Language of document : ECLI:EU:T:2006:64

Affaire T-282/02

Cementbouw Handel & Industrie BV

contre

Commission des Communautés européennes

«Concurrence — Contrôle des opérations de concentration d'entreprises — Articles 2, 3 et 8 du règlement (CEE) nº 4064/89 — Notion de concentration — Création d'une position dominante — Autorisation soumise au respect de certains engagements — Principe de proportionnalité»

Sommaire de l'arrêt

1.      Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3; communication de la Commission 98/C 66/02, point 19)

2.      Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3, § 2)

3.      Concurrence — Concentrations — Acquisition d'un contrôle conjoint indirect sur une entreprise commune

(Règlement nº 4064/89, art. 3, § 1, b), et 4, b))

4.      Droit communautaire — Principes — Protection de la confiance légitime — Conditions

5.      Concurrence — Concentrations — Notion

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3)

6.      Concurrence — Concentrations — Existence — Concentration relevant de la compétence exclusive de la Commission — Conditions

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 3)

7.      Concurrence — Concentrations — Concentration de dimension communautaire — Critères d'appréciation

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 1er et 5)

8.      Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 6)

9.      Concurrence — Concentrations — Concentration résultant de plusieurs transactions juridiques ayant un caractère unitaire du fait de leur interdépendance

(Règlement du Conseil nº 4064/89)

10.    Concurrence — Concentrations — Appréciation de la compatibilité avec le marché commun — Création ou renforcement d'une position dominante

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 2 et 3)

11.    Concurrence — Concentrations — Examen par la Commission — Appréciations d'ordre économique

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2)

12.    Concurrence — Position dominante — Existence — Obstacles à l'entrée sur le marché

(Art. 82 CE)

13.    Concurrence — Position dominante — Existence — Incidence de la puissance d'achat des clients à l'égard du fournisseur

(Art. 82 CE)

14.    Concurrence — Concentrations — Appréciation de la compatibilité avec le marché commun — Création ou renforcement d'une position dominante

(Règlement du Conseil nº 4064/89)

15.    Concurrence — Concentrations — Examen par la commission — Engagements des entreprises concernées de nature à rendre l'opération notifiée compatible avec le marché commun

(Règlement du Conseil nº 4064/89, art. 2, § 2, et 8, § 2)

1.      Il découle de l'article 3 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, intitulé «Définition de la concentration», qu'une opération de concentration est, notamment, réalisée par l'acquisition du contrôle d'une ou plusieurs entreprises, soit par une entreprise agissant seule, soit par deux ou plusieurs entreprises agissant conjointement, étant entendu que, quelle que soit la forme que revêt la prise de contrôle, celle-ci, compte tenu des circonstances de fait et de droit propres à chaque espèce, doit conférer la possibilité d'exercer une influence déterminante sur l'activité de l'entreprise acquise découlant de droits, de contrats ou de tout autre moyen.

Conformément au point 19 de la communication de la Commission concernant la notion de concentration au sens du règlement nº 4064/89, un contrôle en commun existe lorsque deux ou plusieurs entreprises ou personnes ont la possibilité d'exercer une influence déterminante sur une autre entreprise, c'est-à-dire le pouvoir de bloquer les décisions qui déterminent la stratégie commerciale d'une entreprise. Ainsi, le contrôle en commun permet la survenance d'une situation de blocage du fait du pouvoir, détenu par deux ou plusieurs entreprises, de rejeter les décisions stratégiques proposées. Ces actionnaires doivent donc nécessairement s'entendre sur la politique commerciale de l'entreprise commune.

Si l'influence déterminante, au sens de l'article 3, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, ne doit pas nécessairement être exercée pour exister, en revanche, pour qu'il existe un contrôle au sens de l'article 3 du règlement, la possibilité d'exercer cette influence doit être effective.

(cf. points 41-42, 58)

2.      Le fait qu'une entreprise commune puisse être une entreprise de plein exercice et donc, du point de vue fonctionnel, économiquement autonome ne signifie pas qu'elle jouisse d'une autonomie pour ce qui concerne l'adoption de ses décisions stratégiques. Une conclusion inverse aboutirait à la situation qu'il n'existerait jamais de contrôle conjoint sur une «entreprise commune», dès lors qu'elle serait économiquement autonome. Or, la condition posée par l'article 3, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises - afin que la création d'une entreprise commune, c'est-à-dire contrôlée par deux ou plusieurs entreprises, soit considérée comme réalisant une concentration - selon laquelle cette entreprise commune doit «accompli[r] de manière durable toutes les fonctions d'une entité économique autonome», prouve que tel n'est pas le cas.

