Language of document : ECLI:EU:T:2012:289

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

13 juin 2012 (*)

« Clause compromissoire – Contrat de financement de projets de recherche et de développement – Contrat El Hierro – Absence de justificatifs et non-conformité aux stipulations contractuelles des dépenses déclarées – Remboursement des sommes avancées – Demande reconventionnelle de la Commission »

Dans l’affaire T‑110/10,

Conseil scientifique international pour le développement des îles (Insula), établi à Paris (France), représenté par Mes J.‑D. Simonet et P. Marsal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée initialement par Mmes A.‑M. Rouchaud‑Joët et F. Mirza, puis par Mmes Rouchaud‑Joët et D. Calciu, en qualité d’agents, assistées de Mes L. Defalque et S. Woog, avocats,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande, présentée sur le fondement de l’article 272 TFUE, tendant, d’une part, à ce qu’une demande de la Commission visant au remboursement d’une somme de 84 120 euros soit déclarée non fondée et, d’autre part, à ce que la Commission soit condamnée à émettre une « note de crédit » d’un montant de 84 120 euros,

LE TRIBUNAL (troisième chambre),

composé de M. O. Czúcz, président, Mme I. Labucka et M. D. Gratsias (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Kristensen, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 29 novembre 2011,

rend le présent

Arrêt

 Cadre contractuel

1        Dans le cadre défini par la décision 1999/170/CE du Conseil, du 25 janvier 1999, arrêtant un programme spécifique de recherche, de développement technologique et de démonstration « Énergie, environnement et développement durable » (1998‑2002) (JO L 64, p. 58), la Communauté européenne, représentée par la Commission des Communautés européennes, a conclu, le 11 avril 2003, le contrat NNE5/2001/950 (ci‑après le « contrat El Hierro ») avec le requérant, le Conseil scientifique international pour le développement des îles (Insula), qui est une association soumise à la loi française, et six autres cocontractants. Ce contrat, rédigé en anglais, a pour objet le financement d’un projet en matière énergétique relatif à l’île d’El Hierro (Espagne). L’Instituto Tecnológico de Canarias en est le coordinateur.

2        En vertu de l’article 2, paragraphe 1, dudit contrat, la durée du projet est de 60 mois à compter du premier jour du mois suivant la signature du contrat par le dernier des cocontractants. Le paragraphe 2 du même article prévoit que le terme du contrat El Hierro correspond à la date du paiement final de la contribution communautaire, mais spécifie que certaines prévisions du contrat ont vocation à rester applicables après cette date.

3        Selon l’article 3, paragraphe 1, les coûts éligibles du projet sont estimés à 5 160 445 euros. Le paragraphe 2 du même article précise qu’il revient à la Communauté de financer, dans la limite de 2 000 000 euros, les coûts éligibles encourus dans le cadre du projet, conformément à un tableau de répartition indicative des coûts éligibles prévisionnels.

4        D’après le paragraphe 3 dudit article, lu en combinaison avec l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe II au contrat El Hierro, le versement de la contribution communautaire s’effectue comme suit :

–        une avance initiale d’un montant de 600 000 euros est versée sur le compte du coordinateur par la Commission dans les 60 jours suivant la signature par le dernier des cocontractants ;

–        des paiements périodiques sont réalisés dans les 60 jours suivant l’approbation des rapports d’avancement périodiques et des relevés de coûts y afférents ;

–        enfin, le paiement final est effectué dans un délai de 60 jours à compter de l’approbation du dernier élément livrable.

5        L’article 5 du contrat El Hierro indique que le contrat est régi par le droit belge. Il comprend une clause compromissoire précisant que seule la juridiction communautaire a compétence pour statuer sur les litiges opposant la Commission à ses cocontractants au sujet de la validité, de l’application ou de l’interprétation du contrat El Hierro .

