Language of document : ECLI:EU:T:2017:381

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

8 juin 2017 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne figurative SO’BiO ētic – Marques de l’Union européenne et nationale verbales antérieures SO… ? – Motifs relatifs de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑341/13 RENV,

Groupe Léa Nature SA, établie à Périgny (France), représentée par Me S. Arnaud, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. D. Gája, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Debonair Trading Internacional Lda, établie à Funchal (Portugal), représentée par M. T. Alkin, barrister,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l’EUIPO du 26 mars 2013 (affaire R 203/2011‑1), relative à une procédure d’opposition entre Debonair Trading Internacional et Groupe Léa Nature,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juin 2013,

vu le mémoire en réponse de l’EUIPO déposé au greffe du Tribunal le 3 octobre 2013,

vu le mémoire en réponse de l’intervenante déposé au greffe du Tribunal le 20 septembre 2013,

vu la décision du 28 novembre 2013 refusant d’autoriser le dépôt d’une réplique,

à la suite de l’audience du 24 juin 2014,

vu l’arrêt du Tribunal du 23 septembre 2014,

vu l’arrêt de la Cour du 27 octobre 2016,

vu les observations de la requérante, de l’EUIPO et de l’intervenante déposées au greffe du Tribunal, respectivement, le 3 janvier 2017, le 22 novembre et le 22 décembre 2016,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties principales dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 27 mars 2008, la requérante, Groupe Léa Nature, a présenté une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne à l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque de l’Union européenne (JO 2009, L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe figuratif suivant :

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3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent, notamment,des classes 3 et 25, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver ; préparations pour nettoyer, polir, dégraisser et abraser ; savons ; parfumerie, huiles essentielles, cosmétiques, lotions pour les cheveux ; dentifrices ; eaux de toilette, produits pour parfumer le linge, produits de la parfumerie, bases pour parfum de fleurs et de plantes, microcapsules parfumées, encens, eaux de senteur, huiles pour la parfumerie, shampooings, huiles à usage cosmétique, crèmes cosmétiques, laits pour le visage et pour le corps, laits de toilette, pommade à usage cosmétique, préparations cosmétiques pour le bain non à usage médical, sels pour le bain non à usage médical ; désodorisants à usage personnel ; aromates (huiles essentielles), bois odorants, eau de Cologne, savons désinfectants et désodorisants, eau de lavande, produits pour fumigations (parfums), bains moussants non à usage médical, préparations cosmétiques pour l’amincissement, masques de beauté, préparations cosmétiques pour le bronzage de la peau, produits épilatoires, cosmétiques pour animaux, produits de démaquillage, lotions à usage cosmétique, produits de maquillage, produits pour le soin des ongles, produits cosmétiques de gommage, menthe pour la parfumerie, pots-pourris odorants, savons contre la transpiration des pieds, serviettes imprégnées de lotions cosmétiques, eaux de senteur, extraits de fleurs et de plantes (parfumerie), essence de menthe pour la parfumerie, pastilles et gommes à mâcher à usage cosmétique, tous ces produits étant issus de l’agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus » ;

–        classe 25 : « Vêtements (habillement), chaussures (à l’exception des chaussures orthopédiques), chapellerie, peignoirs, chemises, tee-shirts, foulards, bandanas, chapeaux, casquettes, pardessus, parkas, tous ces produits étant issus de l’agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus ».

4        La demande de marque de l’Union européenne a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 23/2008, du 9 juin 2008.

5        Le 9 septembre 2008, l’intervenante, Debonair Trading Internacional Lda, a formé opposition, au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée, notamment, sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque de l’Union européenne verbale SO… ?, déposée le 7 mars 1997 et enregistrée le 26 février 2001 sous le numéro 485078, désignant les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Produits de toilette ; produits pour le soin de la peau, du cuir chevelu et du corps ; produits de bronzage ; produits pour renforcer et durcir les ongles ; produits pour le bain et la douche ; savons de toilette ; produits pour tonifier le corps ; tous non médicinaux ; parfums ; fragrances ; après-rasage, laits, huiles, crèmes, gels, poudres et lotions ; mousses à raser ; cosmétiques ; eau de Cologne ; eaux de toilette ; huiles essentielles ; shampooings ; après-shampooings ; lotions pour les cheveux ; produits pour les cheveux ; produits coiffants ; produits de toilette contre la transpiration ; déodorants à usage personnel ; dentifrices » ;

–        la marque nationale verbale antérieure SO… ?, déposée le 18 mars 2008 et enregistrée le 1er août 2008 au Royaume-Uni sous le numéro 2482729, désignant les produits relevant de la classe 25 et correspondant à la description suivante : « Vêtements, articles de chaussures, chapellerie, t-shirts, casquettes ».

7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphes 4 et 5, du règlement n° 207/2009].

8        Le 23 novembre 2010, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

9        Le 21 janvier 2011, l’intervenante a formé un recours auprès de l’EUIPO, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 26 mars 2013 (ci-après la « décision attaquée »), la première chambre de recours de l’EUIPO a annulé la décision de la division d’opposition et a rejeté la demande de marque. En particulier, la chambre de recours a relevé, à titre liminaire, que, dans la mesure où la division d’opposition avait fondé sa décision sur la comparaison de la marque demandée avec les marques antérieures, elle examinerait ladite décision à la lumière de ces droits antérieurs. À cet égard, la chambre de recours a constaté, d’une part, que, à l’exception des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver », relevant de la classe 3, les produits désignés par la marque demandée et les produits visés par les marques antérieures étaient similaires ou identiques, et, d’autre part, que les signes en conflit étaient extrêmement similaires sur le plan visuel, en raison de la présence de l’élément commun « so », qui constituait l’élément dominant desdits signes, et qu’ils étaient similaires dans une certaine mesure sur le plan phonétique. Par conséquent, eu égard au caractère distinctif intrinsèque à tout le moins normal de l’élément « so » au regard des produits en cause, au caractère distinctif accru des marques antérieures et à leur renommée pour les produits cosmétiques, acquis dans une partie substantielle de l’Union européenne, ainsi qu’au fait que l’intervenante était titulaire d’une famille de marques contenant l’élément « SO… ? » dans le même secteur, la chambre de recours a conclu qu’il existait un risque de confusion entre les signes en conflit pour les produits identiques ou similaires. Enfin, elle a estimé que, s’agissant des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver », pour lesquelles l’opposition n’avait pas été accueillie sur le fondement de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, il existait un risque que leur vente porte préjudice à la renommée des marques antérieures, au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

 Procédure devant le Tribunal et la Cour

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 27 juin 2013, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision attaquée.

