Language of document : ECLI:EU:T:2018:754

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

8 novembre 2018 (*)

« Droit institutionnel – Membre du Parlement européen – Privilèges et immunités – Décision de lever l’immunité parlementaire – Activité sans lien avec les fonctions de député – Procédure de levée de l’immunité – Responsabilité non contractuelle – Préjudice – Lien de causalité »

Dans l’affaire T‑550/17,

Mylène Troszczynski, demeurant à Noyon (France), représentée par Me F. Wagner, avocat,

partie requérante,

contre

Parlement européen, représenté initialement par Mme M. Dean et M. S. Alonso de León, puis par MM. Alonso de León, N. Görlitz et Mme S. Seyr, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision du 14 juin 2017 par laquelle le Parlement a levé l’immunité de la requérante et, d’autre part, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice moral que celle-ci aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas (rapporteur) et Mme O. Spineanu‑Matei, juges,

greffier : Mme G. Predonzani, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 14 juin 2018,

rend le présent

Arrêt

I.      Antécédents du litige

1        La requérante, Mme Mylène Troszczynski, a été élue député au Parlement européen le 1er juillet 2014.

2        Le 23 septembre 2015, a été publiée sur son compte Twitter une photo sur laquelle figurait un groupe de femmes portant un vêtement dissimulant la totalité de leur visage à l’exception des yeux et semblant attendre devant une caisse d’allocations familiales (CAF). La photo était accompagnée du commentaire suivant : « CAF à Rosny-sous-Bois le 9 12 14. Le port du voile intégral est censé être interdit par la loi… » (ci-après le « tweet litigieux »).

3        Le 27 novembre 2015, le directeur général de la CAF de Seine-Saint-Denis (France) a déposé une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique envers une administration publique.

4        Le 19 janvier 2016, le procureur de la République de Bobigny (France) a ouvert une information judiciaire des chefs de provocation à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance ou leur non-appartenance à une ethnie, à une nation, à une race ou à une religion déterminées et de diffamation publique.

5        La requérante a été convoquée par un magistrat instructeur aux fins de première comparution le 20 septembre 2016. À la suite du refus de celle-ci de déférer à cette convocation, motif pris de son immunité parlementaire européenne, le magistrat instructeur a, par requête du 23 septembre 2016, sollicité la saisie du Parlement d’une demande de mainlevée de ladite immunité.

6        Par courrier du 1er décembre 2016, le procureur général près la cour d’appel de Paris a transmis, avec avis favorable, la demande du magistrat instructeur au ministre de la Justice français afin qu’il transmette ladite demande au président du Parlement. Le même jour, le ministre de la Justice français a transmis au président du Parlement la demande de levée de l’immunité parlementaire de la requérante formulée par le magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Bobigny.

7        Le 16 janvier 2017, le président du Parlement a annoncé en séance plénière que cette demande serait envoyée à la commission des affaires juridiques.

8        Le 11 avril 2017, la commission des affaires juridiques a entendu la requérante. Ladite commission a rendu son rapport le 12 juin 2017.

9        Par décision du 14 juin 2017, le Parlement a levé l’immunité de la requérante (ci-après la « décision attaquée »).

10      Postérieurement à l’introduction du présent recours, par ordonnance du 26 avril 2018, le vice-président chargé de l’instruction du tribunal de grande instance de Bobigny a renvoyé la requérante devant le tribunal correctionnel.

II.    Procédure

11      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 12 août 2017, la requérante a introduit le présent recours.

12      Le Parlement a déposé un mémoire en défense le 20 novembre 2017.

13      La requérante a déposé une réplique le 27 décembre 2017.

14      Le Parlement a déposé une duplique le 19 mars 2018, date à laquelle la phase écrite de la procédure a été clôturée.

15      Sur proposition du juge rapporteur, le Tribunal (sixième chambre) a décidé d’ouvrir la phase orale de la procédure.

16      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 14 juin 2018, au cours de laquelle il a été décidé d’inviter le Parlement à déposer ses observations éventuelles sur la nouvelle pièce produite par la requérante lors de l’audience dans un délai de sept jours.

17      Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 19 juin 2018, le Parlement a déféré à cette demande.

18      La phase orale de la procédure a été clôturée le 22 juin 2018.

III. Conclusions des parties

19      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner le Parlement à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral subi ;

–        condamner le Parlement à lui verser la somme de 5 000 euros en remboursement des dépens récupérables ;

–        condamner le Parlement aux dépens.

20      Le Parlement conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé,

–        rejeter comme irrecevables la demande indemnitaire et la demande tendant à ce qu’il soit condamné au remboursement des dépens récupérables ;

–        condamner la requérante aux dépens.

21      Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a déclaré ne pas maintenir son troisième chef de conclusions, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience.

IV.    En droit

A.      Sur les conclusions aux fins d’annulation

1.      Sur la recevabilité de la nouvelle offre de preuve

22      À titre liminaire, il appartient au Tribunal de se prononcer sur l’admissibilité de l’offre de preuve déposée tardivement, lors de l’audience du 14 juin 2018, par la requérante, au titre de l’article 85 du règlement de procédure du Tribunal.

23      Le Parlement observe que le document, bien que datant du 26 avril 2018, n’a été déposé par la requérante que lors de l’audience du 14 juin 2018.

24      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 85, paragraphe 3, du règlement de procédure dispose que, « [à] titre exceptionnel, les parties principales peuvent encore produire des preuves ou faire des offres de preuve avant la clôture de la phase orale de la procédure ou avant la décision du Tribunal de statuer sans phase orale de la procédure, à condition que le retard dans la présentation de celles-ci soit justifié. ».

25      En l’espèce, la requérante a déposé, le 14 juin 2018, lors de l’audience, une offre de preuve visant à communiquer au Tribunal l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel mentionnée au point 10 ci-dessus. La requérante a indiqué au Tribunal avoir pris connaissance de cette ordonnance la veille de l’audience, à savoir le 13 juin 2018. Par suite, et dès lors que, en tout état de cause, ladite ordonnance a été rendue le 26 avril 2018, soit après la clôture de la phase écrite de la procédure, il y a lieu de considérer que de telles circonstances justifient exceptionnellement la tardiveté du dépôt de cette pièce et, partant, que celle-ci est recevable.

