Language of document : ECLI:EU:T:2012:245

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

22 mai 2012 (*)

« Marchés publics de services – Procédure d’appel d’offres – Soutien aux administrations douanière et fiscale du Kosovo – Rejet de l’offre d’un soumissionnaire – Acte non susceptible de recours – Acte confirmatif – Irrecevabilité – Accès aux documents – Règlement (CE) n° 1049/2001 – Documents relatifs à la procédure d’appel d’offres – Refus partiel d’accès – Exception relative à la protection des intérêts commerciaux d’un tiers – Motivation insuffisante »

Dans l’affaire T‑6/10,

Sviluppo Globale GEIE, établie à Rome (Italie), représentée par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone et A. Neri, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par Mme P. Costa de Oliveira et M. F. Erlbacher, en qualité d’agents, assistés de Me P. Manzini, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 10 novembre 2009 rejetant l’offre soumise par le consortium dont la requérante fait partie, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres EuropAid/127843/D/SER/KOS, concernant la prestation de services de soutien aux administrations douanière et fiscale du Kosovo (JO 2009/S 4‑003683), ainsi que, d’autre part, une demande d’annulation de la décision de la Commission du 26 novembre 2009 refusant au consortium l’accès à certains documents relatifs à ladite procédure d’appel d’offres,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz (rapporteur), président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias, juges,

greffier : M. J. Palacio González, administrateur principal,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 21 septembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 8 janvier 2009, le bureau de liaison au Kosovo de la Commission des Communautés européennes (ci-après le « pouvoir adjudicateur ») a publié au Supplément au Journal officiel de l’Union européenne un appel d’offres relatif à l’adjudication du marché de services intitulé « Soutien aux administrations douanière et fiscale du Kosovo » (EuropeAid/127843/D/SER/KOS) (JO S 4‑003683, ci-après l’« appel d’offres »).

2        La requérante a participé à l’appel d’offres en tant que membre du consortium International Technical Assistance to Kosovo (ci-après le « consortium ITAK »).

3        Par lettre du 24 juillet 2009, le pouvoir adjudicateur a informé le consortium ITAK que son offre n’était pas considérée comme la plus avantageuse économiquement et que le marché avait été attribué à un autre soumissionnaire (ci-après la « décision du 24 juillet 2009 »). Cette lettre incluait une grille présentant la moyenne des points attribués par le comité d’évaluation à l’offre du consortium ITAK et à celle de l’attributaire.

4        Par lettre du 27 juillet 2009, le représentant du consortium ITAK a demandé des précisions à propos de la moyenne des points obtenus au titre de chacun des différents critères prévus dans la grille d’évaluation, tant pour son offre que pour l’offre de l’attributaire. En outre, il a demandé au pouvoir adjudicateur de préciser si le nombre total des points obtenus pour l’offre dans le cadre de la rubrique « Organisation et méthodologie » avait été calculé sur un maximum de 40 points, comme prévu dans la grille d’évaluation, ou sur un maximum de 30 points. Par lettre du 31 juillet 2009, le pouvoir adjudicateur a informé le consortium ITAK qu’il ne pouvait pas fournir plus de détails sur la sélection, car selon le point 3.3.10.5 du Guide pratique des procédures contractuelles dans le cadre des actions extérieures élaboré par les services de la Commission pour la mise en œuvre concrète des aides financières à des pays tiers (ci-après le « guide pratique »), les décisions du comité d’évaluation étaient collectives et secrètes. Il a également précisé que les points avaient été attribués en conformité avec la grille d’évaluation incluse dans le cahier des charges.

5        Par lettre du 5 août 2009, le consortium ITAK a informé le pouvoir adjudicateur de son intention de présenter un recours, conformément au point 2.4.15 du guide pratique, en soutenant que la qualité et l’expérience des experts principaux et du responsable du projet, prouvées par de précédents contrats dans la région, n’avaient pas été évaluées correctement et que la composition du comité d’évaluation était inadéquate.

6        Par lettre du 6 août 2009, le pouvoir adjudicateur a réitéré que la procédure d’appel d’offres s’était déroulée selon les règles en vigueur et a souligné que le fait d’avoir exécuté certains contrats par le passé ne conférait aucun droit aux soumissionnaires de se voir attribuer un nouveau marché. Il a ajouté que l’évaluation avait concerné tant les experts que la méthode proposée et que les membres du comité d’évaluation avaient identifié à l’unanimité certains points faibles dans l’organisation et dans la méthodologie de l’offre du consortium ITAK. Le pouvoir adjudicateur a également informé le consortium ITAK qu’après un nouvel examen de la procédure d’évaluation, aucune irrégularité n’avait été constatée.

7        Par lettre du 14 septembre 2009, adressée à la Commission, le représentant de la requérante, agissant « pour et au nom » du consortium ITAK, a introduit, d’une part, une réclamation contre la décision contenue dans la lettre du 24 juillet 2009, au titre du point 2.4.15 du guide pratique, en alléguant l’existence d’irrégularités procédurales et de fond. D’autre part, il a demandé l’accès au rapport du comité d’évaluation de l’appel d’offres, conformément aux dispositions de l’article 6 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), le cas échéant dans une version non confidentielle. Le 30 septembre 2009, la Commission a répondu à cette lettre en indiquant que l’examen des questions soulevées par le consortium ITAK était en cours et qu’une réponse lui serait envoyée au terme de cet examen. Par lettre du 8 octobre 2009, adressée au pouvoir adjudicateur, le consortium ITAK a demandé la suspension de la signature du contrat contesté.

8        Le 15 octobre 2009, le consortium ITAK a présenté une demande confirmative conformément à l’article 8 du règlement n° 1049/2001.