12      À l’appui de son recours, la requérante avait soulevé quatre moyens, tirés, en substance, le premier, d’une erreur de droit dans le choix de la base juridique de la décision attaquée et d’une violation des principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et du droit à un procès équitable, le deuxième, d’une erreur de droit dans l’appréciation de l’usage sérieux des marques antérieures, le troisième, d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 et, le quatrième, d’une violation du paragraphe 5, de cette disposition.

13      Par son arrêt du 23 septembre 2014, Groupe Léa Nature/OHMI – Debonair Trading Internacional (SO’BiO ētic) (T‑341/13, non publié, ci-après le « premier arrêt du Tribunal », EU:T:2014:802), le Tribunal, après avoir rejeté les premier et deuxième moyens, a accueilli le recours sur le fondement des troisième et quatrième moyens et a annulé la décision attaquée.

14      Pour statuer en ce sens, le Tribunal a considéré, en substance, dans le cadre de la comparaison des signes en conflit opérée au titre du troisième moyen, que, en dépit de leur similitude phonétique, au demeurant faible, les signes en conflit n’étaient pas similaires et que, dès lors que l’une des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 faisait défaut, il y avait lieu d’accueillir ledit moyen. Cette conclusion a amené le Tribunal à constater que les conditions d’application cumulatives de l’article 8, paragraphe 5, dudit règlement n’était pas réunies et à faire ainsi également droit au quatrième moyen du recours.

15      Par requête déposée au greffe de la Cour le 21 novembre 2014, l’intervenante a formé un pourvoi contre le premier arrêt du Tribunal. À l’appui de son pourvoi, elle soulevait deux moyens, tirés, le premier, d’une méconnaissance de l’article 8, paragraphe 1, sous b), et paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 et, le second, de diverses erreurs commises dans l’appréciation de l’incidence visuelle de l’élément commun « so ».

16      Par son pourvoi incident, l’EUIPO a également demandé l’annulation du premier arrêt du Tribunal. À ce titre, il a soulevé deux moyens, pris, le premier, d’un défaut de motivation dudit arrêt relatif au caractère distinctif de l’élément « so » et, le second, d’une méconnaissance de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009.

17      Par arrêt du 27 octobre 2016, Debonair Trading Internacional/EUIPO (C‑537/14 P, non publié, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:814), la Cour a annulé le premier arrêt du Tribunal, renvoyé l’affaire devant ce dernier et réservé les dépens.

18      À cet égard, la Cour a relevé, tout d’abord, que le pourvoi ne portait que sur l’appréciation opérée par le Tribunal dans le cadre des troisième et quatrième moyens du recours en première instance. Par ailleurs, elle a considéré que la troisième branche du second moyen du pourvoi principal et le premier moyen du pourvoi incident, tirés respectivement d’une contradiction de motifs et d’un défaut de motivation en ce qui concerne le point 73 du premier arrêt du Tribunal, relevant du troisième moyen du recours en première instance, étaient imbriqués et les a, par conséquent, examinés ensemble.

19      En substance, la Cour a constaté que la motivation du premier arrêt du Tribunal était entachée d’une contradiction, puisque, s’exprimant au sujet des marques antérieures, le Tribunal avait affirmé, d’une part, au point 73 de son arrêt, que l’élément « so », seul élément verbal présent dans ces marques, avait une fonction laudative et, d’autre part, au point 87 dudit arrêt, que cette fonction laudative existait lorsque l’élément « so » était accompagné d’un autre terme. La Cour a, enfin, considéré qu’une telle contradiction de motifs équivalait à un défaut de motivation, dans la mesure où les parties et celle-ci étaient dans l’impossibilité de déterminer si, dans l’analyse du Tribunal, l’élément verbal « so » avait une fonction laudative uniquement lorsqu’il était employé avec un autre terme ou également lorsqu’il était employé seul.

20      Sur la base de cette appréciation, la Cour a annulé le premier arrêt du Tribunal, en considérant qu’il n’était pas nécessaire d’examiner les autres moyens présentés dans le cadre des pourvois, lesquels n’étaient pas susceptibles d’entraîner une annulation plus large dudit arrêt.

 Procédure et conclusions des parties après renvoi

21      À la suite de l’arrêt sur pourvoi et conformément à l’article 216, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, l’affaire a été attribuée à la sixième chambre du Tribunal.

22      Les parties ont été invitées à présenter leurs observations, conformément à l’article 217, paragraphe 1, du règlement de procédure. La requérante, l’EUIPO et l’intervenante ont déposé leurs observations dans les délais impartis, à savoir, respectivement, le 3 janvier 2017, le 22 novembre et le 22 décembre 2016.

23      Dans ses observations, la requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens.

24      Dans leurs observations, l’EUIPO et l’intervenante concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens exposés par eux.

 En droit

25      À titre liminaire, il importe de relever que, bien que le premier arrêt du Tribunal ait été annulé dans son intégralité, les pourvois principal et incident n’ayant porté que sur les troisième et quatrième moyens du recours en première instance, il n’y a pas lieu de se prononcer à nouveau sur les premier et deuxième moyens, lesquels avaient été rejetés par le Tribunal. Ainsi, il convient de renvoyer à l’appréciation figurant aux points 17 à 27, 31 à 37 et 41 à 53 dudit arrêt, non remise en cause par les parties devant la Cour.