2.      Sur le fond

26      À l’appui de son recours, la requérante soulève quatre moyens tirés, le premier, de la violation de l’article 8 du protocole no 7 sur les privilèges et immunités de l’Union européenne (JO 2010, C 83, p. 266, ci-après le « protocole no 7 »), le deuxième, de la violation de l’article 9 du même protocole, le troisième, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que du principe d’égalité de traitement et du principe de bonne administration et, le quatrième, de la violation des droits de la défense et d’une exception d’illégalité de l’article 9, paragraphe 9, et de l’article 150, paragraphe 2, du règlement intérieur du Parlement (ci-après le « règlement intérieur »).

27      Le Tribunal considère qu’il convient de traiter les deux premiers moyens ensemble.

a)      Sur le premier et le deuxième moyen, tirés de la violation des articles 8 et 9 du protocole no 7

28      S’agissant du premier moyen, la requérante soutient que le tweet litigieux et la photo publiés sur son compte Twitter, en raison desquels elle fait l’objet de poursuites pénales en France, constituent une opinion exprimée dans l’exercice de ses fonctions parlementaires au sens de l’article 8 du protocole no 7. Elle en conclut que la photo et le tweet litigieux sont couverts par l’immunité prévue par cet article.

29      S’agissant du deuxième moyen, la requérante fait valoir, en substance, que le Parlement a méconnu tant la lettre que l’esprit de l’article 9 du protocole no 7 et a entaché sa décision d’une erreur de droit. Elle relève que, en application de l’article 9 du protocole no 7, elle jouit sur le territoire français des immunités reconnues aux membres du parlement français, lesquelles sont déterminées par l’article 26 de la Constitution française. La requérante souligne que, pour pouvoir bénéficier de ces dernières dispositions, il est nécessaire que les opinions émises par le membre du Parlement l’aient été dans l’exercice de ses fonctions. Elle soutient que tel est précisément le cas en l’espèce. Par ailleurs, la requérante affirme que, dès lors que c’est son assistant qui est à l’origine du tweet litigieux, le Parlement aurait dû, pour ce seul motif, rejeter la demande de levée de son immunité. Enfin, elle fait valoir que, en levant son immunité, le Parlement a rendu une décision qui porte atteinte à l’indépendance des députés européens et à l’institution parlementaire dans son ensemble.

30      Le Parlement conteste cette argumentation.

31      À cet égard, il convient de rappeler que l’article 8 du protocole no 7 prévoit que « les membres du Parlement européen ne peuvent être recherchés, détenus ou poursuivis en raison des opinions ou votes émis par eux dans l’exercice de leurs fonctions ». En outre, aux termes de l’article 9 du protocole no 7 :

32      « Pendant la durée des sessions du Parlement européen, les membres de celui-ci bénéficient : a) sur leur territoire national, des immunités reconnues aux membres du parlement de leur pays ; b) sur le territoire de tout autre État membre, de l’exemption de toute mesure de détention et de toute poursuite judiciaire. L’immunité les couvre également lorsqu’ils se rendent au lieu de réunion du Parlement européen ou lorsqu’ils en reviennent. L’immunité ne peut être invoquée dans le cas de flagrant délit et ne peut non plus mettre obstacle au droit du Parlement européen de lever l’immunité d’un de ses membres. »

33      Ainsi, lorsqu’une demande de levée de l’immunité lui est transmise par une autorité nationale, il appartient, tout d’abord, au Parlement de vérifier si les faits à l’origine de la demande de levée sont susceptibles d’être couverts par l’article 8 du protocole no 7, auquel cas une levée de l’immunité est impossible (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 46).

34      Si le Parlement aboutit à la conclusion que l’article 8 du protocole no 7 ne s’applique pas, il lui incombe, ensuite, de vérifier si le député au Parlement bénéficie de l’immunité prévue par l’article 9 du protocole no 7 pour les faits qui lui sont reprochés et, si tel est le cas, de décider s’il y a lieu ou non de lever cette immunité (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 47).

35      En application de l’article 9 du protocole no 7, la requérante jouit donc, pendant la durée des sessions du Parlement, sur le territoire français, des immunités reconnues aux membres du parlement français, lesquelles sont déterminées par l’article 26 de la Constitution française.

36      Or, les dispositions de l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française correspondent à celles de l’article 8 du protocole no 7 en ce qu’elles disposent qu’aucun membre du parlement français ne peut être poursuivi, recherché, arrêté, détenu ou jugé à l’occasion des opinions ou votes émis par lui dans l’exercice de ses fonctions.

37      Pour pouvoir bénéficier de ces dispositions, il faut donc, tout comme en ce qui concerne l’article 8 du protocole no 7, que les opinions émises par le membre du Parlement l’aient été dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement, puisque c’est en cette qualité qu’il bénéficie, par le biais de l’article 9 du protocole no 7, de l’immunité reconnue par la Constitution française (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 84).

38      L’argumentation développée par la requérante au soutien des premier et deuxième moyens peut être divisée en cinq griefs.

39      En premier lieu, la requérante affirme que le fait que la déclaration qui lui est reprochée a été faite sur le réseau social Twitter et non dans l’enceinte du Parlement ne l’empêche pas d’entrer dans le champ d’application de l’article 26 de la Constitution française.

40      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que, après avoir exposé les antécédents du litige, le Parlement a, tout d’abord, rappelé les dispositions de l’article 9 du protocole no 7. Puis, dans la mesure où la teneur de l’inviolabilité établie à l’article 9 du protocole no 7 s’analyse par renvoi aux dispositions nationales pertinentes, le Parlement a fait mention de l’article 26 de la Constitution française, dont le contenu a été exposé au point 35 ci-dessus. Le Parlement a ensuite relevé que l’étendue de l’immunité accordée aux députés français correspondait à celle accordée aux députés du Parlement par l’article 8 du protocole no 7 et a précisé que, selon la jurisprudence de la Cour, pour être couverte par l’immunité, une opinion devait être émise par un député au Parlement, dans l’exercice de ses fonctions. Le Parlement a, enfin, estimé que, compte tenu, d’une part, de ce que les activités reprochées à la requérante ne concernaient pas des opinions ou des votes émis par elle dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement au sens de l’article 8 du protocole no 7 et, d’autre part, de l’absence de fumus persecutionis, il convenait de lever son immunité.

41      Il résulte de ce qui précède que le Parlement a considéré que la requérante ne pouvait bénéficier des dispositions de l’article 26 de la Constitution française non pas parce que la déclaration litigieuse avait été faite sur le réseau social Twitter, mais du fait qu’il n’existait pas de lien entre les activités qui lui étaient reprochées et une opinion ou un vote qu’elle aurait émis dans l’exercice de ses fonctions au Parlement au sens de l’article 8 du protocole no 7. Par suite, le premier grief est inopérant et ne peut être que rejeté.