9        Par lettre du 10 novembre 2009 (ci-après la « décision du 10 novembre 2009 »), la Commission a informé le consortium ITAK que la qualité et l’expérience de ses experts avaient été prises en compte et a expliqué, d’une part, que son offre manquait de précision à propos de la façon dont il entendait atteindre les objectifs du projet, et d’autre part, qu’une « importance excessive » aurait été attribuée au domaine de la douane, l’offre ne contenant pas d’informations suffisantes concernant le soutien proposé à l’administration fiscale. Cette lettre informait également le consortium ITAK que la Commission répondrait séparément à sa demande d’accès aux documents.

10      La Commission a répondu à cette dernière demande par lettre du 26 novembre 2009 (ci-après la « décision du 26 novembre 2009 »), en fournissant au consortium ITAK une version non confidentielle du rapport d’évaluation relatif à l’appel d’offres contenant des passages occultés. Par lettre du 10 décembre 2009, la Commission a répondu à la demande confirmative d’accès aux documents introduite par le consortium ITAK, en renvoyant au contenu de la décision du 26 novembre 2009.

 Procédure et conclusions des parties

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 janvier 2010, la requérante a introduit le présent recours.

12      Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 29 janvier 2010, la requérante a introduit une demande en référé. Le président du Tribunal a rejeté cette demande par une ordonnance du 26 mars 2010, Sviluppo Globale/Commission (T‑6/10 R, non publiée au Recueil).

13      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 21 septembre 2011.

14      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision du 10 novembre 2009 et la décision du 26 novembre 2009 ;

–        en application de l’article 65, sous b) et c), du règlement de procédure du Tribunal, ordonner à la Commission, premièrement, de présenter les procès-verbaux du comité d’évaluation concernant l’évaluation de l’offre soumise par l’ITAK, deuxièmement, de produire les procès-verbaux du comité d’évaluation relatifs à l’évaluation de l’offre sélectionnée et, en tout cas, les documents et informations qu’elle a à sa disposition en ce qui concerne les avantages et les caractéristiques de l’offre retenue, troisièmement, de produire les documents relatifs aux « appréciations médiocres » formulées par sa direction générale (DG) « Fiscalité et Union douanière » sur le travail de M. A. concernant l’activité qu’il a exercée en 2004 en qualité de directeur général adjoint du programme intitulé ‘Bureau d’assistance douanière et fiscale en faveur des Balkans occidentaux’ (CAFAO) au Kosovo et, quatrièmement, de communiquer les noms et les compétences des membres du comité d’évaluation ;

–        condamner la Commission aux dépens.

15      La Commission conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable en ce que la requérante n’aurait pas la qualité pour agir ;

–        déclarer le recours irrecevable ou, à titre subsidiaire, le rejeter comme non fondé en ce qu’il est dirigé contre la décision du 10 novembre 2009 ;

–        rejeter le recours en ce qu’il est dirigé contre la décision du 26 novembre 2009 comme non fondé ;

–        rejeter la demande tendant à l’instauration de mesures d’instruction ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur la recevabilité

16      La Commission, sans soulever formellement une exception d’irrecevabilité dans les termes de l’article 114 du règlement de procédure, avance deux moyens pour contester la recevabilité du recours dans son mémoire en défense.

 Sur le premier moyen d’irrecevabilité, tiré de l’absence de la qualité pour agir de la requérante

17      La Commission demande au Tribunal d’examiner si la requérante a la qualité pour agir dans la présente procédure. Elle invoque le fait que la décision du 10 novembre 2009 et la décision du 26 novembre 2009 ont été prises en réponse à des demandes adressées à la Commission par l’avocat de la requérante « pour et au nom du consortium ITAK », alors que la requête introduite par la requérante se borne à indiquer que cette dernière serait « chargé[e] de toutes les activités de gestion et d’administration du consortium », sans inclure dans les annexes un mandat qui l’habiliterait à représenter le consortium ITAK en justice.

18      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, « [t]oute personne physique ou morale peut former […] un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement […] »

19      À cet égard, il convient de relever que, dans la réplique, la requérante soutient que le consortium ITAK n’a jamais disposé de la personnalité juridique. En l’absence d’éléments dans le dossier relatifs à cette personnalité juridique, le Tribunal n’a aucune raison de mettre en doute les affirmations de la requérante sur ce point. Or, sous l’angle de l’article 263 TFUE, une telle structure ad hoc étant transparente au regard de ses membres, ces derniers doivent tous être considérés comme étant les destinataires des décisions attaquées. Il était donc loisible à la requérante, en tant que destinataire des décisions attaquées, de contester ces dernières selon les conditions posées par l’article 263 TFUE (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 19 mars 2010, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑50/05, Rec. p. II‑1071, point 40).

 Sur le second moyen d’irrecevabilité, tiré de la tardiveté de la demande d’annulation de la décision du 10 novembre 2009

20      La Commission affirme que la lettre du 10 novembre 2009 constitue un acte purement confirmatif de la décision du 24 juillet 2009. Or, conformément à l’article 230 CE, le délai pour introduire un recours devant le Tribunal contre cette dernière décision aurait expiré, au plus tard, le 7 octobre 2009, en tenant compte également du délai de distance forfaitaire de dix jours prévu par l’article 102, paragraphe 2, du règlement de procédure. Le fait que la décision du 10 novembre 2009 est intervenue suite à la procédure administrative prévue au point 2.4.15 du guide pratique n’aurait aucune incidence, étant donné que cette procédure n’aurait pour objet que de parvenir à une solution amiable entre le soumissionnaire et la Commission et non d’adopter une nouvelle décision relative à l’adjudication du marché, susceptible de faire l’objet d’un recours juridictionnel. En outre, le consortium ITAK n’aurait soulevé aucun fait nouveau et substantiel lors de cette procédure.

