Language of document : ECLI:EU:T:2022:807

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (quatrième chambre)

14 décembre 2022 (*)

« Politique étrangère et de sécurité commune – Mesures restrictives prises à l’encontre du PKK dans le cadre de la lutte contre le terrorisme – Gel des fonds – Position commune 2001/931/PESC – Règlement (CE) no 2580/2001 – Applicabilité aux situations de conflit armé – Groupe terroriste – Base factuelle des décisions de gel des fonds – Décision prise par une autorité compétente – Autorité d’un État tiers – Réexamen – Obligation de motivation – Proportionnalité – Droits de la défense – Droit à une protection juridictionnelle effective »

Dans l’affaire T‑182/21,

Kurdistan Workers’ Party (PKK), représenté par Mes A. van Eik et T. Buruma, avocates,

partie requérante,

contre

Conseil de l’Union européenne, représenté par M. B. Driessen et Mme S. Van Overmeire, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre),

composé, lors des délibérations, de MM. S. Gervasoni (rapporteur), président, L. Madise et P. Nihoul, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure, notamment les adaptations des conclusions de la requête des 16 septembre 2021 et 1er avril 2022,

à la suite de l’audience du 22 juin 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, le requérant, le Kurdistan Workers’ Party (PKK), demande l’annulation :

–        de la décision (PESC) 2021/142 du Conseil, du 5 février 2021, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision (PESC) 2020/1132 (JO 2021, L 43, p. 14) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2021/138 du Conseil, du 5 février 2021, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution (UE) 2020/1128 (JO 2021, L 43, p. 1) ;

–        de la décision (PESC) 2021/1192 du Conseil, du 19 juillet 2021, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2021/142 (JO 2021, L 258, p. 42) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2021/1188 du Conseil, du 19 juillet 2021, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 du Conseil concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2021/138 (JO 2021, L 258, p. 14) ;

–        de la décision (PESC) 2022/152 du Conseil, du 3 février 2022, portant mise à jour de la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les articles 2, 3 et 4 de la position commune 2001/931/PESC relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme, et abrogeant la décision 2021/1192 (JO 2022, L 25, p. 13) ;

–        du règlement d’exécution (UE) 2022/147 du Conseil, du 3 février 2022, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement (CE) no 2580/2001 concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, et abrogeant le règlement d’exécution 2021/1188 (JO 2022, L 25, p. 1), en tant que ces actes le concernent.

I.      Antécédents du litige et développements en cours d’instance

2        Le requérant a été créé en 1978 et a engagé une lutte armée contre le gouvernement turc afin de faire reconnaître le droit des Kurdes à l’autodétermination.

3        Le 28 septembre 2001, le Conseil de sécurité des Nations unies a adopté la résolution 1373 (2001), arrêtant des stratégies pour lutter par tous les moyens contre le terrorisme et, en particulier, contre son financement.

4        Le 27 décembre 2001, considérant qu’une action de l’Union européenne était nécessaire afin de mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, le Conseil de l’Union européenne a adopté la position commune 2001/931/PESC, relative à l’application de mesures spécifiques en vue de lutter contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 93). En particulier, l’article 2 de la position commune 2001/931 prévoit le gel des fonds et des autres avoirs financiers ou ressources économiques des personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme et repris sur la liste figurant à l’annexe de cette position commune.

5        Le 27 décembre 2001 également, afin de mettre en œuvre à l’échelle de l’Union les mesures décrites dans la position commune 2001/931, le Conseil a adopté le règlement (CE) no 2580/2001, concernant l’adoption de mesures restrictives spécifiques à l’encontre de certaines personnes et entités dans le cadre de la lutte contre le terrorisme (JO 2001, L 344, p. 70), ainsi que la décision 2001/927/CE, établissant la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 (JO 2001, L 344, p. 83). Le nom du requérant ne figurait pas sur cette liste initiale.

6        Le 2 mai 2002, le Conseil a adopté la position commune 2002/340/PESC, portant mise à jour de la position commune 2001/931 (JO 2002, L 116, p. 75). L’annexe de la position commune 2002/340 a mis à jour la liste des personnes, groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives prévues par la position commune 2001/931 et y a inséré notamment le nom du requérant, identifié comme suit : « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) ».

7        Le 2 mai 2002 également, le Conseil a adopté la décision 2002/334/CE, mettant en œuvre l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 et abrogeant la décision 2001/927 (JO 2002, L 116, p. 33). Cette décision a inscrit le nom du requérant sur la liste prévue à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, dans les mêmes termes que ceux employés dans l’annexe de la position commune 2002/340.

8        Ces actes ont depuis été mis à jour régulièrement, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001. Le nom du requérant a toujours été maintenu sur les listes des groupes et entités auxquels s’appliquent les mesures restrictives visées par les actes susvisés (ci-après les « listes litigieuses »), et ce en dépit de la contestation devant le Tribunal ou de l’annulation par ce dernier de plusieurs des décisions et règlements auxquels sont annexées ces listes. Depuis le 2 avril 2004, le nom de l’entité inscrite sur les listes litigieuses est le « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (également connu sous les noms de “KADEK” et “KONGRA-GEL”) ».

9        Ainsi, le Conseil a notamment adopté la décision 2021/142 et le règlement d’exécution 2021/138 (ci-après les « premiers actes attaqués »). Les exposés des motifs accompagnant ces actes se fondaient, comme ceux communiqués avec les précédents actes de maintien sur les listes litigieuses déjà examinés par le Tribunal :

–        s’agissant des décisions des autorités du Royaume-Uni, sur :

–        une ordonnance du Home Secretary (ministre de l’Intérieur, Royaume-Uni), du 29 mars 2001, visant à interdire le PKK en vertu de l’UK Terrorism Act 2000 (loi du Royaume-Uni de 2000 contre le terrorisme), telle que complétée par une ordonnance du 14 juillet 2006, considérant que « KADEK » et « KONGRA-GEL » constituaient d’autres appellations du PKK,

–        une décision du ministre de l’Intérieur du 3 décembre 2014 maintenant l’interdiction du PKK,

–        une ordonnance du ministre de l’Intérieur de 2020 considérant que le « TAK » ne devait pas être interdit séparément, mais devait l’être comme étant inclus dans l’interdiction du PKK ;

–        s’agissant des décisions des autorités françaises, sur un arrêt du 2 novembre 2011 du tribunal de grande instance de Paris (France) condamnant le centre culturel kurde Ahmet Kaya pour participation à une association de malfaiteurs en vue de la préparation d’un acte de terrorisme et financement d’entreprise terroriste, confirmé en appel par un arrêt du 23 avril 2013 de la cour d’appel de Paris et, sur pourvoi, par un arrêt du 21 mai 2014 de la Cour de cassation (France) ;

–        s’agissant des décisions des autorités des États-Unis, sur :

–        une décision du gouvernement des États-Unis d’Amérique du 8 octobre 1997 désignant le PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère » (foreign terrorist organisation) en vertu de la section 219 de l’US Immigration and Nationality Act (loi des États-Unis sur l’immigration et la nationalité), confirmée le 5 février 2019,

–        et une décision du gouvernement des États-Unis d’Amérique du 31 octobre 2001 désignant le PKK en tant que « terroriste mondial expressément désigné » (specially designated global terrorist) en vertu de l’Executive Order no 13224 (décret présidentiel no 13224).

10      Par la décision 2021/1192 et le règlement d’exécution 2021/1188 (ci-après les « deuxièmes actes attaqués »), adoptés le 19 juillet 2021, après l’introduction du présent recours, le nom du requérant a été maintenu sur les listes litigieuses. Les exposés des motifs accompagnant les deuxièmes actes attaqués indiquaient, en plus des motifs précédents, que le Conseil avait examiné plus avant l’incident du 24 août 2014, déjà mentionné précédemment comme ayant fondé la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni adoptée en 2014 et consistant en l’attaque d’une centrale électrique et en l’enlèvement de trois ingénieurs chinois, et en avait déduit que cet incident était imputable au PKK et pouvait être qualifié d’acte terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

11      Par la décision 2022/152 et le règlement d’exécution 2022/147 (ci-après les « troisièmes actes attaqués »), adoptés le 3 février 2022, le nom du requérant a également été maintenu sur les listes litigieuses. Les exposés des motifs correspondants faisaient état, en plus des motifs précédents, de l’attaque d’un poste militaire turc en Irak par un drone armé du PKK le 20 août 2020, que le Conseil considérait comme étant un acte terroriste démontrant la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

II.    Conclusions des parties

12      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les premiers actes attaqués, les deuxièmes actes attaqués et les troisièmes actes attaqués (ci-après, pris ensemble, les « actes attaqués ») ;

–        condamner le Conseil aux dépens.

13      Le Conseil conclut, après avoir renoncé lors de l’audience à la seule fin de non-recevoir opposée au présent recours relative à l’habilitation des deux signataires des mandats délivrés aux avocates ayant signé les écritures du requérant pour représenter ce dernier, ce dont il a été pris acte dans le procès-verbal d’audience, à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme étant non fondé ;

–        condamner le requérant aux dépens.

III. En droit

14      Le requérant invoque sept moyens au soutien de son recours. Le premier est tiré de la méconnaissance du principe de sécurité juridique et de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 ou de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, en raison de l’absence d’identification suffisamment précise du « PKK » désigné, le deuxième, de la qualification erronée du requérant de groupe terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le troisième, de l’absence de décision prise par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, le quatrième, de l’absence de réexamen conforme aux exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le cinquième, de la violation des principes de proportionnalité et de subsidiarité, le sixième, de la violation de l’obligation de motivation et, le septième, de la méconnaissance des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective.

15      Ces moyens sont principalement tirés de la violation de l’article 1er de la position commune 2001/931, lequel dispose en ses paragraphes 2, 3, 4 et 6 :

« 2. Aux fins de la présente position commune, on entend par “personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme”,

–        des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent,

–        des groupes et des entités appartenant à ces personnes ou contrôlés directement ou indirectement par elles, et des personnes, groupes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes, groupes et entités, y compris les fonds provenant de biens qui, soit appartiennent à ces personnes et aux personnes, groupes et entités qui leur sont associés, soit sont contrôlés directement ou indirectement par elles.

3. Aux fins de la présente position commune, on entend par “acte de terrorisme”, l’un des actes intentionnels suivants, qui, par sa nature ou son contexte, peut gravement nuire à un pays ou à une organisation internationale, correspondant à la définition d’infraction dans le droit national, lorsqu’il est commis dans le but de :

i) gravement intimider une population, ou

ii) contraindre indûment des pouvoirs publics ou une organisation internationale à accomplir ou à s’abstenir d’accomplir un acte quelconque, ou

iii) gravement déstabiliser ou détruire les structures fondamentales politiques, constitutionnelles, économiques ou sociales d’un pays ou d’une organisation internationale :

a) les atteintes à la vie d’une personne, pouvant entraîner la mort ;

b) les atteintes graves à l’intégrité physique d’une personne ;

c) l’enlèvement ou la prise d’otage ;

d) le fait de causer des destructions massives à une installation gouvernementale ou publique, à un système de transport, à une infrastructure, y compris un système informatique, à une plate-forme fixe située sur le plateau continental, à un lieu public ou une propriété privée susceptible de mettre en danger des vies humaines ou de produire des pertes économiques considérables ;

e) la capture d’aéronefs, de navires ou d’autres moyens de transport collectifs ou de marchandises ;

f) la fabrication, la possession, l’acquisition, le transport, la fourniture ou l’utilisation d’armes à feu, d’explosifs, d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques ainsi que, pour les armes biologiques ou chimiques, la recherche et le développement ;

g) la libération de substances dangereuses, ou la provocation d’incendies, d’inondations ou d’explosions, ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

h) la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines ;

i) la menace de réaliser un des comportements énumérés [sous] a) à h) ;

j) la direction d’un groupe terroriste ;

k) la participation aux activités d’un groupe terroriste, y compris en lui fournissant des informations ou des moyens matériels, ou toute forme de financement de ses activités, en ayant connaissance que cette participation contribuera aux activités criminelles du groupe.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “groupe terroriste”, l’association structurée, de plus de deux personnes, établie dans le temps, et agissant de façon concertée en vue de commettre des actes terroristes. Les termes “association structurée” désignent une association qui ne s’est pas constituée par hasard pour commettre immédiatement un acte terroriste et qui n’a pas nécessairement de rôles formellement définis pour ses membres, de continuité dans sa composition ou de structure élaborée.

4. La liste à l’annexe est établie sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente à l’égard des personnes, groupes et entités visés, qu’il s’agisse de l’ouverture d’enquêtes ou de poursuites pour un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte, basées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles, ou qu’il s’agisse d’une condamnation pour de tels faits. Les personnes, groupes et entités identifiés par le Conseil de sécurité des Nations unies comme liées au terrorisme et à l’encontre desquelles il a ordonné des sanctions peuvent être incluses dans la liste.

Aux fins du présent paragraphe, on entend par “autorité compétente”, une autorité judiciaire, ou, si les autorités judiciaires n’ont aucune compétence dans le domaine couvert par le présent paragraphe, une autorité compétente équivalente dans ce domaine.

