impossible d'annuler ou de reporter les commandes des 17 nouveaux avions parce qu'il s'agissait d'engagements contractuels fermes dont le non-respect aurait entraîné l'imposition de pénalités, deuxièmement, parmi les 34

avions dont la revente était prévue dans le plan de restructuration, sept étaient neufs de sorte que les recettes de leur revente correspondraient à sept avions neufs non encore acquis, troisièmement, sur les 17 nouveaux avions, sept seraient immédiatement revendus sans mise en ligne et, quatrièmement, le total des ressources d'exploitation d'Air France aurait été fixé à 19,2 milliards de FF dans le plan de restructuration, de sorte que ces ressources auraient été suffisantes pour couvrir les dépenses d'investissement dans le renouvellement de sa flotte. Ces affirmations ne sont pas couvertes par le principe de collégialité et ne sauraient donc pallier le défaut de motivation dont la décision attaquée est entachée.

119.
    Il convient d'ajouter, à titre surabondant, que les explications fournies devant le Tribunal, selon lesquelles l'application des mesures prévues par le plan de restructuration devait dégager une marge brute d'autofinancement permettant à Air France de faire face à ses frais d'exploitation et d'investissement, à les supposer recevables, seraient en tout état de cause contredites par les motifs de la décision attaquée, dont il ressort que l'équilibre financier et la rentabilité d'Air France ne devraient être rétablis qu'à la fin de 1996 (JO p. 75).

120.
    Il résulte de tout ce qui précède que la motivation de la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l'article 190 du traité, en ce qui concerne l'achat de 17 nouveaux avions.

B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort le financement de frais d'exploitation et de mesures opérationnelles d'Air France

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

121.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment que la Commission a omis d'examiner si l'aide était indispensable à la restructuration d'Air France et non pas simplement utile au financement du développement de ses activités et à la modernisation de ses équipements. Selon ces requérantes, l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité n'autorise pas une aide opérationnelle visant à moderniser les activités de son bénéficiaire.

122.
    Elles exposent que les seuls coûts structurels découlant de la mise en oeuvre du plan de restructuration concernent les 5 000 départs volontaires, dont le montant exact reste ouvert, la décision attaquée ne contenant aucune information sur ce point. Les coûts pouvant découler des autres mesures envisagées dans le plan de restructuration devraient être considérés comme des frais d'exploitation, notamment la politique commerciale de reconquête de la clientèle, ainsi que le lancement d'Euroconcept et de Première club. Il serait vraisembable qu'Air France utilisera également l'aide pour financer d'autres mesures opérationnelles qui ne sont pas explicitement envisagées dans le plan de restructuration. En particulier, Air France casserait considérablement les prix sur les liaisons entre les pays de l'EEE et les pays tiers.

123.
    Ces requérantes précisent avoir la preuve que l'introduction par Air France de nouvelles classes sur les liaisons moyen-courriers et l'introduction de la nouvelle classe sur les liaisons long-courriers à l'automne 1995 coûteront respectivement à la compagnie 150 millions de FF et environ 500 millions de FF, ainsi qu'il ressort de deux articles de presse parus en mars 1995. Par conséquent, elles estiment que les coûts d'exploitation encourus avant la fin de 1996, par exemple pour l'introduction de deux nouvelles classes, auront été financés au moyen de l'aide litigieuse.

124.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 est également d'avis que l'aide servira massivement à financer les nouveaux produits d'Air France, tels que son opération «classe club». Dans ce contexte, les requérantes dans l'affaire T-371/94 rappellent qu'Air France bénéficie d'une «marge de sécurité» (JO p. 85), qu'elle pourrait utiliser pour soutenir et moderniser ses activités. L'aide serait suffisamment excessive pour permettre à Air France d'envisager la recapitalisation de sa filiale Jet Tours ou pour envisager de transférer une partie de l'aide à sa filiale Air Charter.

125.
    Les requérantes dans les deux affaires s'opposent à la thèse de la Commission selon laquelle l'aide litigieuse est uniquement destinée à réduire les charges financières d'Air France en diminuant son taux d'endettement et non pas à financer ses coûts d'exploitation. A cet égard, elles estiment que la simple éventualité que l'aide soit destinée à maintenir et à développer les activités d'Air France suffit à la rendre incompatible avec l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité. A l'appui de cet argument, elles se réfèrent à l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission (C-303/88, Rec. p. I-1433, points 10 et 14), selon lequel il n'est pas nécessaire d'établir que des fonds étatiques octroyés sont spécifiquement et explicitement destinés à atteindre un objectif précis, mais il suffit de constater que, en tout état de cause, le fait de recevoir des fonds permet de libérer d'autres ressources pour parvenir au même résultat.

126.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 ajoutent que la Commission n'a pas expliqué la différence entre le montant de l'aide litigieuse et le montant qu'il aurait fallu pour mettre en oeuvre le programme antérieur «PRE 2», d'une part, ou le montant de 8 milliards de FF qui, avant l'adoption de la décision attaquée, avait été considéré comme nécessaire à la mise en oeuvre du plan de restructuration, d'autre part. Par ailleurs, la Commission n'aurait pas examiné si et dans quelle mesure la restructuration entreprise par d'autres compagnies aériennes sans l'aide financière de l'État ne prouvait pas que le libre jeu des forces du marché aurait amené Air France à restructurer ses activités sans l'intervention des autorités publiques.

127.
    A l'audience, ces mêmes requérantes ont relevé que l'aide à la restructuration devait être liée à chaque mesure envisagée. La Commission aurait dû imposer des conditions quant à la manière dont l'aide devait être utilisée. Il serait inacceptable

d'admettre un équilibre général quant à l'aide accordée globalement «pour les besoins d'Air France».

128.
    La Commission affirme avoir apprécié la cohérence et l'efficacité du plan de restructuration, ainsi que l'adéquation du montant d'aide requis pour permettre à Air France de le mener à bien. Pour procéder à cette appréciation, elle n'aurait pas à examiner des questions étrangères aux caractéristiques intrinsèques du plan, ni, à plus forte raison, les expériences d'autres compagnies aériennes.

129.
    Elle ajoute que l'aide autorisée est uniquement destinée à réduire les charges financières d'Air France par l'abaissement de son niveau d'endettement. Contrairement à ce que prétendent les requérantes, elle ne serait pas utilisée pour financer les coûts d'exploitation d'Air France. L'application des mesures rigoureuses prévues par le plan de restructuration, y compris la vente d'actifs, devrait dégager une marge brute d'autofinancement qui permettrait à Air France de faire face à ses frais d'exploitation et d'investissement. Cela ne lui suffirait toutefois pas pour pouvoir supporter ses charges financières. Sans une réduction de son niveau d'endettement, Air France ne pourrait survivre. A la fin de 1996, Air France pourrait faire face à tous ses coûts, qu'ils soient d'exploitation ou financiers.

130.
    La Commission rappelle que les améliorations des résultats d'exploitation opérées par le plan de restructuration devraient produire, pendant sa durée, 5 milliards de FF. Ce montant permettrait à Air France certes de couvrir ses coûts d'exploitation, mais non le remboursement du principal et de l'intérêt. Grâce à l'aide, les charges financières d'Air France passeraient de 3,2 milliards de FF en 1993 à 1,8 milliard en 1996 (JO p. 75). Renvoyant au rapport Ernst & Young (annexe 2 au mémoire en défense dans l'affaire T-371/94), elle affirme que la dette d'Air France sera réduite de 18,9 milliards de FF et ajoute que, sans l'aide, ses pertes nettes prévues pour 1996 s'établiraient à 694 millions de FF, tandis que, avec l'aide, elle devrait enregistrer un bénéfice net de 457 millions de FF. Le risque de surcapitalisation serait évité par le fait que l'aide approuvée est payable en trois tranches.

131.
    Quant à l'arrêt Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus), la Commission estime qu'il n'apporte aucun soutien à la thèse des requérantes. Dans cette affaire, la Cour aurait considéré que l'injection de capital par l'État pouvait constituer une aide, compte tenu des pertes d'exploitation continues de l'entreprise en cause qui étaient compensées par l'État concerné, et en l'absence de tout programme de restructuration. Ce faisant, la Cour aurait répondu à l'affirmation du gouvernement concerné selon laquelle les fonds en question n'étaient pas des aides d'État. Les passages cités par les requérantes ne porteraient que sur cette seule question, alors que les requérantes invoquent, ici, l'arrêt au soutien de l'allégation, très différente, selon laquelle la Commission aurait appliqué un critère juridique incorrect pour établir que l'aide à Air France était indispensable.

132.
    La République française et Air France contestent la thèse selon laquelle l'aide litigieuse — bien que calculée pour réduire les charges de la dette d'Air France et

non pour couvrir une partie des frais d'exploitation — profiterait quand même à l'exploitation. Accepter une telle position reviendrait à interdire toute aide à la restructuration, car il serait toujours possible de soutenir qu'une aide ciblée sur un objectif particulier d'assainissement se substitue aux ressources d'exploitation qui auraient été consacrées à cet objectif en l'absence de l'aide. Or, il faudrait nettement distinguer les aides à la restructuration, qui participent à l'amélioration des conditions d'exploitation des entreprises concernées et qui peuvent parfaitement être compatibles avec le marché commun, des pures aides au fonctionnement ou des aides prolongées au sauvetage, qui ne peuvent pas l'être, en principe.

Appréciation du Tribunal

133.
    Dans la mesure où les requérantes reprochent à la Commission d'avoir permis à Air France de transférer l'aide à certaines de ses filiales, tout en affirmant qu'il leur paraît vraisemblable qu'Air France financera globalement des frais d'exploitation, le Tribunal estime que ces arguments sont trop vagues pour pouvoir être retenus et se bornent à de simples suppositions non étayées par des éléments factuels précis.

134.
    L'argument tiré du plan de restructuration antérieur «PRE 2» ne saurait non plus être accueilli. En effet, ce plan s'est heurté à l'opposition des syndicats et du personnel d'Air France; il ne pouvait donc pas être réalisé. Dans ces circonstances, rien n'obligeait la Commission à tenir compte, à titre comparatif, de certains éléments d'un plan de restructuration qui avait échoué. Il en est de même du montant de 8 milliards de FF, qui aurait été mentionné avant l'adoption de la décision attaquée. Étant donné qu'il ne s'agissait pas du chiffre officiellement soumis par les autorités françaises à la Commission dans le cadre du plan de restructuration formellement déposé, la Commission n'était pas contrainte d'en tenir compte.

135.
    S'il ne saurait être exclu que la Commission puisse comparer les mesures de restructuration envisagées par Air France avec celles adoptées par d'autres compagnies aériennes, il n'en reste pas moins que la restructuration d'une entreprise doit être ciblée sur ses problèmes intrinsèques et que les expériences faites par d'autres entreprises, dans des contextes économiques et politiques différents, en d'autres périodes, peuvent être dépourvues de pertinence.

136.
    Dans la mesure où les requérantes allèguent encore que l'aide aurait dû être fractionnée en différentes tranches, dont chacune liée à une mesure de restructuration individuelle, le Tribunal considère qu'une telle approche aurait nécessairement révélé le coût de chaque mesure et ainsi divulgué les structures du fonctionnement interne d'Air France. Or, de telles données revêtent, au moins pour une certaine période, un caractère confidentiel et doivent être tenues secrètes à l'égard du public et notamment des concurrents d'Air France. Dans ces

circonstances, le mécanisme des contrôles ultérieurs instaurés par l'article 2 de la décision attaquée, combiné en particulier avec la condition d'autorisation n° 6, doit être considéré comme un système adéquat visant à exclure qu'Air France soit surcapitalisée en raison d'une utilisation de l'aide à d'autres fins que sa restructuration.

137.
    Pour autant que les requérantes prétendent que la seule mesure de restructuration véritable du plan litigieux concerne la réduction du personnel d'Air France (5 000 départs volontaires) et que toutes les autres mesures sont, en réalité, de nature purement opérationnelle, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu'il a été constaté ci-dessus aux points 110, 111, 116 et 117, l'aide litigieuse vise à financer, au moins partiellement, la restructuration d'Air France et que l'affirmation selon laquelle l'aide a exclusivement été affectée à son désendettement, à défaut de figurer dans le texte de la décision attaquée, doit être écartée. Par conséquent, il importe d'examiner le caractère structurel des différentes mesures relevées par les requérantes.

138.
    A cet égard, il convient de souligner que, ainsi qu'il ressort du dossier, Air France ne dispose ni d'usines ni d'installations industrielles dotées de processus de fabrication susceptibles d'être techniquement restructurés. Pour une telle compagnie, l'essentiel de son activité est centrée sur l'offre de transport des personnes et du fret, ainsi que sur les moyens utilisés pour la prestation de ces services. C'est donc la seule structure de cette offre ainsi que celle de l'organisation de la compagnie, servant de support à l'offre, qui peuvent valablement faire l'objet d'une restructuration.

139.
    Cela étant constaté, le Tribunal estime que la suppression des 5 000 postes ainsi que la réorganisation d'Air France en onze centres opérationnels responsables de leurs résultats financiers pouvaient raisonnablement être qualifiées par la Commission de mesures structurelles. Cela paraît moins certain en ce qui concerne les initiatives commerciales (Euroconcept, Classe club et Première club) et les modifications du réseau aérien, étant donné qu'Air France se limite ainsi à suivre l'évolution commerciale du marché, sans intervenir dans les structures mêmes de la compagnie. De telles mesures semblent donc être de nature purement opérationnelle et concerner le seul fonctionnement d'Air France.

140.
    Toutefois, et sans qu'il soit nécessaire de se prononcer sur la pertinence des jurisprudence et pratique décisionnelle précitées aux points 98 et 113, il convient de rappeler que le plan de restructuration d'Air France devait être financé par l'augmentation de capital, au moyen de l'aide, ainsi que par la cession d'actifs dont Air France espérait «retirer quelque 7 milliards de FF» (JO p. 76). Or, vu les chiffres relativement modestes relevés par les requérantes dans l'affaire T-371/94 dans ce contexte (150 millions de FF et 500 millions de FF), le Tribunal considère que la Commission pouvait admettre que ces mesures seraient couvertes par les ressources provenant de la vente par Air France de ses propres actifs et par les recettes de son exploitation courante.

141.
    Dans ce contexte, il y a lieu de rejeter l'argumentation prise de la «fongibilité» de l'aide, basée sur l'arrêt Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus), selon laquelle le fait pour Air France de recevoir l'aide lui permettrait de libérer d'autres ressources d'exploitation qui, au lieu d'être affectées au remboursement de sa dette, pourraient alors être utilisées pour financer les mesures susmentionnées. S'agissant en l'espèce de mesures d'investissement et d'exploitation d'une envergure normale que toute compagnie aérienne doit raisonnablement prendre, afin de pouvoir maintenir ses activités opérationnelles face à la concurrence sur le marché, la République française et Air France ont souligné à juste titre que cette thèse de la «fongibilité» reviendrait en fait à interdire toute aide à la restructuration et condamnerait, en dernière analyse, l'entreprise bénéficiaire à cesser ses activités d'exploitation.

142.
    Il est vrai que la solution pourrait être différente en ce qui concerne l'investissement de 11,5 milliards de FF défini dans la décision attaquée comme un «investissement au niveau de la flotte» (JO p. 75). Il y a toutefois lieu de rappeler que le Tribunal n'est pas à même d'examiner le fond de cette problématique, du fait que la décision attaquée n'est pas motivée sur ce point substantiel (voir ci-dessus points 111 à 120). Pour ce qui est de l'argumentation relative à la pratique tarifaire d'Air France sur les lignes hors EEE, prétendument financée par l'aide, l'examen de ce point présuppose une analyse de la situation concurrentielle d'Air France sur ces lignes. Cette analyse aura lieu dans un contexte différent (voir ci-après points 259 à 280).

143.
    Il s'ensuit que, sous cette dernière réserve, le grief tiré de ce que la Commission aurait autorisé à tort le financement de frais d'exploitation et de mesures opérationnelles doit être rejeté.

C — Sur le grief pris d'une classification erronée des titres émis par Air France entre 1989 et 1993

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

144.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 soulignent que, selon le principe de proportionnalité, une aide d'État ne doit pas être si importante qu'elle donne au bénéficiaire un ratio d'endettement meilleur que celui de ses concurrents. Or, en l'espèce, la Commission aurait procédé à une classification erronée des ORA (obligations remboursables en actions), des TSDI (titres subordonnés à durée indéterminée reconditionnés) et des TSIP-BSA (titres subordonnés à intérêts progressifs assortis de bons de souscription d'actions) émis par Air France dans les années 1989 à 1993, pour calculer son ratio d'endettement en 1996. Une classification correcte de ces titres aurait fait apparaître, selon les requérantes, que le ratio d'endettement d'Air France est bien meilleur que celui de toutes les autres compagnies aériennes.

145.
    Dans la décision attaquée, la Commission aurait conclu que, aux fins du calcul du ratio d'endettement d'Air France, les ORA représentent des «quasi-capitaux propres»; toutefois, la Commission aurait supposé, à tort, que les ORA de 1993 — tout comme les TSIP-BSA d'ailleurs — seraient remplacées par des dettes conventionnelles du fait que, en vertu de sa décision 94/662/CE, du 27 juillet 1994, concernant la souscription de CDC-Participations à des émissions d'obligations d'Air France (JO L 258, p. 26, ci-après «décision 94/662»), elles doivent être remboursées en tant qu'aides d'État illégales. Or, Air France n'aurait pas été obligée et ne se serait pas engagée à remplacer les ORA de 1993 par des dettes conventionnelles. En outre, les liquidités dont Air France disposera lorsqu'elle aura reçu l'aide devraient, en pratique, rendre inutile le remplacement des recettes des ORA et des TSIP-BSA de 1993 par des liquidités complémentaires.

146.
    Selon les requérantes, l'évolution de la situation depuis l'adoption de la décision attaquée illustre leur thèse. D'après un article de presse, la Commission aurait demandé, le 5 avril 1995, que la France (et non pas Air France) dépose la somme de 1,5 milliard de FF sur un compte bloqué en attendant le résultat de la procédure introduite devant la Cour et le Tribunal concernant l'annulation de la décision 94/662. En conséquence, Air France continuerait à bénéficier de la valeur des ORA et des TSIP-BSA émis en 1993, au moins jusqu'au prononcé de l'arrêt de la Cour ou du Tribunal, c'est-à-dire durant la majorité de la période de restructuration.

147.
    Les requérantes soutiennent que, en vérité, les ORA et les TSIP-BSA ainsi qu'une partie de la valeur du prêt provenant des TSDI auraient dû être classés sous le poste «capitaux propres» pour calculer le ratio d'endettement d'Air France, car ils constituent des capitaux qui sont en permanence à sa disposition jusqu'à sa liquidation.

148.
    En ce qui concerne plus particulièrement les TSDI, les requérantes soulignent queles souscripteurs sont remboursés par un fonds bancaire dans lequel Air France a placé une partie (25 %) de la valeur originale des TSDI, tandis qu'une part importante de la valeur de ces titres (75 %) est conservée par Air France à titre permanent. Contrairement à l'extinction d'une dette qui résulte de son remboursement par l'emprunteur, les TSDI continueraient à exister légalement même après le remboursement du capital. Par ailleurs, la Commission aurait elle-même déclaré, dans sa communication du 3 juin 1994 (JO p. 8), que le remboursement «automatique» des TSDI est assuré par un fonds bancaire, que l'obligation de remboursement ne devient effective pour Air France qu'en cas de liquidation de la compagnie et que, lors de l'analyse par la Commission en 1992 de la situation financière d'Air France, les TSDI ont, avec l'accord du gouvernement français, été incorporés aux fonds propres. De l'avis des requérantes, les TSDI constituent des fonds qui sont en permanence à la disposition d'Air France et qui lui procurent donc un avantage concurrentiel vis-à-vis des compagnies concurrentes. Les requérantes ajoutent que, si l'on n'inclut dans les fonds propres que la part de la valeur TSDI conservée à titre permanent par Air France, cela a une incidence

importante sur son ratio d'endettement pour l'année 1996, car celui-ci serait alors de 0,76:1 et non pas de 1,12:1.

149.
    Par ailleurs, les requérantes reprochent à la Commission d'avoir mal compris les concepts financiers en cause lors de la classification des instruments financiers considérés. A cet égard, elles affirment que, dans le cas aussi bien des TSDI que des TSIP-BSA, le paiement d'intérêts est subordonné au résultat d'Air France et peut être suspendu. Les requérantes ajoutent que le critère de convertibilité des instruments en question est inadéquat, dans la mesure où la Commission indique que les TSIP-BSA deviendront à terme des capitaux propres «à condition que le marché donne à leurs titulaires la possibilité de concrétiser les BSA». Ce faisant, la Commission aurait méconnu que le BSA est un droit distinct, complémentaire, détachable et indépendant, dont le détenteur peut être ou ne pas être le même que celui du TSIP. Ce dernier ne serait pas convertible parce qu'il s'agit d'un titre subordonné perpétuel. Le concept de «convertibilité» serait, de la même façon, inapplicable aux TSDI, car ce seraient des titres subordonnés perpétuels pouvant être remboursés en cas de liquidation d'Air France. Les requérantes soutiennent enfin que la prise en considération, par la Commission, des droits que les ORA, les TSDI et les TSIP-BSA confèrent à leurs détenteurs est dépourvue de pertinence.

150.
    La Commission rappelle, tout d'abord, avoir souligné, dans la décision attaquée, la nature financière parfois ambiguë des titres en cause (JO p. 84). Elle rappelle ensuite que, en vertu de sa décision 94/662, le montant payé pour la souscription aux ORA et aux TSIP-BSA émis en avril 1993 devait être remboursé par Air France, si bien que la valeur de ces titres devait être considérée comme une dette. En ce qui concerne les ORA de 1991, elles devraient être considérées comme des fonds propres, du fait qu'elles seraient inévitablement converties en actions le moment venu, alors que les TSDI émis en 1989 et 1992 devraient être considérés comme une dette, puisqu'ils seraient remboursables après 15 ans et qu'aucune conversion en actions ne pourrait avoir lieu (JO p. 85).

151.
    Dans la mesure où les requérantes invoquent la décision de la Commission du 5 avril 1995 (voir ci-dessus point 146), celle-ci soutient que cette décision, postérieure à la date de la décision attaquée, n'a aucune incidence sur le classement des titres en question. La Commission ajoute que, aussi longtemps qu'il existe une obligation légale de rembourser les montants des ORA et des TSIP-BSA, elle est en droit de considérer que ces montants sont remplacés par des dettes conventionnelles.

152.
    En ce qui concerne les TSDI, la Commission souligne leur caractère reconditionné. Le fait qu'une partie du produit des TSDI soit conservée par Air France n'aurait aucune incidence sur leur qualification. Cette conclusion serait confirmée par l'avis du conseil supérieur de l'ordre français des experts-comptables. Ce serait l'obligation de rembourser le principal qui importe. La Commission précise que le flux financier net entre Air France et le trust, auprès duquel une partie des fonds sont déposés, sera nul à l'issue d'une période de quinze ans. Le prêt représenté par

les TSDI serait effectivement remboursé par l'extinction du trust et l'extinction subséquente de la dette d'Air France. La totalité du montant réuni par l'émission des TSDI reconditionnés serait donc remboursée par Air France à l'expiration de la période de quinze ans. Le montant du produit des TSDI qui n'est pas déposé auprès du trust ne resterait pas en permanence aux mains de l'émetteur. Ce montant correspondrait à l'obligation pour l'émetteur de payer des intérêts sur une base annuelle pendant quinze ans sur le montant total des TSDI. De l'avis de la Commission, l'obstination des requérantes à soutenir que l'émetteur conserve en permanence une partie du produit des TSDI reconditionnés repose sur une approche analytique subjective selon laquelle tout prêt pourrait être considéré comme une injection de fonds propres.

153.
    Même si le payement d'intérêts peut être suspendu dans le cas aussi bien des TSDI que des TSIP-BSA, la Commission estime qu'Air France reste néanmoins dans l'obligation de payer les intérêts accumulés sur ces montants. En d'autres termes, le payement des intérêts ne serait que remis à plus tard. En ce qui concerne les développements des requérantes relatifs aux droits que les instruments financiers en question confèrent à leurs porteurs, la Commission souligne que la décision attaquée n'a pas attribué une importance particulière à la nature des droits que ces instruments conféraient ou ne conféraient pas à leurs détenteurs. L'élément essentiel aurait été la conversion obligatoire des titres en actions.

154.
    Air France précise, au sujet des TSDI reconditionnés, que la profession comptable ne s'est attachée à définir leur nature qu'à partir de la fin de 1991. La commission française des opérations de bourse, dans un communiqué du 6 mars 1992, se serait opposée à ce que les TSDI reconditionnés soient inclus dans les capitaux propres. A partir de la fin de 1993, les praticiens auraient eu connaissance du projet d'avis de l'ordre français des experts-comptables qualifiant de dette les TSDI. La position du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables aurait été définitivement arrêtée le 7 juillet 1994 en ce sens.

Appréciation du Tribunal

155.
    Il y a tout d'abord lieu de constater que, en vérifiant la proportionnalité de l'aide, la Commission souligne, dans la décision attaquée, que le ratio d'endettement d'Air France est très largement fonction de la classification de plusieurs titres émis par la compagnie, les ratios variant considérablement selon que ces titres sont classés dans les capitaux propres ou les dettes (JO p. 83). Elle décrit ensuite les montants et les caractéristiques des instruments financiers émis par Air France au cours des cinq dernières années précédant la décision attaquée, à savoir des ORA émises en décembre 1991 et avril 1993, des TSDI émis en juin 1989 et mai 1992, ainsi que des TSIP-BSA émis en avril 1993 (JO p. 83 et 84). Enfin, elle expose les critères qui font différer les fonds propres des emprunts en fonction, notamment, des dispositions applicables du droit français, de la quatrième directive communautaire concernant les comptes annuels des sociétés, ainsi que de l'opinion du comité professionnel de doctrine comptable (JO p. 84 et 85).

156.
    Les parties sont unanimes à qualifier les ORA de «capitaux propres» ou de «fonds propres», étant donné que ces titres ne seront jamais remboursés mais feront l'objet d'une conversion obligatoire en actions. Par ailleurs, la Commission a effectivement procédé à une telle qualification dans la décision attaquée (JO p. 85).

157.
    En ce qui concerne plus particulièrement les ORA émises par Air France en avril 1993 et souscrites par la société CDC-Participations, il convient de rappeler que la Commission, par sa décision 94/662, en a ordonné le remboursement, motif pris de leur nature d'aides d'État illégales. Bien que la République française ait attaqué cette décision devant la Cour (affaire C-282/94) et qu'Air France ait introduit un recours devant le Tribunal (affaire T-358/94), ces saisines n'ont eu aucun effet suspensif, de sorte que les fonds correspondant aux ORA émises devaient être remboursés par Air France. Par ailleurs, la décision de la Commission est devenue définitive, l'arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, Air France/Commission (T-358/94, Rec. p. II-2109), qui a rejeté le recours dirigé contre cette décision, ayant acquis force de chose jugée et l'affaire C-282/94 ayant été radiée du registre de la Cour par ordonnance du 17 avril 1997.

158.
    Peu importe, dans ce contexte, qu'Air France ait pu effectivement bénéficier, jusqu'au prononcé dudit arrêt, de la valeur représentée par ces ORA. En effet, la disponibilité d'un capital pendant une certaine période ne constitue pas un critère distinguant les fonds propres des dettes. Tout capital, dont une entreprise peut disposer, doit toujours être classé dans le bilan de l'entreprise, à la seule rubrique du «passif», soit comme «dettes» lorsqu'il doit être remboursé, soit comme «fonds propres» lorsqu'il reste en permanence à la disposition de l'entreprise. Or, du fait que les ORA en cause devaient être remboursées à partir du 27 juillet 1994, c'est à juste titre que la Commission les a qualifiées de dettes.

159.
    Il en est de même des TSIP-BSA émis en avril 1993 qui ont également fait l'objet de la décision 94/662. Par conséquent, il n'y a pas lieu pour le Tribunal de se prononcer sur leur classification de principe.