21      La requérante rétorque que le consortium ITAK a avancé des faits nouveaux et substantiels, tels que des informations relatives au responsable du projet proposé par l’attributaire, M. A., au succès de la méthode proposée par le consortium ITAK lors de projets antérieurs, et qu’elle a soumis à l’appréciation de la Commission des éléments nouveaux relatifs à de prétendues erreurs manifestes d’appréciation, à la violation de l’obligation de motivation et à la violation de l’obligation d’indiquer les voies de recours. Ces informations auraient conduit la Commission, comme cette dernière l’aurait avoué dans sa lettre du 30 septembre 2009, à réexaminer la situation du consortium ITAK en vue d’adopter, le 10 novembre 2009, une décision finale contenant une motivation distincte de celle de la décision du 24 juillet 2009, qui serait donc susceptible de recours.

22      Selon une jurisprudence bien établie, un recours en annulation formé contre un acte purement confirmatif d’une autre décision devenue définitive est irrecevable. Un acte est considéré comme purement confirmatif d’une décision antérieure s’il ne contient aucun élément nouveau par rapport à la décision antérieure et n’a pas été précédé d’un réexamen de la situation du destinataire de cette décision (voir arrêt du Tribunal du 7 février 2001, Inpesca/Commission, T‑186/98, Rec. p. II‑557, point 44, et la jurisprudence citée).

23      Toutefois, le caractère confirmatif ou non d’un acte ne saurait être apprécié uniquement en fonction de son contenu par rapport à celui de la décision antérieure qu’il confirmerait, mais doit également l’être par rapport à la nature de la demande à laquelle cet acte répond (voir arrêt Inpesca/Commission, précité, point 45, et la jurisprudence citée, et ordonnance du Tribunal du 29 avril 2004, SGL Carbon/Commission, T‑308/02, Rec. p. II‑1363, point 52).

24      En particulier si l’acte constitue la réponse à une demande dans laquelle des faits nouveaux et substantiels sont invoqués, et par laquelle l’administration est priée de procéder à un réexamen de la décision antérieure, cet acte ne saurait être considéré comme revêtant un caractère purement confirmatif, dans la mesure où il statue sur ces faits et contient, ainsi, un élément nouveau par rapport à la décision antérieure (arrêt Inpesca/Commission, précité, point 46).

25      C’est à la lumière de cette jurisprudence qu’il convient d’apprécier la recevabilité du présent recours, en ce qu’il est dirigé contre la décision du 10 novembre 2009.

26      En l’espèce, la décision du 10 novembre 2009, par laquelle la Commission a rejeté le recours administratif du consortium ITAK, informe ce dernier du fait que la qualité et l’expérience de ses experts ont bien été prises en compte pendant la procédure d’évaluation de son offre, mais que le comité d’évaluation a identifié des lacunes dans son offre, à savoir qu’il n’a pas expliqué comment il avait l’intention d’atteindre les objectifs du projet en cause, et qu’il n’a pas fourni d’éléments suffisants concernant le soutien à l’administration fiscale.

27      Force est de constater que les éléments de motivation avancés dans cette décision n’ont jamais été communiqués au consortium ITAK précédemment. La grille figurant dans la décision du 24 juillet 2009, mentionnée au point 3 ci-dessus, ne permettait notamment pas d’arriver aux conclusions reprises au point 26 ci-dessus. En ce qui concerne la lettre du pouvoir adjudicateur du 6 août 2009, celle-ci ne faisait que remarquer que les membres du comité d’évaluation avaient identifié des faiblesses dans l’offre de ce soumissionnaire, sans apporter aucune précision. Dès lors, la motivation communiquée par la décision du 10 novembre 2009 constitue un élément nouveau.

28      Néanmoins, ce nouvel élément ne suffit pas pour constater que cette dernière décision ne serait pas un acte purement confirmatif de la décision du 24 juillet 2009.

29      Selon la réglementation applicable en l’espèce, les soumissionnaires évincés ont la possibilité de demander, par écrit, au pouvoir adjudicateur de leur communiquer des « informations complémentaires sur les motifs du rejet » selon l’article 149, paragraphe 3, quatrième alinéa, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 (JO L 357, p. 1) (ci-après les « modalités d’exécution »). La communication de telles informations complémentaires n’a pas pour effet de remplacer la décision par laquelle l’offre du soumissionnaire en question est rejetée, la motivation d’une telle décision pouvant s’effectuer en plusieurs étapes (arrêt Evropaïki Dynamiki/Commission, précité, point 133). En effet, contrairement à ce que prétend la requérante, la décision du 10 novembre 2009 se réfère aux constatations faites lors de l’évaluation des offres dans le cadre de l’appel d’offres et ne contient aucune appréciation nouvelle propre au service compétent de la direction générale « Élargissement » de la Commission duquel elle émane.

30      En outre, le fait que la décision du 10 novembre 2009 a été rendue suite à la procédure de recours administratif visée au point 2.4.15 du guide pratique n’a aucune incidence à cet égard. En effet, comme le Tribunal l’a déjà constaté, un tel guide n’est qu’un outil de travail qui explique les procédures applicables dans un certain domaine et, ainsi, ne saurait constituer un fondement juridique pour déroger aux dispositions pertinentes en l’espèce (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 8 octobre 2008, Sogelma/AER, T‑411/06, Rec. p. II‑2771, point 66).

31      Il convient toutefois d’examiner encore si la décision du 10 novembre 2009 constitue le résultat d’un réexamen effectué par la Commission sur la base de faits nouveaux et substantiels portés à la connaissance de cette institution par la requérante.

32      À cet égard, il doit être rappelé que constituent de tels faits ceux qui n’étaient connus ni de la requérante ni de l’administration au moment de l’adoption de la décision initiale, celle du 24 juillet 2009 en l’espèce, et qui étaient susceptibles de modifier de façon substantielle la situation de la requérante (voir, en ce sens, arrêt Inpesca/Commission, précité, points 50 et 51).

