Language of document : ECLI:EU:T:2019:682

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

24 septembre 2019 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Dépenses effectuées par la France dans le cadre du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) – Comptabilité incorrecte pour certains envois de bananes (exercices 2013 à 2016) – Correction financière forfaitaire »

Dans l’affaire T‑507/18,

République française, représentée par MM. F. Alabrune, D. Colas, S. Horrenberger, Mmes A.-L. Desjonquères, A. Alidière et C. Mosser, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. A. Lewis et Mme J. Aquilina, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2018/873 de la Commission, du 13 juin 2018, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29), en ce qu’elle applique à la République française une correction financière de 5 %, équivalant à un montant total de 1 945 435,39 euros, en ce qui concerne les mesures intitulées « Autres aides directes – POSEI », au motif d’une « [c]omptabilité incorrecte pour certains envois de bananes », pour les exercices financiers 2013 à 2016,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. D. Spielmann (rapporteur), faisant fonction de président, Z. Csehi et Mme O. Spineanu-Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Sur la réglementation de lUnion applicable aux mesures d’aide prises dans le cadre du POSEI

1        L’article 1er du règlement (UE) no 228/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 13 mars 2013, portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques de l’Union et abrogeant le règlement (CE) no 247/2006 du Conseil (JO 2013, L 78, p. 23), dispose ce qui suit :

« Le présent règlement arrête des mesures spécifiques dans le domaine agricole pour remédier aux difficultés causées par l’ultrapériphéricité, notamment l’éloignement, l’isolement, la faible superficie, le relief, le climat difficile et la dépendance économique vis-à-vis d’un petit nombre de produits des régions de l’Union visées à l’article 349 du traité (ci-après dénommées “régions ultrapériphériques”). »

2        L’article 3 du règlement no 228/2013 est ainsi libellé :

« 1. Les mesures prévues à l’article 1er sont définies pour chaque région ultrapériphérique par un programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) (ci-après dénommé “programme POSEI”) [...]

2. Le programme POSEI est établi au niveau géographique jugé le plus approprié par l’État membre concerné. Il est élaboré par les autorités compétentes désignées par ledit État membre qui, après consultation des autorités et des organisations compétentes au niveau territorial approprié, le soumet à la Commission pour approbation conformément à l’article 6.

3. Un seul programme POSEI peut être présenté par État membre pour ses régions ultrapériphériques. »

3        L’article 22 du règlement d’exécution (UE) no 180/2014 de la Commission, du 20 février 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 228/2013 (JO 2014, L 63, p. 13), est relatif aux principes généraux des contrôles des demandes d’aide. Cet article dispose ce qui suit :

« Les vérifications s’effectuent par des contrôles administratifs et des contrôles sur place.

Les contrôles administratifs sont exhaustifs et comportent des vérifications croisées avec, entre autres, les données du système intégré de gestion et de contrôle […]

[…]

Dans tous les cas appropriés, les États membres ont recours au système intégré de gestion et de contrôle. »

 Sur la réglementation applicable aux produits agricoles et à la filière banane

4        Conformément à l’article 1er du règlement (UE) no 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, portant organisation commune des marchés des produits agricoles et abrogeant les règlements (CEE) no 922/72, (CEE) no 234/79, (CE) no 1037/2001 et (CE) no 1234/2007 du Conseil (JO 2013, L 347, p. 671), intitulé « Champ d’application », il est prévu ce qui suit :

« 1. Le présent règlement établit une organisation commune des marchés pour les produits agricoles, c’est-à-dire tous les produits énumérés à l’annexe I des traités, à l’exclusion des produits de la pêche et de l’aquaculture définis dans les actes législatifs de l’Union sur l’organisation commune des marchés des produits de la pêche et de l’aquaculture.

2. Les produits agricoles définis au paragraphe 1 sont répartis dans les secteurs suivants énumérés dans les parties respectives de l’annexe I :

[…]

i) fruits et légumes, partie IX ;

[…]

k) bananes, partie XI ;

[…] »

5        L’article 76 du règlement no 1308/2013, intitulé « Exigences supplémentaires pour la commercialisation de produits dans le secteur des fruits et légumes », prévoit ce qui suit :

« 1. En plus des normes de commercialisation visées à l’article 75 qui sont applicables, le cas échéant, aux produits du secteur des fruits et légumes destinés à être vendus frais au consommateur, ceux-ci ne peuvent être commercialisés que s’ils sont de qualité saine, loyale et marchande et si le pays d’origine est indiqué.

2. Les normes de commercialisation visées au paragraphe 1 et toute norme de commercialisation applicable au secteur des fruits et légumes prévue conformément à la présente sous-section s’appliquent à tous les stades de commercialisation, y compris à l’importation et à l’exportation, et comprennent la qualité, le classement en catégories, le poids, la taille, le conditionnement, l’emballage, le stockage, le transport, la présentation et la commercialisation.

3. Le détenteur de produits du secteur des fruits et légumes couverts par les normes de commercialisation ne peut exposer ces produits, les mettre en vente, les livrer ou les commercialiser à l’intérieur de l’Union d’une manière qui ne soit pas conforme à ces normes et il est responsable du respect de cette conformité.