[…]

6. Les noms des personnes et entités reprises sur la liste figurant à l’annexe feront l’objet d’un réexamen à intervalles réguliers, au moins une fois par semestre, afin de s’assurer que leur maintien sur la liste reste justifié. »

16      Il ressort de la jurisprudence ayant interprété ces dispositions de la position commune 2001/931 que la procédure susceptible d’aboutir à une mesure de gel des fonds au titre de ladite position commune se déroule à deux niveaux, l’un national, l’autre européen (voir, en ce sens, arrêts du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, point 84, et du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, points 203 et 204). Dans un premier temps, une autorité nationale compétente prend à l’égard de l’intéressé une décision répondant à la définition de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Dans un second temps, le Conseil, statuant à l’unanimité, décide d’inclure l’intéressé dans la liste de gel des fonds, sur la base d’informations précises ou d’éléments de dossier qui montrent qu’une telle décision a été prise (arrêts du 12 décembre 2006, Organisation des Modjahedines du peuple d’Iran/Conseil, T‑228/02, EU:T:2006:384, point 117, et du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 131).

17      En effet, en l’absence de moyens de l’Union européenne pour mener elle-même des investigations concernant l’implication d’une certaine personne dans des actes terroristes, le recours à l’exigence d’une décision préalable d’une autorité nationale a pour fonction d’établir l’existence de preuves ou d’indices sérieux et crédibles de l’implication de la personne concernée dans des activités terroristes, considérés comme fiables par les autorités nationales et les ayant conduites à prendre, à tout le moins, des mesures d’investigation. Il résulte ainsi de la référence à une décision nationale ainsi que de la mention « d’informations précises » et « des preuves ou des indices sérieux et crédibles » dans l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que cette dernière a pour objectif de protéger les personnes concernées en assurant que leur inscription sur la liste de gel des fonds n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide et qu’elle vise à atteindre cet objectif en recourant à l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale (arrêts du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, points 68 et 69, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 24).

18      Il découle de cette forme de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, établie par la position commune 2001/931, plusieurs conséquences.

19      Il en résulte, premièrement, que, conformément à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds présuppose l’existence d’une décision nationale émanant d’une autorité compétente. En revanche, une telle condition n’est pas prévue à l’article 1er, paragraphe 6, de cette position commune, relative au réexamen de l’inscription.

20      Il en résulte, deuxièmement, que la charge de la preuve de ce que le gel des fonds d’une personne, d’un groupe ou d’une entité est légalement justifié, qui incombe au Conseil, a un objet relativement restreint au niveau de la procédure devant les institutions de l’Union. La forme de coopération spécifique instituée entre les États membres et le Conseil en matière de lutte contre le terrorisme engendre en effet, pour cette institution, l’obligation de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 133 et 134 ; du 4 décembre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑284/08, EU:T:2008:550, point 53, et du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 282).

21      Cette obligation pour le Conseil de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente concerne principalement les décisions nationales de condamnation prises en compte lors de l’inscription initiale au titre de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. Plus particulièrement, il n’appartient pas au Conseil de vérifier la réalité ou l’imputation des faits retenus dans les décisions nationales de condamnation ayant fondé une inscription initiale. En effet, une telle obligation de vérification imposée au Conseil à l’égard des faits qui se trouvent à l’origine d’une décision nationale ayant fondé une inscription initiale sur les listes de gel des fonds porterait un coup certain au système à deux niveaux caractérisant ladite position commune, dès lors que l’appréciation par le Conseil de la matérialité de ces faits risquerait d’entrer en conflit avec l’appréciation et les constatations effectuées par l’autorité nationale concernée et un tel conflit serait d’autant plus inopportun que le Conseil ne dispose pas nécessairement de l’ensemble des données factuelles et des éléments de preuve qui figurent dans le dossier de cette autorité (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 240 à 242 et jurisprudence citée). Il importe de rappeler en outre que la garantie, pour les personnes concernées, que leur inscription sur la liste de gel des fonds soit fondée sur une base factuelle suffisamment solide repose précisément sur l’exigence d’une décision prise par une autorité nationale et sur la confiance que les institutions de l’Union placent dans l’évaluation des preuves et des indices faite par ladite autorité nationale (voir point 17 ci-dessus).

22      En revanche, s’agissant des éléments sur lesquels le Conseil s’appuie afin de démontrer la persistance du risque d’implication dans des activités terroristes au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qu’il s’agisse d’éléments tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources, il appartient au Conseil, en cas de contestation, d’établir le bien-fondé des constatations factuelles mentionnées dans les actes de maintien sur les listes et au juge de l’Union de vérifier leur exactitude matérielle, ce qui implique de vérifier la réalité des faits concernés ainsi que leur qualification comme constituant des éléments justifiant l’application de mesures restrictives à l’encontre de la personne concernée (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 52 à 55 et jurisprudence citée).

23      Il s’ensuit qu’il convient de distinguer, pour chacun des actes contestés, selon qu’ils sont fondés sur les décisions des autorités nationales compétentes ayant justifié l’inscription initiale du requérant ou selon qu’ils s’appuient sur des décisions ultérieures de ces autorités nationales ou des éléments retenus de manière autonome par le Conseil. Une telle distinction est d’autant plus requise que ces deux types de fondements sont régis par des dispositions différentes de la position commune 2001/931, les premiers relevant de l’article 1er, paragraphe 4, de cette position et les seconds de son article 1er, paragraphe 6.

24      Or, en l’espèce, les premiers et deuxièmes actes attaqués sont fondés uniquement sur les décisions émanant de plusieurs autorités nationales, à savoir celles du Royaume-Uni, des États-Unis et de la France. Il convient de préciser que, parmi les décisions nationales prises en compte, certaines ont fondé l’inscription initiale du requérant tandis que d’autres décisions adoptées ultérieurement ont été prises en compte par le Conseil dans le cadre de son réexamen de l’inscription du requérant. En revanche, les troisièmes actes attaqués sont fondés à la fois sur les décisions des autorités du Royaume-Uni, des États-Unis ainsi que de la France et sur une analyse autonome par le Conseil d’un incident de 2020 décrit dans les exposés des motifs.

25      Il convient, dès lors, d’examiner les sept moyens dirigés contre les actes attaqués à la lumière de ces considérations liminaires. Sera ainsi analysé ci-après si ces actes respectent le paragraphe 2 (premier moyen), le paragraphe 3 (deuxième moyen), le paragraphe 4 (troisième moyen) et le paragraphe 6 (quatrième moyen) de l’article 1er de la position commune 2001/931, ainsi que le principe de proportionnalité (cinquième moyen) – le requérant ayant précisé à l’audience, ce qui a été acté au procès-verbal, que le moyen en cause était uniquement fondé sur la violation de ce principe et non également sur celle du principe de subsidiarité –, l’obligation de motivation (sixième moyen) et, enfin, les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective du requérant (septième moyen), en commençant par l’examen du premier moyen, suivi de celui du troisième moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, puis des autres moyens.

A.      Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 ou de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001

26      Il convient de rappeler que, aux termes de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931, les « personnes, groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme » sont « des personnes qui commettent, ou tentent de commettre, des actes de terrorisme, les facilitent ou y participent » (premier tiret) ou « des groupes et des entités appartenant à ces personnes ou contrôlés directement ou indirectement par elles, et des personnes, groupes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de ces personnes, groupes et entités, y compris les fonds provenant de biens qui, soit appartiennent à ces personnes et aux personnes, groupes et entités qui leur sont associés, soit sont contrôlés directement ou indirectement par elles » (second tiret) (voir point 15 ci-dessus).

27      Quant à l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, il dispose ce qui suit :

« Le Conseil, statuant à l’unanimité, établit, révise et modifie la liste de personnes, de groupes et d’entités auxquels le présent règlement s’applique, conformément aux dispositions de l’article 1er, paragraphes 4, 5 et 6, de la position commune 2001/931/PESC. Cette liste mentionne :

i) les personnes physiques commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;

ii) les personnes morales, groupes ou entités commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation ;

iii) les personnes morales, groupes ou entités détenus ou contrôlés par une ou plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés aux [sous] i) et ii) ou

iv) les personnes physiques ou morales, groupes ou entités agissant pour le compte ou sous les ordres d’une ou de plusieurs personnes physiques ou morales, groupes ou entités visés [sous]i) et ii). »

28      Le requérant reproche au Conseil d’avoir méconnu ces dispositions en n’ayant pas identifié de manière suffisamment précise l’entité ou le groupe désigné « PKK » dans les actes attaqués. En effet, en le désignant ainsi, le Conseil n’aurait pas fondé son identification sur des faits commis par des personnes, contrairement aux exigences de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931. Il n’aurait pas davantage indiqué clairement s’il considérait le PKK comme un « groupe » ou une « entité » et n’aurait pas non plus fait apparaître dans les actes attaqués à quel titre il a entendu le maintenir sur les listes litigieuses, alors que le PKK désignerait à la fois un parti structuré au sein d’un « complexe » aux strates multiples, le « complexe » lui-même et le mouvement social kurde. En outre, selon le requérant, ni le « complexe », désignant une multitude de partis et d’autres formes de regroupements organisés de façon indépendante, ni le mouvement social kurde, dont le requérant ne contrôle ni directement, ni indirectement les membres, ne peuvent être considérés comme une association structurée caractérisant un « groupe terroriste », ni même comme une « entité » distincte de ces différentes entités indépendantes et séparées. Le requérant critique par ailleurs la mention avec le PKK de « KONGRA-GEL », qui n’aurait jamais été sous le contrôle du PKK, et de « KADEK », qui aurait cessé d’exister en 2003. Il soutient enfin que, dans l’hypothèse où l’imprécision de son inscription résulterait des définitions du « groupe » et de l’« entité » de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001, ces dispositions violeraient le principe de sécurité juridique.

29      Il convient de relever qu’il résulte de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 et de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 que peuvent être inscrites sur les listes de gel de fonds quatre catégories de personnes : les personnes physiques, les personnes morales, les groupes et les entités. Sont notamment visés les personnes physiques commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant [article 1er, paragraphe 2, premier tiret, de la position commune 2001/931 et article 2, paragraphe 3, sous i), du règlement no 2580/2001], les personnes morales commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant [article 1er, paragraphe 2, premier tiret, de la position commune 2001/931 et article 2, paragraphe 3, sous ii), du règlement no 2580/2001], mais également les groupes et les entités commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant.

30      Cette désignation des groupes et des entités commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant ressort certes plus clairement de l’article 2, paragraphe 3, sous ii), du règlement no 2580/2001 qui mentionne « les personnes morales, groupes ou entités commettant ou tentant de commettre un acte de terrorisme, participant à un tel acte ou facilitant sa réalisation » (voir également point 27 ci-dessus). Toutefois, les termes « groupes et entités agissant au nom, ou sur instruction, de[s] personnes [commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant] », figurant à l’article 1er, paragraphe 2, second tiret, de la position commune 2001/931, que le requérant omet d’ailleurs de mentionner dans son exposé des dispositions pertinentes aux fins de l’examen du premier moyen, peuvent être interprétés comme renvoyant à des groupes ou entités commettant des actes terroristes, y participant ou les facilitant. En effet, par cette formulation, la position commune 2001/931 établit un lien entre les personnes physiques qui sont membres des organisations terroristes ou les dirigent et lesdites organisations.

31      Il s’ensuit que, contrairement à ce que prétend le requérant, il ne saurait être exigé du Conseil qu’il identifie préalablement et désigne les personnes physiques ayant matériellement commis les actes considérés comme terroristes et s’assure de leur appartenance ou de leurs liens avec le PKK avant d’inscrire ce dernier sur les listes litigieuses. Il faut et il suffit que des actes terroristes soient commis au nom ou avec l’aide d’un groupe ou d’une entité pouvant de ce fait être qualifié de terroriste. S’il en était autrement, il incomberait au Conseil de mentionner pour chacun des groupes ou entités mentionnés dans la partie II des listes litigieuses les personnes physiques correspondantes dans la partie I desdites listes, ce qui ne répond pas à l’objectif du dispositif de lutte contre le terrorisme instauré par la position commune 2001/931. En effet, compte tenu de l’objectif d’intérêt général aussi fondamental pour la communauté internationale qu’est la lutte par tous les moyens contre les menaces à l’égard de la paix et de la sécurité internationales que font peser les actes de terrorisme (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 123 et jurisprudence citée), il s’agit non d’inscrire sur les listes de gel des fonds à la fois les organisations et leurs membres, mais de toucher d’une manière ou d’une autre ces organisations, que ce soit par l’intermédiaire de leurs membres ou en tant qu’entité organisée.

32      Il s’ensuit également qu’il est indifférent que le requérant ne puisse prétendument pas être considéré comme un « groupe », de sorte que cet argument peut être écarté comme inopérant. En effet, dans la mesure où peuvent être inscrits sur les listes de gel des fonds tant les groupes que les entités et où le requérant admet pouvoir à tout le moins être qualifié d’entité, est sans conséquence la circonstance qu’il ne remplirait pas les critères permettant de le qualifier de groupe, de même que sont indifférentes les prétendues imprécisions du Conseil à cet égard (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 252 à 254).

33      Cette question de la qualification du requérant de « groupe » ou d’« entité » se distingue de celle de son identification, par ailleurs également critiquée dans le cadre du premier moyen. En effet, une chose est de qualifier le PKK de « groupe » ou d’« entité » terroriste, autre chose est de préciser ce que recouvre le PKK, tel que visé par les mesures de gel des fonds en cause.

