Language of document : ECLI:EU:T:2018:180

ARRÊT DU TRIBUNAL (sixième chambre)

11 avril 2018 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Agent national détaché auprès de la MPUE en Bosnie-Herzégovine – Décision de réaffectation – Compétence du chef de la MPUE de décider la réaffectation d’un agent national détaché – Obligation de motivation – Détournement de pouvoir – Erreur manifeste d’appréciation – Harcèlement moral »

Dans l’affaire T‑271/10 RENV,

H, représentée par Me M. Velardo, avocat,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par MM. A. Vitro et F. Naert, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, en premier lieu, une demande fondée sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation, d’une part, de la décision du 7 avril 2010 signée par le chef du personnel de la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en Bosnie-Herzégovine, par laquelle la requérante a été réaffectée au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine), et, d’autre part, de la décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine (JO 2009, L 322, p. 22), confirmant la décision du 7 avril 2010, et, en second lieu, une demande fondée sur l’article 268 TFUE et tendant à obtenir réparation du préjudice que la requérante aurait prétendument subi,

LE TRIBUNAL (sixième chambre),

composé de MM. G. Berardis, président, S. Papasavvas et Mme O. Spineanu‑Matei (rapporteur), juges,

greffier : Mme C. Heeren, administrateur,

vu la phase écrite de la procédure et à la suite de l’audience du 13 septembre 2017,

rend le présent

Arrêt (1)

I.      Antécédents du litige

1        Par l’action commune 2002/210/PESC du Conseil, du 11 mars 2002, relative à la Mission de police de l’Union européenne (JO 2002, L 70, p. 1), a été créée la Mission de police de l’Union européenne (MPUE) en vue d’assurer la relève du groupe international de police des Nations unies en Bosnie-Herzégovine.

2        La MPUE, qui a débuté le 1er janvier 2003, a été prorogée à plusieurs reprises, notamment par la décision 2009/906/PESC du Conseil, du 8 décembre 2009, concernant la MPUE en Bosnie-et-Herzégovine (JO 2009, L 322, p. 22), et s’est achevée le 30 juin 2012.

3        La requérante, H, est un magistrat italien qui a été détaché auprès de la MPUE à Sarajevo (Bosnie-Herzégovine) par décret du ministre de la Justice italien du 16 octobre 2008, afin d’y exercer les fonctions de Criminal Justice Unit Adviser, à compter du 14 novembre 2008.

4        Par décrets du ministre de la Justice italien du 7 avril 2009 et du 9 décembre 2009, la requérante a vu son détachement prorogé, pour exercer les fonctions de Chief of Legal Officer, jusqu’au 31 décembre 2009, puis jusqu’au 31 décembre 2010.

[omissis]

6        Par décision du 7 avril 2010, signée par le chef du personnel de la MPUE, la requérante a été réaffectée, pour des « raisons opérationnelles », au poste de Criminal Justice Adviser – Prosecutor auprès du bureau régional de Banja Luka (Bosnie-Herzégovine) à compter du 19 avril 2010 (ci-après la « décision du 7 avril 2010 »).

[omissis]

8        Par décision du 30 avril 2010, signée par le chef de la MPUE visé à l’article 6 de la décision 2009/906, ledit chef a confirmé la décision du 7 avril 2010. À cette occasion, il a précisé que la décision du 7 avril 2010 avait été prise par lui-même et que la raison opérationnelle de la réaffectation de la requérante reposait sur la nécessité de disposer de conseils en matière pénale dans le bureau de Banja Luka (ci-après la « décision du 30 avril 2010 »).

[omissis]

II.    Procédure devant le Tribunal et la Cour avant renvoi

10      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 juin 2010, la requérante a introduit le présent recours, dirigé contre le Conseil de l’Union européenne, la Commission européenne et la MPUE et tendant à l’annulation des décisions des 7 et 30 avril 2010 (ci-après, prises ensemble, les « décisions attaquées »).

[omissis]

12      Par ordonnance du 10 juillet 2014, H/Conseil e.a. (T‑271/10, non publiée, ci-après l’« ordonnance initiale », EU:T:2014:702), le Tribunal a rejeté le recours comme étant irrecevable, estimant qu’il n’était pas compétent pour en connaître.

[omissis]

14      Par arrêt du 19 juillet 2016, H/Conseil et Commission (C‑455/14 P, ci-après l’« arrêt sur pourvoi », EU:C:2016:569), la Cour a annulé l’ordonnance initiale, a rejeté comme irrecevable le recours en ce qu’il était dirigé contre la Commission et la MPUE, a renvoyé l’affaire au Tribunal pour qu’il fût statué sur le fond du recours en tant que celui-ci était dirigé contre le Conseil et a réservé les dépens.