6        En vertu de l’article 1er, paragraphe 33, de l’annexe II au contrat El Hierro, par « coûts éligibles », il faut entendre les coûts mentionnés aux articles 23 et 24 de cette annexe qui répondent aux principes généraux énoncés à l’article 22, paragraphes 1 à 4, de la même annexe.

7        Il ressort de l’article 2, paragraphe 2, sous j), de l’annexe II, lu en combinaison avec l’article 7, paragraphe 8, de la même annexe, que, y compris après le terme du contrat El Hierro, les cocontractants doivent fournir toutes les données détaillées demandées par la Commission aux fins d’une bonne administration dudit contrat.

8        Outre les éléments mentionnés au point 4 ci-dessus, l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe II au contrat El Hierro indique que la Commission, peut à tout moment interrompre l’écoulement du délai de 60 jours durant lequel elle est tenue d’effectuer les paiements périodiques ainsi que le paiement final. Elle doit, pour ce faire, notifier au cocontractant concerné qu’elle estime nécessaire de procéder à des contrôles complémentaires. Le délai de 60 jours court de nouveau dès que la Commission a effectué les contrôles en question.

9        Selon le paragraphe 3 de cet article, les différents paiements effectués par la Commission doivent être regardés comme de simples avances jusqu’à approbation du dernier élément livrable.

10      Le paragraphe 4 dudit article précise que, si lesdits paiements se révèlent être supérieurs à la somme effectivement due par la Commission, les cocontractants de celle‑ci sont tenus de lui rembourser la différence dans un délai fixé par la Commission par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans le cas où il n’est pas procédé au remboursement dans ce délai, la somme due est assortie d’intérêts au taux appliqué par la Banque centrale européenne (BCE) pour ses opérations principales de refinancement le premier jour du mois durant lequel le délai fixé par la Commission a expiré, auxquels il est ajouté 1,5 point de pourcentage, à moins que les intérêts ne soient appliqués en vertu d’une autre clause du contrat. Les intérêts courent du jour suivant l’expiration du délai fixé par la Commission jusqu’au jour de réception des fonds.

11      L’article 22, paragraphe 1, de l’annexe II précise que, pour être considérés comme éligibles, les coûts doivent en tout état de cause remplir les conditions cumulatives suivantes :

–        être nécessaires à la réalisation du projet ;

–        avoir été encourus pendant la durée de celui-ci ;

–        être déterminés conformément au principe comptable des coûts historiques et aux règles internes du cocontractant, à condition que ces dernières soient estimées acceptables par la Commission ;

–        être portés en comptabilité au plus tard à la date de fin du contrat El Hierro ou être mentionnés dans des documents fiscaux ;

–        et exclure toute marge de profit.

12      L’article 23 de l’annexe II liste les différentes catégories de coûts directs éligibles.

13      Selon son paragraphe 1, en ce qui concerne les coûts de personnel, seuls les coûts des heures effectivement travaillées par des personnes exécutant directement des travaux scientifiques et techniques prévus par le contrat El Hierro peuvent être remboursés. Ces personnes doivent être employées directement par le cocontractant conformément à son droit national ; elles doivent être placées sous la seule supervision technique de ce dernier et doivent être rémunérées conformément aux pratiques normales du cocontractant, pourvu qu’elles soient considérées comme acceptables par la Commission. Toutes les heures de travail dont le remboursement est demandé doivent avoir été enregistrées pendant la durée du projet (ou, dans le cas du coordinateur, au plus tard deux mois à compter de la fin du projet) et avoir été certifiées au moins une fois par mois par le chef du projet désigné ou par un agent dûment autorisé par le cocontractant.

14      L’article 24, paragraphe 2, de l’annexe II au contrat El Hierro prévoit que les cocontractants de la Commission qui utilisent le système des « coûts additionnels », à savoir ceux qui, d’après l’article 22, paragraphe 2, de l’annexe II, ne disposent pas d’un système comptable permettant de distinguer les coûts directement liés au projet de ceux n’étant qu’indirectement causés par celui-ci, se font rembourser leurs frais généraux de manière forfaitaire, sur la base d’un pourcentage de 20 % des coûts directs éligibles, exception faite des frais de sous‑traitance.

