Language of document : ECLI:EU:T:2010:130

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

26 mars 2010 (*)

« Référé – Programme établissant une ‘facilité alimentaire’ destinée à des pays en voie de développement – Appel à propositions pour l’octroi de subventions – Refus d’une subvention – Demande de sursis à exécution – Absence d’intérêt à agir – Méconnaissance des exigences de forme – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑16/10 R,

Alisei, établie à Rome (Italie), représentée par Mes F. Sciaudone, R. Sciaudone et A. Neri, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. L. Prete et P. van Nuffel, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de mesures provisoires concernant la sélection de demandes de subvention présentées dans le cadre du programme « Facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement » (EuropeAid/128608/C/ACT/Multi),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Alisei, est une organisation non gouvernementale, constituée sous forme d’une association sans but lucratif de droit italien. Impliquée dans le domaine de la coopération internationale au développement et de l’aide humanitaire, elle développe ses activités, notamment, grâce à des contributions de la Commission européenne et collabore, ou a collaboré, de façon stable avec cette dernière.

2        En 2009, la Commission a lancé un programme d’aide sous l’intitulé « Facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement » (EuropeAid/128608/C/ACT/Multi) qui, dans un premier temps, était destiné à fournir une aide financière à hauteur de 200 millions d’euros à 35 pays. Un de ces pays était São Tomé e Príncipe, et le montant prévu s’élevait à 2,1 millions d’euros.

3        La requérante a décidé de présenter une demande de subvention pour la réalisation d’un projet à São Tomé e Príncipe et a transmis, à cette fin, une note succincte de présentation à la Commission, son projet visant à accroître et à diversifier la production agricole à São Tomé e Príncipe, afin d’assurer une disponibilité régulière d’aliments de bonne qualité à des prix accessibles sur le marché local. Par lettre du 22 juillet 2009, la Commission a informé la requérante qu’elle avait présélectionné son projet et l’a invitée à déposer une demande complète de subvention avant le 15 septembre 2009, ce que la requérante a fait. Sa demande portait sur la somme de 1 080 000 euros, soit 90 % du coût total s’élevant à 1 200 000 euros.

4        Avaient également présenté des projets dans le cadre du programme en cause l’association M., l’organisation A. et l’institut V.

5        Par lettre du 29 octobre 2009 (ci-après l’« acte du 29 octobre 2009 »), la Commission a informé la requérante que le comité d’évaluation n’avait pas sélectionné sa demande d’octroi de la subvention litigieuse, mais qu’il avait recommandé de la placer sur une liste de réserve valable jusqu’au 31 décembre 2009, la validité de cette liste ayant été ultérieurement prolongée jusqu’au 30 avril 2010. Dans l’acte du 29 octobre 2009, la Commission a ajouté que, si la requérante n’était pas contactée avant cette date, elle ne serait plus prise en considération pour l’octroi d’une subvention dans le cadre de l’appel à propositions en cause. Quant aux demandes de subvention présentées par A. et M., elles ont été définitivement rejetées, par lettres du même jour, comme non éligibles.

6        En revanche, par décision du 29 octobre 2009, la Commission a sélectionné la demande de subvention présentée par V. et portant sur la somme de 700 063 euros (ci-après la « décision de sélection »).

7        Par lettre du 30 novembre 2009, le ministre de l’Agriculture, de la Pêche et du Développement rural de São Tomé e Príncipe a demandé à la Commission de lui indiquer la raison pour laquelle, d’une part, un seul projet avait été approuvé pour une valeur d’environ 700 000 euros, alors que les fonds alloués en faveur de São Tomé e Príncipe s’élevaient à 2,1 millions d’euros, et, d’autre part, les projets présentés par la requérante et par M. avaient été exclus, alors que celui présenté par V. avait été sélectionné.

 Procédure et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 22 janvier 2010, la requérante a introduit un recours visant à l’annulation de l’acte du 29 octobre 2009 et de la décision de sélection, ainsi qu’à la condamnation de la Commission à réparer le dommage prétendument subi.