15      La Cour a jugé, en substance, aux points 58 et 59 de l’arrêt sur pourvoi, que les décisions attaquées, en ce qu’elles avaient procédé à la réaffectation de la requérante au sein de la MPUE en Bosnie-Herzégovine, constituaient des actes de gestion du personnel ayant pour objet le redéploiement des membres de la mission sur le théâtre des opérations. Elle a estimé que ces décisions, bien qu’ayant été adoptées dans le contexte de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC), ne constituaient pas des actes visés à l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE ni à l’article 275, premier alinéa, TFUE. Elle a considéré que, par conséquent, elles relevaient de la compétence du juge de l’Union et a précisé que cette compétence découlait respectivement, s’agissant du contrôle de la légalité desdits actes, de l’article 263 TFUE, et, s’agissant des litiges en matière de responsabilité non contractuelle, de l’article 268 TFUE, lu en combinaison avec l’article 340, deuxième alinéa, TFUE, en prenant en considération l’article 19, paragraphe 1, TUE et l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne.

[omissis]

V.      En droit

[omissis]

B.      Sur la demande en annulation

[omissis]

2.      Sur le fond

[omissis]

a)      Sur le premier moyen, tiré d’une violation des dispositions de la décision 2009/906

[omissis]

1)      Sur la première branche, tirée de l’incompétence du chef de la MPUE pour adopter des décisions liées à la réaffectation du personnel

[omissis]

46      En premier lieu, il convient de constater d’emblée que la décision 2009/906 ne contient pas de dispositions spécifiques s’agissant de la compétence de réaffectation du personnel de la MPUE.

47      En second lieu, il y a lieu de relever que la décision 2009/906 ne définit ni les expressions « contrôle opérationnel », « niveau stratégique » ou « théâtre des opérations », ni les termes « commandement » ou « contrôle », bien qu’elle les utilise.

48      À cet égard, l’économie générale de la décision 2009/906 fait seulement apparaître que le chef de la MPUE exerçait, en tant que responsable de cette MPUE « sur le théâtre des opérations », le « commandement » et le « contrôle » de ladite mission, notamment des effectifs, des équipes et des unités « fournis par les États contributeurs » qui avaient été « affectés » par le commandant d’opération civil. En outre, le chef de la MPUE était chargé d’assurer la coordination et la gestion au quotidien de la MPUE en Bosnie-Herzégovine, en donnant toutes les instructions nécessaires à « l’ensemble » du personnel, afin que cette mission fût menée d’une façon efficace sur ce théâtre d’opérations (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 52).

49      Dans ces conditions, afin de déterminer à qui revenait l’habilitation de réaffecter le personnel de la MPUE, il y a lieu de tenir compte non seulement des termes de la décision 2009/906, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie.

50      S’agissant du contexte, il est constant que la MPUE, instituée par l’action commune 2002/210, a été la première mission civile de l’Union organisée dans le cadre de sa politique européenne de sécurité et de défense (PESD), devenue la politique de sécurité et de défense commune (PSDC), en tant que mission non exécutive ayant comme modèle de planification et de commandement les opérations militaires.

51      Il ressort de l’action commune 2002/210 que les activités de la MPUE ne devaient débuter que le 1er janvier 2003. Le Conseil avait donc prévu qu’une équipe de planification serait déployée au plus tard le 1er avril 2002 et que le chef de cette équipe deviendrait le chef de la MPUE à partir du 1er janvier 2003. Ce dernier devait aider entre-temps le secrétariat général du Conseil à élaborer le concept d’opérations (CONOPS) de la mission. Ensuite, l’équipe de planification devait établir le plan d’opération (OPLAN) et mettre au point tous les instruments techniques nécessaires au déploiement de la MPUE. Le Conseil a adopté par la suite le CONOPS et l’OPLAN afin de permettre à la mission de débuter ses activités à la date prévue.

52      Il ressort également de l’action commune 2002/210 que, pour la période de son premier mandat, soit de 2003 à 2005, la MPUE était composée d’un quartier général principal à Sarajevo à partir duquel travaillaient notamment le chef de la MPUE et un nombre variable d’agents de liaison chargés des contacts avec d’autres organisations internationales sur le terrain. De plus, des unités d’encadrement avaient également été déployées au sein de la police de Bosnie-Herzégovine « au niveau intermédiaire et supérieur ». Outre les policiers détachés par les États membres de l’Union, la MPUE pouvait recruter, sur une base contractuelle, du personnel civil international et du personnel local. Les États membres ou les institutions de l’Union pouvaient aussi participer à la mission en détachant du personnel civil international.