15      L’article 25 de l’annexe II au contrat El Hierro stipule que les coûts éligibles ne sont remboursés qu’à condition qu’ils soient justifiés par le cocontractant. À cette fin, ce dernier doit tenir, de manière régulière et conforme aux conventions comptables en vigueur dans l’État où il est établi, une comptabilité relative au projet ainsi qu’une documentation appropriée, de sorte à justifier, en particulier, des sommes et du temps indiqués dans ses relevés de coûts. Cette documentation doit être précise, complète et pertinente.

16      L’article 26, paragraphe 1, de l’annexe II prévoit que la Commission peut engager un audit financier, à tout moment, pendant la durée du contrat El Hierro et jusqu’à l’expiration d’une période de cinq années suivant chacun des paiements de la Communauté.

17      Le paragraphe 3 de cet article ajoute que, à partir des éléments relevés durant un tel audit, un rapport provisoire est établi, lequel doit être adressé au cocontractant concerné. Ce dernier est en droit de formuler des observations à son sujet durant une période d’un mois à compter de sa réception. Le rapport final est ensuite envoyé à l’intéressé, qui dispose alors d’une nouvelle période d’un mois pour formuler des observations. Il appartient à la Commission de décider s’il convient de prendre en compte des observations transmises à l’expiration de cette période. Sur le fondement des conclusions de l’audit, la Commission prend les mesures appropriées, lesquelles peuvent inclure l’émission d’un ordre de recouvrement visant à obtenir remboursement de tout ou partie des paiements effectués par elle au profit du cocontractant.

 Faits à l’origine du litige

18      Le 7 août 2003, le coordinateur du projet El Hierro a versé au requérant, à titre d’avance, une somme de 84 120 euros.

19      Du 9 au 12 mai 2005, le requérant a été soumis à un audit financier portant, notamment, sur les conditions d’exécution du contrat El Hierro.

20      Le 6 février 2006, la Commission lui a adressé un rapport provisoire daté du 11 août 2005 présentant les conclusions de l’audit (ci-après le « rapport d’audit »). Selon ce document, aucun des coûts invoqués au titre du contrat El Hierro ne pouvait faire l’objet d’un remboursement par la Commission.

21      Par lettre du 5 octobre 2009, la Commission a demandé au requérant des justificatifs de ses coûts concernant la période postérieure à celle ayant fait l’objet de l’audit.

22      Par lettre du 29 octobre 2009, le requérant a refusé de fournir de tels justificatifs, estimant que la Commission n’était plus en droit de les solliciter.

23      Par lettre du 2 décembre 2009, la Commission a rejeté les arguments avancés par le requérant. Jointe à cette lettre, se trouvait une note de débit émise le même jour, portant sur la somme de 84 120 euros.

 Procédure et conclusions des parties

24      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 mars 2010, le requérant a introduit le présent recours.

25      Le requérant y conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer non fondée la créance de la Commission de 84 120 euros et condamner la Commission à émettre une « note de crédit » du même montant ;

–        condamner la Commission aux dépens.

26      Le 25 mai 2010, la Commission a déposé son mémoire en défense. Elle y conclut, en substance, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        condamner le requérant au paiement de la somme de 84 120 euros, mentionnée dans la note de débit du 2 décembre 2009, augmentée d’intérêts de retard correspondant au « taux appliqué par la BCE » majoré de 3,5 points, calculés à compter de la date d’échéance de la note de débit, à savoir le 25 janvier 2010.

–        condamner le requérant aux dépens.

27      Par la suite, le requérant a déposé, le 19 juillet 2010, sa réplique. La Commission a, quant à elle, déposé le 1er octobre 2010 sa duplique.