9        Par actes séparés déposés au greffe du Tribunal, respectivement, le 22 janvier et le 3 février 2010, la requérante a introduit une demande de procédure accélérée, au titre de l’article 76 bis du règlement de procédure du Tribunal, ainsi que la présente demande en référé, dans laquelle elle conclut, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        surseoir à l’exécution de l’acte du 29 octobre 2009 et de la décision de sélection jusqu’à la décision du Tribunal sur le recours principal ;

–        surseoir à l’octroi de la subvention à V. et, dans l’hypothèse où la subvention aurait déjà été octroyée, à son exécution ainsi qu’à celle de tous les autres actes et effets en découlant jusqu’à la décision du Tribunal sur le recours principal ;

–        en application de l’article 65, sous b) et c), du règlement de procédure, ordonner à la Commission de produire, premièrement, les rapports du comité d’évaluation en ce qui concerne l’évaluation de sa demande de subvention, deuxièmement, la décision de sélection, troisièmement, les rapports du comité d’évaluation concernant l’évaluation de la demande de subvention présentée par V. et, en tout état de cause, les documents et les informations à sa disposition quant aux avantages et aux caractéristiques de l’offre présélectionnée et, quatrièmement, l’éventuelle lettre de réponse de la Commission à la lettre du 30 novembre 2009 du ministre de l’Agriculture, de la Pêche et du Développement rural de São Tomé e Príncipe ;

–        condamner la Commission aux dépens.

10      Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 23 février 2010, la Commission demande, en substance, au président du Tribunal de rejeter la demande en référé comme irrecevable ou, à tout le moins, comme non fondée.

 En droit

11      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

12      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts du requérant, qu’ils soient édictés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

13      Dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

14      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Arguments des parties

15      La requérante estime que toutes les conditions substantielles pour l’octroi des mesures provisoires demandées sont remplies en l’espèce.

16      S’agissant du fumus boni juris, la requérante considère que l’acte du 29 octobre 2009 est entaché d’un défaut total de motivation, en ce que la Commission n’a pas indiqué les motifs pour lesquels sa demande de subvention a été exclue et placée sur une liste de réserve. Elle dénonce, en outre, une violation du principe de transparence, du principe d’égalité de traitement et des droits de la défense, en ce que la Commission a informé les autres concurrents exclus (A. et M.) des motifs de leur exclusion. En ce qui concerne l’octroi de la subvention à V., la requérante reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation, en sélectionnant V., dont l’expérience professionnelle est limitée et la capacité technique insuffisante et en retenant un projet dépourvu d’autonomie, puisqu’il est complémentaire par rapport aux projets des trois autres organisations, notamment par rapport à celui de la requérante.

17      S’agissant de l’urgence, la requérante fait valoir qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable, en ce que son existence serait mise gravement en péril, si les mesures provisoires sollicitées n’étaient pas accordées. Eu égard à sa « situation financière désastreuse », elle ne serait pas en mesure de faire face à ses obligations financières vis-à-vis des institutions de crédit, des autorités fiscales nationales, des anciens salariés et des fournisseurs. À titre de preuve, elle produit, premièrement, une lettre de la banque B. du 23 décembre 2009 mettant fin à son contrat de compte courant, l’informant de la révocation de la ligne de crédit bancaire et l’invitant à combler le solde créditeur de 274 196,40 euros, deuxièmement, un avis d’imposition pour un montant de plus de 247 000 euros, troisièmement, l’acte de saisie-arrêt déposé par un ancien salarié en raison de l’absence de versement de salaires et de cotisations entre décembre 2005 et mai 2006 ainsi que, quatrièmement, un arrêt portant injonction en faveur du fournisseur de services de téléphonie satellitaire.

18      La requérante souligne que, dans cette situation de grande difficulté économique, la possibilité d’obtenir des marchés ou d’autres formes d’interventions financées par des ressources de l’Union européenne constitue pour elle actuellement la forme la plus certaine de revenus, étant donné qu’elle ne peut légalement exercer d’activités lucratives et qu’elle subsiste principalement grâce à ce genre d’activités. Eu égard à la pertinence, en termes de bénéfices économiques, de la subvention litigieuse, le refus de la lui octroyer représenterait, étant donné ses difficultés financières objectives, un préjudice particulièrement grave pour elle.

19      Enfin, la requérante estime que l’urgence dont elle se prévaut doit d’autant plus être prise en considération par le juge des référés que les arguments de fait et de droit qu’elle a présentés au soutien du fumus boni juris paraissent particulièrement sérieux.

20      La Commission conteste la recevabilité du recours principal sur lequel se greffe la demande en référé.

21      Premièrement, l’acte du 29 octobre 2009 ne serait pas susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation, puisqu’il ne fixe pas définitivement la position de la Commission. En effet, la demande de subvention, loin d’avoir été rejetée par la Commission, aurait été mise sur une liste de réserve, la Commission n’ayant pas encore pris de décision finale sur sa sélection ou son rejet.