53      Ensuite, la MPUE a poursuivi sa mission avec un mandat et une taille régulièrement modifiés.

54      La MPUE a été redéfinie en 2009 sur le fondement de l’article 28 et de l’article 43, paragraphe 2, TUE, en tant qu’action opérationnelle de l’Union arrêtée et menée dans le cadre de la PSDC, qui fait partie intégrante de la PESC, avec, en substance, pour objet d’assister les services répressifs de Bosnie‑Herzégovine dans leur lutte contre la criminalité organisée et la corruption, ainsi qu’il ressort de l’article 2, premier alinéa, de la décision 2009/906.

55      Sur la base de l’article 4, paragraphe 2, seconde phrase, de la décision 2009/906, le Conseil a approuvé le nouvel OPLAN de la MPUE, lequel a été ultérieurement mis à jour et modifié par le COPS, conformément à l’article 38, troisième alinéa, TUE, sur la base de l’article 10, paragraphe 1, seconde phrase, de ladite décision.

56      Dans le cadre de son nouveau mandat, la MPUE devait mettre l’accent notamment sur les services répressifs à l’échelle de l’État, sur le renforcement des interactions entre la police et le parquet et sur la coopération régionale et internationale. En outre, la structure de la mission avait été modifiée pour ajouter, en Bosnie-Herzégovine, quatre bureaux régionaux à Sarajevo, Banja Luka, Mostar et Tuzla, en plus du quartier général et des unités déployées au sein des services policiers.

57      C’est au regard de ce contexte général, dans lequel la décision du chef de la MPUE est intervenue, qu’il convient d’apprécier la compétence de ce dernier pour réaffecter la requérante du quartier général de Sarajevo au bureau régional de Banja Luka.

58      Il convient de relever d’emblée que, selon l’article 24, paragraphe 1, second alinéa, TUE, « la [PESC] est soumise à des règles et procédures spécifiques [et] est définie et mise en œuvre par le Conseil européen et le Conseil, qui statuent à l’unanimité ».

59      À cet égard et en premier lieu, il est constant que, à l’époque de la création de la MPUE, ni la capacité civile de planification et de conduite (CPCC), en tant qu’entité chargée de la planification, du déploiement, de la conduite et de l’évaluation des missions civiles de gestion de crises relevant de la PSDC, ni son commandant d’opération civil n’existaient dans la structure institutionnelle de l’Union.

60      C’est le 18 juin 2007 que le Conseil a approuvé les lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle pour les opérations civiles menées par l’Union européenne dans le domaine de la gestion des crises (ci-après les « lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle »), prévoyant notamment qu’un commandant d’opération civil exercerait le commandement et le contrôle au niveau stratégique pour la planification et la conduite de l’ensemble des opérations civiles de gestion de crises, sous le contrôle politique et la direction stratégique du Comité politique et de sécurité (COPS) et sous l’autorité générale du haut représentant (HR), et que le directeur de la CPCC établie au sein du secrétariat général du Conseil serait, pour chaque opération civile de gestion de crise, le commandant d’opération civil.

61      Dès lors, pour toutes les opérations civiles, le commandant est le directeur de la CPCC et il est appuyé sur le théâtre d’opération par le chef de la MPUE, qui détient toutes les attributions classiques de contrôle et de commandement du personnel placé sous ses ordres. La chaîne de commandement est unifiée avec le COPS, qui assure la direction stratégique et le contrôle politique de l’opération, placé sous l’autorité du Conseil.

62      Dans ce contexte, le directeur de la CPCC a été désigné comme étant le commandant d’opération civil de la MPUE, dans l’article 5 de l’action commune 2007/749/PESC du Conseil, du 19 novembre 2007, concernant la MPUE en Bosnie-Herzégovine (JO 2007, L 303, p. 40), par laquelle la MPUE a été prorogée à compter du 1er janvier 2008.

63      Il ressort d’une lecture combinée de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de l’action commune 2007/749 et de l’article 5, paragraphes 1 et 4, de la décision 2009/906 que les autorités nationales ont transféré au commandant d’opération civil de la MPUE le « contrôle opérationnel » de leurs effectifs, équipes et unités, représentant leur contribution.

