Language of document : ECLI:EU:T:1998:215

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

16 septembre 1998 (1)

«Concurrence — Repostage — Recours en annulation — Rejet partiel d'une plainte»

Dans les affaires T-133/95 et T-204/95,

International Express Carriers Conference (IECC) , organisation professionnelle de droit suisse, établie à Genève (Suisse), représentée par Mes Éric Morgan de Rivery, avocat au barreau de Paris, et Jacques Derenne, avocat aux barreaux de Bruxelles et de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Alex Schmitt, 62, avenue Guillaume,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée initialement par M. Francisco Enrique González Díaz, membre du service juridique, et Mme Rosemary Caudwell, fonctionnaire nationale détachée auprès de la Commission, puis par Mmes Caudwell et Fabiola Mascardi, fonctionnaire nationale détachée auprès de la Commission, en qualité d'agents, assistées de M. Nicholas Forwood, QC, ayant élu domicile à Luxembourg auprès de M. Carlos Gómez de la Cruz, membre du service juridique, Centre Wagner, Kirchberg,

partie défenderesse,

soutenue par,

dans les affaires T-133/95 et T-204/95,

Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, représenté par Mme Stephanie Ridley, du Treasury Solicitor's Department, et, lors de la procédure orale, également par M. Nicholas Green, QC, en qualité d'agents, ayant élu domicile à Luxembourg au siège de l'ambassade du Royaume-Uni, 14, boulevard Roosevelt,

Deutsche Post AG, représentée par Me Dirk Schroeder, avocat à Cologne, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

et

Post Office, représenté par M. Ulick Bourke, solicitor of the Supreme Court of England and Wales, et, lors de la procédure orale également par M. Stuart Isaacs et Mme Sarah Moore, barristers, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Mes Loesch et Wolter, 11, rue Goethe,

et, dans l'affaire T-133/95,

La Poste, représentée par Mes Hervé Lehman et Sylvain Rieuneau, avocats au barreau de Paris, ayant élu domicile à Luxembourg en l'étude de Me Aloyse May, 31, Grand-rue,

parties intervenantes,

ayant pour objet des demandes visant, en substance, à l'annulation des décisions de la Commission du 6 avril et du 14 août 1995, par lesquelles elle a définitivement rejeté la partie de la plainte déposée par la requérante le 13 juillet 1988 dans laquelle celle-ci dénonçait l'interception par certains opérateurs publics des postes, sur le fondement de l'article 25 de la convention de l'Union postale universelle, de courriers ayant fait l'objet d'un repostage,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE

DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre élargie),

composé de MM. B. Vesterdorf, président, C. P. Briët, Mme P. Lindh, MM. A. Potocki et J. D. Cooke, juges,

greffier: M. H. Jung,

vu la procédure écrite et à la suite de la procédure orale du 13 mai 1997.

rend le présent

Arrêt

Faits à l'origine du litige

International Express Carriers Conference (IECC) et repostage

1.
    L'International Express Carriers Conference (IECC) est une organisation représentant les intérêts de certaines entreprises fournissant des services de courrier express. Ses membres offrent, entre autres, des services dits de «repostage» consistant à transporter du courrier en provenance d'un pays A vers le territoire d'un pays B en vue d'y être déposé auprès de l'opérateur postal public (ci-après «OPP») local, afin d'être finalement acheminé par celui-ci sur son propre territoire ou à destination d'un pays A ou C.

2.
    Il est de coutume de distinguer trois catégories de services de repostage:

—    le «repostage ABC», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être acheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers un pays C, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné;

—    le «repostage ABB», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être acheminé auprès du destinataire final du courrier résidant dans ce même pays B;

—    le «repostage ABA», qui correspond à la situation dans laquelle le courrier originaire d'un pays A est transporté et introduit par des sociétés privées dans le système postal d'un pays B, afin d'être ré-acheminé par l'intermédiaire du système postal international classique vers le pays A, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné.

3.
    Il convient d'ajouter à ces trois types de repostage, le repostage dit «repostage non physique». Ce type de repostage correspond à la situation dans laquelle des informations en provenance d'un pays A sont transportées par voie électronique vers un pays B, où elles sont, en tant que telles ou après transformation, imprimées sur papier et ensuite transportées et introduites dans le système postal du pays B ou d'un pays C, afin d'être acheminées par l'intermédiaire du système postal

international classique vers un pays A, B ou C, dans lequel réside le destinataire final du courrier concerné.

Frais terminaux et convention de l'Union postale universelle

4.
    La convention de l'Union postale universelle (UPU), adoptée le 10 juillet 1964 dans le cadre de l'Organisation des Nations unies, convention à laquelle tous les États membres de la Communauté européenne ont adhéré, constitue le cadre des relations entre les administrations postales du monde entier. C'est dans ce cadre qu'a été créée la Conférence européenne des administrations des postes et télécommunications (ci-après «CEPT»), dont font partie toutes les administrations postales européennes visées par la plainte de la requérante.

5.
    Dans les systèmes postaux, le tri du courrier «entrant» et la distribution de celui-ci aux destinataires finaux engendrent des coûts importants pour les OPP. C'est pourquoi les membres de l'UPU ont adopté en 1969 un système de taux de compensation fixe par type de courrier, dénommé «frais terminaux», revenant ainsi sur un principe en vigueur depuis la fondation de celle-ci, en vertu duquel chaque OPP assumait les coûts afférents au tri et à la distribution du courrier entrant sans les facturer aux OPP des pays d'où celui-ci était originaire. La valeur économique du service de distribution fourni par les différentes administrations postales, la structure des coûts de ces administrations et les frais facturés aux clients, pouvaient, quant à eux, substantiellement différer. La différence entre les prix imposés pour l'envoi de courrier national et international dans les différents États membres et l'importance du niveau des «frais terminaux» par rapport à ces différents prix en vigueur sur le plan national constituent des éléments déterminants à l'origine du phénomène du repostage. Les opérateurs de repostage visent, en effet, entre autres, à tirer avantage de ces différences de prix en proposant aux sociétés commerciales de transporter leur courrier vers les OPP offrant le meilleur rapport qualité/prix vers une certaine destination.

6.
    L'article 23 de la convention de l'UPU de 1984, devenu l'article 25 de la convention de l'UPU de 1989, prévoit:

«1. Aucun pays membre n'est tenu d'acheminer, ni de distribuer aux destinataires les envois de la poste aux lettres que des expéditeurs quelconques domiciliés sur son territoire déposent ou font déposer dans un pays étranger, en vue de bénéficier des taxes plus basses qui y sont appliquées. Il en est de même pour les envois de l'espèce déposés en grandes quantités, que de tels dépôts soient ou non effectués en vue de bénéficier de taxes plus basses.

2. Le paragraphe 1 s'applique sans distinction soit aux envois préparés dans le pays habité par l'expéditeur et transporté ensuite à travers la frontière, soit aux envois confectionnés dans un pays étranger.

3. L'administration intéressée a le droit ou de renvoyer les envois à l'origine, ou de les frapper de ses taxes intérieures. Si l'expéditeur refuse de payer ces taxes, elle peut disposer des envois conformément à sa législation intérieure.

4. Aucun pays membre n'est tenu ni d'accepter, ni d'acheminer, ni de distribuer aux destinataires les envois de la poste aux lettres que des expéditeurs quelconques ont déposés ou fait déposer en grande quantité dans un pays autre que celui où ils sont domiciliés. Les administrations intéressées ont le droit de renvoyer de tels envois à l'origine ou de les rendre aux expéditeurs sans restitution de taxe.»

Plainte de l'IECC et l'accord CEPT de 1987

7.
    Le 13 juillet 1988, l'IECC a déposé une plainte auprès de la Commission au titre de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (JO 1962, 13, p. 204, ci-après «règlement n° 17»). En substance, la plaignante alléguait, en premier lieu, que certains OPP de la Communauté européenne et de pays tiers avaient conclu, à Berne, en octobre 1987, un accord de fixation des prix concernant les frais terminaux (ci-après «accord CEPT») et, en second lieu, que certains OPP tentaient d'appliquer un accord de répartition des marchés, en se fondant sur l'article 23 de la convention de l'UPU, pour refuser de distribuer le courrier posté par un client auprès d'un OPP autre que celui du pays dans lequel il réside.

8.
    Il est constant que, le 17 janvier 1995, en vue de remplacer l'accord CEPT de 1987, quatorze OPP, dont douze de la Communauté européenne, ont signé un accord préliminaire sur les frais terminaux. Celui-ci, dénommé «accord REIMS» (système de rémunération des échanges de courriers internationaux entre opérateurs postaux publics ayant l'obligation d'assurer un service universel), prévoit, en substance, un système dans le cadre duquel l'administration postale de destination appliquerait à l'administration postale d'origine un pourcentage fixe de son tarif intérieur pour tout courrier lui parvenant. Une version finalisée de cet accord a été signée le 13 décembre 1995 et notifiée à la Commission le 19 janvier 1996 (JO 1996, C 42, p. 7).

9.
    La première partie de la plainte de l'IECC, concernait l'application de l'article 85 du traité CE à l'accord CEPT.

10.
    Dans la seconde partie de sa plainte, l'IECC reprochait à certains OPP d'appliquer un système visant à se répartir les marchés postaux nationaux sur la base de l'article 23 de la convention de l'UPU. L'IECC alléguait que les OPP britannique, allemand et français (ci-après respectivement, «Post Office», «Deutsche Post», et «La Poste») tentaient, par ailleurs, de dissuader des sociétés commerciales de faire appel aux services des opérateurs privés de repostage, tels que les membres de l'IECC ou essayaient de dissuader d'autres OPP de collaborer avec de tels

opérateurs privés, ainsi qu'il ressort, entre autres, d'une lettre adressée en janvier 1987 par le Post Office à divers OPP, dont un de la Communauté.

11.
    De même, l'IECC alléguait que, au printemps 1988, la Deutsche Post avait tenté de décourager le repostage, en rappelant à des utilisateurs allemands de ce service l'existence de l'article 23 de la convention de l'UPU et en interceptant et en renvoyant du courrier international «entrant» dont les destinataires étaient établis en Allemagne.

12.
    A la demande de la Commission, l'IECC a adressé à celle-ci, le 2 juin 1989, un mémorandum additionnel relatif à l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU et, en particulier, au problème du repostage ABA.

13.
    En outre, l'IECC a fourni en octobre 1989, des informations de la société TNT Skypac concernant l'interception de courrier à destination de l'Afrique par La Poste.

Traitement de la plainte par la Commission

14.
    Les OPP cités dans la plainte de la requérante ont soumis leurs réponses aux questions posées par la Commission en novembre 1988. Au cours de la période entre juin 1989 et février 1991, une correspondance abondante a été échangée entre, d'une part, l'IECC et, d'autre part, divers fonctionnaires de la direction générale Concurrence (DG IV), ainsi que les cabinets des membres de la Commission MM. Bangemann et Brittan.

15.
    En avril 1989, le Post Office a fourni à la Commission l'assurance qu'il n'avait pas lui-même usé des pouvoirs conférés par l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU et n'avait pas l'intention de le faire à l'avenir. En juin 1989, la Deutsche Post a informé la Commission qu'elle était disposée à renoncer à l'application de cette disposition et, en octobre 1989, elle a indiqué qu'elle ne l'appliquait plus.

16.
    Le 18 avril 1991, la Commission a informé l'IECC, qu'elle «avait décidé d'entamer une procédure au titre des dispositions du règlement n° 17 [...] sur la base des articles 85, paragraphe 1, et 86 du traité».