(cf. point 62)

3.      L'article 3, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, précise que le contrôle peut être acquis «directement ou indirectement» par une ou plusieurs personnes, et l'article 3, paragraphe 4, sous b), de ce même règlement admet que les détenteurs du contrôle peuvent également être les personnes qui, bien que n'étant pas titulaires des droits ou bénéficiaires des contrats, ont le pouvoir d'exercer les droits qui en découlent.

Peuvent acquérir un contrôle indirect au sens dudit article 3 les actionnaires des membres d'une entreprise commune, même s'ils ne sont pas directement titulaires des droits de vote dans l'assemblée générale de cette dernière, ceux-ci étant exercés par les membres eux-mêmes.

En effet, dès lors que les sociétés commerciales se conforment en toute hypothèse aux décisions de leurs actionnaires exclusifs, majoritaires, ou qui exercent le contrôle en commun de la société, il s'ensuit nécessairement que, dans l'hypothèse où les sociétés membres de l'entreprise commune sont toutes des filiales détenues soit à titre exclusif, soit en commun par deux actionnaires, la nomination aux organes de décision de ladite entreprise commune suppose l'accord de ces deux actionnaires. À défaut, les membres ne pourront pas procéder à la nomination des organes de décision de l'entreprise commune et celle-ci ne sera pas en mesure de fonctionner.

La circonstance que des représentants des sociétés mères ne puissent pas siéger au conseil d'administration de l'entreprise commune ou qu'ils ne puissent représenter qu'une minorité au sein du conseil de surveillance de cette entreprise n'emporte pas de conséquence sur le fait que ce sont les membres de cette entreprise qui décident de la composition des organes de décision et, par le truchement de ces membres, leurs deux actionnaires.

En outre, s'agissant de la composition des deux organes de décision de l'entreprise commune, si ses statuts n'excluent pas que toutes les personnes siégeant au sein de ces organes exercent elles-mêmes des fonctions au sein des organes de décision des entreprises membres de l'entreprise commune, ces représentants auront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des entreprises membres de l'entreprise commune, dû être nommés par les actionnaires des membres de cette dernière et devront nécessairement, dans leurs fonctions au sein des organes de décision de l'entreprise commune, prendre en compte le point de vue de ces actionnaires.

(cf. points 72-74)

4.      Le droit de réclamer la protection de la confiance légitime suppose la réunion de trois conditions. Premièrement, des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, émanant de sources autorisées et fiables, doivent avoir été fournies à l'intéressé par l'administration communautaire. Deuxièmement, ces assurances doivent être de nature à faire naître une attente légitime dans l'esprit de celui auquel elles s'adressent. Troisièmement, les assurances données doivent être conformes aux normes applicables.

(cf. point 77)

5.      Alors que l'article 3, paragraphe 1, sous a), du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, qualifie d'opération de concentration un phénomène relativement simple et identifiable - celui de la fusion entre deux ou plusieurs entreprises antérieurement indépendantes -, cette disposition, sous b), vise à englober toutes les autres situations dans lesquelles une ou plusieurs entreprises acquièrent le contrôle de l'ensemble ou de parties d'une ou de plusieurs autres entreprises. Cette définition générale et finaliste d'une opération de concentration - le résultat étant le contrôle d'une ou plusieurs entreprises - implique qu'il est indifférent que l'acquisition, directe ou indirecte, de ce contrôle ait été réalisée en une, deux ou plusieurs étapes par le biais d'une, deux ou plusieurs transactions, pour autant que le résultat atteint constitue une seule opération de concentration.

Que les parties, lorsqu'elles notifient une concentration à la Commission, projettent de conclure deux ou plusieurs transactions ou qu'elles les aient déjà conclues préalablement à leur notification est également indifférent. Il revient à la Commission, dans tous les cas de figure, d'apprécier si ces transactions présentent un caractère unitaire de sorte qu'elles constituent une seule opération de concentration au sens de l'article 3 du règlement nº 4064/89.