28      La composition des chambres du Tribunal ayant été modifiée, le juge rapporteur initialement désigné a été affecté à la troisième chambre, à laquelle la présente affaire a, par conséquent, été attribuée. En raison du renouvellement partiel du Tribunal, la présente affaire a été attribuée à un nouveau juge rapporteur siégeant dans la même chambre.

 En droit

29      À titre liminaire, il convient de rappeler que, saisi dans le cadre d’une clause compromissoire, le Tribunal doit trancher le litige sur la base du droit matériel national applicable au contrat (arrêt de la Cour du 18 décembre 1986, Commission/Zoubek, 426/85, Rec. p. 4057, point 4), à savoir, en l’espèce, le droit belge, lequel régit le contrat El Hierro aux termes de son article 5, paragraphe 1.

30      En revanche, conformément au principe de droit généralement admis selon lequel toute juridiction fait application de ses propres règles de procédure, la compétence juridictionnelle de même que la recevabilité des conclusions – que celles-ci soient présentées par la partie requérante ou défenderesse – s’apprécient sur le seul fondement du droit de l’Union (voir, en ce sens, arrêts de la Cour Commission/Zoubek, point 29 supra, point 10 et du 8 avril 1992, Commission/Feilhauer, C‑209/90, Rec. p. I‑2613, point 13).

 Sur les conclusions présentées par le requérant

31      Ainsi qu’il a été dit au point 23 ci-dessus, la Commission a informé le requérant, par la note de débit du 2 décembre 2009, qu’elle estimait détenir à son encontre une créance de 84 120 euros. Cette créance correspondait, selon elle, à des sommes indûment perçues par lui au titre du contrat El Hierro.

32      Par sa requête, le requérant a demandé au Tribunal de déclarer non fondée ladite créance. Au soutien de cette demande, il soulève cinq moyens distincts.

33      Préalablement à l’examen de ceux-ci, il convient de rappeler les règles régissant l’exécution des contrats en droit belge.

 Règles régissant l’exécution des contrats en droit belge

34      En droit belge, deux principes dominent l’exécution des contrats, y compris lorsqu’un des cocontractants est une personne de droit public.

35      Le premier, posé à l’article 1134, premier et deuxième alinéas, du code civil belge, prévoit que les « conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites » (article 1134, premier alinéa) et ne « peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise » (article 1134, deuxième alinéa).

36      Le second principe, posé à l’article 1134, troisième alinéa, ainsi qu’à l’article 1135 du même code, est celui de l’exécution de bonne foi.

37      Dans l’hypothèse où l’une des parties à un contrat estime que ces principes ont été violés par l’autre partie, il lui appartient de démontrer cette violation. En effet, de manière générale, lorsqu’un litige s’élève s’agissant de l’exécution d’un contrat, la charge de la preuve est régie par les dispositions de l’article 1315 du code civil belge, aux termes duquel :

« Celui qui réclame l’exécution d’une obligation, doit la prouver.

Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le payement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »

 S’agissant du premier moyen

38      Par un premier moyen, le requérant soutient que les objectifs qui lui ont été assignés dans le cadre du contrat El Hierro ont été atteints. La principale obligation pesant sur lui aurait donc été satisfaite, ce qui interdirait à la Commission de lui demander de reverser une partie des sommes dont il a bénéficié.

39      Toutefois, un tel moyen est inopérant.

40      En effet, il ressort du rapport d’audit, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que la créance litigieuse, dont la Commission s’estime titulaire à l’égard du requérant, procède de paiements excessifs dont celui-ci aurait bénéficié au titre du contrat El Hierro. Or, il ressort des termes mêmes de ce contrat que les paiements prévus au profit du requérant sont conditionnés à la justification du caractère « éligible » des coûts encourus dans le cadre de l’exécution du projet El Hierro. Autrement dit, il ne suffit pas que ce projet ait été réalisé pour bénéficier du financement communautaire.