33      Premièrement, en ce qui concerne les mauvaises évaluations que M. A. aurait reçues par rapport à sa contribution à des projets antérieurs, il suffit de relever que, ainsi que le soulève la Commission à juste titre, les conditions de références relatives à l’appel d’offres ne mentionnaient aucunement l’appréciation des avis émis au sujet de tels projets et, donc, ceux-ci ne pouvaient être pris en compte aux fins de l’évaluation des offres. Il en va de même pour le prétendu succès des projets auxquels les membres du consortium ITAK auraient participé précédemment. Dès lors, bien que ces informations auraient pu être nouvelles, elles n’étaient pas pertinentes en l’espèce et n’étaient donc pas susceptibles de modifier la situation de la requérante.

34      Deuxièmement, concernant les erreurs manifestes d’appréciation et les violations alléguées de l’obligation de motivation et de l’indication des voies de recours, force est de constater qu’il ne s’agit pas de faits, mais plutôt de moyens invoqués par la requérante dans le cadre de son recours administratif. En effet, ces affirmations ne faisaient que dénoncer que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas respecté ses obligations découlant des règlements et de la jurisprudence applicables. De tels moyens ne sauraient être considérés comme des faits nouveaux au sens de la jurisprudence citée au point 24 ci-dessus sans la vider de tout son contenu.

35      Troisièmement, en tout état de cause, il est clair que les nouveaux éléments de motivation que comporte la décision du 10 novembre 2009 ne se rapportent pas aux faits prétendument nouveaux soulevés dans la demande du 14 septembre 2009.

36      Il convient également d’observer que si, dans cette demande, le représentant du consortium ITAK a relevé que le consortium attributaire du marché en cause était composé exclusivement d’entreprises issues du secteur informatique, rien dans les conditions de référence relatives à l’appel d’offres n’indiquait que l’offre d’un tel soumissionnaire aurait dû être écartée de ce seul fait qui, par conséquent, ne saurait non plus être pertinent.

37      Finalement, l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait elle-même indiqué, dans sa lettre du 30 septembre 2009, qu’elle procédait à un réexamen, est inopérant. En effet, cette lettre ne fait que confirmer au consortium ITAK que, bien qu’aucune décision n’ait encore été prise, le traitement de sa demande était en cours.

38      À titre subsidiaire, il est opportun de remarquer que rien n’avait empêché la requérante d’introduire un recours contre la décision du 24 juillet 2009 dans le délai prévu par l’article 230 CE, en invoquant, par exemple, un défaut de motivation. En premier lieu, la requérante ne fait pas valoir que la lettre de la Commission du 30 septembre 2009 l’aurait incitée à ne pas introduire un tel recours dans l’attente d’une nouvelle décision en la matière. Elle n’invoque aucunement l’existence d’une erreur excusable en l’espèce. À cet égard, il convient également de remarquer que la prétendue tardiveté du traitement de sa demande d’accès à certains documents n’a pas non plus rendu impossible l’introduction d’un tel recours. En second lieu, il ressort de sa lettre du 14 septembre 2009 que le consortium ITAK était pleinement conscient de la jurisprudence, rappelée au point 30 ci-dessus, selon laquelle le guide pratique ne constituait pas un fondement juridique permettant de déroger aux dispositions pertinentes en l’espèce. Ainsi, la requérante ne pouvait pas ignorer que l’éventuelle introduction du recours administratif prévu par ce guide contre la décision du 24 juillet 2009 n’aurait aucune influence sur le délai pour l’introduction d’un recours en annulation devant le Tribunal contre cette décision. Par conséquent, on ne saurait admettre que, en adoptant ce guide, la Commission a provoqué une confusion dans l’esprit de ce soumissionnaire quant aux voies de recours à sa disposition.

39      Ainsi, la décision du 10 novembre 2009 ne constituant qu’une décision purement confirmative de celle du 24 juillet 2009, à l’égard de laquelle le délai établi à l’article 230 CE pour l’introduction d’un recours juridictionnel a expiré, au plus tard, le 7 octobre 2009, le présent recours doit être considéré comme irrecevable en ce que celui-ci vise l’annulation de la décision du 10 novembre 2009.

 Sur la demande d’annulation de la décision du 26 novembre 2006

40      La requérante invoque six moyens à l’appui de sa demande en annulation dirigée contre la décision du 26 novembre 2009. Le premier moyen est tiré d’une violation des articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001. Le deuxième moyen est tiré d’une violation du règlement n° 1049/2001 et de la jurisprudence de l’Union en matière d’accès aux documents. Le troisième moyen, concernant la divulgation partielle du rapport d’évaluation établi lors de l’appel d’offres, est tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001. Les quatrième et cinquième moyens, concernant le refus d’accès aux grilles d’évaluation élaborées par les membres du comité d’évaluation lors de l’appel d’offres, sont tirés, respectivement, d’une violation de l’article 4, paragraphe 3, et de l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001. Enfin, le sixième moyen est tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés et, par conséquent, d’une violation de l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001.

41      Comme les quatrième et cinquième moyens se rapportent tous les deux au fait que la décision du 26 novembre 2009 a refusé l’accès aux grilles d’évaluation établies par les membres du comité d’évaluation, il convient de les examiner ensemble.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation des articles 7 et 8 du règlement n° 1049/2001

42      La requérante allègue que la Commission a violé l’article 7 du règlement n° 1049/2001 en n’ayant pas traité sa demande avec la promptitude requise et en omettant d’adresser un avis de réception. Cette institution n’aurait pas non plus respecté l’article 8 de ce même règlement en ce qu’elle n’aurait pas traité la demande confirmative présentée par le consortium ITAK avec promptitude, qu’elle ne lui aurait pas adressé, même dans ces circonstances, d’avis de réception et qu’elle n’aurait répondu à ladite demande que par la décision du 26 novembre 2009, donc après que se fut écoulé le délai prévu par cet article. La requérante soulève que, en ce faisant, la Commission l’a empêchée d’introduire un recours concernant l’appel d’offres. Elle estime que de telles violations sont de nature à justifier l’annulation de cette dernière décision.