4. Afin de veiller à ce que les exigences énoncées au paragraphe 1 du présent article soient correctement respectées et pour tenir compte de certaines situations particulières, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 227 en ce qui concerne les dérogations spécifiques au présent article qui sont nécessaires à son application correcte. »

6        L’article 1er du règlement d’exécution (UE) no 1333/2011 de la Commission, du 19 décembre 2011, fixant des normes de commercialisation pour les bananes, des dispositions relatives au contrôle du respect de ces normes de commercialisation et des exigences relatives aux communications dans le secteur de la banane (JO 2011, L 336, p. 23), dispose ce qui suit :

« Les normes de commercialisation applicables aux bananes relevant du code NC 0803 00, à l’exclusion des bananes plantains, des bananes-figues et des bananes destinées à la transformation, sont fixées à l’annexe I.

Ces normes de commercialisation s’appliquent au stade de la mise en libre pratique pour les produits originaires des pays tiers, au stade du débarquement dans le premier port de l’Union pour les produits originaires de l’Union ou au stade sortie de hangar de conditionnement pour les produits livrés à l’état frais au consommateur dans les régions de production. »

7        L’article 4 du règlement no 1333/2011 prévoit ce qui suit :

« Les bananes produites dans l’Union font l’objet d’un contrôle de leur conformité aux normes de commercialisation visées à l’article 1er avant la mise sur moyen de transport en vue de leur commercialisation à l’état frais. Ce contrôle peut être effectué dans la station de conditionnement.

Les bananes qui sont commercialisées en dehors de la région de production font l’objet de contrôles inopinés lors du premier débarquement dans le reste de l’Union.

Les contrôles visés aux premier et deuxième alinéas sont effectués sous réserve de l’application de l’article 9. »

8        L’article 6 du règlement no 1333/2011 dispose ce qui suit :

« 1. Le contrôle de conformité est effectué conformément aux dispositions de l’article 17 du règlement d’exécution (UE) no 543/2011.

2. Pour les produits qui ne peuvent pas être soumis aux opérations de contrôle de conformité lors du premier débarquement, pour des raisons techniques, le contrôle est opéré ultérieurement, au plus tard lors de l’arrivée dans la station de mûrissage, et en tout état de cause pour les produits importés des pays tiers avant la mise en libre pratique.

[…] »

9        L’article 9 du règlement no 1333/2011 est ainsi libellé :

« 1. Les opérateurs qui commercialisent des bananes récoltées dans l’Union ou des bananes importées des pays tiers ne sont pas soumis aux opérations de contrôle de conformité aux normes de commercialisation aux stades prévus aux articles 4 et 5 lorsqu’ils :

a)       disposent d’un personnel expérimenté en matière de connaissance des normes de commercialisation et d’équipements de manutention et de contrôle ;

b)       tiennent un registre des opérations qu’ils effectuent ; et

c)       présentent les garanties permettant d’assurer une qualité conforme aux normes de commercialisation visées à l’article 1er des bananes qu’ils commercialisent.

Les opérateurs exemptés du contrôle obtiennent un certificat d’exemption établi conformément au modèle joint à l’annexe III.

2. Le bénéfice de l’exemption des opérations de contrôle est accordé, sur demande de l’opérateur concerné, par les organismes ou services de contrôle désignés par les autorités nationales compétentes selon le cas, de l’État membre de production pour les bananes commercialisées dans la région de production de l’Union ou de l’État membre de débarquement pour les bananes de l’Union commercialisées dans le reste de l’Union et les bananes importées des pays tiers. Le bénéfice de l’exemption est accordé pour une période maximale de trois années, renouvelable. Cette exemption vaut pour l’ensemble du marché de l’Union pour les produits débarqués dans l’État membre qui l’a octroyée.

Ces services ou organismes procèdent au retrait de l’exemption lorsqu’ils constatent des anomalies ou des irrégularités mettant en cause la conformité des bananes aux normes de commercialisation visées à l’article 1er ou que les conditions définies au paragraphe 1 ne sont plus remplies. Le retrait est opéré à titre provisoire ou définitif selon la gravité des manquements constatés.

Les États membres établissent un registre des opérateurs de bananes exemptés du contrôle et attribuent un numéro d’immatriculation à ces derniers et prennent les mesures nécessaires pour la diffusion de ces informations.

3. Les services ou organismes compétents des États membres vérifient périodiquement la qualité des bananes commercialisées par les opérateurs visés au paragraphe 1 ainsi que le respect des conditions qui y sont définies […]

[…] »

10      L’article 10 du règlement no 1333/2011 prévoit que « [l]es dispositions [de ce] règlement sont mises en œuvre sans préjudice de contrôles ponctuels inopinés effectués à un stade ultérieur jusqu’à la station de mûrissage ».

 Antécédents du litige

11      La République française a adopté un programme portant mesures spécifiques dans le domaine de l’agriculture en faveur des régions ultrapériphériques dans le cadre du programme d’options spécifiques à l’éloignement et à l’insularité (POSEI) applicable à la Guadeloupe et à la Martinique à partir du 1er janvier 2013, qui a été soumis à la Commission européenne et validé par cette dernière le 23 janvier 2013.