34      Il peut être déduit de cette distinction que l’imprécision de l’identification du PKK prétendument attentatoire au principe de sécurité juridique n’est pas imputable aux dispositions applicables, en ce qu’elles énumèrent les destinataires potentiels des mesures de gel des fonds. Il ne saurait, dès lors, être considéré que l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 et l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001 portent en tant que tels atteinte au principe de sécurité juridique, ni, partant, être donné suite à l’exception d’illégalité de ces dispositions soulevée au motif de cette atteinte.

35      Quant à la prétendue imprécision de son identification, il importe de souligner que le requérant a expressément indiqué qu’il acceptait une désignation le visant en tant qu’il constitue le « parti structuré » qui a formé le présent recours. Dans ces conditions, comme le relève pertinemment le Conseil, le requérant n’est pas recevable à contester les actes attaqués en ce que, en inscrivant le « PKK », ils viseraient des entités distinctes de l’entité auteur du recours, celles-ci étant les seules à pouvoir contester une telle inscription, tandis que le requérant n’est ni destinataire desdits actes d’inscription, ni concernés par eux au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE.

36      En revanche, le requérant est recevable à invoquer des erreurs concernant sa propre désignation et notamment à critiquer la mention de KONGRA-GEL et de KADEK comme étant d’autres dénominations du PKK. En effet, le requérant est inscrit dans les actes attaqués comme le « Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK) (également connu sous les noms de “KADEK” et “KONGRA-GEL”) ».

37      Néanmoins, les critiques soulevées à cet égard par le requérant ne sauraient prospérer.

38      D’une part, le Conseil indique dans les exposés des motifs que le KADEK est l’une des anciennes dénominations du PKK et le requérant se borne à faire valoir, d’ailleurs sans preuves à l’appui, que le KADEK a cessé d’exister en 2003, ce qui ne fait que conforter la description par le Conseil de l’évolution de la dénomination du PKK.

39      D’autre part, le requérant se borne à affirmer, sans aucunement étayer son allégation, que KONGRA-GEL n’a jamais été sous le contrôle du PKK. Or, il ressort des actes attaqués que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni a, dans une ordonnance de 2006, considéré que KADEK et KONGRA-GEL constituaient d’autres appellations du PKK (voir point 9 ci-dessus). En outre, les éléments tirés de la déclaration d’engagement en faveur de l’interdiction des mines antipersonnelles, sur laquelle s’appuient tant le Conseil, pour soutenir la pertinence de la désignation retenue dans les actes attaqués, que le requérant, pour prétendre que KONGRA-GEL et le PKK forment deux entités distinctes, plaident en faveur de la thèse du Conseil. En effet, cette déclaration est présentée par le requérant lui-même, dans la requête et dans la table des matières des annexes de la requête, comme étant une déclaration du PKK, elle débute par « Nous, le Congrès du peuple du Kurdistan (KONGRA-GEL)/Forces de défenses du peuple (HPG) » et, même si elle est paraphée par les représentants de KONGRA-GEL et du HPG, elle n’est signée de manière manuscrite que par le représentant du HPG, étant précisé que le requérant admet explicitement dans sa requête que le PKK endosse la responsabilité politique des actions commises par les forces de guérilla du HPG. De même, l’étude relative au PKK annexée à la réplique, à laquelle le requérant a fait référence lors de l’audience, ne permet pas davantage d’établir la distinction alléguée entre le KONGRA-GEL et le PKK, dès lors qu’elle présente KONGRA-GEL comme la dénomination de l’assemblée de l’une des institutions établie par le PKK pour faciliter l’intégration et la coordination de ses pratiques politiques.

40      Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen doit être écarté.

B.      Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

41      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que l’article 1er de la position commune 2001/931 établit une distinction entre, d’une part, l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds, visée à son paragraphe 4, et, d’autre part, le maintien sur cette liste du nom d’une personne ou d’une entité déjà inscrite sur celle-ci, visé à son paragraphe 6. Alors que l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds présuppose l’existence d’une décision nationale émanant d’une autorité compétente, une telle condition n’est pas prévue pour le maintien du nom de cette personne ou de cette entité sur la liste, dès lors que ce maintien constitue, en substance, le prolongement de l’inscription initiale et présuppose la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, tel qu’il a été constaté initialement par le Conseil, sur la base de la décision nationale ayant servi de fondement à cette inscription initiale (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 59 à 61, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 37 à 39).

42      Il s’ensuit, d’une part, que, lorsque le Conseil s’appuie encore, pour décider, sur le fondement de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, de maintenir l’inscription d’une personne ou d’une entité, sur une décision nationale émanant d’une autorité compétente, le moyen tiré d’une violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 est opérant au soutien d’un recours dirigé contre une telle décision (voir, en ce sens, arrêt du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 229 et 230), ce qui n’est d’ailleurs pas contesté par le Conseil. Il peut être ajouté, à cet égard, que la Cour n’a pas remis en cause ce caractère opérant en jugeant, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 38), que le Tribunal n’avait pas commis d’erreur de droit en examinant les décisions de maintien sur les listes exclusivement à la lumière de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931. En effet, la Cour s’est prononcée sur l’examen par le Tribunal de l’obligation de motivation du Conseil, estimant ainsi en substance que le respect de cette obligation de motivation devait être examiné à l’aune des éléments relevant de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 et elle a par ailleurs renvoyé au Tribunal l’examen de l’ensemble des autres moyens, dont ceux tirés de la violation de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de ladite position commune.

43      Il s’ensuit, d’autre part, que, en l’espèce, ce moyen sera examiné uniquement à l’égard des décisions nationales ayant fondé l’inscription initiale du requérant en 2002, à savoir :

–        l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001,

–        les décisions du gouvernement des États-Unis du 8 octobre 1997 et du 31 octobre 2001.

44      Les arguments relatifs aux décisions judiciaires françaises postérieures à l’inscription initiale du requérant, de même que ceux contestant les décisions relevant des suites données aux décisions susmentionnées adoptées par les autorités du Royaume-Uni en 2014 et en 2020 et les autorités des États-Unis en 2019 ainsi que les éléments retenus à titre autonome par le Conseil, seront en revanche traités dans le cadre de l’examen du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

1.      Sur la décision du Royaume-Uni

45      Le requérant conteste que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001 puisse être qualifiée de décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en invoquant des arguments tirés de la notion d’« autorité compétente », des indications requises pour montrer qu’une telle décision a été prise et de la date des incidents retenus par cette ordonnance.

a)      Sur la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente »

46      Le requérant estime que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni ne peut être qualifié d’« autorité compétente » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931. En effet, le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni serait une autorité non pas judiciaire, mais administrative. Ses ordonnances auraient la nature d’actes administratifs et ne seraient pas adoptées à l’issue d’une procédure comportant plusieurs étapes, telle que celle caractérisant les décisions pénales. Les interdictions édictées par ces ordonnances auraient en outre une durée illimitée en l’absence de réexamen périodique. Le ministre de l’Intérieur disposerait par ailleurs d’un large pouvoir d’appréciation, dans la mesure où les pouvoirs du Parlement du Royaume-Uni seraient limités à une appréciation collective des organisations concernées sans avoir connaissance des informations confidentielles prises en compte par le ministre.

47      Le requérant ajoute que, en tout état de cause, compte tenu du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne le 31 janvier 2020, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur ne serait plus une décision d’une autorité d’un État membre, de sorte qu’il appartenait au Conseil de vérifier si, en tant que décision d’un État tiers, elle a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective, ce qu’il n’aurait pas fait. Le requérant souligne, à cet égard, que le contrôle juridictionnel d’une ordonnance telle que celle en cause ne serait pas automatique et que les exposés des motifs ne feraient pas apparaître que le droit d’être entendu a été respecté.

48      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, à plusieurs reprises, le Tribunal a considéré que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni du 29 mars 2001, en cause dans le présent litige, constituait une décision d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, points 144 et 145 ; du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 106 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 258 à 285 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 71 à 96 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 108 à 133, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 112).

49      En effet, selon la jurisprudence, même si l’article 1er, paragraphe 4, second alinéa, de la position commune 2001/931 comporte une préférence pour les décisions émanant des autorités judiciaires, il n’exclut pas la prise en compte de décisions émanant d’autorités administratives, lorsque, d’une part, ces autorités sont effectivement investies, en droit national, de la compétence pour adopter des décisions restrictives à l’encontre de groupements impliqués dans le terrorisme et, d’autre part, ces autorités, bien que seulement administratives, peuvent être considérées comme « équivalentes » aux autorités judiciaires (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 107 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 259 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 72 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 111, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 114).

50      Des autorités administratives peuvent être considérées comme équivalentes à des autorités judiciaires lorsque leurs décisions sont susceptibles d’un recours juridictionnel portant sur les éléments de fait comme de droit (voir, en ce sens, arrêts du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 145 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 260 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 73 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 112, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 115).

51      En conséquence, le fait que des juridictions de l’État concerné détiennent des compétences en matière de répression du terrorisme ne fait pas obstacle à ce que le Conseil tienne compte des décisions prises par l’autorité administrative nationale chargée de l’adoption des mesures restrictives en matière de terrorisme (arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 108 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 261 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 74 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 113, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 116).

52      Or, les ordonnances du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni sont susceptibles de faire l’objet d’un recours devant la Proscribed Organisations Appeal Commission (commission de recours pour les organisations interdites, Royaume-Uni, ci-après la « POAC »), qui statue, en droit et en fait, en appliquant les principes régissant le contrôle juridictionnel, et chaque partie peut faire appel de la décision de la POAC sur une question de droit devant une juridiction d’appel si elle obtient l’autorisation de la POAC elle-même ou, à défaut, de la juridiction d’appel (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 262 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 75 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 114, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 117).

53      Dans ces conditions, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 doit être considérée comme adoptée par une autorité administrative équivalente à une autorité judiciaire et, donc, par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 263 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 76 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 115, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 118).

54      Il convient de relever en outre que, selon la jurisprudence, l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne requiert pas que la décision de l’autorité compétente s’inscrive dans le cadre d’une procédure pénale stricto sensu, pourvu que, eu égard aux objectifs poursuivis par la position commune 2001/931, la procédure nationale en question ait pour objet la lutte contre le terrorisme au sens large par l’adoption de mesures de type préventif ou répressif (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 269 à 271 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 82 à 84 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 119 à 121, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 119).

55      En l’espèce, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 édicte des mesures d’interdiction à l’encontre d’organisations considérées comme terroristes et s’inscrit donc, comme le requiert la jurisprudence, dans une procédure nationale visant, à titre principal, à l’imposition de mesures de type préventif ou répressif à l’encontre du PKK, au titre de la lutte contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêts du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 115 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 272 et 273 ; du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 84 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, point 121, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 120).

56      Il résulte des considérations qui précèdent que les actes attaqués ne sauraient être annulés pour la raison que, dans les exposés des motifs qui y sont afférents, le Conseil s’est fondé, pour inscrire le nom du requérant sur les listes litigieuses, sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, qui constitue une autorité administrative et dont les décisions ne revêtent pas un caractère pénal.

57      Cette conclusion n’est pas infirmée par les autres arguments avancés par le requérant au soutien du présent moyen.

58      Premièrement, quant à l’absence alléguée de procédure comportant plusieurs étapes comme ce serait le cas pour les procédures judiciaires, il ne ressort pas du libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 que, pour servir de base à une inscription, la décision nationale en cause doive clore une procédure s’étant déroulée en plusieurs étapes (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 124).

59      En tout état de cause, la procédure donnant lieu aux ordonnances d’interdiction du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni se déroule en plusieurs étapes. Tout d’abord, l’interdiction exige de cette autorité un examen rigoureux des éléments de preuve sur lesquels se fonde la croyance raisonnable que l’organisation est impliquée dans le terrorisme. Ces éléments de preuve englobent des renseignements émanant de sources d’information publiques et des services de renseignement. De plus, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni intervient après consultation de l’ensemble du gouvernement, ainsi que des services de renseignement et des autorités policières. Enfin, l’ordonnance d’interdiction est soumise au contrôle et à l’approbation des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni dans le cadre de la procédure de ratification (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 125 à 128).

60      Deuxièmement, quant à la prétendue durée illimitée de l’interdiction édictée par l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, d’une part, il convient de souligner que la circonstance que cette ordonnance n’est pas soumise à une obligation de réexamen annuel ne fait pas obstacle à ce que le Conseil se fonde sur elle pour inscrire l’entité qu’elle vise sur les listes de gel des fonds, dans la mesure où le Conseil, au titre de son obligation de réexamen, est tenu de vérifier si, à la date à laquelle il entend maintenir cette entité sur lesdites listes, cette décision, d’autres décisions ou des éléments factuels postérieurs justifient encore cette inscription (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 131).

61      D’autre part, en application de la section 4 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, une organisation ou une personne touchée par une mesure d’interdiction peut présenter par écrit une demande au ministre de l’Intérieur visant à ce que celui-ci examine l’opportunité de la retirer de la liste des organisations interdites et, en application de la section 5 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme, si le ministre rejette une telle demande, le demandeur peut former un recours devant la POAC, dont les décisions peuvent elles-mêmes faire l’objet d’un appel (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 132) (voir point 52 ci-dessus).

62      Il en résulte que, même si la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme ne prévoit pas un réexamen annuel des ordonnances d’interdiction du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, celles-ci n’ont pas un effet illimité.