 S’agissant du deuxième moyen

41      Par un deuxième moyen, le requérant soutient que l’ensemble des frais de personnel encourus au titre du projet El Hierro est éligible au financement communautaire, c’est-à-dire susceptible de faire l’objet d’un remboursement par la Commission. D’après le requérant, la Commission aurait refusé de reconnaître l’éligibilité de tels coûts au motif que deux membres de son personnel, MM. M. et O., n’auraient pas communiqué les « feuilles de temps » nécessaires. Or, la Commission n’aurait, selon le requérant, pas été fondée à formuler un tel reproche. En effet, elle se serait engagée, lors d’une réunion organisée le 11 mars 2009, à obtenir directement auprès de ces personnes les justificatifs manquants. En outre, elle aurait effectivement obtenu une partie de ceux-ci. Enfin, elle aurait dû faire toutes les diligences nécessaires pour obtenir de M. M. ses « feuilles de temps ».

42      Toutefois, ce moyen repose sur des prémisses erronées. En effet, il ressort du rapport d’audit que le requérant n’a présenté, lors de l’audit, aucune « feuille de temps » (timesheet), ni aucun contrat d’embauche ou preuve de paiements réalisés au profit de MM. M. et O. dans le cadre de l’exécution du contrat El Hierro. C’est sur la base de ce constat, et non pour le motif mentionné au point précédent, que la Commission a estimé que le requérant n’avait pas satisfait aux exigences posées par l’article 23 de l’annexe II au contrat et a, en conséquence, refusé de reconnaître éligibles au financement communautaire les frais de personnel dont le requérant avait fait état au titre du contrat El Hierro, soit 27 971,88 euros.

43      D’ailleurs, force est de reconnaître que c’est à bon droit que la Commission a opposé au requérant un tel refus.

44      En effet, il résulte de l’article 25 de l’annexe II au contrat El Hierro et de l’article 1315 du code civil belge que les coûts invoqués par le requérant ne peuvent lui être remboursés qu’à condition qu’il ait justifié de leur réalité, de leur lien avec le contrat et du respect des autres critères d’éligibilité posés par le contrat (voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 16 mai 2001, Toditec/Commission, T‑68/99, Rec. p. II‑1443, points 94 et 95). Si de telles justifications sont apportées, il revient à la Commission de démontrer qu’il y a lieu de les écarter.

45      Or, en l’espèce, le requérant n’a présenté, devant le Tribunal, aucun document de nature à justifier de la réalité, et a fortiori du paiement, des frais de personnel qu’il aurait encourus au titre du projet El Hierro.

 S’agissant du troisième moyen

46      Par un troisième moyen, le requérant prétend que l’éligibilité de ses frais généraux découle de celle de ses frais de personnel.

47      Toutefois, l’article 24, paragraphe 2, de l’annexe II au contrat El Hierro prévoit que les cocontractants de la Commission qui utilisent, comme en l’espèce, le système des « coûts additionnels » se font rembourser leurs frais généraux de manière forfaitaire, sur la base d’un pourcentage de 20 % des coûts directs éligibles (exception faite des frais de sous‑traitance). Ainsi, l’éligibilité des frais généraux dépend, dans ce cas, de celle des frais directs, au nombre desquels figurent, d’après l’article 23 de l’annexe II, les frais de personnel.

48      En l’espèce, les frais de personnel dont le requérant avait fait état auprès de la Commission ont été considérés, à bon droit, non éligibles (voir point 43 ci-dessus). En outre, il résulte du rapport d’audit, et il n’est d’ailleurs pas contesté, que les autres coûts directs dont le requérant avait fait état auprès de la Commission n’étaient pas éligibles. Par suite, le requérant n’est pas fondé à prétendre que ses frais généraux seraient éligibles.

 S’agissant du quatrième moyen

49      Par un quatrième moyen, le requérant fait valoir qu’en établissant la note de débit du 2 décembre 2009, la Commission a méconnu les prévisions de l’article 26 de l’annexe II au contrat El Hierro.

