Language of document : ECLI:EU:T:2022:712

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 novembre 2022 (*) (1)

« Produits biocides – Substances actives – Zéolite argentée et zéolite d’argent et de cuivre – Refus d’approbation pour les types de produits 2 et 7 – Article 4 et article 19, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) no 528/2012 – Efficacité – Substances actives destinées à être utilisées dans des articles traités – Évaluation de l’efficacité des articles traités eux-mêmes – Compétence de la Commission – Principe de non-discrimination – Sécurité juridique – Confiance légitime »

Dans les affaires T‑122/20 et T‑123/20,

Sciessent LLC, établie à Beverly, Massachusetts (États-Unis), représentée par Mes K. Van Maldegem, P. Sellar, avocats, et M. V. McElwee, solicitor,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. A. Dawes et R. Lindenthal, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume de Suède, représenté par Mmes R. Shahsavan Eriksson, C. Meyer-Seitz, A. Runeskjöld, M. Salborn Hodgson, H. Shev, H. Eklinder, et M. O. Simonsson, en qualité d’agents,

et par

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mmes M. Heikkilä, C. Buchanan et M. T. Zbihlej, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

Composé, lors des délibérations, de M. R. da Silva Passos, président, Mme I. Reine (rapporteure) et M. M. Sampol Pucurull, juges,

greffier : M. P. Cullen, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure, notamment la décision du 8 février 2022 portant jonction des affaires T‑122/20 et T‑123/20 aux fins de la phase orale de la procédure,

à la suite de l’audience du 31 mars 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par ses recours fondés sur l’article 263 TFUE, la requérante, Sciessent LLC, demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2019/1960 de la Commission, du 26 novembre 2019, n’approuvant pas la zéolite argentée en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans des produits biocides des types 2 et 7 (JO 2019, L 306, p. 42), et de la décision d’exécution (UE) 2019/1973 de la Commission, du 27 novembre 2019, n’approuvant pas la zéolite d’argent et de cuivre en tant que substance active existante destinée à être utilisée dans des produits biocides des types 2 et 7 (JO 2019, L 307, p. 58) (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

I.      Cadre juridique

2        L’article 3, paragraphe 1, sous l), du règlement (UE) no 528/2012 du Parlement européen et du Conseil, du 22 mai 2012, concernant la mise à disposition sur le marché et l’utilisation des produits biocides (JO 2012, L 167, p. 1), définit un article traité comme étant « toute substance, tout mélange ou tout article qui a été traité avec un ou plusieurs produits biocides ou dans lequel un ou plusieurs produits biocides ont été délibérément incorporés ».

3        L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 prévoit qu’une substance active est approuvée pour une durée initiale n’excédant pas dix ans si au moins un produit biocide contenant cette substance active est susceptible de remplir les critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, compte tenu des facteurs énoncés à l’article 19, paragraphes 2 et 5, de celui-ci.

4        L’article 19, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, relatif aux conditions d’octroi d’une autorisation d’un produit biocide, prévoit ce qui suit :

« Un produit biocide […] est autorisé si les conditions suivantes sont réunies :

a)      les substances actives sont énumérées à l’annexe I [du présent règlement] ou approuvées pour le type de produits concerné et toutes les conditions spécifiées pour ces substances actives sont remplies ;

b)      il est établi, conformément aux principes communs d’évaluation des dossiers de produits biocides définis à l’annexe VI [du présent règlement], que le produit biocide, lorsqu’il est utilisé comme le prévoit l’autorisation et en tenant compte des facteurs visés au paragraphe 2 du présent article, répond aux critères suivants :

i)      le produit biocide est suffisamment efficace ;

[…] »

5        Aux termes de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 528/2012, afin d’évaluer si un produit biocide remplit les critères établis au paragraphe 1, sous b), de cet article, il est tenu compte des facteurs suivants :

« a)      les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles le produit biocide peut être utilisé ;

b)      la manière dont les articles traités avec le produit biocide ou contenant ce produit peuvent être utilisés ;

c)      les conséquences de l’utilisation et de l’élimination du produit biocide ;

d)      les effets cumulés ;

e)      les effets synergiques. »

6        L’annexe II du règlement no 528/2012 fixe les exigences en matière d’informations à fournir pour la préparation d’un dossier de demande d’approbation d’une substance active. L’annexe III dudit règlement fixe, quant à elle, les exigences en matière d’informations qui doivent figurer, notamment, dans le dossier pour le produit biocide joint à la demande d’approbation d’une substance active.

7        L’annexe VI du règlement no 528/2012 énonce les principes communs d’évaluation des dossiers de produits biocides. Ainsi qu’il ressort du paragraphe 51 de cette annexe :

« Les données soumises par le demandeur sont suffisantes pour démontrer l’efficacité revendiquée du produit. Les données soumises par le demandeur ou détenues par l’organisme évaluateur doivent permettre de démontrer l’efficacité du produit biocide contre les organismes cibles lorsqu’il est utilisé normalement, conformément aux conditions d’autorisation. »

8        En ce qui concerne le critère de l’efficacité, l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) a adopté des documents d’orientation qui ont pour objectif de fournir des indications sur la manière dont l’efficacité des substances actives est évaluée selon les types de produits concernés.

9        Les orientations transitoires de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, relatives à l’évaluation de l’efficacité pour les types de produits 1 à 5 (désinfectants) de mai 2016 (ci-après les « orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants »), décrivent les obligations qui s’imposent au demandeur d’approbation de substances actives et d’autorisation de produits biocides en vertu du règlement no 528/2012. Il en va de même des orientations transitoires de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, relatives à l’évaluation de l’efficacité pour les produits de protection de mai 2014, qui concernent le type de produits 7.

10      Les orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants et sur celle des produits de protection ont été remplacées par les orientations de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, Volume II Efficacité, adoptées en février 2017, telles que modifiées (ci-après les « orientations de l’ECHA sur l’efficacité de 2017 »). Ces dernières orientations comprennent une partie A relative aux exigences en matière d’informations ainsi que des parties B et C portant sur l’examen et sur l’évaluation.

11      Par ailleurs, il ressort des orientations de l’ECHA sur l’applicabilité dans le temps des nouvelles orientations et des documents qui y sont afférents dans le cadre de l’approbation d’une substance active que de nouvelles orientations adoptées par l’ECHA peuvent être appliquées lors de l’évaluation d’une substance active, pour autant que le projet de rapport de l’autorité compétente d’évaluation pour cette substance soit présenté au moins six mois après la publication de ces nouvelles orientations.

II.    Antécédents du litige

12      La requérante est un producteur de plusieurs substances actives dérivées de l’argent, notamment la « zéolite argentée » (CAS 130328-18-6) et la « zéolite d’argent et de cuivre » (CAS 130328-19-7) (ci-après les « substances concernées »). Ces deux substances sont utilisées dans le traitement de certains polymères afin d’obtenir un effet antimicrobien.

13      Dans le cadre du programme d’évaluation des substances actives existantes mis en place par la directive 98/8/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, concernant la mise sur le marché des produits biocides (JO 1998, L 123, p. 1), la requérante a notifié à la Commission européenne une substance active dénommée « zéolite argentée A » en association, notamment, avec le type de produits 2 (désinfectants et produits algicides non destinés à l’application directe sur les êtres humains ou des animaux) et le type de produits 7 (produits de protection pour les pellicules).

14      Aux mois de juillet 2007 et d’octobre 2008, respectivement, la requérante a soumis des dossiers visant à obtenir l’approbation de la substance « zéolite argentée A » pour les types de produits 2 et 7. La Kemikalieinspektionen (Agence des produits chimiques, Suède), agissant en qualité d’autorité compétente d’évaluation (ci-après, l’« autorité compétente d’évaluation »), a déclaré que les dossiers étaient complets, respectivement, aux mois d’octobre 2007 et de janvier 2009.

15      Au cours de l’évaluation de la substance « zéolite argentée A », il est apparu qu’il y avait lieu de redéfinir cette substance en trois substances distinctes, à savoir la zéolite argentée, la zéolite d’argent et de cuivre, et la zéolite d’argent et de zinc.

16      Le 14 septembre 2015, le chef de secteur pour les produits biocides de la direction générale de la santé et de la sécurité alimentaire de la Commission a adressé une note au président du comité des produits biocides de l’ECHA, dans laquelle il formulait des observations en vue d’une discussion au sein de ce comité sur les principes applicables à l’évaluation de l’efficacité s’agissant des articles traités. Le président de ce comité était invité à distribuer ladite note aux participants d’une réunion ultérieure d’un groupe de travail sur l’efficacité du comité et à tenir compte de cette note lors des discussions de ce groupe (ci-après la « note du 14 septembre 2015 »).