22      Deuxièmement, la décision de sélection n’aurait pas été adoptée à l’encontre de la requérante et ne la concernerait ni directement ni individuellement. En effet, le projet de V. aurait été financé indépendamment du sort réservé à la demande de subvention présentée par la requérante, et le projet de cette dernière pourrait toujours être financé indépendamment de celui de V. Par conséquent, le fait que V. ait été sélectionnée n’aurait aucun effet négatif sur la situation de la requérante. La Commission en conclut que la requérante, d’une part, n’a pas qualité pour attaquer la décision de sélection et, d’autre part, ne dispose d’aucun intérêt légitime à demander la suspension de l’octroi de la subvention à V., puisqu’une telle suspension ne serait d’aucune utilité pour elle.

23      S’agissant de l’urgence, la Commission estime que la requérante n’est parvenue à établir ni la gravité ni le caractère irréparable du préjudice allégué. En particulier, même l’octroi des mesures provisoires demandées ne pourrait en aucun cas rétablir la situation financière de la requérante.

 Appréciation du juge des référés

24      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner la recevabilité de certains chefs de conclusions présentés dans la demande en référé.

25      Dans la mesure où la requérante demande le sursis à l’exécution de l’acte du 29 octobre 2009, il convient de constater que cet acte – à supposer même qu’il doive être interprété, ainsi que la requérante le prétend, comme portant rejet définitif de la demande de subvention litigieuse – constitue une décision administrative négative. Or, selon une jurisprudence bien établie, en principe, une demande de sursis à l’exécution d’une telle décision ne se conçoit pas, l’octroi du sursis sollicité ne pouvant avoir pour effet de modifier la situation du requérant (voir ordonnance du président du Tribunal du 17 décembre 2009, Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, T‑396/09 R, non publiée au Recueil, point 34, et la jurisprudence citée). En effet, le sursis à l’exécution de cette décision négative ne serait d’aucune utilité pratique pour la requérante, dans la mesure où un tel sursis ne pourrait tenir lieu de décision positive faisant droit à sa demande. Dans ces circonstances, ledit chef de conclusions présenté dans la demande en référé ne saurait, à lui seul, atteindre le but poursuivi par la requérante.

26      Ce chef de conclusions doit, dès lors, être rejeté comme irrecevable, pour défaut d’intérêt à agir, sauf dans la mesure où le sursis à l’exécution de l’acte du 29 octobre 2009 pourrait être nécessaire afin de prescrire l’une des autres mesures provisoires sollicitées par la requérante, que le juge des référés jugerait recevables et fondées.

27      En ce qui concerne ces autres mesures provisoires, force est de constater, d’abord, que le chef de conclusions invitant le juge des référés à surseoir à l’exécution « de tous les autres actes et effets découlant » de l’octroi de la subvention à V. revêt un caractère vague et imprécis, de sorte qu’il ne remplit pas les conditions de l’article 44, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, auquel renvoie l’article 104, paragraphe 3, de ce même règlement. Par conséquent, ce chef de conclusions doit également être déclaré irrecevable (voir, en ce sens, ordonnance Vereniging Milieudefensie et Stichting Stop Luchtverontreiniging Utrecht/Commission, précitée, point 36, et la jurisprudence citée).

28      Ensuite, s’agissant des chefs de conclusions invitant le juge des référés à suspendre l’exécution de la décision de sélection, l’octroi de la subvention accordée à V. et le versement effectif de la somme correspondante, il y a lieu de rappeler que le programme « Facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement », dans le cadre duquel la requérante et V. ont présenté leurs demandes de subvention respectives, repose sur le règlement (CE) nº 1337/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, portant établissement d’une facilité de réponse rapide à la flambée des prix alimentaires dans les pays en développement (JO L 354, p. 62), dont l’article 6, paragraphe 1, prévoit que les mesures financées à ce titre sont mises en œuvre conformément au règlement (CE, Euratom) nº 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1). Or, l’article 108, paragraphe 1, du règlement nº 1605/2002 définit les « subventions » comme étant, notamment, « des contributions financières directes à la charge du budget, accordées à titre de libéralité en vue de financer […] une action destinée à promouvoir la réalisation d’un objectif qui s’inscrit dans le cadre d’une politique de l’Union européenne ».