50      À l’appui de ce moyen, il expose que l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe II au contrat El Hierro limite la possibilité d’initier un audit à une période de cinq ans suivant chaque paiement effectué par la Commission. Il ajoute que, d’après l’article 3, paragraphe 1, de la même annexe, de nouveaux contrôles ne peuvent être effectués par la Commission que lorsque celle-ci fait part à son cocontractant de son intention avant l’expiration d’une période de 60 jours à compter de la transmission des éléments livrables. Ainsi, selon le requérant, la dernière avance ayant été versée le 7 août 2003, la Commission ne pouvait, sans méconnaître les termes de ce contrat, effectuer en 2009 de nouveaux contrôles et émettre, en conséquence, la note de débit litigieuse. De même, la Commission aurait dû, sitôt les conclusions de l’audit connues, l’aider à « régulariser » sa situation et lui donner un délai pour communiquer des justificatifs complémentaires. En tout état de cause, elle ne pouvait, selon le requérant, attendre l’année 2009 pour lui demander des pièces complémentaires.

51      Ce moyen est inopérant. En effet, le requérant prétend, en substance, que la Commission ne pouvait lui demander des justificatifs complémentaires de ses coûts en 2009, passée une période de cinq ans à compter du 7 août 2003, date de l’unique paiement effectué à son profit au titre du contrat El Hierro. Toutefois, force est de constater que la créance que le requérant demande au Tribunal de déclarer non fondée n’a pas été révélée par les réponses susceptibles d’avoir été apportées à une demande de justificatifs notifiée en 2009, mais par le rapport d’audit, notifié le 6 février 2006 (voir point 20 ci‑dessus). Il est donc vain d’invoquer des irrégularités ayant supposément affecté ladite demande dans le cadre du présent litige.

52      Au surplus, il convient de relever que ledit moyen est, en tout état de cause, non fondé.

53      En premier lieu, aucune stipulation contractuelle, ni aucune disposition applicable au contrat El Hierro, n’interdisait à la Commission de demander au requérant des justificatifs complémentaires de ses coûts en 2009.

54      En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que le requérant n’a fait l’objet d’aucun audit postérieurement à celui s’étant déroulé du 9 au 12 mai 2005, alors que l’unique paiement au titre du contrat El Hierro a eu lieu le 7 août 2003. À cet égard, il convient de souligner que, si, par lettre du 5 octobre 2009, la Commission a demandé au requérant des justificatifs des coûts encourus par lui du 1er mai 2004 au 30 avril 2008, cette demande, qui était explicitement autorisée par l’article 2, paragraphe 2, sous j), de l’annexe II au contrat, ne saurait être assimilée à un audit, au sens de l’article 26 de l’annexe II au contrat. D’ailleurs, elle n’impliquait aucun contrôle sur place. Il s’ensuit que, dans le cadre de l’exécution du contrat El Hierro, il n’a pas été porté atteinte aux prévisions de l’article 26, paragraphe 1, de l’annexe II, qui limitent la période pendant laquelle un audit financier peut être engagé à cinq ans suivant chacun des paiements de la Communauté.

55      En troisième lieu, aucune stipulation contractuelle n’impose à la Commission, contrairement à ce que soutient le requérant, d’aider son cocontractant à fournir la preuve de ses propres coûts. Au contraire, l’article 25 de l’annexe II au contrat indique, ainsi qu’il a été rappelé au point 44 ci-dessus, que l’administration de cette preuve incombe au seul cocontractant.

56      En quatrième lieu, il convient de noter que l’invocation, par le requérant, de l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe II au contrat El Hierro est dépourvue de toute pertinence. En effet, cet article traite, non des conditions suivant lesquelles la Commission peut récupérer une somme indûment perçue par un de ses cocontractants, mais des modalités de versement de sa contribution financière au projet.