17      Le 12 juin 2017, l’autorité compétente d’évaluation a communiqué ses rapports d’évaluation relatifs, respectivement, à la zéolite argentée et à la zéolite d’argent et de cuivre à l’ECHA (ci-après les « rapports d’évaluation de juin 2017 »). Elle y concluait que l’efficacité des substances concernées n’était pas suffisamment démontrée pour les types de produits 2 et 7.

18      Au cours de l’année 2018, la requérante a échangé plusieurs courriers avec la Commission et l’ECHA concernant les principes applicables à l’évaluation de l’efficacité des substances concernées.

19      Le 17 octobre 2018, le comité des produits biocides de l’ECHA a adopté ses avis relatifs, respectivement, à la zéolite argentée et à la zéolite d’argent et de cuivre (ci-après les « avis du comité des produits biocides de l’ECHA »).

20      Il ressort des avis du comité des produits biocides de l’ECHA que, s’agissant du type de produits 2, pour lesquels une revendication antibactérienne était avancée, les exemples d’utilisation invoqués par la requérante concernaient, d’une part, un revêtement de mur ou de sol destiné à prévenir la contamination croisée et, d’autre part, des composants pour des systèmes de conditionnement d’air destinés à freiner la croissance microbienne. À cet égard, ledit comité a considéré que la requérante n’avait pas fourni d’essais permettant d’évaluer, respectivement, les effets bactéricides rapides dans un environnement sec et une efficacité bactériostatique (inhibition de la croissance des bactéries) lorsque les substances concernées étaient incorporées dans les constituants d’un système de conditionnement d’air.

21      En ce qui concerne le type de produits 7, pour lesquels une allégation d’efficacité fongistatique (inhibition de la croissance fongique) avait été formulée par la requérante, les exemples d’utilisation choisis par celle-ci étaient une surface de travail stratifiée et une finition de peinture. Le comité des produits biocides de l’ECHA a considéré que les essais fournis ne permettaient pas de démontrer une efficacité fongistatique pour les exemples d’utilisation choisis.

22      Par conséquent, le comité des produits biocides de l’ECHA a conclu qu’aucune des substances concernées ne remplissait le critère de l’efficacité prévu à l’article 19, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 528/2012.

23      Les 26 et 27 novembre 2019, respectivement, la Commission a adopté les décisions attaquées. Aux termes de ces décisions, il n’avait pas été démontré que des produits biocides relevant des types de produits 2 et 7 contenant de la zéolite argentée ou de la zéolite d’argent et de cuivre procuraient une efficacité suffisante. Ainsi, il ne pouvait être attendu que ces produits satisfassent aux critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, sous b), i), du règlement no 528/2012. Par conséquent, ces substances ne pouvaient pas être approuvées en tant que substances actives existantes destinées à être utilisées dans des produits biocides relevant des types de produits 2 et 7.

III. Conclusions des parties

24      Dans l’affaire T‑122/20, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exécution 2019/1960 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

25      Dans l’affaire T‑122/20, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

26      Dans l’affaire T‑122/20, l’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

27      Dans l’affaire T‑123/20, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision d’exécution 2019/1973 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

28      Dans l’affaire T‑123/20, la Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

29      Dans l’affaire T‑123/20, l’ECHA conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

30      Dans les affaires T‑122/20 et T‑123/20, le Royaume de Suède conclut à ce qu’il plaise au Tribunal de rejeter les recours.

IV.    En droit

A.      Sur la jonction des affaires T122/20 et T123/20 aux fins de la décision mettant fin à l’instance

31      Les parties ayant été entendues lors de l’audience à cet égard, il convient de joindre les présentes affaires aux fins de la décision mettant fin à l’instance, conformément à l’article 68, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, pour cause de connexité.

B.      Sur la recevabilité de la nouvelle offre de preuve

32      Par courrier déposé au greffe du Tribunal le 25 mai 2021, la requérante a soumis une nouvelle offre de preuve ayant trait à l’adoption, par la Commission, du règlement délégué (UE) 2021/525, du 19 octobre 2020, modifiant les annexes II et III du règlement no 528/2012 (JO 2021, L 106, p. 3). Elle indique n’avoir pris connaissance de ce texte qu’au moment de sa publication au Journal Officiel de l’Union européenne, le 26 mars 2021, c’est-à-dire après la clôture de la phase écrite de la procédure dans chacune des affaires T‑122/20 et T‑123/20.

33      Selon l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure, à titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore faire des offres de preuve à l’appui de leur argumentation avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles‑‑ci soit justifié.

34      En l’espèce, la requérante a déposé ses observations sur les mémoires en intervention de l’ECHA et du Royaume de Suède le 23 mars 2021. Or, la publication du règlement délégué 2021/525 n’a eu lieu que le 26 mars 2021. Dans ces circonstances, il y a lieu de considérer que le retard dans le dépôt de cette nouvelle offre de preuve est dûment justifié, de sorte qu’il y a lieu d’accepter celle-ci. Au demeurant, la recevabilité de cette nouvelle offre de preuve n’est contestée ni par la Commission ni par les parties intervenantes.

C.      Sur le fond

35      À l’appui des recours, la requérante soulève quatre moyens, tirés, le premier, de la violation des articles 4 et 19 du règlement no 528/2012, le deuxième, en substance, de la violation des règles de compétence prévues à l’article 291 TFUE et des articles 4 et 19 dudit règlement, le troisième, de la violation du principe de non-discrimination et, le quatrième, de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

1.      Sur le premier moyen, tiré de la violation des articles 4 et 19 du règlement no 528/2012

36      La requérante fait valoir que, en vertu de l’article 19, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 2, du règlement no 528/2012, l’autorité compétente d’évaluation, l’ECHA et la Commission étaient tenues d’évaluer l’efficacité des substances concernées en tenant compte, notamment, de la manière dont les articles traités avec le produit biocide ou contenant ce produit pouvaient être utilisés. Ces dispositions ne prévoiraient pas, en revanche, que l’efficacité des articles traités eux-mêmes doive être évaluée. Cela serait confirmé, notamment, par la note du 14 septembre 2015 ainsi que par le règlement délégué 2021/525, lequel aurait précisé les exigences pour l’évaluation de l’efficacité dans ses annexes II et III en ce sens.

37      Selon la requérante, ainsi qu’il ressort des avis du comité des produits biocides de l’ECHA, auxquels les décisions attaquées se réfèrent, la Commission s’est fondée, à tort, sur une évaluation de l’efficacité des articles auxquels les substances concernées sont appliquées, c’est-à-dire sur une évaluation de l’efficacité des articles traités eux-mêmes, et a ainsi exigé de sa part la démonstration que les articles traités avec ces substances concernées étaient également efficaces pour réduire ou pour éliminer les bactéries ou les champignons. Elle soutient que cette approche illégale ressort également de différents passages des rapports d’évaluation de juin 2017, selon lesquels elle aurait dû démontrer une destruction des bactéries par contact et tester les composants d’un système de conditionnement d’air traité avec les substances concernées pour les types de produits 2, et démontrer la croissance des organismes d’essai sur un matériau non traité pour les types de produits 7.

38      La requérante souligne que, en vertu de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, une substance active doit être approuvée si au moins un produit biocide contenant cette substance active « est susceptible » de remplir les critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement. Il en résulterait qu’il n’existe aucune obligation de démontrer qu’une substance active remplit effectivement les critères visés. Le seuil probatoire requis pour démontrer l’efficacité d’une substance active serait donc moins élevé. Cela serait confirmé, notamment, au point 6.6 de la partie A des orientations de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, Volume II Efficacité, du mois de novembre 2014.

39      Ainsi, aux fins d’évaluer l’efficacité d’une substance active destinée à être utilisée dans un article traité, il conviendrait d’apprécier uniquement l’efficacité naturelle de cette substance. Cette efficacité naturelle devrait être évaluée au moyen d’essais de phase 1, qui simuleraient certaines conditions d’utilisation pertinentes et permettraient d’apporter une preuve de principe de l’efficacité de la substance active. En revanche, exiger une démonstration de l’efficacité d’une substance active au moyen d’essais de phase 2, effectués dans des conditions réalistes, méconnaîtrait le règlement no 528/2012, dès lors que cela reviendrait à exiger de démontrer l’efficacité d’articles traités eux-mêmes.