Une telle démarche vise à identifier, en fonction des circonstances de fait et de droit propres à chaque cas d'espèce et dans un souci de rechercher la réalité économique qui sous-tend les opérations, la finalité économique poursuivie par les parties, en examinant, en présence de plusieurs transactions juridiquement distinctes, si les entreprises concernées auraient été disposées à conclure chaque transaction prise isolément ou si, au contraire, chaque transaction ne constitue qu'un élément d'une opération plus complexe, sans laquelle elle n'aurait pas été conclue par les parties. En d'autres termes, afin de déterminer le caractère unitaire des transactions en cause, il s'agit, dans chaque cas d'espèce, d'apprécier si ces transactions sont interdépendantes de sorte que l'une n'aurait pas été réalisée sans l'autre.

Cette démarche tend, d'une part, à assurer aux entreprises qui notifient une opération de concentration le bénéfice de la sécurité juridique pour l'ensemble des transactions qui réalisent cette opération et, d'autre part, à permettre à la Commission d'exercer un contrôle efficace sur les opérations de concentration qui sont susceptibles d'entraver de manière significative une concurrence effective dans le marché commun ou dans une partie substantielle de celui-ci. Ces deux buts constituent, au demeurant, l'objectif principal du règlement nº 4064/89.

Il s'ensuit qu'une opération de concentration, au sens de l'article 3, paragraphe 1, du règlement nº 4064/89, peut se réaliser même en présence d'une pluralité de transactions juridiques formellement distinctes dès lors que ces transactions sont interdépendantes de sorte qu'elles ne seraient pas réalisées les unes sans les autres et dont le résultat consiste à conférer à une ou à plusieurs entreprises le contrôle économique, direct ou indirect, sur l'activité d'une ou de plusieurs autres entreprises.

(cf. points 103-109)

6.      L'article 3 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, définit les conditions d'existence d'une «opération de concentration» et se limite à définir, d'une manière générale et matérielle, ce qu'il faut entendre par une «concentration»; cette disposition ne règle pas la question de la compétence de la Commission sur les opérations de concentration. Parmi les opérations qui répondent à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89, seules les opérations dites de «dimension communautaire», telles que définies à l'article 1er de ce règlement, relèveront de la compétence exclusive de la Commission, sauf disposition contraire dudit règlement. Par conséquent, ce n'est pas parce qu'une opération répond à la définition de l'article 3 du règlement nº 4064/89 que cette opération tombe nécessairement dans le champ de la compétence exclusive de la Commission; encore faut-il que cette transaction soit de «dimension communautaire».

(cf. point 114)

7.      Il résulte de l'économie générale de l'article 5 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, que le législateur communautaire a entendu préciser le champ d'application de ce règlement en définissant, notamment, le chiffre d'affaires des participants à une opération de concentration qui doit être pris en considération aux fins de déterminer sa «dimension communautaire», au sens de l'article 1er du règlement nº 4064/89. Ainsi, il résulte de l'article 5, paragraphe 2, dudit règlement que, dans le cadre de l'acquisition de parties d'une entreprise, seul le chiffre d'affaires se rapportant à ces parties de l'entreprise effectivement acquises doit être pris en compte pour apprécier la dimension de l'opération en cause.

Cette appréciation englobe également l'interprétation de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, de sorte que, lorsque l'acquisition de parties d'une ou de plusieurs entreprises se déroule en plusieurs transactions au cours d'une période de deux années entre les mêmes personnes ou entreprises, le chiffre d'affaires doit se rapporter à ces parties acquises considérées conjointement. Le motif qui préside à l'insertion de l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 est celui d'éviter que les mêmes entreprises ou les mêmes personnes fragmentent artificiellement une opération en plusieurs cessions partielles d'actifs, échelonnées dans le temps, dans l'objectif d'échapper aux seuils établis par le règlement nº 4064/89 qui déterminent la compétence de la Commission en application de ce règlement.

Dès lors, le fait que l'article 5, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89 permette à la Commission de considérer deux ou plusieurs transactions comme constituant une seule opération de concentration aux fins du calcul du chiffre d'affaires des entreprises concernées dans le but d'éviter un contournement de la compétence que lui attribue le règlement ne signifie pas que cette disposition prive la Commission du droit de déterminer, en amont, en application de l'article 3 dudit règlement, si plusieurs transactions qui lui sont notifiées réalisent une seule opération de concentration ou si, au contraire, ces transactions doivent être considérées comme réalisant une pluralité d'opérations de concentration.

S'il ressort de l'examen auquel procède la Commission que deux transactions notifiées à la Commission ne sont pas interdépendantes, ces transactions seront appréciées individuellement. Si l'une et/ou l'autre n'a pas de dimension communautaire, la Commission déclinera sa compétence pour apprécier l'une et/ou l'autre. S'il ressort de cet examen que les transactions présentent un caractère unitaire permettant de les considérer comme une seule opération de concentration, en application de l'article 3 du règlement nº 4064/89, la Commission vérifiera ensuite si l'opération ainsi identifiée est de dimension communautaire, aux fins d'établir sa compétence et d'apprécier les effets de l'opération sur la concurrence.