12      Ce programme prévoyait notamment une mesure d’aide intitulée « Mesure 2 – Action en faveur de la filière banane ». Cette mesure avait pour objectifs de garantir un revenu équitable aux producteurs, de maintenir une masse critique d’exploitations et de production dans chaque île pour conserver les emplois, de couvrir les coûts fixes de la production et d’assurer le développement et la gestion de l’espace rural, ainsi que de favoriser un système de développement durable répondant aux attentes sociales en matière de qualité du produit, de maintien de l’emploi et de gestion de l’environnement. Il était prévu qu’étaient éligibles à l’aide certaines variétés de bananes destinées à être livrées à l’état frais au consommateur et que le fait générateur de l’aide était la production commercialisée au cours de la campagne précédente. Quant aux modalités de calcul de l’aide, il était précisé que « [l]e droit individuel à l’aide [était] défini comme le montant maximum d’aide auquel a[vait] droit un producteur dès que son tonnage commercialisé via son [organisation de producteurs] attei[gnai]t un seuil donné par rapport à sa référence individuelle ».

13      Du 12 au 23 mai 2014 ainsi que du 1er au 14 juillet 2014, les services de la Commission ont réalisé en France (en Guadeloupe, en Martinique, à Paris et à Dunkerque) des missions d’audit portant sur les mesures spécifiques concernant certains produits agricoles en faveur des départements d’outre-mer français.

14      Par courrier du 27 octobre 2014, les services de la Commission ont, conformément à l’article 11, paragraphe 1, de son règlement (CE) no 885/2006, du 21 juin 2006, portant modalités d’application du règlement (CE) no 1290/2005 du Conseil en ce qui concerne l’agrément des organismes payeurs et autres entités ainsi que l’apurement des comptes du FEAGA et du Feader (JO 2006, L 171, p. 90), alors applicable, envoyé aux autorités françaises une communication par laquelle étaient transmises des observations et des demandes d’informations complémentaires résultant des missions d’audit susmentionnées. S’agissant en particulier de la filière banane, la Commission a notamment relevé que, alors même que la commercialisation de la production de bananes de certains producteurs tenait compte des avaries dans le port d’arrivée, la production émanant de producteurs procédant à des envois directs était exemptée de contrôles techniques et du retrait éventuel des quantités avariées de l’assiette de l’aide. Les contrôles clefs portant sur les quantités éligibles à l’aide auraient donc été incomplets en ce qui concerne les envois directs.

15      Par courrier du 30 janvier 2015, les autorités françaises ont fait part de leur réponse aux observations de la Commission. Dans ce courrier, elles ont expliqué pour quelles raisons, selon elles, les méthodes de contrôles mises en place permettaient de valider les quantités de bananes réellement commercialisées (c’est-à-dire acceptées et payées par les clients, déduction faite des réfactions), que les envois soient ou non directs.

16      Le 19 juin 2015, la Commission a invité les autorités françaises à une réunion bilatérale, conformément à l’article 11 du règlement no 885/2006 et à l’article 34, paragraphe 2, du règlement d’exécution (UE) no 908/2014 de la Commission, du 6 août 2014, portant modalités d’application du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les règles relatives aux contrôles, les garanties et la transparence (JO 2014, L 255, p. 59). Les points à discuter lors de cette réunion étaient repris en annexe à ce courrier.

17      Par courrier du 21 octobre 2015, la Commission a transmis le procès-verbal de cette réunion.

18      Par note du 22 décembre 2015, les autorités françaises ont répondu à ce procès-verbal.

19      Par courrier daté du 21 décembre 2016, la Commission a transmis aux autorités françaises une demande de renseignements supplémentaires. Cette demande portait notamment sur la proportion des expéditions de bananes depuis la Martinique et la Guadeloupe qui avaient été effectuées par envoi direct lors de la campagne 2015 ainsi que sur la transmission des procès-verbaux et des rapports d’inspection relatifs aux contrôles sur place de bananes pour les campagnes 2014 et 2015.

20      Par courrier du 3 janvier 2017, les autorités françaises ont répondu à cette demande.

21      Le 15 juin 2017, la Commission a transmis aux autorités françaises sa communication officielle en application de l’article 34, paragraphe 3, troisième alinéa, et de l’article 40, paragraphe 1, du règlement no 908/2014. Elle y indiquait qu’elle maintenait sa position selon laquelle la mise en œuvre du POSEI en cause n’était pas conforme à la réglementation applicable. Quant aux conséquences financières, la Commission a fait part de son intention de proposer une correction forfaitaire de 5 % appliquée à 21,46 % des dépenses pour les campagnes 2012 à 2015.

22      Le 27 juillet 2017, les autorités françaises ont demandé la saisine de l’organe de conciliation.

23      Par courrier du 31 août 2017, la Commission a transmis à l’organe de conciliation une notice explicative.

24      Le 2 octobre 2017, le rapport de l’organe de conciliation a été communiqué.

25      En date du 25 octobre 2017, la Commission a transmis aux autorités françaises une demande de renseignements complémentaires.

26      Par courrier du 21 décembre 2017, les autorités françaises ont répondu à cette dernière demande.

27      Le 9 avril 2018, la Commission a fait part de sa position finale. Elle y a indiqué notamment que, dans le cadre du POSEI français, le fait générateur de l’aide était la production commercialisée au cours de la campagne précédente et que les bananes devaient faire l’objet des contrôles de qualité prévus par le règlement no 1333/2011. Se référant à l’article 76 du règlement no 308/2013, elle a précisé que les bananes qui n’étaient pas de qualité saine, loyale et marchande n’étaient pas éligibles à l’aide.