26      À la suite de l’annulation du premier arrêt du Tribunal par la Cour, il reste donc à examiner le troisième moyen du recours, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, à la lumière des enseignements de l’arrêt sur pourvoi et des observations des parties sur les conclusions à tirer de ce dernier. Il conviendra d’examiner à cet égard l’existence d’un risque de confusion, s’agissant des produits identiques ou similaires désignés par les marques en conflit, puis la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, invoquée dans le cadre du quatrième moyen du recours, en ce qui concerne les produits non similaires, pour lesquels l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009 n’est pas applicable.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009

27      Premièrement, la requérante soutient que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en constatant que les signes en conflit étaient similaires au motif que l’élément « so » était l’élément dominant. Selon la requérante, cet élément élogieux revêt un caractère distinctif faible, dans la mesure où il serait couramment utilisé pour les cosmétiques et les textiles, si bien qu’il n’aurait pas dû être pris en compte de manière plus prononcée que les autres éléments des signes en conflit aux fins de leur comparaison. Deuxièmement, elle fait valoir que les signes en conflit ne présentent pas de similitude, compte tenu de l’impression d’ensemble qui se dégage sur les plans visuel, phonétique et conceptuel. À cet égard, dans ses observations sur l’arrêt sur pourvoi, elle affirme que, à supposer même qu’une contradiction des motifs du premier arrêt du Tribunal soit admise, elle n’affecterait pas la conclusion d’absence de similitude entre les signes en conflit et d’absence de risque de confusion. Troisièmement, la requérante estime que l’appréciation de la chambre de recours relative au caractère distinctif accru des marques antérieures et à l’existence d’une famille de marques dont serait titulaire l’intervenante est entachée de contradictions et, quatrièmement, que l’intervenante n’a pas prouvé l’existence d’une famille de marques contenant l’élément « so ».

28      L’EUIPO estime que, à la suite de l’arrêt sur pourvoi, il conviendrait pour le Tribunal de dissiper la contradiction constatée par la Cour entre les points 73 et 87 du premier arrêt du Tribunal, en accordant une prééminence au raisonnement adopté dans le cadre du second desdits points, selon lequel, en l’absence de tout contexte, l’élément « so » peut revêtir plusieurs significations et ne saurait être considéré comme ayant une fonction laudative au regard des produits en cause. Dans une telle hypothèse, le Tribunal devrait revoir sa position concernant le caractère dominant de cet élément et, partant, celle relative à la similitude des signes. À cet égard, l’EUIPO considère que les signes sont similaires, et ce indépendamment du caractère dominant de leur élément commun « so », compte tenu de son caractère distinctif intrinsèque et de sa position au début des signes. En outre, tant l’EUIPO que l’intervenante soutiennent que les conditions requises pour considérer que cette dernière est titulaire d’une famille de marques sont réunies.

29      Compte tenu de l’erreur de droit identifiée par l’arrêt sur pourvoi, l’intervenante invite le Tribunal à réexaminer ses constatations selon lesquelles, tout d’abord, l’élément « so » doit être considéré comme ne revêtant qu’un caractère distinctif intrinsèque faible par rapport aux produits en cause en raison de sa prétendue fonction laudative et ne constituerait pas l’élément dominant des signes en conflit, ensuite, lesdits signes ne sont pas visuellement similaires et, enfin, l’enregistrement de la marque demandée ne serait pas contraire à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

30      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure.

31      Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), i) et ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marques antérieures les marques enregistrées dans l’Union ou dans un État membre et dont la date de dépôt est antérieure à celle de la demande de marque de l’Union européenne.

32      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du 9 juillet 2003, Laboratorios RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, EU:T:2003:199, points 30 à 33 et jurisprudence citée].

33      C’est au regard de ces principes qu’il y a lieu d’examiner le présent moyen.

34      En premier lieu, s’agissant du public pertinent, ainsi que l’a constaté la chambre de recours sans être contredite par les parties sur ce point, eu égard au fait que les produits visés par les signes en conflit sont des produits de consommation courante qui s’adressent au grand public et à des détaillants tels que des magasins, des drogueries et des supermarchés, y compris ceux axés sur l’agriculture biologique, il est constitué par le consommateur moyen, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Par ailleurs, l’une des marques antérieures étant une marque de l’Union européenne et l’autre une marque du Royaume-Uni, pour laquelle l’intervenante invoque également l’existence d’une famille de marques, il y a lieu de considérer que le public pertinent est constitué des consommateurs anglophones de l’Union, en se fondant, en particulier, sur la perception des consommateurs situés au Royaume-Uni, ce que, au demeurant, la chambre de recours a considéré à bon droit, sans être contredite par les parties.

35      En second lieu, s’agissant de la comparaison des produits visés par les marques en conflit, la chambre de recours a constaté que, à l’exception des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver », qui relèvent de la classe 3 et qui sont des produits de nettoyage, les produits désignés par la marque demandée et ceux couverts par les marques antérieures étaient identiques ou similaires. Il convient de confirmer cette appréciation, qui est exempte d’erreur et qui n’a pas été remise en cause par les parties.

 Sur la comparaison des signes

36      L’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique ou conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 35 et jurisprudence citée).

37      Selon la jurisprudence, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents, à savoir les aspects visuels, phonétiques et conceptuels [voir arrêt du 12 juillet 2012, Vermop Salmon/OHMI – Leifheit (Clean Twist), T‑61/11, non publié, EU:T:2012:373, point 26 et jurisprudence citée].

38      Il importe de rappeler également que, afin d’apprécier le degré de similitude des marques en conflit, il y a lieu de déterminer leur degré de similitude visuelle, phonétique et conceptuelle et, le cas échéant, d’évaluer l’importance qu’il convient d’attacher à ces différents éléments, en tenant compte de la catégorie de produits ou de services en cause et des conditions dans lesquelles ils sont commercialisés [voir arrêt du 25 juin 2008, Otto/OHMI – L’Altra Moda (l’Altra Moda), T‑224/06, non publié, EU:T:2008:221, point 29 et jurisprudence citée].

39      L’appréciation de la similitude entre deux marques ne peut se limiter à prendre en considération uniquement un composant d’une marque complexe et à le comparer avec une autre marque. Il y a lieu, au contraire, d’opérer la comparaison en examinant les marques en cause, considérées chacune dans son ensemble, ce qui n’exclut pas que l’impression d’ensemble produite dans la mémoire du public pertinent par une marque complexe puisse, dans certaines circonstances, être dominée par un ou plusieurs de ses composants (voir arrêt du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 41 et jurisprudence citée). Ce n’est que si tous les autres composants de la marque sont négligeables que l’appréciation de la similitude pourra se faire sur la seule base de l’élément dominant (arrêts du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, EU:C:2007:333, point 42, et du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43). Tel pourrait notamment être le cas lorsque ce composant est susceptible de dominer à lui seul l’image de cette marque que le public pertinent garde en mémoire, de telle sorte que tous les autres composants de la marque sont négligeables dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci (arrêt du 20 septembre 2007, Nestlé/OHMI, C‑193/06 P, non publié, EU:C:2007:539, point 43).