63      Troisièmement, quant à la prétendue large marge d’appréciation du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni pour interdire les organisations terroristes, il importe de souligner que ce ministre adopte les ordonnances d’interdiction, non en fonction de considérations politiques, mais en application des dispositions du droit national définissant les actes terroristes, ainsi qu’il résulte de la section 3 de la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme. Contrairement à ce que soutient le requérant à propos de cette disposition, la circonstance que celle-ci indique que le ministre de l’Intérieur interdit une entité lorsqu’il « pense qu’elle est impliquée dans des activités terroristes » porte sur le degré de preuve requis pour l’inscription (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, points 112 à 119) et est d’autant moins susceptible de permettre une appréciation discrétionnaire que ce niveau de preuve implique un degré de conviction, et ainsi de précision de la motivation, plus important que celui consistant en de simples soupçons (voir, en ce sens, arrêt du 13 décembre 2016, Al-Ghabra/Commission, T‑248/13, EU:T:2016:721, points 114 et 115).

64      Il peut être ajouté que, en tout état de cause, le large pouvoir d’appréciation du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni est tempéré par le contrôle et l’approbation parlementaire auxquels sont soumis ses projets d’ordonnance. Le Tribunal a ainsi déjà eu l’occasion de considérer, à propos précisément des projets d’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, que tous les membres de la Chambre des communes, qui est l’une des deux chambres du Parlement du Royaume-Uni devant ratifier le projet d’ordonnance, reçoivent un résumé des faits en ce qui concerne chacune des organisations figurant sur la liste du projet d’ordonnance, ce qui implique la possibilité d’un examen individuel par les membres de la Chambre des communes, que les débats de la Chambre des communes portent effectivement sur des organisations individuelles, ainsi qu’en attestent d’ailleurs les prises de position relatives au PKK au cours du débat parlementaire ayant conduit à la ratification de l’ordonnance de 2001 reproduites en l’espèce par le requérant dans la requête, et que la Chambre des communes demeure libre, en tout état de cause, de refuser d’approuver le projet d’ordonnance (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 122 ; voir également, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 136 et 137).

65      Quatrièmement, quant aux conséquences alléguées du retrait du Royaume-Uni de l’Union européenne sur la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’autorité compétente d’un État membre, il convient de relever que l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 constitue une disposition de fond, fixant les conditions dans lesquelles une décision nationale peut fonder l’inscription initiale sur les listes de gel des fonds. Or, il est de jurisprudence constante que le respect des principes de sécurité juridique et de protection de la confiance légitime exige qu’une situation acquise sous l’empire d’une règle de fond ne soit pas remise en cause par des règles postérieures, celles-ci devant être interprétées comme ne visant pas en principe les situations acquises antérieurement à leur entrée en vigueur [voir, en ce sens, arrêts du 6 juillet 1993, CT Control (Rotterdam) et JCT Benelux/Commission, C‑121/91 et C‑122/91, EU:C:1993:285, point 22 et jurisprudence citée, et du 14 novembre 2002, Ilumitrónica, C‑251/00, EU:C:2002:655, point 29 et jurisprudence citée]. Il s’ensuit que, une fois acquise sous l’empire de la règle de fond alors pertinente, la qualification d’un acte d’une autorité en tant qu’acte émanant, lors de son adoption, d’une autorité d’un État membre, ne saurait être remise en cause par l’effet du retrait de cet État de l’Union.

66      En l’espèce, il y a lieu de considérer que la qualification de l’ordonnance de 2001 d’acte émanant d’une autorité compétente d’un État membre, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, a été acquise au moment de l’inscription initiale du PKK sur les listes litigieuses en 2002. Le Conseil pouvait donc encore considérer, lors de l’adoption des actes attaqués, que l’inscription initiale du requérant sur ces listes était fondée sur une décision d’une autorité compétente d’un État membre. Il est, dès lors, indifférent que le Royaume-Uni n’était plus membre de l’Union au moment de l’adoption des actes attaqués.

67      Il résulte de tout ce qui précède que l’ensemble des arguments visant à contester la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente » au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent être écartés.

b)      Sur les « informations précises ou [les] éléments du dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente »

68      Le requérant reproche, en substance, au Conseil de ne pas avoir fait état d’informations précises ou d’éléments du dossier montrant que l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni constituait une décision prise par une autorité compétente relative à des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphes 3 et 4, de la position commune 2001/931. Un tel reproche recouvre, d’après les écritures du requérant, quatre griefs. Premièrement, le Conseil n’aurait pas indiqué les raisons pour lesquelles il considérait le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni comme étant une « autorité compétente ». Deuxièmement, les actes attaqués ne contiendraient aucune description des motifs sous-tendant l’ordonnance de 2001. Troisièmement, ces actes ne préciseraient pas davantage les raisons pour lesquelles le Conseil avait considéré que les faits concernés relevaient de la notion d’acte de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931. Quatrièmement, le Conseil n’aurait pas donné accès aux éléments de preuve sur lesquels s’appuyait l’ordonnance de 2001.

69      Quant au premier grief, il y a lieu de constater qu’il relève d’une critique formelle du respect de l’obligation de motivation (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 329 à 333) et qu’il sera, dès lors, examiné en réponse au moyen tiré de la violation de cette obligation (voir points 188 à 190 ci-après).

70      Quant aux deuxième et troisième griefs, il convient de rappeler, tout d’abord, le contenu des passages des exposés des motifs des actes attaqués consacrés à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001.

71      Le Conseil indique, de manière identique dans les premiers, les deuxièmes et les troisièmes actes attaqués, s’être fondé sur l’existence de décisions qu’il qualifie de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dont l’ordonnance de 2001. Il précise avoir examiné les éléments factuels sur lesquels ces décisions se fondaient et avoir considéré que ceux-ci relevaient bien des notions d’« actes de terrorisme » et de « groupes et entités impliqués dans des actes de terrorisme » au sens de l’article 1er, paragraphes 2 et 3, de la position commune 2001/931 (points 1 à 6 des exposés des motifs). En outre, dans l’annexe A des exposés des motifs, relative à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, le Conseil indique, notamment, que cette ordonnance a été adoptée en 2001 au motif que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de l’époque avait des raisons de croire que le PKK avait commis et participé à des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (points 3, 4 et 17 de l’annexe A). Il précise que les actes de terrorisme en question comprenaient des attaques terroristes imputées au PKK depuis 1984 et que le PKK avait mené une campagne terroriste visant les intérêts et investissements occidentaux au début des années 1990 dans le but d’accroître la pression sur le gouvernement turc, incluant l’enlèvement de touristes occidentaux ainsi que, en 1993/1994, l’attaque d’une raffinerie et des attentats contre des installations touristiques ayant conduit au décès de touristes étrangers. Il relève que, même si le PKK semblait avoir abandonné cette campagne entre 1995 et 1999, il avait continué durant cette période de menacer d’attaquer les installations touristiques turques. Le Conseil indique qu’il considère que ces faits relèvent des buts énoncés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) et ii), de la position commune 2001/931 et des actes de violence listés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous iii), a), c), d), f), g) et i), de la position commune 2001/931 (point 17 de l’annexe A).

72      Il importe de rappeler, ensuite, qu’il ressort de la jurisprudence que « [les] informations précises ou [les] éléments du dossier » requis par l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent montrer qu’une décision d’une autorité nationale répondant à la définition de cette disposition a été prise à l’égard des personnes ou des entités concernées, de manière notamment à permettre à ces dernières d’identifier cette décision, mais ne se rapportent pas au contenu de ladite décision (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 148 et jurisprudence citée).

73      Il s’ensuit que, en l’espèce, il peut être considéré que le Conseil a donné, dans les actes attaqués, des « informations [suffisamment] précises » relatives à l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en indiquant la date précise de ladite ordonnance, son auteur et son fondement juridique, en l’occurrence la loi du Royaume-Uni de 2000 sur le terrorisme.

74      Quant au quatrième grief, relatif aux éléments de preuve ayant fondé l’ordonnance de 2001, il ressort de la jurisprudence que les preuves et indices qui ont fondé cette ordonnance ne doivent pas être décrits dans les exposés des motifs ou communiqués avec ces exposés des motifs. En effet, il ressort d’une jurisprudence bien établie que cette ordonnance doit être assimilée à une décision de condamnation, dès lors qu’elle est définitive en ce sens qu’elle ne doit pas être suivie d’une enquête et qu’elle a pour objet d’interdire les personnes ou entités concernées au Royaume-Uni avec des conséquences pénales pour les personnes qui entretiendraient, de près ou de loin, un lien avec elles (arrêts du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑122/19 P, non publié, EU:C:2020:690, points 44 et 45 ; du 10 septembre 2020, Hamas/Conseil, C‑386/19 P, non publié, EU:C:2020:691, point 65, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 155 et 156). Or, conformément au principe de coopération loyale inhérent au système à deux niveaux institué par ladite position commune, le Conseil ne doit pas vérifier, avant d’inscrire le nom de personnes ou d’entités sur les listes de gel de fonds, que les décisions de condamnation sont fondées sur des preuves ou des indices sérieux et crédibles et doit s’en remettre, sur ce point, à l’appréciation effectuée par l’autorité nationale (voir, en ce sens, arrêts du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, points 304 à 309, du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 115 à 122, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 147 à 158 ; voir également point 21 ci-dessus).

75      Il s’ensuit que l’ensemble des arguments contestant le respect par le Conseil des exigences relatives aux « informations précises ou [aux] éléments du dossier montrant qu’une décision a été prise par une autorité compétente » en vertu de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doivent être écartés.

c)      Sur la date des actes terroristes ayant fondé l’interdiction du PKK par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni

76      Il y a lieu de préciser, à titre liminaire, que la « distance temporelle » devant être appréciée en l’espèce porte sur le temps séparant les incidents pris en compte dans l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 et la date de ladite ordonnance.

77      En effet, dans la mesure où cet argument est soulevé au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, il convient de se prononcer ici uniquement sur la qualification de l’ordonnance de 2001 de « décision d’une autorité compétente » au sens de cette disposition, notamment au regard de la date des incidents pris en compte par cette ordonnance (voir, en ce sens, conclusions de l’avocat général Sharpston dans l’affaire Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2016:723, point 80), étant précisé que la distance temporelle séparant les incidents visés dans ladite ordonnance et l’adoption de cette dernière, d’une part, des décisions de maintien d’inscription attaquées en l’espèce, d’autre part, sera examinée dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931.

78      S’agissant de l’appréciation en l’espèce de la distance temporelle en cause, il peut être constaté que les derniers faits pris en compte dans l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001, consistant en des menaces d’attaques contre les installations touristiques turques, couvrent une période allant de 1995 à 1999 (voir point 71 ci-dessus). Il convient de rappeler en outre qu’il n’appartient pas au Conseil de contrôler la matérialité des faits retenus dans les décisions nationales de condamnation ayant fondé une inscription initiale (voir point 21 ci-dessus), telles que l’ordonnance de 2001 (voir point 74 ci-dessus).

79      Il s’ensuit que, en dépit de la contestation par le requérant de la matérialité des menaces d’attaques concernées, celui-ci faisant valoir que les exposés des motifs ne contiennent aucun élément ou argument pour étayer ces menaces, ces dernières peuvent être prises en compte en l’espèce. Il s’ensuit également que la distance temporelle entre les derniers faits pris en compte (1999) et la date de l’ordonnance de 2001 est d’environ deux ans. Or, une telle distance temporelle, de moins de cinq ans, n’est pas considérée comme excessive (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 208 et jurisprudence citée).

80      L’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 n’a, dès lors, pas été méconnu en raison de la date des incidents retenus dans l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 prise en compte au titre de cette disposition.

81      Il résulte de tout ce qui précède que les griefs dirigés contre le fait que les actes attaqués s’appuient sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 doivent être écartés.

2.      Sur les décisions des États-Unis

82      Le requérant conteste que les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001 puissent être qualifiées de décisions d’une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en invoquant des arguments tirés de la notion d’« autorité compétente » et des indications requises pour montrer que de telles décisions ont été prises.

83      Il convient de rappeler, à cet égard, la jurisprudence désormais constante selon laquelle la notion d’« autorité compétente » utilisée à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 ne se limite pas aux autorités des États membres, mais peut, en principe, inclure également des autorités d’États tiers (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 22 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 244, et du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 43).

84      Cette interprétation se justifie, d’une part, par le libellé de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, qui ne limite pas la notion d’« autorités compétentes » aux autorités des États membres, et, d’autre part, par l’objectif de cette position commune, qui a été adoptée pour mettre en œuvre la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, laquelle vise à intensifier la lutte contre le terrorisme à l’échelle mondiale par la coopération systématique et étroite de tous les États (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 23 ; du 14 décembre 2018, Hamas/Conseil, T‑400/10 RENV, EU:T:2018:966, point 245, et du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, point 44).

85      Cependant, en vertu d’une jurisprudence également constante, il incombe au Conseil, avant de se fonder sur une décision d’une autorité d’un État tiers, de vérifier si cette décision a été adoptée dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 24 et 31, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 58).

86      Il y a donc lieu de commencer par examiner les arguments du requérant contestant cette vérification, telle qu’elle a été opérée en l’espèce par le Conseil. Il importe de préciser, à cet égard, que la nécessité de procéder à cette vérification résulte notamment de la finalité de l’exigence, prévue à l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, selon laquelle l’inscription initiale d’une personne ou d’une entité sur la liste de gel des fonds doit être fondée sur une décision adoptée par une autorité compétente. Cette exigence vise, en effet, à protéger les personnes ou les entités concernées, en assurant que leur inscription initiale sur cette liste n’ait lieu que sur une base factuelle suffisamment solide (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 68). Or, cet objectif ne peut être atteint que si les décisions des États tiers sur lesquelles le Conseil fonde les inscriptions initiales de personnes ou d’entités sur ladite liste sont adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 26).