43      La Commission conteste ces arguments.

44      Tout d’abord, il convient de relever que l’article 7, paragraphe 4, du règlement n° 1049/2001 indique clairement que « [l]’absence de réponse de l’institution [à la demande initiale] dans le délai requis habilite le demandeur à présenter une demande confirmative ». Ainsi, le non-respect des dispositions des paragraphes précédents du même article ne saurait avoir comme conséquence l’annulation d’une décision rendue suite à une demande confirmative, telle que celle du 26 novembre 2009.

45      Par ailleurs, il convient de noter que la Commission a, bien que tardivement, néanmoins communiqué, par sa lettre du 30 septembre 2009, qu’elle avait reçu la demande du consortium ITAK et qu’elle procédait à son examen.

46      En ce qui concerne la violation de l’article 8 du règlement n° 1049/2001, il ressort également de façon non équivoque du libellé du paragraphe 3 de ce même article que « [l]’absence de réponse de l’institution dans le délai requis est considérée comme une réponse négative et habilite le demandeur à former un recours juridictionnel contre l’institution et/ou à présenter une plainte au médiateur, selon les dispositions pertinentes du traité [FUE] ». La requérante ayant choisi d’attendre la décision explicite de la Commission, le retard que cette institution a pris dans le traitement de sa demande ne saurait non plus conduire à l’annulation de cette dernière décision.

47      Ainsi, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation du règlement n° 1049/2001 et de la jurisprudence de l’Union en matière d’accès aux documents

48      La requérante affirme, premièrement, que la demande d’accès aux documents introduite par le consortium ITAK n’était que partiellement fondée sur le règlement n° 1049/2001 et qu’elle trouvait également son fondement dans l’article 100, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier ») et dans l’article 149 des modalités d’exécution, ainsi que dans le point 3.3.10.5 du guide pratique, qui fait référence à la politique du pouvoir adjudicateur en matière d’accès aux documents, et que, dès lors, la motivation de la décision du 26 novembre 2009, qui ne s’appuie que sur le règlement n° 1049/2001, serait incomplète.

49      Deuxièmement, les actes préparatoires visant à la refonte du règlement n° 1049/2001 en accord avec la jurisprudence récente envisageraient l’ajout de nouvelles dispositions ayant comme but, notamment, d’instaurer de nouvelles restrictions au droit d’accès aux documents dans le domaine des marchés publics et, dès lors, une limitation de l’accès aux documents relatifs auxdits marchés ne saurait être retenue en application de la réglementation actuelle.

50      Troisièmement, contrairement à ce qui figure dans la motivation de la décision du 26 novembre 2009, le règlement n° 1049/2001, ayant comme but de garantir un maximum de transparence, exigerait que, lors de la prise d’une décision sur l’accès aux documents, la Commission prenne en compte l’intérêt qualifié du consortium ITAK, en tant que soumissionnaire dans le cadre de l’appel d’offres, à accéder aux documents demandés.

51      La Commission conteste les arguments de la requérante.

52      Il convient de rappeler, d’une part, que, en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1049/2001, les bénéficiaires du droit d’accès aux documents des institutions sont « [t]out citoyen de l’Union et toute personne physique ou morale résidant ou ayant son siège dans un État membre ». Il en ressort que ce règlement a vocation à garantir l’accès de tous aux documents publics et non seulement l’accès du demandeur à des documents le visant (arrêt du Tribunal du 26 avril 2005, Sison/Conseil, T‑110/03, T‑150/03 et T‑405/03, Rec. p. II‑1429, point 50).

53      D’autre part, les exceptions à l’accès aux documents prévues par l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 sont rédigées en termes impératifs. Il s’ensuit que les institutions sont obligées de refuser l’accès aux documents relevant de ces exceptions, lorsque la preuve des circonstances visées est rapportée. Dès lors, l’intérêt particulier que peut faire valoir un demandeur d’accès à un document le concernant personnellement ne saurait être pris en compte dans le cadre de l’application des exceptions obligatoires prévues par l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001 (voir, par analogie, arrêts du Tribunal Sison/Conseil, précité, points 51 et 52, et du 6 juillet 2006, Franchet et Byk/Commission, T‑391/03 et T‑70/04, Rec. p. II‑2023, point 137). Dès lors, l’argument de la requérante concernant le point 3.3.10.5 du guide pratique est également dénué de pertinence, puisque même si la divulgation des documents relatifs à l’appel d’offres est soumise au règlement n° 1049/2001, cela n’implique pas automatiquement le droit d’y avoir accès.

54      À titre subsidiaire, il convient de relever que les dispositions du règlement financier et des modalités d’exécution, invoquées par la requérante, prévoient l’obligation de motivation du pouvoir adjudicateur et non le droit des soumissionnaires à l’accès aux documents relatifs à une procédure de passation de marché. En effet, l’article 100, paragraphe 2, du règlement financier prévoit uniquement que le pouvoir adjudicateur communique, à la suite d’une demande écrite, les caractéristiques et les avantages relatifs de l’offre retenue ainsi que le nom de l’attributaire dans un délai de quinze jours à compter de la réception d’une demande écrite (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 juillet 2007, Evropaïki Dynamiki/Commission, T‑250/05, non publié au Recueil, point 113). Si le pouvoir adjudicateur peut satisfaire à cette obligation en donnant un accès, au moins partiel, à certains documents, elle ne le contraint pas à procéder ainsi et ne saurait donc fonder une demande tendant expressément à la divulgation de telles pièces.

55      Pour ce qui est des actes préparatoires visant à la refonte du règlement n° 1049/2001 invoqués par la requérante, il convient de constater que, même si le but de ces actes est de préciser, notamment, les obstacles à l’accès aux documents relatifs aux marchés publics, ce seul fait n’implique pas que les exceptions établies par la réglementation en vigueur, à savoir l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, ne sauraient s’appliquer aux documents relevant de ce domaine.