42      En deuxième lieu, la requérante soutient que, pour l’application de l’article 8 du protocole no 7, l’opinion exprimée dans l’exercice des fonctions parlementaires est celle qui présente un lien direct avec un intérêt général préoccupant les citoyens. Or, selon la requérante, les questions de l’islamisme, de l’atteinte aux droits des femmes et de la violation des lois sur le port de signes religieux ostentatoires relèvent de questions d’intérêt général. La requérante ajoute que, en l’espèce, le sujet traité, à savoir les droits des femmes, n’est pas de nature régionale ni même purement française. Preuve en est, selon elle, qu’il existe, au sein du Parlement, une commission des droits de la femme et de l’égalité des genres, dont elle est membre suppléante. Elle soutient que le fait qu’il soit fait mention d’une loi dans le tweet litigieux démontre que son assistant a rédigé ledit tweet en sa qualité d’assistant d’une représentante française au Parlement. Elle en conclut que, dès lors qu’elle a agi dans l’intérêt général, le Parlement n’aurait pas dû lever son immunité.

43      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en raison du caractère politique d’une décision faisant suite à une demande de levée d’immunité, le Parlement dispose d’un très large pouvoir d’appréciation quant à l’orientation qu’il entend donner à une telle décision (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 59 et jurisprudence citée).

44      L’exercice de ce pouvoir n’est toutefois pas soustrait à tout contrôle juridictionnel. En effet, il résulte d’une jurisprudence constante que, dans le cadre de ce contrôle, le juge de l’Union européenne doit vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus par l’institution, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 60 et jurisprudence citée).

45      Il y a lieu de rappeler que, aux fins de cet examen, la critique formulée contre l’exposé des motifs du rapport de la commission des affaires juridiques doit être considérée comme dirigée contre les motifs de la décision relative à la levée de l’immunité (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 61 et jurisprudence citée).

46      Par ailleurs, il convient de préciser que la notion d’« opinion », au sens de l’article 8 du protocole no 7, doit être comprise dans un sens large, comme recouvrant les propos ou les déclarations qui, par leur contenu, correspondent à des assertions constitutives d’appréciations subjectives (arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 32).

47      En outre, il ressort également du libellé de l’article 8 du protocole no 7 que, pour être couverte par l’immunité, une opinion doit avoir été émise par un député européen « dans l’exercice de [ses] fonctions », impliquant ainsi l’exigence d’un lien entre l’opinion exprimée et les fonctions parlementaires (arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 33). De plus, un tel lien doit être direct et s’imposer avec évidence (arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 35).

48      Les interprétations de la notion d’« opinion » exposées aux points 45 à 46 ci-dessus sont applicables, par analogie, à la notion d’« opinion » au sens des dispositions de l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française, lesquelles correspondent à celles de l’article 8 du protocole no 7, ainsi qu’il a été indiqué au point 35 ci-dessus.

49      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le deuxième grief.

50      En l’espèce, il ressort de la décision attaquée que le Parlement a considéré que les charges retenues contre la requérante étaient sans lien avec sa qualité de député au Parlement et concernaient plutôt des activités de nature régionale, étant donné que le photomontage et le tweet litigieux portaient sur des évènements censés se dérouler à Rosny-sous-Bois (France) en violation du droit français. Le Parlement en a conclu que les activités présumées ne concernaient pas des opinions ou des votes émis par la requérante dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement au sens de l’article 8 du protocole no 7.

51      À cet égard, tout d’abord, force est de constater que la motivation figurant aux considérants I et J de la décision attaquée, qui est reprise au point 49 ci-dessus, est la seule motivation avancée pour justifier la position du Parlement, selon laquelle les faits reprochés à la requérante étaient sans lien avec des opinions ou des votes émis par elle dans l’exercice de ses fonctions, de sorte que le contrôle de légalité de ladite décision doit être effectué au regard de cette seule motivation. Par suite, le Parlement ne saurait utilement faire valoir, comme il le fait dans la duplique, que l’élément essentiel de son argumentation réside dans le fait que la requérante ne peut être regardée comme ayant émis une opinion au motif, d’une part, que c’est son assistant qui a rédigé le tweet litigieux et, d’autre part, qu’une photo ne constitue pas une opinion au sens des dispositions applicables. Pour les mêmes motifs, l’argumentation développée par le Parlement lors de l’audience selon laquelle il convient de tenir compte de ces deux dernières circonstances en tant qu’arguments subsidiaires au soutien de l’argumentation principale est dénuée de pertinence en l’espèce.

52      Ensuite, il ressort des pièces du dossier que le tweet litigieux avait pour objet de déplorer le non-respect d’une loi française, à savoir la loi no 2010-1192, du 11 octobre 2010, interdisant la dissimulation du visage dans l’espace public, par un groupe de femmes portant un vêtement dissimulant la totalité de leur visage à l’exception des yeux et censées se trouver devant la CAF de Rosny-sous-Bois. Ainsi, comme l’a indiqué à juste titre la décision attaquée, le tweet litigieux a trait à des évènements censés se dérouler en France et, plus précisément, devant un organisme chargé, sur le territoire français, d’une mission de service public en méconnaissance d’une loi française.

53      À cet égard, et contrairement à ce que fait valoir la requérante, la circonstance que ces évènements puissent être également rattachés à des problématiques liées à l’islamisme et à l’atteinte aux droits des femmes, lesquelles constituent effectivement des questions relevant de l’intérêt général, est dépourvue de pertinence dès lors que le tweet litigieux se réfère à un évènement précis et ne peut être assimilé à une prise de position plus générale sur des sujets d’actualité courante ou traités par le Parlement. En outre, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la photo et le tweet litigieux apparaissent davantage comme une volonté de mettre l’accent sur un comportement contraire à la loi française plutôt que comme l’expression d’un souci de défendre les droits des femmes, de sorte que le fait que la requérante soit membre suppléante de la commission des droits de la femme et de l’égalité des genres du Parlement ne saurait permettre de rattacher le tweet litigieux aux fonctions qu’elle exerce en tant que député.