160.
    Quant aux TSDI reconditionnés, les parties ont présenté plusieurs rapports d'expertise financiers et comptables relatifs à leur classification. Les requérantes se réfèrent à celui du professeur Pene (annexe 40 à la requête et annexe 16 aux observations sur les interventions), tandis que la Commission et Air France s'appuient respectivement sur le cabinet Ernst & Young (annexe 2 au mémoire en défense, avec une note spécifique sur les TSDI reconditionnés en annexe A, et annexe à la duplique) et le professeur Vermaelen (annexe 7 au mémoire en intervention d'Air France). En outre, la Commission renvoie à l'avis du conseil supérieur de l'ordre des experts-comptables, approuvé le 7 juillet 1994 (p. 18/19 de l'annexe B au rapport d'Ernst & Young joint en annexe 2 au mémoire en défense).

161.
    Il ressort de ces expertises contradictoires que la classification des TSDI reconditionnés implique des appréciations complexes d'ordre économique et

financier. Dès lors, la Commission dispose d'un large pouvoir d'appréciation en la matière, et le Tribunal ne saurait censurer sa décision sur ce point qu'après avoir constaté une erreur manifeste d'appréciation. Or, il n'apparaît pas que la Commission ait, à tort, considéré le mécanisme de remboursement des TSDI comme l'élément décisif — outre l'impossibilité de les convertir en actions — pour leur qualification de dettes.

162.
    Cette conclusion n'est pas infirmée par le fait que le paiement d'intérêts pour ces TSDI peut être suspendu en cas de mauvais résultats financiers d'Air France. En effet, le caractère d'emprunt d'une opération de financement n'est pas remis en cause par la circonstance que les conditions de rémunération sont, sous un aspect spécifique, désavantageuses pour le souscripteur.

163.
    Enfin, cette conclusion n'est pas non plus contredite par la circonstance que la Commission avait initialement eu tendance à qualifier les TSDI de «fonds propres» (communication du 3 juin 1994, JO p. 8). En effet, ainsi qu'Air France l'a exposé devant le Tribunal, ce changement d'approche reflète l'évolution que la qualification des TSDI a connue de 1991 à 1994 au sein de la profession comptable elle-même. Dans ce contexte, il convient de rappeler que le conseil supérieur de l'ordre français des experts-comptables, dans son avis du 7 juillet 1994 — donc immédiatement avant l'adoption de la décision attaquée —, a définitivement considéré comme des dettes les TSDI reconditionnés. Le Tribunal estime qu'il nesaurait être reproché à la Commission de s'être ralliée, aux fins de la qualification de ces titres français, à l'avis définitif de l'organisme français qui représente la profession compétente en la matière.

164.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation dans la classification des titres émis par Air France, le grief doit être rejeté.

D — Sur le grief pris d'une méconnaissance du ratio d'endettement d'Air France

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

165.
    Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment que le ratio d'endettement d'Air France envisagé pour 1996 montre que son endettement sera réduit à un niveau très inférieur à celui de ses concurrentes. En effet, en calculant que ce ratio serait de 1,12:1 et en déclarant qu'il est supérieur au ratio moyen de l'aviation civile où le chiffre de 1,5:1 est considéré comme acceptable, la Commission aurait mal interprété l'étude réalisée par KPMG — une société internationale de conseils — et l'IATA à laquelle il est fait référence dans la décision attaquée (JO p. 85). Cette étude montrerait, en réalité, que le ratio d'endettement projeté pour Air France est inférieur à ce qui est considéré comme un ratio optimal et considérablement inférieur à la moyenne effective qui y est mentionnée pour l'année 1992 (2,3:1 ou 2,1:1 suivant le mode de calcul). Le caractère excessif de l'aide serait augmenté si l'on compare le ratio d'endettement d'Air France (1,12:1) aux ratios d'endettement

moyens (2,57:1 en 1992 et 3,17:1 en 1993) indiqués dans la publication de l'IATA «Airline Economic Results and Prospects» (annexe 12 à la réplique).

166.
    Le caractère excessif de l'aide accordée à Air France ne saurait être rendu proportionné simplement au moyen d'une comparaison au regard d'autres ratios financiers, tels que le ratio de couverture des frais financiers. La constatation faite par la Commission dans la décision attaquée, selon laquelle ce ratio d'Air France s'élèvera en 1996 à 2,44:1 et sera, ainsi, très proche du taux moyen de 2,42:1 atteint par ses concurrents en 1993 (JO p. 85), serait donc dénuée de pertinence. Par ailleurs, ce ratio serait incomplet et ne ferait que refléter la capacité d'une entreprise à utiliser les profits qu'elle dégage pour rembourser ses charges financières. En outre, le critère retenu par la Commission pour sélectionner les compagnies aériennes auxquelles elle compare le ratio d'Air France en 1996 ne serait pas clair.

167.
    Les requérantes ajoutent que le rapport d'expertise Ernst & Young (annexe 2 au mémoire en défense), sur lequel la Commission s'appuie, déclare lui-même qu'Air France aurait pu atteindre le ratio d'endettement théoriquement optimal de 1,5:1 avec une aide d'un montant limité à 15,25 milliards de FF au maximum. Il serait donc surprenant que le même rapport tente de justifier l'obtention par Air France de 20 milliards de FF en alléguant qu'il n'y aurait aucune raison particulière pour qu'Air France ait un ratio d'endettement «moyen».

168.
    Par ailleurs, toute comparaison entre des ratios d'endettement serait d'une valeur contestable. A cet égard, il ressortirait de l'étude réalisée par KPMG et l'IATA qu'il existe d'importantes différences dans la manière dont les ratios d'endettement sont calculés et qu'il est donc difficile de faire des comparaisons valables entre compagnies aériennes. Enfin, il ne serait pas établi que le calcul effectué par la Commission du ratio d'endettement d'Air France repose sur des chiffres bruts ou nets, et aucune explication ne serait donnée quant à la décomposition de ces chiffres.

169.
    De plus, la Commission aurait limité à tort son analyse à une période très courte, l'année 1996, durant laquelle l'aide serait encore versée, sans tenir compte des effets de l'aide sur la situation financière ultérieure d'Air France, devenue, grâce à l'aide, considérablement plus forte que ses concurrentes sur le plan financier. Selon les requérantes, la Commission aurait dû faire une analyse dynamique de l'effet de l'aide, au-delà de la période de restructuration, sur la position concurrentielle d'Air France par rapport à ses concurrentes pour déterminer si l'aide n'était pas excessive. Selon les projections des requérantes, l'aide contribuerait à placer Air France dans une bien meilleure situation financière, par rapport à ses concurrentes, que celle que suggèrent les ratios sur lesquels la Commission s'est appuyée dans la décision attaquée.

170.
    Renvoyant au rapport Ernst & Young, la Commission soutient que l'apport de capital litigieux a été calculé de façon à constituer le montant minimal suffisant pour rétablir l'équilibre financier d'Air France. Quant au montant de dette employé pour calculer le ratio d'endettement, elle affirme que, conformément à une tendance vérifiée de l'analyse financière, elle a tenu compte d'un chiffre net. Par conséquent, le ratio d'endettement n'aurait pas été gonflé par l'emploi d'un montant de dette brut.

171.
    La Commission rappelle que le ratio d'endettement de 1,12:1 n'a pas été le seul élément pris en considération dans la décision attaquée pour apprécier la proportionnalité de l'aide par rapport aux besoins de restructuration d'Air France et que le ratio de couverture des frais financiers a également revêtu de l'importance. Rien n'exigerait que le ratio d'endettement d'Air France en 1996 soit égal au ratio moyen du secteur de l'aviation civile. Il serait suffisant qu'il soit raisonnablement proche du taux de 1,5:1.

172.
    La Commission fait observer qu'elle n'a pas eu recours au ratio de couverture des frais financiers pour rendre proportionnée une aide dont le caractère disproportionné résulterait du ratio d'endettement d'Air France. La pertinence du ratio de couverture des frais financiers serait indubitable. Ce ratio mesurerait la capacité de la compagnie à acquitter ses frais financiers, le but de l'aide litigieuse étant précisément d'assainir la charge financière d'Air France. La Commission ajoute que la mention, dans la décision attaquée, du ratio de couverture des frais financiers des concurrents d'Air France en 1993 n'est qu'une simple illustration du ratio obtenu par des compagnies aériennes ayant une situation saine.

173.
    La Commission souligne enfin avoir tenu compte également d'autres ratios financiers. Quant au ratio de rentabilité des fonds propres, la Commission indique que le rapport Ernst & Young précisait uniquement que ce ratio fournit un indicateur supplémentaire du niveau d'aide nécessaire pour permettre à Air France de retrouver sa viabilité économique. Le fait que le montant d'aide autorisé ait été le minimum requis aurait été établi sur la base des différentes projections des ratios financiers.

174.
    Air France se reporte aux décisions Sabena et Aer Lingus (citées au point 55 ci-dessus), ainsi qu'à la décision 94/696/CE de la Commission, du 7 octobre 1994, concernant les aides accordées par l'État grec à la compagnie Olympic Airways (JO L 273, p. 22, ci-après «décision Olympic Airways»), par lesquelles la Commission a autorisé des aides d'État dans le secteur de l'aviation civile. Elle souligne que les ratios d'endettement de ces compagnies, à l'issue de leur plan de restructuration, seront analogues au ratio d'Air France, voire meilleurs. Ils traduiraient donc une proportion de fonds propres égale ou même supérieure à celle d'Air France. Ainsi, la Commission aurait accepté des ratios de 1,25:1 (Sabena), de 0,75:1 et 0,41:1 (Aer Lingus) et de 0,78:1 (Olympic Airways).

Appréciation du Tribunal

175.
    Il y a lieu de souligner que la problématique des ratios financiers d'Air France, notamment celle du ratio d'endettement, soulève des questions très techniques d'ordre financier et comptable. Cette constatation est corroborée par le renvoi des parties à sept rapports d'expertise au soutien de leurs thèses, à savoir ceux du cabinet Ernst & Young (annexe 2 au mémoire en défense et annexe à la duplique), du professeur Pene (annexes 40 à la requête ainsi que 9 et 10 à la réplique), du professeur Vermaelen (annexe 7 au mémoire en intervention d'Air France) et du docteur Weinstein (annexe 1 au mémoire en intervention du Royaume-Uni).

176.
    A cet égard, il convient de rappeler que le consultant Lazard Frères a fixé le montant nécessaire à la recapitalisation d'Air France, dans le cadre de sa restructuration, en tenant compte de ses recettes et coûts prévisionnels et au regard de sa future rentabilité (JO p. 75) et que ce montant a été accepté par la Commission dans l'exercice de son pouvoir d'appréciation. Il y a lieu d'ajouter que ces dernières données revêtaient, au moins lors de la phase de la conception du plan de restructuration ainsi que de sa mise en oeuvre, un caractère hautement sensible et confidentiel, notamment vis-à-vis des compagnies aériennes se trouvant en concurrence avec Air France. Par conséquent, il n'appartient pas aux requérantes, ni d'ailleurs au Tribunal, de remettre en question le principe même de la nécessité pour Air France d'obtenir la somme de 20 milliards de FF afin d'atteindre les objectifs de restructuration et de désendettement fixés.

177.
    Le calcul des 20 milliards de FF devant être accepté comme point de départ du contrôle de la proportionnalité du montant de l'aide, la question de l'incidence de cette injection financière sur les ratios financiers d'Air France se réduit, en principe, à une simple opération mathématique.

178.
    A ce propos, il convient de rappeler que le consultant Lazard Frères a analysé l'impact de l'aide litigieuse sur les ratios financiers d'Air France, en soulignant la nécessité de tenir compte des ratios de structure financière, du ratio de couverture des frais financiers et du ratio de rentabilité des fonds propres (JO p. 84). C'est après avoir examiné ces données que la Commission est arrivée au ratio d'endettement 1,12:1, en constatant que «ce ratio est supérieur au ratio moyen de l'aviation civile où le chiffre de 1,5 est considéré comme acceptable» (JO p. 85).

179.
    Il y a lieu de relever que cette comparaison entre les deux chiffres de ratio d'endettement est basée sur une étude réalisée par KPMG en association avec l'IATA. Cette étude (annexe 45 à la requête dans l'affaire T-371/94), rédigée en août 1992, comporte le passage suivant (p. 26/27):

«ratios dette/fonds propres

[...]

On a demandé à certains responsables de compagnies aériennes quel était à leur avis le ratio d'endettement optimal d'une compagnie aérienne. La fourchette des réponses va de 0,5:1 à 4:1; il n'apparaît toutefois pas clairement si les contrats de louage à long terme sont inclus ou non dans ces réponses. La moyenne des réponses reçues indique un rendement optimal de 1,5:1.

Il leur a ensuite été demandé d'indiquer les ratios d'endettement de leur propre compagnie, en incluant puis en excluant les contrats de louage à long terme. Le ratio d'endettement moyen des compagnies qui ont répondu est de 2,3:1 si l'on inclut les contrats de louage à long terme et de 2,1:1 si on les exclut.

[...]

Il y a des variations significatives dans la manière de calculer les ratios d'endettement. Par conséquent, il est difficile de procéder à des comparaisons utiles entre les différentes compagnies aériennes [...]»

180.
    Comme il ressort de ce texte, le caractère représentatif des chiffres établis par l'enquête menée au sein de l'aviation civile est assez faible. Eu égard aux «variations significatives» constatées dans la manière de calculer les ratios d'endettement, l'écart existant entre les chiffres 1,12:1, 1,5:1, 2,1:1 et 2,3:1 ne saurait donc être qualifié, à lui seul, de significatif pour démontrer une méconnaissance, par la Commission, de la position financière d'Air France par rapport à la position moyenne de l'aviation civile.

181.
    Cela étant constaté, il n'apparaît pas que le chiffre de 1,12:1, envisagé pour la fin de 1996, soit disproportionné, eu égard aux chiffres susmentionnés allant de 0,5:1 à 4:1 ainsi qu'aux ratios de 1,25:1, de 0,78:1, de 0,75:1 et de 0,41:1 approuvés par la Commission dans ses décisions Sabena, Olympic Airways et Aer Lingus (citées aux points 55 et 174 ci-dessus). Il en est de même du ratio de couverture des fraisfinanciers d'Air France, dont la Commission a indiqué qu'il s'élèverait en 1996 à 2,44:1 et serait ainsi très proche du taux moyen de 2,42:1 atteint par ses concurrents en 1993 (JO p. 85).

182.
    Pour les raisons exposées au point 176 ci-dessus, le grief selon lequel le rapport Ernst & Young aurait lui-même considéré que 15,25 milliards de FF étaient suffisants pour qu'Air France atteigne le ratio d'endettement optimal de 1,5:1 ne saurait être retenu. A titre surabondant, il y a lieu d'ajouter que, ainsi que la Commission l'a fait observer, le passage dudit rapport, cité par les requérantes (p. 21, footnote 21), se borne à apporter une correction au calcul, opéré par ces dernières, du montant nécessaire pour atteindre le ratio de 1,5:1, ce montant s'élevant, d'après Ernst & Young, à 15,25 et non pas à 13,9 milliards de FF. Par ailleurs, le rapport Ernst & Young poursuit en relevant que, en tout état de cause, il n'existe aucune raison particulière pour que le ratio d'endettement d'Air France soit de 1,5:1.

183.
    C'est à juste titre que la Commission affirme que le rapport de l'IATA intitulé «Airline Economic Results and Prospects», auquel les requérantes se réfèrent, reproduit les ratios d'endettement moyens de plus de 30 compagnies aériennes dans le monde entier, y compris Iran Air, Royal Air Maroc, Tunis Air, qui ne ressemblent guère à Air France sur le plan de la structure industrielle et financière et qui ne sont pas en véritable concurrence avec elle. La Commission n'était donc pas tenue de comparer le ratio d'endettement d'Air France à ceux des compagnies aériennes faisant l'objet dudit rapport.

184.
    Pour autant que les requérantes se sont interrogées, dans leur requête, sur le point de savoir si le calcul du ratio d'endettement d'Air France reposait sur des chiffres bruts ou nets, il suffit de constater que la Commission a souligné, dans son mémoire en défense, sans être contredite par les requérantes, avoir tenu compte d'un chiffre net, de sorte que le ratio d'endettement n'a pas été gonflé par l'emploi d'un montant de dettes brut. Enfin, rien n'obligeait la Commission à calculer le ratio d'endettement d'Air France au-delà de la période de restructuration, cette dernière constituant la seule période de référence pour l'assujettissement de la République française et d'Air France à la plupart des conditions d'autorisation de l'aide.

185.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste d'appréciation quant au calcul et à la prise en considération des ratios financiers mentionnés dans la décision attaquée, le grief doit être rejeté.

E — Sur le grief pris de ce que la Commission se serait abstenue à tort d'exiger la vente d'actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

186.
    Les requérantes soutiennent que la Commission a eu manifestement tort de conclure que le montant de l'aide litigieuse ne pouvait pas être diminué à raison de la vente d'autres actifs d'Air France en dehors de ceux prévus dans le plan de restructuration. En effet, le principe de proportionnalité exigerait qu'une entreprise envisageant de se restructurer utilise l'intégralité de ses propres ressources avant de faire appel à l'aide d'État. Par conséquent, la Commission aurait dû exiger d'Air France qu'elle se procure des liquidités en cédant l'intégralité de ses actifs non aériens, quelle que soit l'importance des sommes dégagées. Si tel avait été le cas, le montant de l'aide aurait pu être très inférieur.

187.
    A ce propos, les requérantes soulignent que le groupe Air France comprend 103 sociétés actives dans des secteurs connexes aux voyages mais distincts des transports aériens, tels que le tourisme, la restauration, la maintenance aéronautique, l'informatique commerciale et le transit de fret, parmi lesquels on trouve des sociétés de l'importance du groupe Servair et de Jet Tours, qui ont respectivement réalisé un chiffre d'affaires de 2,6 et de 2,4 milliards de FF en 1993. Ses activités

couvriraient des opérations aussi éloignées du transport aérien que la fabrication de fromages. Plus de 20 % des recettes d'Air France proviendraient d'activités n'ayant aucun rapport avec le transport aérien. En outre, Air France détiendrait des participations dans 20 compagnies aériennes.

188.
    La vente d'un certain nombre de participations détenues par Air France dans d'autres compagnies, en particulier dans Air Inter et Sabena, pourrait dégager, de l'avis des requérantes, des sommes suffisamment importantes pour rendre inutile une grande partie de l'aide. Sans l'aide litigieuse, Air France devrait, comme n'importe quelle société mère enregistrant des pertes, s'adresser à ses filiales, y compris Air Inter, pour qu'elles contribuent à limiter ses pertes. A titre indicatif, les requérantes ont calculé la valeur des participations d'Air France dans huit compagnies aériennes (Air Charter, Air Inter, Sabena, MEA, Austrian Airlines, Tunis Air, Air Mauritius, Royal Air Maroc) et une autre société (Servair). Dans l'ensemble, ces participations pourraient être évaluées entre 3,1 milliards et 6 milliards de FF.

189.
    En ce qui concerne Air Inter, les requérantes ont relevé, à l'audience, que sa prétendue utilité pour Air France était, en vérité, très restreinte. Le rôle d'Air Inter serait limité à attirer les passagers des provinces françaises sur la plate-forme («hub») d'Air France à l'aéroport Charles de Gaulle au départ des vols internationaux. Or, Air France aurait pu arriver exactement au même résultat soit en utilisant ses propres avions, soit en concluant des accords de collaboration avec d'autres compagnies, y compris Air Inter. Les requérantes considèrent, dès lors, qu'Air Inter n'est pas un actif indispensable au fonctionnement d'Air France.

190.
    Les requérantes affirment que la participation de 37,5 % détenue par Air France dans le capital de la compagnie Sabena peut être évaluée à 6 milliards de BFR. Air France aurait acheté ces actions en 1992, ce qui suggère, selon les requérantes, que cette participation peut difficilement être considérée comme vitale pour Air France, étant donné qu'elle a pu fonctionner sans cela pendant de nombreuses années. Par ailleurs, le président de Sabena aurait déclaré publiquement, en septembre 1994, qu'Air France devrait céder sa participation. Les requérantes rappellent qu'elles ont informé la Commission, dès le stade de la procédure administrative, que de nombreux indices tendaient à prouver que la poursuite d'une alliance entre Air France et Sabena n'avait plus aucune raison d'être. Dans ce contexte, elles se réfèrent à un article de presse paru en juin 1994 (annexe 46 à la requête), selon lequel la compagnie belge souhaiterait qu'Air France cède sa participation.

191.
    Du reste, le paiement par Air France d'un quart de la somme due pour sa prise de participation dans le capital de Sabena aurait été effectué quelques jours après l'adoption de la décision attaquée. Air France utiliserait, à l'évidence, l'aide pour faire face à cette dépense étant donné son manque de liquidités. La Commission aurait dû empêcher Air France de payer ce solde, l'aide autorisée à des fins de restructuration ne pouvant pas être utilisée pour l'acquisition de parts dans d'autres compagnies. Si elle avait été empêchée de procéder à ce paiement, Air France

aurait sans doute éprouvé la nécessité de céder sa participation dans Sabena dans le cadre de son effort de restructuration.

192.
    Les requérantes soulignent qu'elles n'exigent pas d'Air France de vendre des actifs faisant indéniablement partie de ses actifs stratégiques. Elles considèrent néanmoins qu'Air France aurait dû vendre, notamment, des actifs qu'elle décrit elle-même comme des actifs non essentiels dans son rapport annuel pour l'exercice 1993. Se référant à un article de presse, les requérantes ajoutent qu'Air France envisageait apparemment, en septembre 1994, la vente de certains des actifs que, un mois auparavant, la Commission considérait comme ne pouvant pas être cédés, comme sa participation dans le groupe Servair ou sa participation dans Amadeus, un système informatique de réservation. A lui seul, ce fait rendrait caduque la conclusion de la Commission selon laquelle Air France n'a pas besoin de vendre d'autres actifs, car aucun d'entre eux ne lui permettrait de mobiliser suffisamment de ressources.

193.
    En réponse à l'affirmation de la Commission, selon laquelle il n'était pas possible, pour des raisons de confidentialité, de révéler quels étaient les autres actifs dont Air France avait l'intention de se défaire, les requérantes rétorquent que telle est pourtant la pratique suivie par la Commission lorsqu'elle exige d'une entreprise, comme condition préalable à l'approbation de concentrations au titre du règlement n. 4064/89 (cité au point 55 ci-dessus), qu'elle procède à la vente d'actifs. Ainsi, elle aurait exigé la vente d'actifs nommément cités dans sa décision 91/403/CEE, du 29 mai 1991, déclarant la compatibilité avec le marché commun d'une concentration (affaire IV/M043 — Magneti Marelli/CEAc) (JO L 222, p. 38), et dans sa décision 92/553/CEE, du 22 juillet 1992, relative à une procédure au titre du règlement n° 4064/89 (affaire IV/M.190 — Nestlé/Perrier) (JO L 356, p. 1). Par ailleurs, même si les actifs non essentiels d'Air France n'avaient pu être vendus avant l'autorisation de l'aide, la Commission aurait pu exiger le placement des actifs chez un mandataire, par exemple une banque d'investissement, qui aurait pu en organiser la vente. Les requérantes se réfèrent, à titre d'exemple, à l'affaire du Crédit Lyonnais (JO 1995, C 121, p. 4), où une nouvelle structure a été créée, le consortium de réalisations, filiale à 100 % du Crédit Lyonnais, qui devait acheter des actifs du Crédit Lyonnais destinés à être cédés ou liquidés. De même, en l'espèce, la participation d'Air France dans Sabena aurait pu être transférée à une banque qui aurait pu avancer de l'argent en attendant la vente à un tiers.

194.
    A l'audience, les requérantes ont encore souligné que, aussi longtemps que la décision attaquée n'imposait pas la vente d'actifs nommément désignés, Air France n'avait aucun intérêt à vendre des actifs pendant la période de restructuration, parce que cette vente aurait entraîné une diminution de l'aide accordée. Ce constat serait confirmé par l'évolution postérieure qui a permis à Air France de «contrebalancer» la vente de sa participation dans Sabena par le manque à gagner résultant de ce qu'elle avait vendu moins d'avions que prévu. Cela prouverait que

la vente des actifs non essentiels aurait dû être évaluée par la Commission dès le départ.

195.
    Le royaume de Danemark soutient que, dans sa décision Aer Lingus (citée au point 55 ci-dessus), la Commission a contraint Aer Lingus à se séparer des actifs étrangers au transport afin de contribuer à la restructuration pour un montant plus important que le montant de l'aide reçue. La partie intervenante rappelle, en outre, qu'Air France a effectivement vendu ses parts dans la compagnie tchèque CSA. On ne comprendrait pas pourquoi Air France ne pouvait pas vendre également ses participations dans Sabena ou dans Air Inter.

196.
    Le Royaume-Uni considère que la Commission aurait dû prendre sérieusement en considération la possibilité pour Air France de céder ses intérêts dans Sabena. Une telle cession n'aurait pas nécessairement empêché la poursuite des accords commerciaux existant entre les deux compagnies. En effet, beaucoup de compagnies aériennes auraient conclu entre elles de tels accords, sans qu'on juge nécessaire que chaque compagnie possède une participation minoritaire importante dans l'autre. La Commission n'aurait pas non plus expliqué pourquoi Air France ne pouvait pas céder ses parts dans Air Inter, d'autant plus que le contrôle de la première sur la seconde serait le résultat d'une acquisition relativement récente. Enfin, certaines sociétés appartenant au groupe Air France seraient très rentables, telles que le groupe Servair, et auraient donc pu dégager des ressources appréciables à la vente. D'autres sociétés seraient effectivement déficitaires, de sorte que leur vente ou leur cessation d'activité aurait pu entraîner une baisse importante des déficits du groupe Air France et, partant, une diminution du montant de l'aide nécessaire.

197.
    Le royaume de Norvège estime que la Commission a négligé d'exiger d'Air France qu'elle vende tous ses actifs «non aériens». Une telle vente serait un élément important d'un plan de restructuration non seulement à cause de la contribution à la liquidité de l'entreprise concernée, mais également aux fins de réduire ses coûts, de rétablir son identité et de recentrer ses activités. Or, en l'espèce, il y aurait un grand nombre d'activités d'Air France de caractère périphérique par rapport aux activités essentielles d'une compagnie aérienne. British Airways, SAS, KLM et d'autres compagnies aériennes internationales auraient adopté des mesures visant à la sous-traitance de certaines prestations de services pouvant être assurées à un moindre coût par des tiers indépendants. Ces compagnies auraient aliéné de nombreux actifs non aériens, même si les recettes réalisées par chaque vente individuelle pouvaient être insignifiantes.

198.
    La Commission conteste avoir omis de prendre en considération les possibilités existantes pour Air France de vendre certains de ses actifs. Après avoir examiné les diverses participations détenues par Air France, elle serait arrivée à la conclusion que la vente des actifs envisagée dans le plan était adéquate dans le cadre de sa restructuration. Toutefois, les participations d'Air France dans Sabena ou dans Air Inter n'auraient pas été évaluées, au motif que leur vente ne faisait pas

partie du plan de restructuration et que ces participations pouvaient être considérées comme des actifs essentiels d'Air France.

199.
    A l'audience, la Commission a précisé que, l'essentiel des activités d'Air France et d'Air Inter étant le transport aérien, il ne peut faire l'ombre d'un doute qu'Air Inter constitue un actif essentiel d'Air France. L'importance d'Air Inter pour Air France viendrait du fait que, contrairement à d'autres compagnies aériennes, Air France n'a pas de réseau national. C'est la raison pour laquelle la Commission aurait admis qu'Air Inter était effectivement un actif essentiel pour Air France qui ne devait pas courir le risque de voir celle-ci passer sous contrôle de la concurrence. Air France a ajouté que les synergies commerciales avec Air Inter étaient indispensables à sa survie, la maîtrise d'un réseau intérieur étant vitale pour une grande compagnie aérienne. Air France aurait besoin d'Air Inter pour bénéficier des apports de correspondances du réseau domestique afin d'alimenter ses vols long-courriers. D'ailleurs, toutes les grandes compagnies aériennes européennes contrôleraient leur réseau intérieur et préféreraient donc avoir une participation majoritaire dans leur réseau domestique plutôt que de passer des accords commerciaux avec ce réseau.

200.
    La Commission souligne que l'aliénation d'actifs par Air France a été examinée en tenant dûment compte de l'ensemble de ses intérêts et de sa stratégie globale. Ce faisant, la Commission aurait eu la conviction que les aliénations d'actifs envisagées par Air France étaient suffisantes. Dans ce contexte, la vente d'actifs par d'autres compagnies aériennes en d'autres circonstances et à d'autres époques ne serait pas pertinente pour examiner la question de savoir quels actifs devaient être aliénés par Air France. En effet, la nature et l'étendue des intérêts des diverses compagnies aériennes rendraient toute comparaison futile.