(cf. points 115-120)

8.      La position défendue par chacune des parties procédant à la notification d'une opération de concentration est, par définition, subjective et reflète nécessairement ses propres intérêts. Néanmoins, cette circonstance ne saurait entraîner la Commission, dans son souci de rechercher la réalité économique d'une opération de concentration, à se priver des explications des parties lui permettant d'identifier quelle était réellement, au moment de la conclusion des transactions en cause, la finalité économique poursuivie par ces parties. Bien que les explications non contestées d'une des parties ayant procédé à la notification ne sauraient en soi être déterminantes, la Commission doit toutefois être habilitée à se fonder sur ces explications lorsqu'elles lui permettent de conforter les éléments d'appréciation sur lesquels repose son analyse.

(cf. point 147)

9.      En examinant globalement avec une transaction ultérieure dont elle est indissociable une transaction qui, prise isolément, ne remplissait pas les critères de la dimension communautaire et qui, de ce fait, avait été examinée par l'autorité nationale de la concurrence compétente, laquelle l'avait avalisée, la Commission ne méconnaît pas la répartition des compétences entre autorités nationales et communautaire de la concurrence opérée par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, dès lors que les deux transactions, en raison de leur caractère unitaire, réalisent une opération de concentration unique de dimension communautaire.

(cf. points 158-161)

10.    La position dominante, visée à l'article 2 du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, concerne une situation de puissance économique détenue par une ou plusieurs entreprises qui leur donnerait le pouvoir de faire obstacle au maintien d'une concurrence effective sur le marché en cause en leur fournissant la possibilité de comportements indépendants dans une mesure appréciable vis-à-vis de leurs concurrents, de leurs clients et, finalement, des consommateurs.

À cet égard, l'existence de parts de marché d'une grande ampleur est hautement significative et le rapport entre les parts de marché détenues par la ou par les entreprises parties à la concentration et par leurs concurrents, en particulier ceux qui les suivent immédiatement, constitue un indice valable de l'existence d'une position dominante. En effet, ce facteur permet d'évaluer la capacité concurrentielle des concurrents de l'entreprise en cause. En outre, une part de marché particulièrement élevée peut en elle-même constituer la preuve de l'existence d'une position dominante, surtout lorsque les autres opérateurs sur le marché ne détiennent que des parts beaucoup moins importantes.

De même, la présence de concurrents ne peut, d'une manière générale, constituer un facteur de nature, le cas échéant, à tempérer, voire à éliminer, la position dominante de l'entité en cause que dans l'hypothèse où ces concurrents détiendraient une position forte de nature à exercer un contrepoids réel.

Enfin, l'absence de pression concurrentielle importante peut aussi, en partie, se déduire du caractère différencié des produits du marché en cause. En effet, le caractère différencié des produits signifie que chaque produit n'est pas un substitut parfait de l'autre et que, par conséquent, l'augmentation du prix de l'un n'a pas nécessairement pour effet que l'entreprise procédant à cette augmentation perde des parts de marché au profit de ses concurrents qui produisent l'autre produit, comme cela serait le cas pour des produits parfaitement substituables.

(cf. points 195, 198, 201, 212-213)

11.    Les règles de fond posées par le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, en particulier en son article 2, confèrent à la Commission un certain pouvoir d'appréciation, notamment pour ce qui est des appréciations d'ordre économique. En conséquence, le contrôle par le juge communautaire de l'exercice d'un tel pouvoir, qui est essentiel dans l'application des règles en matière de concentration, doit être effectué compte tenu de la marge d'appréciation que sous-tendent les normes de caractère économique faisant partie du régime des concentrations.

Il s'ensuit que le contrôle exercé par le juge communautaire sur les appréciations économiques complexes effectuées par la Commission dans l'exercice du pouvoir d'appréciation que lui confère le règlement nº 4064/89 doit se limiter à la vérification du respect des règles de procédure et de motivation, ainsi que de l'exactitude matérielle des faits, de l'absence d'erreur manifeste d'appréciation et de détournement de pouvoir. En particulier, il n'appartient pas au juge communautaire de substituer son appréciation économique à celle de la Commission.