40      Or, en l’espèce, l’efficacité naturelle des substances concernées aurait bien été établie au moyen d’essais de phase 1. La requérante prétend que les données produites démontrent clairement une réduction significative du nombre d’organismes pertinents pour l’allégation invoquée, dans des conditions représentatives de l’utilisation citée, au regard du matériau de contrôle non traité qui a été testé dans des conditions identiques. Elle estime avoir bien démontré l’efficacité suffisante de la protection conférée aux articles traités par le produit représentatif biocide contenant les substances concernées.

41      La Commission, soutenue par l’ECHA et par le Royaume de Suède, conteste les arguments de la requérante.

a)      Observations liminaires sur l’efficacité

42      Il ressort de l’article 1er, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 que celui-ci a pour objectif d’assurer un niveau élevé de protection de la santé humaine et animale ainsi que de l’environnement. Cet objectif ne saurait être rempli si étaient approuvées des substances actives présentant certains risques, sans certitude que les organismes ciblés par ces substances se développent et nécessitent une intervention humaine.

43      Ainsi qu’il ressort de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, lu conjointement avec l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, pour obtenir l’approbation d’une substance active, le demandeur doit notamment démontrer qu’au moins un produit biocide contenant cette substance est susceptible de remplir le critère de l’efficacité énoncé par cette dernière disposition.

44      À cet égard, le point 3.1 de la partie B+C des orientations de l’ECHA sur l’efficacité de 2017 définit l’efficacité comme étant la capacité d’un produit de satisfaire aux revendications invoquées lorsqu’il est utilisé conformément aux instructions d’utilisation figurant sur l’étiquette. Il s’agit de vérifier si le produit biocide est suffisamment efficace contre les organismes cibles dans les conditions d’utilisation décrites.

45      Il ressort également du point 4.2.4 de la partie B+C des orientations de l’ECHA sur l’efficacité de 2017 que, au stade de l’approbation d’une substance active, l’évaluation de l’efficacité de cette substance est intrinsèquement liée à l’évaluation de ses risques pour la santé humaine et pour l’environnement. En effet, cette évaluation des risques est effectuée en tenant compte de la concentration à laquelle l’efficacité de la substance active a été démontrée. De plus, l’efficacité doit être suffisante pour l’utilisation examinée dans le cadre de l’évaluation des risques.

46      En outre, l’article 6 du règlement no 528/2012 prévoit que, lorsqu’il demande l’approbation d’une substance active, le demandeur doit fournir à l’autorité compétente d’évaluation, d’une part, un dossier complet sur la substance active qui répond aux exigences de l’annexe II dudit règlement et, d’autre part, un dossier complet qui répond aux exigences de l’annexe III de ce règlement sur « au moins un » produit biocide représentatif contenant la substance active (voir article 4, paragraphe 1, du même règlement). Ainsi, chacun de ces dossiers doit contenir des informations pertinentes sur l’efficacité.

47      Les annexes II et III du règlement no 528/2012 précisent les données qu’un demandeur doit fournir afin de démontrer l’efficacité, respectivement, d’une substance active et du produit biocide représentatif contenant cette substance active. Ces données doivent permettre d’étayer les revendications avancées par le demandeur, c’est-à-dire les effets allégués de la substance active et du produit qui la contient. Ainsi, il ressort de l’annexe II, point 6.6, et de l’annexe III, point 6.7, de ce règlement, dans leur version applicable en l’espèce, qu’un demandeur est tenu de communiquer les données permettant d’étayer les revendications sur les produits biocides et, lorsqu’il y a une revendication sur l’étiquette, sur les articles traités.

48      Il convient d’ajouter que l’annexe III, point 1, du règlement no 528/2012, dans sa version applicable en l’espèce, fixe les exigences en matière d’informations devant figurer dans le dossier pour le produit biocide joint à la demande d’approbation d’une substance active conformément à l’article 6, paragraphe 1, point b), de ce règlement et dans le dossier joint à la demande d’autorisation d’un produit biocide. Ces exigences sont donc les mêmes pour ces deux types de dossier.

49      Par ailleurs, il ressort de l’article 19, paragraphe 1, du règlement no 528/2012 que, aux fins d’apprécier, notamment, l’efficacité du produit biocide contenant la substance active, il convient de tenir compte des facteurs énoncés à l’article 19, paragraphe 2, dudit règlement. Parmi ces facteurs figurent, d’une part, les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles le produit biocide peut être utilisé et, d’autre part, la manière dont les articles traités avec le produit biocide ou contenant ce produit peuvent être utilisés.

50      Au vu de ce qui précède, il convient de constater, premièrement, que les dispositions mentionnées aux points 42 à 49 ci-dessus n’imposent pas au demandeur de l’approbation d’une substance active destinée à être utilisée dans un ou plusieurs articles traités de démontrer l’efficacité de ces articles traités avec le produit biocide représentatif qui contient la substance active en cause.

51      Néanmoins, le demandeur doit prouver qu’au moins un produit biocide représentatif est susceptible de satisfaire au critère de l’efficacité, au regard des revendications que ce demandeur a lui-même définies quant à ce produit. Lorsque le produit biocide représentatif choisi par le demandeur est destiné, selon lui, à être incorporé dans un article traité afin de lui conférer une certaine protection ou un certain effet, il lui appartient d’étayer ses revendications au moyen d’essais appropriés.

52      À cet égard, le point 1.5.6 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants indique que l’efficacité des articles traités qui ne sont pas eux-mêmes des produits biocides ne requiert aucune évaluation en vertu du règlement no 528/2012. Cependant, les substances actives et les produits biocides intégrés dans les articles traités peuvent nécessiter une évaluation de leur efficacité dans les articles traités dans le cadre du processus d’approbation de la substance active (si ces utilisations sont demandées).

53      Ce principe est désormais reflété au considérant 7 du règlement délégué 2021/525. En effet, ce considérant prévoit que, pour les articles traités, il convient de démontrer l’efficacité des propriétés biocides conférées à l’article.

54      Ainsi qu’il ressort du point 49 ci-dessus, il convient de constater, deuxièmement, que les essais effectués par le demandeur de l’approbation d’une substance active doivent permettre d’apprécier l’efficacité du produit biocide représentatif, notamment dans les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles ce produit peut être utilisé. Ils doivent également tenir compte de la manière dont les articles traités avec le produit biocide ou contenant ce produit peuvent être utilisés. De tels essais doivent être fournis pour chaque type de produits pour lequel le demandeur a introduit une demande d’approbation de la substance active.

55      Ainsi, lorsque le demandeur choisit, comme produit biocide représentatif, un produit destiné à être incorporé dans un article traité afin de lui conférer un effet ou une protection particuliers, il ne saurait se contenter de fournir des essais réalisés dans des conditions standard, c’est-à-dire dans des conditions qui ne tiennent pas compte des conditions spécifiques d’utilisation du produit biocide représentatif, ni de fournir uniquement une preuve de principe de l’efficacité de la substance active. Des essais de phase 1, définis au point 1.4.1 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants comme étant des essais qui ne prennent pas en compte les conditions spécifiques de l’utilisation envisagée du produit biocide représentatif, ne sont donc pas suffisants pour établir l’efficacité de la substance active en cause en vue de son approbation conformément à l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012.

56      Dans le cadre du dossier sur le produit biocide représentatif visé à l’article 6, paragraphe 1, sous b), du règlement no 528/2012, il appartient au demandeur de fournir des essais qui reproduisent les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles ce produit peut être utilisé et qui prennent en compte la manière dont l’article traité peut être utilisé. Il ressort du point 1.4.1 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants que de telles conditions sont simulées, en substance, dans des essais de phase 2, qui reproduisent, en laboratoire, les conditions pratiques pertinentes de l’utilisation envisagée.

57      Il est vrai que, à l’annexe VI du règlement no 528/2012, il est uniquement fait référence à la manière dont les articles traités sont utilisés dans le contexte de l’évaluation des risques de la substance active. Toutefois, il ressort clairement de l’article 19, paragraphe 2, sous b), dudit règlement que les indications sur la manière dont l’article traité peut être utilisé sont requises afin d’évaluer si le produit biocide représentatif remplit l’ensemble des critères établis à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement, y compris le critère de l’efficacité.

58      Par ailleurs, le fait que, aux termes de l’article 4, paragraphe 1, du règlement no 528/2012, une substance active doive être approuvée si au moins un produit biocide contenant cette substance active « est susceptible » de remplir les critères énoncés à l’article 19, paragraphe 1, sous b), de ce règlement ne permet pas de conclure que des essais de phase 1 seraient suffisants pour démontrer l’efficacité de ce produit biocide représentatif.