17.
    Le 7 avril 1993, elle a informé l'IECC qu'elle avait adopté une communication des griefs le 5 avril 1993 et que celle-ci devait être adressée aux OPP concernés.

18.
    Le 13 juillet 1994, la Commission a adressé une lettre à l'IECC dans laquelle elle affirmait: «Je m'inquiète cependant du nombre croissant d'incidents au cours desquels du courrier ayant été physiquement créé aux Pays-Bas, par exemple, pour être envoyé à des clients allemands, est intercepté et déclaré 'repostage non physique ABA‘ par le service postal de la [Deutsche Post ...]»

19.
    Le 26 juillet 1994, l'IECC a invité la Commission, en application de l'article 175 du traité, à lui adresser une lettre, conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63 de la Commission du 25 juillet 1963, relatif aux auditions prévues à l'article 19, paragraphes 1 et 2, du règlement n° 17 (JO 1963, 127, p. 2268, ci-après «règlement n° 99/63»), dans l'hypothèse où elle estimerait que l'adoption d'une décision d'interdiction à l'égard des OPP n'était pas nécessaire.

20.
    Le 23 septembre 1994, la Commission a adressé à l'IECC une lettre conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63, concernant la partie de la plainte relative à l'accord CEPT. En ce qui concerne l'interception de repostage non physique ABA, la Commission a indiqué qu'elle «considère que cette conduite est très grave et a l'intention de mettre fin à de tels abus».

21.
    Le 23 novembre 1994, l'IECC a invité la Commission à prendre position, au sens de l'article 175 du traité, sur l'ensemble de sa plainte. Elle a également demandé à avoir accès au dossier.

22.
    Le 15 février 1995, estimant que la Commission n'avait pas pris position au sens de l'article 175 du traité, l'IECC a introduit un recours en carence, enregistré sous le numéro T-28/95.

23.
    Le 17 février 1995, la Commission a adressé à l'IECC, d'une part, la décision de rejet de sa plainte en ce qu'elle concerne l'application de l'article 85 du traité à l'accord CEPT, d'autre part, une lettre, au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, l'informant des raisons pour lesquelles elle ne pouvait accéder à sa demande relative à l'interception de courrier sur le fondement de l'article 23 de la convention de l'UPU.

24.
    Le 22 février 1995, l'IECC a communiqué à la Commission ses observations relatives à cette dernière lettre. Elle y fait, entre autres, remarquer ce qui suit:

«Pour autant que l'IECC le sache, tous les exemples de restrictions qu'elle a cités constituaient des applications de l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU contre le repostage ABC. Puisque votre lettre du 17 février ne fait aucune allusion aux restrictions au repostage ABC, l'IECC ne peut considérer qu'il s'agit d'une justification adéquate pour rejeter sa plainte.»

25.
    Le 6 avril 1995, la Commission a adressé à la requérante une décision relative à la seconde partie de sa plainte, dans laquelle elle a notamment indiqué:

«4. Les observations qui ont été présentées par la suite par votre conseil [...], le 22 février 1995, ne font état d'aucun argument, pour les raisons exposées ci-après, propre à justifier que la Commission modifie sa position. La présente lettre a pour objet de vous informer de la décision définitive de la Commission au sujet des

allégations figurant dans votre plainte relatives à l'interception de courrier sur la base de l'article [23] de la convention de l'UPU.

5. Résumée sommairement, la lettre que la Commission vous a adressée le 17 février 1995 en application de l'article 6 du règlement n° 99/63 a défini quatre catégories d'envois ayant fait l'objet d'une interception sur la base de la convention de l'UPU, à savoir le repostage ABA physique commercial, le repostage ABA physique non commercial ou privé, le repostage ABA dit ”non physique” [...] et le courrier transfrontalier normal [...]

6. En ce qui concerne le repostage ABA physique commercial, la Commission estime que, dans la mesure où la collecte à des fins commerciales du courrier auprès de résidents du pays B en vue d'un repostage dans le pays A à destination finale du pays B constitue un contournement du monopole national de distribution intérieure du courrier, monopole prévu par la législation du pays B, l'interception de ce courrier à son retour dans le pays B peut être considérée comme un acte légitime dans les circonstances actuelles et ne constitue donc pas un abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité CE. [... La Commission a ...] relevé spécialement que ce contournement du monopole national est 'rendu profitable du fait même des niveaux actuellement déséquilibrés des frais terminaux‘ et que c'est précisément pour cette raison qu'une certaine protection peut se justifier à ce stade [...]

7. S'agissant de l'interception du repostage ABA physique non commercial, du repostage dit 'non physique‘ et du courrier transfrontalier normal, la Commission estime que, puisque les membres de l'IECC ne sont pas impliqués dans les activités portant sur ce type de courrier, ils ne sont pas affectés dans leurs activités commerciales par l'interception de ce courrier et n'ont donc aucun intérêt légitime, au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17, à saisir la Commission d'une plainte pour violation des règles de la concurrence.

[...] Selon la Commission [...] le repostage dit 'non physique‘ se déroule selon le scénario suivant: une société multinationale, par exemple une banque, [...] crée une infrastructure centrale d'impression et d'expédition dans un État membre particulier A; des informations sont envoyées par voie électronique, en provenance de toutes les filiales et succursales de la banque, à destination du service central, où ces informations sont transformées en courrier physique, sous forme, par exemple, de relevés bancaires, lesquels sont ensuite préparés pour être affranchis et déposés auprès de l'opérateur postal local [...]

[...] [I]l n'y a, selon nous, aucun élément susceptible d'indiquer de quelle manière les membres de l'IECC pourraient être impliqués dans ce type d'arrangement [...]

8. Eu égard aux considérations qui précèdent, je vous informe que votre demande du 13 juillet 1988, fondée sur l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17/62, en ce qu'elle vise l'interception de repostage ABA physique commercial, de repostage

ABA physique non commercial, de repostage 'non physique‘ et de courrier transfrontalier normal, est rejetée.»

26.
    Le 12 avril 1995, la Commission a adressé à l'IECC une lettre, au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, concernant l'application des règles de concurrence à l'interception de repostage ABC. L'IECC a répondu à cette lettre le 9 juin 1995.

27.
    Le 14 août 1995, la Commission a adopté une décision finale relative à l'interception par certains OPP de repostage ABC, dans laquelle elle indique notamment:

«(A) Interception du repostage ABA

3. [... V]ous avez reçu une lettre, datée du 6 avril 1995, [...] indiquant que la partie de votre plainte relative à l'interception du repostage ABA physique commercial, du repostage ABA physique non commercial, du repostage 'non physique‘ et du courrier transfrontalier normal, avait été rejetée [...]

(B) Interception du repostage ABC

6. La lettre de [l'IECC] du 9 juin 1995 affirme que i) la Commission n'est plus compétente pour prendre une nouvelle décision sur cette question et que ii), même si la Commission était compétente, le rejet de cette partie de la plainte [...] n'était pas approprié pour un certain nombre de raisons.

[...]

11. Le 21 avril 1989, le Post Office a donné des assurances à la Commission en ce sens qu'il n'avait pas lui-même fait usage des pouvoirs découlant de l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU, ni n'avait d'ailleurs l'intention de le faire à l'avenir. De même, ce qui était alors le Bundespost Postdienst a informé la Commission, le 10 octobre 1989, qu'il ne faisait plus application de l'article 23, paragraphe 4, au repostage ABC entre États membres [...]

13. [S]'il est vrai que la Commission peut adopter une décision formelle d'interdiction à propos d'un comportement restrictif de la concurrence qui a entre-temps cessé, elle n'a pas l'obligation de le faire et décide de l'opportunité d'une telle mesure eu égard aux circonstances spécifiques du cas en question. En l'espèce, il n'existe aucune preuve que les deux opérateurs postaux visés dans la plainte de l'IECC de 1988 [...] n'ont pas tenu leur engagement donné par chacun d'eux à la Commission en 1989, de s'abstenir d'invoquer l'article 23, paragraphe 4, pour le repostage ABC [...]

14.5. La Commission tient à souligner que la simple existence de l'article 23/25 de l'UPU n'est pas nécessairement contraire aux règles communautaires de la

concurrence: seul l'usage des possibilités d'action ouvertes par l'article 23/25 peut, dans certaines circonstances — c'est-à-dire, entre États membres — constituer une infraction à ces règles. [...]

15. La demande d'IECC tendant à obtenir que des sanctions sévères soient infligées aux administrations postales afin de mettre un terme aux violations des règles communautaires de la concurrence s'accorde mal avec l'incapacité de l'IECC à prouver que les infractions persistent ou qu'il existe un réel danger qu'elles reprennent.

[...]

18. [...] La Poste a répondu le 24 octobre 1990 en répétant qu'elle considérait qu'une [...] utilisation de l'article 23 de l'UPU était légitime sur le plan du droit communautaire. L'incident a été par la suite traité dans la communication des griefs, La Poste restant campée sur sa position selon laquelle l'incident n'était pas incompatible avec le droit communautaire.

19. Dans les circonstances de l'espèce, eu égard au caractère isolé de l'incident et en l'absence de preuve du renouvellement d'un tel comportement, la Commission ne juge pas nécessaire de prendre une décision d'interdiction à l'encontre de la Poste.»

Procédure

28.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 juin 1995, la requérante a introduit un recours fondé sur l'article 173 du traité visant à l'annulation de la décision du 6 avril 1995. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro T-133/95.

29.
    Par requête déposée au greffe du Tribunal le 28 octobre 1995, la requérante a introduit un recours fondé sur l'article 173 du traité visant à l'annulation de la décision du 14 août 1995. Cette affaire a été enregistrée sous le numéro T-204/95.

30.
    Par ordonnances du 6 février 1996, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a admis l'intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord, du Post Office, de La Poste et de la Deutsche Post au soutien des conclusions de la Commission dans l'affaire T-133/95.

31.
    Par ordonnances du 13 mai 1996, le président de la troisième chambre élargie du Tribunal a admis l'intervention du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlandedu Nord, du Post Office, de La Poste et de la Deutsche Post au soutien des conclusions de la Commission dans l'affaire T-204/95.

32.
    Le 7 août 1996, La Poste a demandé le retrait de son intervention dans l'affaire T-204/95. Par ordonnance du 26 novembre 1996, le président de la troisième

chambre élargie du Tribunal a pris acte du retrait de l'intervention de La Poste dans l'affaire T-204/95.

33.
    Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre élargie) a décidé d'ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, il a invité certaines parties à produire des documents et à répondre à des questions, soit par écrit, soit oralement à l'audience. Les parties ont déféré à ces invitations.

34.
    Conformément à l'article 50 du règlement de procédure, les affaires T-28/95, T-110/95, T-133/95 et T-204/95, introduites par la même requérante et connexes dans leur objet, ont été jointes en vue de la procédure orale par ordonnance du président de la troisième chambre élargie du Tribunal du 12 mars 1997.

35.
    Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l'audience du 13 mai 1997.

36.
    Conformément à l'article 50 du règlement de procédure, les parties entendues, le Tribunal décide de joindre les affaires T-133/95 et T-204/95 en vue de l'arrêt.