40      Quant à l’appréciation du caractère dominant d’un ou de plusieurs composants déterminés d’une marque complexe, il y a lieu de prendre en compte, notamment, les qualités intrinsèques de chacun de ces composants en les comparant à celles des autres composants. En outre et de manière accessoire, peut être prise en compte la position relative des différents composants dans la configuration de la marque complexe [arrêt du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, EU:T:2002:261, point 35].

41      Il convient également de relever que, lorsque certains éléments d’une marque revêtent un caractère descriptif des produits et des services pour lesquels la marque est enregistrée ou des produits et des services désignés par la demande d’enregistrement, ces éléments ne se voient reconnaître qu’un caractère distinctif faible, voire très faible. Du fait de leur faible, voire très faible caractère distinctif, les éléments descriptifs d’une marque ne seront généralement pas considérés par le public comme étant dominants dans l’impression d’ensemble produite par celle-ci, sauf lorsque, en raison notamment de leur position ou de leur dimension, ils apparaissent comme susceptibles de s’imposer à la perception du public et d’être gardés en mémoire par celui-ci [voir arrêt du 31 janvier 2013, K2 Sports Europe/OHMI – Karhu Sport Iberica (SPORT), T‑54/12, non publié, EU:T:2013:50, point 24 et jurisprudence citée].

42      En l’espèce, la chambre de recours a considéré que l’élément verbal « so », placé au début des signes en conflit, dominait l’impression d’ensemble produite par ces derniers. À cet égard, elle a rappelé, d’une part, que la ponctuation n’était généralement pas distinctive et, d’autre part, que les éléments verbaux « bio » et « ētic » ainsi que les éléments graphiques de la marque demandée étaient dépourvus de tout caractère distinctif. Ainsi, elle a constaté que la circonstance que l’élément « so » était totalement reproduit par la marque demandée aboutissait à la conclusion que les signes en conflit étaient hautement similaires sur le plan visuel et, dans une certaine mesure, sur le plan phonétique. En revanche, elle a estimé que les signes en conflit n’étaient pas similaires conceptuellement.

–       Sur la comparaison visuelle

43      Il y a lieu de relever que les marques verbales antérieures se composent du terme « so », suivi de trois points de suspension et d’un point d’interrogation. Quant à la marque demandée, qui est une marque figurative complexe, elle se compose de l’élément verbal « so », suivi d’une apostrophe, et des éléments verbaux « bio » et « ētic ». Ces éléments sont superposés et intégrés dans un rectangle aux bords arrondis, divisé en deux parties. La partie supérieure du rectangle, qui occupe environ trois quarts de la superficie totale du signe, comporte l’élément « so », écrit en lettres majuscules et dans une police de caractères de couleur grise sur fond blanc, auquel est accolée l’apostrophe, en-dessous duquel se trouve l’élément « bio », figurant dans une police de caractères de couleur noire sur fond blanc. La première et la dernière lettres de ce dernier élément sont des majuscules, tandis que la lettre du milieu « i », écrite en minuscule, a les mêmes dimensions que les deux autres lettres. Quant à la partie inférieure du rectangle, celle-ci est de couleur noire et contient l’élément « ētic », écrit en lettres minuscules et dans une police de caractères de couleur blanche. Enfin, les éléments « so » et « bio » sont de taille équivalente et beaucoup plus importante que celle de l’élément « ētic ».

44      Tout d’abord, sans qu’il soit nécessaire de déterminer si c’est à bon droit que la chambre de recours a qualifié de dominant l’élément « so » des signes en conflit, il importe de constater que, ainsi que le relèvent l’intervenante et l’EUIPO dans leurs observations, le fait que le premier élément des marques antérieures soit entièrement inclus dans la marque demandée et qu’il figure également en première position dans la partie supérieure de celle-ci permet de ne pas écarter toute similitude entre les signes en conflit. À cet égard, il y a lieu de rappeler, d’une part, que la circonstance selon laquelle une marque est composée exclusivement de la marque antérieure à laquelle un autre mot est accolé constitue une indication de la similitude entre ces deux marques et, d’autre part, que le consommateur est réputé prêter généralement une plus grande attention au début d’une marque qu’à sa fin, la partie initiale d’une marque ayant normalement, tant sur le plan visuel que sur le plan phonétique, un impact plus fort que la partie finale de celle-ci [voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2012, Sport Eybl & Sports Experts/OHMI – Seven (SEVEN SUMMITS), T‑179/11, non publié, EU:T:2012:254, points 26 et 36 et jurisprudence citée].

45      S’agissant de la marque demandée, il y a lieu de rappeler qu’il ressort d’une jurisprudence constante que, lorsqu’une marque est composée d’éléments verbaux et figuratifs, l’élément verbal de la marque est, en principe, plus distinctif que l’élément figuratif, car le consommateur moyen fera plus facilement référence au produit en cause en citant le nom qu’en décrivant l’élément figuratif [voir arrêt du 9 septembre 2008, Honda Motor Europe/OHMI – Seat (MAGIC SEAT), T‑363/06, EU:T:2008:319, point 30 et jurisprudence citée ; arrêt du 17 janvier 2012, Kitzinger/OHMI – Mitteldeutscher Rundfunk et Zweites Deutsches Fernsehen (KICO), T‑249/10, non publié, EU:T:2012:7, point 42].

46      En l’espèce, ainsi que l’a constaté la chambre de recours, l’élément figuratif de la marque demandée, qui consiste en un cadre noir et blanc aux bords arrondis dans lequel sont intégrés les éléments verbaux du signe demandé, est banal et sert uniquement à mettre en évidence ces derniers. Partant, n’ayant qu’une fonction purement ornementale, cet élément est négligeable dans l’impression d’ensemble produite par le signe, de sorte que le public pertinent n’est pas susceptible de le garder en mémoire.