64      De plus, il ressort d’une lecture combinée des articles 5 et 6 de la décision 2009/906 que le commandant d’opération civil exerçait le commandement et le contrôle de la MPUE « au niveau stratégique », tandis que le chef de la MPUE les exerçait sur le « théâtre des opérations ».

65      En second lieu, il est également constant que, dans le cas des missions et des opérations classiques relevant de la PSDC, menées au titre de l’article 43 TUE, la planification et l’exécution sont effectuées au sein du service européen pour l’action extérieure (SEAE), conformément aux procédures de gestion de crise. En vertu desdites procédures, il revient notamment au SEAE d’élaborer les documents de planification, tels que le CONOPS et l’OPLAN et de définir les conditions de mise en œuvre et la responsabilité du processus de constitution des forces. Il revient, ensuite, au Conseil de les approuver.

66      Dans ces circonstances, il convient de considérer que, dans la mesure où la décision 2009/906 ne contient pas de dispositions expresses s’agissant de la personne compétente en matière de réaffectation du personnel de la MPUE au sein de celle-ci, elle est complétée par l’OPLAN et par les lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle.

67      Or, aux termes du point 5.3, deuxième alinéa, de l’OPLAN de 2009, tel que produit par le Conseil, à la suite d’une mesure d’organisation de la procédure, en version partiellement déclassifiée, « le chef de mission détient l’autorité en dernier ressort pour nommer le personnel et la responsabilité générale pour l’affecter ». Au point 5.3, troisième alinéa, de l’OPLAN de 2009, sont prévus les critères pour occuper les postes au sein de la MPUE, parmi lesquels figurent les besoins de celle-ci. De même, la compétence du chef de la MPUE s’agissant de l’affectation de son personnel ressort également d’une lecture de l’annexe M de l’OPLAN intitulée « Administration du personnel » qui détaille les conditions d’engagement et les compétences du chef de la mission à cet égard, en indiquant que « le chef de mission détient l’autorité en dernier ressort pour nommer le personnel et la responsabilité générale pour l’affecter, l’une et l’autre au niveau international et au niveau local ». Enfin, dans l’annexe D de l’OPLAN intitulée « Procédures de fonctionnement standard », il est précisé au point 2, troisième alinéa, lequel porte sur l’affectation, que « [l]es décisions d’affectation et/ou de réaffectation dans la mission relèvent de la responsabilité du chef de la mission ».

68      En outre, aux termes du point 6, paragraphe 1, sous c), des lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle, le contrôle opérationnel (OPCON) était défini comme étant « l’autorité assignée à un responsable de la PSDC pour les individus, les équipes et les unités assignés afin qu’il/elle puisse accomplir des missions spécifiques ou des tâches qui sont généralement limitées par la fonction, le temps ou l’emplacement ; pour les déployer et pour conserver ou déléguer le contrôle opérationnel ou le commandement tactique ou le contrôle qui peut être jugé nécessaire ».

69      Il s’ensuit que le contrôle opérationnel, exercé sur le « théâtre des opérations » par le chef de la mission, implique nécessairement la possibilité pour celui-ci de prendre des décisions, y compris de réaffectation du personnel, dans les plus brefs délais, et de soumettre le personnel détaché par les États membres auxdites décisions, aux fins de l’accomplissement de la mission.

70      Au vu des dispositions mentionnées aux points 64, 67 à 69 ci-dessus, il convient de considérer qu’il revient au commandant d’opération civil, lequel exerce, sous le contrôle politique et la direction stratégique du COPS et sous l’autorité générale du HR, le commandement et le contrôle, au niveau stratégique, de la planification et de la conduite de l’ensemble des missions civiles menées dans le cadre de la PSDC et qui est le commandant général de tous les chefs de missions civiles, la compétence d’affecter le personnel à chaque mission civile de l’Union, au sens de l’article 6, paragraphe 2, de la décision 2009/906. En revanche, au sein de chaque mission, la compétence d’affectation et de réaffectation du personnel relève de la compétence du seul chef de la MPUE.

[omissis]

2)      Sur la seconde branche, tirée de l’absence de consultation de l’État membre d’origine avant que ne soit prise la décision de réaffectation

[omissis]

75      En premier lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le chef de la MPUE aurait commis une erreur de procédure en prenant la décision de réaffectation sans avoir consulté son État membre d’origine, il y a lieu de relever d’emblée que la requérante n’indique aucune disposition en vertu de laquelle une telle consultation aurait été nécessaire.

76      Ensuite, force est de constater que ni les termes ni l’esprit de la décision 2009/906 et de l’OPLAN n’imposent au chef de la MPUE de procéder à une consultation préalable de l’autorité d’origine avant de prendre une décision de réaffectation du personnel détaché par les États membres.