59      En effet, l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 528/2012, auquel renvoie l’article 19, paragraphe 1, sous b), dudit règlement, impose explicitement de prendre en compte, notamment pour démontrer l’efficacité du produit biocide représentatif, les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles ce produit peut être utilisé ainsi que la manière dont les articles traités avec ce produit ou contenant celui-ci peuvent être utilisés. Ainsi qu’il ressort du point 56 ci-dessus, ces conditions sont reflétées dans des essais de phase 2.

60      La requérante ne saurait pas non plus utilement se prévaloir des orientations de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, Volume II Efficacité, partie A, du mois de novembre 2014, pour soutenir que l’évaluation de l’efficacité d’une substance active doit être limitée, en substance, à des essais de phase 1. En effet, ce document ne prévoit nullement que seuls des essais réalisés dans des conditions standard sont requis pour démontrer l’efficacité du produit biocide représentatif contenant la substance active. Au contraire, le chapitre II, point 6, de ce document, relatif aux données sur l’efficacité requises aux fins de l’approbation d’une substance active, indique que le demandeur doit fournir des informations suffisantes sur l’efficacité du produit biocide représentatif et sur les utilisations envisagées de la substance active afin de permettre d’évaluer ce produit et de définir ses conditions d’utilisation. Cette exigence découle directement de l’article 6 et de l’article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement no 528/2012.

61      Il convient d’ajouter que ce n’est qu’au stade de l’autorisation d’un produit biocide, en vue de sa mise sur le marché, que l’ensemble des utilisations envisagées d’un tel produit et son efficacité sur l’ensemble des organismes cibles seront examinées en détail et qu’une évaluation de l’efficacité et des risques du produit au regard de chacune de ces utilisations sera effectuée. Une évaluation aussi complète n’est nullement requise au stade de l’approbation d’une substance active, ainsi que cela ressort du document d’orientation de l’ECHA mentionné au point 60 ci-dessus. L’évaluation de l’efficacité d’une substance active est donc effectivement plus limitée que celle d’un produit biocide dans le cadre d’une procédure d’autorisation de mise sur le marché.

62      Il convient de relever, troisièmement, que le chapitre II, point 6.4, des orientations de l’ECHA mentionnées au point 60 ci-dessus, lu conjointement avec le chapitre III, point 6.4, de ce même document, auquel il renvoie, insiste sur la nécessité de justifier les concentrations d’utilisation retenues pour les essais sur l’efficacité. La concentration d’utilisation prévisible y est définie comme étant, idéalement, la concentration minimale efficace dans des conditions réalistes, en tenant compte de tous les paramètres pertinents ayant une incidence sur l’efficacité. De ce point de vue, il existe donc également un lien nécessaire entre, d’une part, l’évaluation de l’efficacité d’une substance active et du produit biocide représentatif et, d’autre part, les conditions réalistes d’utilisation de ce produit biocide, telles qu’elles sont reflétées dans des essais de phase 2.

63      Il résulte des considérations qui précèdent que, afin de démontrer l’efficacité d’une substance active destinée à être incorporée dans un article traité, le demandeur de l’approbation de cette substance doit prouver, d’une part, l’efficacité naturelle de cette substance dans le cadre du dossier visé à l’article 6, paragraphe 1, sous a), du règlement no 528/2012 et, d’autre part, l’efficacité suffisante de la protection conférée aux articles traités par le produit biocide représentatif contenant la substance active, dans le cadre du dossier relatif à ce produit visé à l’article 6, paragraphe 1, sous b), de ce règlement.

64      En ce qui concerne le produit biocide représentatif, le demandeur est tenu de fournir, pour chaque type de produit invoqué et pour chaque revendication formulée, des essais effectués dans les conditions réalistes les plus défavorables, et qui tiennent compte de la manière dont les articles traités peuvent être utilisés.

b)      Sur l’évaluation de l’efficacité en l’espèce

65      En l’espèce, les produits biocides représentatifs étaient composés à 100 % de chacune des substances concernées : chacune de ces substances était ainsi destinée à être intégrée dans un article traité.

66      Ainsi qu’il ressort du point 2.4 des rapports d’évaluation de juin 2017, l’autorité compétente d’évaluation a demandé à la requérante de définir au moins un exemple d’utilisation du produit biocide représentatif choisi pour chaque type de produits (2 et 7) et pour chaque revendication et de démontrer l’efficacité du produit pour chacun de ces exemples d’utilisation au moyen, au minimum, d’essais de phase 1 et de phase 2. Elle y a expliqué que l’efficacité dépendait largement des conditions d’utilisation, en particulier du niveau d’humidité, et du matériau auquel le produit biocide représentatif était incorporé.

1)      Sur le type de produits 2

67      En vertu de l’annexe V du règlement n528/2012, relèvent du type de produits 2 les désinfectants et les produits algicides non destinés à l’application directe sur des êtres humains ou des animaux. Il s’agit, notamment, de produits utilisés pour être incorporés dans les textiles, les tissus, les masques, les peintures et d’autres articles et matériaux, afin de produire des articles traités possédant des propriétés désinfectantes.

68      En l’espèce, au cours du processus d’évaluation des substances concernées, la requérante a proposé deux exemples d’utilisation des produits biocides représentatifs composés à 100 % des substances concernées pour le type de produits 2 : d’une part, une utilisation dans un revêtement de mur ou de sol et, d’autre part, une utilisation dans des composants d’un système de conditionnement d’air. Ainsi qu’il ressort du dossier, notamment des réponses de la requérante aux questions posées par le Tribunal dans le cadre de mesures d’organisation de la procédure, le traitement de ces matériaux devait permettre de réduire le risque d’une contamination croisée par les bactéries. L’autorité compétente d’évaluation a interprété cet objectif comme visant à la fois un effet de « mort par contact » et un effet de limitation de la croissance bactérienne. Ce second effet n’a pas été contesté par la requérante.

i)      Sur le premier exemple d’utilisation

69      S’agissant du premier exemple d’utilisation, relatif au revêtement de mur ou de sol, il ressort du point 7.1 des rapports d’évaluation de juin 2017 que la requérante avait défini le problème à résoudre comme étant l’existence d’un « risque de contamination croisée par des bactéries » sur des surfaces non traitées en milieu intérieur, dans des zones humides pouvant donner lieu au développement de bactéries. L’autorité compétente d’évaluation a interprété cette revendication comme visant à produire un effet bactéricide rapide (à savoir dans un délai de 5 à 60 minutes), conformément aux principes applicables aux désinfectants liquides.

70      Au vu de cette revendication, l’autorité compétente d’évaluation a estimé qu’il appartenait à la requérante de fournir des essais simulant des périodes de contact limitées, afin de démontrer que les bactéries étaient éliminées rapidement. Elle a également indiqué que les essais fournis devaient simuler, en outre, une contamination par éclaboussures en milieu sec, compte tenu du fait, en substance, qu’il s’agissait de conditions d’utilisation plus défavorables. Or, de tels essais n’auraient pas été fournis, ce que la requérante n’a pas contesté.

71      Tout d’abord, il convient de constater que le motif pour lequel l’autorité compétente d’évaluation a écarté les essais fournis par la requérante en ce qui concernait le premier exemple d’utilisation ne repose pas sur l’absence de démonstration, dans ces essais, de l’efficacité des revêtements traités avec les substances concernées. Les rapports d’évaluation de juin 2017 ne contiennent aucune référence ni à l’absence de démonstration d’une telle efficacité, ni au document de travail présenté par le Conseil nordique des ministres, intitulé « Efficacy Assessment of treated articles: a guidance » (Évaluation de l’efficacité des articles traités : orientations) (ci-après le « Nordic Working paper »), qui exigerait de démontrer l’efficacité de l’article traité.

72      Les essais présentés par la requérante ont été jugés insuffisants au motif que les conditions dans lesquelles ils ont été réalisés n’étaient pas pertinentes au regard du règlement no 528/2012, compte tenu des effets revendiqués et de l’exemple d’utilisation choisi par celle-ci.

73      Or, ainsi qu’il ressort du point 56 ci-dessus, la requérante devait fournir des essais qui reproduisaient les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles le produit représentatif choisi pouvait être utilisé et qui prenaient en compte la manière dont l’article traité pouvait être utilisé.

74      Ensuite, il est vrai que, pour les exemples d’utilisation relatifs au type de produits 2, la requérante n’avait pas explicitement revendiqué d’effet du type « mort par contact », mais uniquement un effet bactériostatique. Toutefois, la requérante avait elle-même précisé, à la demande de l’autorité compétente d’évaluation, que les substances concernées étaient incorporées dans les revêtements de sol et de mur aux fins de « réduire le risque d’une contamination croisée ».