47      Par ailleurs, s’agissant des éléments verbaux « bio » et « ētic », il convient d’approuver l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle ils pourraient être perçus comme une référence à la composition ou à l’origine des produits visés, ou aux méthodes de production des produits cosmétiques respectueuses de l’environnement, d’autant plus que la spécification de ceux-ci indique qu’ils sont « issus de l’agriculture biologique ou élaborés à partir de produits qui en sont issus ». Or, en dépit de son caractère descriptif, eu égard à sa taille équivalente à l’élément « so », à son positionnement au centre du signe et à l’écriture particulière de la lettre « i », le public pertinent est susceptible de retenir l’élément « bio » au même titre que l’élément « so ». En revanche, l’élément « ētic », de taille plus réduite et figurant dans la partie inférieure du signe, n’est pas susceptible d’être retenu par le public pertinent et paraît négligeable dans l’impression d’ensemble produite par ledit signe.

48      De même, l’apostrophe accolée à l’élément « so », en dépit du fait qu’elle ne figure pas dans les marques antérieures, est négligeable dans la perception du signe et, par conséquent, contrairement à ce que fait valoir la requérante, ne permettra pas de différencier les marques en conflit.

49      Il résulte de tout ce qui précède que, nonobstant la longueur et la structure différentes des signes en conflit, ces derniers sont similaires dans une certaine mesure sur le plan visuel.

–       Sur la comparaison phonétique

50      Il convient de relever que les marques antérieures comportent une seule syllabe, à savoir « so », alors que la marque demandée en comporte cinq, à savoir « so », « bi », « o », « e » et « tic », de sorte que leur longueur, leur rythme et leur intonation sont différents, d’autant plus que les marques antérieures comportent des points de suspension et un point d’interrogation dans leur partie finale. Par conséquent, les signes en conflit ne coïncident phonétiquement que par leur première syllabe, laquelle sera prononcée de manière identique par le public pertinent, ainsi que l’a constaté la chambre de recours. En effet, les signes de ponctuation des marques antérieures ne sauraient influencer la prononciation de cet élément, leur impact se limitant uniquement à l’intonation de ce dernier.

51      Dans ces conditions et conformément à la jurisprudence citée au point 44 ci-dessus, il y a lieu de conclure que les signes en conflit sont similaires dans une certaine mesure sur le plan phonétique.

–       Sur la comparaison conceptuelle

52      La chambre de recours a relevé que les consommateurs comprendraient les marques antérieures SO… ? comme une introduction à une question alors que le signe demandé SO’BiO ētic serait compris comme une référence à un « produit bioéthique », de sorte que les signes en conflit n’étaient pas similaires conceptuellement.

53      D’emblée, force est de constater que, par ses arguments, la requérante ne conteste pas cette conclusion.

54      À cet égard, elle fait valoir que l’élément commun des signes en conflit est utilisé différemment d’un point de vue sémantique, en raison, d’une part, de la présence des signes de ponctuation dans les marques antérieures qui impliquent une question et, d’autre part, des mots inventés qui l’accompagnent dans le signe demandé, lesquels seraient dépourvus de signification pour le consommateur de l’Union. Il s’ensuit que, à les supposer fondés, ces arguments doivent être rejetés comme étant inopérants. En effet, dès lors que la chambre de recours a conclu à l’absence de similitude entre les signes en conflit sur le plan conceptuel, de tels arguments n’ont aucune incidence sur la légalité de la décision attaquée.

55      En tout état de cause, contrairement aux arguments de la requérante, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours au point 47 de la décision attaquée, l’élément « bio » du signe demandé pourrait facilement être perçu par le public pertinent comme étant une contraction du terme « biological », qui signifie « organique » et renvoie à la provenance ou à la composition des produits concernés. Enfin, bien que l’élément « ētic » ne provienne pas de l’anglais, il pourrait, en dépit de la barre horizontale sur la lettre « e », renvoyer au terme « ethic » ou « ethical », ce que la requérante admet au demeurant, et, à l’instar de ce qu’a relevé la chambre de recours, être ainsi associé à des méthodes de production respectueuses de l’environnement, telles que celles ne comportant pas de tests sur les animaux. Dans son ensemble, pour autant, le signe demandé n’a pas de signification concrète. Par ailleurs, les éléments « bio » et « ētic » étant absents des marques antérieures, il convient de conclure, à l’instar de l’appréciation de la chambre de recours, que les signes en conflit ne sont pas similaires conceptuellement.

56      Il résulte des considérations qui précèdent que, selon une appréciation d’ensemble, les signes en conflit sont similaires.

 Sur le risque de confusion

57      L’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré élevé de similitude entre les marques, et inversement [arrêts du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 17, et du 14 décembre 2006, Mast-Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, EU:T:2006:397, point 74].

58      Ainsi qu’il découle du considérant 8 du règlement n° 207/2009, l’appréciation du risque de confusion dépend de nombreux facteurs et notamment de la connaissance qu’a le public de la marque sur le marché en cause. Comme le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important, les marques qui ont un caractère distinctif élevé, soit intrinsèquement, soit en raison de la connaissance qu’en a le public, jouissent d’une protection plus étendue que celles dont le caractère distinctif est moindre (voir, par analogie, arrêts du 11 novembre 1997, SABEL, C‑251/95, EU:C:1997:528, point 24 ; du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, EU:C:1998:442, point 18, et du 22 juin 1999, Lloyd Schuhfabrik Meyer, C‑342/97, EU:C:1999:323, point 20).

59      L’existence d’un caractère distinctif supérieur à la normale, en raison de la connaissance qu’a le public d’une marque sur le marché, suppose nécessairement que cette marque soit connue d’au moins une partie significative du public concerné, sans qu’elle doive nécessairement posséder une renommée au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009. Il ne saurait être indiqué d’une façon générale, par exemple en recourant à des pourcentages déterminés relatifs au degré de connaissance qu’a le public de la marque dans les milieux concernés, qu’une marque a un caractère distinctif élevé. Néanmoins, il y a lieu de reconnaître une certaine interdépendance de la connaissance qu’a le public d’une marque et du caractère distinctif de celle-ci en ce sens que, plus la marque est connue du public ciblé, plus le caractère distinctif de cette marque est renforcé. Pour examiner si une marque jouit d’un caractère distinctif élevé en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, la proportion des milieux intéressés qui identifie les produits ou les services comme provenant d’une entreprise déterminée grâce à la marque ainsi que les déclarations des chambres de commerce et d’industrie ou d’autres associations professionnelles [voir arrêt du 12 juillet 2006, Vitakraft-Werke Wührmann/OHMI – Johnson’s Veterinary Products (VITACOAT), T‑277/04, EU:T:2006:202, points 34 et 35 et jurisprudence citée].