29      Il s’ensuit que la requérante et V., en tant que demandeurs d’une subvention, ne se trouvent pas placées dans une situation concurrentielle, telle qu’elle caractérise les relations existant entre deux entreprises présentant chacune une soumission pour un même marché public, l’adjudication de ce marché à l’une excluant automatiquement l’autre. La requérante et V. ne pourraient se trouver dans une situation concurrentielle comparable que si la demande de subvention de chacune d’elles épuisait, à elle seule, les fonds prévus pour le financement de l’action en cause. Or, tel n’est précisément pas le cas en l’espèce.

30      En effet, il est constant que l’aide financière prévue pour São Tomé e Príncipe s’élève à 2,1 millions d’euros, que la demande de subvention de la requérante porte sur 1 080 000 euros, que celle de V. porte sur 700 063 euros et que les demandes de subvention des deux autres candidats (A. et M.) ont été définitivement rejetées par la Commission. La somme totale des subventions demandées par la requérante et par V. étant inférieure au montant maximal de 2,1 millions d’euros, ni la décision de sélection, ni l’octroi de la subvention accordée à V., ni le versement effectif de la somme correspondante n’apparaissent de nature à porter atteinte à l’intérêt de la requérante de voir correctement traiter sa propre demande de subvention.

31      Au contraire, la requérante considérant elle-même son projet et celui de V. comme complémentaires (voir point 16 ci-dessus), le fait d’avoir accepté le second pourrait plutôt être susceptible d’amener la Commission à accepter également le premier, lorsqu’elle se prononcera sur la liste de réserve en cause.

32      Par conséquent, le sursis à l’exécution de la décision de sélection, de l’octroi de la subvention accordée à V. et du versement effectif de la somme correspondante ne serait d’aucune utilité pratique pour la requérante, dans la mesure où un tel sursis n’aurait aucune influence favorable sur le traitement de sa demande de subvention. Lesdits chefs de conclusions doivent, dès lors, être écartés pour défaut d’intérêt à agir.

33      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée comme irrecevable dans son ensemble.

34      Dans les circonstances du cas d’espèce, il y a toutefois lieu d’examiner, à titre surabondant, si la condition relative à l’urgence apparaît remplie.

35      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires. C’est à cette dernière partie qu’il appartient d’établir qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure principale sans avoir à subir un préjudice de cette nature (voir ordonnance du président du Tribunal du 20 janvier 2010, Agriconsulting Europe/Commission, T‑443/09 R, non publiée au Recueil, point 25, et la jurisprudence citée).

36      Pour pouvoir apprécier si le préjudice qu’appréhende la partie requérante présente un caractère grave et irréparable et justifie, par conséquent, la suspension, à titre exceptionnel, de l’exécution d’une décision, le juge des référés doit disposer d’indications concrètes permettant d’apprécier les conséquences précises qui résulteraient, vraisemblablement, de l’absence des mesures demandées. L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue ; il suffit qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant (voir ordonnances du président du Tribunal du 7 juin 2007, IMS/Commission, T‑346/06 R, Rec. p. II‑1781, point 123, et du 20 novembre 2008, SIAE/Commission, T‑433/08 R, non publiée au Recueil, point 35, et la jurisprudence citée). Toutefois, la partie qui s’en prévaut demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 188].

37      En l’espèce, il convient donc d’examiner si la requérante a démontré avec un degré de probabilité suffisant qu’elle subirait un préjudice grave et irréparable si le sursis à exécution sollicité n’était pas octroyé, étant précisé que le préjudice allégué a une nature purement financière.

38      Or, il est de jurisprudence bien établie qu’un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable, dès lors qu’il peut normalement faire l’objet d’une compensation financière ultérieure. Dans un tel cas de figure, la mesure provisoire sollicitée ne se justifie que s’il apparaît que, en l’absence d’une telle mesure, le requérant se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de l’arrêt mettant fin à la procédure principale (voir ordonnance du président du Tribunal du 2 juillet 2009, Insula/Commission, T‑246/09 R, non publiée au Recueil, point 19, et la jurisprudence citée).

39      Il a cependant été jugé que l’insolvabilité éventuelle d’une entreprise n’implique pas nécessairement que la condition relative à l’urgence soit remplie. En effet, dans le cadre de l’examen de la viabilité financière d’une entreprise, l’appréciation de sa situation matérielle peut être effectuée en prenant en considération, notamment, les caractéristiques du groupe auquel elle se rattache par son actionnariat, ce qui peut amener le juge des référés à estimer que la condition de l’urgence n’est pas remplie malgré l’état d’insolvabilité prévisible de l’entreprise (voir ordonnance Insula/Commission, précitée, point 20, et la jurisprudence citée).