54      Dans ces conditions, il convient de constater qu’il n’existe pas de lien direct et s’imposant avec évidence entre le tweet litigieux et les fonctions parlementaires de la requérante. Par suite, c’est sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation que le Parlement a considéré que les activités présumées ne concernaient pas des opinions ou des votes émis par la requérante dans l’exercice de ses fonctions de député au Parlement au sens de l’article 8 du protocole no 7.

55      En troisième lieu, la requérante soutient que, en publiant le tweet litigieux, elle a exercé sa liberté d’expression de parlementaire. Elle en conclut que le Parlement a porté atteinte au droit fondamental que constitue la liberté d’expression, entachant de nullité la décision attaquée.

56      À cet égard, comme il a été rappelé aux points 35 et 47 ci-dessus, les dispositions de l’article 26, premier alinéa, de la Constitution française correspondent à celles de l’article 8 du protocole no 7.

57      Or, l’article 8 du protocole no 7, qui constitue une disposition spéciale applicable à toute procédure judiciaire pour laquelle le député au Parlement bénéficie de l’immunité en raison des opinions et des votes exprimés dans l’exercice des fonctions parlementaires, vise à protéger la libre expression et l’indépendance des députés au Parlement, de sorte qu’elle fait obstacle à toute procédure judiciaire en raison de tels opinions et votes (voir arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 26 et jurisprudence citée).

58      En effet, en se référant aux opinions exprimées par les députés au Parlement, l’article 8 du protocole no 7 est étroitement lié à la liberté d’expression. Or, la liberté d’expression, en tant que fondement essentiel d’une société démocratique et pluraliste reflétant les valeurs sur lesquelles l’Union, conformément à l’article 2 TUE, est fondée, constitue un droit fondamental garanti par l’article 11 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, laquelle, en vertu de l’article 6, paragraphe 1, TUE, a la même valeur juridique que les traités. Cette liberté est également consacrée à l’article 10 de la convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 (ci-après la « CEDH ») (arrêt du 6 septembre 2011, Patriciello, C‑163/10, EU:C:2011:543, point 31).

59      En l’espèce, il suffit de constater que, ainsi qu’il a été indiqué au point 53 ci-dessus, il n’existe pas de lien direct et s’imposant avec évidence entre les faits reprochés à la requérante et ses fonctions parlementaires. Partant, lesdits faits ne relèvent ni de l’article 8 du protocole no 7 ni de l’article 26 de la Constitution française, lesquels protègent la liberté d’expression des députés. Dès lors, en levant l’immunité de la requérante, le Parlement n’a pas violé cette liberté.

60      En quatrième lieu, la requérante fait valoir que le Parlement a commis une erreur de droit dans la mesure où elle n’est l’auteur d’aucun délit. Elle note que le Parlement admet, au considérant B de la décision attaquée, que l’enquête a révélé que ce n’était pas elle qui avait publié le tweet litigieux sur son compte Twitter, mais son assistant, qui a reconnu les faits. Elle en conclut que cette absence de faute aurait dû conduire le Parlement à rejeter la demande tendant à lever son immunité. Elle ajoute que le Parlement souligne, au considérant D de la décision attaquée, que, lorsqu’elle a réalisé que l’image publiée sur son compte Twitter était un photomontage, elle s’est empressée de la retirer de son compte. Selon elle, une telle affirmation est la confirmation qu’elle n’avait pas l’intention de commettre un délit. Elle soutient que, au regard de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse, son assistant aurait pu être poursuivi de manière séparée.

61      À cet égard, il convient de rappeler que la question de savoir si les conditions pour une levée d’immunité étaient réunies au moment où il en est fait la demande est distincte de celle consistant à déterminer si les faits reprochés au député en cause sont établis. Ainsi, le fait, pour la requérante, d’avoir vu son immunité levée ne préjuge pas de la suite de la procédure devant les autorités d’un État membre.

62      Par ailleurs, il convient de noter qu’il n’appartient pas au Parlement de se prononcer sur la question de l’imputabilité au député en cause des faits qui lui sont reprochés, une telle compétence relevant des autorités de l’État membre, auteur de la demande de levée de l’immunité.

63      Il résulte de tout ce qui précède que le quatrième grief est inopérant et ne peut être qu’écarté.

64      En cinquième lieu, la requérante soutient que, en levant son immunité sur le fondement de l’article 9 du protocole no 7, le Parlement a rendu une décision portant atteinte à son indépendance ainsi qu’à celle de l’institution parlementaire à laquelle elle appartient, dans la mesure où l’immunité parlementaire n’est pas un privilège au bénéfice personnel de l’un ou l’autre membre du Parlement, mais une garantie d’indépendance du Parlement et de ses membres vis-à-vis des autres pouvoirs.

65      À cet égard, tout d’abord, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 2 du règlement intérieur, les députés exercent leur mandat de façon libre et indépendante et ne peuvent être liés par des instructions ni recevoir de mandat impératif. Ensuite, l’article 5, paragraphe 2, dudit règlement précise que, dans l’exercice de ses pouvoirs relatifs aux privilèges et aux immunités, le Parlement s’emploie à conserver son intégrité en tant qu’assemblée législative démocratique et à assurer l’indépendance des députés dans l’exercice de leurs fonctions. Cette disposition souligne également, ainsi que le soutient la requérante, que l’immunité parlementaire n’est pas un privilège personnel du député, mais une garantie d’indépendance du Parlement dans son ensemble et de ses députés. Enfin, aux termes de l’article 6 du même règlement, toute demande de levée de l’immunité est examinée conformément aux articles 7 à 9 du protocole no 7 ainsi qu’aux principes visés à l’article 5, paragraphe 2, du règlement intérieur.

66      Or, il convient de rappeler que l’article 9 du protocole no 7 prévoit expressément la possibilité, pour le Parlement, de lever l’immunité dont jouissent les députés au titre de cette disposition.

67      Il ne saurait, par conséquent, être reproché au Parlement d’avoir estimé opportun, eu égard aux circonstances de l’espèce et à la suite de la demande transmise par le ministre de la Justice français, de lever l’immunité de la requérante résultant du protocole no 7 afin de permettre la poursuite de l’instruction menée par les autorités judiciaires françaises.

68      En tout état de cause, la requérante n’invoque aucune circonstance qui conduirait à estimer que le Parlement aurait, en l’espèce, porté atteinte à l’indépendance qu’elle tire de sa qualité de député.

69      Par suite, le cinquième et dernier grief doit être écarté.

70      Il résulte de tout ce qui précède que, en prenant la décision attaquée, le Parlement n’a violé ni l’article 8 ni l’article 9 du protocole no 7.