56      Au vu de ce qui précède, le deuxième moyen doit être rejeté.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 et de la jurisprudence de l’Union

57      Ce moyen porte sur la version divulguée du rapport d’évaluation établi par le comité d’évaluation dans le cadre de l’appel d’offres.

58      Par ce moyen, la requérante reproche à la Commission de ne lui avoir transmis qu’une version du rapport d’évaluation expurgée de tout élément relatif à l’appréciation effectuée lors de l’appel d’offres. Eu égard au fait que l’article 4, paragraphe 2, du règlement n° 1049/2001 établit une exception à l’application du principe selon lequel tous les documents des institutions devraient être accessibles au public, la décision du 26 novembre 2009 ne comporterait pas une motivation suffisante en ce qui concerne la restriction de l’accès du consortium ITAK aux informations contenues dans ce rapport. En effet, selon la requérante, la jurisprudence exige que, dans un tel cas, la Commission démontre que l’accès au document en question porte concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par une telle dérogation.

59      La Commission répond qu’elle a accompli un examen concret de la demande d’accès aux documents présentée par le consortium ITAK et qu’elle a amplement motivé l’application de l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001.

60      Il convient de rappeler que, selon cette dernière disposition, « [l]es institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection […] des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle ».

61      La décision du 26 novembre 2009 donne des précisions quant aux informations omises des pages 2 à 5 du rapport d’évaluation divulgué comme suit :

« Les parties occultées des tableaux figurant aux pages 2 et 3 de la troisième section – ‘Évaluation’ – du rapport contiennent des informations sur les demandes de clarification concernant certains éléments et documents des offres soumises. Ces tableaux récapitulent les demandes faites par le comité d’évaluation et les réponses reçues.

Les parties occultées des tableaux figurant aux pages 3 et 4 de la troisième section – ‘Évaluation’ – et le tableau figurant à la page 5 de la quatrième section – ‘Conclusion’ – contiennent les résultats techniques, financiers et globaux des offres, ainsi que le montant total des honoraires prévus. »

62      La Commission a motivé l’exclusion de ces informations de la version divulguée du document en cause en indiquant que celles-ci dévoileraient des éléments relatifs au savoir-faire des soumissionnaires, à la méthodologie de leur projet ainsi qu’à leurs relations d’affaires avec d’autres membres du consortium. Elle a considéré que la divulgation de ces informations au public porterait atteinte aux intérêts commerciaux des soumissionnaires. La Commission a également précisé que ces appréciations n’étaient pas affectées par le fait que certaines informations occultées étaient relatives à l’offre soumise par le consortium ITAK.

63      S’agissant de la justification de l’application d’une exception énoncée à l’article 4, paragraphe 2, premier tiret, du règlement n° 1049/2001, il convient d’examiner si les raisons invoquées par la Commission pour refuser partiellement l’accès au document en cause démontrent qu’un tel accès aurait porté atteinte à la protection des intérêts commerciaux des soumissionnaires et ensuite, le cas échéant, s’il existe un intérêt public supérieur justifiant néanmoins la divulgation des documents demandés.

64      À cet égard, il y a lieu de démontrer que l’accès en cause était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception et que le risque d’atteinte à cet intérêt était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique (arrêt du Tribunal du 13 avril 2005, Verein für Konsumenteninformation/Commission, T‑2/03, Rec. p. II‑1121, point 69).

65      Selon une jurisprudence constante, les exceptions à l’accès aux documents doivent être interprétées et appliquées de manière stricte, de façon à ne pas tenir en échec l’application du principe général consistant à conférer au public le plus large accès possible aux documents détenus par les institutions (arrêts du Tribunal du 14 octobre 1999, Bavarian Lager/Commission, T‑309/97, Rec. p. II‑3217, point 39 ; du 11 décembre 2001, Petrie e.a./Commission, T‑191/99, Rec. p. II‑3677, point 66, et du 30 janvier 2008, Terezakis/Commission, T‑380/04, non publié au Recueil, point 85). Par ailleurs, le principe de proportionnalité exige que les dérogations ne dépassent pas les limites de ce qui est approprié et nécessaire pour atteindre le but recherché (arrêt de la Cour du 6 décembre 2001, Conseil/Hautala, C‑353/99 P, Rec. p. I‑9565, point 28, et arrêt Terezakis/Commission, précité, point 85).

66      En l’espèce, la Commission affirme que la divulgation de toutes les informations pertinentes contenues dans les tableaux figurant dans le rapport d’évaluation porterait atteinte aux intérêts commerciaux des soumissionnaires ayant participé à l’appel d’offres.

67      Si l’on peut admettre que cela soit vrai pour ce qui concerne les informations supplémentaires, figurant aux pages 2 et 3 du rapport, fournies par ces soumissionnaires pour éclairer certains aspects de leurs offres, les notes attribuées par le comité d’évaluation, figurant aux pages 3 à 5 dudit rapport, ne sont pas susceptibles de révéler « des éléments relatifs au savoir-faire des soumissionnaires, à la méthodologie de leur projet ainsi qu’à leurs relations d’affaires avec d’autres membres du consortium », comme le soutient la Commission. En effet, il n’apparaît pas possible, à partir de ces seules notes, d’avoir accès à des informations relatives aux soumissionnaires que la Commission prétend vouloir protéger, telles que leur savoir-faire ou leur méthode de travail. En outre, cette motivation n’est pas non plus pertinente en ce qui concerne le montant des honoraires proposés par les soumissionnaires, qui eux sont repris dans le tableau en bas de la page 4 du document divulgué, bien que la divulgation de ce genre d’information puisse effectivement porter atteinte aux intérêts commerciaux des personnes concernées.