75      À cet égard, il appartenait à la requérante, en tant que demandeur de l’approbation de substances actives, de définir avec soin, cohérence et précision les revendications liées à ces substances, pour chaque type de produit et pour chaque exemple d’utilisation choisis. Une telle définition constitue en effet le point de départ de l’évaluation de l’efficacité de ces substances.

76      Or, comme l’a expliqué la Commission, ainsi que le Royaume de Suède dans ses réponses écrites aux mesures d’organisation de la procédure, un risque de contamination croisée ne saurait être effectivement réduit si les produits biocides représentatifs composés à 100 % des substances concernées laissaient subsister les bactéries sur une surface, en se contentant d’empêcher l’augmentation du nombre de celles-ci. Un tel effet bactériostatique n’est pas suffisant pour limiter le risque de transmission d’une infection d’un être humain à un autre, ou d’un animal à un autre. Seule une réduction nette du nombre de bactéries sur une surface, dans un laps de temps court, permettrait de démontrer une efficacité au regard de l’effet revendiqué par la requérante.

77      De plus, comme l’a expliqué le Royaume de Suède, un revêtement utilisé en intérieur peut être contaminé plusieurs fois sur une période de 24 heures. Des essais qui ne simuleraient qu’une seule contamination d’un tel revêtement au cours de cette période ne refléteraient pas les conditions réalistes les plus défavorables d’utilisation au sens de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement no 528/2012.

78      La nécessité de démontrer un effet très rapide lorsqu’un effet bactéricide est revendiqué découle également du point 1.5.6 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants.

79      Or, la requérante avait uniquement fourni des essais relatifs à une seule contamination sur une période de 24 heures, ce qui ne correspond pas aux conditions réalistes les plus défavorables au sens de l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement no 528/2012, pour démontrer un effet biocide rapide.

80      Il convient d’ajouter que, dans la mesure où, au cours de la procédure d’évaluation des substances concernées, seules les orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants fournissaient des indications concrètes sur les facteurs à prendre en compte dans le cadre d’essais visant à démontrer l’efficacité de tels produits, l’autorité compétente d’évaluation a pu se fonder, mutatis mutandis, sur de telles orientations afin d’apprécier l’efficacité des substances concernées.

81      Par ailleurs, il est également vrai que la requérante avait défini les conditions d’utilisation des revêtements en cause comme étant humides dans un milieu intérieur, et non dans un milieu sec. Toutefois, il ressort des points 2.3.1 et 2.4 des rapports d’évaluation de juin 2017 que l’effet antimicrobien de substances telles que les substances concernées dépend dans une très large mesure de plusieurs facteurs, le plus important étant la présence complémentaire d’un solvant, c’est-à-dire d’un liquide au contact duquel la substance va se libérer et produire ses effets. Lorsque la surface du matériau traité avec de telles substances reste sèche, il est donc peu probable, en raison de l’absence de solvant liquide, que ces conditions permettent de favoriser le développement d’un effet antimicrobien.

82      Ainsi, dans la mesure où ils avaient été réalisés dans des conditions humides, et non dans des conditions sur surface sèche, les essais fournis par la requérante ne reflétaient pas les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles le produit biocide représentatif pouvait être utilisé, conformément à l’article 19, paragraphe 2, sous a), du règlement no 528/2012.

83      Enfin, il ne ressort nullement des rapports d’évaluation de juin 2017 et des avis du comité des produits biocides de l’ECHA que la requérante aurait dû démontrer des avantages des revêtements de mur et de sol traités avec les substances concernées. Comme il a été indiqué au point 72 ci-dessus, les essais fournis par la requérante ont été jugés insuffisants du fait que les conditions simulées en laboratoire n’étaient pas pertinentes au regard du règlement no 528/2012, la requérante n’ayant pas fourni d’essais simulant des temps de contact relativement courts (soit entre 5 et 60 minutes) et une contamination par éclaboussures, combinés à d’autres conditions d’essais à sec.

ii)    Sur le second exemple d’utilisation

84      En ce qui concerne le second exemple d’utilisation, relatif aux composants de systèmes de conditionnement d’air, il ressort du point 7.1 des rapports d’évaluation de juin 2017 que la requérante revendiquait un effet bactériostatique, voire un effet fongistatique, et qu’elle avait fourni plusieurs essais à cet égard. Toutefois, l’autorité compétente d’évaluation a considéré que les essais soumis par la requérante pour démontrer de tels effets n’étaient pas appropriés, pour différents motifs.

85      Notamment, en ce qui concerne les deux substances concernées, deux essais ont été rejetés aux motifs que l’échantillon non traité n’avait montré aucune croissance bactérienne ou qu’aucune diminution de la croissance des organismes d’essai n’avait été démontrée.

86      En outre, s’agissant des deux substances concernées, l’autorité compétente d’évaluation a accepté deux essais fournis par la requérante comme essais de phase 1, ceux-ci ayant permis de démontrer un effet bactériostatique pour différents types de matériaux et différentes bactéries dans des conditions humides. Elle a toutefois considéré que ces essais ne pouvaient pas être acceptés comme essais de phase 2.

87      En effet, l’autorité compétente d’évaluation a indiqué que, conformément aux orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants, les désinfectants utilisés dans des systèmes d’air conditionné étaient normalement diffusés par voie d’aérosol, de fumée, de vapeur ou de gaz. Selon elle, il appartenait dès lors à la requérante de démontrer, au moyen d’essais appropriés sur des matériaux représentatifs, que la fonction désinfectante des substances concernées pouvait être remplie même par un produit biocide incorporé dans les composants d’un système d’air conditionné. Or, la requérante n’aurait fourni aucun essai de phase 2 permettant de démontrer l’efficacité bactériostatique des substances concernées lorsqu’elles étaient directement incorporées dans les composants dudit système.

88      De même, dans ses avis, le comité des produits biocides de l’ECHA a constaté que la requérante n’avait pas fourni d’essai approprié simulant des conditions d’utilisation pratiques, permettant de démontrer que les normes de performance requises pouvaient être atteintes par un produit biocide contenant l’une ou l’autre des substances concernées, incorporé dans les constituants d’un système de conditionnement d’air.

89      La requérante fait valoir en substance que, en rejetant certains essais pour les motifs mentionnés aux points 85 à 88 ci-dessus, l’autorité compétente d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA ont exigé qu’elle démontre, en réalité, l’efficacité des articles traités avec les substances concernées.

90      En l’espèce, il convient de constater que ni les rapports d’évaluation de juin 2017 ni les avis du comité des produits biocides de l’ECHA ne reprochent à la requérante une quelconque absence de démonstration de l’efficacité des composants de systèmes de climatisation traités avec les substances concernées.

91      À cet égard, tout d’abord, contrairement à ce que fait valoir la requérante, la nécessité de démontrer, en l’espèce, la croissance des organismes d’essai sur un polymère non traité ne saurait être interprétée comme une obligation de démontrer l’efficacité des articles traités eux-mêmes.

92      Ainsi que la requérante l’a indiqué elle-même dans ses réponses écrites aux mesures d’organisation de la procédure, pour démontrer l’efficacité du traitement d’un article, il convient de prouver, d’une part, que le traitement a un effet sur l’échantillon traité et, d’autre part, que ces mêmes effets ne se vérifient pas sur l’échantillon non traité.

93      Dans la mesure où la requérante a revendiqué un effet bactériostatique, voire fongistatique, pour les substances concernées, c’est-à-dire une diminution de la croissance des organismes visés, il lui appartenait de démontrer, d’une part, que les produits biocides représentatifs composés à 100 % des substances concernées étaient effectivement susceptibles d’inhiber une telle croissance sur les articles traités et, d’autre part, qu’un tel effet ne se vérifiait pas sur un échantillon non traité. Or, si l’échantillon non traité ne révèle aucune croissance bactérienne ou fongique, il ne saurait être conclu que les substances actives ont pour effet d’inhiber la croissance de tels organismes.

94      Ensuite, ainsi que l’a expliqué l’ECHA au cours de l’audience, le fait de devoir prendre en compte les conditions réalistes les plus défavorables dans lesquelles le produit biocide représentatif peut être utilisé et la manière dont les articles traités peuvent être utilisés n’implique pas que les essais doivent être effectués sur l’article traité lui-même, tel qu’il sera mis sur le marché. Il appartient au demandeur d’effectuer ses essais sur un matériau représentatif, qui peut être généralement utilisé pour fabriquer l’article traité choisi par le demandeur à titre d’exemple d’utilisation, dans des conditions pertinentes au regard du règlement no 528/2012, au vu de cet exemple d’utilisation.