71      Dès lors, les deux premiers moyens ne peuvent être que rejetés.

b)      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation ainsi que des principes d’égalité de traitement et de bonne administration

72      Ce moyen se divise en deux branches. S’agissant de la première, la requérante soutient que le Parlement a violé l’obligation de motivation et le principe d’égalité de traitement en la traitant différemment des députés qui se trouvaient dans des situations comparables sans en avoir justifié de manière suffisante. S’agissant de la seconde branche, elle fait valoir que le Parlement aurait également violé le principe de bonne administration, qui suppose l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

73      Le Parlement conteste cette argumentation.

1)      Sur la première branche, tirée de la violation de l’obligation de motivation et du principe d’égalité de traitement

74      La requérante se réfère à la pratique du Parlement en matière de levée d’immunité résumée dans un document de la commission juridique et du marché intérieur du Parlement du 6 juin 2003, intitulé « Communication aux membres no 11/2003 » et ayant pour objet : « Levée d’immunité conformément à l’article 10 du Protocole sur les privilèges et immunités. Principes établis sur la base des affaires relatives à l’expression d’opinions » (ci-après la « communication no 11/2003 »). Plus précisément, elle se fonde sur le « principe no 2 » de cette communication aux termes duquel il est rappelé que « c’est un principe fondamental que, dans les cas où les actes dont est accusé le député entrent dans le cadre de son activité politique ou y sont directement liés, l’immunité ne sera pas levée ». La requérante affirme qu’elle aurait dû bénéficier de ce principe, dont les enseignements ont été appliqués, selon elle, aux nombreux députés qu’elle mentionne dans ses écritures. Elle en conclut que le Parlement a non seulement violé le principe d’égalité de traitement en dérogeant à la communication no 11/2003, mais également insuffisamment motivé sa décision de procéder à une telle dérogation.

75      Le Parlement conteste cette argumentation.

76      À titre liminaire, il y a lieu de préciser, tout d’abord, que la communication no 11/2003 n’est pas un acte du Parlement, mais constitue uniquement une synthèse de la pratique décisionnelle antérieure de la commission juridique et du marché intérieur, réalisée par le secrétariat général du Parlement dans le but de sensibiliser les députés au Parlement au regard de cette pratique décisionnelle et qu’un tel document ne saurait par conséquent lier le Parlement (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 107).

77      Ensuite, il doit être noté que, contrairement à ce que fait valoir le Parlement, il ne ressort ni du document de la commission des affaires juridiques du Parlement du 9 mai 2016, intitulé « Communication aux membres (0011/2016) » et ayant pour objet : « Principes applicables aux affaires d’immunité » (ci-après la « communication no 11/2016 »), ni d’aucune autre pièce du dossier que la communication no 11/2003 n’était plus applicable à la date de la décision attaquée. Il ne ressort notamment pas des termes de la communication no 11/2016 qu’elle ait entendu remplacer la communication no 11/2003. L’invocation, lors de l’audience, par le Parlement, de la règle selon laquelle la loi postérieure l’emporte sur la loi antérieure n’est pas de nature à remettre en cause un tel constat. De même, si le Parlement a indiqué, au cours de l’audience, que la communication no 11/2003 était tombée en désuétude à la suite de l’évolution de la jurisprudence relative à la levée d’immunité consacrée dans les arrêts du 21 octobre 2008, Marra (C‑200/07 et C‑201/07, EU:C:2008:579), et du 6 septembre 2011, Patriciello (C‑163/10, EU:C:2011:543), une telle affirmation est dépourvue de fondement, étant donné que plusieurs points de cette communication, et notamment ceux consacrés au fumus persecutionis, n’ont pas été affectés par ces arrêts et trouvent donc toujours application. Au demeurant, force est de constater que les champs d’application respectifs de ces deux communications ne se recoupent pas dès lors que celle de 2003 a pour objet la levée d’immunité, conformément à l’article 10 du protocole no 7, dans sa version alors en vigueur (devenu article 9 du protocole no 7), et expose les principes établis sur la base des affaires relatives à l’expression d’opinions, alors que celle de 2016 porte sur les affaires d’immunité en général et indique la procédure à suivre dans le cadre de ces affaires.

78      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que les institutions sont tenues d’exercer leurs compétences en conformité avec les principes généraux du droit de l’Union, tels que le principe d’égalité de traitement et le principe de bonne administration, et que, eu égard à ces principes, il leur appartient de prendre en considération les décisions déjà prises sur des demandes similaires et de s’interroger avec une attention particulière sur la question de savoir s’il y a lieu ou non de décider dans le même sens. En outre, les principes d’égalité de traitement et de bonne administration doivent se concilier avec le respect de la légalité (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 109 et jurisprudence citée).

79      Il convient de relever, à cet égard, que le principe d’égalité de traitement s’oppose, notamment, à ce que des situations comparables soient traitées de manière différente, à moins qu’un tel traitement ne soit objectivement justifié (voir arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 110 et jurisprudence citée).

80      Premièrement, il doit être noté, en l’espèce, que la requérante se borne à mentionner le nom de plusieurs députés et à indiquer le motif en raison duquel le Parlement a refusé de lever leur immunité, sans pour autant préciser ni les actes ou les propos qui leur étaient reprochés, ni les circonstances dans lesquelles les faits en cause se seraient déroulés. Or, ce faisant, la requérante n’établit pas que la situation de ces députés ait été comparable à la sienne. Par suite, la requérante n’est pas fondée à soutenir que le Parlement aurait violé le principe d’égalité de traitement.

81      Deuxièmement, force est de constater que la requérante n’établit pas davantage que le Parlement aurait dérogé aux principes énoncés dans la communication no 11/2003 et, plus précisément, au « principe no 2 », aux termes duquel, « dans les cas où les actes dont est accusé le député entrent dans le cadre de son activité politique ou y sont directement liés, l’immunité ne sera pas levée ». En effet, il a été indiqué au point 53 ci-dessus que, en l’espèce, il n’existait pas de lien direct qui s’impose avec évidence entre le tweet litigieux et les fonctions parlementaires de la requérante. Dans ces conditions, il ne saurait être reproché au Parlement de ne pas avoir exposé les raisons pour lesquelles il aurait dérogé à cette communication et traité la requérante différemment des députés qu’elle mentionne.