87      En l’espèce, dans l’annexe C des exposés des motifs des actes attaqués, relative aux désignations du PKK en tant qu’« organisation terroriste étrangère » (foreign terrorist organisation, ci-après « FTO ») et en tant que « terroriste mondial expressément désigné » (specially designated global terrorist, ci-après « SDGT ») par les autorités des États-Unis, le Conseil indique, notamment, que la désignation en tant que FTO a été décidée le 8 octobre 1997 et que la désignation en tant que SDGT a été décidée le 31 octobre 2001 (points 3 et 4).

88      Le Conseil relève ensuite que les désignations en tant que FTO sont réexaminées d’office après cinq ans par l’United States Secretary of State (secrétaire d’État des États-Unis, États-Unis d’Amérique) si la désignation n’a pas entre-temps fait l’objet d’une demande en révocation. L’entité concernée peut elle-même demander, tous les deux ans, que sa désignation soit révoquée en fournissant des éléments de preuve démontrant que les circonstances sur lesquelles se fondait sa désignation en tant que FTO ont matériellement changé. Le secrétaire d’État des États-Unis et l’United States Congress (Congrès des États-Unis, États-Unis d’Amérique) peuvent également révoquer d’office une désignation en tant que FTO. De plus, l’entité concernée peut introduire un recours à l’encontre de sa désignation en tant que FTO auprès de la Circuit Court of Appeals for the District of Columbia (cour d’appel fédérale du district de Columbia, États-Unis). Quant aux désignations en tant que SDGT, le Conseil relève qu’elles ne sont soumises à aucun réexamen périodique, mais qu’elles peuvent être contestées devant les cours et tribunaux fédéraux (points 8 à 11 de l’annexe C des exposés des motifs). En outre, le Conseil constate que les désignations du requérant en tant que FTO et SDGT n’ont pas été contestées devant les cours et tribunaux des États-Unis et ne font l’objet d’aucune procédure juridictionnelle pendante (points 11 et 12 de l’annexe C des exposés des motifs). Au regard des procédures de réexamen et de la description des voies de recours disponibles, le Conseil considère que la législation des États-Unis applicable assure la protection des droits de la défense et du droit à la protection juridictionnelle effective (point 13 de l’annexe C des exposés des motifs).

89      Toutefois, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger, dans plusieurs arrêts se prononçant sur des exposés des motifs identiques à ceux annexés aux actes attaqués, que ceux-ci étaient insuffisants pour qu’il puisse être constaté que le Conseil avait procédé à la vérification requise en ce qui concerne le respect, aux États-Unis d’Amérique, du principe du respect des droits de la défense (arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil, T‑289/15, EU:T:2019:138, points 54 à 65 ; du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil, T‑643/16, EU:T:2019:238, points 93 à 104, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 65 à 76). En outre, la Cour a jugé, dans le seul arrêt sur pourvoi dans lequel elle s’est prononcée sur un moyen critiquant l’analyse par le Tribunal de l’appui du Conseil sur les décisions des États-Unis (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557), que ces critiques étaient irrecevables et que l’analyse du Tribunal dans l’arrêt attaqué était revêtue de l’autorité de la chose jugée (arrêt du 23 novembre 2021, Conseil/Hamas, C‑833/19 P, EU:C:2021:950, points 36 à 40 et 82).

90      En effet, le principe du respect des droits de la défense exige que les personnes visées par des décisions qui affectent de manière sensible leurs intérêts soient mises en mesure de faire connaître utilement leur point de vue au sujet des éléments retenus à leur charge pour fonder les décisions en cause. Dans le cas de mesures visant à inscrire les noms de personnes ou d’entités sur une liste de gel des fonds, ce principe implique que les motifs de ces mesures soient communiqués à ces personnes ou entités concomitamment avec, ou immédiatement après, leur adoption (voir arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 65 et 66 et jurisprudence citée).

91      Or, s’agissant de la législation des États-Unis régissant la désignation en tant que SDGT à l’origine de la décision de 2001, la description générale qu’en fournit le Conseil dans les exposés des motifs ne fait état d’aucune obligation, pour les autorités des États-Unis, de communiquer aux intéressés une motivation, ou même de publier ces décisions, empêchant de considérer que le principe des droits de la défense a été respecté (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 69 et 70).

92      Quant à la législation régissant la désignation en tant que FTO à l’origine de la décision de 1997, elle prévoit certes une publication des décisions en cause dans le Registre fédéral. Toutefois, il ne ressort pas des exposés des motifs que, en dehors du dispositif de ces décisions, une motivation, quelle qu’elle soit, figure dans cette publication ou ait été mise à la disposition du requérant d’une quelconque manière (voir, en ce sens, arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, points 71 à 75). Le « dossier administratif » du Département d’État des États-Unis concernant le PKK datant de 2019 dont disposeraient les autorités des États-Unis, mentionné dans les exposés des motifs, est en effet largement postérieur aux décisions des États-Unis de 1997 et 2001, et rien n’indique qu’il contiendrait des données relatives à ces décisions et à leur motivation. Au surplus, le Conseil ne précise aucunement les conditions d’accès à ce dossier administratif, se contentant d’affirmer, et ce d’ailleurs uniquement dans ses écritures, que le requérant n’a pas exercé son droit d’accès audit dossier.

93      Or, une telle publication du dispositif de la décision de 1997 dans le Registre fédéral et ainsi la seule mention de cette publication dans les exposés des motifs est insuffisante pour qu’il puisse être constaté que le Conseil a procédé à la vérification requise en ce qui concerne le respect, aux États-Unis d’Amérique, du principe des droits de la défense (arrêt du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 76).

94      Il s’ensuit qu’il y a lieu de considérer, en l’espèce, à l’instar de ce qu’a jugé le Tribunal dans ses arrêts du 6 mars 2019, Hamas/Conseil (T‑289/15, EU:T:2019:138, point 65), du 10 avril 2019, Gamaa Islamya Égypte/Conseil (T‑643/16, EU:T:2019:238, point 104), et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil (T‑308/18, EU:T:2019:557, point 76), que les décisions des États-Unis ne pouvaient servir de fondement aux actes attaqués en tant que décisions d’autorités compétentes au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, sans qu’il soit besoin d’examiner la question du respect du droit à une protection juridictionnelle effective, ni les autres arguments contestant la légalité de l’appui sur les décisions des autorités des États-Unis au titre de cette disposition.

95      Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 doit être accueilli, en ce que les actes attaqués se fondent sur les décisions des États-Unis de 1997 et de 2001, mais écarté en ce qu’ils s’appuient sur l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001.

C.      Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

96      Compte tenu de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 en ce qui concerne les décisions des États-Unis de 1997 et de 2001, le présent moyen ne sera pas examiné en ce qu’il conteste la qualification terroriste des incidents retenus dans ces décisions.

97      Au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le requérant avance deux types d’arguments contestant, pour certains, de manière générale la poursuite d’un but terroriste par des actes accomplis dans le cadre d’un conflit armé à des fins d’autodétermination et, pour d’autres, plus spécifiquement les buts terroristes, tels qu’explicités dans cette disposition, que poursuivraient certains des actes retenus dans les exposés des motifs.

98      Il convient de préciser à titre liminaire, à la suite des échanges des parties relatifs à l’obligation pour le Conseil de vérifier la qualification des faits opérée par l’autorité nationale compétente, qu’une telle obligation incombe au Conseil et que les arguments du requérant sont, dès lors, opérants en ce qu’ils contestent le résultat de la vérification de la correspondance des actes pris en compte par les autorités nationales à la définition de l’acte terroriste établie à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

99      En effet, ainsi qu’il découle des termes de l’article 1er, paragraphe 4, premier alinéa, de la position commune 2001/931, évoquant notamment la « condamnation » pour « un acte terroriste, ou la tentative de commettre, ou la participation à, ou la facilitation d’un tel acte », le Conseil doit vérifier si les actes retenus par les autorités nationales correspondent bien à des actes terroristes, tels qu’ils sont définis à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 191). Cette vérification est d’autant plus requise que, comme cela ressort de certains griefs soulevés par le requérant, les définitions de l’acte terroriste varient d’un État à l’autre et ne correspondent pas nécessairement en tous points à la définition retenue dans la position commune 2001/931.

100    Cependant, lorsque, au cours de la procédure devant le Conseil, l’entité concernée ne conteste pas de manière circonstanciée que la décision nationale porte sur des actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, le Conseil n’est pas tenu de se prononcer de manière plus détaillée sur cette question et l’indication dans les exposés des motifs selon laquelle il a vérifié si les motifs ayant présidé aux décisions prises par les autorités nationales compétentes relevaient de la définition du terrorisme figurant dans la position commune 2001/931 est suffisante (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 162 et 163 et jurisprudence citée).

101    Il convient également de préciser que cette vérification s’imposant au Conseil au titre de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 porte uniquement sur les incidents retenus dans les décisions des autorités nationales ayant fondé l’inscription initiale de l’entité concernée. En effet, ainsi qu’il ressort de l’arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil (T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 168 et 276), lorsqu’il maintient une entité sur les listes de gel des fonds, le Conseil doit établir, non que cette entité a commis des actes terroristes au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, mais que le risque qu’elle soit impliquée dans de tels actes persiste, ce qui n’implique pas nécessairement qu’elle ait commis lesdits actes.

102    Il reste toutefois que, s’il peut être considéré que le PKK a commis des actes terroristes après son inscription initiale, cela justifie a fortiori le maintien de son inscription.

103    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 est inopérant en ce qu’il porte sur les actes retenus aux fins du maintien du PKK sur les listes litigieuses lors des réexamens menés par le Conseil au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, mais qu’il est en revanche opérant en ce qu’il conteste la qualification terroriste des incidents retenus par les décisions des autorités nationales à l’origine de l’inscription initiale du requérant.

1.      Sur l’argumentation selon laquelle les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devraient être interprétés à la lumière du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde

104    Le requérant nie que les actes qui lui ont été imputés par le Conseil aient été commis dans un but terroriste, en se prévalant du conflit armé l’opposant à la République de Turquie. Il serait fondamental, selon le requérant, de prendre en considération le contexte dans lequel s’inscrivent les actes attaqués, à savoir le conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde qui oppose le PKK aux autorités turques, dès lors que l’usage de la violence serait en principe autorisé en temps de conflit armé en vertu du droit international. En effet, conformément à l’article 3, paragraphe 5, et à l’article 21 TUE, l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devrait être interprété à la lumière du droit international en matière d’autodétermination, du droit international humanitaire ou des valeurs fondamentales de la démocratie et de l’État de droit. Tout en prenant acte de l’arrêt du 14 mars 2017, A e.a. (C‑158/14, EU:C:2017:202), en vertu duquel des actes peuvent constituer des actes de terrorisme pendant un conflit armé, le requérant souligne la nécessité de déterminer dans quels cas les actes commis en période de conflit armé constituent des actes de terrorisme.

105    Le requérant conteste ainsi les buts terroristes que poursuivraient les actes qui lui ont été attribués, en soulignant la nécessaire distinction entre la réalisation d’un acte et sa réalisation dans un but terroriste. En particulier, il n’entendrait ni déstabiliser, ni détruire l’État turc et tendrait uniquement à l’améliorer et à le rendre plus conforme aux principes démocratiques adoptés au sein de l’Union, dont le droit fondamental à l’autodétermination. Il viserait par ailleurs à contraindre le gouvernement turc à accepter une meilleure position pour les kurdes, de sorte que ses efforts ne pourraient être considérés comme indus. Le requérant soutient enfin qu’aucun des actes qui lui ont été imputés n’était dirigé contre la population civile, seuls étant visés des objectifs militaires légitimes, même s’ils ont parfois causé des pertes civiles.

106    Il y a lieu de rappeler, à cet égard, qu’il ressort de la jurisprudence tant de la Cour que du Tribunal que l’existence d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international n’exclut pas l’application des dispositions du droit de l’Union concernant la prévention du terrorisme, telles que la position commune 2001/931, aux éventuels actes de terrorisme commis dans ce cadre (arrêt du 14 mars 2017, A e.a., C‑158/14, EU:C:2017:202, points 97 et 98 ; voir, également, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 294 et jurisprudence citée).

107    En effet, d’une part, la position commune 2001/931 n’opère aucune distinction en ce qui concerne son champ d’application selon que l’acte en cause est ou non commis dans le cadre d’un conflit armé au sens du droit humanitaire international. D’autre part, les objectifs de l’Union et de ses États membres sont de lutter contre le terrorisme, quelles que soient les formes qu’il puisse prendre, conformément aux objectifs du droit international en vigueur (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 58).

108    Le requérant ne conteste d’ailleurs pas l’applicabilité de la position commune 2001/931 en cas de conflit armé, mais estime en substance que ses dispositions devraient être interprétées en tenant compte du caractère légitime du conflit armé qu’il mène contre les autorités turques pour l’autodétermination du peuple kurde.

109    Il convient d’admettre, à la suite du requérant, que le principe coutumier d’autodétermination rappelé, notamment, à l’article 1er de la charte des Nations unies, signée à San Francisco le 26 juin 1945, est un principe de droit international applicable à tous les territoires non autonomes et à tous les peuples n’ayant pas encore accédé à l’indépendance (voir, en ce sens, arrêts du 21 décembre 2016, Conseil/Front Polisario, C‑104/16 P, EU:C:2016:973, point 88, et du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 217).