28      Le 13 juin 2018, la Commission a adopté la décision d’exécution (UE) 2018/873, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2018, L 152, p. 29, ci-après la « décision attaquée »).

29      Par la décision attaquée, la Commission a appliqué notamment des corrections financières forfaitaires d’un montant total de 1 945 435,39 euros à la République française en ce qui concerne les mesures intitulées « Autres aides directes – POSEI » pour les exercices financiers 2013 à 2016, au motif d’une « [c]omptabilité incorrecte pour certains envois de bananes (ci-après la « correction litigieuse »). L’essentiel des motifs sous-tendant cette correction a été exposé dans un rapport de synthèse établi par la Commission et annexé à ladite décision.

 Procédure et conclusions des parties

30      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 24 août 2018, la République française a introduit le présent recours.

31      La Commission a déposé au greffe du Tribunal un mémoire en défense le 21 novembre 2018. La République française a déposé au greffe du Tribunal une réplique le 11 janvier 2019 et la Commission a déposé une duplique le 27 février 2019.

32      En l’absence de demande des parties, le Tribunal (sixième chambre) a décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, de son règlement de procédure, de statuer sans phase orale de la procédure.

33      La République française conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction forfaitaire de 5 %, équivalant à un montant total de 1 945 435, 39 euros, en ce qui concerne les mesures intitulées « Autres aides directes – POSEI », au motif d’une « [c]omptabilité incorrecte pour certains envois de bananes », pour les exercices financiers 2013 à 2016 ;

–        condamner la Commission aux dépens.

34      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours :

–        condamner la République française aux dépens.

 En droit

 Considérations liminaires

35      Il y a lieu de rappeler que le Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et le Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (ci-après, dénommés ensemble, les « fonds agricoles ») ne financent que les interventions effectuées conformément aux dispositions de l’Union dans le cadre de l’organisation commune des marchés agricoles (arrêts du 8 mai 2003, Espagne/Commission, C‑349/97, EU:C:2003:251, point 45 ; du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 32, et du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 59).

36      En outre, il ressort de l’économie de la réglementation relative au financement de la politique agricole commune que la responsabilité du contrôle des dépenses des fonds agricoles incombe en premier lieu aux États membres et que la Commission doit vérifier les conditions dans lesquelles les paiements et les contrôles ont été effectués (arrêt du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 57). À cet égard, il y a lieu de préciser que les États membres ont l’obligation de prendre toutes les mesures nécessaires pour garantir que les contrôles à effectuer ne laissent subsister aucun doute quant à la régularité des dépenses mises à la charge des fonds agricoles. Ils doivent donc faire en sorte que la qualité des contrôles effectués soit d’un niveau tel qu’elle ne puisse faire l’objet de critiques (arrêts du 26 novembre 2008, Grèce/Commission, T‑263/06, non publié, EU:T:2008:529, point 186 ; du 9 septembre 2011, Grèce/Commission, T‑344/05, non publié, EU:T:2011:440, point 269, et du 12 novembre 2015, Italie/Commission, T‑255/13, non publié, EU:T:2015:838, point 97).

37      En vertu d’une jurisprudence constante, il appartient à la Commission, aux fins de prouver l’existence d’une violation des règles de l’organisation commune des marchés agricoles, non pas de démontrer d’une façon exhaustive l’insuffisance des contrôles effectués par les administrations nationales ou l’irrégularité des chiffres transmis par elles, mais de présenter un élément de preuve du doute sérieux et raisonnable qu’elle éprouve à l’égard de ces contrôles ou de ces chiffres. Cet allègement de l’exigence de la preuve pour la Commission s’explique par le fait que c’est l’État membre qui est le mieux placé pour recueillir et vérifier les données nécessaires à l’apurement des comptes des fonds agricoles, et auquel il incombe, en conséquence, de présenter la preuve la plus détaillée et complète de la réalité de ses contrôles ou de ses chiffres et, le cas échéant, de l’inexactitude des affirmations de la Commission (voir arrêt du 6 novembre 2014, Pays-Bas/Commission, C‑610/13 P, non publié, EU:C:2014:2349, point 58 et jurisprudence citée).

38      L’État membre concerné, pour sa part, ne saurait infirmer les constatations de la Commission sans étayer ses propres allégations par des éléments établissant l’existence d’un système de contrôle fiable et opérationnel. Dès lors qu’il ne parvient pas à démontrer que les constatations de la Commission sont inexactes, celles-ci constituent des éléments susceptibles de faire naître des doutes sérieux quant à la mise en place d’un ensemble adéquat et efficace de mesures de surveillance et de contrôle (arrêt du 24 février 2005, Grèce/Commission, C‑300/02, EU:C:2005:103, point 35 ; voir également arrêt du 1er juillet 2009, Espagne/Commission, T‑259/05, non publié, EU:T:2009:232, point 154 et jurisprudence citée).

39      Enfin, il convient de rappeler que la Commission a l’obligation de procéder à une correction financière si les dépenses dont le financement est demandé n’ont pas été effectuées conformément aux règles de l’Union. Une telle correction financière tend à éviter la mise à charge des fonds agricoles de montants n’ayant pas servi au financement d’un objectif poursuivi par la réglementation de l’Union en cause et ne constitue donc pas une sanction (arrêts du 11 janvier 2001, Grèce/Commission, C‑247/98, EU:C:2001:4, point 14, et du 16 juin 2015, Portugal/Commission, T‑3/11, non publié, EU:T:2015:388, point 25).