60      En l’espèce, la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion pour l’ensemble des produits similaires ou identiques désignés par les marques en conflit, compte tenu de la similitude des signes sur les plans visuel et phonétique, du caractère distinctif accru et de la renommée acquis par les marques antérieures pour les produits cosmétiques ainsi que du fait que l’intervenante était titulaire d’une famille de marques contenant l’ensemble « SO… ? » dans le même domaine. Elle a ainsi estimé que la marque demandée pourrait être perçue comme appartenant à la famille de marques de l’intervenante et comme désignant une nouvelle gamme de produits biologiques fabriqués selon des principes éthiques, de sorte que le consommateur pourrait établir un lien entre la marque demandée dans le domaine des produits de toilette et des produits cosmétiques et les marques antérieures.

61      La requérante se limite à faire valoir que c’est à tort que la chambre de recours a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes en conflit, en affirmant que ces derniers diffèrent substantiellement par les éléments « bio » et « ētic » de la marque demandée, qui seraient inhabituels sur le marché de l’Union. Par ailleurs, elle affirme, d’une part, que l’intervenante n’a pas établi l’usage d’une famille de marques et, d’autre part, que, dans la mesure où l’élément « so » de la marque demandée ne présentait pas les caractéristiques susceptibles de l’y rattacher, il revêtirait un contenu sémantique distinct.

62      En premier lieu, s’agissant des arguments relatifs à l’absence de similitude des signes, il convient de les rejeter pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 43 à 55 ci-dessus, relatifs à la comparaison des signes en conflit.

63      En deuxième lieu, quant à l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’aurait pas correctement apprécié le signe ‘SO’, dans la mesure où elle aurait considéré, au point 62 de la décision attaquée, que les produits couverts par les marques antérieures étaient disponibles dans onze États membres uniquement sur le fondement d’une déclaration sur l’honneur du directeur du titulaire de licence exclusif de l’intervenante, tout en ignorant les preuves contraires produites par elle, il importe de relever ce qui suit.

64      Premièrement, dans la mesure où cet argument, non dépourvu d’ambiguïté au demeurant, devrait être interprété comme visant à remettre en cause la constatation de la chambre de recours selon laquelle les marques antérieures avaient acquis un caractère distinctif accru en raison de la connaissance qu’en a le public, il convient de constater que ladite constatation ne repose pas uniquement sur la déclaration en cause. En effet, il ressort de la décision attaquée et du dossier de procédure devant l’EUIPO que l’intervenante a produit un nombre important d’éléments de preuve, tels que des données relatives aux ventes de produits désignés par les marques antérieures et aux investissements effectués à des fins promotionnelles ou une étude réalisée par une société indépendante portant sur le classement des marques antérieures au Royaume-Uni, en termes de chiffres d’affaires, pour des parfums féminins. Ces éléments de preuve étaient d’ailleurs également annexés à la déclaration en cause. Deuxièmement, les éléments de preuve prétendument contraires produits par la requérante, qui consisteraient, en substance, en une étude de marché sur l’utilisation de marques enregistrées contenant le terme « so » dans trois États membres pour des textiles ou en une recherche de marques identiques pour des produits relevant des classes 3 et 25, ne sont de nature à remettre en cause ni la constatation de la chambre de recours relative au caractère distinctif accru des marques antérieures, ni la circonstance, relevée au point 62 de la décision attaquée, selon laquelle les produits couverts par les marques antérieures sont disponibles dans environ 3 800 magasins, situés dans onze États membres.

65      En troisième lieu, il suffit de relever que la prétendue contradiction dont serait entachée la décision attaquée quant au caractère distinctif accru des marques antérieures procède d’une lecture erronée de celle-ci par la requérante. En effet, la requérante affirme que la chambre de recours aurait constaté que les marques antérieures auraient acquis un caractère distinctif accru en raison de la connaissance qu’en a le public, du fait de leur utilisation ancienne, intensive et répandue dans une partie substantielle de l’Union, alors qu’elle aurait concentré son examen préalable relatif à l’usage desdites marques essentiellement sur leur élément « so ». Pour autant, il ressort des motifs de la décision attaquée que la chambre de recours a bien apprécié l’utilisation des marques SO… ? dans leur ensemble. Au demeurant, dans la mesure où, selon les termes de la requête, la requérante semble reprocher à la chambre de recours d’avoir examiné l’usage « des marques ‘SO’ », il suffit de constater qu’aucune marque comportant uniquement l’élément « so » n’a été déposée. De surcroît, ainsi qu’il résulte de la jurisprudence citée aux points 58 et 59 ci-dessus, le risque de confusion est d’autant plus étendu que le caractère distinctif de la marque s’avère important.

66      Enfin, il ressort de la jurisprudence que, dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, les aspects visuel, phonétique ou conceptuel des signes en conflit n’ont pas toujours le même poids et il importe alors d’analyser les conditions objectives dans lesquelles les marques peuvent se présenter sur le marché. L’importance des éléments de similitude ou de différence entre les signes en conflit peut dépendre, notamment, des caractéristiques intrinsèques de ceux-ci ou des conditions de commercialisation des produits ou des services que ceux-ci désignent. Si les produits désignés par les marques en cause sont normalement vendus dans des magasins en libre-service où le consommateur choisit lui-même le produit et doit, dès lors, se fier principalement à l’image de la marque appliquée sur ce produit, une similitude visuelle des signes sera, en règle générale, d’une plus grande importance [voir arrêt du 15 décembre 2010, Novartis/OHMI – Sanochemia Pharmazeutika (TOLPOSAN), T‑331/09, EU:T:2010:520, point 61 et jurisprudence citée]. Or, ainsi que l’a relevé à bon droit la chambre de recours, les produits en cause étant proposés à la vente en libre-service, dans un supermarché, une droguerie ou un magasin de mode, la similitude constatée sur le plan visuel aura un impact plus important sur le constat de l’existence d’un risque de confusion.

67      Partant, il convient de conclure que, compte tenu de l’identité ou de la similitude des produits en cause, à l’exception des « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver » relevant de la classe 3 désignées par la marque demandée, de la similitude des signes en conflit, du niveau d’attention moyen du public pertinent ainsi que du caractère distinctif accru et de la renommée des marques antérieures, que la requérante n’a pas utilement remis en cause, il convient de valider l’appréciation de la chambre de recours sur l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, en ce qui concerne les produits identiques ou similaires.