 S’agissant du cinquième moyen

57      Par un cinquième moyen, le requérant fait valoir que la Commission ne pouvait, sans méconnaître les termes du contrat, suspendre les paiements au titre du projet El Hierro.

58      Au soutien de ce moyen, il expose que l’article 3, paragraphe 1, de l’annexe II au contrat El Hierro ne permet de suspendre des paiements que durant une période de 60 jours à compter de la transmission à la Commission des éléments livrables. Il ajoute que, pour justifier la suspension des paiements, la Commission a d’ailleurs invoqué successivement quatre stipulations contractuelles différentes, ce qui témoigne du caractère peu assuré du fondement de cette mesure. Enfin, il rappelle qu’il a demandé, dans le cadre de sa requête enregistrée sous le numéro T‑366/09, à ce que la Commission soit condamnée à lui verser une indemnité en réparation de la suspension abusive des paiements au titre du contrat El Hierro.

59      Ce moyen est, toutefois, inopérant.

60      En effet, la circonstance que la Commission aurait, à tort, suspendu certains paiements est dépourvue d’incidence sur l’étendue des obligations financières du requérant à l’égard de la Commission (voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 17 juin 2010, CEVA/Commission, T‑428/07 et T‑455/07, Rec. p. II‑2431, points 92 et 94). Par suite, quand bien même une telle circonstance pourrait être utilement invoquée au soutien de conclusions indemnitaires, telles que celles présentées dans l’affaire T‑366/09, Insula/Commission, il n’en resterait pas moins qu’elle ne saurait être utilement invoquée au soutien de conclusions tendant à ce que le Tribunal déclare non fondée la créance constatée par la note de débit du 2 décembre 2009.

61      Il résulte de tout ce qui précède que le recours présenté par le requérant doit être rejeté.

 Sur les conclusions reconventionnelles présentées par la Commission

 S’agissant de la demande tendant au remboursement des sommes dues en principal

62      Il est constant qu’une somme totale de 84 120 euros a été versée, le 7 août 2003, au requérant au titre du contrat El Hierro.

63      Par ailleurs, il ressort du rapport d’audit que la Commission a estimé qu’aucun des coûts dont le requérant avait fait état au titre du projet El Hierro n’était éligible à un financement communautaire.

64      Enfin, le requérant, auquel revient la charge de la preuve (voir point 44 ci-dessus), n’a pas démontré que cette appréciation était infondée. Il n’a, par ailleurs, ni établi ni même allégué qu’il aurait encouru des coûts éligibles à un financement communautaire au titre du projet El Hierro sur lesquels le rapport d’audit susmentionné ne se serait pas prononcé.

65      Il suit de là que la Commission est fondée à demander que le requérant soit condamné à lui verser la somme principale de 84 120 euros, dont il est constant qu’elle ne lui a pas été reversée à ce jour.

 S’agissant de la demande relative à l’application des intérêts moratoires

–       Détermination de la base juridique applicable

66      L’article 86, paragraphe 2, du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 357, p. 1) prévoit d’assortir toute créance n’ayant pas pour fait générateur un marché public de fournitures et de services visé au titre V de ce règlement d’intérêts moratoires dont le taux correspond à celui appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement majoré de 3,5 points de pourcentage.

67      En l’espèce, ainsi qu’il a été dit au point 26 ci-dessus, la Commission demande à ce que les sommes dues par le requérant au titre du contrat El Hierro soient augmentées d’intérêts de retard correspondant au « taux appliqué par la BCE » majoré de 3,5 points, calculés à compter de la date d’échéance de la note de débit litigieuse, à savoir le 25 janvier 2010. Ce faisant, elle demande implicitement l’application des dispositions de l’article 86 du règlement n° 2342/2002.

68      Toutefois, l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe II au contrat El Hierro, lequel a été conclu le 11 avril 2003, soit postérieurement à l’entrée en vigueur du règlement n° 2342/2002, prévoit, dans les cas qu’il vise, d’assortir les créances détenues par la Commission d’intérêts moratoires dont le taux correspond à celui appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement majoré de 1,5 point de pourcentage.