40      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique invoqué par la République française.

 Sur le moyen unique, tiré d’une erreur de droit dans l’interprétation de la notion de « commercialisation » des bananes éligibles à l’aide POSEI

41      À l’appui de son recours, la requérante soulève un moyen unique, tiré de ce que la Commission a commis une erreur de droit en retenant une interprétation de la notion de « commercialisation » des bananes éligibles à l’aide du POSEI qui, d’une part, méconnaît le champ d’application du règlement no 1333/2011 et, d’autre part, découle de l’application erronée de l’article 76 du règlement no 1308/2013.

42      À titre liminaire, la République française fait valoir que les autorités françaises ont mis en place un dispositif de gestion et de contrôle des aides à la banane pleinement conforme aux règlements nos 180/2014 et 1333/2011. Elle explique qu’ont été mises en place des procédures permettant, d’une part, de déterminer les quantités de bananes commercialisées et, d’autre part, de s’assurer de la conformité des bananes aux normes de commercialisation. Ces deux procédures, qui impliqueraient des services administratifs distincts et relativement autonomes, se renforceraient mutuellement et contribueraient à déterminer le bien-fondé et le niveau de l’aide. En outre, lesdites procédures s’appliqueraient quel que soit le mode d’expédition retenu, à savoir l’envoi « classique » ou l’envoi « direct » (seul visé par la Commission). Pour ces deux types d’envois et ainsi qu’en témoignerait l’exemple concret d’une société ayant, dans le cadre d’un envoi direct, fait l’objet d’une diminution de ses bananes commercialisées en raison de la présence de bananes avariées, l’Union des Groupements des Producteurs de Bananes de Guadeloupe et de Martinique (UGPBAN), organisme privé chargé de la commercialisation et de la promotion des bananes de Guadeloupe et de Martinique, répertorierait lors de ces contrôles les bananes avariées et les déduirait des quantités de bananes commercialisées.

43      Selon la République française, en reprochant aux autorités françaises de ne pas contrôler la qualité des bananes après l’entrée dans les mûrisseries, la Commission procède à une interprétation erronée de la notion de « commercialisation » des bananes éligibles à l’aide du POSEI.

44      En premier lieu, la Commission retiendrait une interprétation de la notion de « commercialisation » qui méconnaîtrait le champ d’application du règlement no 1333/2011. La République française soutient qu’il ressort de ce règlement, qui ne vise rationae materiae que les bananes vertes et non les bananes mûries, que le stade de commercialisation qui doit être pris en compte dans le cadre des mesures d’aides relevant du POSEI ne s’étend pas à l’étape du mûrissage et aux étapes postérieures à celui-ci.

45      En deuxième lieu, la République française soutient que la notion de « commercialisation » des bananes éligibles à l’aide du POSEI retenue par la Commission procède d’une application erronée de l’article 76 du règlement no 1308/2013. Si cette disposition fixe des exigences de commercialisation des fruits et légumes applicables « à tous les stades de commercialisation », les spécificités du secteur de la banane auraient justifié l’adoption du règlement d’exécution no 1333/2011, qui constituerait une lex specialis portant sur les normes de commercialisation des bananes vertes et qui serait seul applicable en l’espèce. La République française se réfère, à cet égard, à l’article 1er, paragraphe 2, sous i) et k), du règlement no 1308/2013.

46      La Commission réfute les arguments de la République française et conclut au rejet du moyen unique comme étant non fondé.

47      En l’occurrence, il importe de déterminer quel est le champ et le fondement de la correction litigieuse. En effet, il apparaît que ce sont ces deux aspects qui font précisément débat entre les parties au présent litige.

 Sur le champ de la correction litigieuse

48      S’agissant du champ de la correction litigieuse, les parties ne s’accordent pas sur les « envois directs » de bananes visés par cette correction financière. Selon la Commission, les envois en cause sont ceux qui sont exemptés des contrôles de qualité tant à l’embarquement qu’au débarquement de la marchandise et qui sont dirigés vers les mûrisseries ne relevant pas de la chaîne de l’UGPBAN. Pour sa part, la République française conteste, dans la réplique, que ladite correction soit uniquement calculée sur la base des envois directs répondant à cette définition. Elle soutient qu’il ressort des échanges entre les autorités françaises et la Commission que les envois directs ayant servi de base à la correction litigieuse sont constitués de tous les envois en conteneurs conditionnés chez le producteur et livrés directement aux clients, que ces derniers appartiennent ou non au réseau de l’UGPBAN. Or, la Commission aurait indiqué, dans sa communication officielle du 15 juin 2017, que la comptabilisation des avaries et des écarts détectés lors des contrôles menés par les services techniques de l’UGPBAN n’appelait aucune observation. La Commission ne serait donc pas fondée à soutenir que, dans le cadre des envois directs effectués lors de la période en cause, aucune quantité de produits avariés n’aurait été déduite des quantités commercialisées prise en compte pour le calcul de l’assiette de l’aide relevant du POSEI.