68      Dans ces conditions, sans qu’il soit besoin d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une famille de marques dont serait titulaire l’intervenante, cette question n’étant qu’un facteur parmi d’autres pour constater l’existence d’un risque de confusion, il convient de rejeter le troisième moyen.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009

69      À titre liminaire, il convient de rappeler que, ainsi qu’il ressort du point 95 du premier arrêt du Tribunal, la requérante, interrogée lors de l’audience du 24 juin 2014, avait renoncé au grief formulé dans le cadre de ce moyen, par lequel elle faisait valoir que la chambre de recours avait violé son droit à un procès équitable, en faisant référence à une marque qui ne faisait pas l’objet du litige.

70      Il s’ensuit que le Tribunal limitera son examen du présent moyen au seul grief tiré d’une erreur d’appréciation par la chambre de recours des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 en ce qui concerne les « préparations pour blanchir et autres substances pour lessiver » relevant de la classe 3 désignées par la marque demandée, pour lesquelles l’existence du risque de confusion a été écartée.

71      À cet égard, la requérante soutient que la chambre de recours n’a pas correctement apprécié la renommée des marques antérieures et qu’elle a accueilli l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 malgré la nature différente des produits en cause. Elle se serait ainsi abstenue d’examiner l’ensemble des conditions requises pour l’application de cette disposition, relatives, notamment, au caractère probant des éléments de preuve fournis par l’intervenante dans ce contexte. Par ailleurs, elle fait valoir que l’intervenante s’est contentée d’affirmer que les marques antérieures et la marque demandée étaient similaires et que les marques antérieures jouissaient d’une renommée, sans pour autant fournir d’éléments de fait ou de preuve à l’appui de l’allégation selon laquelle l’utilisation de la marque demandée serait susceptible de porter préjudice à la renommée des marques antérieures. À titre subsidiaire, la requérante estime que le public pertinent n’établira pas de lien entre les signes en conflit au seul motif de la présence de l’élément « so ».

72      L’intervenante et l’EUIPO contestent cette argumentation.

73      Aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou a des similitudes avec la marque antérieure et si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services qui n’ont pas de similitudes avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque, dans le cas d’une marque de l’Union européenne antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’Union et, dans le cas d’une marque nationale antérieure, elle jouit d’une renommée dans l’État membre concerné et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou qu’il leur porterait préjudice.

74      Le but de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’est pas d’empêcher l’enregistrement de toute marque identique à une marque renommée ou similaire. L’objectif de cette disposition est, notamment, de permettre au titulaire d’une marque antérieure renommée de s’opposer à l’enregistrement de marques susceptibles soit de porter préjudice à la renommée ou au caractère distinctif de la marque antérieure, soit de tirer indûment profit de cette renommée ou de ce caractère distinctif. À cet égard, il convient de préciser que le titulaire de la marque antérieure n’est pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit toutefois apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice [arrêt du 25 mai 2005, Spa Monopole/OHMI – Spa-Finders Travel Arrangements (SPA-FINDERS), T‑67/04, EU:T:2005:179, point 40].

75      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement nº 207/2009 que son application est soumise aux conditions suivantes : premièrement, l’identité ou la similitude des marques en conflit ; deuxièmement, l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée en opposition ; troisièmement, l’existence d’un risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porte préjudice. Ces conditions sont cumulatives et l’absence de l’une d’entre elles suffit à rendre inapplicable la disposition [voir, en ce sens, arrêt du 29 mars 2012, You-Q/OHMI – Apple Corps (BEATLE), T‑369/10, non publié, EU:T:2012:177, point 25 et jurisprudence citée].

76      S’agissant, plus particulièrement, de la troisième des conditions d’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, celle-ci vise trois types de risques distincts et alternatifs, à savoir que l’usage sans juste motif de la marque demandée, premièrement, porte préjudice au caractère distinctif de la marque antérieure, deuxièmement, porte préjudice à la renommée de la marque antérieure ou, troisièmement, tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure. Le deuxième type de risque visé, également appelé « risque de ternissement » [voir arrêt du 15 septembre 2016, Arrom Conseil/EUIPO – Nina Ricci (Roméo has a Gun by Romano Ricci), T‑359/15, non publié, EU:T:2016:488, point 83 et jurisprudence citée], est constitué lorsque les produits ou les services visés par la marque demandée peuvent être perçus par le public d’une manière telle que la force d’attraction de la marque antérieure s’en trouve diminuée. Il convient cependant de souligner que, dans aucun de ces cas, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit n’est requise, le public pertinent devant seulement pouvoir établir un lien entre elles sans toutefois devoir forcément les confondre [voir arrêt du 22 mars 2007, Sigla/OHMI – Elleni Holding (VIPS), T‑215/03, EU:T:2007:93, points 36 à 42 et jurisprudence citée].

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre les marques antérieure et postérieure, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. À défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque postérieure n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (arrêt du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, non publié, EU:C:2009:146, points 43 et 44).

78      L’existence d’un tel lien doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce et, en particulier, du degré de similitude entre les marques en conflit, de la nature des produits ou des services pour lesquels les marques en conflit sont respectivement enregistrées, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou services ainsi que le public concerné, de l’intensité de la renommée de la marque antérieure, du degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure et de l’existence d’un risque de confusion dans l’esprit du public (arrêt du 12 mars 2009, Antartica/OHMI, C‑320/07 P, non publié, EU:C:2009:146, point 45).

79      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner la légalité de la décision attaquée.

80      En l’espèce, la chambre de recours a conclu que la vente de produits ménagers de nettoyage affecterait l’image, liée au mode de vie, à la jeunesse ou à l’aventure, des marques antérieures, lesquelles seraient renommées pour des produits cosmétiques tels que des parfums ou des fragrances dans une partie substantielle de l’Union, et risquerait ainsi de porter préjudice à leur renommée. À cet égard, elle a considéré que, ces produits étant de nature opposée (« antagonistes »), le consommateur de produits cosmétiques, notamment de savons, de laits nettoyants ou de parfums, pourrait se sentir préoccupé en les achetant sous une marque désignant également des produits pour blanchir ou de lessive, étant donné que ces derniers pourraient représenter un danger pour la santé.