201.
    Elle ajoute qu'il n'a pas été possible de désigner nommément d'autres actifs et participations dont Air France entendait se défaire, car cette divulgation aurait constitué une immixtion dans la conduite des négociations en cours portant sur ces actifs et aurait pu leur être préjudiciable. Par ailleurs, la décision attaquée n'interdirait pas l'aliénation d'autres actifs. Les conditions du marché pourraient évoluer et créer des incitations à aliéner des actifs non envisagés par le plan de restructuration ou influer sur le prix de ceux dont l'aliénation y est prévue. En vérifiant la proportionnalité de l'aide par rapport aux besoins de la restructuration, la Commission aurait souligné (JO p. 86) que les montants à payer pouvaient être ajustés au besoin, afin de tenir compte de l'évolution de la situation financière d'Air France à la suite, notamment, de la vente d'actifs.

202.
    La mention par les requérantes des pouvoirs que le règlement sur les concentrations confère à la Commission serait dénuée de pertinence, puisque les concentrations affectent la structure même du marché considéré. De même, le renvoi à la possibilité de placer des actifs chez un mandataire chargé d'en organiser la vente ne serait d'aucun soutien à l'argumentation des requérantes. En effet, le

contrôle d'une entreprise serait la question même qui se pose en droit des concentrations, alors que ce ne serait pas le cas en l'espèce. Quant au consortium de réalisations institué par le plan du Crédit Lyonnais, la Commission souligne qu'il s'agit d'une filiale à 100 %, l'opération constituant une réorganisation interne d'un groupe.

203.
    En tout état de cause, aucune partie de l'aide litigieuse n'aurait été destinée à servir à Air France pour payer la dernière tranche de sa participation dans Sabena. L'aide aurait été autorisée afin de réduire la charge des frais financiers d'Air France. Du reste, il aurait été illégal d'inciter Air France à ne pas honorer ses engagements contractuels vis-à-vis de Sabena et à favoriser ainsi une rupture de contrat.

204.
    La République française et Air France soulignent que la participation d'Air France dans le capital de Sabena était un de ses actifs essentiels et stratégiques. En juillet 1994, tout aurait laissé supposer que la renégociation de l'accord relatif à cette prise de participation entraînerait pour Air France une perte très importante et mettrait Sabena dans une situation délicate. Selon les parties intervenantes, c'est seulement en octobre 1994 que le gouvernement belge a annoncé sa décision de recapitaliser Sabena. En juillet 1994, ni Air France ni le gouvernement français n'auraient connu les intentions du gouvernement belge à cet égard. Air France n'ayant pu suivre l'augmentation de capital préconisée par le gouvernement belge, ce dernier lui aurait alors proposé de racheter sa participation, tandis qu'un nouveau partenariat entre Sabena et Swissair était envisagé.

205.
    Air France précise que certains de ses actifs hors métiers de base avaient déjà été cédés dans le cadre du début de mise en oeuvre du projet. Ainsi, sa participation dans le capital de la compagnie aérienne tchèque CSA aurait été cédée le 25 mars 1994. De même, la participation de Servair (détenue à 75 % par Air France) dans le capital de Saresco et, en conséquence, de sa filiale opérant dans la fabrication de fromages, aurait été cédée. La cession du groupe hôtelier Méridien, effectivement intervenue entre-temps, aurait porté sur 20 des 103 entreprises du groupe. Il ressortirait clairement de la décision attaquée que d'autres cessions sont prévues dans le cadre du projet. Le calendrier prévisionnel et une estimation du montant de ces cessions auraient été communiqués à la Commission pour tous les actifs non aériens ayant une valeur significative. Les actifs en question n'auraient, toutefois, pas été explicitement cités dans le texte de la décision pour des raisons évidentes de confidentialité.

206.
    Air France a souligné, à l'audience, que le système informatisé de réservation Amadeus constitue une activité certes non aérienne mais essentielle pour toutes les activités aériennes du groupe. Contrairement aux insinuations des requérantes, sa participation dans Amadeus n'aurait pas été vendue et elle n'aurait pas l'intention de la vendre.

207.
    Quant à Servair, Air France a confirmé, également à l'audience, que sa cession était prévue dans le plan de restructuration. Les recettes de la vente de Servair auraient figuré dans les projections financières et auraient donc été prises en considération pour diminuer le montant de la recapitalisation. Toutefois, cette information aurait dû demeurer confidentielle, d'une part, afin de pouvoir négocier la vente de Servair à meilleur prix et, d'autre part, compte tenu des risques d'agitation sociale que cette nouvelle n'aurait pas manqué de susciter chez Servair, ce qui aurait gravement remis en cause la qualité du service en vol d'Air France, qui est très dépendante de ce fournisseur essentiel en plateaux-repas. Le suivi de la vente de Servair aurait été examiné dans le détail par la Commission et ses experts à l'occasion de l'autorisation des deuxième et troisième tranches d'aide.

208.
    En ce qui concerne les autres actifs, comme Air Charter et Jet Tours, Air France a souligné, à la même occasion, qu'ils font indiscutablement partie de ses actifs stratégiques. Par ailleurs, les ventes de Jet Tours et d'Air Charter auraient procuré à Air France des recettes insignifiantes. Enfin, les ventes des participations minoritaires d'Air France dans Royal Air Maroc, Austrian Airlines, Tunis Air, Air Mauritius et Aéropostale auraient été examinées en détail par la Commission. Elles n'auraient pu dégager de produits significatifs et n'auraient eu aucun effet sur le montant de la recapitalisation.

Appréciation du Tribunal

209.
    Il convient de rappeler que la Commission a, dans le cadre de l'examen de l'aide litigieuse, estimé que la restructuration d'Air France, la plus grande compagnie aérienne française et l'une des trois plus grandes compagnies européennes, contribuerait au développement du transport aérien européen par l'amélioration de sa compétitivité et serait donc conforme à l'intérêt commun (JO p. 83). La Commission a ainsi indiqué qu'elle ne poursuivait pas une politique visant le démantèlement complet du groupe Air France mais qu'elle préférait maintenir Air France à sa place parmi les plus grandes compagnies aériennes européennes, aux côtés de Lufthansa et de British Airways. Impliquant des appréciations complexes de politique économique, l'exercice du pouvoir discrétionnaire dont jouit la Commission en vertu de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, ayant abouti à l'adoption de la décision attaquée, ne peut être censuré en l'espèce qu'au titre d'une erreur manifeste d'appréciation ou d'une erreur de droit, d'autant plus que la Commission a pris soin d'organiser, au moyen de l'échelonnement en trois tranches du versement de l'aide, un contrôle de l'évolution de la situation financière d'Air France, qui lui permettait d'adapter, le cas échéant, les montants à verser (JO p. 86).

210.
    C'est dans le cadre de l'exercice de son pouvoir discrétionnaire que la Commission n'a désigné qu'un nombre restreint d'actifs hors métiers de base — à savoir la chaîne hôtelière Méridien, un bâtiment ainsi que des avions atteints par la limite d'âge et

des pièces de rechange (JO p. 75 et 76) — dont la cession était imposée à Air France, afin que le montant de l'aide pût être limité à 20 milliards de FF.

211.
    Sont, par conséquent, dépourvus de pertinence tant l'argument tiré par le royaume de Danemark de la décision Aer Lingus (citée au point 55 ci-dessus), dans laquelle la Commission aurait imposé au bénéficiaire de l'aide la vente de tous ses actifs hors métiers de base, que la référence du royaume de Norvège à l'exemple de British Airways, de SAS, de KLM et d'autres compagnies aériennes internationales, qui auraient cédé, dans le cadre de leur restructuration, de nombreux actifs non aériens. En effet, les circonstances d'une restructuration sont conditionnées par la situation concrète de la seule entreprise concernée. Le fait que les compagnies susmentionnées aient été amenées, ou obligées, dans le contexte factuel de leur propre restructuration, à céder de nombreux actifs ne saurait donc, à lui seul, remettre en question la décision prise par la Commission, dans la situation spécifique du mois de juillet 1994, visant à maintenir Air France dans le concert des trois plus grandes compagnies aériennes européennes et à l'autoriser à conserver la plupart de ses actifs.

212.
    Par conséquent, la Commission pouvait considérer comme des actifs non susceptibles d'être aliénés par Air France les trois catégories d'actifs suivantes: en premier lieu, ceux qui étaient essentiels pour le fonctionnement actuel et futur dela compagnie, en tant que transporteur aérien; en second lieu, ceux qui lui servaient d'éléments de stratégies de coopération et dont il fallait éviter qu'ils pussent passer sous le contrôle d'un concurrent; enfin, ceux qui concernaient des activités étroitement liées au fonctionnement d'une grande compagnie aérienne. Ainsi qu'il ressort du dossier, la Commission a qualifié d'inaliénables de tels actifs, notamment Air Charter, Air Inter, Sabena, Amadeus et Jet Tours.

213.
    Quant à la compagnie Air Charter, il suffit de relever qu'elle est active, tout comme Air France, dans le secteur aérien lui-même. Elle appartient donc aux métiers de base d'Air France. S'il est vrai qu'Air Charter est spécialisée dans le transport aérien charter, c'est-à-dire un marché spécifique par rapport à celui du transport aérien régulier, il ne s'agit là que de deux aspects d'une même activité aérienne, dont la division en deux compagnies séparées ne traduit, en définitive, qu'une répartition interne des fonctions. Il s'ensuit que la Commission pouvait, à juste titre, considérer qu'Air Charter constituait un élément essentiel de l'activité aérienne d'Air France.

214.
    En ce qui concerne la compagnie Air Inter, il convient de rappeler que, dans la décision attaquée, la Commission indique que le gouvernement français s'est engagé à faire d'Air France le seul bénéficiaire de l'aide en cause et à créer à cet effet un holding qui contrôlerait à la fois Air Inter et Air France (engagement n° 1). La Commission considère que cet engagement atténue ses préoccupations quant aux effets secondaires de l'aide, parce qu'il empêche Air France d'utiliser l'aide pour subventionner les activités d'Air Inter. Se fondant sur les informations reçues au sujet de la structure future du holding, ainsi que sur l'engagement

correspondant des autorités françaises, la Commission estime que le bénéficiaire de l'aide est la compagnie nationale Air France et ses filiales, dont Air Charter (JO p. 81 et 86).

215.
    Or, il est constant qu'Air France, contrairement à Lufthansa et à British Airways, ne disposait pas de réseau domestique avant d'avoir pris le contrôle d'Air Inter en 1990. C'est donc à juste titre que la Commission a estimé que ce contrôle — aménagé, pendant la période de restructuration, par le mécanisme du holding décrit ci-dessus — était essentiel pour le fonctionnement actuel et futur d'Air France, du fait que sa perte risquait de porter sérieusement atteinte au trafic aérien d'apport («feeder traffic») d'Air France, dont Air Inter était chargée. En effet, les activités d'Air Inter sont essentiellement concentrées sur le transport aérien à l'intérieur du territoire français. Or, ce marché intérieur français fournit un apport substantiel de passagers vers la plate-forme d'Air France à l'aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle [ci-après «Paris (CDG)»]. Dans ces circonstances, il est évident qu'Air France ne peut pas courir le risque de voir Air Inter passer, après l'avoir cédée, sous l'influence d'une compagnie concurrente et de perdre ainsi le contrôle sur une partie substantielle de son trafic aérien d'apport.

216.
    Le rattachement direct d'Air Inter à Air France ne pouvait pas non plus être valablement remplacé par le transfert d'Air Inter à une banque et par la conclusion concomitante d'accords commerciaux relatifs audit trafic aérien d'apport avec Air Inter ou avec d'autres compagnies. En effet, les requérantes n'ont pas établi que cette solution pouvait écarter le risque de voir Air Inter absorbée par une compagnie concurrente et compromettre ainsi le fonctionnement du trafic aérien d'apport d'Air France. Quant à la conclusion de tels accords avec d'autres compagnies aériennes, il suffit de relever que, en juillet 1994, la position concurrentielle d'Air Inter sur le marché domestique français était tellement forte qu'il ne pouvait pas être exigé d'Air France, désireuse de se restructurer et de retrouver sa rentabilité, de remplacer ses relations bien établies avec Air Inter par des contrats avec des compagnies qui ne diposaient pas encore d'infrastructures sur le marché français comparables à celles d'Air Inter.

217.
    En réponse à l'argument des requérantes, selon lequel Air France pourrait elle-même prendre en charge son propre trafic aérien d'apport, notamment sur le réseau domestique français, il importe de constater que le plan de restructuration d'Air France prévoit une flotte en exploitation de 146 avions, sans affecter cette flotte spéciquement à ce trafic aérien d'apport. Au contraire, c'est surtout sur le long-courrier que ce plan envisage une croissance de l'offre d'Air France, ce qui présuppose une utilisation intensifiée de sa flotte dans ce domaine. Dans cette optique, la desserte du marché domestique revient essentiellement à Air Inter qui doit utiliser ses propres avions à cet effet. Or, il n'appartenait pas à la Commission d'ordonner à Air France de se concentrer sur le marché domestique, une telle mesure comportant le risque de provoquer son affaiblissement sur les vols internationaux.

218.
    Quant à la participation d'Air France dans le capital de Sabena, il convient d'admettre qu'Air France ne détenait, à l'époque, qu'une participation minoritaire (37,58 %) dans le capital de la compagnie belge. Cela n'exclut pourtant pas que cette participation constituait un élément stratégique important de l'activité aérienne d'Air France. En effet, il y a lieu de rappeler la décision du 5 octobre 1992 (annexe 24 aux observations des requérantes sur les interventions dans l'affaire T-371/94), par laquelle la Commission a déclaré ne pas s'opposer au protocole d'accord signé par Air France, Sabena et l'État belge, qui a conféré à Air France, à travers la société Finacta, une participation de 37,58 % dans le capital de Sabena (37,5 % des droits de vote).

219.
    Cette décision, accessible à tout intéressé (voir la communication au Journal officiel des Communautés européennes du 21 octobre 1992, C 272, p. 5), fait état, entre autres, de ce que:

—    Finacta, contrôlée par Air France, doit approuver la nomination du président et du vice-président de Sabena (droit de veto) et est en mesure de bloquer les décisions du conseil d'administration de Sabena qui impliquent un changement de stratégie, du «business plan», du plan d'investissement et du plan de coopération industrielle;

—    les présidents d'Air France et de Sabena se concerteront en cas de difficulté importante dans le fonctionnement des organes ou dans la mise en oeuvre de la stratégie;

—    les éléments fondamentaux de la stratégie future de Sabena ont été codécidés par Air France.

220.
    Dans cette décision de 1992, la Commission qualifie Sabena, en substance, d'entreprise commune contrôlée conjointement par l'État belge et Air France, cette dernière disposant de droits, qui vont bien au-delà de ceux normalement reconnus aux actionnaires minoritaires, et des moyens pour maîtriser le comportement de Sabena sur le marché. Quant à l'objectif de l'accord, la Commission relève qu'il vise à développer la coopération entre Air France et Sabena, à mettre en oeuvre l'ensemble des synergies possibles entre les deux partenaires et notamment à créer un réseau intracommunautaire centré sur l'aéroport de Bruxelles-Zaventem.

221.
    Eu égard à cette décision du 5 octobre 1992, que les parties intéressées sont censées connaître, la Commission pouvait donc raisonnablement considérer qu'il fallait éviter que la participation d'Air France dans le capital de Sabena, constitutive d'un outil d'alliance stratégique pour Air France, soit abandonnée, de sorte qu'un concurrent puisse prendre la place privilégiée occupée jusqu'alors par Air France.

222.
    Quant à la thèse du Royaume-Uni, selon laquelle cette participation aurait pu être remplacée par des accords de coopération, il suffit de relever qu'elle méconnaît le

caractère particulier de la participation en cause qui, tout en étant minoritaire, conférait à Air France un pouvoir de contrôle sur le comportement commercial de Sabena et dépassait donc l'influence qu'un partenaire contractuel peut exercer normalement. Le Royaume-Uni n'a pas établi qu'Air France aurait également pu accéder à une telle position privilégiée, sans participation dans le capital de Sabena. La spécificité de l'alliance entre Air France et Sabena s'oppose en outre à toute comparaison avec la vente, effectivement intervenue en mars 1994, de la participation qu'Air France a détenue dans le capital de la compagnie tchèque CSA.

223.
    Il est vrai que, peu après l'adoption de la décision attaquée, Air France a versé 170 millions de FF pour couvrir la dernière tranche du prix d'acquisition de sa participation dans le capital de Sabena. Toutefois, rien ne permet de considérer que l'aide litigieuse ait été destinée et utilisée à cet effet. D'une part, ainsi que la République française et Air France l'ont relevé, ce paiement résultait d'obligations contractuelles datant de 1992, donc antérieures à l'autorisation de l'aide (voir la décision de la Commission du 5 octobre 1992, citée aux points 218 et 219 ci-dessus). Comme le gouvernement français l'a rappelé devant le Tribunal, ces obligations prévoyaient un échéancier de versements à effectuer par Air France en 1992, en 1993 et, pour la dernière tranche, entre le 15 et le 31 juillet 1994. L'existence de cette dernière obligation de paiement pesant sur Air France ne pouvait pas raisonnablement avoir pour effet, à elle seule, de bloquer, ne serait-ce que partiellement, une aide visant le désendettement et la restructuration d'Air France. D'autre part, vu le montant relativement modeste, ce paiement ne dépassait pas les limites d'un investissement normal. Par conséquent, la Commission pouvait admettre qu'il serait couvert par les ressources provenant de la vente par Air France de ses actifs et par les recettes de son exploitation courante (voir, ci-dessus, points 140 et 141).

224.
    Il est également avéré que la participation d'Air France dans le capital de Sabena a ultérieurement été cédée pour 680 millions de FF [communication de la Commission concernant la troisième tranche de l'aide à la restructuration d'Air France approuvée par la Commission le 27 juillet 1994 (JO 1996, C 374, p. 9, 14)]. Toutefois, ainsi que la République française et Air France l'ont souligné sans être contredites sur ce point, ce n'est qu'en octobre 1994 que le gouvernement belge, actionnaire majoritaire de Sabena, a décidé qu'une recapitalisation de Sabena était nécessaire, ce qui signifiait de facto l'exclusion d'Air France qui ne pouvait pas suivre cette recapitalisation. En outre, le désengagement d'Air France du capital de Sabena n'a été finalisé qu'en juillet 1995. Le Tribunal constate donc que, à la date de l'adoption de la décision attaquée, rien n'indiquait à la Commission qu'Air France envisageait sérieusement de mettre fin à son alliance avec Sabena et de céder sa participation. Dans ces circonstances, la Commission n'était pas tenue d'inférer des rumeurs de presse invoquées par les requérantes, et faisant état d'une acquisition imminente par Swissair de la participation en cause, que, dès juillet

1994, Air France ne considérait plus sa participation dans le capital de Sabena comme un élément stratégique important de son activité aérienne.

225.
    Il convient d'ajouter que la Commission a expressément indiqué, dans sa décision du 21 juin 1995 autorisant le paiement de la deuxième tranche de l'aide litigieuse (communication publiée au JO C 295, p. 2 et 5), que l'incidence financière d'une vente de cette participation serait prise en compte dans le cadre de sa décision sur le paiement de la troisième tranche de l'aide. Or, la légalité de ces décisions, postérieures à la décision attaquée en l'espèce, ne saurait être examinée dans le cadre des présents litiges qui portent sur la légalité de la seule décision du 27 juillet 1994.

226.
    Pour ce qui est d'une éventuelle vente d'Amadeus, il y a lieu de préciser que cet actif constitue le système informatisé de réservation d'Air France. A cet égard, Air France a expliqué qu'elle avait confié à Amadeus toute l'activité de réservation pour ses billets, qu'elle était complètement dépendante de ce système pour leur distribution et qu'un tel système était indispensable pour le développement de l'activité aérienne, raison pour laquelle la très large majorité des compagnies aériennes en disposerait. Le Tribunal estime que, dans ces conditions, laCommission pouvait raisonnablement considérer que cet actif d'Air France n'était pas susceptible d'être cédé en ce qu'il concernait une activité étroitement liée au fonctionnement d'une grande compagnie aérienne.

227.
    Il en va de même pour la participation d'Air France dans le capital de la société Jet Tours, active dans le secteur du tourisme. Il s'agit là d'un secteur économique qui est connexe, au moins partiellement, au secteur aérien. La Commission pouvait donc considérer Jet Tours comme un actif destiné à amener des clients touristes tant à Air France qu'à Air Charter. Par conséquent, elle était autorisée à conclure qu'Air France ne devait pas être forcée de s'en séparer.

228.
    Les requérantes ne sauraient pas plus faire grief à la Commission de ne pas avoir imposé à Air France la vente globale de ses participations minoritaires dans d'autres compagnies aériennes telles que Tunis Air, Air Mauritius, Royal Air Maroc et Austrian Airlines. En effet, vu le caractère plutôt négligeable d'une telle vente, le désengagement total d'Air France du capital de ces compagnies aurait été sans lien direct essentiel avec son plan de restructuration.

229.
    Quant à la déclaration faite par Air France lors de l'audience, selon laquelle la cession d'autres actifs non nommément désignés dans la décision attaquée, comme celle du groupe Servair, était prévue dans son plan de restructuration, et à l'éventuelle confidentialité de ces données, il convient de constater que la recette des cessions en cause, si elle était destinée à cofinancer la mise en oeuvre du plan de restructuration, ne devait pas automatiquement venir en déduction du montant d'aide de 20 milliards de FF considéré comme nécessaire et autorisé par la décision attaquée. D'ailleurs, même les 7 milliards de FF qu'Air France espérait retirer de la cession de Méridien, d'un bâtiment et de 34 avions servaient seulement à

cantonner l'aide à 20 milliards et non pas à réduire ce montant. Ce n'est qu'à l'occasion du versement des deuxième et troisième tranches de l'aide que la Commission s'est réservée le droit de prendre en considération la situation financière globale d'Air France, en tenant compte des ventes d'actifs intervenues entre-temps. Le Tribunal estime que les questions financières soulevées à l'égard de ces ventes, y compris celles de leur proportionnalité et de leur confidentialité, ne sauraient, dès lors, être examinées qu'au regard des décisions relatives à ces deuxième et troisième tranches. Or, les présents litiges ne portent pas sur la légalité de ces décisions.

230.
    L'argumentation des requérantes selon laquelle Air France aurait elle-même défini, dans son rapport annuel pour l'exercice 1993, une série de ses actifs comme «non core activities» («activités hors métiers de base»), pour en exiger la vente, manque en fait. En effet, c'est la seule traduction anglaise dudit rapport qui contient le passage invoqué par les requérantes (p. 26 et 27; annexe 4 à la requête dans l'affaire T-371/94), alors que le texte français parle d'«activités non aériennes» et ne comporte donc aucun jugement de valeur sur les actifs en cause. Or, Air France étant une compagnie française, il est évident que son rapport annuel de référence est celui rédigé en langue française.

231.
    La Commission n'ayant pas commis d'erreur manifeste en s'abstenant d'exiger qu'Air France vende les actifs désignés par les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions, le grief doit être rejeté.

232.
    Il résulte de tout ce qui précède que, sous réserve des points 84 à 120, ci-dessus, sont à rejeter tous les griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité applicable en matière d'aides d'État. Dans cette mesure, les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ont été à même de défendre leurs droits, et le Tribunal a pu exercer son contrôle juridictionnel. Par conséquent, et sauf en ce qui concerne l'autorisation d'achat de 17 nouveaux avions, la décision attaquée est, à cet égard, conforme aux exigences de l'article 190 du traité, de sorte que le grief pris d'une insuffisance de motivation doit être rejeté.

Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en considérant que l'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaine activité économique, sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide visant au développement non pas d'une certaine activité économique mais d'une entreprise particulière

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

233.
    Dans sa requête, la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que l'aide litigieuse bénéficie à une entreprise particulière et ne contribue pas au développement d'une

activité économique. En l'autorisant, la Commission aurait manifestement accordé une importance primordiale à la survie d'Air France, au lieu de mettre en balance cet objectif avec les effets négatifs de l'aide sur ses concurrents, ainsi que sur le marché du transport aérien de la Communauté.

234.
    La Commission considère les allégations de la requérante comme manifestement dénuées de tout fondement. Dans la décision attaquée, elle aurait souligné qu'elle devait tenir compte de l'évolution d'un secteur dans son ensemble et non de la seule évolution du bénéficiaire de l'aide. Ensuite, elle aurait abondamment débattu du point de savoir si l'aide pouvait bénéficier de la dérogation prévue par l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité.

Appréciation du Tribunal

235.
    Il y a lieu de constater que, dans le cas d'une entreprise de l'envergure d'Air France, une des trois plus grandes compagnies aériennes européennes, une véritable restructuration aura pour effet de favoriser le développement économique du secteur de l'aviation civile européenne (voir, en ce sens, les conclusions de l'avocat général M. Van Gerven sous l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission, C-305/89, Rec. p. I-1603, 1616 et 1630, point 17). Par conséquent, le grief ne saurait être accueilli.

236.
    Par ailleurs, la requérante a expressément admis, dans sa réplique, qu'elle ne prétendait pas qu'une aide versée à une seule entreprise était en soi illégale et a ajouté que de nombreuses aides octroyées à des entreprises individuelles sont justifiées parce qu'elles profitent à des secteurs dans leur ensemble.

237.
    Dans la mesure où la requérante reproche à la Commission d'avoir unilatéralement favorisé Air France en tenant compte des seuls éléments positifs de sa restructuration, sans prendre en considération ses effets négatifs, ces griefs seront examinés ultérieurement dans le contexte correspondant.

B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide qui altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

Exposé sommaire de l'argumentation des parties

238.
    Les requérantes considèrent que l'aide altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. L'aide servirait à abaisser artificiellement les coûts d'Air France et transférerait, par conséquent, la charge de l'abaissement des coûts aux compagnies aériennes non subventionnées. A cet égard, les requérantes rappellent que la Commission a elle-même estimé, dans l'affaire France/Commission (voir l'arrêt cité au point 79 ci-dessus, point 44), que le fait de maintenir artificiellement une entreprise en activité affaiblit la compétitivité d'autres fabricants qui avaient été amenés à accomplir leur réorganisation sans bénéficier d'aide d'État. Dans son arrêt dans cette même affaire (point 50), la Cour

aurait confirmé la décision de la Commission refusant l'autorisation de l'aide d'État, au motif qu'elle avait affaibli la compétitivité d'autres fabricants dans la Communauté, au risque de les contraindre à se retirer du marché, même s'ils avaient jusque-là pu poursuivre leurs activités grâce à une restructuration financée par leurs propres ressources. Les requérantes se réfèrent encore aux conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (cité au point 58 ci-dessus, Rec. p. 1492), ainsi qu'à l'arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 26), dont il ressort que la Commission, en appliquant l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, doit tenir compte du cadre communautaire et notamment de la situation globale du secteur en question.

239.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 souligne que la décision attaquée confirme que l'aide en question fausse le jeu de la concurrence dans l'EEE. Elle rappelle que, dans les observations soumises à la Commission au cours de la procédure administrative, elle avait suggéré que la Commission procède à l'analyse de chaque marché géographique affecté par l'aide, à savoir les liaisons particulières sur lesquelles les transporteurs aériens concernés sont en concurrence directe. Cette thèse serait confortée par l'arrêt de la Cour du 14 février 1990, France/Commission (cité au point 79 ci-dessus, point 50), dans lequel la Cour aurait indiqué qu'il y avait lieu d'examiner l'effet de l'aide sur l'ensemble des concurrents de l'entreprise bénéficiaire. La requérante précise qu'elle est en concurrence avec Air France sur les lignes Londres-Nice, Londres-Paris et Glasgow-Paris. Néanmoins, la Commission aurait conclu que tous les effets négatifs sur les conditions des échanges étaient acceptables. Ce faisant, la Commission aurait favorisé Air France, entreprise appartenant au secteur public, par rapport à la requérante, entreprise indépendante appartenant au secteur privé. Ainsi, la Commission aurait procédé à une discrimination entraînant des distorsions de la concurrence dans une mesure contraire à l'intérêt commun (arrêt de la Cour du 24 février 1987, Falck/Commission, 304/85, Rec. p. 871, point 27).