37.
    Le 26 septembre 1997, la requérante a sollicité une réouverture des débats en vertu de l'article 62 du règlement de procédure. La Commission, le Post Office, la Poste et la Deutsche Post ont, sur invitation du Tribunal, fait savoir qu'ils estimaient qu'il n'y avait pas lieu de rouvrir les débats. Le 26 février 1998, la requérante a demandé à nouveau la réouverture des débats. Le Tribunal considère que, au regard des pièces produites par la requérante, il n'y a pas lieu d'accueillir ces demandes. En effet, les éléments nouveaux invoqués par la requérante à l'appui de celles-ci, soit ne contiennent aucun élément décisif pour l'issue du litige en cause, soit se limitent à démontrer l'existence de faits manifestement postérieurs à l'adoption des décisions attaquées, faits qui ne sauraient, en conséquence, en affecter la validité.

Conclusions des parties

Dans l'affaire T-133/95,

38.
    La requérante conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    annuler la décision de la Commission du 6 avril 1995;

—    ordonner toute autre mesure que le Tribunal considère comme appropriée pour amener la Commission à se conformer à l'article 176 du traité;

—     condamner la Commission aux dépens.

39.
    Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante demande en outre au Tribunal de:

—    déclarer irrecevable le mémoire en intervention du Post Office;

—    condamner les parties intervenantes aux dépens relatifs aux observations sur les interventions;

—    ordonner la production de certaines pièces.

40.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     rejeter le recours;

—     condamner la requérante aux dépens.

41.
    La Deutsche Post conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens de son intervention.

42.
    La Poste conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux dépens de son intervention.

43.
    Le Royaume-Uni et le Post Office concluent au rejet du recours.

Dans l'affaire T-204/95

44.
    La requérante conclut, dans sa requête, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     déclarer inexistante la lettre de la Commission du 14 août 1995;

—    à titre subsidiaire, annuler la décision de la Commission du 14 août 1995 et ordonner toute autre mesure que le Tribunal considère comme appropriée pour amener la Commission à se conformer à l'article 176 du traité;

—     condamner la Commission aux dépens.

45.
    Dans sa réplique, la requérante conclut, en outre, à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     déclarer inexistante la lettre de la Commission du 12 avril 1995;

—    ordonner à la Commission, conformément aux articles 64 et/ou 65 du règlement de procédure, de produire, avant la procédure orale, certains documents invoqués par elle dans sa décision, dans ses conclusions, ou tout au moins, dans l'hypothèse où la confidentialité serait invoquée, de permettre au Tribunal d'examiner ces documents.

46.
    Dans ses observations sur les mémoires en intervention, la requérante demande en outre au Tribunal de:

—    déclarer irrecevable le mémoire en intervention du Post Office;

—    condamner les parties intervenantes aux dépens relatifs aux observations sur les interventions;

—    ordonner la production de certaines pièces.

47.
    La Commission conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—     rejeter le recours;

—     condamner la requérante aux dépens.

48.
    La Deutsche Post conclut à ce qu'il plaise au Tribunal:

—    rejeter le recours;

—    condamner la requérante aux frais de l'instance, y compris ses propres frais.

49.
    Le Post Office et le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord concluent au rejet du recours.

Sur la recevabilité des mémoires en intervention du Post Office

50.
    Selon la requérante, les mémoires en intervention du Post Office déposés dans les affaires T-133/95 et T-204/95 ne sont pas conformes à l'article 116, paragraphe 4, sous a), du règlement de procédure, dans la mesure où ils n'indiquent pas au soutien de quelle partie ils ont été déposés, de sorte qu'ils doivent être déclarés irrecevables.

51.
    En vertu de l'article 37, paragraphe 3, du statut (CE) de la Cour et de l'article 116, paragraphe 4, sous a), du règlement de procédure du Tribunal, les conclusions d'un mémoire en intervention ne peuvent avoir d'autre objet que le soutien des conclusions de l'une des parties au principal. Or, il ressort du mémoire en intervention du Post Office dans chacune des affaires que l'objectif de ces interventions était de soutenir les conclusions de la Commission, nonobstant

l'absence de conclusions formelles en ce sens. La requérante ne pouvait donc entretenir de doutes sérieux quant à la portée ou à l'objectif visé par les mémoires en intervention. Il convient de rappeler, en outre, que les demandes d'intervention du Post Office contenaient, conformément à l'article 115, paragraphe 2, sous e), du règlement de procédure, l'indication des conclusions au soutien desquelles celui-ci demandait à intervenir et que les ordonnances du 6 février et du 13 mai 1996, précitées, ont, au point 1 de leur dispositif, admis l'intervention du Post Office «au soutien des conclusions de la partie défenderesse». Dans ces circonstances, il convient de rejeter ce chef de conclusions.

Sur la recevabilité de la demande tendant à ce que le Tribunal ordonne à la Commission d'adopter les mesures appropriées en vue de se conformer aux obligations prévues par l'article 176 du traité

52.
    En vertu d'une jurisprudence constante, il n'appartient pas au juge communautaire d'adresser des injonctions aux institutions communautaires ou de se substituer à ces dernières dans le cadre du contrôle de légalité qu'il exerce. Il incombe à l'institution concernée, en vertu de l'article 176 du traité, de prendre les mesures que comporte l'exécution d'un arrêt rendu dans le cadre d'un recours en annulation.

53.
    Ce chef de conclusions est, dès lors, irrecevable.

Sur le fond

54.
    Il convient de déterminer, tout d'abord, la portée des décisions du 6 avril et du 14 août 1995, les parties étant en désaccord à cet égard (A), puis d'examiner les moyens propres à l'affaire T-133/95 (B) et les conclusions et moyens spécifiques de l'affaire T-204/95 (C). Enfin, les moyens relatifs à l'existence d'un détournement de pouvoir et à la violation de certains principes généraux de droit, soulevés dans les deux affaires, seront examinés conjointement (D).

A — Portée des décisions du 6 avril et du 14 août 1995

Arguments des parties

55.
    La requérante expose, dans son mémoire en réplique dans l'affaire T-133/95, que la décision du 6 avril 1995, ainsi qu'il ressort de ses points 1 à 4, concerne non seulement les interceptions de repostage ABA, mais également celles de repostage ABC. Rien dans cette décision ne pouvait ainsi laisser penser que ce dernier type d'interceptions ferait l'objet de la décision du 14 août 1995. En outre, dans son mémoire en défense dans cette affaire, la Commission aurait reconnu que sa lettre du 17 février 1995, au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, portait sur l'ensemble de la deuxième partie de la plainte.

56.
    La Commission prétendrait limiter, a posteriori, la portée de la décision du 6 avril 1995 dans le seul but de pallier le défaut de motivation dont elle est entachée. Dès le 22 février 1995, la requérante avait ainsi attiré l'attention de la Commission sur le fait que celle-ci avait occulté le repostage ABC dans sa lettre du 17 février 1995.

57.
    La Commission rappelle qu'elle avait omis de traiter dans sa lettre du 17 février 1995 l'aspect de la plainte relatif au repostage ABC, ce que la requérante lui avait fait remarquer dans sa lettre du 22 février 1995. C'est la raison pour laquelle la décision du 6 avril 1995 ne porterait pas sur cet aspect de la plainte, mais uniquement sur les autres formes d'interception.

Appréciation du Tribunal

58.
    Il ressort du point 8 de la décision du 6 avril 1995, qui en constitue la conclusion, et des points 5 à 7 de celle-ci, qui en constituent les motifs, qu'elle concerne limitativement les aspects de la plainte relatifs aux interceptions du repostage physique commercial ABA, du repostage physique non commercial ABA, du repostage non physique et du courrier transfrontalier normal, qui étaient ceux énumérés dans la lettre de la Commission du 17 février 1995. La requérante avait d'ailleurs elle-même, dans sa lettre du 22 février 1995 (citée ci-dessus au point 24), souligné la portée limitée de la lettre de la Commission du 17 février 1995 envoyée en vertu de l'article 6 du règlement n° 99/63 et précédant l'adoption de la décision du 6 avril 1995.

59.
    Il ressort, en conséquence, de la lecture de la décision du 6 avril 1995 que la partie de la plainte relative au repostage ABC n'était pas visée par cette décision.

60.
    La circonstance que cette omission résulterait d'un oubli ou, au contraire, de la volonté délibérée de la Commission, n'est pas de nature à modifier la délimitation objective du champ d'application de la décision du 6 avril 1995.

61.
    Par ailleurs, il ressort du libellé même de la décision du 14 août 1995 que celle-cine concerne que l'appréciation finale de la Commission sur la partie de la plainte relative au repostage ABC.

62.
    Les objections de la requérante sur la portée des décisions du 6 avril et du 14 août 1995 doivent, en conséquence, être rejetées.

B — Moyens propres à l'affaire T-133/95

Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

Arguments des parties

63.
    La requérante fait valoir, en substance, que la décision du 6 avril 1995 est entachée d'un défaut ou d'une insuffisance de motivation en ce qui concerne le rejet des aspects de sa plainte relatifs au repostage ABC, d'une part, et au repostage non physique, d'autre part.

64.
    Elle soutient, en outre, que ni la communication des griefs ni la lettre du 17 février 1995, envoyée en vertu de l'article 6 du règlement n° 99/63, ni la décision du 6 avril 1995 ne contiennent d'indications démontrant que la Commission a examiné la partie de sa plainte dans laquelle elle exposait que la mise en oeuvre de l'article 23 de la convention de l'UPU était assurée par des accords conclus en ce sens par les OPP, contraires à l'article 85 du traité.

65.
    Elle ajoute qu'il est inacceptable que la Commission examine ce dernier aspect de la plainte dans le cadre d'une décision qu'elle adopterait à un stade ultérieur (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Ladbroke/Commission, T-74/92, Rec. p. II-115, point 60, et du 28 septembre 1995, Sytraval et Brink's France/Commission, T-95/94, Rec. p. II-2651, point 62). Ce faisant, la Commission aurait violé l'article 190 du traité.

66.
    La Commission objecte que la décision du 6 avril 1995 ne concerne ni les questions relatives au repostage ABC ni les infractions alléguées à l'article 85 du traité. En outre, la décision comporterait une motivation suffisante en ce qui concerne le repostage non physique.

Appréciation du Tribunal

67.
    Il résulte, tout d'abord, de l'appréciation du Tribunal sur la portée de la décision du 6 avril 1995 (voir ci-dessus points 58 à 62) que celle-ci ne concernait pas le repostage ABC. Dès lors, le moyen tiré du défaut de motivation de la décision sur ce point est non fondé.

68.
    Ensuite, dans cette décision du 6 avril 1995, la Commission a considéré que la requérante n'avait fourni aucun élément de nature à établir que ses membres pourraient être impliqués dans des activités de repostage non physique ABA, de sorte qu'ils n'avaient aucun intérêt légitime, au sens de l'article 3, paragraphe 2, du règlement n° 17. La décision fait donc apparaître, de manière claire et non équivoque, le raisonnement de la Commission. Dans ces conditions, le moyen tiré d'un défaut de motivation à cet égard doit être rejeté, l'exactitude de la conclusion de la Commission relevant du fond de l'affaire.

69.
    Enfin, il ressort de la décision du 6 avril 1995 que celle-ci ne concerne pas les prétendues infractions des OPP à l'article 85 du traité. Il convient de relever, à cet égard, que le traitement séparé de cet aspect de la plainte n'affecte pas l'examen des autres aspects de celle-ci. Il ne ressort d'ailleurs pas du dossier que la requérante ait fait valoir que ces différents aspects ne pouvaient être dissociés, alors qu'il était manifeste que la Commission concentrait son examen, d'une part, sur l'application de l'article 85 du traité à l'accord CEPT et, d'autre part, sur l'application de l'article 86 aux interceptions de repostage alléguées.