82      Il résulte de ce qui précède que la première branche du troisième moyen doit être écartée.

2)      Sur la seconde branche, tirée de la violation du principe de bonne administration

83      La requérante soutient que la violation, par le Parlement, du principe de bonne administration révèle un cas de fumus persecutionis.

84      Le Parlement conteste cette affirmation.

85      À cet égard, il résulte d’une jurisprudence constante que, parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment le principe de bonne administration, auquel se rattache l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce (arrêts du 21 novembre 1991, Technische Universität München, C‑269/90, EU:C:1991:438, point 14, et du 29 mars 2012, Commission/Estonie, C‑505/09 P, EU:C:2012:179, point 95).

86      S’agissant plus précisément du fumus persecutionis, il y a lieu de rappeler que celui-ci a été défini dans la communication no 11/2003 comme « la présomption que les poursuites judiciaires à l’encontre d’un parlementaire sont entamées dans l’intention de porter atteinte à ses activités politiques ». Ladite communication fait état, à titre d’exemples, d’un certain nombre d’indices permettant d’en présumer l’existence. Ainsi en est-il lorsque des dénonciations anonymes sont à l’origine de l’enquête, lorsque la demande est introduite longtemps après les allégations, lorsque des poursuites en diffamation sont engagées par un adversaire politique, lorsque les poursuites concernent des faits anciens ou sont engagées pendant une campagne électorale ou pour faire de l’accusé un exemple.

87      En l’espèce, premièrement, la requérante soutient que les poursuites judiciaires ont été engagées par le ministre de la Justice français de l’époque qui était un adversaire déclaré du Front national, parti politique dont elle est l’une des représentantes. Elle ajoute que, en engageant les poursuites à la veille d’une campagne électorale, le gouvernement socialiste alors au pouvoir avait pour objectif non seulement de lui nuire, mais également de nuire à la candidate du Front national à l’élection présidentielle.

88      Tout d’abord, il convient de relever que, certes, la demande de levée d’immunité a été adressée au Parlement par le ministre de la Justice français. Néanmoins, une telle circonstance ne signifie pas que ledit ministre est intervenu dans la décision d’engager des poursuites à l’encontre de la requérante. Sur ce point, le Parlement relève, à juste titre, qu’un tel argument tend à remettre en cause le principe de la séparation des pouvoirs applicable en France. En outre, comme le relève à juste titre le Parlement, la requérante ne fournit aucun élément concret, en dehors de la différence d’idéologie politique, de nature à établir que le gouvernement français, et notamment le ministre de la Justice français, se livrait à une persécution du Front national dont elle est l’une des représentantes.

89      Par ailleurs, il est établi par les pièces du dossier que, ainsi qu’il a été indiqué aux points 2 à 4 ci-dessus, les poursuites engagées contre la requérante à l’occasion du tweet litigieux ont pour origine le dépôt, le 27 novembre 2015, d’une plainte avec constitution de partie civile pour diffamation publique envers une administration publique par le directeur général de la CAF de Seine-Saint-Denis, à la suite de laquelle le procureur de la République de Bobigny a ouvert une information judiciaire, le 19 janvier 2016, soit environ deux mois et dix jours avant le début officiel, le 1er avril 2016, de la campagne électorale pour l’élection du président de la République française et un an et quatre mois avant l’élection proprement dite.

90      Pour autant, le délai entre le dépôt de la plainte et l’ouverture de l’information judiciaire, inférieur à deux mois, n’est pas déraisonnable, de sorte qu’il ne saurait en être conclu, en l’absence de tout autre élément apporté par la requérante, que les poursuites judiciaires ont été sciemment engagées à une date susceptible de nuire à la requérante et à la candidate du Front national à l’élection présidentielle.

91      Deuxièmement, la requérante affirme que ce n’est que le 1er décembre 2016, soit près d’un an après les faits litigieux et à moins de six mois de l’issue de la campagne présidentielle, que le ministre de la Justice français a transmis au président du Parlement une demande tendant à la levée de son immunité.

92      En l’espèce, tout d’abord, il convient de rappeler que la requérante n’était pas candidate à l’élection du président de la République française.

93      Ensuite, il doit être relevé que, comme cela a été exposé aux points 5 et 6 ci-dessus, à la suite de l’ouverture de l’information judiciaire, la requérante a été convoquée par un magistrat instructeur aux fins de première comparution le 20 septembre 2016 et que, en raison de son refus de déférer à cette convocation, le magistrat instructeur a, par requête du 23 septembre 2016, sollicité la saisie du Parlement d’une demande de levée de son immunité parlementaire. Il est également établi par les pièces du dossier que, par courrier du 1er décembre 2016, le procureur général près la cour d’appel de Paris a transmis, avec avis favorable, la demande du magistrat instructeur au ministre de la Justice français afin qu’il transmette ladite demande au président du Parlement. Enfin, le même jour, le ministre de la Justice français a transmis au président du Parlement la demande de levée de l’immunité parlementaire de la requérante formulée par le magistrat instructeur du tribunal de grande instance de Bobigny.

94      Il résulte de cette chronologie des faits qu’aucun élément ne permet de considérer que la demande de levée de l’immunité parlementaire de la requérante est intervenue aux termes d’une procédure judiciaire qui se serait déroulée de manière anormale. En outre, ladite demande a été adressée au président du Parlement deux mois et dix jours après la constatation, par le magistrat instructeur, du refus de la requérante de déférer à la convocation qu’il lui avait adressée. Or, une telle durée est raisonnable et ne saurait constituer un indice suggérant l’existence d’un fumus persecutionis, nonobstant la circonstance que l’élection du président de la République française se soit tenue six mois plus tard.

95      Troisièmement, la requérante observe que le rapporteur de la commission des affaires juridiques du Parlement n’a pas tiré les conséquences du fait que c’est son assistant qui a rédigé le tweet litigieux, qu’il n’a pas cité, dans son rapport, l’article 6 de la loi française no 2004/575, du 21 juin 2004, pour la confiance dans l’économie numérique, aux termes duquel sa responsabilité pénale ne saurait être engagée, et qu’il n’a pas mentionné qu’elle risquait, en cas de condamnation, de se voir infliger, à titre de peine accessoire, l’inéligibilité ainsi que la perte de son mandat de député européen et de l’ensemble de ses mandats électifs.