240.
    Dans ce contexte, la requérante dans l'affaire T-394/94 reproche, en outre, à la Commission d'avoir violé l'article 190 du traité en négligeant de motiver adéquatement son affirmation selon laquelle l'aide n'affecte pas les échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun et de répondre valablement aux observations soumises par la requérante lors de la procédure administrative. Les requérantes dans l'affaire T-371/94 font également valoir que la Commission n'a pas examiné sérieusement les commentaires soumis en réponse à sa communication du 3 juin 1994 par les tiers. Devant le Tribunal, elles ont produit des exemples chiffrés en énumérant des lignes individuelles avec les parts estimatives de marché des différentes compagnies aériennes en situation de concurrence sur ces lignes (n° 21 et footnotes 33 à 42 de la requête dans l'affaire T-371/94).

241.
    De même, les sociétés Maersk considèrent que la Commission aurait dû accorder plus d'attention à l'effet de l'aide sur les petites et moyennes compagnies aériennes

exerçant leur activité sur les lignes régionales. Elles font ainsi grief à la Commission d'avoir omis d'examiner l'effet négatif de l'aide litigieuse sur la concurrence dans les services aériens régionaux. A cet égard, elles affirment qu'elles desservent la ligne Lyon-Birmingham et voulaient desservir, à partir du 16 octobre 1995, la ligne Billund-Paris (CDG). Elles estiment que les effets d'une aide d'État se manifestent non seulement sur le marché restreint desservi par le transporteur bénéficiaire, défini par référence à des liaisons intervilles, mais aussi sur un marché plus vaste de transports aériens et sur des liaisons indirectement concurrentes.

242.
    Les effets indirects de la décision attaquée sur de petits transporteurs exploitant soit des lignes secondaires vers les principaux centres, à partir desquels opèrent les grands transporteurs, soit des liaisons indirectement en concurrence seraientillustrés par la liaison, exploitée par les sociétés Maersk, entre Birmingham et Lyon. Cette liaison ferait indirectement concurrence à celle qui relie Londres (Heathrow) à Paris comme à celle qui relie Birmingham à Paris et subirait la concurrence de l'une et de l'autre de ces liaisons. Or, le taux de remplissage d'Air France sur la liaison Birmingham-Paris n'aurait été, selon des chiffres pour l'année 1992, que de 32 % à comparer aux 61 % de ses concurrents. Des compagnies aériennes efficacement gérées pourraient être contraintes d'abandonner certaines liaisons, voire se trouver empêchées d'en développer de nouvelles, si la présence d'une compagnie subventionnée par des fonds publics occasionnait une diminution des taux de rendement.

243.
    Elles ajoutent que la Commission n'a pas suffisamment examiné l'incidence de l'aide litigieuse sur la concurrence potentielle dans le secteur du transport aérien. Ce constat serait illustré par la liaison Copenhague-Paris, sur laquelle le taux de remplissage d'Air France n'atteignait, selon des chiffres pour l'année 1992, que 49 %, par rapport à 61 % pour les compagnies concurrentes. Bien que l'effet sur la concurrence potentielle ne puisse pas pleinement être mesuré, il serait démontré par la décision prise par les sociétés Maersk, lors de l'adoption de la décision attaquée, de différer leurs plans visant à établir un service entre Billund et Paris (CDG).

244.
    Le royaume de Suède considère également que l'aide litigieuse accentue la pression sur les compagnies régionales concurrentes, tendant à leur faire abandonner leurs lignes périphériques. Ces compagnies pourraient voir leur position fortement affectée même par des mesures globalement limitées prises par l'un des plus grands acteurs sur le marché, alors que les autres grosses compagnies ne sont pas affectées dans une même mesure.

245.
    A l'audience, les gouvernements suédois et norvégien ont précisé que les compagnies aériennes scandinaves, qui sont en concurrence avec Air France sur des liaisons entre la France et les plus grandes villes de Scandinavie, ont également des liaisons internes qui pâtissent d'une faible fréquence en raison d'une densité de population extrêmement basse, mais qui sont nécessaires dans l'intérêt du développement économique des régions périphériques. Ces liaisons seraient

extrêmement vulnérables à toute distorsion de la concurrence par des aides d'État accordées à un gros concurrent comme Air France. Les grandes compagnies n'auraient que rarement un intérêt pour les lignes périphériques. Les distorsions de concurrence sur les lignes à trafic intense pourraient donc entraîner une réduction ou une disparition de la desserte des régions périphériques. Cela porterait préjudice à l'intérêt commun qui est d'assurer des liaisons aériennes suffisantes même à la périphérie de l'EEE.

246.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 souligne qu'aucun élément de la décision attaquée ne prouve que la Commission a satisfait à son obligation de pondérer l'intérêt à garantir la survie d'Air France et les effets négatifs que doit inévitablement avoir sur la concurrence l'injection, à titre d'aide, du montant exorbitant de 20 milliards de FF. La Commission n'aurait jamais expliqué pourquoi elle estime que les effets bénéfiques suffisent à neutraliser les effets négatifs du plan de restructuration, mais se serait limitée à la simple analyse des effets bénéfiques de l'aide pour son bénéficiaire.

247.
    Elle rappelle qu'Air France a accumulé des pertes considérables pendant les dernières années, et cela malgré l'injection autorisée par la Commission de 5,8 milliards de FF. A la lumière des pertes continues et croissantes d'Air France, la Commission aurait dû s'apercevoir rétrospectivement que ses investigations, fondées alors sur des informations fournies par Air France, avaient été fondamentalement défectueuses. Au contraire d'Air France, la majorité de ses concurrentes, des compagnies aériennes non subventionnées et indépendantes, auraient dû adopter des mesures rigoureuses de réduction des coûts et de restructuration pour être en mesure de s'adapter à un environnement commercial évoluant rapidement au sein du marché libéralisé. Ces mesures nécessaires à leur survie n'auraient pu être prises que grâce à d'importantes réductions de personnel, à l'abandon de liaisons non rentables, à l'annulation de commandes de nouveaux avions, au retrait d'investissements effectués dans d'autres compagnies aériennes et à la vente d'actifs hors métiers de base. La requérante aurait, par exemple, lancé une importante campagne de réduction des coûts comportant, notamment, une suppression d'emplois et l'abandon de liaisons non rentables, y compris celles entre Édimbourg et Paris, qu'Air France continue à exploiter.

248.
    Le royaume de Danemark et le Royaume-Uni ajoutent que la Commission aurait dû procéder à une comparaison entre Air France et les autres sociétés qui ont réalisé une restructuration avec ou sans aide d'État. Ce n'est qu'ainsi que la Commission aurait pu se faire une idée du marché et des sociétés opérant sur ce marché, ce qui constitue une condition préalable pour qu'elle puisse exercer correctement son pouvoir discrétionnaire. L'expérience acquise par certaines compagnies concurrentes d'Air France montrerait ce que l'on peut faire pour restaurer la viabilité d'une grande compagnie aérienne internationale sans aides d'État. Ainsi, British Airways aurait cessé de desservir seize liaisons internationales, aurait vendu un nombre important d'appareils et aurait supprimé 13 500 postes de

travail dans les années 80. Dans le cas de Lufthansa, la restructuration aurait nécessité une diminution de 17 % du nombre des employés depuis 1992.

249.
    Les requérantes, le royaume de Danemark et le Royaume-Uni considèrent que les seize conditions auxquelles la Commission a subordonné l'approbation de l'aide sont inefficaces et ne peuvent donc pas empêcher l'aide d'avoir des effets néfastes sur les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Ils soulignent que la portée des conditions est limitée à la durée du plan de restructuration, c'est-à-dire qu'elles deviendront caduques à la fin de l'année 1996, alors que l'aide continuera à faire sentir ses effets sur Air France et sur le marché des transports aériens au-delà de cette date. L'erreur commise en limitant l'application des conditions à la durée du plan serait illustrée par la fusion envisagée des activités européennes d'Air France avec celles d'Air Inter au début de l'année 1997. Le fait pour la Commission d'avoir fixé de telles conditions à respecter par le gouvernement français, au lieu d'avoir soumis le plan de restructuration à un examen détaillé, serait en contradiction avec les règles qui s'appliquent au pouvoir d'appréciation de la Commission en la matière. La Commission ne pourrait pas omettre de procéder à l'appréciation exigée par le droit communautaire en énonçant à la place un certain nombre de conditions.

250.
    Les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions soulignent, en particulier, la possibilité pour Air France de contourner les conditions d'autorisation imposées à l'État français par la décision attaquée. Ainsi, la société holding contrôlant Air France et Air Inter pourrait permettre à Air Inter, non soumise à ces conditions, d'adopter des mesures interdites à Air France. Si la décision attaquée n'était pas annulée, tout destinataire d'une aide d'État serait en mesure de créer des filiales ou sociétés soeurs pour se soustraire aux conditions d'autorisation et pour continuer à agir sur le marché sans aucune restriction.

251.
    La Commission considère que les requérantes confondent à tort les aides qui faussent la concurrence et affectent les échanges entre États membres, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, avec celles qui altèrent les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, au sens de l'article 92, paragraphe 3, sous c). Elle affirme n'avoir jamais estimé que l'aide litigieuse ne fausserait pas la concurrence ou n'affecterait pas les échanges. Toutefois, une telle aide ne constituerait pas forcément une aide qui altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. De l'avis de la Commission, les requérantes partent du principe que tout effort d'Air France pour survivre nuira à ses concurrents. Or, cette thèse serait indéfendable au regard d'une interprétation correcte des articles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE.

252.
    Dans l'affaire France/Commission (voir l'arrêt cité au point 79 ci-dessus), la Commission aurait considéré que l'aide accordée était une mesure de sauvetage qui, en plus, ne satisfaisait pas aux critères définis pour ce type d'aide. La Commission souligne que ces considérations sont absentes dans le cas d'espèce.

L'aide litigieuse ne serait pas une mesure de sauvetage, mais serait effectivement associée à un véritable plan de restructuration. Il n'y aurait donc aucune incompatibilité entre la position adoptée par la Commission dans ladite affaire et sa position dans le cas d'espèce.

253.
    La Commission ajoute que le passage des conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt de la Cour du 20 mars 1984, Allemagne/Commission (cité au point 58 ci-dessus) portait sur la question de savoir si l'aide en cause pouvait être considérée comme une aide destinée à faciliter le développement de certaines activités économiques, et non de savoir si elle altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. De même, l'extrait de l'arrêt Philip Morris/Commission (cité au point 79 ci-dessus) se serait rapporté lui aussi à la première condition de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et non à l'effet préjudiciable sur les conditions des échanges.

254.
    La Commission souligne qu'elle a examiné si l'aide pouvait être considérée comme compatible au sens des articles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE. Pour les raisons indiquées dans sa décision, elle aurait été à même de conclure que l'aide pouvait bénéficier de la dérogation prévue et qu'elle était compatible avec le marché commun, pour autant que certains engagements soient respectés et certaines conditions remplies. Elle aurait expliqué, dans la décision attaquée, que, en analysant les effets de l'aide dans l'EEE, elle avait tenu compte de la libéralisation accrue du transport aérien à la suite de l'adoption du «troisième paquet» et s'était assurée que les effets négatifs de l'aide ne seraient pas amplifiés par l'exploitation de droits exclusifs ou l'application d'un traitement de faveur à Air France.

255.
    La Commission soutient que certains des engagements qu'elle a obtenus du gouvernement français sont sans précédent ou d'une sévérité sans pareille. Aucun autre gouvernement ne se serait engagé à privatiser une entreprise bénéficiaire d'une aide (engagement n° 2), et des restrictions à la liberté de fixation des prix n'auraient jamais été imposées dans le passé (engagement n° 9). La Commission tient également à relever que la moitié seulement du montant total de l'aide a pu être versée immédiatement, le paiement du solde en deux tranches étant subordonné au respect d'un certain nombre de conditions et à son autorisation (article 2 de la décision attaquée). En outre, le gouvernement français aurait souscrit l'engagement de ne plus accorder à Air France de nouvelles dotations ou d'autres aides sous quelque forme que ce soit (engagement n° 5) et de ne pas s'immiscer dans sa gestion pour des raisons autres que celles liées à son statut d'actionnaire (engagement n° 4).

256.
    Dans la mesure où les sociétés Maersk lui reprochent d'avoir exclu de son analyse le rôle des transporteurs aériens de petite et de moyenne importance, la Commission souligne que son appréciation n'était pas limitée aux grandes compagnies européennes. Afin de s'assurer que l'aide n'affectait pas les conditions

des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, elle aurait notamment dû acquérir la certitude que l'aide n'était pas utilisée pour brader les prix et quela capacité n'était pas augmentée à un rythme supérieur à celui de la croissance du marché. Cette préoccupation aurait été valable pour tous les concurrents d'Air France et pour le secteur de l'aviation civile européenne dans son ensemble.

257.
    Quant à l'argument pris de ce qu'elle n'a pas examiné l'effet négatif de l'aide sur la concurrence dans les services aériens régionaux, la Commission soutient que les parties intervenantes n'apportent pas la moindre preuve de leur grief selon lequel l'aide découragerait le développement des services à destination ou au départ d'aéroports régionaux. Quant aux prétendus effets de l'aide sur un marché plus large que celui effectivement couvert par Air France, sur les lignes concurrentielles indirectes et sur la concurrence potentielle, la Commission déclare que les allégations y relatives sont dépourvues de fondement. Elle ignorerait ce que signifie l'ajournement du projet des parties intervenantes Maersk d'établir une liaison Billund-Paris. Les hésitations de celles-ci trouveraient probablement leur origine dans l'arrivée de British Airways sur la ligne Copenhague-Paris en 1993, où elle a immédiatement accaparé 18 % du marché. De manière générale, la Commission considère que la décision attaquée satisfait aux exigences de l'article 190 du traité quant à l'évaluation de l'impact de l'aide sur les conditions des échanges.

258.
    Air France estime que tout dans la décision attaquée montre que les effets de l'aide ont été appréciés dans un contexte communautaire. En effet, la Commission aurait analysé la situation et l'évolution du transport aérien européen ainsi que les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France, en tenant compte de la libéralisation accrue du transport aérien. Enfin, tout l'objet des engagements souscrits par le gouvernement français serait précisément d'éviter que l'aide puisse être utilisée par Air France au détriment de ses concurrents.

Appréciation du Tribunal

1. Sur la motivation

259.
    Au vu des griefs soulevés par les parties requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions, le Tribunal estime qu'il convient de vérifier, en premier lieu, si la décision attaquée est pourvue d'une motivation suffisante en ce qui concerne l'appréciation des effets de l'aide sur les compagnies concurrentes d'Air France et sur les liaisons aériennes pertinentes. A cet égard, le Tribunal rappelle qu'il a invité ces parties requérantes et intervenantes à déposer les observations qu'elles avaient présentées à la Commission au cours de la procédure administrative, en qualité d'intéressées au sens de l'article 93, paragraphe 2, du traité (voir ci-dessus point 33).

260.
    Ainsi qu'il a été relevé ci-dessus (points 89 à 96), il y a donc lieu pour le Tribunal d'examiner si la motivation de la décision attaquée fait apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission au vu notamment des griefs

essentiels pour l'évaluation du projet d'aide sous l'angle de ses effets, que les parties intéressées ont, au cours de la procédure administrative, portés à la connaissance de la Commission.

261.
    A la lecture de l'ensemble des observations déposées devant le Tribunal, il s'avère que certaines de ces parties avaient notamment insisté, devant la Commission, sur la nécessité pour celle-ci d'évaluer les effets de l'aide sur les compagnies aériennes concurrentes d'Air France et sur les différentes liaisons aériennes concernées. En effet, il a été affirmé que l'aide permettrait aux compagnies appartenant au groupe Air France de continuer à exploiter leur position dominante sur le marché domestique français. Par ailleurs, le marché géographique pertinent dans le secteur aérien étant constitué par les liaisons que les utilisateurs considèrent comme substituables, c'est-à-dire les lignes de ville à ville, la question de la substituabilité devrait être analysée. En effet, d'autres compagnies plus compétitives pourraient reprendre des liaisons desservies jusqu'alors par Air France. En outre, la Commission devrait être attentive aux effets de l'aide sur la situation des petites compagnies aériennes, souvent dépendantes de quelques liaisons spécifiques. Le fait pour un grand transporteur tel qu'Air France d'obtenir une aide d'État pourrait affecter l'équilibre de la concurrence sur ces lignes.

262.
    Certaines des parties intéressées ont souligné l'impact de l'aide litigieuse sur la concurrence régnant sur les lignes internationales hors EEE. En effet, Air France aurait pratiqué une publicité agressive aux Pays-Bas en affichant des tarifs très bas pour des vols via Paris à destination notamment de Hong-Kong, Singapour, Jakarta, Tokyo, Le Cap et Johannesburg (KLM, observations p. 1). Air France se trouverait en concurrence sur 8 des 20 lignes internationales sur lesquelles la concurrence est la plus acharnée (Royaume-Uni, observations p. 6). Les autres compagnies communautaires présentes sur les lignes extracommunautaires seraient affectées en raison de la substituabilité possible par exemple entre Rome et Londres pour un vol à destination de New York. Il existerait donc une situation de concurrence sur toutes les lignes entre l'Europe et l'Amérique du Nord, d'une part, et l'Extrême-Orient, d'autre part. Ainsi, British Airways serait en concurrence avec d'autres compagnies en ce qui concerne les vols Rome-New York et Paris-New York. Pour beaucoup de compagnies européennes, le marché domestique serait trop petit. Par conséquent, les lignes extracommunautaires seraient vitales pour leur survie à long terme, raison pour laquelle beaucoup se basent, dans une large mesure, sur le trafic transatlantique (p. ii, 57 et 58 du rapport Lexecon sur l'impact concurrentiel de l'aide d'État sur l'industrie aérienne européenne, présenté par British Airways lors de la procédure administrative et joint en annexe 17 à la requête dans l'affaire T-371/94).

263.
    Du côté de la Commission, il y a lieu de rappeler que ses services étaient eux-mêmes conscients des problèmes engendrés par les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France, à tel point qu'ils avaient déjà déclaré, dans la communication du 3 juin 1994, devoir examiner ces effets au regard des liaisons

internationales et intérieures, sur lesquelles Air France affronte la concurrence d'autres transporteurs européens, en ajoutant que le plan de restructuration d'Air France ne comportait pas d'analyse du réseau et de son développement futur (JO p. 8).

264.
    Quant à la décision attaquée, il convient de constater que, en vérifiant si l'aide n'affecte pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, la Commission rappelle avoir déclaré, à l'ouverture de la procédure administrative, qu'elle devait analyser les effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France sur les lignes tant internationales qu'intérieures où elle se trouve en concurrence avec d'autres compagnies européennes. Ensuite, la Commission souligne que le gouvernement français s'est engagé, pour la durée du plan de restructuration, à:

—     ne pas accroître le nombre des avions de la flotte d'Air France exploité par celle-ci au-delà de 146 (condition n° 7);

—    ne pas accroître l'offre d'Air France au-delà du niveau atteint en 1993 pour les liaisons entre la France et les autres pays de l'EEE (condition n° 8);

—    veiller à ce qu'Air France ne mette pas en oeuvre des pratiques consistant à proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'EEE (condition n° 9);

—    ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France en matière de droits de trafic (condition n° 10);

—    veiller à ce qu'Air France n'exploite pas, entre la France et les autres pays de l'EEE, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993, à savoir 89 lignes (condition n° 11);

—    limiter l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (condition n° 12) (JO p. 79, 86, 88 et 89).

265.
    La Commission considère que ces engagements, transformés en conditions d'autorisation de l'aide, limitent très sévèrement la liberté dont Air France dispose en matière de capacité, d'offre et de fixation des prix et que ces limitations sont nécessaires pour que l'aide ne puisse pas être utilisée pour répercuter les difficultés de la compagnie sur ses concurrents. Les engagements empêcheraient Air France de mener une politique tarifaire agressive sur toutes les lignes qu'elle exploite à l'intérieur de l'EEE (JO p. 86).

266.
    En ce qui concerne plus particulièrement les effets de l'aide sur le marché intérieur français, la Commission indique encore que:

—    les autorités françaises se sont engagées à modifier, conformément à sa décision 94/290/CE, du 27 avril 1994, relative à une procédure d'application du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil (affaire VII/AMA/II/93 — TAT — Paris/Orly-Londres) (JO L 127, p. 22), les règles de distribution du trafic appliquées au système aéroportuaire parisien de manière à les rendre non discriminatoires (condition n° 15);

—    les autorités françaises se sont engagées à veiller à ce que les travaux d'aménagement de l'aérogare Orly-Sud, réservé au trafic international, et de l'aérogare Orly-Ouest, réservé au trafic intérieur, ne perturbent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies aériennes desservant l'aéroport d'Orly (condition n° 16);

—    elle a adopté le 27 avril 1994 une décision selon laquelle la France est tenue d'autoriser les transporteurs de la Communauté à exercer leurs droits de trafic sur les liaisons entre Paris (Orly) et Toulouse, ainsi qu'entre Paris (Orly) et Marseille à compter du 27 octobre 1994 au plus tard (JO p. 87 et 88).

267.
    A la lecture de cet exposé des motifs, il s'avère que la Commission s'est abstenue d'examiner la situation concurrentielle «ligne par ligne», alors qu'un tel examen avait été suggéré par les parties intéressées et envisagé par la Commission elle-même. Au lieu d'analyser en détail les effets de l'aide sur les différentes lignes desservies par Air France, la Commission a choisi d'imposer à l'État français les seize conditions d'autorisation de l'aide reprises à l'article 1er de la décision attaquée. Il s'ensuit que la Commission considère ces conditions comme appropriées et suffisantes pour assurer que les effets de l'aide sur le secteur de l'aviation civile relevant du champ d'application des articles 92 du traité et 61 de l'accord EEE ne soient pas contraires à l'intérêt commun.

268.
    Il convient de préciser que les conditions relatives au nombre maximal des avions d'Air France (n° 7), à l'interdiction d'accorder à Air France un traitement préférentiel en matière de droits de trafic (n° 10) et à la limitation de l'offre d'Air Charter (n° 12), dont la portée n'a pas de limites géographiques, couvrent, en tout état de cause, la surface de l'EEE. Quant aux conditions concernant le niveau de l'offre d'Air France (n° 8), les pratiques de tarification d'Air France (n° 9), le nombre maximal des lignes exploitées (n° 11), les règles de distribution du trafic pour le système aéroportuaire parisien (n° 15) et le réaménagement des deux aérogares d'Orly (n° 16), elles visent spécifiquement le marché géographique à l'intérieur de l'EEE, y compris le marché domestique français. La Commission indique expressément que, à son avis, ces conditions limitent la liberté d'Air France

et l'empêchent de mener une politique tarifaire agressive «sur toutes les lignes qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen» (JO p. 86).

269.
    Le Tribunal estime que, sur le plan de la motivation, cette manière d'aborder la problématique fait apparaître que la Commission s'est effectivement penchée sur la situation concurrentielle à l'intérieur de l'EEE, étant entendu que la question de savoir si les conditions d'autorisation susmentionnées sont réellement suffisantes et appropriées à cet effet relève de l'examen du fond. Même si cette motivation ne fait pas suite aux observations des parties intéressées qui avaient suggéré de procéder à un examen «ligne par ligne», elle démontre clairement que laCommission a jugé opportun de remplacer un tel examen par le mécanisme des seize conditions d'autorisation imposées à l'État français. Cela permet aux parties intéressées d'identifier la réaction de la Commission à leurs observations, de vérifier le bien-fondé de l'approche choisie par la Commission et de défendre leurs intérêts devant le juge communautaire, en contestant le caractère complet et adéquat du mécanisme des seize conditions au regard de la situation concurrentielle régnant à l'intérieur de l'EEE.

270.
    Il y a, toutefois, lieu de constater que l'exposé des motifs de la décision attaquée ne comporte pas la moindre indication relative à la situation concurrentielle d'Air France en dehors de l'EEE. D'une part, une analyse du réseau international d'Air France, qui tiendrait compte des liaisons aériennes sur lesquelles cette compagnie est en concurrence avec d'autres compagnies aériennes ayant leur siège à l'intérieur de l'EEE, fait défaut. D'autre part, les conditions d'autorisation relatives au niveau de l'offre d'Air France (n° 8), à ses pratiques de tarification (n° 9) et au nombre maximal des lignes exploitées (n° 11) ne couvrent pas les liaisons qu'Air France exploite ou entend exploiter vers les pays extérieurs à l'EEE, c'est-à-dire les vols long-courriers, notamment transatlantiques. Dans l'optique de la Commission, Air France — financièrement renforcée par l'aide autorisée — a donc toute liberté d'accroître ses capacités, d'augmenter le nombre de ses liaisons et de pratiquer des tarifs aussi bas qu'elle le souhaite sur les lignes internationales hors EEE.

271.
    Or, le plan de restructuration d'Air France prévoit expressément le développement des vols long-courriers ainsi que l'augmentation des fréquences sur les liaisons rentables, et les autorités françaises ont annoncé une croissance de l'offre d'Air France de 10,2 % sur le long-courrier (JO p. 76 et 77). En outre, les parties intéressées avaient attiré l'attention de la Commission, premièrement, sur la problématique de la définition du marché pertinent en matière aérienne qui, de leur avis, est constitué par les lignes spécifiques que les utilisateurs considèrent comme substituables, deuxièmement, sur le fait qu'Air France essayait d'attirer, par une campagne publicitaire, de la clientèle des Pays-Bas pour des vols à destination hors EEE via Paris, Air France démontrant ainsi elle-même que ces vols sont largement substituables au moyen d'un trafic aérien d'apport approprié, et, troisièmement, sur le caractère vital de ces vols pour la survie à long terme de nombreuses compagnies européennes.

272.
    Il convient d'ajouter que la Commission a défini, dans sa décision du 5 octobre 1992 (Air France/Sabena, citée aux points 218 et 219 ci-dessus), le marché pertinent comme le transport aérien régulier permettant de relier deux aires géographiques, c'est-à-dire un faisceau de liaisons aériennes pour autant qu'il y ait substituabilité entre celles qui composent ce faisceau, une telle substituabilité résultant de différents facteurs tels que, notamment, la longueur des liaisons, la distance qui sépare les différents aéroports situés aux extrémités de chacune des liaisons composant le faisceau ou le nombre de fréquences sur chaque liaison (point 25). En conséquence, la Commission a conclu, en matière de liaisons entre l'Europe et l'Afrique noire francophone, que le marché pertinent pouvait être défini comme un faisceau de liaisons entre l'ensemble des points de départ de l'EEE, d'une part, et chacune des destinations en Afrique à titre individuel, d'autre part (point 39).

273.
    Le Tribunal estime que, eu égard à cette pratique décisionnelle et compte tenu des observations faites à cet égard par les parties intéressées, la Commission était tenue de se prononcer sur la problématique des liaisons aériennes hors EEE desservies par Air France, bénéficiaire de l'aide autorisée, en situation de concurrence avec d'autres compagnies situées à l'intérieur de l'EEE. En effet, ainsi que la Cour l'a jugé dans son arrêt Bremer Vulkan/Commission (cité au point 94 ci-dessus, points 53 et 54), des indications sur la situation des marchés en cause, notamment la position de l'entreprise bénéficiaire d'une aide et celle des entreprises concurrentes, constituent un élément essentiel de la motivation d'une décision relative à la compatibilité d'un projet d'aide avec le marché commun au sens de l'article 92 du traité. Si l'arrêt précité a été rendu en application du paragraphe 1 de cet article, le Tribunal estime qu'une telle motivation s'impose également dans le cadre des articles 92, paragraphe 3, sous c), du traité et 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE au regard du point de savoir si l'aide altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

274.
    A défaut d'étendre les conditions d'autorisation nos 8, 9 et 11 aux lignes hors EEE desservies par Air France, la Commission était tenue d'évaluer — au titre de son examen du marché pertinent — l'éventuelle substituabilité des vols hors EEE opérés, par exemple, à partir de Paris, de Londres, de Rome, de Francfort, de Copenhague, d'Amsterdam ou de Bruxelles et donc l'éventuelle situation de concurrence, au titre de ces vols, entre les compagnies aériennes dont la plate-forme est située dans une de ces villes.