69      Ainsi, en signant le contrat El Hierro, la Commission a librement consenti à ce que des sommes lui étant dues en vertu de ce contrat soient assorties d’un taux d’intérêt moratoire inférieur de 2 points à celui prévu par le règlement n° 2342/2002. Par suite, il y a lieu d’appliquer au présent litige les stipulations de l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe II au contrat El Hierro, et non celles de l’article 86, paragraphe 2, du règlement n° 2342/2002.

–       Calcul des intérêts moratoires

70      En vertu de l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe II au contrat El Hierro, si les paiements réalisés par la Commission au profit de son cocontractant se révèlent être supérieurs à la somme qu’elle lui doit effectivement, le cocontractant est tenu de rembourser la différence dans un délai fixé par la Commission par lettre recommandée avec accusé de réception. Dans le cas où il n’est pas procédé au remboursement dans ce délai, la somme due est assortie d’intérêts au taux appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement le premier jour du mois durant lequel le délai fixé par la Commission a expiré, auxquels il est ajouté 1,5 point de pourcentage, à moins que les intérêts ne soient appliqués en vertu d’une autre clause du contrat. Les intérêts courent du jour suivant l’expiration du délai fixé par la Commission jusqu’au jour de réception des fonds.

71      En l’espèce, en premier lieu, il ressort des pièces du dossier que, par la note de débit du 2 décembre 2009, la Commission a invité le requérant à lui régler, au plus tard le 25 janvier 2010, la somme due en principal par lui au titre du contrat El Hierro.

72      En deuxième lieu, il ressort des mentions de la lettre accompagnant cette note de débit qu’elle a été envoyée par courrier recommandé avec accusé de réception. Ceci n’a d’ailleurs pas été contesté par le requérant.

73      En troisième lieu, il est constant, ainsi qu’il a été rappelé, qu’à l’expiration du délai imparti par ladite note de débit, le requérant n’avait pas acquitté la somme y étant indiquée.

74      Par suite, la Commission a droit à ce que ladite somme, qui correspond à celle indiquée au point 65 ci-dessus, soit assortie d’intérêts moratoires.

75      Dès lors que ces intérêts trouvent leur fondement dans l’article 3, paragraphe 4, de l’annexe II au contrat El Hierro, leur taux correspond à celui appliqué par la BCE pour ses opérations principales de refinancement le 1er janvier 2010, à savoir 1 % par an (JO 2010, C 2, p. 2), augmenté de 1,5 point de pourcentage, soit un taux global de 2,5 % par an.

76      Il y a donc lieu d’assortir la somme indiquée au point 65 ci-dessus d’intérêts moratoires au taux de 2,5 % par an, à compter du 26 janvier 2010, premier jour suivant l’expiration du délai fixé par la Commission, et jusqu’à complet paiement de cette somme.

77      Cela impose de rejeter comme non fondé, par voie de conséquence, le surplus des conclusions reconventionnelles de la Commission. En effet, ainsi qu’il a été constaté, la Commission demandait l’application d’un taux supérieur de deux points à celui prévu par le contrat El Hierro.

 Sur les dépens

78      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Le requérant ayant succombé pour l’essentiel, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,      

LE TRIBUNAL (troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Le Conseil scientifique international pour le développement des îles (Insula) est condamné à verser à la Commission européenne la somme principale de 84 120 euros, augmentée d’intérêts moratoires au taux de 2,5 % par an, à compter du 26 janvier 2010 et jusqu’à complet paiement de ladite somme principale.

3)      Le surplus de la demande reconventionnelle de la Commission est rejeté.

4)      Insula supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission.

Czúcz

Labucka

Gratsias

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 13 juin 2012.

Signatures


* Langue de procédure : le français.