49      À cet égard, il apparaît que la Commission a, tout au long de la procédure de conciliation, retenu une définition des envois directs en cause qui fait apparaître qu’étaient clairement visés les envois ayant pour destinataires des opérateurs non liés au réseau de l’UGPBAN, tels que les mûrisseries Fruidor, et, par voie de conséquence, des envois qui ne faisaient l’objet d’aucun contrôle technique que ce soit à l’embarquement ou au débarquement de la marchandise.

50      En particulier, elle a précisé, dans les observations reprises à l’annexe I de sa communication du 27 octobre 2014, qu’« [u]ne partie de plus en plus importante des expéditions [étaie]nt des envois directs, c’est-à-dire qu’ils pass[ai]ent directement du port chez le client final […], et […] de cette façon ne subiss[ai]ent jamais aucun contrôle technique ».

51      De même, la Commission a indiqué, dans le procès-verbal de la réunion bilatérale du 8 juillet 2015, que « les bananes envoyées directement aux clients, sans passer ni par Dunfresh à Dunkerque, ni par les mûrisseries Fruidor (les envois directs) [n’étaient] pas soumises à [des] contrôles du service technique et [étaie]nt comptabilisées d’une autre façon ». Il a été précisé, dans ce même document, que « [les avaries, écarts et reclassements des envois directs donn[ai]ent lieu à des réfactions qui [étaie]nt inscrites dans la comptabilité financière des planteurs concernés, mais sans être inscrites en parallèle, […] dans la comptabilité-matière ».

52      De même, dans sa lettre du 21 décembre 2016, la Commission avait demandé aux autorités françaises de fournir, s’agissant de la filière banane et pour la campagne 2015, des renseignements supplémentaires portant sur « la proportion des expéditions depuis [la] Martinique et [la] Guadeloupe vers la France métropol[itain]e effectuées par envoi direct » en indiquant qu’« il s’agi[ssai]t des expéditions par les producteurs qui [avaie]nt signé une convention avec le DIECCTE et qui, à ce titre, […] ne f[aisaie]nt pas l’objet de contrôles systématiques “qualité” avant expédition et qui n’[avaie]nt pas fait l’objet d’un contrôle au moment du débarquement à Dunkerque, le conteneur étant acheminé directement chez le client ou son mûrisseur ».

53      Enfin, dans sa communication officielle du 15 juin 2017, la Commission a précisé que « la comptabilisation des avaries et écarts détectés par les contrôles techniques de qualité menés par le service de l’UGPBAN à Dunkerque, ainsi que dans les mûrisseries Fruidor qui lui appart[enai]ent, n’a[vait] donné lieu à aucune observation », mais que, « [e]n revanche, les envois n’ayant pas fait l’objet d’un contrôle technique [étaie]nt traités autrement ».

54      Il ressort implicitement, mais nécessairement, de ces dernières précisions que la correction financière envisagée ne visait pas les envois faisant l’objet, au stade du débarquement de la marchandise, de contrôle par l’UGPBAN, mais ceux livrés directement aux clients.

55      En outre, il y a lieu de relever que, dans leur note datée du 27 juillet 2017, les autorités françaises ont, en réponse à une demande de la Commission, indiqué que les envois directs s’entendaient des « conteneurs livrés directement aux clients », en précisant, dans les développements qui suivent, que ces envois « ne f[aisaie]nt pas l’objet d’un passage par un entrepôt où un contrôle [était] effectué au déchargement ». Dans cette même note, les autorités françaises ont précisé que le taux des envois directs ainsi définis s’élevait à 6,14 %, ce qui correspond au chiffre retenu par la Commission. Il ressort de l’ensemble de ces indications que les autorités françaises ont été en mesure de saisir que les envois directs dont il est ici question s’entendent comme ceux qui sont exemptés de contrôle de qualité tant à l’embarquement qu’au débarquement de la marchandise et qui sont dirigés vers les mûrisseries appartenant à des opérateurs autres que ceux affiliés à la chaîne de l’UGPBAN.

56      Eu égard à l’ensemble de ces considérations, c’est à bon droit que la Commission a, aux fins de l’examen du bien-fondé de la correction litigieuse, retenu que les envois directs concernés s’entendent comme ceux qui sont exemptés de contrôle de qualité tant à l’embarquement qu’au débarquement de la marchandise et qui sont dirigés vers les mûrisseries appartenant à des opérateurs autres que ceux affiliés à la chaîne d’UGPBAN.

 Sur le fondement de la correction litigeuse

57      Il y a lieu de relever que les parties sont en désaccord sur le motif exact de la correction litigeuse : alors que pour la République française, la question se pose de savoir si les autorités françaises se sont conformées aux normes de qualité découlant de la réglementation applicable à la commercialisation des bananes, la Commission souligne que le différend à l’origine du présent litige trouve sa source dans le constat de l’absence de preuve par les autorités françaises concernant la déduction des bananes avariées et des écarts, faisant l’objet d’envois directs, des quantités bénéficiant de l’aide prévue par le POSEI.