77      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 7, paragraphes 2 et 3, de la décision 2009/906, la MPUE dispose d’un personnel soit recruté sur une base contractuelle, soit détaché d’une institution de l’Union, soit détaché d’un État membre. En ce qui concerne spécifiquement le personnel détaché par les États membres, il ressort de l’article 5, paragraphe 4, seconde phrase, de la décision 2009/906, ainsi que du point 5.2 de l’OPLAN, que les autorités nationales ont transféré le contrôle opérationnel de leurs effectifs, équipes et unités au commandant d’opération civil et de l’article 6, paragraphe 2, de la même décision que ledit contrôle opérationnel était exercé sur le « théâtre des opérations » par le chef de la mission.

78      Or, ainsi qu’il a été exposé au point 69 ci-dessus, il ressort du point 6, paragraphe 1, sous c), des lignes directrices relatives à une structure de commandement et de contrôle, que le contrôle opérationnel implique nécessairement la possibilité pour le chef de la MPUE de prendre des décisions, y compris de réaffectation du personnel, dans les plus brefs délais, et de soumettre le personnel détaché par les États membres auxdites décisions, aux fins de l’accomplissement de la mission. Ce caractère opérationnel est donc incompatible avec une procédure de consultation préalable de l’autorité d’origine, telle que celle invoquée par la requérante.

79      D’ailleurs, conformément aux règles régissant les missions de la PSDC, il avait été demandé à la requérante son consentement exprès à servir la mission à un autre poste que celui pour lequel elle déposait sa candidature et, par conséquent, l’acte de candidature qu’elle avait rempli et signé le 10 novembre 2008 pour le poste à partir duquel elle a été réaffectée comportait ce consentement. Contrairement à ce que la requérante a soutenu lors de l’audience, il ne ressort pas dudit acte de candidature que son consentement était limité aux seules autres fonctions exercées au sein du quartier général principal à Sarajevo ni qu’il excluait les autres structures de la MPUE.

80      Il y a lieu de constater qu’il ressort des dispositions de la décision 2009/906 que les agents détachés par les États membres et ceux détachés par les institutions de l’Union étaient soumis aux mêmes règles en ce qui concernait l’exercice de leurs fonctions sur le « théâtre des opérations » (voir, en ce sens, arrêt sur pourvoi, point 50).

81      Par conséquent, rien ne permet de conclure qu’un traitement différencié du personnel détaché par les États membres par rapport à celui détaché par les institutions de l’Union, pour ce qui est de la procédure de réaffectation sur le « théâtre d’opération », serait compatible avec les opérations de gestion de crise menées par la MPUE.

82      En second lieu, quant à l’argument selon lequel la requérante ne pouvait pas être réaffectée, en application d’une disposition expresse contenue dans la Constitution italienne visant à garantir l’impartialité des magistrats dans l’exercice de leurs fonctions, il convient de souligner d’emblée que celle-ci n’indique pas sur quelle disposition de la Constitution italienne elle fonde cet argument. À supposer que la requérante fasse référence à la garantie d’inamovibilité des magistrats prévue à l’article 107 de la Constitution italienne, en vertu de laquelle un magistrat ne pourrait pas être réaffecté sans son accord ou sans qu’ait été suivie une procédure spécifique, force est de considérer que ladite garantie ne peut pas être applicable en l’espèce.

83      En effet, premièrement, la requérante n’était pas assignée à exercer sa fonction de procureur au sein de la MPUE, mais à exercer une fonction de conseiller juridique pour laquelle son expérience professionnelle en tant que procureur avait été considérée comme pertinente. D’ailleurs, la requérante a gardé le statut de magistrat en vertu du droit national uniquement au regard des autorités nationales. Une fois détachée auprès de la MPUE, son statut au sein de celle-ci n’était pas le statut de magistrat, mais celui d’agent national détaché.

84      Deuxièmement, lorsque la requérante a déposé sa candidature pour un poste dans un organisme international, dont l’organisation et les règles de fonctionnement échappent au seul contrôle de son État d’origine, elle a implicitement consenti à se soumettre aux règles spécifiques dudit organisme.

85      Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que la seconde branche du premier moyen doit être écartée et, partant, celui-ci dans son intégralité.

[omissis]

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (sixième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      H est condamnée aux dépens.

Berardis

Papasavvas

Spineanu-Matei

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 11 avril 2018.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Ne sont reproduits que les points du présent arrêt dont le Tribunal estime la publication utile.