95      S’agissant de la protection conférée à un composant de système de conditionnement d’air, la requérante n’était donc pas tenue d’effectuer des essais sur un système de conditionnement d’air complet, ni de détailler la position et la fonction exacte des pièces traitées dans ce système. Ainsi qu’il ressort des explications de l’ECHA au cours de l’audience, un essai approprié aurait pu consister à injecter simplement de l’air dans un tuyau composé d’un matériau représentatif auquel les substances concernées aient été intégrées, dans des conditions pertinentes au regard du règlement no 528/2012.

96      Enfin, l’autorité compétente d’évaluation n’a pas exigé de la requérante qu’elle démontre les avantages des articles traités, au sens du Nordic Working Paper. Bien qu’il soit cité dans les orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants, applicables à l’évaluation des substances concernées, aucune référence à ce document ne figure ni dans les rapports d’évaluation de juin 2017 ni dans les avis du comité des produits biocides de l’ECHA. Il ne ressort pas non plus de ces rapports et de ces avis que la requérante aurait dû soumettre des essais sur l’article final, comme le prévoient les extraits du Nordic Working Paper cités par la requérante dans la réplique, pour démontrer l’efficacité des substances concernées. Il en résulte simplement que la requérante n’a pas fourni des essais réalisés dans des conditions pertinentes au regard du règlement no 528/2012, permettant de prouver l’efficacité de la protection que le produit biocide représentatif, composé à 100 % des substances concernées, était susceptible d’apporter à des matériaux représentatifs.

97      Certes, au point 1.5.6 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants, il était exposé que, en présence d’un polymère utilisé pour fabriquer des tables de chevet d’hôpital, traité avec un produit désinfectant, le demandeur devait démontrer des effets bactéricides très rapides pour montrer un avantage par rapport à une table de chevet non traitée. Toutefois, compte tenu de l’indication explicite, au même point, de l’absence de nécessité de prouver l’efficacité des articles traités eux-mêmes, il convient d’interpréter cette exigence en ce sens que le traitement du matériau représentatif devait avoir un effet qui ne se vérifiait pas sur un même matériau non traité. Le terme « avantage » renvoyait donc à l’efficacité de la protection conférée par le produit biocide représentatif à l’article traité.

98      Par conséquent, pour le type de produits 2, l’autorité compétente d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA n’ont pas commis d’erreur dans l’application du règlement no 528/2012 en constatant que la requérante n’avait pas démontré l’efficacité des substances concernées.

2)      Sur le type de produits 7

99      Le type de produits 7 concerne les produits de protection pour les pellicules. Aux termes de l’annexe V du règlement no 528/2012, il s’agit de produits utilisés pour protéger les pellicules ou les revêtements par la maîtrise des altérations microbiennes ou de la croissance des algues afin de sauvegarder les propriétés initiales de la surface des matériaux ou des objets tels que les peintures, les plastiques, les enduits étanches, les adhésifs muraux, les liants, les papiers et les œuvres d’art.

100    En l’espèce, au cours du processus d’évaluation des substances concernées, la requérante a identifié deux exemples d’utilisation du produit biocide représentatif, auxquels elle a lié une revendication d’effet fongistatique : une surface de travail stratifiée et une finition de peinture. Elle a fourni deux essais à cet égard.

101    Il ressort du point 7.1 des rapports d’évaluation de juin 2017 que le premier essai fourni par la requérante pour le type de produits 7 utilisait uniquement du papier-filtre comme échantillon non traité, et non une surface de travail stratifiée ou une finition de peinture. Cet échantillon de papier-filtre n’était donc pas représentatif des utilisations choisies à titre d’exemples par la requérante, ce que celle-ci n’a nullement contesté.

102    Contrairement à ce que fait valoir la requérante, la nécessité d’utiliser des matériaux représentatifs des exemples d’utilisation n’équivaut pas à une obligation de démontrer l’efficacité des articles traités eux-mêmes. Comme il a été indiqué au point 94 ci-dessus, il n’est pas requis que les essais soient effectués sur l’article traité lui-même, tel qu’il sera mis sur le marché. Néanmoins, afin de respecter les critères de l’article 19, paragraphe 2, du règlement no 528/2012, les essais doivent être effectués sur un matériau représentatif, qui est généralement utilisé pour fabriquer l’article traité choisi par le demandeur à titre d’exemple d’utilisation, dans des conditions pertinentes au regard dudit règlement, au vu de cet exemple d’utilisation.

103    En outre, dans les rapports d’évaluation de juin 2017, l’autorité compétente d’évaluation a expliqué que le matériau ainsi que ses conditions d’utilisation jouaient un rôle essentiel dans l’explication des raisons pour lesquelles une croissance fongique pouvait détériorer ce matériau. Cela exigeait une description détaillée de ce matériau ainsi que de ses conditions d’utilisation.

104    Quant au second essai fourni par la requérante, l’autorité compétente d’évaluation a constaté que, si un échantillon du matériau traité avec le produit biocide représentatif avait bien été utilisé pour cet essai, en revanche, l’échantillon non traité n’avait montré aucune croissance fongique. La requérante n’a pas remis ce constat en cause.

105    Or, pour les motifs exposés aux points 91 à 93 ci-dessus, dès lors que la requérante avait choisi de revendiquer un effet fongistatique, il lui appartenait de démontrer l’existence d’une croissance fongique sur un échantillon non traité.

106    Il est vrai que, pour démontrer l’efficacité de la zéolite argentée, la requérante s’était également référée à d’autres essais, concernant la zéolite d’argent et de cuivre ainsi que la zéolite d’argent et de zinc. Néanmoins, l’autorité compétente d’évaluation a expliqué qu’une référence croisée à cet égard n’était pas possible, ce que la requérante n’a pas contesté. De surcroît, le premier de ces deux essais n’avait pas non plus montré de croissance fongique sur un échantillon non traité, s’agissant de la zéolite d’argent et de zinc. Quant au second essai, la requérante n’avait pas fourni les protocoles d’essais, pourtant indispensables, se contentant de fournir des résumés des résultats, ce qu’elle n’a pas davantage contesté.

107    Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 96 et 97 ci-dessus, la requérante ne saurait faire valoir, une nouvelle fois, qu’elle s’est vu imposer une obligation illégale de prouver l’avantage des articles traités.

108    De surcroît, l’obligation de prouver qu’il existe un risque de développement des organismes cibles et que le produit biocide représentatif utilisé dans un article traité permet de combattre ces organismes était reprise au point 4.1 et à la conclusion du chapitre 5 des orientations transitoires de l’ECHA sur le règlement concernant les produits biocides, relatives à l’évaluation de l’efficacité pour les produits de protection de mai 2014.

109    Au vu des considérations qui précèdent, pour le type de produits 7, l’autorité compétente d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA n’ont pas commis d’erreur dans l’application des principes posés par le règlement no 528/2012 en constatant que la requérante n’avait pas démontré à suffisance l’efficacité des substances concernées, au regard des exemples d’utilisation choisis et des revendications qu’elle avait formulées.

110    Par conséquent, il convient de rejeter le premier moyen.

2.      Sur le deuxième moyen, tiré, en substance, de la violation des règles de compétence prévues à l’article 291 TFUE et des articles 4 et 19 du règlement no 528/2012

111    La requérante fait valoir que, pour conclure à l’absence de démonstration de l’efficacité des substances concernées, la Commission a pris en compte un critère qui n’est pas prévu aux articles 4 et 19 du règlement no 528/2012, à savoir l’efficacité des articles traités eux-mêmes. Elle estime que, en lui imposant de démontrer une telle efficacité dans le cadre de la procédure d’approbation des substances concernées, la Commission a outrepassé les compétences qui lui ont été déléguées par ledit règlement.

112    La Commission, soutenue par le Royaume de Suède et par l’ECHA, conteste les arguments de la requérante.

113    Il convient de constater que la violation alléguée de l’article 291 TFUE repose sur la prémisse selon laquelle la requérante se serait vu imposer illégalement de prouver l’efficacité des articles traités avec les substances concernées. Or, une telle argumentation a été rejetée dans le cadre de l’examen du premier moyen (voir points 97 et 109 ci-dessus).

114    Par conséquent, dès lors que cette argumentation a été rejetée comme étant non fondée, il convient également de rejeter le deuxième moyen.