58      À cet égard, il ressort clairement de la communication officielle du 15 juin 2017 que la correction litigieuse repose sur la conclusion selon laquelle il existait une lacune dans le système de gestion et de contrôle de l’aide pour la filière banane. Dans ce courrier, la Commission a, en effet, indiqué qu’il était reproché aux autorités françaises de ne pas avoir contrôlé et vérifié de manière systématique les déductions de bananes non commercialisées à cause d’avaries et les écarts des quantités déclarées en vue de l’octroi de cette aide par les organisations de producteurs. Comme la République française l’a elle-même relevé, la Commission a, à l’appui de sa position, précisé qu’il convenait d’effectuer une distinction entre le système de contrôle technique « des normes » de commercialisation, qui semblait être en conformité générale avec les exigences légales, et le système du contrôle sur l’aide à la commercialisation. L’anomalie identifiée, qui justifie la correction financière envisagée, ne concernerait que la comptabilisation des quantités prises en considération pour le calcul de l’aide.

59      Cette motivation figurait d’ores et déjà dans les premiers échanges de courriers qui ont précédé l’envoi de la communication officielle du 15 juin 2017, en particulier dans la lettre du 27 octobre 2014, dans l’annexe I de la lettre du 19 juin 2015 ainsi que dans l’annexe I de la lettre du 21 octobre 2015.

60      Si, ainsi que l’a relevé l’organe de conciliation dans son courrier du 2 octobre 2017, il existe une certaine évolution dans la formulation de la position de la Commission s’agissant du grief relatif à l’aide en faveur de la filière banane, il existe un lien évident entre les premières conclusions reprises dans la lettre d’observations initiales du 27 octobre 2014 et les griefs retenus dans la communication officielle du 15 juin 2017.

61      En particulier, le fait que la Commission se soit, au stade final de la procédure contradictoire de conciliation, à savoir dans sa position du 9 avril 2018, référée à l’interprétation de l’article 76 du règlement no 1308/2013, disposition qui ne trouve pas à s’appliquer au secteur de la banane, qui est régi par un cadre juridique spécifique, est en soi sans incidence sur le constat de l’absence de preuve de la déduction des bananes avariées faisant l’objet d’envois directs des quantités bénéficiant de l’aide prévue par le POSEI et, par voie de conséquence, sur le bien-fondé des conclusions auxquelles la Commission est parvenue quant à l’absence de contrôle satisfaisant des quantités de produits éligibles à l’aide du POSEI.

62      Il ressort de l’ensemble de ces considérations que la correction litigieuse n’a pas pour fondement le non-respect des normes de qualité en vue de la commercialisation des bananes sur le territoire de l’Union, mais bien l’absence, s’agissant des envois directs de bananes, de contrôle et de comptabilisation systématique des quantités de bananes effectivement commercialisées aux fins du calcul de l’assiette de l’aide du POSEI.

63      Il incombe dès lors au Tribunal de déterminer si la Commission était en droit d’exiger des autorités françaises qu’elles mettent en place un système de contrôle de l’aide à la commercialisation en vertu du règlement no 180/2014 qui soit distinct du système de contrôle technique des normes de commercialisation régi par le règlement no 1333/2011.

 Sur le respect des obligations de contrôle pesant sur les autorités françaises dans le cadre du POSEI

64      Conformément à l’article 22 du règlement no 180/2014, « [d]ans tous les cas appropriés, les États membres ont recours au système intégré de gestion et de contrôle ».

65      Il y a lieu de rappeler que le programme POSEI au sens de l’article 3 du règlement no 228/2013 qui est en cause en l’espèce indique que sont éligibles à l’aide certaines variétés de bananes destinées à être livrées à l’état frais au consommateur et que le fait générateur de l’aide est la production commercialisée au cours de la campagne précédente. S’agissant des modalités de calcul de l’aide, il a été précisé que « [l]e droit individuel à l’aide [était] défini comme le montant maximum d’aide auquel a[vait] droit un producteur dès que son tonnage commercialisé via son [organisation de producteurs] attei[gnai]t un seuil donné par rapport à sa référence individuelle ».

66      Quant aux dispositions du règlement no 1333/2011, qui fixent notamment les normes de commercialisation pour les bananes, en vue d’assurer un approvisionnement du marché en produits homogènes de qualité satisfaisante (voir considérant 2 de ce règlement), elles tendent à établir des normes minimales pour les bananes vertes non mûries, sans préjudice de la fixation ultérieure de normes applicables à un autre stade de la commercialisation (voir considérant 3 dudit règlement).

67      À cet égard, le considérant 12 du règlement no 1333/2011 indique que « [l]’attestation de conformité délivrée à l’issue du contrôle ne doit pas constituer un document d’accompagnement des bananes jusqu’au stade ultime de commercialisation[,] mais un document de preuve de la conformité des bananes jusqu’au stade d’entrée en mûrisserie, conformément au champ d’application de la norme, à présenter sur demande des autorités compétentes » et qu’« [i]l convient par ailleurs de rappeler que les bananes qui ne sont pas conformes aux normes fixées par le présent règlement ne peuvent pas être destinées à la consommation à l’état frais dans l’Union ».

68      S’agissant des normes de commercialisation auxquelles les États membres doivent se conformer, le point II. A. de l’annexe I du règlement no 1333/2011 précise notamment que les bananes doivent, au moment du contrôle, être « entières », « saines » et que « [l]e développement et l’état de maturité des bananes doivent leur permettre […] de supporter le transport et la manutention [et] d’arriver dans un état satisfaisant sur le lieu de destination, afin d’atteindre un degré de maturité approprié après mûrissage ».