96      À cet égard, il a été rappelé au point 60 ci-dessus que la question de savoir si les conditions pour une levée d’immunité étaient réunies au moment où il en est fait la demande est distincte de celle de savoir si les faits reprochés au député en cause sont établis. Or, les éléments relevés par la requérante au point 95 ci-dessus englobent, d’une part, les circonstances de fait et de droit permettant de déterminer si elle pourra être condamnée pour les faits qui lui sont reprochés et, d’autre part, les conséquences d’une telle condamnation. Ces éléments ne sont pas au nombre des circonstances que le Parlement devait prendre en compte pour déterminer si les conditions pour une levée d’immunité étaient réunies en l’espèce. Par suite, le fait que le rapporteur de la commission des affaires juridiques ne l’en ait pas informé en mentionnant ces éléments dans son rapport est dépourvu d’incidence sur la légalité de la décision attaquée.

97      S’agissant plus particulièrement des conséquences d’une éventuelle condamnation sur le mandat de la requérante, le Parlement souligne, à juste titre, qu’elles ne découleraient pas de la procédure de levée d’immunité, mais nécessiteraient la mise en œuvre d’une autre procédure prévue à l’article 3, paragraphe 6, du règlement intérieur.

98      Quatrièmement, la requérante soutient que la photo en cause était libre d’accès et qu’elle avait déjà été diffusée et partagée sur Internet sans qu’aucune procédure judiciaire ne soit diligentée, notamment par la CAF de Seine-Saint-Denis. Selon elle, c’est uniquement en raison de son appartenance au Front national que la publication, par son assistant, de cette photo a entraîné l’ouverture d’une information judiciaire. Enfin, elle note que le Parlement a reconnu qu’elle n’était pas l’auteur du tweet litigieux et qu’elle l’avait effacé dès qu’elle en avait eu connaissance.

99      D’une part, il convient de relever que la requérante n’établit pas les circonstances qu’elle allègue. En particulier, elle n’apporte aucun élément qui tendrait à démontrer que c’est uniquement, ou même en partie, son appartenance au Front national qui aurait déclenché l’ouverture d’une information judiciaire en l’espèce.

100    D’autre part, s’agissant du fait que le Parlement a reconnu qu’elle n’était pas l’auteur du tweet litigieux et qu’elle l’avait effacé dès qu’elle en avait eu connaissance, force est de constater qu’il ne concerne pas la question de savoir si les conditions pour une levée d’immunité étaient réunies au moment où la demande en a été faite, de sorte qu’il ne saurait être reproché au Parlement de ne pas en avoir tiré de conséquence.

101    À titre surabondant, il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été indiqué au point 25 ci-dessus, la requérante a produit, au cours de l’audience, une ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel. Force est de constater qu’une telle ordonnance, datée du 28 avril 2018, est postérieure à la décision attaquée et donc sans incidence sur sa légalité, la légalité d’un acte de l’Union s’appréciant en fonction des éléments de fait et de droit existant à la date à laquelle l’acte a été pris (voir arrêt du 26 octobre 2012, Oil Turbo Compressor/Conseil, T‑63/12, EU:T:2012:579, point 19 et jurisprudence citée). Pour autant, il convient de noter que ladite ordonnance, en tant qu’elle indique que le magistrat instructeur a considéré qu’il disposait d’éléments suffisants pour justifier le renvoi de la requérante devant le tribunal correctionnel, tend à contredire l’argumentation de cette dernière, figurant aux points 87 et 98 ci-dessus, relative à l’existence d’un fumus persecutionis de la part des autorités judiciaires françaises. En outre, cette ordonnance vient également contredire les arguments de la requérante selon lesquels le fait que le Parlement ait reconnu qu’elle n’était pas l’auteur du tweet litigieux et qu’elle l’avait effacé dès qu’elle en avait eu connaissance aurait dû le conduire à refuser de lever son immunité. En effet, aux termes de l’ordonnance de renvoi devant le tribunal correctionnel, la circonstance que la requérante ne soit pas l’auteur du tweet litigieux ne fait pas obstacle à ce qu’elle soit poursuivie sur le fondement de la loi française du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

102    Il résulte de tout ce qui précède que la seconde branche du troisième moyen doit être rejetée ainsi que, par voie de conséquence, ledit moyen dans son ensemble.

c)      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et d’une exception d’illégalité de l’article 9, paragraphe 9, et de l’article 150, paragraphe 2, du règlement intérieur

103    D’une part, la requérante soutient que le fait de ne pas l’avoir invitée à s’exprimer en assemblée plénière sur la levée de son immunité est contraire non seulement aux principes généraux du droit, mais également au simple bon sens et à la plupart des usages parlementaires, comme ceux du parlement français. D’autre part, elle soulève une exception d’illégalité, tirée de la violation, par l’article 9, paragraphe 9, et par l’article 150, paragraphe 2, du règlement intérieur, de la CEDH, et notamment de son article 6, de la charte des droits fondamentaux, et notamment de ses articles 47 et 48, ainsi que de l’ensemble des principes généraux du droit relatifs aux droits de la défense et au droit d’être entendu dans le cadre d’un procès équitable tant en matière administrative qu’en matière juridictionnelle.

104    Le Parlement conteste cette argumentation.

105    S’agissant, en premier lieu, du grief tiré de ce que le Parlement se serait, à tort, abstenu d’inviter la requérante à s’exprimer en assemblée plénière sur la levée de son immunité, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense, et notamment du droit d’être entendu, dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci constitue un principe fondamental du droit de l’Union et doit être assuré, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure en cause (arrêts du 9 novembre 2006, Commission/De Bry, C‑344/05 P, EU:C:2006:710, point 37, et du 14 octobre 2009, Bank Melli Iran/Conseil, T‑390/08, EU:T:2009:401, point 91). Ce principe a d’ailleurs été consacré par l’article 41, paragraphe 2, sous a), de la charte des droits fondamentaux.

106    En vertu de ce principe, l’intéressé doit avoir eu la possibilité, préalablement à l’adoption de la décision le concernant, de faire valoir utilement son point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances sur la base desquels cette décision a été adoptée (voir, en ce sens, arrêt du 3 octobre 2000, Industrie des poudres sphériques/Conseil, C‑458/98 P, EU:C:2000:531, point 99).

107    Il s’ensuit que, conformément à ces principes, une décision ne saurait être adoptée sur le fondement d’éléments de fait et de circonstances sur lesquels l’intéressé n’aurait pas été en mesure de faire utilement valoir son point de vue avant l’adoption de cette décision (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 177).

108    Le droit d’être entendu n’implique toutefois pas nécessairement la tenue d’un débat public dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief à celle-ci (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 178).