(cf. points 196-197)

12.    Constituent des obstacles à l'entrée sur le marché des éléments de nature diverse, en particulier d'ordre économique, commercial ou financier, qui sont susceptibles de faire supporter au concurrent potentiel des entreprises en place des risques et des coûts suffisamment élevés pour le dissuader d'entrer sur le marché dans un délai raisonnable ou pour rendre cette entrée particulièrement difficile, le privant de la capacité d'exercer une contrainte concurrentielle sur le comportement des entreprises en place.

(cf. point 219)

13.    La puissance d'achat des clients d'un fournisseur est susceptible de compenser le pouvoir de marché de ce dernier si ces clients ont la capacité de recourir, dans un délai raisonnable, à des sources alternatives crédibles d'approvisionnement si le fournisseur décide d'augmenter ses prix ou de détériorer les conditions de livraison.

À cet égard, la dispersion des opérateurs sur le marché concerné et l'absence d'alternative crédible d'approvisionnement pour ces opérateurs sur ce marché sont deux critères qui, sans être nécessairement exhaustifs pour accréditer ou infirmer l'existence d'une puissance d'achat de clients de nature à contrecarrer la puissance économique d'un fournisseur, sont très pertinents. En effet, d'une part, le critère du degré de concentration du marché des acheteurs signifie que leur nombre limité peut être de nature à leur permettre de renforcer leur pouvoir de négociation à l'égard du fournisseur. D'autre part, le critère de la présence d'alternatives crédibles d'approvisionnement permet de déterminer s'il existe une forte probabilité que le fournisseur soit contraint de limiter toute hausse de prix, voire de s'en abstenir.

(cf. points 230-232)

14.    Le règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, n'interdit pas d'examiner, au regard de ses propres dispositions, les éventuels aspects de coordination verticale entre l'entreprise commune et l'une ou l'autre de ses entreprises fondatrices qui résultent d'une opération de concentration, sans d'ailleurs, pour autant, préjuger de l'autonomie de l'entreprise commune.

(cf. point 250)

15.    Dans le cadre du règlement nº 4064/89, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises, la Commission n'est habilitée à accepter que des engagements de nature à rendre l'opération de concentration compatible avec le marché commun. En d'autres termes, les engagements proposés par les entreprises concernées doivent permettre à la Commission de conclure que l'opération de concentration en cause ne créerait ou ne renforcerait pas une position dominante au sens de l'article 2, paragraphe 2, de ce règlement.

Ainsi, pour pouvoir être acceptés par la Commission dans l'optique de l'adoption d'une décision au titre de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, de tels engagements doivent non seulement être proportionnés au problème de concurrence identifié par la Commission dans sa décision, mais le résoudre intégralement.

Cependant, les parties procédant à une notification ne sont nullement contraintes de se limiter à proposer des engagements visant strictement à rétablir la situation de concurrence antérieure à l'opération de concentration, de telle sorte que la Commission puisse déclarer cette opération compatible avec le marché commun. En effet, en vertu de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, la Commission est habilitée à accepter tous les engagements des parties lui permettant d'adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun.

Au demeurant, en présence d'engagements allant au-delà du rétablissement de la situation antérieure à l'opération de concentration, la Commission n'a pas la latitude de les refuser et d'adopter soit une décision déclarant la concentration incompatible avec le marché commun, au titre de l'article 8, paragraphe 3, du règlement nº 4064/89, soit une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun, au titre de l'article 8, paragraphe 2, de ce règlement, mais assortie de conditions visant au rétablissement de la situation antérieure à l'opération de concentration qu'elle imposerait unilatéralement.

En effet, dans le premier cas de figure - celui de l'adoption d'une décision négative -, la Commission méconnaîtrait les dispositions de l'article 8, paragraphe 2, du règlement nº 4064/89, qui la contraignent à adopter une décision déclarant la concentration compatible avec le marché commun si elle constate que l'opération, le cas échéant après modifications par les entreprises concernées, répond au critère défini à l'article 2, paragraphe 2, du même règlement. Dans le second cas de figure - celui d'une décision positive assortie de conditions visant au rétablissement strict de la situation antérieure - la Commission se heurterait également au libellé de l'article 8, paragraphe 2, second alinéa, du règlement nº 4064/89, qui ne prévoit pas que la Commission puisse subordonner sa déclaration de compatibilité d'une opération de concentration à des conditions qu'elle a unilatéralement imposées, indépendamment des engagements pris par les parties procédant à une notification.

(cf. points 294, 307-311)