70.
    Au vu de ces éléments, le moyen doit être rejeté dans son ensemble.

Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17

Arguments des parties

71.
    La requérante fait valoir que, en concluant que les membres de l'IECC n'avaient pas d'intérêt légitime à dénoncer les pratiques abusives des OPP relatives au repostage non physique, la Commission a méconnu l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17.

72.
    En premier lieu, pour parvenir à cette conclusion, la Commission aurait défini le concept de repostage non physique de façon inhabituellement étroite, en le limitant au repostage non physique ABA, dans lequel les membres de l'IECC, par définition, n'interviennent pas.

73.
    En second lieu, la requérante soutient que la Commission a, ce faisant, ignoré l'intérêt légitime de ses membres à dénoncer des pratiques des OPP dans le cas du repostage non physique ABCA. En effet, dans ce type de repostage, le courrier matériellement produit dans le pays B est introduit par un opérateur privé de repostage dans le système postal du pays C, afin d'être acheminé dans le pays A. La requérante observe que cette forme de repostage équivaut, en pratique, à du repostage ABC. Toutefois, sur le fondement d'une interprétation large de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU, les OPP pourraient intercepter ce courrier en le qualifiant de repostage non physique ABCA. Une telle interception, au titre de cette doctrine du repostage non physique, constituerait une menace réelle pour les membres de l'IECC, ce que la Commission aurait négligé.

74.
    La requérante rappelle que sa plainte et la communication des griefs mentionnaient des exemples de repostage ABC que la Deutsche Post avait tenté de qualifier de «repostage non physique». La Commission, dans sa lettre du 13 juillet 1994 adressée à l'IECC, se disait «préoccupée» par l'utilisation de cette doctrine du repostage non physique. En outre, elle avait, le 5 mai 1995, adressé une lettre à l'avocat de la société Lanier dont le courrier avait été intercepté par la Deutsche Post. Enfin, celle-ci, en juin 1994, aurait intercepté, sur le fondement de l'article 23,

paragraphe 1, de la convention de l'UPU et de la doctrine du repostage non physique, une part importante du courrier ABC expédié par la société suisse Matra AG.

75.
    La requérante fait enfin observer que, en mai 1994, le comité exécutif de l'UPU a proposé l'élargissement du champ d'application de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU, en vue de faciliter l'interception du courrier non physique. Cette proposition aurait été adoptée en septembre 1996.

76.
    La Commission reconnaît que, dans sa communication des griefs, elle indiquait que les OPP avaient eu des difficultés pour interpréter le champ d'application de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU. Elle estime, toutefois, que son rôle n'est pas de formuler des interprétations sur l'incidence que pourrait avoir l'application du droit de la concurrence à des scénarii fictifs, mais bien de faire respecter ces règles dans des cas concrets.

77.
    Or, en l'espèce, la requérante confirmerait que ses membres ne sont pas concernés par le repostage non physique, tel que défini dans la décision du 6 avril 1995, et que le repostage non physique ABCA équivaut au repostage ABC.

Appréciation du Tribunal

78.
    En vertu de l'article 3, paragraphe 2, sous b), du règlement n° 17, sont habilitées à présenter une plainte pour violation des articles 85 et 86 du traité les personnes physiques ou morales qui font valoir un intérêt légitime.

79.
    Il en résulte que la Commission pouvait légitimement, et sans préjudice de son droit d'ouvrir, le cas échéant, d'office une procédure de constatation d'infraction, ne pas donner suite à une plainte émanant d'une entreprise ne justifiant pas d'un intérêt légitime. Dès lors, il importe peu de déterminer à quel stade de l'instruction du dossier la Commission a constaté que cette condition n'était pas remplie.

80.
    En l'espèce, la Commission a, dans sa décision du 6 avril 1995, conclu que les membres de l'IECC n'avaient pas d'intérêt légitime à contester les pratiques relatives au repostage non physique ABA.

81.
    Dans ses écritures, la requérante confirme que ses membres n'interviennent pas, par définition, dans les opérations de repostage non physique, telles qu'elles sont définies dans la décision du 6 avril 1995.

82.
    La circonstance, sur laquelle la requérante a largement insisté dans ses écritures, que ses membres pourraient être concernés par une autre forme de repostage non physique, à savoir le repostage non physique ABCA, compte tenu de l'utilisation par les OPP de la doctrine du repostage non physique, ne saurait affecter la conclusion à laquelle est parvenue la Commission en ce qui concerne le repostage non physique ABA, et dont la requérante reconnaît, au surplus, le bien-fondé. De

surcroît, la requérante confirme que le repostage non physique ABCA équivaut, en réalité, au repostage ABC, qui a été examiné par la Commission dans sa décision du 14 août 1995 et sera donc abordé par le Tribunal dans le cadre du recours formé contre cette décision.

83.
    Le moyen doit, dès lors, être rejeté.

Sur le troisième moyen, tiré d'une violation des articles 85 et 86 du traité

Sur les première et deuxième branches

— Arguments des parties

84.
    La requérante souligne, en premier lieu, que la Commission fonde la décision du 6 avril 1995, en ce qu'elle concerne le repostage commercial ABA, sur la prémisse que les OPP ont le droit d'intercepter tout courrier dont ils estiment qu'il est transporté en violation de leur monopole légal. Or, selon elle, cette pratique viole le principe de séparation des fonctions commerciales et réglementaires (arrêt de la Cour du 13 décembre 1991, GB-INNO-BM, C-18/88, Rec. p. I-5941, points 25 et 26).

85.
    En deuxième lieu, elle considère que l'argumentation de la Commission, selon laquelle les interceptions de courrier ABA visent à protéger le monopole postal des OPP, aurait dû être justifiée par rapport à l'article 90, paragraphe 2, du traité. Elle relève, à ce propos, que la Commission suggère que le repostage ABA risque d'entraîner une réduction du chiffre d'affaires des OPP et de mettre en péril le service universel qu'ils doivent fournir.

86.
    En troisième lieu, la décision du 6 avril 1995, en ce qu'elle concerne le courrier commercial ABA, serait fondée sur le déséquilibre actuel entre les coûts supportés par les OPP et les frais terminaux. Or, ce déséquilibre ne serait que le résultat d'un accord illicite de fixation des prix entre OPP.

87.
    En quatrième lieu, maintenir en place un tel système constituerait une discrimination incompatible avec l'article 86, sous c), du traité.

88.
    La Commission rétorque, tout d'abord, qu'elle est partie de la prémisse que les OPP, auxquels a été confiée une mission de service universel, sont fondés à protéger leur monopole contre des détournements. Tel serait le cas, notamment, lorsqu'il existe un déséquilibre entre les coûts supportés et les montants récupérés par le biais du système existant des frais terminaux. Elle en a conclu que l'interception de courrier ABA, qui est en réalité du courrier purement interne au pays A, ne constituait pas une violation de l'article 86 du traité. Elle précise que, en adoptant cette position, elle ne fait pas application de l'article 90, paragraphe

2, du traité. Elle estime qu'une telle interception ne constitue pas nécessairement l'exercice d'une fonction réglementaire.

89.
    Elle souligne, ensuite, la difficulté pour les OPP de faire respecter leurs droits exclusifs tant que le courrier ne leur a pas été renvoyé aux fins de distribution interne. La Commission relève que le type de repostage concerné n'était pas visé par l'adoption de l'accord CEPT.

90.
    Elle estime, enfin, qu'il ne saurait être question de discrimination en l'occurrence, dès lors que les prestations de service faisant l'objet de traitements différents ne sont pas équivalentes.

91.
    La Deutsche Post estime que l'on ne saurait obliger un OPP à délivrer du courrier à perte, lorsque ce courrier a été illégalement transporté à l'étranger en vue d'éviter que le tarif postal national ne lui soit appliqué.

92.
    Le Royaume-Uni rappelle que, pour l'équilibre financier des OPP, obligés de fournir un service universel, il est essentiel que les ventes de timbres pour le courrier intérieur génèrent des revenus suffisants.

93.
    La Poste souligne que les frais exposés en vue de la distribution de courrier au destinataire final représentent la plus grande partie des frais que l'OPP expose globalement. Par ailleurs, elle estime que l'application du droit communautaire n'est garantie que dans la mesure où ce droit n'est pas utilisé de manière abusive, dans le but de contourner des dispositions de droit national (arrêts de la Cour du 27 septembre 1989, Van de Bijl/Staatssecretaris van Economische Zaken, 130/88, Rec. p. 3039, et du 5 octobre 1994, TV 10, C-23/93, Rec. p. I-4795).

— Appréciation du Tribunal

94.
    Dans sa décision du 6 avril 1995, la Commission a considéré que le repostage commercial ABA constituait, en réalité, un contournement du monopole postal légal des OPP. Elle a ensuite estimé que l'interception de ce type de repostage était, dans les circonstances actuelles, légitime et ne pouvait donc être qualifiée d'abus, au sens de l'article 86 du traité. Elle a ainsi relevé que le repostage ABA empêchait l'OPP du pays de destination de couvrir ses frais de distribution du courrier, dans la mesure où les frais terminaux ne sont pas fondés sur les coûts réels.

95.
    Compte tenu du raisonnement de la Commission, il convient de vérifier si les circonstances dont celle-ci se prévaut sont de nature à écarter l'application de l'article 86 du traité.

96.
    Or, l'existence du monopole postal et, en conséquence, le prétendu contournement de celui-ci par le biais du repostage ABA ne sauraient être regardés comme justifiant, en eux-mêmes, l'interception de ce type de repostage.

97.
    Ni les législations nationales attribuant les monopoles légaux aux OPP ni la convention de l'UPU n'imposent à ces OPP d'intercepter du courrier reposté. Les OPP disposaient donc d'une marge de manoeuvre leur permettant, le cas échéant, de ne pas procéder à des interceptions de courrier.

98.
    La nécessité pour les OPP de défendre leur monopole ne saurait, en tant que tel, faire échapper les interceptions du courrier ABA entrant à l'application de l'article 86 du traité. Un tel raisonnement reviendrait, en effet, à exclure une pratique relevant du champ d'application de cette disposition du seul fait de l'existence d'une position dominante.

99.
    Contrairement à ce que la Commission fait valoir, les interceptions litigieuses ne peuvent pas être justifiées objectivement par le fait que les frais terminaux, qui constituent la rémunération des OPP en cas de repostage ABA, ne permettent pas à ceux-ci de couvrir leurs frais de distribution de courrier.

100.
    S'il existe un déséquilibre entre les coûts supportés pour la distribution de courrier entrant par un OPP et la rémunération que celui-ci perçoit, force est de constater qu'il est le résultat d'un accord conclu entre les OPP eux-mêmes, dont les trois OPP concernés par la présente affaire, aux termes duquel les frais terminaux sont des montants fixes, déterminés sans prise en considération des coûts effectivement supportés par l'OPP du pays de destination.

101.
    Une telle pratique, qui tend à remédier aux effets négatifs, pour l'entreprise en position dominante, d'une convention qu'elle a elle-même contribué à élaborer et conclue, ne saurait être regardée comme une justification objective de nature à exclure une pratique d'interception de courrier ABA commercial du champ d'application de l'article 86 du traité.

    

102.
    Par ailleurs, il n'apparaît pas que l'interception du courrier entrant constitue l'unique moyen permettant à l'OPP du pays de destination de couvrir les coûts qu'engendre la distribution de ce courrier, comme l'illustre le fait que la Deutsche Post a, à plusieurs reprises, opéré de simples recouvrements auprès des expéditeurs. Or, il ne ressort pas de la décision attaquée que la Commission ait examiné si d'autres mesures pouvaient être considérées comme moins restrictives que les interceptions.