68      Au vu des exigences ressortant de la jurisprudence en cette matière, la motivation de la décision du 26 novembre 2009 est insuffisante en ce qui concerne le refus de divulgation des notes attribuées par le comité d’évaluation, figurant aux pages 3 à 5 du rapport d’évaluation, et donc le troisième moyen de la requérante doit être accueilli sur ce point.

 Sur les quatrième et cinquième moyens, tirés d’une violation de l’article 4, paragraphes 3 et 6, du règlement n° 1049/2001

69      Par son quatrième moyen, la requérante fait valoir que la motivation de la décision du 26 novembre 2009 est insuffisante en ce qui concerne l’application de l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001, en ce que la Commission n’a pas procédé à un examen spécifique et concret des préjudices qui pourraient être causés par la divulgation des grilles d’évaluation établies par les membres du comité d’évaluation. Elle remarque que la jurisprudence invoquée par la Commission, relative aux procédures de sélection du personnel des institutions de l’Union, n’est pas pertinente dans le domaine des marchés publics et que, d’ailleurs, celle-ci serait antérieure à l’entrée en vigueur du règlement n° 1049/2001 et contraire à la jurisprudence plus récente du Tribunal, notamment ses arrêts du 18 décembre 2008, Muñiz/Commission (T‑144/05), et du 11 mars 2009, Borax Europe/Commission (T‑121/05), non publiés au Recueil.

70      Par son cinquième moyen, la requérante allègue que la Commission n’a pas respecté l’article 4, paragraphe 6, du règlement n° 1049/2001, qui établit la possibilité d’accorder un accès partiel au document demandé, en l’espèce aux grilles d’évaluation. Elle reproche à la Commission de ne pas avoir effectué un examen spécifique et individuel de ces grilles pour vérifier s’il aurait été possible d’admettre un accès partiel à celles-ci, ce qui serait contraire à la jurisprudence.

71      La Commission soutient que la jurisprudence citée dans les motifs de la décision du 26 novembre 2009 reste pertinente. En outre, elle affirme que cette décision indique explicitement qu’elle a considéré la possibilité d’admettre un accès partiel à ces documents, mais que l’exception établie par l’article 4, paragraphe 3, du règlement n° 1049/2001 s’étendait à l’intégralité des grilles d’évaluation.

72      Sous le titre 3 intitulé « Protection du processus décisionnel » de la décision du 26 novembre 2009, la Commission a motivé le refus de divulguer les grilles d’évaluation établies par chaque membre du comité d’évaluation par le fait qu’elles étaient préparées aux fins de l’appréciation et de l’échange d’opinions internes et qu’elles constituaient donc des documents « destinés à l’utilisation interne dans le cadre de délibérations et de consultations préliminaires au sein de l’institution » au sens de l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001.

73      Elle a indiqué que la divulgation de ces documents porterait gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution dans le domaine d’activité concerné, puisque celle-ci remettrait en question la liberté des membres du comité d’évaluation d’exprimer leur avis et leur appréciation et mettrait donc en danger l’indépendance et l’objectivité de la procédure d’évaluation dans des futurs cas similaires.

74      À cet égard, elle a invoqué le fait que les procédures d’appel d’offres étaient très semblables à celles de sélection du personnel des institutions de l’Union. Selon la jurisprudence en cette matière, le secret qui entoure les travaux des jurys de concours en vertu de l’article 6 de l’annexe III du statut des fonctionnaires des Communautés européennes a été institué en vue de garantir l’indépendance de ces jurys et l’objectivité de leurs travaux, en les mettant à l’abri de toute ingérence et pressions extérieures, qu’elles proviennent de l’administration de l’Union elle-même, des candidats intéressés ou de tiers (arrêts de la Cour du 28 février 1980, Bonu/Conseil, 89/79, Rec. p. 553, point 5, et du 4 juillet 1996, Parlement/Innamorati, C‑254/95 P, Rec. p. I‑3423, point 24). La Commission a fait valoir qu’une protection identique était nécessaire dans d’autres procédures d’évaluation ou de sélection, telles que les appels d’offres.

75      S’agissant de la justification de l’application de l’exception énoncée à l’article 4, paragraphe 3, deuxième alinéa, du règlement n° 1049/2001, il convient d’examiner, tout d’abord, si les raisons invoquées par la Commission pour refuser l’accès aux documents demandés démontrent qu’un tel accès aurait porté gravement atteinte au processus décisionnel de cette institution.

76      À cet égard, il y a lieu de démontrer que l’accès en cause était susceptible de porter concrètement et effectivement atteinte à l’intérêt protégé par l’exception et que le risque d’atteinte à cet intérêt était raisonnablement prévisible et non purement hypothétique.

77      Dans les motifs de la décision du 26 novembre 2009, la Commission a affirmé, en substance, que le refus de divulguer des grilles d’évaluation était nécessaire pour protéger ses futurs processus décisionnels en matière d’appel d’offres contre des ingérences et des pressions extérieures.

78      Le Tribunal a jugé, en ce sens, au point 86 de l’arrêt Muñiz/Commission, précité, que, si une telle protection pouvait être de nature à constituer un motif légitime pour restreindre l’accès à des documents, il n’en demeurait pas moins que la réalité d’une telle pression extérieure devait être acquise avec certitude et la preuve que le risque d’affecter substantiellement la décision à prendre était raisonnablement prévisible, en raison de ladite pression extérieure, devait être rapportée.

79      Or, comme la décision du 26 novembre 2009 le précise, sans que la requérante le conteste, les grilles d’évaluation en cause en l’espèce reflètent les avis personnels des membres du comité d’évaluation à une étape préalable à l’élaboration du rapport de leur comité. S’il convient d’admettre, ainsi que la jurisprudence citée au point 74 ci-dessus le confirme, que la divulgation des opinions exprimées par les membres des jurys de concours est susceptible de compromettre leur indépendance, cela est également valable pour les membres d’un comité d’évaluation à un tel stade d’une procédure de passation de marché. En effet, contrairement à l’argument de la requérante, ces deux types de processus décisionnel présentent une similitude marquante en ce qu’ils impliquent l’appréciation comparative de candidats en vue d’opérer une sélection entre eux sur la base de critères déterminés, dans le respect du principe d’égalité de traitement et de non-discrimination.