110    Sans prendre position sur son application dans la présente affaire, ni davantage sur la légalité du recours à la force armée pour parvenir à l’autodétermination, il doit être considéré que ce principe n’implique pas que, pour exercer le droit à l’autodétermination, un peuple ou les habitants d’un territoire puissent recourir à des moyens tombant sous le coup de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 (arrêts du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 218, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 299).

111    En effet, le Tribunal a déjà eu l’occasion de juger qu’une exception à la prohibition des actes de terrorisme dans les conflits armés au profit de mouvements de libération engagés dans un conflit armé contre un « gouvernement oppressif » ne repose sur aucun fondement de droit de l’Union, ni même de droit international. Les dispositions de droit international, plus particulièrement la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies, du 28 septembre 2001, la convention de Genève, du 12 août 1949, relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, les protocoles additionnels I et II aux conventions de Genève, du 8 juin 1977, relatifs à la protection des victimes des conflits armés internationaux et non internationaux, ainsi que la convention internationale pour la répression du financement du terrorisme, signée à New York le 9 décembre 1999, n’établissent, dans leur condamnation des actes de terrorisme, aucune distinction selon la qualité de l’auteur de l’acte et les buts qu’il poursuit (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 68).

112    Il convient de relever au surplus que, en l’espèce, le requérant se borne à mentionner une seule disposition, en l’occurrence du droit de l’Union, venant spécifiquement au soutien de son affirmation de l’existence d’une exception à la prohibition des actes de terrorisme dans les conflits armés à des fins d’autodétermination, à savoir la décision-cadre 2002/475/JAI du Conseil, du 13 juin 2002, relative à la lutte contre le terrorisme (JO 2002, L 164, p. 3), et, plus particulièrement, le considérant 11 de cette décision-cadre, selon lequel celle-ci « ne régit pas les activités des forces armées en période de conflit armé, au sens donné à ces termes en droit humanitaire international, qui sont régies par ce droit, et les activités menées par les forces armées d’un État dans l’exercice de leurs fonctions officielles, en tant qu’elles sont régies par d’autres règles de droit international ». Le requérant ajoute que la décision-cadre 2002/475 était accompagnée d’une déclaration du Conseil excluant explicitement la résistance armée – telle que celle menée par les différents mouvements de résistance européens durant la Seconde Guerre mondiale – de son champ d’application.

113    Toutefois, la position commune 2001/931, tout comme la résolution 1373 (2001) du Conseil de sécurité des Nations unies qu’elle met en œuvre au niveau de l’Union, ne contient aucune disposition comparable au considérant 11 de la décision-cadre 2002/475 et l’absence d’un tel considérant dans ladite position commune doit précisément être interprétée comme manifestant la volonté du Conseil de ne prévoir aucune exception à l’application des dispositions de la position commune lorsqu’il s’agit de prévenir le terrorisme en luttant contre son financement (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, points 74 à 76).

114    Il s’ensuit que la référence opérée par le requérant à la décision-cadre 2002/475 et à une déclaration du Conseil l’accompagnant est dépourvue de pertinence.

115    En outre, une distinction doit être établie entre, d’une part, les objectifs que souhaitent atteindre un peuple ou les habitants d’un territoire et, d’autre part, les comportements qu’ils adoptent aux fins d’y parvenir. En effet, les « buts » mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i) à iii), de la position commune 2001/931 ne correspondent pas à de tels objectifs, qui peuvent être qualifiés d’ultimes ou de sous-jacents. Ils visent, ainsi qu’il ressort des termes employés (intimidation, contrainte, déstabilisation ou destruction), la nature même des actes accomplis, ce qui conduit à considérer que l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931 fait uniquement référence à des « actes », et non à des « buts » (voir arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 300 et jurisprudence citée).

116    Ainsi, notamment, contrairement à ce que soutient le requérant, le but poursuivi par les atteintes portées aux structures fondamentales de l’État turc [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous iii), de la position commune 2001/931], qui consisterait à modifier ces structures pour les rendre plus démocratiques, si tant est qu’il soit avéré, n’a pas à être pris en compte. De même, le terme « indûment » [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous ii), de la position commune 2001/931] doit être compris comme visant le caractère illégal de la contrainte exercée, notamment par les moyens de contrainte utilisés, et ne doit pas être évalué à la lumière du caractère prétendument légitime du but poursuivi par l’exercice de cette contrainte. Enfin, quant à l’intimidation de la population [article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous i), de la position commune 2001/931], pour laquelle le requérant fait valoir que le conflit armé qu’il mène pour l’autodétermination du peuple kurde conduit à ce que soit uniquement visées des cibles militaires, il y a lieu de constater que cet argument manque en fait, dès lors que plusieurs des actes mentionnés dans les exposés des motifs, en particulier les attaques dirigées contre des installations touristiques, ont visé principalement, et non uniquement de manière collatérale, des populations civiles (voir notamment points 126 et 127 ci-après).

117    Il importe enfin de souligner qu’il ne saurait être déduit de ce qui précède que l’outil de prévention du terrorisme qu’est la position commune 2001/931 et plus généralement l’ensemble du système des mesures restrictives de l’Union formeraient un obstacle à l’exercice du droit à l’autodétermination de populations au sein d’États oppressifs. En effet, la position commune 2001/931 et sa mise en œuvre par le Conseil ne visent pas à déterminer qui, dans un conflit opposant un État à un groupe, a raison ou a tort, mais à lutter contre le terrorisme (arrêt du 16 octobre 2014, LTTE/Conseil, T‑208/11 et T‑508/11, EU:T:2014:885, point 71). Dans une telle hypothèse, il appartient au Conseil, en faisant usage du large pouvoir d’appréciation reconnu aux institutions de l’Union en matière de gestion des relations extérieures de l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 28 octobre 1982, Faust/Commission, 52/81, EU:C:1982:369, point 27 ; du 16 juin 1998, Racke, C‑162/96, EU:C:1998:293, point 52 ; du 27 septembre 2007, Ikea Wholesale, C‑351/04, EU:C:2007:547, point 40, et ordonnance du 6 septembre 2011, Mugraby/Conseil et Commission, T‑292/09, non publiée, EU:T:2011:418, point 60), de décider à l’égard de qui, personnes physiques et morales liées à l’État concerné ou au peuple souhaitant exercer son droit à l’autodétermination, il y a lieu d’adopter des mesures restrictives.

118    Il convient, par conséquent, d’écarter l’argumentation du requérant relative à la prise en compte du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde aux fins d’interpréter les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, de la position commune 2001/931.

119    Il s’ensuit que doivent également être écartés l’ensemble des arguments du requérant visant à contester les buts terroristes retenus pour certains des actes qui lui sont imputés au motif qu’ils auraient été commis en représailles contre l’armée turque. En particulier, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la qualification terroriste de l’attaque d’un poste militaire turc en Irak par un drone armé du PKK le 20 août 2020 ne saurait être écartée au motif qu’elle serait intervenue dans le cadre du conflit armé opposant le PKK à la République de Turquie.

2.      Sur la contestation du caractère terroriste des buts poursuivis par certains des actes attribués au requérant

120    Il convient d’écarter d’emblée le grief tiré en substance de la méconnaissance du principe de légalité des délits et des peines, en ce que le Conseil ne pourrait fonder les actes attaqués sur des incidents intervenus avant l’entrée en vigueur de la position commune 2001/931. En effet, compte tenu du caractère purement conservatoire du gel des fonds prévu par la position commune 2001/931, ne constituant pas, dès lors, une sanction pénale ou administrative (voir arrêt du 7 décembre 2010, Fahas/Conseil, T‑49/07, EU:T:2010:499, points 67 et 68 et jurisprudence citée), ce principe général du droit de l’Union, consacré par l’article 49, paragraphe 1, première phrase, de la Charte, selon lequel « [n]ul ne peut être condamné pour une action […] qui au moment où elle a été commise, ne constituait pas une infraction d’après le droit national ou le droit international », n’est pas applicable en l’espèce (voir, par analogie, arrêt du 27 février 2014, Ezz e.a./Conseil, T‑256/11, EU:T:2014:93, points 70 à 81).

121    Doit par ailleurs être écarté comme inopérant le grief tiré de l’absence de correspondance de certains des actes retenus par les autorités du Royaume-Uni à la définition d’infractions au sens de la législation de cet État. En effet, il découle de la forme de coopération spécifique instituée entre les États membres et le Conseil en matière de lutte contre le terrorisme et de l’obligation pour le Conseil qui en résulte de s’en remettre autant que possible à l’appréciation de l’autorité nationale compétente fondant sa décision qu’il lui incombe de s’en remettre également à cette autorité s’agissant de la qualification des éléments factuels constatés au regard des règles de droit national. Même si l’exigence de « correspondan[ce] à la définition d’infraction dans le droit national » est requise par l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, cette qualification relève de la stricte sphère nationale et est indépendante en tant que telle, lorsqu’elle est opérée, de la mise en œuvre de ladite position commune.

122    Quant à la contestation de la correspondance de certains des actes imputés au PKK aux critères fixés par l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 pour définir la notion d’acte terroriste, il importe de relever, à titre liminaire, que, contrairement à ce que prétend le requérant, il résulte précisément des critiques présentées au soutien du présent moyen et examinées ci-après que celui-ci a disposé, s’agissant des incidents pour lesquels il conteste la qualification d’actes terroristes, de données suffisantes pour avancer des arguments au soutien de sa contestation. Il peut en outre être déduit de la constatation par la Cour, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 62 et 80), que l’exposé des incidents ayant fondé les actes examinés dans cet arrêt, repris dans les actes attaqués et même complété dans certains desdits actes, était, hormis pour ce qui concerne l’incident intervenu en août 2014, suffisamment motivé, que le requérant disposait de données suffisantes pour avancer des arguments au soutien de sa contestation de la qualification terroriste des incidents concernés.

123    Il peut être considéré ensuite que, indépendamment même du fait que le caractère terroriste des buts poursuivis par le requérant n’est contesté que pour certains seulement des actes retenus par le Conseil, ces contestations ne permettent pas de remettre en cause les appréciations du Conseil.

124    Il doit être souligné en effet que chacun des types d’actes mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 est susceptible de revêtir un caractère terroriste. Un acte, pour être qualifié de « terroriste », n’a pas à cumuler les onze objets mentionnés dans cette disposition.

125    Il s’ensuit qu’il est indifférent que, comme le fait valoir le requérant, certains des actes qui lui sont attribués n’aient pas causé de décès [sous a)], n’aient pas impliqué l’usage d’armes à feu [sous f)], n’aient pas causé de destructions massives [sous d)] ou n’aient pas donné lieu à des enlèvements [sous c)], dès lors que, d’une part, il n’est pas contesté que ces actes poursuivaient d’autres buts terroristes parmi ceux mentionnés à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous a) à k), de la position commune 2001/931 et que, d’autre part, d’autres actes, parmi ceux retenus, ont eu l’un ou l’autre de ces objets.

126    En particulier, quant aux actes retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2001, il convient de rappeler que le Conseil les a mentionnés comme suit dans les exposés des motifs des actes attaqués (point 17 de l’annexe A des exposés des motifs) :

–        l’enlèvement de touristes occidentaux, dont plusieurs citoyens du Royaume-Uni, au début des années 1990 ;

–        l’attaque d’une raffinerie en 1993/1994 ;

–        entre 1993 et 1994, une campagne d’attentats contre des installations touristiques, ayant conduit au décès de touristes étrangers, dont un citoyen du Royaume-Uni ;

–        entre 1995 et 1999, des menaces d’attaques à l’encontre d’installations touristiques turques.

127    Ainsi, à supposer même, comme le soutient le requérant, qu’il ne soit pas établi que l’attaque de la raffinerie commise en 1993/1994 ait mis en danger des vies humaines au titre de l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous d), de la position commune 2001/931, il reste que ne sont contestées ni les destructions massives occasionnées, mentionnées dans cette disposition, ni la conséquence inéluctable de ces destructions que sont les pertes économiques considérables, citées, avec la mise en danger de vies humaines, comme l’une des deux conséquences alternatives possibles des destructions susmentionnées. De même, quand bien même l’attaque de cette raffinerie ne pourrait être imputée au requérant, il peut être relevé que d’autres actes ont été retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2001 (voir point 126 ci-dessus), pour lesquels le requérant ne conteste ni son implication, ni le ou les buts terroristes poursuivis, dont les atteintes à la vie de personnes.

128    En outre, il convient d’écarter les arguments du requérant contestant la qualification terroriste des actes en cause en raison de divergences entre la définition de l’acte terroriste dans la législation du Royaume-Uni et celle figurant à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931. En effet, la législation nationale en cause, à savoir la loi du Royaume-Uni de 2000 contre le terrorisme, retient la même définition en deux temps des actes terroristes que celle figurant dans ladite position commune, en définissant ces actes à la fois par les « buts » poursuivis et par les moyens employés à ces fins, et ces « buts » comme ces moyens correspondent dans une large mesure. Est, dès lors, dépourvue de conséquences la circonstance que le critère de gravité soit attaché aux moyens dans la législation du Royaume-Uni (mentionnant par exemple la violence sérieuse, le dommage sérieux) et aux « buts » dans la position commune 2001/931 (mentionnant par exemple le fait de gravement intimider une population, de gravement déstabiliser ou détruire).