69      Il ressort de ces dispositions que, si les contrôles techniques visés par le règlement no 1333/2011, qui tendent à vérifier, dans le souci de permettre aux consommateurs l’accès à des produits de qualité homogène et satisfaisante, que les bananes destinées à la commercialisation répondent à certains critères préalablement définis, peuvent concrètement se recouper avec ceux visant à assurer la conformité du versement de l’aide du POSEI, telle que régie par le règlement no 180/2014 et le programme POSEI en cause dans la présente affaire, ces contrôles sont bien distincts.

70      Dès lors, le fait qu’un État membre ait mis en place des contrôles des normes de commercialisation répondant pleinement aux exigences découlant des dispositions du règlement no 1333/2011 n’implique pas nécessairement que celui-ci ait respecté l’obligation de mise en place d’un système intégré de gestion et de contrôle pleinement conforme au règlement no 180/2014 et aux dispositions adoptées pour son application.

71      S’agissant en particulier des envois dits « directs » à l’origine de la correction litigieuse, à savoir ceux qui, d’une part, sont exemptés de contrôle à l’embarquement et au débarquement, et, d’autre part, sont effectués à destination de clients finaux ou de mûrisseries sans lien avec l’UGPBAN, la Commission était en droit de nourrir des doutes sérieux, au sens de la jurisprudence rappelée aux points 37 et 38 ci-dessus, quant à la conformité des contrôles mis en place avec le POSEI.

72      En effet, il ressort de l’article 9 du règlement no 1333/2011 que de tels envois directs ne sont soumis à aucun contrôle en vue de détecter d’éventuels écarts ou avaries. En effet, dans ce cas, les envois des producteurs concernés ne sont pas soumis aux contrôles prévus aux articles 4 et 5 de ce règlement.

73      Dès lors, il ne saurait être soutenu que la Commission a méconnu le cadre juridique applicable en concluant qu’il existait en l’occurrence une lacune dans le système de gestion et de contrôle qui était de nature à générer un risque pour le fonds en ce qui concerne l’assiette de calcul de l’aide du POSEI dans le cadre des envois directs de bananes.

74      Comme l’a relevé la Commission, la banane est par nature un produit périssable. Il apparaît donc peu probable – sinon impossible – que, s’agissant des envois directs, aucune quantité de bananes n’ait été, de manière générale, déduite de l’aide prévue par le POSEI. Si, ainsi que l’a relevé la République française, il peut être présumé que les bananes faisant l’objet d’envois directs – et donc d’exemptions aux contrôles technique de qualité prévus aux articles 4 et 5 du règlement no 1333/2011 conformément à l’article 9 de ce règlement – sont méticuleusement contrôlées par les producteurs avant leur envoi, à défaut de quoi ceux-ci peuvent se voir retirer leurs exemptions, cela ne saurait exclure en soi l’existence d’avaries ou le constat d’écarts avec les quantités déclarées.

75      Aucun des arguments spécifiquement soulevés par la République française n’est de nature à infirmer cette conclusion.

76      S’agissant de l’affirmation selon laquelle l’étape de commercialisation qui doit être prise en compte dans le cadre de l’aide POSEI ne s’étend pas à l’étape du mûrissage, elle ne correspond pas à la définition des bananes éligibles à l’aide du POSEI, qui vise « les bananes destinées à être livrées à l’état frais au consommateur ». Par ailleurs, et ainsi que l’a, à juste titre, relevé la Commission, il apparaît que l’UGPBAN refuse de procéder au paiement des bananes rejetées par ses propres mûrisseries, même lorsque celles-ci ont passé avec succès les contrôles de qualité au port de débarquement. Un telle approche implique que doivent être exclus de l’assiette de l’aide du POSEI les avaries et les écarts constatés même au stade du mûrissage des produits concernés.

77      Quant à l’argument pris de ce qu’il existe au moins un cas concret où, dans le cadre d’un envoi direct et lors du contrôle technique réalisé par l’UGPBAN à l’entrée en mûrisserie, il a été procédé à une diminution des quantités commercialisées du fait de la présence de bananes avariées, il ne saurait être retenu. En effet, l’exemple mentionné par la République française ne démontre pas qu’avait été mis en place un système intégré de contrôle systématique des déductions des bananes non commercialisées pour cause d’avaries ou d’écarts des quantités déclarées à l’aide par les organisations de producteurs.

78      Enfin, s’agissant de la référence à des contrôles qui auraient été effectués sur des envois directs en dehors du réseau des mûrisseries appartenant à l’UGPBAN, à supposer même que les exemples évoqués par la République française, mentionnés pour la première fois au stade de la réplique, soient jugés recevables, ils sont dénués de valeur probante. En effet, ces exemples ne démontrent pas que des bananes avariées qui auraient été exclues de la commercialisation, en raison de leur caractère impropre à la consommation, auraient été déduites de l’assiette de l’aide du POSEI.

79      Il résulte de l’ensemble de ces considérations qu’il y a lieu de rejeter le moyen unique soulevé par la République française comme étant non fondé et, par suite, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

80      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

81      La République française ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La République française est condamnée aux dépens.

Spielmann

Csehi

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 septembre 2019.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

G. Berardis



*      Langue de procédure : le français.