103.
    La Poste, le Post Office et, quoiqu'indirectement, le Royaume-Uni, ont souligné que les interceptions de repostage ABA commercial étaient justifiées, au regard de l'article 90, paragraphe 2, du traité, par la nécessité de garantir le respect par les OPP de leurs obligations de service universel. Toutefois, il ressort de la décision du 6 avril 1995 que la Commission ne s'est pas référée à cette disposition et n'en a pas fait application en l'espèce, ce qu'elle a confirmé à l'audience.

104.
    Dès lors, les arguments développés à cet égard par ces parties intervenantes sortent du cadre du présent litige. Il n'appartient donc pas au Tribunal, dans le cadre du contrôle de légalité qu'il est appelé à exercer sur le fondement de l'article 173 du traité, de se prononcer sur ces arguments.

105.
    Il convient de conclure que la Commission, en affirmant que les interceptions de repostage ABA commercial ne constituaient pas un abus, au sens de l'article 86 du traité, a commis une erreur de droit.

106.
    En conséquence, la décision du 6 avril 1995 doit être annulée dans la mesure où elle porte appréciation par la Commission de la légalité des interceptions de courrier ABA commercial par les OPP.

107.
    Dans ces circonstances, il n'y a pas lieu de statuer sur les autres arguments soulevés par la requérante dans le cadre des première et deuxième branches de ce moyen.

Sur les troisième et quatrième branches

108.
    La requérante fait valoir, en substance, que la Commission a méconnu les articles 85 et 86 du traité en ne condamnant pas les efforts des OPP pour restreindre le développement, d'une part, du repostage ABC, d'autre part, du repostage non physique.

109.
    Il convient de rappeler, tout d'abord, que la décision du 6 avril 1995 ne porte pas sur l'interception de courrier ABC (voir ci-dessus points 58 à 62), ensuite, que la requérante n'a pas démontré avoir un intérêt légitime à dénoncer des pratiques des OPP relatives au repostage non physique tel que défini dans cette décision.

110.
    Le Tribunal rejette, en conséquence, ces deux branches du présent moyen.

C — Conclusions et moyens propres à l'affaire T-204/95

Sur les conclusions principales, tendant à ce que la lettre du 12 avril 1995 et la décision du 14 août 1995 soient déclarées inexistantes

Arguments des parties

111.
    La requérante rappelle que la décision de la Commission rejetant l'aspect de sa plainte relatif au repostage ABC est celle du 6 avril 1995, et non celle du 14 août 1995. En conséquence, cette dernière serait la seconde décision adoptée par la Commission sur des faits identiques, constitutive d'une confusion grave des différentes étapes administratives.

112.
    Elle estime, dès lors, que cette décision du 14 août 1995 et la lettre envoyée, en vertu de l'article 6 du règlement n° 99/63, le 12 avril 1995 sont superflues. Pour cette raison, ces deux actes doivent être déclarés inexistants (arrêt de la Cour du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a., C-137/92 P, Rec. p. I-2555, points 48 et 49).

113.
    Elle ajoute que l'envoi d'une seconde lettre, au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, et d'une nouvelle décision sur des aspects que la décision du 6 avril 1995 avait déjà vocation à régler la prive de certains droits essentiels reconnus en particulier par l'article 6 de la convention européenne des droits de l'homme, tels que le droit d'accès à un tribunal indépendant et impartial, le droit à l'égalité des armes et le droit d'obtenir justice dans des délais raisonnables.

114.
    Enfin, la Commission ne pourrait se prévaloir de son souci de protéger les droits procéduraux de la requérante. En effet, celle-ci, dans sa lettre du 22 février 1995, avait renoncé à tout droit procédural relatif aux aspects omis dans la lettre de la Commission du 17 février 1995.

115.
    La Commission objecte, en substance, que l'argumentation de la requérante méconnaît la portée des décisions du 6 avril et du 14 août 1995. Elle estime, en toute hypothèse, que les vices allégués par la requérante ne sont pas de nature à fonder une déclaration d'inexistence de la décision du 14 août 1995. Elle nie, enfin, que la convention européenne des droits de l'homme soit applicable en l'occurrence.

Appréciation du Tribunal

116.
    Il résulte de l'appréciation du Tribunal sur la portée des lettres du 6 avril et du 14 août 1995 (voir ci-dessus points 58 à 62) que la prémisse du raisonnement de la requérante est erronée. Dans ces conditions, l'argumentation qu'elle développe au soutien de ses conclusions principales, tendant à ce que la décision du 14 août 1995 et la lettre de la Commission du 12 avril 1995, au titre de l'article 6 du règlement n° 99/63, soient déclarées inexistantes, est inopérante.

117.
    En toute hypothèse, il convient de rappeler que ne peuvent être regardés comme juridiquement inexistants que les actes des institutions entachés d'une irrégularité dont la gravité est si évidente qu'elle ne peut être tolérée par l'ordre juridique communautaire. La gravité des conséquences qui s'attachent à la constatation de l'inexistence d'un acte des institutions de la Communauté postule que, pour des raisons de sécurité juridique, cette constatation soit réservée à des hypothèses tout à fait extrêmes (arrêt Commission/BASF e.a., précité, points 49 et 50). Or, en l'espèce, les vices allégués par la requérante, même s'ils étaient fondés, ne constitueraient pas une irrégularité de nature à conduire au prononcé de l'inexistence de la décision.

118.
    Partant, il convient de rejeter ce chef de conclusions.

Sur les conclusions subsidiaires, tendant à ce que la décision du 14 août 1995 soit annulée

1. Sur le premier moyen, tiré d'une violation de l'article 190 du traité

a) Sur la première branche, tirée d'une absence de motivation relative à la violation alléguée de l'article 85 du traité par les OPP

Arguments des parties

119.
    La requérante allègue que la décision du 14 août 1995 viole l'article 190 du traité parce que la Commission n'a pas suffisamment motivé le rejet de sa plainte en ce qu'elle concerne l'appréciation de l'accord de partage des marchés mis en oeuvre par les OPP au regard de l'article 85 du traité.

120.
    La Commission réplique que la décision du 14 août 1995 ne porte pas sur l'application de l'article 85 du traité à l'accord concerné.

Appréciation du Tribunal

121.
    Une argumentation identique à cette première branche a été soulevée dans le cadre du premier moyen dans l'affaire T-133/95. Le Tribunal rejette dès lors, pour les mêmes raisons que celles indiquées ci-dessus au point 69, cette première branche du moyen.

b) Sur la deuxième branche, tirée d'une motivation insuffisante en ce qui concerne le repostage ABC

Arguments des parties

122.
    La requérante soutient, en premier lieu, que la décision du 14 août 1995 ne comporte pas une motivation suffisante sur l'absence de risque de récidive de certaines infractions commises par la Deutsche Post et La Poste, alors surtout que la Commission avait adopté un point de vue différent dans la communication des griefs qui avait été adressée aux OPP.

123.
    Elle relève, en second lieu, que l'existence des engagements fournis par les OPP, dont la Commission n'a pas vérifié le respect ultérieur, ne constitue pas une motivation suffisante justifiant le changement radical dans l'analyse de cette dernière, qui avait, dans sa communication des griefs, rejeté l'idée que ces engagements fournissaient une réponse adéquate aux points soulevés dans la plainte.

124.
    La Commission réplique que la décision du 14 août 1995 est uniquement motivée par le fait que, depuis la date où les OPP concernés avaient fourni les

engagements, elle n'a trouvé ni obtenu de preuves que ceux-ci continuaient à intercepter du repostage ABC.

Appréciation du Tribunal

125.
    En vertu d'une jurisprudence constante, la motivation d'une décision individuelle doit permettre, d'une part, à son destinataire de connaître les justifications de la mesure prise, afin de faire valoir, le cas échéant, ses droits et de vérifier si la décision est ou non bien fondée, et, d'autre part, au juge communautaire d'exercer son contrôle de légalité (arrêts du Tribunal du 24 janvier 1995, Tremblay e.a./Commission, T-5/93, Rec. p. II-185, point 29, du 12 janvier 1995, Viho/Commission, T-102/92, Rec. p. II-17, points 75 et 76, et du 18 septembre 1996, Asia Motor France e.a./Commission, T-387/94, Rec. p. II-961, points 103 et 104).

126.
    Par ailleurs, il ressort également de la jurisprudence que l'étendue précise de l'obligation de motivation dépend de la nature de l'acte en cause et des circonstances dans lesquelles il a été pris (arrêt de la Cour du 14 janvier 1981, Allemagne/Commission, 819/79, Rec. p. 21, point 19). A ce titre, il convient de rappeler que, en l'espèce, la Commission avait mis en cause, dans la communication des griefs et dans une correspondance ultérieure, certaines pratiques des OPP dans le domaine du repostage ABC.

127.
    Or, il ressort de la décision du 14 août 1995 que la Commission a estimé, en premier lieu, qu'elle n'était pas tenue d'adopter une décision d'interdiction à l'encontre de faits passés.

128.
    En deuxième lieu, elle a rappelé que la Deutsche Post et le Post Office avaient pris l'engagement de ne plus intercepter de repostage ABC. Elle a conclu qu'elle n'avait pas trouvé de preuves que ces OPP continuaient, en dépit de leurs engagements, à intercepter du repostage ABC. Ce faisant, la Commission remplit à suffisance l'obligation imposée par l'article 190 du traité dans les présentes circonstances. En effet, la motivation relative à l'absence d'interceptions de courrier ABC au cours d'une période de plus de cinq années, englobant deux années postérieures à l'adoption de la communication des griefs, fait ressortir clairement les raisons pour lesquelles l'appréciation définitive de la Commission est différente de celle fournie précédemment.

129.
    Par ailleurs, et indépendamment de l'exactitude de l'appréciation des faits ou des raisonnements élaborés par la Commission, celle-ci a suffisamment motivé la décision du 14 août 1995 en ce qu'elle concerne le caractère équivoque des engagements fournis par la Deutsche Post, dès lors qu'elle pouvait raisonnablement estimer que ce caractère équivoque avait disparu en raison du fait que l'OPP concerné s'était conformé à ses injonctions pendant de nombreux mois après l'adoption de la communication des griefs.

130.
    En troisième lieu, la Commission a constaté, tout d'abord, qu'un seul incident d'interception de courrier ABC par La Poste avait été relevé, datant de 1989, et, ensuite, qu'il n'existait aucune preuve établissant d'autres interceptions de ce type par cet OPP. Elle rappelle, enfin, qu'elle n'est pas tenue d'adopter une décision d'interdiction à l'encontre de faits passés et conclut, dans ces conditions, que le caractère isolé de l'interception à laquelle avait procédé La Poste ne justifie pas l'adoption d'une décision. Ce faisant, la Commission a fourni une motivation adéquate sur les raisons pour lesquelles elle estimait que les interceptions de courrier commises par cet OPP ne devaient pas faire l'objet d'une décision d'interdiction.