275.
    L'importance d'une telle motivation est illustrée par les chiffres que les requérantes dans l'affaire T-371/94 ont présentés devant le Tribunal, sans être contredites sur ce point, pour démontrer qu'une grande partie des chiffres d'affaires et des bénéfices de British Airways, de SAS et de KLM est réalisée sur les lignes hors EEE, notamment sur les liaisons avec les États-Unis, le Canada, l'Afrique, le Moyen-Orient, l'Inde et l'Extrême-Orient (requête n° 212 et footnote 282). Ainsi que la Cour l'a admis dans l'arrêt Bremer Vulkan/Commission (cité au point 94 ci-dessus, point 34), ces éléments, postérieurs à la date de l'adoption de la décision attaquée, peuvent être pris en considération à titre d'illustration du devoir de motivation incombant à la Commission. En tout état de cause, certaines des parties intéressées avaient déjà souligné, devant la Commission, que les lignes extracommunautaires, et en particulier transatlantiques, étaient vitales pour la survie de nombreuses compagnies européennes et que la concurrence sur ces lignes était la plus acharnée.

276.
    En plus, il est évident qu'un accroissement des capacités d'Air France et son leadership en matière de bas tarifs sur une ligne donnée hors EEE à partir de sa plate-forme à l'aéroport de Paris (CDG) peut avoir des répercussions sur le trafic aérien d'apport vers cette plate-forme. En effet, dans la mesure où l'importance économique de la plate-forme de Paris augmentera aux dépens d'autres plates-formes situées à l'intérieur de l'EEE, le trafic aérien d'apport vers Paris augmentera proportionnellement et, par voie de conséquence, aux dépens du trafic aérien d'apport vers les autres plates-formes. L'argumentation des parties intéressées relative à la situation des petites compagnies aériennes, souvent dépendantes de quelques lignes spécifiques, paraît donc essentielle, de sorte que la Commission aurait dû se prononcer également à cet égard. A titre d'illustration, il convient d'ajouter que, ainsi que British Midland l'a souligné à l'audience devant le Tribunal sans être contredite sur ce point, 30 % de ses passagers ont été des passagers interlignes, qui allaient vers d'autres destinations sur des lignes long-courriers. Par conséquent, la Commission ne pouvait pas passer sous silence la situation des petites compagnies actives dans le trafic aérien d'apport.

277.
    La problématique des lignes hors EEE et du trafic aérien d'apport y relatif ne saurait être considérée comme réglée par l'effet combiné des conditions d'autorisation n° 7 (limitation du nombre d'avions d'Air France) et n° 9 (restriction du price-leadership d'Air France pour le trafic aérien d'apport à l'intérieur de l'EEE), ainsi que du devoir d'Air France d'atteindre les objectifs de sa restructuration. En effet, s'il est vrai que ce sont les lignes hors EEE qui rapportent les plus hauts bénéfices, Air France aura tout intérêt à utiliser le plus grand nombre de ses avions sur les lignes internationales les plus rémunératrices, sans aucunement compromettre le succès de sa restructuration. Quant au trafic aérien d'apport, il suffit de relever que rien n'oblige Air France à s'en charger elle-même, ce trafic vers la plate-forme de Paris pouvant être assuré par n'importe quelle compagnie aérienne distincte d'Air France, telle qu'Air Inter, non soumise aux conditions d'autorisation imposées par la Commission (voir ci-dessus point 215); l'importance économique de la condition n° 9, dans la mesure où elle couvre le trafic aérien d'apport assuré par Air France à l'intérieur de l'EEE, paraît donc insignifiante au regard de la problématique globale des lignes hors EEE.

278.
    Enfin, si la condition d'autorisation n° 12 impose à Air Charter des limites d'offre absolues, qui portent donc aussi sur les lignes hors EEE, son importance économique avec 17 avions est tellement minime par rapport à celle d'Air France que l'existence de cette condition n'est pas de nature, à elle seule, à combler le

défaut de motivation concernant la situation d'Air France sur ces lignes. Il en va de même de la condition d'autorisation n° 10 interdisant aux autorités françaises d'accorder à Air France un traitement préférentiel en matière de droits de trafic. En effet, si cette condition vise aussi les droits relatifs aux lignes hors EEE, elle ne saurait profiter qu'aux compagnies aériennes susceptibles d'en bénéficier. Il s'agit là, en substance, des compagnies de pays tiers et des compagnies françaises telles qu'Air France, Air Inter, Air Charter, Air Liberté, Corsair, AOM, TAT et Euralair, dans l'hypothèse où elles entendent desservir ces lignes à partir et à destination de la France. En revanche, les autres compagnies européennes qui, en concurrence avec Air France, desservent les lignes hors EEE essentiellement à partir de leurs propres plates-formes situées hors de France ne bénéficient de la condition n° 10 que de manière insignifiante.

279.
    Il est vrai que la Commission, ainsi que les parties intervenantes, Air France et la République française, ont allégué, dans le cadre de la présente procédure, que les droits de trafic sur les liaisons hors EEE, notamment transatlantiques, étaient régis par des accords bilatéraux et qu'une restriction imposée quant à la tarification, à la capacité et au nombre de lignes aurait été préjudiciable à Air France, en réduisant sa compétitivité sur les marchés extérieurs. Elles ont soutenu qu'une telle restriction aurait avantagé les seules compagnies extérieures à l'EEE et aurait donc été manifestement contraire à l'intérêt commun. Il y a toutefois lieu de constater que ce raisonnement, développé par les agents de la Commission et des parties intervenantes devant le Tribunal, ne figure pas dans la décision attaquée. Il s'ensuit que cette argumentation n'est pas couverte par le principe de collégialité et ne saurait donc être retenue. Par conséquent, elle n'est pas de nature à pallier le défaut de motivation dont la décision attaquée est entachée sur ce point (voir ci-dessus points 116 à 118).

280.
    Il résulte de tout ce qui précède que la motivation de la décision attaquée ne satisfait pas aux exigences de l'article 190 du traité en ce qui concerne l'évaluation des effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France au regard de son réseau de lignes hors EEE et du trafic aérien d'apport y relatif. Ce défaut de motivation ne permet pas au Tribunal d'examiner le bien-fondé des argumentations développées sur ces points (voir ci-dessus points 238 et suivants). En outre, le Tribunal n'est pas en mesure de se prononcer sur l'argumentation relative aux pratiques tarifaires d'Air France sur son réseau hors EEE, prétendument financées par l'aide, en tant que mesures opérationnelles (voir ci-dessus points 142 et 143).

281.
    En revanche, le Tribunal est à même d'examiner si l'appréciation par la Commission des effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France à l'intérieur de l'EEE résiste aux griefs de fond soulevés par les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions.

2. Sur le bien-fondé

282.
    Il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que les appréciations économiques dansl'application de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, au regard desquelles la Commission jouit d'un large pouvoir discrétionnaire, doivent être effectuées dans un contexte communautaire (arrêt Philip Morris/Commission, cité au point 79 ci-dessus, point 24), ce qui signifie que la Commission a l'obligation d'examiner l'impact d'une aide sur la concurrence et le commerce intracommunautaire (arrêt du Tribunal du 6 juillet 1995, AITEC e.a./Commission, T-447/93, T-448/93 et T-449/93, Rec. p. II-1971, point 136). En l'espèce, la décision attaquée ayant été adoptée également sur la base de l'article 61 de l'accord EEE, le Tribunal constate que le contexte d'examen défini par la jurisprudence susmentionnée doit être élargi à l'EEE.

283.
    Il convient d'ajouter que, dans son arrêt du 25 juin 1970, France/Commission (47/69, Rec. p. 487, point 7), la Cour a jugé que, en vue d'apprécier si une aide altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun, il est nécessaire d'examiner, notamment, s'il n'existe pas un déséquilibre entre, d'une part, les charges à subir par les entreprises intéressées et, d'autre part, les bénéfices résultant de l'attribution de l'aide en cause. Le Tribunal en conclut qu'il incombe à la Commission, dans le cadre de son examen de l'impact d'une aide d'État, ainsi qu'elle l'a d'ailleurs elle-même relevé dans son Quatorzième Rapport sur la politique de concurrence (1984, p. 143, n° 202), de mettre en balance les effets bénéfiques de l'aide avec ses effets négatifs sur les conditions des échanges et sur le maintien d'une concurrence non faussée.

284.
    Quant au point de savoir si la Commission a procédé, en l'espèce, à une telle pondération, il y a lieu de rappeler, tout d'abord, que la décision attaquée expose l'historique des différents plans de restructuration adoptés par Air France depuis 1991 pour affronter ses problèmes financiers: le CAP' 93, dans le cadre duquel Air France s'est vu octroyer 5,8 milliards de FF, le PRE 1 et le PRE 2 (JO p. 74). La Commission a donc tenu compte des antécédents du projet litigieux et, notamment, des 5,8 milliards déjà versés à titre d'aide, lorsqu'elle a évalué les effets bénéfiques et négatifs de l'aide faisant l'objet des présents litiges.

285.
    En constatant que le gouvernement français est actionnaire majoritaire d'Air France (JO p. 76) et en imposant aux autorités françaises d'engager le processus de sa privatisation (article 1er, point 2, de la décision attaquée, JO p. 88), la Commission a aussi pris en considération la circonstance qu'Air France appartient au secteur public. Or, le fait pour la Commission d'approuver une aide versée à une entreprise publique ne revient pas, à lui seul, à discriminer les entreprises privées concurrentes du bénéficiaire de l'aide. En effet, ainsi qu'il ressort de l'arrêt de la Cour du 21 mars 1991, Italie/Commission (cité au point 125 ci-dessus, point 19), la Commission doit respecter, même en matière d'aides d'État, le principe d'égalité de traitement entre entreprises publiques et privées. Il s'ensuit que la Commission pouvait autoriser l'aide d'État litigieuse sans discriminer les

concurrentes privées d'Air France, pourvu que l'aide n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

286.
    La Commission n'était pas non plus tenue de comparer, dans le présent contexte, les mesures de restructuration envisagées par Air France à celles adoptées par d'autres compagnies aériennes ni, à plus forte raison, d'exiger que la restructuration d'Air France soit calquée sur celle d'une autre compagnie (voir déjà ci-dessus points 135 et 211). En effet, le caractère adéquat des mesures de restructuration d'une entreprise est fonction de sa situation individuelle ainsi que du contexte économique et politique dans lequel s'inscrit l'adoption des mesures en cause. En l'espèce, la Commission a constaté, à la date de l'adoption de la décision attaquée en juillet 1994, une certaine relance économique dans le secteur de l'aviation civile européenne, l'avènement de perspectives assez favorables pour ce secteur et l'absence d'une crise structurelle de surcapacités (JO p. 81 et 82). Ces données pouvaient justifier que les mesures de restructuration envisagées par Air France et acceptées par la Commission soient moins sévères que celles exécutées par d'autres compagnies au regard de leur situation et de leur contexte spécifiques.

287.
    Si, ainsi qu'il a déjà été constaté ci-dessus (point 267), la Commission s'est abstenue de vérifier, dans son examen de l'impact de l'aide sur la concurrence et le commerce à l'intérieur de l'EEE, la situation concurrentielle «ligne par ligne» et n'a donc pas apprécié, au regard de chacune des liaisons effectivement ou potentiellement desservies par Air France, les conditions d'une concurrence directe ou indirecte avec d'autres compagnies aériennes, elle a, toutefois, imposé à l'État français une série de conditions visant à limiter la marge d'action d'Air France, notamment en matière de capacité, d'offre et de fixation des tarifs (voir ci-dessus points 264 à 268).

288.
    Le Tribunal estime que ce choix de principe relève du pouvoir d'appréciation dont la Commission dispose dans ce domaine. D'une part, la Commission a la compétence de principe d'assortir une décision autorisant une aide au titre de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité de conditions visant à assurer que l'aide autorisée n'altère pas les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun (arrêt du Tribunal du 13 septembre 1995, TWD/Commission, T-244/93 et T-486/93, Rec. p. II-2265, point 55). D'autre part, Air France, une des trois grandes compagnies européennes, est active à l'intérieur de l'EEE dans son ensemble. La Commission pouvait donc considérer que les effets de l'aide devaient être évalués non pas par rapport à telle ou telle liaison individuelle ou région spécifique, mais par rapport à l'EEE tout entier. Il n'apparaît pas erroné de couvrir, à cet effet, l'ensemble de ce territoire d'action d'Air France par un réseau d'obligations ayant pour objectif la protection de l'ensemble de ses concurrents actuels et potentiels contre toute politique agressive que celle-ci pourrait être tentée de mener, d'autant plus que la Commission a renforcé le mécanisme des conditions d'autorisation en prescrivant, à l'article 2, troisième alinéa, de la décision attaquée, la vérification de leur respect par des consultants indépendants.

289.
    Cette conclusion n'est pas contredite par l'approche que la Commission a choisie notamment dans ses décisions Aer Lingus (citée au point 55 ci-dessus, JO p. 39) et Olympic Airways (citée au point 174 ci-dessus, JO p. 30 et 35), dans lesquelles elle a effectivement procédé à l'évaluation de certaines lignes spécifiques desservies par les compagnies aériennes en cause. En effet, pour ces deux compagnies, d'une taille relativement modeste par rapport à Air France, une ligne donnée peut revêtir une importance primordiale dans leurs activités, ce qui justifie que l'examen de l'impact d'une aide accordée à une de ces compagnies soit concentré de la sorte, alors que le réseau aérien desservi par Air France à l'intérieur de l'EEE présente un caractère plus homogène.

290.
    Dans la mesure où l'efficacité des conditions imposées à l'État français a été contestée devant le Tribunal, notamment au regard des possibilités pour Air France d'éluder ces conditions, il y a lieu de constater que l'utilité juridique et pratique de telles conditions d'autorisation consiste en ce que, si l'entreprise bénéficiaire devait s'en écarter, il appartiendrait à l'État membre concerné de veiller à la bonne exécution de la décision d'autorisation et à la Commission d'apprécier s'il y a lieu de réclamer le remboursement de l'aide (arrêt du Tribunal du 12 décembre 1996, AIUFFASS et AKT/Commission, T-380/94, Rec. p. II-2169, point 128). A cet égard, il convient de rappeler que, dans son arrêt du 4 février 1992, British Aerospace et Rover/Commission (C-294/90, Rec. p. I-493, point 11), la Cour a jugé que, si l'État ne respecte pas les conditions auxquelles la Commission a soumis une décision d'approbation d'une aide, la Commission peut, au titre de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, du traité, saisir immédiatement la Cour, par dérogation aux articles 169 et 170 du traité.

291.
    Eu égard à ce système de fonctionnement des conditions qui sont à la base d'une décision portant autorisation d'une aide, la simple affirmation que l'une ou l'autre de ces conditions ne sera pas respectée ne saurait remettre en cause la légalité même de cette décision (arrêt AIUFFASS et AKT/Commission, cité au point 290 ci-dessus, point 128). En effet, de manière générale, la légalité d'un acte communautaire ne saurait dépendre d'éventuelles possibilités de le contourner, ni de considérations rétrospectives concernant son degré d'efficacité (arrêt Schroeder, cité au point 81 ci-dessus, point 14).

292.
    Il y a donc lieu d'écarter de l'examen, en tant qu'inopérants, tous les griefs tirés, à l'encontre de la légalité de la décision attaquée, de ce que le contrôle de la mise en oeuvre des conditions d'autorisation imposées à l'État français sera inefficace ou qu'Air France aura des possibilités d'éluder ces conditions. Pour autant qu'il s'avérerait ultérieurement que ces conditions n'ont pas entièrement été respectées ou qu'Air France a effectivement réussi à se soustraire abusivement à leur emprise, il appartiendrait à la Commission d'examiner, le cas échéant, à l'occasion du versement des deuxième et troisième tranches de l'aide, une éventuelle réduction du montant autorisé ou d'apprécier s'il y a lieu d'exiger de la République française la récupération totale ou partielle de l'aide versée.

293.
    Par conséquent, seuls les griefs tirés de la nature intrinsèquement et manifestement inappropriée des conditions d'autorisation, notamment de leur portée juridiquement insuffisante, peuvent être susceptibles de remettre en cause la légalité de la décision attaquée.

294.
    Le Tribunal estime que, contrairement au grief soulevé, dans ce contexte, par la requérante dans l'affaire T-394/94, la Commission n'a commis aucune erreur en limitant la portée de la plupart de ces conditions à la durée du plan de restructuration. En effet, il est évident que les restrictions imposées afin de limiter l'impact de l'aide ne pouvaient pas durer à l'infini. Dans les circonstances du cas d'espèce, il n'apparaît pas arbitraire de faire coïncider l'expiration de la durée des conditions en cause avec la fin de la mise en oeuvre du plan de restructuration.

295.
    C'est à la lumière des considérations précédentes qu'il convient d'examiner, ensuite, les griefs dirigés contre certaines conditions d'autorisation spécifiques. Cet examen révélera en définitive si la Commission, au lieu d'autoriser l'aide et d'assortir sa décision de plusieurs conditions d'autorisation, aurait dû décider que l'aide altérait les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun.

296.
    Sous cette réserve, le grief pris du caractère erroné de la méthode choisie par la Commission pour examiner l'impact de l'aide sur l'intérêt commun ne saurait être retenu.

a) Sur la condition d'autorisation n° 1

297.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller «à ce que la totalité de l'aide bénéficie exclusivement à Air France. Par Air France on entend la Compagnie nationale Air France, ainsi que toute société qu'elle contrôle à plus de 50 %, à l'exclusion d'Air Inter. Afin d'éviter tout transfert de l'aide vers la compagnie Air Inter, un holding sera créé avant le 31 décembre 1994 qui détiendra une participation majoritaire dans les compagnies Air France et Air Inter. Aucun transfert financier qui ne s'inscrirait pas dans une relation commerciale normale n'est opéré entre les sociétés du Groupe tant avant qu'après la création effective du holding. Ainsi, toutes les prestations des services et cessions des biens entre les sociétés sont effectuées à des prix de marché; Air France ne peut en aucun cas appliquer des tarifs préférentiels en faveur d'Air Inter».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

298.
    Les requérantes soutiennent que la Commission, en n'incluant pas Air Inter dans son appréciation, a commis une erreur qui a vidé de leur contenu les conditions d'autorisation de l'aide. Par exemple, la réduction de capacité minime exigée d'Air France serait grandement facilitée par le fait qu'Air Inter a des possibilités illimitées de procéder à une augmentation de capacité. La Commission aurait considéré à tort que la structure de holding envisagée empêcherait Air Inter de

bénéficier d'une façon quelconque de l'aide. Air France et Air Inter constitueraient une unité économique, de sorte qu'elles doivent être considérées comme une seule entreprise aux fins de l'application des règles communautaires régissant les aides d'État. Le changement de rapport entre Air France et Air Inter, qui ne serait plus celui de société mère/filiale mais celui de deux compagnies contrôlées par un même holding, ne modifierait en rien cette conclusion. En même temps, la concurrence entre Air France et Air Inter serait inconcevable, étant donné qu'elles ont les mêmes intérêts économiques.

299.
    Dans ce contexte, les requérantes dans l'affaire T-371/94, se fondant sur des articles de presse parus en août et septembre 1994, affirment que le président du holding sera M. Christian Blanc, qui conservera son poste de président d'Air France; quatorze autres directeurs seraient choisis parmi les directeurs et employés d'Air France et d'Air Inter. Le président d'Air Inter siégerait également au conseil d'administration du holding et aurait, par ailleurs, été nommé président du nouveau centre d'Air France pour ses activités européennes, le «Centre de résultat Europe». Air Inter fusionnerait avec le «Centre de résultat Europe» d'Air France dès la fin du plan de restructuration, c'est-à-dire le 1er janvier 1997. Dans l'intervalle, Air Inter commencerait à exploiter certaines lignes européennes d'Air France à la place de celle-ci. Par ailleurs, Air France et Air Inter détiendraient des parts dans les mêmes entreprises et auraient renforcé leur coopération dans plusieurs domaines. De plus, la Commission aurait elle-même identifié Air Inter comme représentant un actif lié aux métiers de base d'Air France qui ne pouvait pas être cédé.

300.
    D'après ces requérantes, le fait qu'Air Inter appartienne au même groupe qu'Air France, ainsi que la déclaration selon laquelle Air Inter fusionnera avec Air France, permet à Air Inter de «compter» sur l'aide. Ainsi, Air Inter pourrait donner l'assurance aux banques que son financement comporte relativement peu de risques et que, à la suite de la fusion, ses obligations seraient honorées par la nouvelle compagnie.

301.
    Dans la mesure où la Commission a imposé, dans la décision attaquée, que seuls des rapports commerciaux normaux peuvent s'établir entre les compagnies du groupe, ces requérantes estiment que cette condition ne saurait empêcher Air Inter de bénéficier de l'aide litigieuse. En effet, il existerait de nombreuses manières dont deux compagnies du même groupe, en particulier lorsqu'elles ont des activités et des filiales conjointes, peuvent échanger des biens et des services à des conditions n'ayant aucun rapport avec celles du marché, sans aucune possibilité de vérification.

302.
    Dans ce contexte, elles soulignent que le droit fiscal français, notamment la théorie fiscale de l'«acte anormal de gestion» relative aux frais déductibles des bénéfices à l'intérieur d'un groupe de sociétés, ne fournit aucun moyen de vérifier qu'Air Inter ne bénéficiera, ni directement, ni indirectement, de l'aide accordée à Air France. En effet, des transferts directs, ainsi que l'octroi d'avantages financiers par des commissions ou des prix préférentiels d'Air France à Air Inter, par anticipation

à la fusion entre les deux compagnies, ne pourraient pas être considérés comme des actes anormaux de gestion.

303.
    Les requérantes ajoutent que le champ d'application de la condition imposée est limitée, en ce qu'il ne couvre pas le transfert par Air France à Air Inter des liaisons européennes et des créneaux horaires rentables.

304.
    En ce qui concerne les échanges de créneaux entre Air France et Air Inter, ces requérantes précisent que de tels échanges se produisent fréquemment entre compagnies aériennes. En effet, un créneau aéroportuaire serait un actif essentiel permettant à une compagnie aérienne d'exploiter une ligne donnée. Il existerait donc un marché sur lequel les créneaux sont échangés. Toutefois, il n'existerait pas de «prix de marché». Les compagnies aériennes faisant partie d'un même groupe pourraient échanger des créneaux pour mettre en oeuvre une stratégie de groupe. Or, la stratégie du groupe Air France viserait à élargir les opérations d'Air Inter en dehors des frontières françaises vers l'Europe et au-delà, en attendant la fusion prévue pour le 1er janvier 1997. Air France pourrait donc très bien offrir à Air Inter un créneau horaire de pointe très rentable pour l'exploitation d'une liaison particulière. Pour cette raison, la condition imposée par la Commission visant à maintenir la séparation entre Air France et Air Inter serait inopérante.

305.
    Concernant l'ensemble des liaisons, la possibilité pour Air Inter de connaître d'avance, par l'intermédiaire d'Air France, les liaisons que celle-ci a l'intention d'abandonner lui donnerait un avantage considérable par rapport aux concurrentes indépendantes. En effet, Air Inter pourrait ainsi préparer son entrée sur une liaison donnée pour être prête, lorsqu'Air France annoncera publiquement son retrait de la ligne concernée. Par ailleurs, la possibilité pour Air Inter de profiter de l'infrastructure d'Air France dans les aéroports et les pays concernés représenterait un autre avantage important par rapport aux compagnies concurrentes désireuses de s'implanter sur de telles liaisons.

306.
    Ce serait pour ces raisons qu'Air France peut effectivement transférer ses liaisons à Air Inter. Ce constat serait illustré par des articles de presse parus en septembre 1994, qui reproduisent des déclarations officielles d'Air France (annexe 33 à la requête). Les requérantes relèvent, en outre, qu'un accord datant de 1992 entre Air France et Air Inter prévoit le transfert du personnel navigant d'Air France à Air Inter pour toutes les liaisons européennes qu'Air Inter commencerait à exploiter. Il s'agirait là d'un type d'accord que n'auraient pas pu conclure deux compagnies aériennes indépendantes dans le cadre de l'EEE.

307.
    Afin de démontrer la stratégie de groupe poursuivie par Air France et Air Inter, les requérantes renvoient à l'«ABC World Airways Guide» du mois de juin 1994, qui reproduit les horaires de nombreuses compagnies aériennes opérant dans le monde entier. Cet ouvrage regrouperait les vols d'Air Inter sous un code «AF». Or, cette utilisation du code «AF» permettrait de présenter une liaison composée

d'un vol intérieur desservi par Air Inter et d'un vol international desservi par Air France comme un seul vol sans escale, raison pour laquelle ce vol se voit attribuer une priorité dans le système de réservation par ordinateur.

308.
    Les sociétés Maersk ajoutent que le comportement ultérieur d'Air France et de son groupe démontre le non-respect de la condition visant à ce qu'Air Inter conserve son autonomie commerciale et financière. En effet, les numéros de vol d'Air Inter reprendraient, à des fins de coordination des systèmes de réservations électroniques, le code informatique d'Air France; Air Inter adopterait le nom de la future compagnie européenne du groupe et proposerait son produit simplifié et ses bas tarifs sur de multiples lignes européennes, essentiellement au départ d'Orly. En outre, la baisse des prix pratiquée par Air Inter ne pourrait s'expliquer que par la circonstance que, dans peu d'années, toutes les pertes d'Air Inter seront absorbées dans celles d'Air France qui, entre-temps, aura bénéficié de l'aide et sera donc mieux placée pour supporter de telles pertes.

309.
    Les intervenantes soulignent, en outre, qu'Air France et Air Inter ont mis en service, le 2 janvier 1995, le premier appareil au sein d'un nouveau service commun, régional et d'apport, s'intitulant «Air France Air Inter Express». Selon la propre documentation d'Air France, cette nouvelle approche conjointe serait l'expression d'une politique commune dans la perspective de la fusion des deux compagnies. Le fait qu'un certain degré d'intégration des flottes a déjà été réalisé démontrerait non seulement l'erreur commise par la Commission en concluant qu'Air Inter ne serait pas une bénéficiaire de l'aide, mais aussi les insuffisances des mesures destinées à empêcher toutes les retombées de cette aide.

310.
    Par ailleurs, les compagnies aériennes en voie de restructuration introduiraient normalement des programmes de réduction des coûts dans l'ensemble de leur groupe, afin de contribuer ainsi à une diminution des pertes. Air France pourrait, grâce à l'aide litigieuse, éviter d'avoir à réclamer une telle contribution à Air Inter. En conséquence, Air Inter serait en mesure de financer le développement actuel de ses activités, alors que, sans aide, elle aurait été dans l'obligation de mettre en oeuvre des mesures d'austérité. Dès lors, Air Inter serait au moins un bénéficiaire indirect de l'aide en cause.

311.
    A l'audience, les requérantes dans l'affaire T-371/94 ont rappelé que, selon la condition n° 1, l'aide litigieuse était destinée à Air France, ainsi qu'à toute société dont Air France détenait plus de 50 %. Ces sociétés seraient donc censées bénéficier de l'aide. Cependant, aucune d'elles n'aurait eu besoin d'être restructurée ou, si elles avaient besoin d'une restructuration, elles n'auraient pas soumis de plan de restructuration. L'autorisation de l'aide en faveur d'Air France et de ses 80 filiales serait donc manifestement illégale, notamment en ce qui concerne les filiales actives dans des secteurs non aériens.

312.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé des griefs soulevés.

Appréciation du Tribunal

313.
    Quant aux arguments tirés du caractère intrinsèquement inapproprié de la condition d'autorisation n° 1, au motif que la non-inclusion d'Air Inter dans le champ d'application de la décision attaquée méconnaîtrait les réalités économiques, en particulier l'unité économique constituée par Air France et Air Inter, il y a lieu de rappeler que l'aide litigieuse poursuivait la double finalité de contribuer au désendettement d'Air France et au financement de son plan de restructuration expirant le 31 décembre 1996. En autorisant l'aide, la Commission devait donc veiller à ce que la réalisation de ces objectifs ne fût pas compromise par les relations existant entre la compagnie nationale Air France et la compagnie Air Inter au sein du groupe Air France, notamment par le transfert direct ou indirect à Air Inter d'une partie de l'aide. En outre, comme il a été exposé ci-dessus (points 214 à 216), la Commission devait prendre en considération qu'Air Inter constituait un actif stratégique important d'Air France, de sorte qu'il ne pouvait pas être exigé des deux compagnies de procéder à leur séparation totale et définitive.