129    Quant aux actes retenus par les autorités du Royaume-Uni en 2014, il peut être relevé, à titre surabondant (voir points 101 et 102 ci-dessus), à propos de l’attaque de la centrale électrique intervenue en août 2014, qu’il découle du terme « perturbation » dans le but terroriste décrit comme étant « la perturbation ou l’interruption de l’approvisionnement en eau, en électricité ou toute autre ressource naturelle fondamentale ayant pour effet de mettre en danger des vies humaines » à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous h), de la position commune 2001/931 que peuvent également être concernées des installations non encore en fonction. En effet, une « perturbation », a fortiori par opposition à une « interruption », désigne de manière générale toute difficulté dans l’approvisionnement, laquelle pourrait résulter de l’absence de mise en service d’une installation à la date prévue. La circonstance que la centrale électrique attaquée par le PKK en 2014 n’était pas encore en service au moment de cette attaque, attaque au demeurant non contestée par le requérant, ne permet pas, dès lors, d’exclure l’existence du but terroriste visé à l’article 1er, paragraphe 3, premier alinéa, sous h), de la position commune 2001/931.

130    Par conséquent, le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, tel que circonscrit au point 96 ci-dessus, doit être écarté.

D.      Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

131    Il y a lieu de rappeler que, dans le cadre d’un réexamen effectué au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le Conseil peut maintenir le nom de la personne ou de l’entité concernée sur une liste de gel des fonds s’il conclut à la persistance du risque d’implication de celle-ci dans des activités terroristes ayant justifié son inscription initiale sur cette liste, ce maintien constituant ainsi, en substance, le prolongement de l’inscription initiale de la personne ou de l’entité concernée sur ladite liste. À cet effet, le Conseil est tenu de vérifier si, depuis cette inscription initiale, la situation factuelle n’a pas changé de telle manière qu’elle ne permet plus de tirer la même conclusion concernant l’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 46 et 51 et jurisprudence citée ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, point 43, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 49).

132    Dans le cadre de la vérification de la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes, le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale de cette personne ou de cette entité sur les listes de gel des fonds doit être dûment pris en considération, en particulier l’abrogation ou le retrait de cette décision nationale en raison de faits ou d’éléments nouveaux ou d’une modification de l’appréciation de l’autorité nationale compétente (arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 52, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 50).

133    En outre, le seul fait que la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale demeure en vigueur peut, à la lumière du temps écoulé et en fonction de l’évolution des circonstances de l’espèce, ne pas suffire pour conclure à la persistance du risque d’implication de la personne ou de l’entité concernée dans des activités terroristes. Dans une telle situation, notamment si la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale n’a pas fait l’objet d’un réexamen par l’autorité compétente, le Conseil est tenu de fonder le maintien du nom de cette personne ou de cette entité sur les listes de gel des fonds sur une appréciation actualisée de la situation, tenant compte d’éléments plus récents, démontrant que ce risque subsiste (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 52, 62 et 72 ; du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 40 et 50 ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, points 52, 60 et 61, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 51).

134    Les conditions déclenchant cette obligation d’actualisation que sont l’écoulement du temps et l’évolution des circonstances de l’espèce sont de nature alternative, et ce en dépit de l’emploi de la conjonction « et » dans la jurisprudence mentionnée au point 133 ci-dessus. Le juge de l’Union a ainsi pu affirmer l’obligation d’actualisation du Conseil en se fondant sur le temps écoulé, sans nécessairement évoquer également un changement de circonstances au cours de ce laps de temps (arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 32 et 33), indiquant parfois même que le laps de temps en cause constitue « en soi » un élément justifiant cette actualisation (arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 176). En effet, le seul écoulement d’un laps de temps important peut suffire à justifier une actualisation de l’appréciation du Conseil, dès lors qu’il s’agit d’apprécier la persistance d’un risque et ainsi l’évolution dans le temps de ce risque. De même, il peut difficilement être fait abstraction d’un événement marquant un changement important de circonstances, même si celui-ci intervenait quelques mois seulement après l’adoption de l’acte de maintien de l’inscription.

135    Lorsqu’elle est justifiée par l’écoulement du temps ou l’évolution des circonstances de l’espèce, le Conseil peut s’appuyer, aux fins de la nécessaire actualisation de son appréciation, sur des éléments récents tirés non seulement de décisions nationales adoptées par des autorités compétentes, mais également d’autres sources et, partant, également sur ses propres appréciations (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, points 52, 62 et 72 ; du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, points 40 et 50 ; du 20 juin 2019, K.P., C‑458/15, EU:C:2019:522, points 52, 60 et 61, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 51).

136    Il convient par ailleurs de rappeler que, s’agissant des éléments plus récents relevant de l’appréciation actualisée de la situation, qu’ils soient tirés de décisions nationales ou d’autres sources, le juge de l’Union est tenu de vérifier, d’une part, le respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE et, partant, le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués ainsi que, d’autre part, la question de savoir si ces motifs sont étayés, ce qui implique que ce juge s’assure, au titre du contrôle de la légalité au fond de ces motifs, que ces actes reposent sur une base factuelle suffisamment solide et vérifie les faits allégués dans l’exposé des motifs qui sous-tend le maintien sur les listes de gel des fonds (voir, en ce sens, arrêts du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi, C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518, points 118 et 119 ; du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 70, et du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 52).

137    Aux fins de ce contrôle juridictionnel, la personne ou l’entité concernée peut, dans le cadre du recours introduit contre le maintien de son nom sur la liste de gel des fonds litigieuse, contester l’ensemble des éléments sur lesquels le Conseil s’appuie afin de démontrer la persistance du risque de son implication dans des activités terroristes, indépendamment de la question de savoir si ces éléments sont tirés d’une décision nationale adoptée par une autorité compétente ou d’autres sources. En cas de contestation, il appartient au Conseil d’établir le bien-fondé des constatations factuelles retenues et au juge de l’Union de vérifier l’exactitude matérielle des faits concernés (voir arrêt du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 71 et jurisprudence citée ; arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 53). Il importe de souligner, à cet égard, que, compte tenu du système de coopération spécifique entre le Conseil et les États membres mis en place par la position commune 2001/931 et de l’obligation qui en découle pour le Conseil de s’en remettre autant que possible à l’appréciation des autorités nationales, les décisions de ces autorités jouissent d’une force probante particulière, facilitant ainsi l’établissement des faits par le Conseil et leur vérification par le juge de l’Union lorsque lesdits faits ont été préalablement établis par des autorités nationales compétentes.

138    C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner si les actes attaqués ont été adoptés dans le respect des exigences de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, en distinguant entre les premiers, les deuxièmes et troisièmes actes attaqués, compte tenu des éléments différents pris en compte au titre de l’actualisation de l’appréciation du Conseil dans les exposés des motifs qui les accompagnent.

139    En effet, dans les premiers actes attaqués (voir point 9 ci-dessus), les dernières décisions nationales prises en compte émanant d’autorités compétentes, en l’occurrence le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni, datent de 2014 et de 2020.

140    Dans celle de 2014, le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni a retenu :

–        en mai 2014, l’attaque du site de construction d’un nouveau poste militaire avancé turc au cours de laquelle deux militaires ont été blessés ;

–        en août 2014, l’attaque d’une centrale électrique et l’enlèvement de trois ingénieurs chinois (point 18 de l’annexe A des exposés des motifs) ;

–        en octobre 2014, l’annonce par le PKK d’une rupture des pourparlers de paix avec la République de Turquie si cette dernière n’intervenait pas contre Daech (point 19 de l’annexe A des exposés des motifs).

141    Il importe de souligner, à cet égard, que la décision du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2014 a été adoptée par une autorité compétente au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, dès lors qu’elle émane de la même autorité que celle qui a adopté l’ordonnance de 2001 (voir point 67 ci-dessus). Ainsi, même si le Conseil n’est pas tenu de s’appuyer sur des éléments tirés de décisions d’autorités nationales compétentes pour maintenir le nom d’une entité sur les listes de gel des fonds (voir point 135 ci-dessus), il reste que, lorsqu’il s’appuie sur de telles décisions aux fins de ce maintien, les éléments tirés de ces décisions doivent être considérés comme jouissant d’une force probante particulière (voir point 137 ci-dessus).

142    Il convient également de rappeler que la Cour a jugé, dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316), que la mention de l’attaque du mois d’août 2014, identique dans les actes contestés dans cet arrêt et dans les premiers actes attaqués, était insuffisamment motivée, mais que, en revanche, les mentions des actes de mai et d’octobre 2014 l’étaient suffisamment (points 78 à 80).

143    Il s’ensuit que, compte tenu du rejet des arguments du requérant visant à contester la qualification de l’attaque de mai 2014 d’acte terroriste (voir point 119 ci-dessus) et indépendamment de la qualification de la rupture des pourparlers de paix, contestée par le requérant, le Conseil a, en tout état de cause, valablement retenu une implication du PKK dans des actes terroristes jusqu’à la date de cette attaque, soit le 13 mai 2014.

144    En outre, quant à l’argument du requérant selon lequel la décision de 2014 ne pourrait être prise en compte, au motif que la demande de levée d’interdiction à laquelle elle répond n’émane pas du PKK, il ressort de la jurisprudence que le sort ultérieurement réservé à la décision nationale ayant servi de fondement à l’inscription initiale doit être dûment pris en considération et que ce qui compte, à cet égard, est l’éventuelle abrogation ou retrait ou, à l’inverse, l’éventuelle confirmation de cette décision nationale en raison de faits ou d’éléments nouveaux ou à la suite d’une modification de l’appréciation ou d’un complément apporté à ladite appréciation, davantage que l’entité qui a suscité cette nouvelle appréciation (voir, en ce sens, arrêts du 26 juillet 2017, Conseil/LTTE, C‑599/14 P, EU:C:2017:583, point 52, et du 26 juillet 2017, Conseil/Hamas, C‑79/15 P, EU:C:2017:584, point 30). Il peut être relevé, au surplus, que le Conseil a indiqué, dans ses exposés des motifs (point 13 de l’annexe A), que le PKK lui-même avait demandé sans succès à trois reprises (en 2001, en 2009 et en 2014) la levée de son interdiction, ce dont il peut être déduit que l’autorité compétente avait à sa disposition, notamment en 2014, les arguments et éléments avancés par le PKK en faveur de sa demande. En tout état de cause, dans la mesure où l’actualisation requise par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 n’oblige pas le Conseil à s’appuyer sur des éléments récents tirés uniquement de décisions nationales adoptées par des autorités compétentes (voir point 135 ci-dessus et point 148 ci-après), il n’est pas déterminant en l’espèce que les conditions d’adoption de la décision de 2014 empêcheraient prétendument de la considérer comme une décision nationale émanant d’une autorité compétente.

145    En revanche, ainsi que le fait valoir à juste titre le requérant, l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2020 ne peut être prise en compte, dès lors qu’elle interdit comme étant une organisation terroriste le TAK, que le Conseil considère comme étant une organisation distincte du PKK, puisqu’il est mentionné sur les listes litigieuses de l’Union de manière distincte.

146    Dans les premiers actes attaqués, le Conseil s’est par ailleurs appuyé, à bon droit, sur un incident de juin 2017 retenu par les autorités des États-Unis. Il s’agit de l’attaque d’un véhicule militaire turc par un engin explosif dans la province sud d’Hakkari, lors de laquelle un soldat turc a été tué (point 16, dernier tiret, de l’annexe C des exposés des motifs). Cette attaque est présentée comme figurant dans le dossier administratif des autorités des États-Unis de 2019. La source à l’origine de cette information, à savoir l’agence de presse Reuters, est citée.

147    Il y a lieu de relever d’emblée que le requérant ne conteste pas la matérialité de cette attaque, ni qu’il en est l’auteur, se bornant à rejeter sa qualification d’acte terroriste au sens de l’article 1er,  paragraphe 3, de la position commune 2001/931, au motif non pertinent que ledit acte s’inscrirait dans le conflit armé l’opposant à la République de Turquie (voir points 118 et 119 ci-dessus). La mention de cette attaque dans les premiers actes attaqués est par ailleurs suffisamment motivée (voir point 195 ci-après).

148    Il importe de souligner, en outre, que la circonstance que les actes prétendument terroristes retenus aux fins du maintien sur les listes litigieuses, dont ni la matérialité, ni l’imputation au requérant ne sont contestées par ce dernier, ont été constatés par une autorité nationale ne pouvant être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931 n’empêche pas le Conseil de valablement s’appuyer sur de tels actes dans le cadre de son réexamen du risque d’implication terroriste. En effet, lors du réexamen du bien-fondé de l’inscription d’une entité, le Conseil n’est pas tenu de se fonder sur des éléments constatés dans une décision d’une autorité compétente répondant aux critères de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 (voir, en ce sens, arrêts du 4 septembre 2019, Hamas/Conseil, T‑308/18, EU:T:2019:557, point 150, et du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 143). Il n’est, dès lors, pas déterminant en l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 94 ci-dessus, que la qualification d’autorité compétente soit déniée aux autorités des États-Unis.

149    Les incidents les plus récents correctement pris en compte dans les premiers actes attaqués, dont la qualification d’actes terroristes n’a au surplus pas été valablement contestée (voir points 119 et 147 ci-dessus), datent donc de mai 2014 et de juin 2017.