80      En effet, le fait d’exposer ainsi les personnes appelées à évaluer les offres soumises dans le cadre d’une procédure de passation de marché à des pressions extérieures porterait gravement atteinte à ce processus décisionnel, en ce que cela mettrait en danger le respect des principes mentionnés ci-dessus, l’indépendance des membres d’un comité d’évaluation étant essentielle à cet égard.

81      Une divulgation partielle des grilles d’évaluation en cause comporterait toujours ce danger, dans la mesure où il serait difficile pour les personnes concernées de prévoir quels éléments de leurs opinions seraient susceptibles d’être révélés ultérieurement au public.

82      Par conséquent, il convient de rejeter les quatrième et cinquième moyens.

 Sur le sixième moyen, tiré de l’existence d’un intérêt public supérieur justifiant la divulgation des documents demandés

83      La requérante fait valoir que la Commission n’a pas pris en compte l’intérêt public supérieur qui se rattache au déroulement transparent et correct des procédures d’appel d’offres, qui exigerait la divulgation des documents en cause.

84      La Commission réfute cet argument. (mémoire en défense, points 160 à 165)

85      Il y a lieu de préciser que le règlement n° 1049/2001 ne définit pas la notion d’intérêt public supérieur.

86      Cependant, il convient de rappeler que le principe de transparence, invoqué par la requérante en l’espèce, est mis en œuvre par l’ensemble des dispositions du règlement n° 1049/2001, ainsi qu’il ressort du considérant 2 dudit règlement, selon lequel la transparence permet d’assurer une meilleure participation des citoyens au processus décisionnel, ainsi que de garantir une plus grande légitimité, une plus grande efficacité et une plus grande responsabilité de l’administration à leur égard, et contribue à renforcer le principe de la démocratie. Ainsi, l’intérêt public supérieur, visé à l’article 4, paragraphes 2 et 3, du règlement n° 1049/2001, qui est susceptible de justifier la divulgation d’un document portant atteinte aux intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, ou celle d’un document portant gravement atteinte au processus décisionnel d’une institution, doit en principe être distinct des principes susmentionnés qui sous-tendent ledit règlement (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 12 septembre 2007, API/Commission, T‑36/04, Rec. p. II‑3201, points 96 et 97).

87      Or, en l’espèce, la requérante n’invoque pas un tel principe, distinct de celui de la transparence, et se borne à affirmer que le refus de divulguer les documents en cause a privé le consortium ITAK de la possibilité d’évaluer le caractère correct des actes de l’administration adjudicatrice.

88      Néanmoins, il y a lieu de relever que, d’une part, le déroulement transparent des procédures d’adjudication des marchés, qui a comme but de rendre possible le contrôle du respect des principes et des règles pertinents, n’exige pas la publication de documents ou d’informations relatifs au savoir-faire, à la méthodologie ou aux relations d’affaire des soumissionnaires. En ce qui concerne, d’autre part, les grilles d’évaluation établies par les membres du comité d’évaluation, si les procédures de passation des marchés sont, certes, soumises à une exigence de transparence à l’égard du public, celle-ci doit néanmoins être observée tout en assurant le respect d’autres principes qui gouvernent ces procédures. Dès lors, au vu de ce qui a été énoncé au point 79 ci-dessus, l’intérêt public lié à la transparence ne saurait être considéré comme étant supérieur au principe d’indépendance des membres des comités d’évaluation et ne peut donc justifier la divulgation des grilles d’évaluation en cause.

89      Ainsi, il convient de rejeter le sixième moyen.

90      À la lumière de ce qui précède, il convient de rejeter la demande de la requérante tendant à l’instauration de mesures d’instruction, la présentation des documents et des informations demandés n’étant pas nécessaire à la solution du présent litige.

 Sur les dépens

91      Aux termes de l’article 87, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut répartir les dépens ou décider que chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. Dans les circonstances de l’espèce, au vu du fait que le recours de la requérante a été jugé, pour partie, irrecevable et, pour une partie substantielle, non fondé, il y a lieu de décider que la requérante supportera ses propres dépens ainsi que les trois quarts de ceux exposés par la Commission. Cette dernière supportera un quart de ses dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté comme étant irrecevable en ce qu’il est dirigé contre la décision de la Commission européenne du 10 novembre 2009 rejetant l’offre soumise par le consortium dont la requérante fait partie, dans le cadre de la procédure d’appel d’offres EuropAid/127843/D/SER/KOS, concernant la prestation de services de soutien aux administrations douanière et fiscale du Kosovo.

2)      La décision de la Commission du 26 novembre 2009 concernant l’accès à certains documents relatifs à cette procédure d’appel d’offres est annulée pour autant que celle-ci a refusé l’accès, dans la version divulguée du rapport d’évaluation, aux notes attribuées par le comité d’évaluation telles qu’elles figurent aux pages 3 à 5 dudit rapport.

3)      Le recours est rejeté pour le surplus.

4)      La demande de la requérante tendant à l’instauration de mesures d’instruction est rejetée.

5)      Sviluppo Globale GEIE supportera ses propres dépens afférents à la procédure au principal ainsi que les trois quarts de ceux de la Commission afférents à cette procédure. La Commission supportera un quart de ses dépens afférents à la procédure au principal.

6)      Sviluppo Globale est condamnée à supporter l’ensemble des dépens afférents à la procédure en référé dans l’affaire T‑6/10 R.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 22 mai 2012.

Signatures


* Langue de procédure : l’italien.