81      Il y a lieu de relever, avant tout, que, le Tribunal ayant constaté, dans le cadre du troisième moyen, que les signes en conflit étaient similaires (voir point 56 ci-dessus), la première condition prévue par l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 est remplie.

82      Quant à la deuxième condition, relative à la renommée des marques antérieures, il suffit de constater que la requérante n’avance aucun argument au soutien de sa prétention selon laquelle la chambre de recours ne l’aurait pas correctement appréciée.

83      Selon la jurisprudence, pour satisfaire à cette condition, une marque antérieure doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou services couverts par elle [voir arrêt du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 29 et jurisprudence citée].

84      À cet égard, il ressort de la décision attaquée que la chambre de recours s’est fondée sur les éléments suivants, découlant des preuves produites par l’intervenante :

–        le fait que la marque SO… ? était classée en 2005, selon une étude réalisée par une société indépendante, en termes de parts de marché détenues par les marques antérieures, en quinzième position au Royaume-Uni pour les parfums pour femmes ;

–        le volume considérable des ventes de produits cosmétiques par le titulaire de licence de l’intervenante, entre 2000 et 2008, dans une partie substantielle de l’Union (6 millions de produits de la marque SO… ? et 35 millions de produits de l’ensemble des marques de l’intervenante, disponibles dans 3 800 magasins en République tchèque, au Danemark, en Irlande, en Italie, à Chypre, à Malte, aux Pays-Bas, en Autriche, en Pologne, en Finlande et en Suède) ;

–        les investissements de sommes importantes pour assurer la promotion de produits cosmétiques vendus sous la marque SO… ?, par le biais de spots publicitaires diffusés sur la télévision du Royaume-Uni depuis 2006, mais aussi danoise, finlandaise et suédoise depuis 2008, ainsi que de parutions dans des magazines du Royaume-Uni pour adolescents ou de la distribution de nombreux cadeaux publicitaires au Royaume-Uni.

85      Eu égard à ces éléments, c’est sans commettre d’erreur que la chambre de recours a constaté que les marques antérieures jouissaient d’une renommée dans une partie substantielle de l’Union.

86      Or, il suffit de relever que, par ses arguments, la requérante semble plutôt contester le fait que l’intervenante ait démontré que la troisième condition requise aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 était remplie, à savoir le risque que l’usage sans juste motif de la marque demandée porte préjudice à la renommée des marques antérieures (« risque de ternissement »), ce que la chambre de recours se serait abstenue de contrôler. Dans ce contexte, elle conteste également la possibilité d’établissement d’un lien dans l’esprit des consommateurs pertinents, du fait de la seule présence de l’élément « so » et compte tenu de la nature différente des produits en cause.

87      S’agissant du public pertinent qu’il convient de prendre en considération, il importe de rappeler que l’existence des atteintes constituées par le préjudice porté au caractère distinctif ou à la renommée de la marque antérieure doit être appréciée eu égard au consommateur moyen des produits ou des services pour lesquels cette marque est enregistrée, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé (voir, par analogie, arrêt du 27 novembre 2008, Intel Corporation, C‑252/07, EU:C:2008:655, points 35 et 36).

88      En l’occurrence, le public pertinent se compose des consommateurs moyens de produits cosmétiques dans l’Union.

89      Or, contrairement à ce que fait valoir la requérante, l’application de l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 n’implique pas que les produits et les services visés par les signes en conflit soient identiques ou similaires. En effet, la marque demandée est également refusée à l’enregistrement, sur le fondement de cette disposition, si elle est destinée à être enregistrée pour des produits ou des services « qui n’ont pas de similitudes » avec ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée (arrêt du 27 octobre 2016, SPA VILLAGE, T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 50).

90      Par ailleurs, il convient de relever que, bien que la fonction première d’une marque consiste incontestablement en une « fonction d’origine », il n’en demeure pas moins qu’une marque agit également comme moyen de transmission d’autres messages concernant, notamment, les qualités ou caractéristiques particulières des produits ou des services qu’elle désigne, ou les images et sensations qu’elle projette, tels que le luxe, le style de vie, l’exclusivité, l’aventure, la jeunesse. En ce sens, la marque possède une valeur économique intrinsèque autonome et distincte par rapport à celle des produits ou des services pour lesquels elle est enregistrée. Les messages en question que véhicule notamment une marque renommée ou qui lui sont associés confèrent à celle-ci une valeur importante et digne de protection, et ce d’autant plus que, dans la plupart des cas, la renommée d’une marque est le résultat d’efforts et d’investissements considérables de son titulaire. C’est ainsi que l’article 8, paragraphe 5, du règlement n° 207/2009 assure la protection d’une marque renommée, à l’égard de toute demande de marque identique ou similaire qui pourrait porter atteinte à son image, même si les produits ou les services visés par la marque demandée ne sont pas analogues à ceux pour lesquels la marque antérieure renommée a été enregistrée (arrêt du 22 mars 2007, VIPS, T‑215/03, EU:T:2007:93, point 35).

91      En l’espèce, c’est la nature opposée des produits visés par les marques en conflit qui permet de considérer qu’il existe un « risque de ternissement » de l’image associée à la marque antérieure enregistrée pour des produits cosmétiques. En effet, ainsi que l’a constaté à bon droit la chambre de recours, le fait que la marque demandée soit utilisée pour des produits de nettoyage renforce la probabilité que le public pertinent effectue un rapprochement négatif avec les marques antérieures, renommées pour des cosmétiques, en pensant que les produits commercialisés par ces dernières contiennent des substances toxiques ou dangereuses pour la santé.

92      Par suite, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen du recours.

93      Aucun des moyens invoqués par la requérante n’étant fondé, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

94      Dans l’arrêt sur pourvoi, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans le présent arrêt, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 219 du règlement de procédure.

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En l’espèce, la requérante ayant succombé sur l’ensemble de ses chefs de conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés par l’EUIPO et par l’intervenante devant le Tribunal et la Cour, conformément aux conclusions de ceux‑ci.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Groupe Léa Nature SA est condamnée à ses propres dépens ainsi qu’à ceux exposés par l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) et par l’intervenante devant le Tribunal et la Cour.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 juin 2017.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais