Language of document : ECLI:EU:T:2014:616

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

24 juin 2014(*)

« Recours en annulation – REACH – Identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante – Défaut d’affectation directe – Irrecevabilité »

Dans l’affaire T‑1/10 RENV,

Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG), établi à Bruxelles (Belgique),

SNF SAS, établie à Andrézieux-Bouthéon (France),

représentés initialement par Mes K. Van Maldegem et R. Cana, puis par Me Cana, avocats,

parties requérantes,

contre

Agence européenne des produits chimiques (ECHA), représentée par Mme M. Heikkilä, MM. W. Broere et T. Zbihlej, en qualité d’agents, assistés de Mes J. Stuyck et A.‑M. Vandromme, avocats,

partie défenderesse,

soutenue par

Royaume des Pays-Bas, représenté par Mme B. Koopman, en qualité d’agent,

et par

Commission européenne, représentée par M. E. Manhaeve et Mme K. Talabér-Ritz, en qualité d’agents,

parties intervenantes,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision de l’ECHA identifiant l’acrylamide (CE n° 201-173-7) comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) n° 793/93 du Conseil et le règlement (CE) n° 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), conformément à l’article 59 dudit règlement,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie),

composé de MM. A. Dittrich (rapporteur), président, F. Dehousse, J. Schwarcz, Mme V. Tomljenović et M. A. M. Collins, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents des litiges

1        Le premier requérant, Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG), est un groupement européen d’intérêt économique qui est établi en Belgique. Il représente les intérêts des sociétés productrices ou importatrices de polyélectrolytes, de polyacrylamide ou d’autres polymères contenant de l’acrylamide. Les sociétés membres du premier requérant sont également des utilisatrices d’acrylamide et des fabricantes ou importatrices d’acrylamide ou de polyacrylamide. Tous les producteurs d’acrylamide de l’Union européenne sont membres du premier requérant.

2        La seconde requérante, SNF SAS, est une société membre du premier requérant. Elle a principalement pour activité la fabrication d’acrylamide et de polyacrylamide, qu’elle vend directement à ses clients. Elle dispose de sites de production en France, aux États-Unis, en Chine et en Corée du Sud.

3        Les polyélectrolytes sont des polymères hydrosolubles, synthétiques et organiques qui sont produits à partir de différents monomères, l’un de ces monomères étant l’acrylamide. Ils sont utilisés, par exemple, pour purifier l’eau potable, traiter les eaux usées, produire du papier et extraire des minéraux précieux.

4        Le polyacrylamide est un polymère formé par polymérisation du monomère acrylamide, qui est le plus généralement utilisé dans le traitement des eaux, l’industrie du papier, l’industrie minière, l’industrie pétrolière, l’agriculture, comme additif pour les textiles, et dans les domaines des produits cosmétiques et de l’hygiène corporelle.

5        Le 25 août 2009, le Royaume des Pays-Bas a transmis à l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA) un dossier qu’il avait élaboré concernant l’identification de l’acrylamide comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement (CE) n° 1907/2006 du Parlement européen et du Conseil, du 18 décembre 2006, concernant l’enregistrement, l’évaluation et l’autorisation des substances chimiques, ainsi que les restrictions applicables à ces substances (REACH), instituant une agence européenne des produits chimiques, modifiant la directive 1999/45/CE et abrogeant le règlement (CEE) nº 793/93 du Conseil et le règlement (CE) nº 1488/94 de la Commission ainsi que la directive 76/769/CEE du Conseil et les directives 91/155/CEE, 93/67/CEE, 93/105/CE et 2000/21/CE de la Commission (JO L 396, p. 1), modifié par la suite notamment par le règlement (CE) n° 1272/2008 du Parlement européen et du Conseil, du 16 décembre 2008, relatif à la classification, à l’étiquetage et à l’emballage des substances et des mélanges, modifiant et abrogeant les directives 67/548/CEE et 1999/45/CE (JO L 353, p. 1), en faisant référence à la classification de l’acrylamide comme substance cancérogène de catégorie 2 et mutagène de catégorie 2 dans l’annexe VI, partie 3, du règlement n° 1272/2008. Le 31 août 2009, l’ECHA a publié sur son site Internet un avis invitant les parties intéressées à soumettre leurs observations sur le dossier établi pour l’acrylamide. Le même jour, l’ECHA a également invité les autorités compétentes des autres États membres à présenter des observations à ce sujet.

6        Après avoir reçu des observations sur le dossier en cause, notamment du premier requérant, et les réponses du Royaume des Pays-Bas à ces observations, l’ECHA a renvoyé le dossier à son comité des États membres, qui est parvenu, le 27 novembre 2009, à un accord unanime sur l’identification de l’acrylamide comme une substance extrêmement préoccupante, au motif que l’acrylamide remplissait les critères visés à l’article 57, sous a) et b), du règlement n° 1907/2006.

7        Le 22 décembre 2009, le directeur exécutif de l’ECHA a pris la décision ED/68/2009 d’inclure l’acrylamide, le 13 janvier 2010, dans la liste de substances identifiées en vue de leur inclusion à terme dans l’annexe XIV du règlement n° 1907/2006 (ci-après la « liste des substances candidates »).

 Procédure devant le Tribunal et la Cour et conclusions des parties

8        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 4 janvier 2010, les requérants ont introduit un recours visant à l’annulation de la décision de l’ECHA identifiant l’acrylamide comme une substance remplissant les critères visés à l’article 57 du règlement n° 1907/2006, conformément à l’article 59 de ce règlement (ci-après la « décision attaquée »).

9        Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 janvier 2010, la seconde requérante a introduit une demande en référé, dans laquelle elle a conclu, en substance, à ce qu’il plaise au président du Tribunal de surseoir à l’exécution de la décision attaquée.

10      Par ordonnance du président du Tribunal du 11 janvier 2010, il a été sursis à l’exécution de la décision attaquée jusqu’à l’adoption de l’ordonnance mettant fin à la procédure de référé. À la suite de cette ordonnance, l’ECHA a suspendu l’inscription de l’acrylamide sur la liste des substances candidates.

11      Par ordonnance du président du Tribunal du 26 mars 2010, SNF/ECHA (T‑1/10 R, non publiée au Recueil), la demande en référé de la seconde requérante a été rejetée et les dépens ont été réservés.

12      À la suite de cette ordonnance, l’ECHA a publié, le 30 mars 2010, la liste des substances candidates incluant l’acrylamide.

13      Par lettres enregistrées au greffe du Tribunal respectivement les 19 et 20 avril 2010, la Commission européenne et le Royaume des Pays-Bas ont demandé à intervenir au soutien des conclusions de l’ECHA. Il a été fait droit à ces demandes, les parties principales ayant été entendues, par ordonnance du président de la huitième chambre du Tribunal du 8 juin 2010.

14      Par actes déposés respectivement les 17 et 25 mai 2010, les requérants ont présenté une demande de traitement confidentiel de leurs mémoires à l’égard des parties intervenantes. Cette demande de traitement confidentiel n’a pas été contestée.

15      Par ordonnance du 21 septembre 2011, PPG et SNF/ECHA (T‑1/10, Rec. p. II‑6576), le Tribunal (septième chambre élargie) a rejeté le recours comme irrecevable.

16      Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 novembre 2011, les requérants ont introduit un pourvoi contre l’ordonnance PPG et SNF/ECHA, point 15 supra.

17      Par arrêt du 26 septembre 2013, Polyelectrolyte Producers Group et SNF/ECHA (C‑626/11 P, non encore publié au Recueil, ci-après l’« arrêt sur pourvoi »), la Cour a annulé l’ordonnance PPG et SNF/ECHA, point 15 supra. Selon la Cour, le Tribunal avait, à tort, conclu à l’irrecevabilité de la requête au motif qu’elle avait été introduite avant la date de publication de la décision attaquée (arrêt sur pourvoi, précité, point 41).

18      L’affaire n’étant pas en état d’être jugée, la Cour l’a renvoyée devant le Tribunal et a réservé les dépens.

19      L’affaire a été attribuée à la cinquième chambre élargie du Tribunal.

20      Dès lors que la procédure écrite n’était pas terminée lors de l’intervention de l’arrêt sur pourvoi, point 17 supra, l’ECHA a été invitée, par décision du Tribunal (cinquième chambre élargie) du 24 octobre 2013, à déposer un mémoire en défense, conformément à l’article 119, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

21      Par acte déposé au greffe du Tribunal le 5 décembre 2013, l’ECHA a soulevé une exception d’irrecevabilité en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure.

22      Les requérants ont déposé leurs observations sur l’exception d’irrecevabilité le 29 janvier 2014.

23      La Commission a déposé son mémoire en intervention limité à la recevabilité le 20 février 2014. Le Royaume des Pays-Bas n’a pas déposé de mémoire en intervention dans le délai imparti.

24      L’ECHA, soutenue par la Commission, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        déclarer le recours irrecevable ;

–        condamner les requérants aux dépens.

25      Les requérants concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter l’exception d’irrecevabilité ;

–        à titre subsidiaire, joindre l’exception d’irrecevabilité au fond.

 En droit

26      En vertu de l’article 114, paragraphes 1 et 4, du règlement de procédure, si une partie le demande, le Tribunal peut statuer sur l’exception d’irrecevabilité sans engager le débat au fond. Conformément au paragraphe 3 du même article, la suite de la procédure est orale, sauf décision contraire du Tribunal. Le Tribunal estime que, en l’espèce, il est suffisamment éclairé par les pièces du dossier et qu’il n’y a pas lieu d’ouvrir la procédure orale.

27      Au soutien de son exception d’irrecevabilité, l’ECHA soulève une fin de non-recevoir tirée d’un défaut d’affectation directe des requérants.

28      Aux termes de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, toute personne physique ou morale peut former, dans les conditions prévues aux premier et deuxième alinéas, un recours contre les actes dont elle est le destinataire ou qui la concernent directement et individuellement, ainsi que contre les actes réglementaires qui la concernent directement et qui ne comportent pas de mesures d’exécution.

29      En l’espèce, il est constant que la décision attaquée n’a pas été adressée aux requérants, qui ne sont donc pas destinataires de cet acte. Dans cette situation, en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE, les requérants peuvent former un recours en annulation contre ledit acte seulement à la condition qu’ils soient directement concernés par celui-ci.

30      S’agissant de la recevabilité du recours du premier requérant, il convient de rappeler qu’il a déjà été jugé qu’une association chargée de défendre les intérêts collectifs de ses membres n’est en principe recevable à introduire un recours en annulation que si les entreprises qu’elle représente ou certaines d’entre elles ont qualité pour agir à titre individuel ou si elle peut faire valoir un intérêt propre (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 juin 2006, Belgique et Forum 187/Commission, C‑182/03 et C‑217/03, Rec. p. I‑5479, point 56, et la jurisprudence citée). Cette solution s’impose également dans le cas d’un groupement européen d’intérêt économique qui, comme le premier requérant, a été constitué afin de représenter les intérêts d’une catégorie d’entreprises (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 22 juillet 2005, Polyelectrolyte Producers Group/Conseil et Commission, T‑376/04, Rec. p. II‑3007, point 38).

31      En l’espèce, le premier requérant n’a avancé aucun élément visant à démontrer que ses intérêts propres sont directement affectés. À supposer même qu’il soit tenu d’organiser et de coordonner une approche harmonisée concernant les obligations résultant du règlement n° 1907/2006 au niveau de l’ensemble du secteur en cause, il ne ferait pas valoir ainsi ses propres intérêts, mais ceux de ses membres. Par conséquent, le premier requérant n’est recevable à introduire un recours en annulation que si ses membres ou certains d’entre eux sont directement concernés par la décision attaquée.

32      S’agissant de l’affectation directe, il est de jurisprudence constante que cette condition requiert, premièrement, que la mesure incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et, deuxièmement, qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation de l’Union, sans application d’autres règles intermédiaires (arrêts de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43 ; du 29 juin 2004, Front national/Parlement, C‑486/01 P, Rec. p. I‑6289, point 34, et du 10 septembre 2009, Commission/Ente per le Ville vesuviane et Ente per le Ville vesuviane/Commission, C‑445/07 P et C‑455/07 P, Rec. p. I‑7993, point 45).

33      En premier lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée les concerne directement en ce que la situation juridique des membres du premier requérant et celle de la seconde requérante seraient affectées en raison des obligations prévues à l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006.

34      Selon cette disposition, tout acteur de la chaîne d’approvisionnement d’une substance ou d’un mélange est tenu de communiquer les informations nouvelles sur les propriétés dangereuses, quelles que soient les utilisations concernées, à l’acteur ou au distributeur situé immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement.

35      À cet égard, premièrement, force est de constater que cette disposition ne crée d’obligations d’information ni pour les membres du premier requérant ni pour la seconde requérante à l’égard de leurs clients. En effet, l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006 vise l’obligation d’information à l’égard des acteurs ou des distributeurs situés immédiatement en amont dans la chaîne d’approvisionnement. Or, les clients des membres du premier requérant ou ceux de la seconde requérante ne sont pas situés en amont dans ladite chaîne, mais se trouvent en aval dans celle-ci.

36      Deuxièmement, à supposer même que, ainsi que l’allèguent les requérants, il existe également une chaîne d’approvisionnement en amont du fait que certains membres du premier requérant obtiennent de l’acrylamide d’autres fournisseurs pour leur production de polyacrylamide, ce que les requérants n’ont d’ailleurs pas démontré, il y a lieu de relever que les obligations d’informations visées à l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006 ne pesaient pas sur ces membres du premier requérant.

37      En effet, l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006 a été effectuée au motif que cette substance répondait, en vertu de l’article 57, sous a), et b), du règlement n° 1907/2006, aux critères de classification parmi les substances cancérogènes et mutagènes de catégorie 2 conformément à la directive 67/548/CEE du Conseil, du 27 juin 1967, concernant le rapprochement des dispositions législatives, réglementaires et administratives relatives à la classification, l’emballage et l’étiquetage des substances dangereuses (JO 196, p. 1). Or, le fait que l’acrylamide répond à ces critères était déjà établi à l’annexe VI, partie 3, du règlement n° 1272/2008. Conformément à l’article 59, paragraphe 3, du règlement n° 1907/2006, le Royaume des Pays-Bas a fait référence, dans son dossier transmis à l’ECHA le 25 août 2009, à l’entrée de l’acrylamide dans l’annexe VI, partie 3, du règlement n° 1272/2008 (voir point 5 ci-dessus). Il s’ensuit que l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante par la décision attaquée ne contenait pas d’information nouvelle relative aux propriétés dangereuses de cette substance, mais correspondait au résultat de la procédure d’identification visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006 (voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 21 septembre 2011, Etimine et Etiproducts/ECHA, T‑343/10, Rec. p. II‑6611, point 39).

38      Cette considération n’est pas remise en cause par l’argument des requérants selon lequel l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006 ne concerne pas des informations relatives à de nouvelles propriétés dangereuses, mais de nouvelles informations sur ces propriétés dangereuses et donc également celles antérieurement connues et non contestées. En effet, ainsi qu’il ressort des considérants 17, 18, 21, 56 et 58 du règlement n° 1907/2006, la communication d’informations sert à la gestion des risques liés aux substances concernées. L’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006 ne fournit, en l’espèce, aucune information nouvelle relative aux propriétés dangereuses intrinsèques d’une substance qui pourrait servir à la gestion des risques, mais catégorise seulement cette substance aux fins de la procédure d’autorisation visée sous le titre VII du règlement n° 1907/2006.

39      Dans la mesure où les requérants font référence, au soutien de leur argumentation relative à l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006, à l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement, selon lequel ce dernier repose sur le principe en vertu duquel il incombe aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval de veiller à fabriquer, à mettre sur le marché ou à utiliser des substances qui n’ont pas d’effets nocifs pour la santé humaine ou l’environnement, il suffit de rappeler que l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006 vise l’obligation d’information à l’égard des acteurs ou des distributeurs situés immédiatement en amont et non en aval dans la chaîne d’approvisionnement. En outre, il convient de relever que le règlement n° 1907/2006 établit un système détaillé d’obligations qui ne saurait être élargi par un recours aux considérations générales contenues dans l’article 1er, paragraphe 3, de ce règlement (ordonnances du Tribunal Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 40, et du 21 septembre 2011, Borax Europe/ECHA, T‑346/10, Rec. p. II‑6629, point 42).

40      Il s’ensuit que les requérants ne sont pas directement concernés en raison des obligations prévues à l’article 34, sous a), du règlement n° 1907/2006.

41      En deuxième lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée les concerne directement en ce que la situation juridique des membres du premier requérant et celle de la seconde requérante seraient affectées en raison des obligations prévues à l’article 32, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006. Selon eux, la décision attaquée impose aux membres du premier requérant et à la seconde requérante d’informer leurs clients de la présence d’acrylamide et de l’identification de cette substance comme extrêmement préoccupante lorsqu’ils fournissent du polyacrylamide ou des préparations contenant de l’acrylamide qui ne doivent pas être assortis d’une fiche de données de sécurité, afin que leurs clients soient en mesure d’apprécier à leur tour la nécessité de prendre des mesures appropriées de gestion des risques telles que, par exemple, une demande d’obtention du label écologique de l’UE en vertu du règlement (CE) n° 66/2010 du Parlement européen et du Conseil, du 25 novembre 2009, établissant le label écologique de l’UE (JO 2010, L 27, p. 1).

42      Aux termes de l’article 32, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006, tout fournisseur d’une substance, telle quelle ou contenue dans un mélange, qui n’est pas tenu de fournir une fiche de données de sécurité conformément à l’article 31 de ce règlement, est tenu de fournir au destinataire toute information disponible et pertinente sur la substance, qui est nécessaire pour permettre l’identification et la mise en œuvre de mesures appropriées de gestion des risques, notamment les conditions spécifiques résultant de l’application de l’annexe XI, section 3, dudit règlement, relative aux essais tenant compte de l’exposition spécifiquement adaptés à une substance.

43      À cet égard, il convient de relever que, s’il est vrai que l’information relative à la présence d’acrylamide dans le polyacrylamide ou les préparations contenant de l’acrylamide peut être nécessaire pour permettre l’identification et la mise en œuvre de mesures appropriées de gestion des risques, il n’en demeure pas moins que l’information relative à l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006 ne fournit, en l’espèce, aucune information relative aux propriétés dangereuses intrinsèques de cette substance qui pourrait servir à la gestion des risques, mais catégorise seulement cette substance aux fins de la procédure d’autorisation visée sous le titre VII du règlement n° 1907/2006 (voir point 38 ci-dessus).

44      En ce qui concerne l’argument des requérants relatif au droit de leurs clients d’obtenir le label écologique de l’UE, en vertu du règlement n° 66/2010, il y a lieu de constater que ce label ne peut pas, certes, être accordé aux produits qui contiennent des substances qui satisfont aux critères établis à l’article 57 du règlement n° 1907/2006 et qui sont identifiées conformément à la procédure prévue à l’article 59, paragraphe 1, de ce règlement, présentes dans les mélanges, dans un article ou toute partie homogène d’un article complexe avec une concentration supérieure à 0,1 % (masse/masse), conformément à l’article 6, paragraphes 6 et 7, du règlement n° 66/2010. Toutefois, le droit d’obtenir le label écologique de l’UE en vertu du règlement n° 66/2010 n’a aucun lien avec des mesures de gestion des risques. En effet, il ressort du considérant 5 du règlement n° 66/2010 que le système de label écologique de l’UE s’inscrit dans le cadre de la politique de l’Union en matière de consommation et de production durable, qui vise à réduire l’incidence négative de la consommation et de la production sur l’environnement, la santé, le climat et les ressources naturelles. Ce système est destiné à promouvoir, grâce à l’utilisation du label écologique de l’UE, les produits qui présentent un degré élevé de performance environnementale.

45      Par conséquent, les requérants ne sont pas directement concernés en raison des obligations prévues à l’article 32, paragraphe 1, sous d), du règlement n° 1907/2006.

46      En troisième lieu, les requérants font valoir que la décision attaquée les concerne directement en ce que la situation juridique des membres du premier requérant et celle de la seconde requérante seraient affectées en raison des obligations prévues à la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006, telle que modifiée par le règlement (UE) n° 453/2010 de la Commission, du 20 mai 2010, modifiant le règlement n° 1907/2006 (JO L 133, p. 1). Selon eux, en vertu de cette section, les membres du premier requérant et la seconde requérante sont tenus d’insérer, dans la fiche de données de sécurité qui accompagne leurs produits, des informations relatives à l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006. Les requérants soutiennent que les destinataires de l’acrylamide ou les destinataires de préparations contenant cette substance ou les destinataires de polyacrylamide doivent être informés de l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante afin de pouvoir apprécier, notamment, la conformité aux règles relatives à l’attribution du label écologique de l’UE, en vertu du règlement n° 66/2010, et la conformité aux articles 7 et 33 du règlement n° 1907/2006, qui contiendraient des obligations d’information incombant à leurs clients. Selon les requérants, cela découle, d’une part, de leur obligation d’indiquer les informations relatives aux dispositions de l’Union pertinentes en matière de sécurité, de santé et d’environnement en les accompagnant de conseils relatifs aux mesures que le destinataire devrait prendre en conséquence et, d’autre part, du fait que l’acrylamide fait l’objet de dispositions particulières concernant la protection de la santé humaine ou de l’environnement.

47      À cet égard, premièrement, il est vrai que la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006 a été modifiée par le règlement n° 453/2010 et que, en raison de cette modification, le fournisseur d’une substance est tenu d’indiquer, dans la fiche de données de sécurité visée à l’article 31 du règlement n° 1907/2006, les informations relatives aux dispositions de l’Union pertinentes en matière de sécurité, de santé et d’environnement, par exemple, la catégorie SEVESO et les substances désignées figurant à l’annexe I de la directive 96/82/CE du Conseil, du 9 décembre 1996, concernant la maîtrise des dangers liés aux accidents majeurs impliquant des substances dangereuses (JO 1997, L 10, p. 13), ou de fournir des informations nationales sur le statut réglementaire de la substance ou du mélange, y compris les substances présentes dans le mélange, en les accompagnant de conseils relatifs aux mesures que le destinataire devrait prendre en conséquence.

48      Toutefois, étant donné que, selon une jurisprudence constante, les conditions de recevabilité du recours s’apprécient au moment de l’introduction du recours, à savoir du dépôt de la requête (voir ordonnance du Tribunal du 7 septembre 2010, Etimine et Etiproducts/Commission, T‑539/08, Rec. p. II‑4017, point 76, et la jurisprudence citée), et que la requête a été déposée le 4 janvier 2010, à savoir avant l’adoption du règlement n° 453/2010 par la Commission le 20 mai 2010, les requérants ne sauraient être directement concernés en raison des obligations résultant de la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006, telle que modifiée par le règlement n° 453/2010.

49      Deuxièmement, il y a lieu de constater que la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006 prévoyait, au moment du dépôt de la requête, que, si la substance ou le mélange visé par la fiche de données de sécurité faisait l’objet de dispositions particulières en matière de protection de l’homme et de l’environnement sur le plan de l’Union, par exemple, d’autorisations accordées en vertu du titre VII dudit règlement ou de restrictions imposées en vertu du titre VIII du même règlement, celles-ci devaient, dans la mesure du possible, être précisées.

50      À cet égard, il convient de relever que, s’il est vrai que l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006, est susceptible de déclencher des obligations d’information des opérateurs économiques, cela n’a pas pour conséquence que la substance concernée tombe sous le coup d’un régime particulier de sorte qu’elle ferait l’objet de dispositions particulières. En revanche, ladite identification n’a pas d’impact sur la mise sur le marché et l’utilisation de la substance (ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 33, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 34).

51      En ce qui concerne la procédure d’autorisation prévue par le titre VII du règlement n° 1907/2006 et les restrictions imposées en vertu du titre VIII de ce règlement, la section 15 de l’annexe II de ce règlement énonce comme seuls exemples tombant sous le coup de cette disposition les autorisations accordées et les restrictions. L’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006 ne concernant pas les restrictions imposées en vertu du titre VIII dudit règlement, mais faisant partie de la procédure d’autorisation prévue par le titre VII de ce règlement, la mention des restrictions à la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006 ne plaide donc pas pour le fait que ladite identification tombe sous le coup de cette disposition (ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 34, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 35).

52      S’agissant des autorisations accordées, il ressort du titre VII du règlement n° 1907/2006 que celles-ci constituent les autorisations octroyées conformément à l’article 60 de ce règlement qui font partie d’une phase ultérieure de la procédure d’autorisation (articles 60 à 64 du même règlement). Elles peuvent être demandées à l’ECHA en vertu de l’article 62, paragraphe 1, de ce règlement pour une ou plusieurs utilisations d’une substance dont la mise sur le marché est interdite en raison de son inclusion dans l’annexe XIV dudit règlement. Or, il convient de constater que, s’agissant de la procédure d’autorisation prévue par le titre VII du règlement n° 1907/2006, l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante, résultant de la procédure visée à l’article 59 de ce règlement, n’a pas été expressément mentionnée par le législateur dans la section 15 de l’annexe II dudit règlement. S’il est vrai que la mention des autorisations accordées en vertu du titre VII de ce règlement n’est fournie qu’à titre d’exemple, il n’en reste pas moins que cette mention est la seule qui concerne la procédure d’autorisation en vertu du titre VII du règlement n° 1907/2006. S’il n’est pas exclu que la section 15 de la fiche de données de sécurité soit concernée par d’autres dispositions particulières en matière de protection de l’homme et de l’environnement sur le plan de l’Union, s’agissant de la procédure d’autorisation prévue par le titre VII du règlement n° 1907/2006, cette considération milite également pour le fait que seules les autorisations tombent sous le coup de cette section. Cette conclusion est corroborée par la circonstance que l’article 31, paragraphe 9, sous b), dudit règlement dispose que la fiche de données de sécurité doit être mise à jour une fois qu’une autorisation a été octroyée ou refusée (ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 35, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 36).

53      Il s’ensuit que, du fait de l’identification d’une substance comme extrêmement préoccupante résultant de la procédure visée à l’article 59 du règlement n° 1907/2006, cette substance ne fait pas l’objet de dispositions particulières en matière de protection de l’homme et de l’environnement sur le plan de l’Union au sens de la section 15 de l’annexe II dudit règlement (ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 36, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 37).

54      Par conséquent, en vertu de la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006, avant sa modification par le règlement n° 453/2010, les membres du premier requérant et la seconde requérante n’étaient pas tenus d’indiquer l’identification de l’acrylamide comme substance extrêmement préoccupante dans la fiche de données de sécurité. Les requérants ne sont donc pas directement concernés en raison des obligations prévues dans la section 15 de l’annexe II du règlement n° 1907/2006.

55      En quatrième lieu, s’agissant de l’argumentation des requérants selon laquelle la décision attaquée les concerne directement en ce que la situation juridique des membres du premier requérant et celle de la seconde requérante seraient affectées en raison des obligations résultant des articles 7 et 33 du règlement n° 1907/2006, il convient de relever que ces dispositions contiennent des obligations d’information pour les producteurs, les importateurs et les fournisseurs d’articles tels que ceux définis à l’article 3, points 4, 11 et 33, du même règlement.

56      Il est constant que les membres du premier requérant et la seconde requérante n’ont ni le statut de producteur ou d’importateur d’articles ni celui de fournisseur d’un article. Les obligations prévues aux articles 7 et 33 du règlement n° 1907/2006 ne sont donc expressément susceptibles de viser directement que les clients des membres du premier requérant et ceux de la seconde requérante, dans la mesure où ces clients sont des producteurs ou des importateurs d’articles ou des fournisseurs d’un article. Il est vrai que le considérant 18 et l’article 1er du règlement n° 1907/2006 soulignent la responsabilité de la gestion des risques liés aux substances incombant aux fabricants, aux importateurs et aux utilisateurs en aval des substances. Cependant, le règlement n° 1907/2006 établit un système détaillé d’obligations qui ne saurait être élargi par le recours aux considérations générales contenues dans lesdites dispositions (ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 40, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 42).

57      Par conséquent, les requérants ne sont pas directement concernés en raison des obligations prévues aux articles 7 et 33 du règlement n° 1907/2006.

58      En cinquième lieu, s’agissant de l’argumentation selon laquelle la décision attaquée concerne directement la seconde requérante en ce que cette décision aurait des effets sur sa situation matérielle, il convient de relever que le seul fait qu’un acte soit susceptible d’avoir une influence sur la situation matérielle d’un requérant ne suffit pas pour que l’on puisse considérer qu’il le concerne directement. Seule l’existence de circonstances spécifiques pourrait habiliter un justiciable, prétendant que l’acte se répercute sur sa position dans le marché, à se pourvoir en vertu de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE (arrêt de la Cour du 10 décembre 1969, Eridania e.a./Commission, 10/68 et 18/68, Rec. p. 459, point 7 ; ordonnances Etimine et Etiproducts/ECHA, point 37 supra, point 41, et Borax Europe/ECHA, point 39 supra, point 46). En l’espèce, la seconde requérante ayant seulement fait valoir que ses clients cesseraient d’utiliser l’acrylamide, elle n’a pas établi l’existence de telles circonstances spécifiques.

59      Au vu de ce qui précède, il convient de constater que les requérants ne sont pas directement concernés par la décision attaquée.

60      Par conséquent, la fin de non-recevoir doit être accueillie et le recours doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur les dépens

61      Dans son arrêt sur pourvoi, point 17 supra, la Cour a réservé les dépens. Il appartient donc au Tribunal de statuer, dans la présente ordonnance, sur l’ensemble des dépens afférents aux différentes procédures, conformément à l’article 121 du règlement de procédure.

62      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Par ailleurs, aux termes du paragraphe 4 de cet article, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens.

63      Les requérants ayant succombé, il y a lieu de les condamner à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par l’ECHA, conformément aux conclusions de cette dernière. Les dépens afférents à la procédure de référé seront supportés par la seconde requérante, conformément aux conclusions de l’ECHA. Le Royaume des Pays-Bas et la Commission supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre élargie)

ordonne :

1)      Le recours est rejeté comme irrecevable.

2)      Polyelectrolyte Producers Group GEIE (PPG) et SNF SAS sont condamnés à supporter leurs propres dépens ainsi que ceux exposés par l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA).

3)      SNF supportera les dépens afférents à la procédure de référé.

4)      Le Royaume des Pays-Bas et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Fait à Luxembourg, le 24 juin 2014.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       A. Dittrich


* Langue de procédure : l’anglais.