131.
    En conséquence, ce moyen doit être rejeté dans son ensemble.

2. Sur le deuxième moyen, tiré d'une violation des articles 85 et 86 du traité, d'erreurs manifestes dans l'appréciation des faits et d'erreurs de droit

a) Sur la première branche, relative au repostage ABC

Arguments des parties

132.
    En premier lieu, la requérante fait valoir que les engagements pris par les OPP allemand et britannique n'ont pas été soumis à des charges ou conditions, telles que des obligations de fournir des rapports, ainsi qu'il est habituel dans le cadre du règlement n° 17 et du règlement (CEE) n° 4064/89 du Conseil, du 21 décembre 1989, relatif au contrôle des opérations de concentration entre entreprises (JO L 395, p. 1). En outre, des engagements non publiés ne sauraient annuler les conséquences néfastes d'un accord restrictif de concurrence élaboré dans le cadre de la convention de l'UPU.

133.
    En deuxième lieu, elle estime que la Commission a violé son obligation de contrôler l'application des engagements fournis (arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité, points 76 et 77).

134.
    En troisième lieu, elle conteste que les engagements portent sur l'ensemble des pratiques qui étaient reprochées aux OPP dans sa plainte. Ainsi, elle aurait reproché au Post Office d'avoir incité d'autres OPP à intercepter du repostage originaire de Grande-Bretagne. Par ailleurs, le Post Office n'aurait pas renoncé à faire usage de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU à l'encontre de courrier ABC, par le biais de la doctrine du repostage non physique.

135.
    En quatrième lieu, elle attire l'attention sur le fait que la Commission reconnaît dans ses écritures que la Deutsche Post ne pouvait, en vertu du droit allemand, s'abstenir d'appliquer l'article 23 de la convention de l'UPU, et qu'elle ne pouvait donc pas raisonnablement souscrire à des «engagements volontaires», incompatibles avec ses obligations légales.

136.
    En cinquième lieu, elle estime que la Commission a commis une erreur manifeste d'appréciation des faits en indiquant qu'en l'espèce, «il n'existe aucune preuve que les deux opérateurs postaux visés dans la plainte de l'IECC de 1988 [...] n'ont pas tenu leur engagement, donné par chacun d'eux à la Commission en 1989, de s'abstenir d'invoquer l'article 23, paragraphe 4, pour le repostage ABC». En effet, la Commission devait avoir connaissance d'un document établissant l'existence de tentatives du conseil de règlement postal (Regulierungsrat) allemand de décourager l'utilisation de services de repostage en décembre 1995 et de l'interception de repostage ABC par la Deutsche Post en vertu de la doctrine du repostage non physique, dans des affaires telles que Matra AG, Citibank, GZS Bank et Gartner group et Lanier. La Commission avait d'ailleurs reconnu l'augmentation du nombre des interceptions dans des lettres du 13 juillet 1994 et du 23 septembre 1994.

137.
    En sixième lieu, elle relève que, au point 14.4 de la décision du 14 août 1995, la Commission indique que, «si ces engagements avaient été violés, l'IECC aurait été en mesure de fournir un commencement de preuve en ce sens». Or, elle estime que, conformément à la situation dans l'affaire Sytraval et Brink's France/Commission, précitée, il était nettement plus difficile pour elle que pour la Commission de rassembler les preuves des infractions commises par les OPP. Ainsi, la Commission sous-estimerait son obligation d'instruire les plaintes qui lui sont soumises.

138.
    En septième lieu, elle relève que, aux paragraphes 17 et suivants de la décision du 14 août 1995, la Commission n'a pas jugé nécessaire de prendre une décision d'interdiction à l'encontre de La Poste. La requérante estime que cette position, fondée sur le caractère isolé d'un incident, est illégale dans la mesure où la Poste n'a manifesté aucune intention de renoncer à invoquer l'article 23 de la convention de l'UPU. Elle estime que, en adoptant cette décision, la Commission a encouragé cet OPP à maintenir ses pratiques restrictives, ce qui serait contraire à l'article 85 du traité.

139.
    La requérante note, enfin, que la Commission n'a jamais invoqué explicitement «l'absence d'intérêt communautaire» dans la décision du 14 août 1995.

140.
    La Commission objecte que la requérante n'a jamais produit de preuves établissant que les trois OPP concernés interceptaient encore du courrier ABC. Elle relève que, à la date de l'adoption de la décision du 14 août 1995, elle n'avait pas reçu de plainte de l'IECC ou d'un autre reposteur commercial dénonçant des interceptions de repostage ABC. Elle conteste que, en l'absence de telles plaintes, elle soit obligée d'utiliser ses ressources limitées afin d'obtenir des OPP des rapports relatifs à leurs activités.

141.
    Elle souligne, en outre, que les engagements pris par les OPP sont de nature différente de ceux souscrits par l'État français dans l'affaire ayant donné lieu à l'arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité. Elle estime que le présent

cas se distingue de cette affaire dans la mesure où il ne concerne pas un plaignant dans une affaire d'aides d'État. Par ailleurs, des preuves de pratiques d'OPP vis-à-vis d'opérateurs privés seraient moins difficiles à obtenir que des preuves relatives à des agissements financiers entre un État et une société privée.

142.
    Le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord souligne que la Commission est autorisée à refuser d'adopter une décision d'interdiction en l'absence d'intérêt communautaire suffisant. Tel serait le cas en l'occurrence en raison des engagements fournis et de l'absence de preuves de violations ultérieures. Il considère que la requérante, en tant que représentante d'un grand nombre de sociétés pratiquant le repostage était, au surplus, particulièrement bien placée pour détecter l'existence d'infractions et signaler celles-ci à la Commission.

143.
    Le Post Office fait valoir qu'il s'est tenu à un comportement conforme à l'engagement qu'il avait pris par lettre du 21 avril 1989.

144.
    La Deutsche Post rappelle le contenu de la lettre qu'elle a adressée à la Commission le 10 octobre 1989 comprenant les engagements relatifs au repostage ABC. Elle soutient également que l'IECC n'a pas fourni de preuves d'éventuelles violations de ces engagements.

Appréciation du Tribunal

145.
    Il ressort de la décision du 14 août 1995, relative au repostage ABC, que la Commission n'a pas procédé à un examen définitif de la légalité des pratiques en cause au regard de l'article 86 du traité. Elle a, en effet, considéré, en substance, que, en présence d'infractions passées, pour lesquelles il n'existait aucune preuve qu'elles se soient renouvelées, il n'y avait pas lieu d'user de son pouvoir de constatation d'une infraction et a, pour cette raison, rejeté la plainte de la requérante.

146.
    Or, compte tenu, tout d'abord, de l'objectif général assigné par l'article 3, sous g),du traité, à l'action de la Communauté dans le domaine du droit de la concurrence, ensuite, de la mission assignée à la Commission dans ce domaine par l'article 89, paragraphe 1, du traité et, enfin, du fait que l'article 3 du règlement n° 17 ne confère pas à l'auteur d'une demande présentée en vertu de cet article le droit d'obtenir une décision, au sens de l'article 189 du traité, quant à l'existence ou non d'une infraction à l'article 85 et/ou à l'article 86 du traité, il convient de conclure que la Commission pouvait légitimement décider, sous réserve de motiver une telle décision, qu'il n'était pas opportun de donner suite à une plainte dénonçant des pratiques qui ont ultérieurement cessé.

147.
    En particulier, sous le contrôle du juge communautaire, la Commission est en droit de considérer que, en présence d'engagements des opérateurs visés dans la plainte et en l'absence de toute preuve fournie par la requérante que ces engagements

auraient été méconnus, alors qu'elle a procédé à un examen attentif des faits de l'espèce, il n'y a pas lieu pour elle de poursuivre l'examen de cette plainte.

    

148.
    Il convient, en outre, de rappeler que la Commission n'est pas obligée de se référer explicitement au concept d'«intérêt communautaire». Il suffit, à cet effet, que ce concept sous-tende le raisonnement qui fonde la décision concernée.

149.
    En l'espèce, dans sa décision du 14 août 1995, la Commission a conclu qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen de la plainte à l'égard des trois OPP mis en cause dans celle-ci. Il convient d'examiner successivement le cas de chacun de ces OPP.

— En ce qui concerne la Deutsche Post

150.
    Dans sa lettre du 30 juin 1989 adressée à la Commission, mentionnée dans la communication des griefs, la Deutsche Post a fait savoir qu'elle était disposée à renoncer à l'utilisation de l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU, pour le repostage intracommunautaire, à condition que son droit d'utiliser les pouvoirs tirés de l'article 23, paragraphes 1 à 3, de cette convention soit reconnu. Par lettre du 10 octobre 1989, également mentionnée dans la communication des griefs, elle a indiqué qu'elle n'appliquait plus l'article 23, paragraphe 4, au repostage ABC intracommunautaire.

151.
    Il ressort, en outre, des réponses fournies par la Deutsche Post au cours de l'audience qu'elle n'est pas, en tant que telle, obligée, en vertu du droit allemand, d'intercepter le courrier reposté ABC (voir ci-dessus point 97). Les engagements souscrits par la Deutsche Post ne sauraient, dès lors, être remis en cause sur le fondement de leur incompatiblité avec le droit allemand.

152.
    Par ailleurs, il ressort des réponses apportées aux questions écrites du Tribunal que la requérante n'avait pas informé la Commission de l'existence de cas d'interception établis de courrier ABC avant l'adoption de la décision du 14 août 1995. L'unique cas litigieux à ce propos est le cas dit «Lanier». Cette affaire, qui remonte à 1991, est, toutefois, pendante devant les tribunaux allemands, à qui il appartient de déterminer si le courrier intercepté était de type ABA ou ABC. La seule existence de ce cas litigieux ne saurait, toutefois, remettre en cause la légalité de la décision du 14 août 1995. La Commission pourrait, tout au plus, en fonction des constatations des tribunaux allemands compétents, rouvrir la procédure administrative si elle l'estimait nécessaire.

153.
    Le document provenant du conseil de règlement postal allemand (voir ci-dessus point 136) concerne le repostage ABA et a été adopté en décembre 1995. Les lettres de la Commission du 13 juillet et du 23 septembre 1994 portent, quant à elles, sur le phénomène du repostage non physique ABA, à l'égard duquel la Commission a, à juste titre, conclu, dans sa décision du 6 avril 1995, que la

requérante n'avait pas d'intérêt légitime, et non pas sur le repostage ABC. Ces documents ne sauraient, en conséquence, affecter la validité de la décision du 14 août 1995 portant sur le seul repostage ABC.

154.
    S'il est exact que l'engagement pris par la Deutsche Post ne vise que l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU et, en conséquence, n'exclut pas que du courrier non physique ABCA, qui équivaut, en réalité, à du repostage physique ABC, soit intercepté au titre d'une interprétation large de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU en vertu de la doctrine du repostage non physique, il ne ressort pas du dossier que la requérante ait, avant l'adoption de la décision, apporté à la Commission une quelconque preuve de la mise en oeuvre de cette doctrine par cet OPP.

155.
    En l'absence de preuves fournies par la requérante, au cours de la procédure administrative, que la Deutsche Post avait intercepté du courrier ABC en dépit de ses engagements, il convient de conclure que la Commission a, à juste titre, décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen des griefs formulés.

— En ce qui concerne le Post Office

156.
    Il convient de constater que les engagements pris par le Post Office le 21 avril 1989 sont dépourvus d'ambiguïté en ce qui concerne la non- utilisation actuelle et future de l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU. La Commission a, par ailleurs, constaté, à juste titre, qu'il n'était pas démontré — ni même allégué — que le Post Office avait ultérieurement intercepté du courrier en vertu de cet article de la convention de l'UPU.