109    Le respect des droits de la défense et du contradictoire n’implique pas, par conséquent, que l’adoption, par le Parlement, d’une décision concernant la levée de l’immunité d’un député soit nécessairement précédée d’un débat en séance plénière (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 179).

110    D’ailleurs, en l’espèce, comme cela a été rappelé au point 8 ci-dessus et confirmé à l’audience par la requérante, celle-ci a été entendue par la commission des affaires juridiques le 11 avril 2017, soit avant que celle-ci ne présente sa proposition de décision au Parlement.

111    En tout état de cause, la requérante ne précise pas quels éléments de fait ou quelles circonstances n’auraient pas été pris en compte par l’assemblée plénière du Parlement, si celle-ci avait été réunie, ou auraient été retenus par cette dernière sans qu’elle puisse faire valoir son point de vue avant l’adoption de la décision attaquée.

112    Au surplus, la requérante n’établit pas que, dans le droit des États membres, et en particulier dans le droit français, il existerait des dispositions imposant à l’assemblée plénière du parlement national d’entendre le député au cours de la procédure pouvant conduire à la levée de son immunité.

113    À cet égard, ainsi que le relève d’ailleurs à juste titre le Parlement, l’exemple donné par la requérante dans la requête, à savoir l’article 80, paragraphe 7, du règlement de l’Assemblée nationale française, concerne la procédure devant la commission chargée de l’examen des demandes de suspension de la détention, des mesures privatives ou restrictives de liberté ou de la poursuite d’un député et non la procédure devant la commission chargée d’examiner les demandes tendant à la levée des immunités parlementaires. Un tel exemple est donc dénué de toute pertinence en l’espèce.

114    Par suite, la requérante n’établit pas que, en l’espèce, les droits de la défense ou le principe du contradictoire ont été violés.

115    S’agissant, en second lieu, de l’exception d’illégalité de l’article 9, paragraphe 9, et de l’article 150, paragraphe 2, du règlement intérieur au regard des dispositions et des principes exposés au point 103 ci-dessus, force est de constater qu’elle ne peut être qu’écartée.

116    Premièrement, le grief tiré de la violation de l’article 6 de la CEDH ainsi que des articles 47 et 48 de la charte des droits fondamentaux est dénué de pertinence, comme l’a d’ailleurs reconnu la requérante lors de l’audience. En effet, de telles dispositions sont inapplicables en l’espèce dès lors, d’une part, que le Parlement ne saurait être assimilé à un Tribunal et, d’autre part, que la requérante, dans le contexte d’une procédure de levée d’immunité, ne saurait être considérée comme une « accusée » au sens desdites dispositions.

117    Deuxièmement, s’agissant du grief tiré de la violation des droits de la défense, il doit être précisé que l’article 9, paragraphe 6, du règlement intérieur prévoit que le député concerné par une demande de levée de son immunité se voit offrir la possibilité de s’expliquer et qu’il peut présenter autant de documents et d’éléments d’appréciation écrits qu’il juge pertinents. L’article 9, paragraphe 2, du même règlement prévoit qu’il peut, en outre, être représenté par un autre député.

118    Des garanties suffisantes, au regard des droits de la défense et du principe du contradictoire, sont ainsi conférées à l’intéressé dans le cadre de la procédure établie par le Parlement afin de traiter les demandes de levée de l’immunité des députés (arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 183).

119    C’est par conséquent à tort que la requérante fait valoir que le principe du respect des droits de la défense et du contradictoire s’opposerait au dispositif procédural en vigueur devant le Parlement dans le cadre de son règlement intérieur en vue du traitement des demandes de levée de l’immunité (voir, par analogie, arrêt du 17 janvier 2013, Gollnisch/Parlement, T‑346/11 et T‑347/11, EU:T:2013:23, point 184).

120    Il résulte de ce qui précède que le quatrième moyen doit être écarté ainsi que les conclusions aux fins d’annulation dans leur ensemble.

B.      Sur la demande de réparation du préjudice moral prétendument subi

121    La requérante demande la condamnation du Parlement à lui verser la somme de 35 000 euros en réparation du préjudice moral subi.

122    Le Parlement soutient que la demande indemnitaire doit être rejetée, comme étant irrecevable, faute de remplir le critère prévu à l’article 76, sous d), du règlement de procédure. À titre subsidiaire, il affirme que ladite demande doit être rejetée dès lors que, en cas d’annulation de la décision attaquée, une telle annulation constituerait une réparation adéquate du préjudice moral que la requérante aurait prétendument subi. En tout état de cause, il estime que la présente demande indemnitaire est excessive.

123    À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, pour comportement illicite de ses institutions ou de ses organes est subordonné à la réunion d’un ensemble de conditions, à savoir l’illégalité du comportement reproché à l’institution ou à l’organe de l’Union, la réalité du préjudice et l’existence d’un lien de causalité entre le comportement allégué et le préjudice invoqué (arrêts du 11 juillet 1997, Oleifici Italiani/Commission, T‑267/94, EU:T:1997:113, point 20, et du 9 septembre 2008, MyTravel/Commission, T‑212/03, EU:T:2008:315, point 35).

124    Dès lors que l’une des conditions mentionnées au point 123 ci-dessus n’est pas remplie, le recours doit être rejeté dans son ensemble, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres conditions (arrêt du 10 décembre 2009, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08, EU:T:2009:491, point 91 ; voir également, en ce sens, arrêt du 15 septembre 1994, KYDEP/Conseil et Commission, C‑146/91, EU:C:1994:329, point 81).

125    En l’espèce, il convient de constater que la demande de réparation du préjudice moral prétendument subi n’a été présentée que dans les conclusions de la requête, sans être étayée par un quelconque argument. Ainsi, la requérante ne produit aucun élément de nature à identifier le caractère et l’étendue du préjudice allégué. Elle n’établit pas davantage le lien de causalité entre le comportement du Parlement et le préjudice qu’elle prétend avoir subi.

126    Il s’ensuit que les conclusions de la requête tendant à la condamnation du Parlement à indemniser la requérante au titre du préjudice moral prétendument subi doivent être écartées comme manifestement dépourvues de tout fondement en droit.

127    Partant, il convient de rejeter le recours dans son ensemble.

V.      Sur les dépens

128    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du Parlement.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.


2)      Mme Mylène Troszczynski est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 8 novembre 2018.

Le greffier

 

Le président

E. Coulon

 

       V. Tomljenović


*      Langue de procédure : le français.