3.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation du principe de non-discrimination

115    La requérante soutient, en substance, que, dans le cadre de l’évaluation de l’efficacité d’autres substances actives destinées à être utilisées pour les types de produits 2 et 7, seule l’efficacité « naturelle » de la substance active a été évaluée. En revanche, les substances concernées auraient été illégalement soumises à un seuil probatoire plus élevé, puisqu’une démonstration de l’efficacité des articles traités eux-mêmes aurait été requise. Ainsi, elles auraient été traitées différemment par rapport à ces autres substances, alors que toutes étaient soumises aux mêmes règles d’évaluation pour les mêmes types de produits, sans que cette différence de traitement soit objectivement justifiée.

116    La Commission, soutenue par l’ECHA, considère que le troisième moyen est irrecevable au motif que les arguments exposés sont dépourvus du niveau minimal de clarté et de précision requis par l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et par l’article 76, point d), du règlement de procédure. La Commission, soutenue par le Royaume de Suède et par l’ECHA, estime que, en tout état de cause, le troisième moyen est non fondé.

117    À titre liminaire, il résulte de l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, applicable au Tribunal en vertu de l’article 53, premier alinéa, dudit statut, ainsi que de l’article 76, sous d), du règlement de procédure, que toute requête introductive d’instance doit notamment indiquer les moyens et les arguments invoqués ainsi qu’un exposé sommaire desdits moyens. Cette indication doit être suffisamment claire et précise pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même. Si le corps de la requête peut être étayé et complété, sur des points spécifiques, par des renvois à des extraits de pièces qui y sont annexées, un renvoi global à d’autres écrits, même annexés à la requête, ne saurait pallier l’absence des éléments essentiels de l’argumentation en droit, qui doivent figurer dans la requête (voir arrêt du 25 octobre 2011, Transnational Company « Kazchrome » et ENRC Marketing/Conseil, T‑192/08, EU:T:2011:619, point 212 et jurisprudence citée).

118    Or, en l’espèce, la requérante a exposé de manière suffisamment claire qu’elle entendait se prévaloir de la violation du principe de non-discrimination, en raison de l’application d’un seuil probatoire prétendument différent dans l’évaluation, d’une part, de l’efficacité des substances concernées et, d’autre part, de celle d’autres substances actives citées dans la requête. En outre, elle a fourni une copie de certains avis du comité des produits biocides de l’ECHA concernant ces autres substances, ainsi que des références à certains passages des rapports d’évaluation de l’autorité compétente d’évaluation pour ces dossiers. D’ailleurs, ainsi qu’il ressort des points 82 à 89 du mémoire en défense et des points 46 à 57 de la duplique, la Commission a été en mesure de répondre aux arguments de la requérante.

119    Par conséquent, l’argumentation de la Commission, selon laquelle le troisième moyen serait irrecevable en raison d’un niveau insuffisant de clarté et de précision, doit être rejetée.

120    Par ailleurs, il convient de constater que, à l’instar du deuxième moyen, le troisième moyen repose sur la prémisse selon laquelle l’autorité compétente d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA ont exigé de la requérante qu’elle démontre l’efficacité des articles traités en violation du règlement no 528/2012. Or, ainsi qu’il ressort des points 97 et 109 ci-dessus, les arguments de la requérante tirés d’une telle violation dudit règlement en l’espèce sont non fondés.

121    En tout état de cause, selon une jurisprudence constante, le principe d’égalité de traitement ou le principe de non-discrimination exigent que des situations comparables ne soient pas traitées de manière différente et que des situations différentes ne soient pas traitées de manière égale, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 12 juillet 2012, Association Kokopelli, C‑59/11, EU:C:2012:447, point 70 et jurisprudence citée).

122    Dans la mesure où la requérante estime que les substances concernées ont été traitées différemment des autres substances qu’elle a citées en exemple, il convient de vérifier si les dossiers relatifs à ces dernières substances présentent suffisamment de similitudes avec ceux des substances concernées pour pouvoir considérer ceux-ci comme étant comparables en ce qui concerne l’évaluation de l’efficacité, et s’il ressort du dossier et des explications de la requérante qu’un seuil probatoire différent pour l’évaluation de l’efficacité a été appliqué à ces deux groupes de substances.

123    En l’espèce, premièrement, il ressort des avis du comité des produits biocides de l’ECHA concernant, respectivement, la substance glutaraldéhyde, la substance 5-chloro-2-(4-chlorophénoxy)phénol (DCPP) et la substance PHMB que les exemples d’utilisation invoqués pour le type de produits 2 concernant ces substances ne portaient pas sur une incorporation desdites substances dans des articles traités. La requérante ne saurait donc valablement faire valoir une violation du principe d’égalité de traitement au regard de ces dossiers, en l’absence de situations comparables.

124    Deuxièmement, s’agissant des substances CMIT/MIT et carbendazime, qui étaient destinées à être incorporées dans des articles traités, la requérante n’a développé aucune argumentation circonstanciée sur l’évaluation de ces substances, permettant de comprendre, références précises au dossier à l’appui, en quoi les essais démontrant l’efficacité de celles-ci répondaient à un seuil probatoire moins élevé que celui appliqué aux substances concernées. Faute d’être étayé, l’argument de la requérante tiré de l’existence d’un traitement différent des substances actives concernées par rapport aux substances CMIT/MIT et carbendazime doit être écarté.

125    Troisièmement, concernant la substance folpet, il ressort de l’avis du comité des produits biocides de l’ECHA afférent à cette substance que celle-ci est utilisée comme film de protection (type de produits 7) dans différents produits auxquels elle est directement intégrée, notamment des peintures. Le rapport d’évaluation concernant cette substance indique, à la page 48, s’agissant de l’efficacité, que des essais en laboratoire ont montré une efficacité naturelle du folpet, mais aussi qu’une bonne efficacité avait été démontrée contre une série d’organismes cibles « dans » des polymères contenant du folpet. Ainsi, comme dans le cadre de l’évaluation des substances concernées, l’efficacité de la substance folpet dans le matériau représentatif traité avait été examinée.

126    En ce qui concerne la substance azoxystrobine, pour le type de produits 7, il ressort de l’avis du comité des produits biocides de l’ECHA afférent à cette substance que celle-ci était destinée, notamment, à être incorporée dans des articles traités, tels que des peintures. D’une part, ainsi que l’a indiqué la Commission, il ressort de la page 275 du rapport d’évaluation afférent à l’azoxystrobine que les échantillons témoins présentés pour démontrer une efficacité suffisante de cette substance avaient montré une croissance fongique, ce qui n’était pas le cas des échantillons témoins représentatifs fournis par la requérante pour les substances concernées (voir point 103 ci-dessus). D’autre part, s’il est vrai que l’efficacité naturelle de l’azoxystrobine a été reconnue dans la partie A dudit rapport, consacrée à la substance active elle-même, le tableau figurant aux pages 275 et suivantes de la partie B de ce rapport, qui concerne, cette fois, le produit biocide représentatif, révèle que l’efficacité de ce produit a été examinée pour chaque exemple d’utilisation fourni. Il y est ainsi fait référence à des essais sur différents types de peintures contenant le produit biocide représentatif ainsi que sur différents supports.

127    S’agissant de la substance active fludioxonyl, également destinée à être incorporée dans des articles traités divers, il ressort de la troisième colonne du tableau figurant aux pages 199 et suivantes du rapport d’évaluation relatif à cette substance que les essais fournis par le demandeur dans ce dossier portaient sur l’efficacité de cette substance dans les articles traités eux-mêmes.

128    La substance active propiconazole, pour le type de produits 7, était destinée à être incorporée dans des peintures et des colles pour inhiber la croissance fongique. À cet égard, il ressort de la page 5 du rapport d’évaluation relatif à cette substance que l’efficacité naturelle de la substance a été démontrée, mais également que des essais spécifiques avaient été fournis sur l’efficacité de la substance dans des articles traités tels que les peintures. En outre, l’avis du comité des produits biocides relatif à ladite substance confirme que son efficacité naturelle a bien été démontrée, mais aussi que les essais spécifiques réalisés avec des revêtements de peinture avaient montré l’efficacité suffisante de celle-ci contre au moins un organisme cible. Partant, l’efficacité de la protection conférée à l’article traité lui-même a également fait l’objet d’essais.