314.
    Dans ces circonstances, le Tribunal estime que la Commission, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, était autorisée à considérer que, une fois le mécanisme de holding instauré, Air France et Air Inter constitueraient des compagnies juridiquement et financièrement autonomes, aux fins de l'application du régime spécifique des aides d'État. En effet, ce mécanisme — combiné au système de vérification par des consultants indépendants et à l'échelonnement du versement de l'aide en trois tranches, au titre de l'article 2 de la décision attaquée — pouvait être qualifié de moyen suffisant et approprié pour garantir qu'Air France soit le seul bénéficiaire de l'aide et pour transformer la structure juridique d'Air France et d'Air Inter, qui passaient du régime de dépendance entre filiale et société mère à celui de sociétés soeurs indépendantes.

315.
    La séparation juridique et financière des deux compagnies, au sens du régime des aides d'État, n'est pas remise en question par le fait qu'elles ont en commun des filiales et des membres de leurs équipes dirigeantes, ni par leurs intérêts aériens concordants. Il s'agit là d'éléments purement factuels qui peuvent, tout au plus, amener la Commission et les consultants indépendants à être particulièrement vigilants dans leur contrôle, au titre de l'article 2 de la décision attaquée, de la bonne mise en oeuvre du plan de restructuration, ainsi que de la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide.

316.
    Il en va de même en ce qui concerne la fusion des deux compagnies envisagée pour le 1er janvier 1997. Indépendamment du fait que la Commission ne disposait pas, en juillet 1994, d'un projet spécifique et détaillé d'une telle fusion, dont elle aurait pu tenir compte dans la décision attaquée, il convient de constater que la possibilité de rejoindre le groupe Air France à l'issue de la période de restructuration n'était aucunement limitée à la seule compagnie Air Inter. A cet égard, celle-ci ne se distinguait pas de toute autre compagnie aérienne indépendante d'Air France au

sens du régime des aides d'État. Par ailleurs, il est évident qu'Air France, comme toute entreprise ayant reçu une aide d'État, devait pouvoir retrouver sa liberté de manoeuvre, une fois achevée la phase de restructuration assortie des restrictions imposées par la Commission.

317.
    S'il est vrai que la motivation même de la décision attaquée ne porte ni sur l'interdépendance de fait d'Air France et d'Air Inter ni sur les perspectives d'une éventuelle fusion des deux compagnies, le Tribunal estime, toutefois, que la mention du holding, dont la conséquence était de garantir leur indépendance juridique, a rendu superflue toute autre motivation à cet égard. En effet, dans l'économie générale de la décision, Air Inter constitue une compagnie autonome, qui est exclue du bénéfice de l'aide. Il s'ensuit qu'elle doit être traitée, pour la durée de cette autonomie, comme toute autre compagnie aérienne non bénéficiaire de l'aide et indépendante d'Air France.

318.
    En ce qui concerne les échanges de lignes et de créneaux entre Air France et Air Inter, il y a lieu de constater que ces transactions ne constituent pas une particularité des relations entre ces deux compagnies. Il s'agit plutôt d'une pratique courante à laquelle se livrent toutes les compagnies aériennes. Ainsi, comme le gouvernement français l'a déclaré à l'audience sans être contredit sur ce point, Air France a échangé, en 1996, à l'aéroport Paris (CDG), 50 créneaux avec une trentaine de compagnies extérieures au groupe Air France, dont deux avec British Airways, un avec British Midland et un avec KLM. Avec Air Inter, il n'y aurait eu aucun échange pendant la saison d'hiver 1994/1995; un seul échange aurait eu lieu pour la saison d'été 1995 et quatre pour la saison d'hiver 1995/1996. Quant aux échanges de lignes, le gouvernement français a indiqué que la ligne Paris-Dresde a été reprise par Lufthansa après qu'Air France l'eut abandonnée, tandis que Jersey Air European a repris la ligne Paris-Glasgow et Crossair la ligne Bordeaux-Genève.

319.
    Dans ce contexte, il convient d'ajouter que le transfert éventuel par Air France à Air Inter des lignes et des créneaux rentables, en échange de lignes et de créneaux non rentables, irait à l'encontre de la restructuration, telle qu'Air France l'a elle-même conçue dans son projet, et mettrait en péril la réalisation des objectifs d'exploitation et de productivité fixés dans la décision attaquée. Dès lors, la Commission pouvait considérer que le mécanisme de contrôle instauré par l'article 2 de la décision attaquée était suffisant pour faire face à cette hypothèse peu probable.

320.
    Au regard de l'argument selon lequel Air Inter était au moins une bénéficiaire indirecte de l'aide, sans laquelle Air France aurait dû exiger d'elle une contribution financière à sa restructuration, il importe de rappeler que la Commission était autorisée à estimer justifié, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, le maintien de la compagnie Air France restructurée au niveau des deux autres plus grandes compagnies européennes (voir ci-dessus point 209) et qu'Air Inter constituait un actif stratégique important, et donc inaliénable, d'Air France (voir

ci-dessus points 214 à 216). Par conséquent, la Commission pouvait estimer que cette position d'Air France serait affaiblie si, au lieu de l'autorisation de l'aide accompagnée de l'instauration du holding décrit ci-dessus, Air Inter avait dû mobiliser des fonds propres ou s'endetter elle-même, afin de contribuer au financement de la restructuration d'Air France. Dans ces circonstances, Air Inter ne saurait être qualifiée de bénéficiaire indirecte de l'aide.

321.
    Les arguments tirés du caractère inefficace d'un contrôle de la mise en oeuvre de la condition d'autorisation n° 1 ou de son éventuel contournement par Air France ne sont pas de nature à affecter la légalité même de la décision attaquée dès lors qu'ils concernent la seule phase postérieure à l'adoption de cette décision ou même postérieure à la période de restructuration d'Air France (voir ci-dessus point 292). Pour la même raison, il y a lieu d'écarter toutes les références que les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ont faites au comportement d'Air France et/ou d'Air Inter postérieur à l'adoption de la décision attaquée (voir ci-dessus point 81).

322.
    Quant aux problèmes de contrôle soulevés au regard du droit fiscal français, il suffit de constater que les consultants indépendants — chargés, au titre de l'article 2 de la décision attaquée, de vérifier la bonne mise en oeuvre du plan de restructuration et la réalisation des conditions liées à l'approbation de l'aide —, loin d'être limités aux concepts du droit fiscal français, sont libres de procéder au contrôle de l'étanchéité de la séparation juridique et financière d'Air France et d'Air Inter selon les méthodes économiques, financières et comptables qu'ils jugent appropriées. L'exécution de l'accord de 1992 prévoyant le transfert du personnel navigant d'Air France à Air Inter, pendant la période de validité des conditions d'autorisation imposées par la décision attaquée, devra évidemment respecter ces conditions, notamment la condition n° 1, selon laquelle toutes les prestations de service entre Air France et Air Inter seront effectuées à des prix de marché, le contrôle du respect de cette condition relevant de la phase postérieure à la décision attaquée.

323.
    Enfin, pour autant qu'il a été soutenu que la condition d'autorisation n° 1 permettait le versement de l'aide à des filiales d'Air France qui n'étaient soumises à aucune obligation de restructuration, il suffit de relever que la condition d'autorisation n° 6 impose que l'aide soit exclusivement utilisée par Air France «pour les finalités de restructuration de la compagnie», ce qui lui interdit d'en faire profiter des filiales non soumises à restructuration. Quant à Air Charter, qui fait d'ailleurs l'objet des conditions d'autorisation nos 12 et 13, il convient de préciser que le secteur charter d'Air France est visé par le plan de restructuration litigieux (p. 22 du plan). Le Tribunal estime que la Commission, dans l'exercice de son large pouvoir d'appréciation, pouvait se limiter à cette réglementation générale, renforcée par le mécanisme de contrôle de l'article 2 de la décision attaquée, et considérer que seules les questions essentielles concernant Air France elle-même, Air Inter et Air Charter nécessitaient une réglementation plus détaillée.

324.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 1 doivent être rejetés.

b) Sur la condition d'autorisation n° 3

325.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller «à ce qu'Air France poursuive la mise en oeuvre complète du projet pour l'entreprise, tel qu'il a été communiqué à la Commission européenne le 18 mars 1994, en particulier en ce qui concerne les objectifs de productivité suivants exprimés par le ratio EPKT/employé pour la durée du plan de restructuration:

— 1994: 1 556 200 EPKT/employé,

— 1995: 1 725 500 EPKT/employé,

— 1996: 1 829 200 EPKT/employé».

326.
    Il convient d'ajouter que la Commission a précisé que l'indicateur d'efficience EPKT représente les passagers kilomètres transportés et les tonnes kilomètres transportées (une tonne kilomètre transportée étant, pour les besoins de la comparaison, censée être équivalente au revenu de 3,5 passagers kilomètre) par membre du personnel. Cet indicateur serait représentatif du niveau total de la demande de transport tant voyageur que fret (JO p. 83).

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

327.
    Les requérantes estiment que l'EPKT est une unité de mesure non fiable. Étant donné la diversité des activités des transporteurs, il serait très difficile de mettre au point une unité de mesure composite unique pouvant valablement tenir compte de l'ensemble des paramètres. Dans l'idéal, une large gamme d'indicateurs devrait, par conséquent, être utilisée pour mesurer la performance dans divers domaines spécifiques du secteur des transports aériens. La Commission aurait violé cette règle élémentaire en évaluant la productivité actuelle et future d'Air France à l'aide d'une seule unité de mesure, à savoir l'EPKT, qui, à la connaissance des requérantes, n'est jamais utilisée dans le marché des transports aériens.

328.
    Les requérantes soulignent qu'elles mesurent, quant à elles, leur productivité normalement sur la base des «tonnes kilomètres transportées» (ci-après «TKT») par employé ou des «passagers kilomètres transportés» (ci-après «PKT») par employé, sans combiner les deux unités. Une unité de mesure telle que l'EPKT, amalgamant les passagers-kilomètres et les tonnes-kilomètres, doublerait l'importance des passagers. De plus, cette unité de mesure combinerait des prestations de services entièrement différentes, à savoir le transport de marchandises et celui de passagers. Plus le pourcentage de fret transporté est élevé, plus les coûts unitaires seraient faibles, en particulier lorsqu'une compagnie exploite des appareils ne transportant que du fret. Cela contribuerait à faire apparaître une compagnie transportant du fret comme étant extrêmement efficace par rapport à une compagnie transportant des voyageurs.

329.
    Par ailleurs, l'EPKT représentant simplement la multiplication du nombre de passagers transportés (y compris le fret converti en nombre de passagers) par le nombre de kilomètres parcourus, un moyen simple de gonfler le chiffre des EPKT serait de desservir des lignes long-courriers, ce qui augmente le nombre des kilomètres parcourus. Les statistiques disponibles donneraient à penser que c'est précisément ce qu'Air France est en train de faire sur les lignes transatlantiques: elle augmenterait sa capacité, et cela en dépit du fait que toutes les autres compagnies aériennes diminuent la leur. De plus, cette unité de mesure ne donnerait aucune indication sur la rentabilité des activités d'une compagnie aérienne parce que la multiplication du nombre de passagers par le nombre de kilomètres parcourus ne dirait rien sur les recettes qui en découlent et le coût de transport des passagers. En conséquence, Air France pourrait présenter des résultats satisfaisants du point de vue du nombre des passagers multiplié par les kilomètres parcourus, mais ses recettes n'en resteraient pas moins désastreuses.

330.
    Enfin, même si l'EPKT était une unité de mesure adéquate, un certain nombre de facteurs ferait douter de sa fiabilité. Tout d'abord, dans sa communication du 3 juin 1994, la Commission n'aurait fait référence à la productivité d'Air France qu'en termes de «sièges kilomètres offerts» (ci-après «SKO»). Ensuite, dans sa décision 94/662 (citée au point 145 ci-dessus), la Commission aurait mesuré la productivité d'Air France uniquement en termes de personnes employées par avion, depassagers transportés par employés, de sièges-kilomètres offerts par employé et de passagers-kilomètres payants par employé. Il n'existerait, finalement, aucun consensus sur un critère d'équivalence «correct» entre les rendements des opérations de transport de marchandises et de passagers.

331.
    Les requérantes soulignent encore que les chiffres de productivité d'Air France ne tiennent pas compte des prestations de services fournies par les équipages d'appareils en location dite «mouillée», c'est-à-dire des locations d'appareils avec leurs équipages, ni de celles du personnel de sous-traitance. En effet, la productivité mesurée «par employé» serait artificiellement gonflée si des personnes ne faisant pas partie des effectifs d'Air France contribuaient en fait à sa productivité. A l'heure actuelle, Air France louerait des appareils en location «mouillée» auprès de plusieurs compagnies. Les seuils d'EPKT/employé exigés pour le paiement des trois tranches de l'aide pourraient bien être atteints, en augmentant simplement les locations «mouillées» ou les contrats de sous-traitance, puisque les engagements imposés par la Commission n'interdisent pas cette possibilité. Dans ce contexte, les requérantes précisent qu'Air France louait auprès de TAT des appareils et des équipages complets, c'est-à-dire non pas seulement le personnel navigant technique. Air France aurait, en outre, loué et continuerait à louer des appareils et des équipages complets auprès d'Air Littoral et auprès de Brit'Air.

332.
    Les requérantes considèrent, enfin, que les objectifs de productivité posés par la condition n° 3 sont trop faibles par rapport à ceux qu'atteignent d'autres

compagnies aériennes. Dans ce contexte, elles reprochent à la Commission de s'être limitée à comparer la productivité d'Air France avec celle que sept autres compagnies aériennes européennes étaient censées atteindre en 1996 (JO p. 83). Ce groupe comprendrait Alitalia et Iberia, qui connaissent de graves difficultés et dont l'avenir est incertain. La Commission aurait encore inclus parmi les sept compagnies aériennes deux autres compagnies, SAS et Swissair, qui assurent en moyenne des liaisons beaucoup plus courtes qu'Air France et dont la productivité semble donc inhabituellement faible. Seule une comparaison avec des compagnies ayant des activités et couvrant des distances semblables à celles d'Air France serait justifiée. Pour mesurer l'efficacité d'Air France sur le marché des transports aériens, il aurait été plus utile de comparer sa productivité future à celle de compagnies aériennes «en bonne santé», telles que KLM, British Airways, SAS et Lufthansa. En tout état de cause, une telle comparaison serait nécessairement une approximation, étant donné que la Commission ne pouvait pas avoir une idée précise des mesures de restructuration mises en oeuvre par ce groupe de compagnies.

333.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

334.
    Il y a lieu de constater que la condition n° 3 ne se limite pas à exiger la réalisation d'objectifs de productivité exprimés en EPKT, mais impose aux autorités françaises de faire en sorte qu'Air France poursuive la mise en oeuvre complète de son plan de restructuration, les objectifs en termes d'EPKT n'étant indiqués qu'à titre d'exemple spécifique. De même, en vertu de l'article 2 de la décision attaquée, le versement des deuxième et troisième tranches de l'aide est subordonné, entre autres, à la réalisation effective du projet pour l'entreprise et des résultats prévus «(notamment en ce qui concerne les résultats d'exploitation et les ratios de productivité exprimés en EPKT/employé [...])». Il s'ensuit que l'amélioration de la productivité globale d'Air France ne sera pas mesurée exclusivement en EPKT mais devra également être appréciée au regard des autres objectifs d'amélioration de la productivité mentionnés dans le plan de restructuration, notamment ceux concernant la réduction du personnel et des investissements, les économies en achats, l'amélioration de l'utilisation du temps de travail et le blocage des salaires.

335.
    La signification de l'unité EPKT/employé ainsi réduite à ses dimensions réelles, il convient de relever qu'elle constitue un indicateur de productivité physique qui comptabilise à la fois les passagers et le fret transportés, en tenant compte — par l'utilisation du coefficient de conversion 3,5 — de la réalité économique selon laquelle les coûts du transport d'une tonne de fret et les effectifs nécessaires à cet effet sont bien inférieurs à ceux afférents au transport de passagers, tandis que la situation est inverse en ce qui concerne les recettes dégagées par ces deux types de transport. Cette unité de mesure, loin de doubler l'importance des passagers, permet donc de constater si une compagnie, avec un même nombre d'employés,

transporte plus de passagers et de fret que précédemment sur des distances globalement identiques ou si elle en transporte les mêmes nombre et quantité avec moins d'employés, en améliorant ainsi sa productivité physique.

336.
    Il est vrai, et la Commission l'a elle-même admis devant le Tribunal, que l'EPKT n'est pas un critère infaillible en toutes circonstances. Il se peut, ainsi, que le coefficient de conversion 3,5 varie au cours de la période de restructuration d'Air France. Toutefois, il est également de fait que l'EPKT est particulièrement approprié pour mesurer la productivité d'une compagnie telle qu'Air France dont le transport de fret représente une composante essentielle de l'activité aérienne, à concurrence de 40 % de la charge marchande globale. Par ailleurs, Air France utilise traditionnellement depuis 1978 cette unité de mesure. Dans ces circonstances, la Commission était fondée à retenir l'EPKT, parmi les autres éléments pertinents pour la productivité de la compagnie, pour mesurer l'amélioration de la productivité d'Air France.

337.
    Cette conclusion n'est infirmée par aucun des éléments avancés par les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions.

338.
    Quant à l'absence de cohérence reprochée à la Commission, en ce que l'indicateur EPKT ne figure pas dans la décision 94/662 (citée au point 145 ci-dessus) adoptée le même jour que la décision faisant l'objet des présents litiges, il suffit de constater que la décision 94/662, contrairement à celle attaquée en l'espèce, a conclu à l'incompatibilité, au sens de l'article 92, paragraphe 1, du traité, de l'aide accordée à Air France à une époque antérieure et a refusé d'appliquer le paragraphe 3 de cet article, à défaut d'un véritable plan de restructuration d'Air France. Dans ces circonstances, il n'était pas question de fixer, dans la décision 94/662, des objectifs de productivité exprimés en EPKT à atteindre par Air France.

339.
    Au regard de l'éventualité d'une amplification artificielle du chiffre des EPKT par une simple augmentation des kilomètres parcourus, la Commission a souligné à juste titre qu'il paraît irrationnel qu'Air France, dans le seul but de parcourir des kilomètres, fasse voler des avions insuffisamment remplis et compromette ainsi, sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants au titre de l'article 2 de la décision attaquée, la réussite de son plan de restructuration dans son ensemble. Par ailleurs, les indicateurs utilisés par les compagnies requérantes pour mesurer leur propre productivité, les TKT et les PKT, sont exposés au même risque de manipulation, en ce que leur multiplicateur est également le nombre de kilomètres parcourus.

340.
    Il en va de même du grief tiré de la «location mouillée». S'il est vrai que le recours à l'affrètement d'avions avec équipages permet d'améliorer le ratio EPKT/employé, dans la mesure où ces avions contribuent à l'augmentation de l'EPKT sans que leurs équipages soient comptés au dénominateur du ratio, cette distorsion existe quelle que soit l'unité de mesure, dès qu'elle est rapportée au nombre d'employés

(SKO, TKT, PKT), et n'est donc pas spécifique à l'EPKT. En outre, les «locations mouillées» sont une pratique courante dans le secteur du transport aérien, de sorte que la situation d'Air France ne diffère pas foncièrement, à cet égard, de celle d'autres transporteurs européens. Enfin, si Air France avait réellement recours à de nombreuses «locations mouillées», elle compromettrait, sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants, la réalisation de son propre plan de restructuration qui prévoit justement une réduction du personnel, une meilleure utilisation de sa flotte et des équipages, ainsi qu'une compression des coûts. Par conséquent, la Commission était fondée à négliger, dans ce contexte, l'impact d'éventuelles «locations mouillées».

341.
    En ce qui concerne le grief dirigé contre le choix des sept compagnies aériennes retenues aux fins d'une comparaison de leur productivité avec celle d'Air France, le Tribunal estime que la Commission était autorisée à rapporter cette comparaison à un nombre relativement élevé de compagnies, pour atteindre, dans la mesure du possible, une véritable moyenne caractéristique du secteur. Ce faisant, elle n'était pas obligée de choisir les seules compagnies les plus performantes ou spécialisées sur le long-courrier, mais pouvait également inclure dans sa comparaison d'autres compagnies comme Alitalia, Iberia, SAS et Swissair, en considérant qu'une telle approche tenait compte de la complexité de l'activité de transport aérien dans son ensemble. Par conséquent, aucune erreur manifeste d'appréciation dans le choix de sept compagnies aériennes n'a été établie.

342.
    Il en va de même, enfin, de la thèse selon laquelle les objectifs de productivité posés par la condition n° 3 étaient trop faibles. Il s'agit là d'une simple affirmation non étayée par des éléments concrets susceptibles de démontrer une erreur manifeste de la Commission sur ce point. Dans ces circonstances, la Commission pouvait se borner à contredire cette affirmation en précisant que, d'après son appréciation, les objectifs de productivité étaient raisonnables, suffisants et réalisables.

343.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 3 ne sauraient être retenus.

c) Sur la condition d'autorisation n° 6

344.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller «à ce que, pendant la durée du plan, l'aide soit exclusivement utilisée par Air France pour les finalités de la restructuration de la compagnie et non pour acquérir des participations nouvelles dans d'autres transporteurs aériens».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

345.
    De l'avis des requérantes, cette condition est intrinsèquement déficiente, car l'aide sera essentiellement utilisée pour soutenir les différentes opérations d'Air France. La portée de la condition serait également limitée par l'interprétation qu'en a

donnée Air France. D'après celle-ci, l'interdiction de prendre des participations dans le capital d'autres compagnies aériennes ne s'appliquerait pas au paiement d'acquisitions conclues avant l'adoption de la décision attaquée, ni à l'augmentation d'une participation déjà prise dans d'autres compagnies aériennes, telles que Sabena. Par ailleurs, la condition énoncée à l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, selon laquelle l'aide d'État ne doit être utilisée que pour la restructuration du bénéficiaire, impliquerait, en elle-même, que le bénéficiaire ne soit pas autorisé à prendre des participations dans des compagnies aériennes. En effet, l'acquisition de participations dans d'autres compagnies ne pourrait en aucun cas être considérée comme constituant une mesure de restructuration.

346.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

347.
    Il y a lieu de constater que, comme la Commission l'a souligné devant le Tribunal, le texte de cette condition interdit l'utilisation de l'aide à la fois pour acquérir denouvelles participations et pour augmenter des participations existantes. Quant à l'argumentation relative au financement illégal tant d'activités opérationnelles que de la dernière tranche du prix d'acquisition de la participation dans le capital de Sabena, il suffit de rappeler que les griefs soulevés à cet égard ont déjà été rejetés (voir ci-dessus points 137 à 141 et 223).

348.
    En ce qui concerne enfin le caractère prétendument superflu de la condition n° 6, il convient de relever que, à supposer même que l'interdiction d'employer une aide pour l'acquisition de participations figure déjà dans l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité, l'utilité d'une telle condition consiste à permettre à la Commission de saisir directement la Cour, au titre de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa, sans être obligée d'entamer préalablement la procédure de l'article 93, paragraphe 2, premier alinéa, ou celle de l'article 169 (voir arrêt British Aerospace et Rover/Commission, précité au point 290, point 11). Par ailleurs, la condition n° 6 ne se limite pas à interdire l'acquisition de participations, mais impose aussi l'utilisation exclusive de l'aide pour les finalités de restructuration d'Air France.

349.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 6 doivent être écartés.

d) Sur la condition d'autorisation n° 7

350.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pas accroître au-delà de 146, pendant la durée du plan, le nombre des avions de la flotte de la Compagnie nationale Air France exploitée par celle-ci».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

351.
    Les requérantes estiment que la Commission a eu tort de considérer que cette condition sera opérante. En effet, elle ne couvrirait pas les activités de «location mouillée», par le biais desquelles Air France pourrait augmenter le nombre d'appareils effectivement à sa disposition. En outre, la Commission n'aurait pas pris en compte le fait qu'Air France peut continuer à commander de nouveaux appareils et à élargir sa flotte par le biais d'Air Inter, non seulement parce que la présence d'Air Inter dans le groupe Air France signifie que ces deux compagnies ont en commun d'importants intérêts économiques, mais également en raison de leur fusion prévue pour le début de l'année 1997. Tous les nouveaux appareils commandés et reçus par Air Inter reviendraient à Air France en 1997. Par ailleurs, rien n'interdirait à Air France de financer l'acquisition d'appareils pour Air Inter. La stratégie du groupe Air France serait de faire d'Air Inter un transporteur européen. A cet égard, l'exploitation de certaines lignes qu'Air France avait exploitées serait en train d'être transférée à Air Inter. Un tel mécanisme équivaudrait en pratique à permettre à Air France d'augmenter sa flotte opérationnelle au-delà du chiffre des 146 appareils en faisant appel à la flotte de sa société soeur, dont l'expansion n'est limitée par aucun engagement.

352.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

353.
    Quant aux éventuelles «locations mouillées», il y a lieu de constater que, comme la Commission l'a déclaré devant le Tribunal, la condition n° 7 s'applique également aux avions affrétés avec leurs équipages. En effet, en imposant une limite au nombre des avions de la flotte «exploitée» par Air France, cette condition vise non seulement les propres avions d'Air France, mais aussi ceux qu'une autre compagnie aura mis à sa disposition aux fins de leur exploitation. Par ailleurs, cette condition doit être lue conjointement avec le plan de restructuration d'Air France qui, sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants au titre de l'article 2 de la décision attaquée, prévoit que le nombre de sièges offerts sera légèrement diminué par rapport à 1993 (JO p. 75).

354.
    En ce qui concerne les références à Air Inter, il suffit de rappeler que, pour la durée de la restructuration d'Air France, Air Inter doit être considérée comme une compagnie autonome, que les relations commerciales entre les deux compagnies sont régies par la condition d'autorisation n° 1, qu'un éventuel contournement par le biais d'Air Inter des conditions imposées à Air France, s'il peut amener la Commission à réclamer la récupération de l'aide versée, n'affecte pas la légalité de la décision attaquée et que l'éventuelle fusion d'Air France avec Air Inter concerne cette dernière compagnie au même titre que n'importe quelle compagnie aérienne indépendante d'Air France (voir ci-dessus points 292 et 313 à 315).

355.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 7 doivent être rejetés.

e) Sur la condition d'autorisation n° 8

356.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pas accroître, pendant la durée du plan, l'offre de la Compagnie nationale Air France au-delà du niveau atteint en 1993 pour les liaisons [...] entre Paris et l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (7 045 millions de SKO) [et] entre la province et l'ensemble des destinations dans l'Espace économique européen (1 413,4 millions de SKO). Cette offre pourrait être augmentée de 2,7 % par an, sauf si le taux de croissance de chacun des marchés correspondants est plus faible. Toutefois, si le taux de croissance annuel de ces marchés dépasse 5 % l'offre pourra être augmentée, en plus de 2,7 %, de l'accroissement au-delà de 5 %».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

357.
    La requérante dans l'affaire T-394/94 reproche à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en concluant, dans la décision attaquée, que le secteur du transport aérien européen n'est pas touché par une crise structurelle de surcapacité. Ce faisant, la Commission n'aurait apparemment pas tenu compte de l'existence passée et actuelle d'une surcapacité, bien que cette dernière ait été expressément confirmée par le «comité des sages» dans son rapport sur l'aviation civile européenne, établi en janvier 1994 à la demande de la Commission elle-même. Le «comité des sages» aurait, en particulier, estimé que la surcapacité était en partie imputable aux aides d'État qui avaient été accordées. La thèse de la Commission, selon laquelle la surcapacité n'est qu'un «phénomène temporaire», serait donc infirmée par les propres sources de la Commission.

358.
    Les requérantes considèrent que, dans un secteur souffrant de surcapacité, la contrepartie d'une aide d'État doit être une réduction de l'offre du bénéficiaire, même si le marché est en expansion. Cette obligation subsisterait, même si la surcapacité n'est qu'un phénomène temporaire. Les requérantes dans l'affaire T-371/94 estiment que la notion de «compensation justificatrice» occupe une place centrale dans de nombreuses décisions de la Commission, y compris dans celles relatives aux aides d'État accordées à des fabricants d'automobiles datant des années 80, époque à laquelle le marché de l'automobile souffrait de surcapacité, mais connaissait une croissance importante [voir, notamment, la décision 89/661/CEE de la Commission, du 31 mai 1989, concernant les aides accordées par le gouvernement italien à l'entreprise Alfa Romeo (secteur automobile) (JO L 394 p. 9)]. Elles ajoutent que la compensation justificatrice ne peut être évitée simplement parce que le marché croît, étant donné que l'on ne peut jamais exclure le risque d'une réapparition de la surcapacité. Le royaume de Danemark considère qu'une comparaison avec les décisions Sabena, TAP, Aer Lingus et Olympic Airways (citées aux points 55 et 174 ci-dessus) démontre que ces autres affaires

comportaient toutes des réductions de capacité imposées au bénéficiaire de l'aide d'État.