157.
    En l'absence de preuves fournies par la requérante, au cours de la procédure administrative, que le Post Office avait intercepté du courrier ABC en dépit de ses engagements, il convient de conclure que la Commission a, à juste titre, décidé qu'il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen de cet aspect de la plainte.

158.
    La requérante fait toutefois grief à ces engagements d'être d'une portée trop limitée, à deux égards.

159.
    En premier lieu, le problème de l'invitation faite à d'autres OPP d'intercepter du courrier d'origine britannique est traité au point 14.4 de la décision du 14 août 1995. Or, dans cette décision, la Commission a conclu qu'il n'existait pas de risque de réapparition des pratiques dénoncées, en se référant, d'une part, aux engagements fournis par les différents OPP et, d'autre part, au fait qu'elle n'a pas obtenu de preuves de la violation de ces engagements.

160.
    Même si les engagements fournis par le Post Office portent uniquement sur l'hypothèse de l'interception de courrier ABC par le Post Office lui-même, ceux-ci, examinés dans le contexte de l'absence d'allégations relatives à de nouvelles incitations à intercepter du courrier depuis la lettre du Post Office de janvier 1987

adressée, notamment, à un autre OPP communautaire, de l'engagement pris par la Deutsche Post et de l'absence de preuves d'interceptions de courrier par d'autres OPP, fournissaient une base suffisante pour que la Commission conclue qu'il n'y avait plus de risque que le Post Office reprenne cette pratique d'incitation et que, dès lors, il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen de la plainte à cet égard.

161.
    En ce qui concerne, en second lieu, l'appréciation de l'existence d'une possibilité que le Post Office invoque la doctrine du repostage non physique dans le cadre d'une interprétation large de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU, il suffit de constater que la requérante n'a ni démontré, ni même allègué, que le Post Office avait jamais utilisé cette doctrine avant ou après avoir souscrit les engagements concernés.

— En ce qui concerne La Poste

162.
    Il convient de relever que la constatation que l'interception de courrier opérée par La Poste en octobre 1989 présente un caractère isolé n'est pas contestée.

163.
    Dans ces circonstances, et en l'absence de la moindre preuve ou allégation d'interception de courrier au cours d'une période longue de six années, c'est à juste titre que la Commission a considéré qu'il n'y avait pas de risque que cet OPP récidive et qu'il n'y avait donc pas lieu de poursuivre l'examen de cette affaire, ni d'adopter une décision d'interdiction à l'égard de La Poste.

164.
    Il ressort de l'ensemble de ces éléments que c'est à juste titre que la Commission a conclu que, pour chacun des OPP, il n'y avait pas lieu de poursuivre l'examen de la plainte sur cet aspect. Il convient de rappeler à cet égard que la Commission n'a pas, dans sa décision, pris définitivement position sur l'application de l'article 86 du traité aux pratiques des OPP relatives au repostage ABC. La décision n'affecte donc pas le droit de la requérante d'utiliser toute voie de droit qu'elle jugerait appropriée dans l'hypothèse où elle obtiendrait la preuve de la résurgence de pratiques qu'elle estimerait illégales.

165.
    En conséquence, cette première branche du présent moyen doit être rejetée dans son ensemble.

b) Sur la deuxième branche, relative à l'appréciation de l'existence de l'article 23 de la convention de l'UPU au regard du droit de la concurrence

Arguments des parties

166.
    La requérante rappelle que, dans sa décision du 14 août 1995, la Commission a conclu que la simple existence de l'article 23 de la convention de l'UPU n'est pas nécessairement contraire aux règles communautaires de la concurrence et que seul l'usage des possibilités d'action ouvertes par cette disposition pourrait, dans

certaines circonstances — c'est-à-dire entre États membres — constituer une infraction à ces règles.

167.
    Toutefois, selon la requérante, aux fins de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la prise en considération des effets concrets d'un accord est superflue, dès lors qu'il est établi qu'il a pour objet de restreindre, d'empêcher ou de fausser le jeu de la concurrence (arrêt de la Cour du 13 juillet 1966, Consten et Grundig/Commission, 56/64 et 58/64, Rec. p. 429). Or, en mai 1994, le comité exécutif de l'UPU a proposé d'élargir le champ d'application de l'article 23, paragraphe 1, de la convention de l'UPU. Dans la mesure où l'article 23 de la convention de l'UPU constitue un accord de partage de marchés entre OPP, il suffirait donc que ceux-ci se soient concertés pour soutenir la réadoption de cette disposition, et son usage dans le cadre de l'accord REIMS, pour que l'article 85 du traité soit violé.

168.
    La Commission objecte que les OPP peuvent mettre en oeuvre des accords, tels que la convention révisée de l'UPU, à condition qu'ils ne les appliquent pas de façon contraire aux articles 85 et 86 du traité. Ainsi, l'application de l'article 23 de la convention de l'UPU serait acceptable dès lors que ni le pays d'origine du courrier ni le pays dont l'administration effectue le repostage sont des États membres.

Appréciation du Tribunal

169.
    Il convient de relever tout d'abord que la requérante n'a fourni aucun élément à l'appui de son allégation selon laquelle le soutien apporté par chaque OPP en vue du maintien de l'article 23 de la convention de l'UPU et de son usage dans le cadre de l'accord REIMS serait le résultat d'un accord entre entreprises, d'une décision d'association d'entreprises ou d'une pratique concertée entre entreprises, au sens de l'article 85, paragraphe 1, du traité.

170.
    En outre, à supposer même que tel soit le cas, la requérante n'explique pas en quoi le soutien prétendument concerté des OPP en vue du maintien de l'article 23 de la convention de l'UPU serait de nature à mettre en cause la conclusion de la Commission selon laquelle l'existence même de cette disposition n'est pas nécessairement contraire aux règles communautaires de la concurrence.

171.
    Enfin, il y a lieu de rappeler que l'article 23 de la convention de l'UPU, qui est formellement une convention conclue entre États et qui a une vocation universelle, n'impose pas l'obligation d'intercepter le courrier qui fait l'objet du repostage. Lasimple existence de cette disposition ne constitue pas, dans le chef des OPP, une infraction aux règles communautaires de la concurrence que la Commission pourrait constater dans le cadre de l'instruction d'une plainte dirigée contre les OPP. C'est, dès lors, à juste titre que la Commission a conclu que seule l'invocation, par les OPP, de cette disposition pourrait, sous réserve que le

commerce entre États membres s'en trouve affecté, entrer dans le champ des règles communautaires de la concurrence.

172.
    En conséquence, la deuxième branche du présent moyen doit être rejetée.

c) Sur la troisième branche, relative à la violation des articles 85 et 86 du traité du fait de l'absence de décision d'interdiction

Arguments des parties

173.
    La requérante relève, en premier lieu, que les interceptions de courrier ABC constituent des abus de position dominante au sens de l'article 86 du traité, non susceptibles d'être justifiés au titre de l'article 90, paragraphe 2, du traité. Ces interceptions s'effectueraient, en outre, en application d'un accord de partage de marchés, cristallisé dans l'article 23 de la convention de l'UPU. Dès lors que cet accord est mis en oeuvre par des OPP qui détiennent chacun une position dominante sur leur marché respectif, les OPP commettraient également un abus de position dominante collective. La requérante en conclut que la Commission a violé les articles 85 et 86 du traité en rejetant la plainte sans adopter une décision d'interdiction à l'encontre des interceptions de repostage ABC.

174.
    Elle fait valoir, en second lieu, que les OPP réalisent eux-mêmes des appréciations juridiques complexes relatives à l'application du droit de la concurrence, dans la mesure où l'appréciation de la légalité de l'interception de courrier ABC inclut une appréciation de la mesure dans laquelle le monopole postal est nécessaire en vue de réaliser les tâches d'intérêt général qui leur ont été confiées. Elle estime, dès lors, que ces interceptions constituent une méconnaissance du principe de séparation des fonctions commerciales et réglementaires, en violation de l'article 86 du traité.

175.
    La Commission soutient que cette branche du moyen n'est pas pertinente. En effet, la décision ne postule pas que l'interception de repostage ABC est compatible avec le droit de la concurrence.

Appréciation du Tribunal

176.
    La Commission, dans sa décision du 14 août 1995, n'approuve en aucune façon les interceptions de courrier ABC opérées en vertu de l'article 23, paragraphe 4, de la convention de l'UPU. En effet, elle se fonde, en substance, sur la circonstance qu'il n'y a pas lieu de poursuivre des pratiques passées, à l'égard desquelles des engagements ont été pris par les OPP, pour lesquels il n'existe aucune preuve qu'ils auraient été méconnus. Il convient de rappeler à cet égard que le Tribunal a confirmé le bien-fondé de cette appréciation.

177.
    En l'absence de toute approbation, par la Commission, des interceptions susmentionnées, cette branche du moyen est inopérante.

178.
    Au vu de l'ensemble de ces éléments, le présent moyen doit être rejeté.

D — Moyens communs aux affaires T-133/95 et T-204/95

Sur les moyens tirés d'un détournement de pouvoir

Arguments des parties

179.
    La requérante estime que la Commission a utilisé ses pouvoirs dans le but de favoriser les intérêts sectoriels des OPP, négligeant ainsi son devoir de protection de la concurrence.

180.
    Ainsi, elle considère que, après sept années de procédure administrative, la Commission a délibérément créé une ambiguïté procédurale en adoptant la lettre du 17 février 1995, la décision du 6 avril 1995 et la lettre du 12 avril 1995, dans la mesure où ces documents dérogeraient à la symétrie observée jusqu'alors au cours de cette procédure. Elle estime que cette fragmentation des décisions et l'éventuelle adoption d'une dernière décision relative à l'application de l'article 85 du traité à la mise en oeuvre par les OPP de l'article 23 de la convention de l'UPU, vise à ralentir la procédure administrative pour des raisons politiques.

181.
    Elle considère encore que l'attitude de la Commission est contraire à sa pratique constante en ce qu'elle n'a pas condamné un abus de position dominante et a accepté de mettre fin à ses poursuites au vu de simples engagements des OPP allemand et britannique, sans exiger de preuves que ceux-ci étaient effectivement respectés. La Poste n'aurait, quant à elle, jamais adopté la position de la Commission en ce qui concerne l'interprétation de l'article 23 de la convention de l'UPU. Une telle attitude laxiste de la Commission ne pourrait s'expliquer que par l'existence d'une pression politique considérable.

182.
    Elle estime que les membres de la Commission MM. Brittan et Van Miert, dans leurs discours respectifs du 19 mai 1992 et du 7 avril 1993, ont reconnu que le dossier «repostage» était traité de façon politique. Ce fait ressortirait également de la priorité accordée par la Commission à l'adoption du livre vert sur les services postaux par rapport à l'adoption de décisions d'interdictions dans le dossier repostage.

183.
    Elle souligne, en outre, que dans sa lettre du 28 mars 1995, M. Van Miert signale au ministre fédéral des Postes et Télécommunications: «En conclusion, je tiens à préciser que la plainte d'IECC [...] doit désormais être considérée comme non fondée.» Ainsi, la Commission n'a informé la requérante de l'adoption d'une décision finale relative à sa plainte qu'après en avoir informé le ministre susmentionné. La requérante estime, dès lors, que la Commission a abusé de ses

pouvoirs en soumettant ainsi des informations confidentielles à des tierces personnes de façon prématurée. Cette lettre témoignerait, en outre, de la volonté de la Commission de ne pas intervenir à l'égard des nombreuses interceptions de courrier en vue de ne pas déplaire aux autorités allemandes.