129    En ce qui concerne la substance active tolylfluanide, il ressort de l’avis du comité des produits biocides de l’ECHA relatif à cette substance que celle-ci, dont l’approbation était demandée pour le type de produits 7, avait pour effet de protéger les couches de peinture appliquées sur des surfaces extérieures en bois contre les moisissures. Il y a été conclu que l’efficacité de cette substance active ainsi que du produit biocide représentatif contre les moisissures avait été suffisamment démontrée, sans autre explication. De même, il ressort des pages 5 et 6 du rapport d’évaluation concernant cette substance que des essais concluants avaient été réalisés sur des enduits contenant le produit biocide représentatif. Ainsi, les essais fournis par le demandeur dans ce dossier portaient sur l’efficacité dans les articles traités eux-mêmes.

130    Ainsi, s’agissant des substances actives citées aux points 125 à 129 ci-dessus, il ne ressort pas du dossier soumis au Tribunal, lu à la lumière de l’argumentation peu circonstanciée de la requérante sur les types d’essais soumis pour ces substances et sur les conditions dans lesquelles ils ont été effectués, qu’un seuil probatoire différent aurait été appliqué pour l’évaluation de l’efficacité de ces substances et pour celle de l’efficacité des substances concernées.

131    Partant, le troisième moyen n’est pas fondé.

4.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime

132    La requérante fait valoir, en premier lieu, que la note du 14 septembre 2015 constituait une lettre ouverte qui précisait la manière dont il convenait d’interpréter et d’appliquer les dispositions du règlement no 528/2012 aux fins de l’évaluation de l’efficacité des substances actives. Elle indique s’être appuyée sur le contenu de cette note, qui confirmerait que les dispositions applicables étaient claires. Ainsi, en s’écartant du contenu de cette note, la Commission aurait rendu imprévisible l’application de règles claires et aurait méconnu les principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime.

133    En second lieu, la requérante estime qu’elle s’est trouvée face à des sources contradictoires. D’une part, il ressortirait du règlement no 528/2012 et de la note du 14 septembre 2015 qu’aucune évaluation de l’efficacité d’un article traité ne pouvait être requise au stade de l’approbation d’une substance active. D’autre part, les orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants et des produits de protection renverraient au Nordic Working Paper, qui exigerait une évaluation de l’efficacité des articles traités. De même, les orientations de l’ECHA sur l’efficacité de 2017 imposeraient la démonstration d’un avantage, également dans le cadre de l’exigence tenant à l’efficacité de l’article traité.

134    La Commission, soutenue par le Royaume de Suède et par l’ECHA, conteste les arguments de la requérante.

135    En l’espèce, en premier lieu, le droit de se prévaloir du principe de la protection de la confiance légitime, qui s’inscrit parmi les principes fondamentaux de l’Union, suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l’intéressé par l’administration. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l’esprit de celui auquel elles s’adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables (arrêt du 19 décembre 2019, Probelte/Commission, T‑67/18, EU:T:2019:873, point 109).

136    Il convient de relever que la note du 14 septembre 2015 a été adressée par la Commission au président du comité des produits biocides de l’ECHA en réaction à la communication d’un document de travail de ce comité intitulé « Principles for Efficacy Assessment of Treated Articles in Main Group 1 » (Principes pour l’évaluation de l’efficacité des articles traités du groupe principal 1). Selon la Commission, ce document de travail, qui portait sur les conditions d’approbation d’une substance active destinée à être utilisée dans des articles traités, envisageait d’imposer aux demandeurs d’une telle approbation un régime probatoire strict, consistant à démontrer l’efficacité des articles traités eux-mêmes.

137    À cet égard, la Commission a rappelé qu’une telle démonstration n’était pas requise au stade de l’approbation d’une substance active par le règlement no 528/2012. Elle a ainsi fait référence à la position qu’elle avait défendue dans le cadre de la procédure d’évaluation de la substance active DCPP, et à laquelle s’était ralliée une grande majorité des autres États membres, selon laquelle il n’y avait pas lieu d’exiger, à ce stade, la démonstration de l’efficacité et des avantages des articles traités contenant une telle substance. Selon elle, il y avait uniquement lieu, au stade de l’approbation d’une substance active, d’apporter des éléments permettant de conclure que cette substance était susceptible de protéger le matériau à traiter et qu’elle possédait une efficacité naturelle contre les organismes cibles.

138    La note du 14 septembre 2015 doit ainsi être interprétée à la lumière de son contexte, à savoir celui de discussions concernant l’élaboration d’un document concernant l’efficacité des articles traités eux-mêmes. À cet égard, elle n’appelait pas le président à inviter le comité à adopter une décision concrète sur la question à ce stade. Or, la position initialement envisagée dans le document de travail cité au point 136 ci-dessus, visant à exiger la démonstration de l’efficacité des articles traités au stade de l’approbation d’une substance active, a été abandonnée, puisque l’absence de nécessité de démontrer l’efficacité des articles traités à un tel stade a été reconnue expressément par l’ECHA au mois de mai 2016, dans les orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants.

139    Par ailleurs, la note du 14 septembre 2015 n’était nullement adressée à la requérante. Il s’agissait d’un document destiné au président du comité des produits biocides de l’ECHA. Le simple fait que ce document ait été publié par la suite sur le site Internet de la Commission et que la requérante ait pu en prendre connaissance ne saurait être assimilé à des assurances précises et concordantes que lui aurait fournies la Commission.

140    En outre, la note du 14 septembre 2015 n’avait pas pour objectif d’imposer de nouveaux critères au regard de ceux qui étaient exigés par l’article 4, lu conjointement avec l’article 19, du règlement no 528/2012 en ce qui concernait l’efficacité des substances actives. Or, ces dispositions imposent au demandeur de fournir des essais réalisés dans des conditions pertinentes sur au moins un produit représentatif contenant la substance active, qui tiennent compte de la manière dont les articles traités avec celui-ci sont utilisés. Ainsi, en vertu de la jurisprudence citée au point 135 ci-dessus, la requérante ne saurait fonder aucune confiance légitime dans une interprétation de ladite note qui irait à l’encontre de ces normes applicables.

141    Par conséquent, il convient de rejeter l’argument de la requérante tiré de ce que, en s’écartant prétendument du contenu de la note du 14 septembre 2015, la Commission a méconnu le principe de protection de la confiance légitime.

142    En second lieu, le point 1.5.6 des orientations transitoires de l’ECHA sur l’efficacité des désinfectants et le point 5.3 des orientations de l’ECHA sur l’efficacité de 2017 indiquent, de manière cohérente, qu’il n’y a pas lieu d’évaluer l’efficacité de l’article traité lui-même, mais bien celle du produit biocide représentatif incorporé dans un article traité, si un tel exemple d’utilisation est choisi par le demandeur d’approbation d’une substance active. Ce principe est conforme au règlement no 528/2012, ainsi que cela ressort de l’examen du premier moyen.

143    De plus, il ressort de l’examen du troisième moyen que, dans l’évaluation de l’efficacité d’autres substances actives pour lesquelles les utilisations représentatives choisies étaient comparables à celles de l’espèce, les autorités compétentes d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA ont vérifié que les demandeurs avaient démontré l’efficacité des fonctions attribuées ou de la protection conférée à l’article traité choisi comme exemple d’utilisation. Pour ce qui est de ces autres substances, les demandeurs ont été en mesure de démontrer l’efficacité de leurs substances actives à la lumière des critères prévus par le règlement no 528/2012 et des diverses orientations de l’ECHA, de sorte que ces critères ne sauraient être généralement considérés comme étant obscurs ou contradictoires.

144    En outre, il ressort du dossier que la requérante a entretenu des échanges réguliers avec l’autorité compétente d’évaluation et le comité des produits biocides de l’ECHA en ce qui concernait les exigences applicables aux fins de l’évaluation de l’efficacité des substances actives dérivées de l’argent dont elle demandait l’approbation, notamment de la zéolite d’argent et du zinc. La requérante n’a nullement fait valoir qu’elle aurait reçu des indications contradictoires de ceux-ci, qui l’auraient induite en erreur.

145    La requérante n’est donc pas non plus fondée à soutenir que le principe de sécurité juridique a été méconnu en l’espèce.

146    Par conséquent, le quatrième moyen n’est pas fondé.

147    Au vu de l’ensemble des considérations qui précèdent, il convient de rejeter les recours comme étant non fondés.

V.      Sur les dépens

148    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

149    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs dépens. Le Royaume de Suède et l’ECHA supporteront donc chacun leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Les affaires T122/20 et T123/20 sont jointes aux fins du présent arrêt.

2)      Les recours sont rejetés.

3)      Sciessent LLC supportera, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

4)      Le Royaume de Suède et l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) supporteront chacun leurs propres dépens.

da Silva Passos

Reine

Sampol Pucurull

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.