359.
    Par ailleurs, la Commission aurait tort de déclarer — sur le fondement des statistiques de l'IATA qui prévoient une augmentation annuelle du trafic de 6 % — que la surcapacité sur le marché des transports aériens pourrait disparaître d'ici à 1995. En effet, les statistiques de l'IATA seraient peu solides, et les estimations de cette dernière seraient souvent fausses. En outre, la croissance du trafic ne pourrait pas être examinée sans tenir compte des facteurs qui en sont la cause. Sur le marché des transports aériens, la croissance que connaît actuellement le trafic aurait été obtenue en grande partie par une baisse des tarifs et donc en abaissant le rendement en-dessous du niveau nécessaire à la survie de nombreuses compagnies aériennes.

360.
    Les requérantes affirment qu'Air France pourrait utiliser Air Inter pour augmenter sa capacité et sa part de marché sans restrictions jusqu'à leur fusion en 1997. Dans ce contexte, les requérantes rappellent que, s'il est peu vraisemblable qu'Air France exploite un plus grand nombre de lignes intérieures, c'est en raison de son plan stratégique dans le cadre duquel l'exploitation du réseau national et de certaines lignes européennes a été confiée à Air Inter.

361.
    Les requérantes soulignent que les limitations de capacité s'appliquent uniquement aux liaisons entre la France et les destinations à l'intérieur de l'EEE autres que françaises. A l'exception de la liaison Paris (CDG)-Nice, Air France n'exploiterait à l'intérieur de l'EEE que les liaisons entre la France et d'autres pays de l'EEE. Depuis l'entrée en vigueur du règlement (CEE) n° 2408/92 du Conseil, du 23 juillet 1992, concernant l'accès des transporteurs aériens communautaires aux liaisons aériennes intracommunautaires (JO L 240, p. 8, ci-après «règlement n° 2408/92»), les transporteurs aériens de l'EEE seraient libres d'exploiter toute liaison entre deux États membres de l'EEE et d'offrir des services limités de cabotage à l'intérieur de tout État membre autre que le leur. Il en résulterait qu'Air France est totalement libre en ce qui concerne la capacité qu'elle peut offrir sur les liaisons entre deux États membres de l'EEE autres que la France, ainsi que les liaisons à l'intérieur d'un État membre de l'EEE autre que la France.

362.
    Il semble aux requérantes que la condition n° 8 ne vise pas à couvrir la capacité offerte par Air France entièrement à l'intérieur de la France. En outre, les limitations de capacité auraient peu d'importance parce que, en 1993 — l'année de référence —, l'offre d'Air France avait atteint un niveau record. Du reste, la condition ne s'appliquerait qu'au trafic passagers. La Commission n'expliquerait pas pourquoi aucune limite n'est imposée à la capacité d'Air France en matière de fret. Enfin, l'engagement concernant les augmentations de capacité n'empêcherait pas Air France de faire appel aux «locations mouillées» pour accroître sa capacité.

363.
    Les requérantes reprochent encore à la Commission d'avoir commis une erreur manifeste d'appréciation en établissant un lien entre la limitation de la capacité

d'Air France et une baisse de sa part de marché dans l'EEE. En effet, la Commission aurait déclaré, dans la décision attaquée, que, en limitant l'offre d'Air France en deçà de la croissance du marché, «sa part de marché dans l'EEE» se restreindrait au profit de ses concurrents (JO p. 87). Or, selon les requérantes, même si la limitation maximale à 2,3 % (c'est-à-dire 5 % - 2,7 %) du taux de croissance de la capacité d'Air France s'appliquait, celle-ci pourrait conserver sa part de marché en augmentant simplement son coefficient de remplissage d'un peu plus de 1 %. Le Royaume-Uni relève cette même erreur manifeste d'appréciation en ajoutant qu'il résulte d'une augmentation de 3,8 % du coefficient de remplissage (JO p. 87) et d'une augmentation autorisée de 2,7 % de la capacité que le nombre des passagers d'Air France devrait croître de 6,6 % (c'est-à-dire 1,038 x 1,027 = 1,066), ce chiffre étant supérieur à la croissance prévisionnelle du marché de 5,5 % l'an (JO p. 77).

364.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

365.
    En affirmant, dans la décision attaquée, que le secteur de l'aviation civile européenne ne souffrait pas d'une surcapacité structurelle, la surcapacité existante ne devant être qu'un phénomène temporaire, la Commission s'est essentiellement fondée sur des statistiques de l'IATA datant de 1993 et prévoyant pour le trafic aérien une croissance annuelle de 6 % (JO p. 82). Or, l'IATA est un organisme international de renommée mondiale qui compte dans ses rangs la quasi-totalité des compagnies aériennes et qui publie régulièrement des prévisions de trafic reconnues dans la profession. Il s'ensuit que la Commission pouvait, sans commettre d'erreur manifeste, se fonder sur les chiffres publiés par cet organisme pour conclure à l'absence d'une surcapacité structurelle.

366.
    Cette analyse n'est pas contredite par le rapport du «comité des sages» qui, s'il recommande, en termes généraux, d'envisager une réduction de capacité, ne se prononce pas sur le caractère structurel ou temporaire de la surcapacité existante (p. 18 et 22 de l'annexe 13 à la requête dans l'affaire T-394/94). Par ailleurs, ainsi qu'Air France l'a souligné devant le Tribunal, sans être contredite sur ce point, l'évolution du transport aérien a confirmé l'analyse de la Commission, la surcapacité ayant été résorbée entre-temps.

367.
    Le Tribunal estime, ensuite, que la constatation de l'absence d'une surcapacité structurelle autorisait la Commission à conclure que la situation du secteur de l'aviation ne justifiait pas une réduction globale des capacités (JO p. 82). Il en résulte nécessairement que la Commission n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'imposer une réduction des capacités d'Air France ou d'Air Charter. Dans cette optique, la Commission n'était donc pas contrainte de procéder à une analyse, au titre de la situation des capacités, des liaisons

aériennes sur lesquelles Air France et ses filiales se trouvaient en concurrence avec d'autres compagnies européennes, mais pouvait se borner à prescrire des limites à l'expansion d'Air France, dans la mesure où ces limites ne compromettaient pas les chances de la compagnie de restaurer sa viabilité financière et sa compétitivité. Ces considérations s'appliquent aussi au secteur du fret qui, comme il a été constaté ci-dessus (point 336), constitue une activité importante d'Air France.

368.
    Eu égard à la situation particulière d'Air France, l'une des trois plus grandes compagnies européennes, la référence à d'éventuelles réductions de capacité, opérées par d'autres compagnies de taille beaucoup plus modeste, comme Aer Lingus, TAP, Sabena ou Olympic Airways, est dénuée de pertinence. Il en va de même du renvoi au marché de l'automobile des années 80, du fait qu'il n'a été apporté aucun élément susceptible d'établir la pertinence spécifique de ce marché pour l'analyse du secteur de l'aviation civile des années 1992 à 1994, et de ses perspectives à moyen terme (1994 à 1997). Quant au risque d'utiliser Air Inter pour augmenter la capacité d'Air France, il suffit de rappeler que les deux compagnies doivent être considérées comme indépendantes pour la durée de la restructuration d'Air France. En ce qui concerne enfin les «locations mouillées», la Commission a déclaré devant le Tribunal que tout vol d'un appareil affrété avec son équipage serait pris en compte comme un vol Air France aux fins de la condition n° 8. Les requérantes ont pris acte de cette déclaration sans la contester.

369.
    Quant au caractère prétendument trop restreint de la condition n° 8, il y a lieu d'admettre qu'elle ne couvre que les liaisons entre la France et les autres pays de l'EEE et ne limite donc pas l'offre d'Air France sur les lignes entre deux pays de l'EEE autres que la France, sur les lignes à l'intérieur d'un pays de l'EEE autre que la France et sur les lignes domestiques françaises. En se limitant au réseau France-EEE, la Commission n'a pourtant pas dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation.

370.
    En effet, elle pouvait négliger le marché intérieur français du fait qu'Air France n'exploitait qu'une seule ligne domestique, le transporteur national français étant — et demeurant à moyen terme — la compagnie Air Inter, de sorte que l'exclusion des lignes domestiques françaises ne pouvait avoir qu'un impact économique négligeable. Il en va de même pour les lignes à l'intérieur de tout pays de l'EEE autre que la France, étant donné que les États de l'EEE n'étaient pas tenus — en vertu de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 2408/92 et du point 64.A, chapitre VI, de l'annexe XIII de l'accord EEE (Transports — Liste prévue à l'article 47, JO 1994, L 1, p. 422), modifié par la décision du Comité mixte de l'EEE n° 7/94, modifiant le protocole 47 et certaines annexes de l'accord EEE (JO 1994, L 160, p. 1, 87) — d'autoriser, avant la fin de la période de restructuration d'Air France, l'exercice de droits de cabotage. Par conséquent, l'exploitation de telles lignes pouvait être considérée comme exceptionnelle et économiquement insignifiante. Cette considération est tout aussi pertinente pour l'exploitation des lignes entre deux pays de l'EEE autres que la France, la Commission étant fondée

à négliger l'importance économique d'une telle activité sans aucun rattachement à la plate-forme d'Air France à Paris.

371.
    Quant au grief tiré de la méconnaissance des effets d'une limitation de la capacité d'Air France sur l'évolution de sa part de marché, il convient d'admettre que la phrase figurant dans la décision attaquée, selon laquelle «en limitant l'offre d'Air France en deçà de la croissance du marché, sa part de marché dans l'EEE se restreindra au profit de ses concurrents» (JO p. 87), peut paraître erronée dans la mesure où la part de marché d'une entreprise est fonction non pas du volume de ses capacités, mais du degré de leur utilisation. Il y a toutefois lieu de rappeler que l'offre d'Air France, c'est-à-dire les capacités de la compagnie, est exprimée, aux termes de la condition n° 8, en nombre de sièges offerts à la clientèle. En énonçant que cette offre serait limitée en deçà de la croissance pronostiquée du marché, la Commission n'a donc voulu restreindre que la faculté d'Air France de participer à cette croissance, c'est-à-dire sa part de marché potentielle définie en nombre de sièges offerts. En effet, la Commission a expressément déclaré, devant le Tribunal, que les limitations d'offre imposées à Air France n'étaient aucunement destinées à empêcher la réalisation de son plan de restructuration, qui prévoit l'accroissement de la productivité de la compagnie, cette productivité ainsi que sa part de marché effective pouvant augmenter grâce à l'amélioration du coefficient de remplissage. Replacée dans le contexte des finalités de restructuration d'Air France, la phrase litigieuse n'exprime, dès lors, aucune erreur manifeste de la Commission.

372.
    Dans la mesure où il est, enfin, reproché à la Commission d'avoir permis à Air France de dépasser la croissance prévisionnelle du trafic de 5,5 %, il suffit de constater que la Commission a déclaré, sans avoir été contredite sur ce point, que l'augmentation prévisionnelle de 3,8 % du coefficient de remplissage d'Air France portait sur la période des trois années de restructuration et ne constituait pas un taux annuel, ce dernier s'élevant approximativement à 1,2 %. En appliquant la méthode de calcul proposée par le Royaume-Uni, le nombre des passagers d'Air France devrait, par conséquent, croître de 3,9 % (1,012 x 1,027 = 1,039), ce chiffre étant inférieur à la croissance prévisionnelle de 5 % l'an.

373.
    Il résulte de ce qui précède que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 8 doivent être rejetés.

f) Sur la condition d'autorisation n° 9

374.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à s'assurer qu'Air France ne met pas en oeuvre, pendant la durée du plan, des pratiques consistant à proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'Espace économique européen».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

375.
    Les requérantes considèrent les limites imposées à Air France en matière de fixation des prix comme inefficaces. Le texte de cette condition donnerait à penser qu'il ne s'applique qu'aux lignes d'Air France existantes, c'est-à-dire les lignes qu'elle exploite à l'heure actuelle entre Paris et la province française, d'une part, et les autres destinations à l'intérieur de l'EEE, d'autre part. Elles affirment qu'Air France offre tout un éventail de tarifs promotionnels. Ces tarifs existant déjà au moment de l'adoption de la décision attaquée, on pourrait supposer qu'ils ne sont pas couverts par la condition. Depuis la décision attaquée, Air France aurait continué à offrir des promotions semblables. De toute manière, les compagnies aériennes ajusteraient leurs tarifs moyens non pas tant en augmentant ou en abaissant leur niveau qu'en contrôlant l'accès des passagers aux différentes catégories tarifaires. Ce serait donc en augmentant le nombre de sièges offerts à ces tarifs promotionnels qu'Air France pourrait casser les prix. Par ailleurs, il serait très souvent impossible à un tiers de connaître les tarifs appliqués par un concurrent, car ils seraient secrets. De plus, les produits offerts par les transporteurs sur une même liaison seraient si variés et si difficiles à comparer entre eux qu'il serait très difficile, dans la plupart des cas, d'établir qu'un tarif donné est inférieur à un autre.

376.
    Air France ne serait pas empêchée d'exercer une pression à la baisse sur les prix en inondant une ligne particulière d'une offre excédentaire, pour autant qu'elle diminue sa capacité sur d'autres destinations. Enfin, la condition considérée ne couvrirait pas sa politique tarifaire pour les produits ou prestations de service dans d'autres domaines liés aux transports aériens, tels que la maintenance des appareils. De même, il serait impossible de savoir si l'expression «sur les liaisons qu'elle exploite à l'intérieur de l'EEE» couvre les services offerts par Air Charter.

377.
    Les sociétés Maersk ajoutent que, en raison de l'imprécision de la condition n° 9, Air France est en mesure d'utiliser l'aide pour mettre en place et financer des services plus coûteux, offerts sous l'apparence d'une «offre équivalente». La récente annonce par Air France d'une modernisation de son service long-courrier, dont le coût est estimé à 500 millions de FF, en serait un exemple typique. Par voie de conséquence, les concurrents qui ne bénéficient pas d'une aide d'État devraient réagir, soit en introduisant des niveaux de service plus élevés, soit en baissant les prix. Le royaume de Suède relève aussi le caractère très large des concepts «price leadership» et «offre équivalente», qui seraient sources d'incertitudes juridiques. Ces concepts ne seraient pas de nature à empêcher qu'Air France augmente l'offre de prix soldés grâce aux augmentations de capacités sur certaines lignes particulières.

378.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

379.
    Il y a lieu de constater, tout d'abord, que rien dans le texte de la condition n° 9 n'autorise l'interprétation selon laquelle cette condition ne s'applique qu'aux lignes desservies par Air France au moment de l'adoption de la décision attaquée. Il ressort plutôt dudit texte que l'interdiction du leadership en matière de tarifs concerne toutes les lignes exploitées par Air France «pendant la durée du plan», ce qui couvre aussi les lignes nouvellement ouvertes après l'adoption de la décision attaquée.

380.
    Il convient de constater, ensuite, que, par le biais de la condition d'autorisation n° 1, Air Charter est, en tant que société contrôlée par Air France à plus de 50 %, également couverte par la condition n° 9.

381.
    En ce qui concerne les prétendues possibilités pour Air France d'assouplir lesconditions relatives à l'accès à des tarifs promotionnels ou d'inonder certaines lignes d'une offre excédentaire, le Tribunal estime que la Commission était fondée à considérer ces possibilités comme peu réalistes, étant donné qu'Air France était obligée de procéder, sous le contrôle de la Commission et des consultants indépendants au titre de l'article 2 de la décision attaquée, à la mise en oeuvre complète de son plan de restructuration, qui prévoyait notammment l'amélioration de son rendement.

382.
    Les autres griefs soulevés se limitent à remettre en question la seule applicabilité efficace de la condition n° 9 et ne sauraient donc être retenus dans le présent contexte (voir ci-dessus point 292).

383.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 9 doivent être rejetés.

g) Sur la condition d'autorisation n° 10

384.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France en matière de droits de trafic».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

385.
    Les requérantes estiment que la Commission a eu tort de considérer cette condition comme opérante. En effet, depuis l'entrée en vigueur, le 1er janvier 1993, du règlement n° 2408/92, l'octroi des droits de trafic serait devenu sans objet pour ce qui est des liaisons internationales à l'intérieur de la Communauté et, depuis le 1er juillet 1994, à l'intérieur de l'EEE. Ces droits seraient acquis automatiquement aux compagnies aériennes de l'EEE. Par ailleurs, elles accusent les autorités françaises de ne pas appliquer correctement les dispositions du règlement n° 2408/92 et de protéger les intérêts d'Air France et d'Air Inter.

386.
    Elles affirment que la condition ne s'applique, en fait, qu'à l'exploitation des lignes intérieures. Même dans ce cas, elle serait largement dépourvue de pertinence, parce qu'Air France n'exploite qu'une seule ligne intérieure et que les compagnies aériennes non françaises de l'EEE ne sont pas tenues d'obtenir des droits de trafic pour le marché intérieur français. En tout état de cause, l'accès de ces compagnies aériennes à ce marché serait limité jusqu'au 1er avril 1997. Par ailleurs, les droits d'Air Inter seraient protégés sur la plupart des liaisons lucratives par les autorités françaises sur la base de l'article 5 du règlement n° 2408/92, qui prévoit que les concessions exclusives sur les liaisons intérieures peuvent subsister temporairement.

387.
    Elles relèvent que, même si la condition était valable, elle serait inopérante car les personnes auxquelles l'octroi des droits de trafic a été délégué font partie soit du conseil d'administration d'Air France, soit du conseil d'administration du holding. Cela engendrerait un risque de discrimination pour les transporteurs aériens concurrents qu'une simple condition ne pourrait éviter.

388.
    Dans ce contexte, les requérantes précisent que les États membres peuvent demander à des compagnies aériennes de présenter leur programme d'exploitation pour une liaison donnée avant l'ouverture du service concerné. En France, l'acceptation ou le refus des programmes d'exploitation incomberait à la direction générale de l'aviation civile et au service du trafic aérien. Ces autorités pourraient effectivement empêcher une compagnie aérienne de se prévaloir de ses droits de trafic automatiques en refusant illégalement d'autoriser leurs programmes d'exploitation. Les événements ayant abouti et ayant fait suite à la décision 94/290 du 27 avril 1994 (citée au point 266 ci-dessus) illustreraient ce point. A cet égard, les requérantes renvoient à plusieurs lettres des autorités susmentionnées exprimant de tels refus d'approbation.

389.
    En tout état de cause, Air France, la direction générale de l'aviation civile et le service du trafic aérien seraient tous sous la tutelle générale du ministre des Transports. La jurisprudence de la Cour confirmerait qu'un lien organique entre une entreprise en concurrence sur un marché avec d'autres entreprises et les organismes régulant ce marché est contraire aux dispositions combinées des articles 90 et 86 du traité, précisément en raison du risque de discrimination inhérent à une telle situation (arrêts de la Cour du 19 mars 1991, France/Commission, C-202/88, Rec. p. I-1223, points 51 et 52, et du 27 octobre 1993, Decoster, C-69/91, Rec. p. I-5335, points 12 à 22).

390.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

391.
    Quant aux griefs tirés du caractère trop restreint de la condition n° 10, il y a lieu de constater que les compagnies aériennes européennes ont toujours besoin d'obtenir des droits de trafic pour les liaisons entre l'EEE et les destinations extérieures à l'EEE, non couvertes par le règlement n° 2408/92. Ainsi que la

Commission l'a relevé devant le Tribunal, Air France se trouve en concurrence, sur ces lignes, avec d'autres compagnies aériennes françaises telles que TAT, Euralair, Corsair, AOM et Air Liberté. Il s'ensuit que la condition n° 10 est pertinente pour ce domaine du trafic aérien. Il en va de même pour le trafic couvert par le règlement n° 2408/92, dans la mesure où les autorités nationales, indépendamment des droits de trafic proprement dits, décident, à l'issue d'une procédure d'autorisation formelle, des modalités d'application dudit règlement. Par ailleurs, les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ont expressément reproché aux autorités françaises d'avoir fait une application incorrecte des dispositions dudit règlement dans le but de protéger les intérêts d'Air France et d'Air Inter.

392.
    Il convient d'ajouter que, si c'est en vertu du principe de non-discrimination que les autorités françaises sont tenues de ne pas accorder un traitement préférentiel à Air France, l'utilité de la condition n° 10 consiste, ainsi qu'il a déjà été exposé ci-dessus (point 348), à permettre à la Commission de saisir directement la Cour, sans être obligée d'entamer préalablement la procédure de l'article 93, paragraphe 2, premier alinéa, ou celle de l'article 169 du traité.

393.
    Les autres griefs soulevés font état du risque de voir les autorités françaises, en raison de leurs relations étroites avec Air France, empêcher d'autres compagnies de se prévaloir de leurs droits de trafic. Ils se limitent donc à remettre en question l'applicabilité efficace de la condition n° 10 et ne sauraient, dès lors, être retenus dans le présent contexte (voir ci-dessus point 292).

394.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 10 doivent être rejetés.

h) Sur la condition d'autorisation n° 11

395.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises à veiller «à ce qu'Air France n'exploite pas entre la France et les autres pays de l'Espace économique européen, pendant la durée du plan, un nombre de lignes régulières supérieur à celui exploité en 1993 (89 lignes)».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

396.
    Les requérantes considèrent que cette condition est inopérante, en ce qu'elle indique un chiffre maximal qui n'interdit pas à Air France d'ouvrir de nouvelles liaisons et d'en fermer d'autres. En outre, Air France pourrait augmenter le nombre des destinations qu'elle dessert au-delà de la limite des 89 imposées, par le biais des «locations mouillées», et le nombre des liaisons assurées à destination ou au départ de la France, en introduisant des liaisons indirectes passant par d'autres États membres en prolongement de certaines lignes existantes, la ligne Londres-Paris devenant, par exemple, Londres-Paris-Rome. Air Inter commencerait

déjà à desservir des destinations européennes exploitées jusqu'alors par Air France, dans la perspective de la fusion envisagée en 1997. En conséquence, Air France serait en mesure d'ouvrir de nouvelles lignes dans la limite des 89. Chaque fois qu'Air France souhaiterait ouvrir une nouvelle ligne, il lui suffirait de transférer l'une des lignes qu'elle dessert à Air Inter, tout en sachant que l'ensemble de leurs activités européennes seraient de toute manière fusionnées en 1997.

397.
    Quant au transfert de lignes d'Air France vers Air Inter, elles rappellent l'opinion exprimée par le directeur du groupe Air France, telle qu'elle figure dans un article de presse paru en septembre 1994. Il en ressort qu'Air Inter récupérerait un certain nombre de lignes d'Air France au cours des deux années qui viennent: Air Inter devrait exploiter sous son pavillon les vols vers le Maghreb, la péninsule Ibérique, la Grande-Bretagne et l'Irlande. Les dirigeants du groupe estimeraient avoir toute latitude pour procéder à ces permutations de pavillons, d'autant qu'Air Inter ne serait pas visée par de telles limitations de capacités.

398.
    Elles notent enfin que les statistiques recueillies par l'Official Airline Guide révèlent qu'Air France n'exploitait que 64 lignes dans l'EEE en mai 1994. Par conséquent, le fait pour la Commission d'avoir accepté une limitation du réseau d'Air France à 89 liaisons autoriserait la compagnie à ouvrir 25 lignes supplémentaires entre la France et d'autres États de l'EEE. Par ailleurs, la condition n° 11 ne couvrirait ni les liaisons à l'intérieur de la France ni celles entre deux États de l'EEE autres que la France.

399.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

400.
    Quant aux «locations mouillées» et au prolongement de lignes existantes, il y a lieu de constater que la Commission a déclaré, devant le Tribunal, que ces deux types de mesure tombaient sous le coup de la condition n° 11. Les requérantes ont pris acte de cette interprétation sans la contester.

401.
    En ce qui concerne la référence à Air Inter, il suffit de rappeler que le comportement de cette compagnie, indépendante d'Air France pour la durée de sa restructuration, est dénué de pertinence dans le présent contexte, d'autant plus que les allégations exprimées au sujet d'un transfert de lignes entre Air France et Air Inter sont fondées sur un article de presse datant d'une période postérieure à la date d'adoption de la décision attaquée.

402.
    Quant à l'exclusion des lignes domestiques françaises ainsi que des lignes entre des États de l'EEE autres que la France, il suffit de rappeler que la Commission était fondée à considérer que l'impact économique de ces lignes était insignifiant au point qu'il pouvait être négligé dans le présent contexte (voir ci-dessus point 370).

403.
    En ce qui concerne la possibilité pour Air France d'ouvrir de nouvelles liaisons et d'en fermer d'autres, en respectant le chiffre maximal de 89 lignes, la Commission a déclaré, à juste titre, devant le Tribunal qu'elle ne pouvait pas avoir l'intention d'empêcher Air France de réagir à la demande du marché, pour autant que l'ensemble des conditions d'autorisation soient respectées. En effet, la réalisation du plan de restructuration destiné à restaurer la viabilité financière et la compétitivité d'Air France serait compromise à défaut d'une telle flexibilité.

404.
    Enfin, dans la mesure où il a été soutenu qu'Air France n'exploitait que 64 lignes dans l'EEE en mai 1994, de sorte que le fait pour la Commission d'avoir accepté un réseau de 89 lignes autorisait Air France à ouvrir 25 lignes supplémentaires, le Tribunal estime que la Commission n'a pas dépassé les limites de son large pouvoir d'appréciation en retenant le nombre de lignes qu'Air France avait exploitées en 1993, tout comme elle a limité, au titre des conditions d'autorisation nos 8 et 12,l'offre respective d'Air France et d'Air Charter au niveau atteint en 1993.

405.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 11 ne sauraient être retenus.

i) Sur la condition d'autorisation n° 12

406.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à limiter, pendant la durée du plan, l'offre d'Air Charter au niveau de 1993 (3 047 sièges et 17 avions), avec une augmentation annuelle possible correspondant au taux de croissance du marché».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

407.
    Les requérantes soutiennent que la limitation de l'offre d'Air Charter est inefficace. Air Charter ne serait pas un transporteur aérien, mais plus exactement une agence commerciale dont l'activité est d'affréter des charters pour les voyagistes. Or, sur les 17 avions exploités par Air Charter en 1993, seulement huit auraient appartenu au groupe Air France et neuf auraient été loués. Les contrats de location expireraient dans le courant de l'année 1995. La limitation de l'offre aurait été proposée par les autorités françaises et acceptée par la Commission à une époque où Air Charter avait déjà informé les bailleurs qu'elle ne renouvellerait pas ses contrats de location. Air Charter serait donc autorisée à introduire jusqu'à neuf avions de remplacement dans sa flotte et donc, potentiellement, à augmenter sa capacité de 20 à 25 % sur un marché déjà hautement compétitif. Les bailleurs, récupérant neuf avions, livreraient nécessairement concurrence à Air Charter qui, en tant que bénéficiaire de l'aide, serait en mesure de louer ses avions à des voyagistes à des prix artificiellement bas.

408.
    Elles ajoutent que le projet n'envisage pas de mesures de restructuration d'Air Charter et que cette dernière recevra malgré cela une partie de l'aide. En

conséquence, la limitation de l'offre aurait été une invitation faite à une société subventionnée par l'État, non soumise à des mesures de restructuration, d'utiliser l'aide pour doubler sa flotte et, en tout cas, d'augmenter l'offre sur le marché des charters français.

409.
    Le Royaume-Uni estime qu'Air France, ou Air Charter, aurait dû prendre un engagement par lequel Air Charter n'aurait acheté que le nombre d'appareils nécessaires au remplacement de la capacité perdue en raison du non-renouvellement des baux.

410.
    La Commission, la République française et Air France contestent le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

411.
    Quant au risque de voir Air Charter pratiquer des prix artificiellement bas, il suffit de rappeler que la compagnie, contrôlée par Air France à plus de 50 %, doit respecter la condition d'autorisation n° 9 qui lui interdit de proposer des tarifs inférieurs à ceux pratiqués par ses concurrents pour une offre équivalente. Par conséquent, la Commission pouvait considérer qu'Air Charter gérerait son offre, comme toute autre entreprise commerciale, en fonction des seuls besoins du marché.