184.
    Selon la requérante, la stratégie de la Commission consistant à retarder la procédure relative au repostage équivaut à celle adoptée par cette institution dans le traitement d'autres plaintes déposées contre des OPP.

185.
    Elle rappelle, dans son mémoire en réplique dans l'affaire T-204/95, avoir présenté, à plusieurs reprises, une demande d'accès au dossier, que la Commission lui aurait refusé, soit par écrit, soit oralement. Ce faisant, la Commission aurait méconnu ses droits de la défense, le principe de l'égalité des armes et son droit d'être entendu, ce qui confirme le détournement de pouvoir qu'elle aurait commis.

186.
    La Commission nie que les décisions du 6 avril et du 14 août 1995 soient entachées d'un détournement de pouvoir.

187.
    Elle estime que les arguments de la requérante relatifs à l'accès au dossier constituent des moyens nouveaux, qui ne se fondent pas sur des éléments de fait ou de droit qui se sont révélés au cours de la procédure. Ils seraient, en conséquence, irrecevables, en vertu de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure.

Appréciation du Tribunal

188.
    Selon une jurisprudence constante, une décision n'est entachée de détournement de pouvoir que si elle apparaît, sur la base d'indices objectifs, pertinents et concordants, avoir été prise pour atteindre des fins autres que celles excipées (arrêt de la Cour du 12 novembre 1996, Royaume-Uni/Conseil, C-84/94, Rec. p. I-5755, point 69; arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, points 87 et suivants).

189.
    En l'espèce, la durée de la procédure administrative aboutissant à l'adoption de ces deux décisions est justifiée dans une mesure importante par la complexité des aspects économiques des questions soulevées, le nombre d'OPP impliqués, l'adoption parallèle du livre vert sur les services postaux et le fait que la mise en oeuvre d'un système de remplacement tel que l'accord REIMS — qui a également influencé la Commission dans l'appréciation des interceptions de courrier ABA et ABC — nécessite une durée appréciable.

190.
    M. Brittan a, par ailleurs, dans son discours du 19 mai 1992, cité par la requérante elle-même, précisé que la Commission poursuivait, dans le secteur postal, une double approche, en vue d'assurer parallèlement l'application des règles de concurrence et l'adoption d'une législation visant à libéraliser ce secteur. La déclaration de M. Van Miert du 7 avril 1993, citée par la requérante, doit

également être interprétée à la lumière de cette double approche. Or, dans un dossier tel que celui en cause, qui s'inscrivait de façon plus générale dans la réflexion de la Commission sur l'avenir du secteur postal dans la Communauté, cette double approche était justifiée. Rien, en conséquence, ne permet de considérer que cette double approche traduit l'existence d'un détournement de pouvoir dont les décisions du 6 avril et du 14 août 1995 seraient entachées.

191.
    En ce qui concerne la prétendue ambiguïté de la portée de la décision du 6 avril 1995 et de la prétendue volonté de la Commission de retarder l'adoption d'une décision finale ayant clos l'ensemble du dossier «repostage» pour des raisons politiques en fragmentant le dossier, il suffit de rappeler qu'il ressort du libellé même de la lettre du 17 février 1995 et de la décision du 6 avril 1995 que cette dernière ne portait pas sur l'ensemble de la plainte. En outre, dès lors que la Commission entendait rejeter les autres aspects de la plainte par l'adoption d'une décision formelle, elle était tenue, conformément à l'article 6 du règlement n° 99/63, d'adresser au plaignant une nouvelle lettre lui indiquant, notamment, les motifs qui justifiaient qu'elle ne donne pas une suite favorable à sa plainte. Il n'a, en outre, pas été établi par la requérante que la fragmentation des réponses apportées aux différents aspects de la plainte ait pu affecter le traitement de celle-ci par la Commission, ni qu'elle poursuivait un objectif de retardement du traitement de la plainte.

192.
    Le fait que la Commission a informé le ministre allemand des postes de l'issue de la plainte, quelques jours avant que la plaignante n'en soit elle-même informée, ne démontre pas que la décision du 6 avril 1995 a été adoptée à des fins autres que celles excipées.

193.
    Par ailleurs, la référence faite par la requérante au traitement accordé par la Commission à d'autres plaintes ou affaires judiciaires, mais relatives à des activités postales clairement distinctes du dossier «repostage», est sans pertinence pour déterminer si, en l'espèce, l'adoption des décisions concernées est entachée d'un détournement de pouvoir.

194.
    Les arguments relatifs à l'accès au dossier ne constituent pas un moyen spécifique développé par la requérante, mais ne sont, selon elle, qu'un indice supplémentaire du détournement de pouvoir allégué dans sa requête. Dès lors, l'irrecevabilité alléguée par la Commission, sur le fondement de l'article 48, paragraphe 2, du règlement de procédure, n'est pas fondée.

195.
    Toutefois, à supposer même que la requérante n'ait pas eu valablement accès au dossier, cette circonstance ne saurait, en elle-même, démontrer que la décision du 14 août 1995, dont l'annulation est poursuivie dans l'affaire T-204/95, a été adoptée en vue d'atteindre des fins autres que celles excipées.

196.
    Dans ces circonstances, il convient de rejeter les moyens pris d'un détournement de pouvoir.

Sur les moyens tirés d'une violation de certains principes généraux du droit

Arguments des parties

197.
    La requérante fait valoir, dans une première branche, que la Commission a violé les principes de sécurité juridique, de protection de la confiance légitime et de bonne administration, en ce qu'elle a envoyé le 12 avril 1995 une lettre en vertu de l'article 6 du règlement n° 99/63, alors qu'une décision définitive sur l'ensemble de la plainte avait déjà été adoptée. L'adoption de cette lettre l'aurait, en effet, placée dans une situation d'incertitude quant aux effets de la décision du 6 avril 1995. En outre, ces principes auraient également été méconnus dans la mesure où cette décision ne fournit pas de clarifications quant à l'acceptabilité de la doctrine du repostage non physique.

198.
    Dans une deuxième branche, elle relève que, par l'envoi de lettres de mise en garde, par la publication de communiqués de presse et des discours du membre de la Commission M. Brittan et par l'adoption d'une communication des griefs dans une affaire similaire à des affaires antérieures où elle avait adopté des décisions d'interdiction, la Commission a laissé entendre qu'elle appliquerait les règles de concurrence en l'espèce. Cette attitude aurait fait naître, dans le chef de la requérante, des espérances fondées dans l'adoption d'une décision finale d'interdiction.

199.
    Dans une troisième branche, la requérante fait valoir que le principe de non-discrimination a été méconnu, dans la mesure où la Commission ne se fonde généralement pas sur des engagements aussi étroits et incomplets pour s'abstenir de pénaliser des entreprises ayant violé le droit de la concurrence.

200.
    Dans une dernière branche, elle expose que la Commission a violé le principe de bonne administration en raison du délai de 81 mois qui a été nécessaire pour l'adoption d'une décision de rejet finale (arrêt Sytraval et Brink's France/Commission, précité, point 56).

201.
    La Commission rappelle que l'envoi de la lettre du 12 avril 1995 avait pour objet de protéger le droit de la requérante d'être entendue. Elle souligne, en outre, que, conformément à la jurisprudence, un plaignant ne jouit pas du droit d'obtenir une décision quant à l'existence d'une infraction et qu'il ne saurait dès lors entretenir aucune confiance légitime dans l'obtention d'une telle décision. Elle nie, enfin, que le délai écoulé pour traiter la plainte autorise la requérante à mettre en cause la façon dont elle a exercé ses compétences.

Appréciation du Tribunal

202.
    La première branche du moyen est fondée sur le postulat que la décision du 6 avril 1995 rejetait l'ensemble de la plainte. Or, il résulte de l'appréciation du Tribunal sur la portée de cette décision (voir ci-dessus points 58 à 62) que tel n'était pas le cas. Dès lors, la première branche du moyen doit être rejetée.

203.
    En ce qui concerne la deuxième branche du moyen, il convient de rappeler que l'article 3 du règlement n° 17 ne confère pas à l'auteur d'une demande présentée en vertu de cet article le droit d'obtenir une décision de la Commission, au sens de l'article 189 du traité, quant à l'existence ou non d'une infraction à l'article 85 ou à l'article 86 du même traité (voir notamment arrêt Tremblay e.a./Commission, précité, point 59). Dès lors, quels que soient l'état d'avancement de l'affaire et le stade d'instruction de la plainte auquel la Commission est parvenue, la requérante ne saurait nourrir des espérances fondées dans l'adoption d'une décision d'interdiction des pratiques dénoncées.

204.
    En ce qui concerne la troisième branche, il convient de constater que la requérante n'a pas établi que, dans une situation comparable à celle de l'espèce, la Commission aurait néanmoins condamné les entreprises en cause. En conséquence, la requérante n'a pas démontré la violation alléguée du principe de non-discrimination.

205.
    Enfin, en ce qui concerne la durée excessive de la procédure administrative, il est renvoyé aux points 189 et suivants du présent arrêt, où ont été précisées les raisons pour lesquelles le délai relativement long pris par la Commission pour parvenir à l'adoption des décisions de rejet finales est justifié.

206.
    Pour l'ensemble de ces raisons, ce moyen doit être rejeté.

Sur la demande de production de pièces

207.
    Dans sa réplique dans l'affaire T-204/95 et ses observations sur les mémoires en intervention dans les affaires T-133/95 et T-204/95, la requérante a conclu à ce qu'il plaise au Tribunal ordonner la production de certaines pièces.

208.
    Dans le cadre des mesures d'organisation de la procédure, le Tribunal a demandé la production de certaines de ces pièces. La production des autres pièces n'apparaissant pas nécessaire à la solution de l'affaire T-204/95, il n'y a pas lieu de faire droit à la demande de la requérante en ce qui les concerne.

Sur les dépens

209.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s'il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé en ses conclusions dans l'affaire T-204/95, elle supportera les dépens de la Commission dans cette affaire. Cette dernière ayant partiellement succombé en ses conclusions dans l'affaire T-133/95, elle supportera les dépens de la partie requérante dans cette affaire.

210.
    En vertu de l'article 87, paragraphe 4, premier alinéa, du règlement de procédure, les États membres qui interviennent dans un litige supportent leurs dépens. En conséquence, le Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du Nord supportera ses dépens. En vertu du second alinéa de cette même disposition, le Tribunal peut ordonner qu'une partie intervenante autre que celle prévue au premier alinéa supporte ses propres dépens. Dans la mesure où les différents OPP intervenants ont succombé en leurs conclusions dans l'affaire T-133/95, mais ont obtenu gain de cause dans l'affaire T-204/95, il y a lieu de décider que chaque partie intervenante supportera ses propres dépens dans les affaires T-133/95 et T-204/95.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (troisième chambre élargie)

déclare et arrête:

1)    Les affaires T-133/95 et T-204/95 sont jointes aux fins de l'arrêt.

2)    La décision du 6 avril 1995 est annulée en ce qu'elle concerne le repostage physique commercial ABA.

3)    Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)    La Commission est condamnée aux dépens de la requérante dans l'affaire T-133/95.

5)    La requérante est condamnée aux dépens de la Commission dans l'affaire T-204/95.

6)    Les parties intervenantes supporteront leurs propres dépens dans les affaires T-133/95 et T-204/95.

Vesterdorf                Briët                        Lindh

            Potocki                        Cooke

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 septembre 1998.

Le greffier

Le président

H. Jung

B. Vesterdorf


1: Langue de procédure: l'anglais.