40      Dans ce contexte, il s’agit d’apprécier si le préjudice allégué peut être qualifié de grave au regard, notamment, de la taille et du chiffre d’affaires de l’entreprise concernée ainsi que des caractéristiques du groupe auquel elle appartient. Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de l’entreprise concernée ne présentent pas un caractère autonome par rapport à ceux des personnes qui la contrôlent. Le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié également par rapport à la situation financière des personnes qui contrôlent l’entreprise. Une telle coïncidence des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de l’entreprise concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité (voir ordonnance Insula/Commission, précitée, points 21 et 22, et la jurisprudence citée).

41      En l’espèce, il est constant que la requérante n’est pas une entreprise exposée au libre jeu de la concurrence, mais une association sans but lucratif. La jurisprudence mentionnée aux points 39 et 40 ci-dessus ne saurait donc trouver une application directe. Il n’en reste pas moins que l’idée sous-jacente à cette jurisprudence est pertinente également pour les relations existant entre une association sans but lucratif et ses membres.

42      Or, s’agissant de la question de savoir si les intérêts objectifs, pécuniaires ou moraux, de la requérante, qui s’attachent à sa survie jusqu’à la clôture de la procédure principale, présentent un caractère autonome par rapport à ceux de ses membres, force est de constater que la requérante n’a produit aucun élément permettant de constater qu’elle serait dépositaire, en tant qu’association, d’un intérêt particulier, qui serait digne d’une protection spécifique, distincte de celle des intérêts de ses membres. Elle est notamment restée silencieuse sur l’existence d’obstacles s’opposant à ce que ses activités puissent continuer à être exercées, après son éventuelle dissolution, et ce par une autre association qui serait à nouveau créée par ses membres actuels (voir, en ce sens, ordonnance Insula/Commission, précitée, point 25).

43      Il ne saurait donc être exclu qu’il existe une coïncidence objective d’intérêts entre la requérante et ses membres, de sorte que la gravité du préjudice allégué par la requérante dépend, notamment, de la situation des membres de l’association requérante. Cependant, la demande en référé ne comportant aucun élément pertinent à cet égard, le juge des référés n’est pas en mesure d’apprécier si la requérante subirait un préjudice suffisamment grave en cas de rejet de sa demande en référé.

44      Par ailleurs, en se bornant à alléguer l’existence de quelques obligations pécuniaires isolées (voir point 17 ci-dessus), sans toutefois exposer sa situation financière d’ensemble, la requérante s’est abstenue de fournir un aperçu complet de cette dernière. Elle n’a, notamment, pas expliqué la raison pour laquelle il lui serait impossible de surmonter sa prétendue « situation financière désastreuse » grâce aux soutiens stables que lui apportaient et apportent, selon ses propres affirmations, notamment, la Commission, le ministère des Affaires étrangères italien, les principales agences et les fonds des Nations unies, les agences de coopération de plusieurs pays, plusieurs régions italiennes, plusieurs communes et provinces, des fondations privées, la Banque mondiale ainsi que la Banque islamique de développement.

45      En tout état de cause, il ressort de l’ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission (T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 118), que le préjudice qui serait constitué par le fait pour une association de devoir cesser son activité ne saurait être considéré comme grave, dès lors que cette association est dépourvue de tout but lucratif.

46      Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel l’urgence dont elle se prévaut doit d’autant plus être prise en considération que les arguments qu’elle a présentés au soutien d’un fumus boni juris paraissent particulièrement sérieux, il suffit d’observer que, quelle que soit la force de ces arguments, la violation éventuelle d’une norme supérieure de droit par un acte ne saurait suffire à établir, par elle-même, la gravité et le caractère irréparable du préjudice causé par cette violation. Par conséquent, il ne suffit pas pour la requérante d’alléguer une telle violation pour établir la réunion des conditions de l’urgence (voir, en ce sens, ordonnance Agriconsulting Europe/Commission, précitée, point 36, et la jurisprudence citée).

47      Il ressort de ce qui précède que la présente demande en référé doit également être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin de vérifier si la condition de l’existence d’un fumus boni juris est remplie.

48      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’adopter les mesures d’instruction sollicitées par la requérante, dès lors qu’elles ne concernent ni la recevabilité de la demande en référé ni la condition relative à l’urgence, mais visent essentiellement l’exigence d’un fumus boni juris et sont donc dépourvues de toute pertinence.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 26 mars 2010.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


** Langue de procédure : l’italien.