412.
    Il y a lieu de constater, ensuite, que la condition n° 12, en ce qu'elle interdit tout développement de l'offre d'Air Charter au-delà du niveau de 1993, sauf croissance du marché, n'a pas pour effet d'autoriser un doublement de la flotte en exploitation de la compagnie. Ainsi que la Commission l'a souligné devant le Tribunal, rien ne l'obligeait à imposer à Air Charter soit de renouveler des contrats de location qu'elle venait de résilier pour des raisons commerciales et financières, soit de s'abstenir de remplacer les avions dont les contrats de location venaient à expiration, ce qui aurait pénalisé Air Charter en réduisant de plus de 50 % sa flotte en exploitation.

413.
    Pour autant qu'il a été affirmé qu'Air Charter recevrait une partie de l'aide, bien que le projet n'envisage aucune mesure de restructuration pour la compagnie, il suffit de constater que le plan de restructuration d'Air France vise effectivement le secteur charter du groupe Air France (p. 22 du plan) et que, en tout état de cause, la condition d'autorisation n° 6 interdit toute utilisation de l'aide pour des finalités autres que de restructuration.

414.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 12 doivent être rejetés.

j) Sur la condition d'autorisation n° 13

415.
    Il convient de rappeler que cette condition oblige les autorités françaises «à garantir que toute cession des biens et prestations de services d'Air France en faveur d'Air Charter reflète les prix du marché».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

416.
    Les requérantes considèrent cette condition comme inefficace. Il serait impossible de la mettre en oeuvre parce que la notion de «prix du marché» est imprécise et qu'elle exige qu'Air France traite l'une de ses filiales — dont le président a été nommé directeur des opérations françaises d'Air France — comme n'y étant pas associée, tout en lui accordant simultanément une partie de l'aide. Au demeurant, cette condition ne viserait pas à contrôler la vente de biens et la prestation de services par Air Charter à Air France. Celles-ci n'auraient donc pas besoin de refléter les prix du marché.

417.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

418.
    Dans la mesure où ces griefs se limitent à remettre en question la seule applicabilité efficace de la condition n° 13, il suffit de rappeler qu'ils doivent être écartés du présent contexte (voir ci-dessus point 292).

419.
    Pour autant qu'il a été souligné que cette condition ne visait ni la vente de biens ni la prestation de services par Air Charter à Air France, il y a lieu de constater que la Commission a déclaré devant le Tribunal, sans être contredite sur ce point, qu'Air Charter ne fournissait pas de biens ou de services importants à Air France. Par ailleurs, les requérantes dans l'affaire T-371/94 ont admis elles-mêmes, dans le cadre de la condition d'autorisation n° 12, qu'Air Charter n'était pas un transporteur aérien, mais plus exactement une agence commerciale dont l'activité était d'affréter des charters pour les voyagistes et qui disposait d'un effectif d'environ 40 employés, sans mécaniciens ni personnel navigant (n° 234 de la requête dans l'affaire T-371/94). Dans ces circonstances, la Commission était fondée à négliger l'impact économique de telles cessions ou prestations de service.

420.
    Il s'ensuit que les griefs dirigés contre la condition d'autorisation n° 13 ne sauraient être retenus.

k) Sur les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16

421.
    Il convient de rappeler que ces conditions obligent les autorités françaises à:

—    «poursuivre la modification dans les meilleurs délais possibles, en liaison avec l'établissement Aéroports de Paris, des règles de distribution du trafic pour le système aéroportuaire parisien d'une manière conforme à la décision de la Commission du 27 avril 1994 relative à l'ouverture de la liaison Orly-Londres»;

—    «veiller à ce que les travaux nécessaires au réaménagement des deux aérogares d'Orly, conduits par l'établissement Aéroports de Paris, ainsi qu'une éventuelle saturation de l'une ou l'autre de ces aérogares, ne perturbent pas les conditions de concurrence au détriment des compagnies y opérant».

Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

422.
    Les requérantes font observer que la condition n° 15 n'a été qu'un simulacre étant donné que les autorités françaises n'ont, à l'évidence, pas l'intention de respecter la décision du 27 avril 1994 comme le prouve l'adoption, dès mai 1994, de règles d'allocation des droits de trafic à l'intérieur du système aéroportuaire de Paris, en violation flagrante de la législation communautaire. Elles ajoutent que, alors que la décision attaquée autorisait Air France à recevoir la première tranche de l'aide immédiatement, la condition n° 15 exigeait que l'avantage concurrentiel d'Air France résultant des règles de distribution du trafic dans le système aéroportuaire parisien soit supprimé à une époque définie uniquement par les termes «dans les meilleurs délais possibles».

423.
    Elles soulignent le caractère illusoire de la condition n° 16, laquelle aurait été violée avant même d'avoir été imposée, en raison des conditions discriminatoires régissant le transfert de toutes les compagnies françaises n'appartenant pas au groupe Air France d'Orly-Ouest à Orly-Sud et le regroupement d'Air France et d'Air Inter à Orly-Ouest, qui auraient été fixées avant l'adoption de la décision. En effet, l'établissement Aéroports de Paris et Air France seraient tous les deux sous la tutelle du ministre des Transports. Or, de tels liens organiques seraient contraires aux dispositions combinées des articles 90 et 86 du traité en raison du risque inhérent de discrimination qui en découle. Le projet de réaménagement des aérogares d'Orly aurait été conçu de telle manière qu'il rendait le démarrage de nouveaux services par les concurrentes d'Air Inter à partir d'Orly-Sud difficile et coûteux. En conséquence, seule une modification radicale du plan aurait pu éviter une discrimination à l'encontre des concurrentes d'Air France.

424.
    De manière générale, elles soutiennent, au sujet de ces conditions, qu'un engagement dont l'objet est de respecter la législation ne saurait être considéré

comme une contrepartie adéquate aux effets secondaires de l'aide, étant donné que les autorités françaises doivent, de toute façon, respecter la loi.

425.
    La Commission conteste le bien-fondé de ces griefs.

Appréciation du Tribunal

426.
    Il y a lieu de constater que les griefs dirigés contre les conditions n° 15 et n° 16 se limitent à souligner tant l'inefficacité que l'inutilité de ces conditions. Il suffit donc de rappeler, d'une part, que les griefs visant à remettre en question la seule applicabilité efficace d'une condition d'autorisation de l'aide doivent être écartés du présent contexte (voir ci-dessus point 292) et, d'autre part, que, à supposer que les autorités françaises soient déjà tenues, en vertu d'autres dispositions du droit communautaire, de respecter les obligations figurant dans les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16, l'utilité de ces conditions consiste à permettre à la Commission de saisir directement la Cour, sans être obligée d'entamer préalablement une procédure administrative (voir ci-dessus point 348).

427.
    Par conséquent, les griefs dirigés contre les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16 doivent être rejetés.

428.
    Aucun des griefs dirigés contre les conditions d'autorisation n'ayant été accueilli, il y a lieu de rejeter définitivement le grief pris du caractère erroné de la méthode choisie par la Commission pour examiner l'impact de l'aide sur l'intérêt commun (voir ci-dessus points 295 et 296).

429.
    Il résulte de ce qui précède que, sous réserve des points 238 à 280, ci-dessus, sont à rejeter tous les griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en considérant que l'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaine activité économique, sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun. Dans cette mesure, les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions ont été à même de défendre leursdroits, et le Tribunal a pu exercer son contrôle juridictionnel. Par conséquent, et sauf en ce qui concerne l'évaluation des effets de l'aide sur la situation concurrentielle d'Air France au regard de son réseau de lignes hors EEE et du trafic aérien d'apport y relatif, la décision attaquée est, à cet égard, conforme aux exigences de l'article 190 du traité, de sorte que le grief pris d'une insuffisance de motivation doit être rejeté.

Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en concluant que le plan de restructuration est de nature à rétablir la viabilité économique d'Air France

Sur la prétendue insuffisance générale du plan de restructuration

— Exposé sommaire de l'argumentation des parties

430.
    Les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions critiquent, de manière générale, l'insuffisance et l'imprécision du plan de restructuration. Dans ce contexte, la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que la Commission n'a pas adéquatement indiqué, dans la décision attaquée, dans quelle mesure l'aide était nécessaire au financement des propositions vagues et inappropriées contenues dans le plan et lui reproche de ne pas avoir insisté pour obtenir un plan contenant des détails précis quant aux mesures nécessaires en vue de restaurer la viabilité d'Air France. Les requérantes dans les deux affaires font grief à la Commission d'avoir négligé de pourvoir la décision attaquée d'une motivation suffisante, du fait qu'elle aurait omis de tenir compte des observations présentées par les tiers lors de la procédure administrative.

431.
    La Commission considère, en revanche, que la décision attaquée est suffisamment motivée sur ce point. Quant au fond, elle affirme avoir évalué la cohérence et l'efficacité du plan de restructuration considéré intrinsèquement, sans commettre d'erreurs d'appréciation ou de droit.

— Appréciation du Tribunal

432.
    Le Tribunal estime qu'il convient de vérifier, en premier lieu, si la décision attaquée est pourvue d'une motivation suffisante en ce qui concerne le plan de restructuration élaboré et soumis par Air France, et cela notamment au vu des griefs essentiels que les parties intéressées ont soulevés lors de la procédure administrative (voir ci-dessus point 96).

433.
    A cet égard, il y a lieu de constater que ces parties ont déclaré, au cours de la procédure administrative, que le plan de restructuration, en raison de son caractère inapproprié, insuffisant et trop vague, n'était pas de nature à restaurer la viabilité d'Air France. Il serait encore moins rigoureux que le plan antérieur, le PRE 2, qui aurait déjà été considéré en août 1992 comme insuffisant. Il ne représenterait pas ce qui est nécessaire pour Air France, mais seulement ce qui est acceptable pour la France, le PRE 2, plus strict que le plan litigieux, ayant été retiré à cause de la protestation sociale. Par ailleurs, la Commission devrait tenir compte, dans ce contexte, de l'ensemble des plans de restructuration lancés par Air France auparavant, qui auraient tous échoué en raison de la situation politique et du pouvoir des syndicats.

434.
    Les parties intéressées ont souligné que le plan de restructuration n'aurait aucune chance de succès s'il n'était pas possible de licencier les effectifs en surnombre, de

réduire les salaires et d'imposer au personnel des améliorations de productivité. Or, la seule manière réaliste de réduire les coûts d'Air France, à savoir une augmentation de la productivité du personnel, serait envisagée sur une base volontaire. Il serait donc fort improbable que l'amélioration de productivité escomptée de 30 % soit atteinte. Le plan ne préconiserait aucune réduction des avantages acquis des salariés d'Air France. Il ne porterait que sur une réduction de 5 000 postes en trois ans, alors que Lufthansa en a supprimé 8 000 en deux ans et British Airways 4 000 en un an. En outre, le plan ne tiendrait pas compte de la crise de surcapacité dans le secteur communautaire du transport aérien; il envisagerait même une augmentation de la flotte et des capacités.

435.
    Elles ont ajouté que le montant de 20 milliards de FF prévus dans le plan comme aide d'État n'était pas clair. Renvoyant à un article de presse, elles ont indiqué qu'il y avait des indices d'un manque de clarté dans la comptabilité d'Air France. La Commission devrait veiller à ce que les comptes d'Air France ne cachent rien à cet égard. Par ailleurs, le président d'Air France aurait déclaré en février 1994, dans un article de presse, que la compagnie devait obtenir 8 milliards de FF à la fin du mois de mars; dans le contexte du PRE 2, la somme de 5 milliards de FF aurait été discutée.

436.
    Enfin, le plan de restructuration ne mentionnerait jamais le groupe Air France et n'imposerait aucune restriction au groupe entier. Il ne porterait que sur Air France et ne ferait pas état des futures intentions du groupe à l'égard d'Air Inter. Or, Air Inter aurait également besoin d'être restructurée. Dès lors, la Commission devrait exiger que le plan couvre également les opérations d'Air Inter et d'Air Charter.

437.
    Face à ces observations, le Tribunal rappelle que, dans la décision attaquée, la Commission expose l'historique des différents plans de restructuration adoptés par Air France pour affronter ses problèmes financiers. Ainsi, en septembre 1991, Air France aurait adopté un premier plan de restructuration (CAP' 93) prévoyant notamment un apport de capital à hauteur de 5,8 milliards de FF. En octobre 1992, après avoir constaté une nouvelle détérioration de sa situation financière, le groupe Air France aurait adopté un deuxième plan de restructuration (PRE 1), qui, dans les premiers mois de 1993, se serait toutefois avéré inapte à redresser la situation du groupe et aurait donc été abandonné. En septembre 1993, un troisième plan (PRE 2) aurait été lancé puis, à cause de son rejet par les syndicats, retiré au profit du projet (JO p. 74). Quant au plan de restructuration litigieux, la Commission indique qu'il a été établi par Air France sur la base d'un document élaboré par un consultant, Lazard Frères, qui a également fixé le montant de la recapitalisation nécessaire au redressement de la structure financière et de la rentabilité d'Air France. Elle expose que le plan, dont l'objectif devrait être atteint entre le 1er janvier 1994 et le 31 décembre 1996, prévoit une augmentation de la productivité d'Air France de 30 % (JO p. 75).

438.
    Ensuite, la Commission décrit et précise «les grandes lignes de force du plan», à savoir la réduction des coûts et des frais financiers (moyennant une diminution des investissements, une réduction des coûts d'exploitation et un accroissement de la productivité, ainsi qu'une diminution des charges financières), la modification de la conception des produits et la meilleure utilisation des moyens (notamment par des initiatives commerciales et au niveau de la flotte et du réseau), la réorganisation de la compagnie et la participation des salariés. La Commission ajoute que la mise en oeuvre du plan sera financée par l'augmentation de capital et la cession d'actifs hors métiers de base (JO p. 75 et 76).

439.
    Quant à l'évaluation de la viabilité du plan de restructuration, la Commission considère qu'il réunit plusieurs mesures qui témoignent d'une volonté réelle de restructuration de la compagnie. Elle reconnaît en particulier l'ampleur des efforts accomplis sur le plan social (gel des salaires, blocage des promotions, meilleure utilisation du temps de travail, distribution d'actions gratuites aux salariés en compensation d'une diminution de leur salaire). Le personnel concerné aurait approuvé le programme par référendum. A la suite de son approbation par les syndicats, la Commission déclare être convaincue que le volet social du plan peut être intégralement adopté et mené à bien (JO p. 82).

440.
    En outre, la Commission considère la restructuration de la compagnie en centres de profit visant à rationnaliser son fonctionnement comme un des points forts du plan. Elle estime que les gains de productivité prévus par le plan porteront Air France au niveau de la «bonne moyenne» des autres compagnies aériennes, étant précisé qu'elle fonde son analyse sur une comparaison des valeurs de l'indicateur d'efficience EPKT. Après avoir expliqué le fonctionnement de cette unité de mesure, la Commission constate que la productivité d'Air France augmentera de 33,3 % au cours de la période de restructuration. Le ratio atteint en 1996 serait supérieur au ratio moyen estimé des sept autres grandes compagnies européennes (Lufthansa, British Airways, KLM, Alitalia, Iberia, SAS et Swissair). En résumé, la Commission estime que le plan est de nature à restaurer la viabilité économique et financière d'Air France, d'autant plus que le gouvernement français a pris les engagements qu'Air France serait gérée conformément aux principes commerciaux et traitée comme une entreprise normale (JO p. 83).

441.
    Le Tribunal estime que cet exposé des motifs répond adéquatement aux observations des parties intéressées et fait suffisamment apparaître le raisonnement de la Commission en ce qui concerne les aspects généraux du plan de restructuration. En effet, il démontre que la Commission n'a pas ignoré les plans de restructuration antérieurs, qui n'avaient pas permis de rétablir la situation d'Air France. En particulier, la Commission fait état de ce que le PRE 2 avait échoué parce qu'il n'avait été accepté ni par le personnel d'Air France ni par les syndicats, alors que le nouveau plan a recueilli leur approbation. Or, il est évident que seul un plan de restructuration réalisable, même s'il est moins rigoureux qu'un plan antérieur non réalisable, peut avoir des chances de succès. Par conséquent, la Commission n'était pas tenue d'approfondir sa motivation sur ce point.

442.
    Quant à la question de savoir si les mesures figurant dans le plan de restructuration sont suffisantes pour atteindre les objectifs de rationalisation et de désendettement poursuivis, la description des mesures envisagées et l'instauration du dispositif de contrôle que la Commission peut opérer en vertu des articles 1er et 2 de la décision attaquée suffisent pour exposer, au niveau de la motivation, que la Commission, d'une part, croit en la possibilité de la réalisation du plan de restructuration en cause et, d'autre part, se réserve les moyens jugés appropriés au cas où cette réalisation serait compromise. En effet, si les conditions énumérées à l'article 1er n'étaient pas respectées, la Commission pourrait saisir directement la Cour en vertu de l'article 93, paragraphe 2, deuxième alinéa du traité (voir ci-dessus point 348). En outre, l'article 2 prévoit que la mise en oeuvre effective du plan de restructuration constitue une condition pour le versement des deuxième et troisième tranches de l'aide.

443.
    Eu égard à cet encadrement du plan de restructuration, la Commission n'était pas tenue de fournir des explications spécifiques portant comparaison du plan d'Air France et des plans de restructuration d'autres compagnies aériennes telles que Lufthansa et British Airways. En effet, ces plans concernaient d'autres compagnies restructurées à d'autres époques.

444.
    Le grief tiré d'un prétendu manque de clarté dans la comptabilité d'Air France n'est étayé par aucun indice factuel. Il se borne à faire référence à un article de presse, tout en invitant la Commission à veiller à ce que les comptes d'Air France ne cachent rien à cet égard. La Commission n'était donc pas obligée de se prononcer explicitement sur cet aspect, en indiquant, notamment, si elle avait ou non suivi cette invitation.

445.
    Dans la mesure où il a été allégué que le plan de restructuration litigieux ne pouvait pas se limiter à la seule compagnie Air France, mais aurait dû couvrir d'autres compagnies du groupe, il suffit de relever que la Commission ne peut pas imposer à un État membre d'établir un plan de restructuration pour une société qui, de l'avis de cet État, n'a pas besoin d'être restructurée. La question de savoir si et dans quelle mesure la Commission, en examinant et en autorisant un plan qui vise la restructuration d'une société partie d'un groupe, doit éventuellement tenircompte des autres sociétés du groupe n'est cependant pas pertinente pour la motivation de la décision attaquée concernant la suffisance du plan de restructuration en cause, qui est limité à la compagnie Air France. Les questions relatives à l'implication du groupe entier ont été abordées ci-dessus dans un contexte différent (points 298 à 324). Il en va de même pour ce qui est de la question spécifique des capacités d'Air France, laquelle a, elle aussi, fait l'objet d'un examen particulier ci-dessus (points 357 à 373).

446.
    Il s'ensuit que la motivation de cette partie de la décision attaquée doit être considérée comme conforme aux exigences de l'article 190 du traité.

447.
    Quant aux griefs tirés, d'une manière générale, de l'insuffisance et de l'imprécision du plan de restructuration, il suffit de rappeler que la Commission jouit d'un large pouvoir discrétionnaire dans l'évaluation d'un plan visant la restructuration d'une entreprise en difficulté économique et financière, cette évaluation portant d'ailleurs souvent sur des données confidentielles non accessibles à des concurrents de l'entreprise concernée. Par conséquent, ce n'est qu'en présence d'une erreur particulièrement manifeste et grave de la Commission dans l'appréciation d'un tel plan que le Tribunal pourrait censurer l'autorisation d'une aide d'État destinée à financer une telle restructuration. Or, en l'espèce, l'existence d'une erreur de cette nature n'a pas été démontrée. Toutefois, le Tribunal rappelle qu'il n'a pas été à même d'examiner les objectifs de productivité à atteindre par Air France au regard spécifique de ses lignes aériennes hors EEE, la décision attaquée souffrant d'un défaut de motivation sur ce point (voir ci-dessus point 280).

448.
    Sous cette dernière réserve, les griefs dirigés contre l'approbation, par la Commission, du plan de restructuration d'Air France doivent être rejetés.

449.
    Dans ces circonstances, le grief par lequel les requérantes dans l'affaire T-371/94 font valoir que ce plan vise, en réalité, non pas à rétablir la viabilité d'Air France mais à répondre à des objectifs gouvernementaux manque en fait et en droit.

Sur les autres griefs

450.
    Il y a lieu de constater que les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions font valoir que le plan de restructuration d'Air France exclut à tort la prise en considération de la compagnie Air Inter, la vente par Air France d'un maximum d'actifs non aériens et une réduction globale des capacités. En outre, ce plan serait largement fondé sur l'indicateur EPKT destiné à mesurer la productivité d'Air France, bien que cette unité de mesure soit inappropriée à cet effet. Par ailleurs, les mesures prévues par le plan de restructuration d'Air France seraient beaucoup moins sévères que celles entreprises par d'autres compagnies aériennes.

451.
    A cet égard, il suffit de renvoyer à ce qui a été dit ci-dessus, dans le cadre de l'examen d'autres griefs, pour conclure qu'aucun des griefs susmentionnés dirigés contre le plan de restructuration d'Air France ne saurait être retenu.

452.
    Pour autant que les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions reprochent à la Commission d'avoir à tort autorisé l'achat de 17 nouveaux avions en tant qu'élément du plan de restructuration, le Tribunal rappelle que, en raison du défaut de motivation sur le financement de cet investissement et sur sa nature juridique, il n'est pas à même d'examiner ce grief.

III — Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 155 du traité

453.
    Pour autant que la requérante dans l'affaire T-394/94 soutient que la Commission, en négligeant d'appliquer correctement les articles 92 et 93 du traité, a aussi violé l'article 155 du traité, il convient de constater que l'examen des moyens de fond soulevés par les requérantes et les parties intervenues au soutien de leurs conclusions n'a révélé aucune erreur d'appréciation ou de droit dans l'application des articles 92 et 93. Par ailleurs, l'article 155 du traité a pour objet de fixer, de manière générale, les compétences de la Commission. Dès lors, il ne saurait être prétendu que, à chaque fois que la Commission enfreint une disposition spécifique du traité, cette violation entraîne celle de la disposition générale de l'article 155. Il s'ensuit que ce moyen doit, en tout état de cause, être rejeté.

IV — Conclusions

454.
    L'examen de l'ensemble des moyens soulevés dans les présents litiges a fait apparaître que la décision attaquée est entachée d'un défaut de motivation sur deux points, relatifs, respectivement, à l'achat de 17 nouveaux avions représentant la somme de 11,5 milliards de FF (voir ci-dessus points 84 à 120) et à la situation concurrentielle d'Air France sur le réseau de ses lignes hors EEE avec le trafic aérien d'apport correspondant (voir ci-dessus points 238 à 280). Le Tribunal estime que ces deux points sont d'une importance essentielle dans l'économie générale de la décision attaquée. Par conséquent, il y a lieu de prononcer l'annulation de cette décision. Dans ces conditions, il n'est plus nécessaire de statuer sur la demande de la requérante dans l'affaire T-394/94 visant à exiger la production de tous les dossiers et documents pertinents dont dispose la Commission.

Sur les dépens

455.
    Aux termes de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en ses conclusions et les requérantes, ainsi que les parties intervenantes Maersk, ayant conclu en ce sens, il y a lieu de condamner la Commission aux dépens.

456.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, du règlement de procédure, la République française, le royaume de Danemark, le Royaume-Uni, le royaume de Suède, le royaume de Norvège et Air France supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)     Les affaires T-371/94 et T-394/94 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    La décision 94/653/CE de la Commission, du 27 juillet 1994, concernant l'augmentation de capital notifiée d'Air France, est annulée.

3)    La Commission supportera les dépens, y compris ceux exposés par les parties intervenantes Maersk Air I/S et Maersk Air Ltd.

4)    La Compagnie nationale Air France, la République française, le royaume de Danemark, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, le royaume de Suède et le royaume de Norvège supporteront leurs propres dépens.

Bellamy
Lenaerts
Briët

Kalogeropoulos Potocki

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 25 juin 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

A. Kalogeropoulos

Table des matières

     Faits à l'origine des recours et procédures

II - 4

         Procédure administrative

II - 4

         Décision attaquée

II - 5

         Procédures juridictionnelles

II - 9

     Conclusions des parties

II - 10

     Sur le fond

II - 11

         I — Sur les moyens tirés du déroulement incorrect de la procédure administrative

II - 12

             Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 12

             Appréciation du Tribunal

II - 16

                 Généralités

II - 16

                 La communication du 3 juin 1994

II - 18

                 Le délai d'examen

II - 19

                 Les experts extérieurs

II - 20

                 L'erreur de traduction

II - 20

                 La participation des autres États membres

II - 21

                 Conclusions

II - 21

         II — Sur les moyens tirés d'erreurs d'appréciation et d'erreurs de droit que la Commission aurait commises en violation de l'article 92, paragraphe 3, sous c), du traité et de l'article 61, paragraphe 3, sous c), de l'accord EEE

II - 21

             Généralités

II - 21

             Quant aux griefs tirés d'une violation du principe de proportionnalité applicable en matière d'aides d'État

II - 23

                 A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort l'achat par Air France de 17 nouveaux avions

II - 23

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 23

                     Appréciation du Tribunal

II - 24

                 B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort le financement de frais d'exploitation et de mesures opérationnelles d'Air France

II - 32

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 32

                     Appréciation du Tribunal

II - 35

                 C — Sur le grief pris d'une classification erronée des titres émis par Air France entre 1989 et 1993

II - 37

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 37

                     Appréciation du Tribunal

II - 40

                D — Sur le grief pris d'une méconnaissance du ratio d'endettement d'Air France

II - 42

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 42

                     Appréciation du Tribunal

II - 45

                 E — Sur le grief pris de ce que la Commission se serait abstenue à tort d'exiger la vente d'actifs d'Air France susceptibles d'être aliénés

II - 47

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 47

                     Appréciation du Tribunal

II - 53

             Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en considérant que l'aide est destinée à faciliter le développement d'une certaine activité économique, sans altérer les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

II - 59

                 A — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide visant au développement non pas d'une certaine activité économique mais d'une entreprise particulière

II - 59

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 59

                     Appréciation du Tribunal

II - 60

                 B — Sur le grief pris de ce que la Commission aurait autorisé à tort une aide qui altère les conditions des échanges dans une mesure contraire à l'intérêt commun

II - 60

                     Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 60

                     Appréciation du Tribunal

II - 66

                     1. Sur la motivation

II - 66

                     2. Sur le bien-fondé

II - 74

                     a) Sur la condition d'autorisation n° 1

II - 77

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 77

                     Appréciation du Tribunal

II - 81

                     b) Sur la condition d'autorisation n° 3

II - 84

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 84

                     Appréciation du Tribunal

II - 86

                     c) Sur la condition d'autorisation n° 6

II - 88

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 88

                     Appréciation du Tribunal

II - 89

                     d) Sur la condition d'autorisation n° 7

II - 89

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 90

                     Appréciation du Tribunal

II - 90

                     e) Sur la condition d'autorisation n° 8

II - 91

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 91

                     Appréciation du Tribunal

II - 93

                     f) Sur la condition d'autorisation n° 9

II - 95

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 96

                     Appréciation du Tribunal

II - 97

                     g) Sur la condition d'autorisation n° 10

II - 97

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 97

                     Appréciation du Tribunal

II - 98

                     h) Sur la condition d'autorisation n° 11

II - 99

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 99

                     Appréciation du Tribunal

II - 100

                     i) Sur la condition d'autorisation n° 12

II - 101

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 101

                     Appréciation du Tribunal

II - 102

                     j) Sur la condition d'autorisation n° 13

II - 103

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 103

                     Appréciation du Tribunal

II - 103

                     k) Sur les conditions d'autorisation n° 15 et n° 16

II - 104

                     Exposé sommaire de l'argumentation des requérantes

II - 104

                     Appréciation du Tribunal

II - 105

             Quant aux griefs tirés d'erreurs que la Commission aurait commises en concluant que le plan de restructuration est de nature à rétablir la viabilité économique d'Air France

II - 106

                 Sur la prétendue insuffisance générale du plan de restructuration

II - 106

                     — Exposé sommaire de l'argumentation des parties

II - 106

                     — Appréciation du Tribunal

II - 106

                 Sur les autres griefs

II - 110

         III — Sur le moyen tiré d'une violation de l'article 155 du traité

II - 111

         IV — Conclusions

II - 111

     Sur les dépens

II - 111


1: Langue de procédure: l'anglais.

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