150    Quant aux deuxièmes actes attaqués (voir point 10 ci-dessus), les exposés des motifs les accompagnant indiquaient, en plus des motifs précédents, que le Conseil avait examiné plus avant l’incident du 24 août 2014, déjà mentionné précédemment et consistant en l’attaque d’une centrale électrique et en l’enlèvement de trois ingénieurs chinois, et en avait déduit que cet incident était imputable au PKK et pouvait être qualifié d’acte terroriste au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931.

151    Compte tenu des précisions données par le Conseil à propos de cet incident d’août 2014, il peut être considéré que, d’une part, l’obligation de motivation est désormais satisfaite, dès lors que sont indiqués la date et le lieu dudit incident, en réponse à l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 78), qui avait constaté une insuffisance de motivation du fait de l’absence de ces précisions (voir également point 179 ci-après), et, d’autre part, l’enlèvement des ingénieurs chinois est établi, compte tenu des multiples articles de presse chinois et occidentaux, communiqués par le Conseil au requérant avec les exposés des motifs des deuxièmes actes attaqués, qui reprenaient les déclarations de l’ambassade de Chine en Turquie annonçant l’enlèvement puis la libération de ces ingénieurs.

152    Les incidents les plus récents correctement pris en compte dans les deuxièmes actes attaqués, dont la qualification d’actes terroristes n’a au surplus pas été valablement contestée (voir points 129 et 147 ci-dessus), datent par conséquent d’août 2014 et de juin 2017.

153    S’agissant enfin des troisièmes actes attaqués (voir point 11 ci-dessus), les exposés des motifs les accompagnant font état, en plus des motifs précédents, de l’attaque d’un poste militaire turc en Irak par un drone armé du PKK le 20 août 2020, que le Conseil considère comme étant un acte terroriste démontrant la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

154    Le requérant ne conteste ni la matérialité, ni l’imputation de cet incident au PKK. Il peut être noté en outre qu’il ressort d’un document fourni par le requérant lui-même en annexe à son mémoire en adaptation, que l’attaque de drone en cause peut être considérée comme ayant effectivement eu lieu et comme pouvant être imputée au PKK. En effet, ce document, consistant en un article issu du site Internet du magazine économique américain Forbes, publié le 27 août 2020, décrit une vidéo de l’attaque en cause en précisant qu’elle a été dévoilée par le PKK qui revendiquerait la commission, le lieu et la date de cette attaque. Il peut être rappelé, à cet égard, que les sources journalistiques sont considérées par la jurisprudence constante comme pouvant établir des faits de nature à justifier le maintien sur des listes de gel des fonds [voir, en ce sens, arrêts du 26 octobre 2016, Kaddour/Conseil, T‑155/15, non publié, EU:T:2016:628, points 85 à 88, et du 24 novembre 2021, Al Zoubi/Conseil, T‑257/19, EU:T:2021:819, points 75 à 80 (non publiés)]. Par ailleurs l’article produit par le requérant en annexe à son mémoire en adaptation ne permet pas de remettre en cause la matérialité et l’imputation de l’attaque en cause, dès lors qu’il vise principalement à contester la « réhabilitation » dont bénéficieraient les drones turcs en raison de leur usage par les Ukrainiens dans le cadre de leur défense contre l’invasion russe en Ukraine.

155    Quant à la contestation par le requérant de la qualification d’acte terroriste de cette attaque de drone au motif qu’elle serait intervenue dans le cadre du conflit armé opposant le PKK à la République de Turquie, il suffit de rappeler que le contexte de conflit armé ne permet pas d’exclure une telle qualification (voir point 119 ci-dessus). La mention de ladite attaque dans les troisièmes actes attaqués est par ailleurs suffisamment motivée, dès lors que sont indiqués la date et le lieu de l’attaque.

156    Les incidents les plus récents correctement pris en compte dans les troisièmes actes attaqués, dont la qualification d’actes terroristes n’a au surplus pas été valablement contestée, datent, dès lors, de juin 2017 et d’août 2020.

157    Il s’ensuit que le Conseil a valablement actualisé son appréciation du risque d’implication terroriste du PKK jusqu’en juin 2017 s’agissant des premiers et des deuxièmes actes attaqués, datés respectivement de février et de juillet 2021, et jusqu’en août 2020 s’agissant des troisièmes actes attaqués, datés de février 2022. Il s’ensuit également, compte tenu de la « distance temporelle » de moins de cinq ans séparant les faits en cause des actes attaqués, que le Conseil n’était pas tenu de poursuivre son actualisation au-delà de sa prise en compte desdits faits (voir, en ce sens, arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 208 et jurisprudence citée).

158    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les prétendus changements de circonstances, invoqués par le requérant comme nécessitant une actualisation supplémentaire du risque d’implication terroriste. Le requérant reproche en particulier au Conseil de ne pas avoir pris en compte les nombreuses informations récentes qu’il aurait fournies relatives au processus de paix et à son échec, au rôle du PKK dans la lutte contre Daech et à la transformation de la République de Turquie en un état totalitaire ne cessant d’opprimer le peuple kurde, attestant d’un changement important des circonstances, d’ailleurs reconnu par le Tribunal dans l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788). Il lui reproche également de ne pas avoir pris en compte, à tort, le retrait du Royaume-Uni de l’Union.

159    Quant au retrait du Royaume-Uni de l’Union, il s’agit d’un changement de circonstances sans conséquences en l’espèce, dès lors que la seule décision nationale concernée est l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni adoptée en février 2020, c’est-à-dire postérieurement à ce retrait, mais qui, pour les raisons indiquées au point 145 ci-dessus, ne peut être prise en compte en l’espèce (voir également points 65 et 66 ci-dessus). En tout état de cause, quand bien même il devrait être considéré que le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni n’est plus une autorité compétente d’un État membre s’agissant de l’ensemble des décisions prises par ce ministre, la circonstance que les actes prétendument terroristes retenus aux fins du maintien sur les listes litigieuses, dont ni la matérialité, ni l’imputation au requérant ne sont contestées par ce dernier, ont été constatés par une autorité ne pouvant être qualifiée d’autorité compétente au sens de la position commune 2001/931 n’empêche pas le Conseil de valablement s’appuyer sur de tels actes dans le cadre de son réexamen du risque d’implication terroriste (voir point 148 ci-dessus).

160    Quant aux autres changements de circonstances allégués qui auraient été retenus par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), et que le requérant étaye en renvoyant à la partie de ses écritures présentant les antécédents du litige et aux preuves afférentes fournies en annexe auxdites écritures, ils ne sauraient davantage justifier que le Conseil soit contraint de poursuivre son actualisation de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK.

161    En effet, la participation alléguée du PKK à un processus de paix, seule retenue dans l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), s’est, de l’aveu même du requérant, soldée par un échec en 2015 (voir point 158 ci-dessus), impliquant qu’elle ait pris fin avant que n’interviennent les derniers actes terroristes valablement pris en compte par le Conseil. Quant aux déclarations de dirigeants du PKK datées de mai 2019 et d’octobre 2020, indiquant, pour les premières, une disponibilité pour des négociations politiques ainsi que la nécessité d’une solution démocratique plutôt que les attitudes conflictuelles et le recours à la violence physique et, pour la seconde, la volonté du PKK de signer un accord de désarmement, elles sont restées purement unilatérales et théoriques. Le requérant ne fait état d’aucune suite qui leur aurait été donnée en termes de pourparlers de paix, ni même en termes de cessation des activités terroristes, ce qui est au demeurant conforté par l’attaque de drone d’août 2020 et les termes mêmes de la déclaration d’octobre 2020 soulignant la difficulté de signer un accord de désarmement compte tenu de la volonté des autorités turques de poursuivre la guerre et la « politique visant à éradiquer » le PKK.

162    La participation du requérant à la lutte contre Daech a, quant à elle, débuté concomitamment à l’avertissement lancé par le PKK en octobre 2014 aux autorités turques, les menaçant de rompre les pourparlers de paix si la République de Turquie n’intervenait pas contre Daech (voir point 140 ci-dessus). Elle révèle, ce faisant, l’absence d’apaisement dans les relations du PKK avec la République de Turquie et n’implique pas, en tant que telle, la cessation de son conflit avec la République de Turquie et des activités pouvant être considérées comme terroristes menées dans ce cadre (voir points 118 et 119 ci-dessus), et ce même si certaines autorités ou juridictions nationales, notamment les juridictions belges, en auraient jugé autrement au regard de leurs dispositions de droit national. Il ne saurait partant être déduit de cette circonstance un changement de nature à obliger le Conseil à s’assurer, au-delà des faits qu’il a pris en considération dans les actes attaqués, de la persistance du risque d’implication terroriste du PKK. Il en est d’autant plus ainsi que le requérant fait valoir, au titre d’un autre changement de circonstances, la transformation de l’État turc en un État totalitaire opprimant le peuple kurde, mettant ce faisant en évidence le maintien de son hostilité à l’égard des autorités turques. Cette oppression étant par ailleurs invoquée en substance au soutien des arguments du PKK relatifs au conflit armé l’opposant à la République de Turquie, elle ne traduit pas une évolution impliquant, en tant que telle, la pacification du PKK.

163    Il résulte de tout ce qui précède que le moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 doit être écarté, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les arguments critiquant l’appui du Conseil sur les décisions des autorités américaines et françaises qui se fondent sur des incidents antérieurs à 2014.

E.      Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

164    Le requérant fait valoir que le maintien de son nom sur les listes litigieuses constitue un moyen inadapté pour poursuivre l’objectif de lutte contre le terrorisme, s’inscrivant dans l’objectif de sauvegarde des valeurs, des intérêts fondamentaux, de la sécurité, de l’indépendance et de l’intégrité de l’Union, fixé à l’article 21, paragraphes 2 et 3, TUE, compte tenu de l’absence d’acte de violence commis par le PKK contre l’Union, et ce d’autant que ce maintien entraverait la réalisation des autres objectifs fixés par cette disposition que sont la consolidation de la démocratie et la préservation de la paix, toutes deux soutenues par le PKK. Ce maintien sur les listes litigieuses serait en outre disproportionné eu égard à ses répercussions dans les États membres comme en Turquie sur les actions politiques du PKK et à l’égard des Kurdes en général, en particulier les femmes, y compris en termes de liberté de réunion et d’expression, ainsi qu’eu égard à la durée paraissant illimitée de cette inscription.

165    Il convient de rappeler, à cet égard, que les droits fondamentaux, dont le droit de propriété, la liberté d’expression ou le droit de réunion, ne jouissent pas, en droit de l’Union, d’une protection absolue. Des restrictions peuvent être apportées à l’usage de ces droits à condition, premièrement, qu’elles soient dûment justifiées par des objectifs d’intérêt général poursuivis par l’Union et, deuxièmement, qu’elles ne constituent pas, au regard de ces objectifs, une intervention démesurée, ou intolérable, qui porterait atteinte à leur substance (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 121 et jurisprudence citée).

166    En ce qui concerne la première condition, il est de jurisprudence constante que le gel des fonds, des avoirs financiers et d’autres ressources économiques des personnes et des entités identifiées, selon les règles prévues par le règlement no 2580/2001 et par la position commune 2001/931, comme étant impliquées dans le financement du terrorisme poursuit un objectif d’intérêt général, dès lors qu’il s’inscrit dans la lutte menée contre les menaces que font peser les actes de terrorisme sur la paix et la sécurité internationales au sens de l’article 21, paragraphe 2, sous c), TUE (voir, en ce sens, arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 123 et jurisprudence citée), et non, comme le soutient à tort le requérant, dans l’objectif de sauvegarde de la sécurité et de l’intégrité de l’Union, figurant à la même disposition, sous a). Pour cette raison, il ne saurait être considéré que seuls les actes terroristes commis contre les intérêts de l’Union, des citoyens de l’Union ou sur le territoire de l’Union sont susceptibles de donner lieu à une inscription sur les listes de gel de fonds.

167    Quant à la seconde condition, il importe de relever que les mesures organisant le gel de fonds ne sont pas en principe considérées comme étant démesurées, intolérables ou comme portant atteinte à la substance des droits fondamentaux ou de certains d’entre eux.

168    En effet, ce type de mesures peut être nécessaire, dans une société démocratique, pour lutter contre le terrorisme (voir, en ce sens, arrêt du 23 octobre 2008, People’s Mojahedin Organization of Iran/Conseil, T‑256/07, EU:T:2008:461, point 129 et jurisprudence citée). De plus, les mesures organisant le gel de fonds ne sont pas absolues, compte tenu de ce que les articles 5 et 6 du règlement no 2580/2001 prévoient la possibilité, d’une part, d’autoriser l’utilisation de fonds gelés pour faire face à des besoins essentiels ou satisfaire à certains engagements et, d’autre part, d’accorder des autorisations spécifiques permettant, dans des conditions particulières, de dégeler des fonds, d’autres avoirs financiers ou d’autres ressources économiques (voir arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 127 et jurisprudence citée).

169    En outre, le gel de fonds ne constitue pas une mesure permanente, dès lors que, en application de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, le maintien du nom des personnes et des entités sur les listes de gel de fonds fait l’objet d’un réexamen périodique en vue d’assurer qu’en soient radiées celles qui ne répondent plus aux critères pour y figurer (arrêt du 15 novembre 2012, Al-Aqsa/Conseil et Pays-Bas/Al-Aqsa, C‑539/10 P et C‑550/10 P, EU:C:2012:711, point 129).

170    Il s’ensuit, en l’espèce, que, dans la mesure où il a été considéré que le Conseil avait, dans les actes attaqués, correctement procédé au réexamen de la persistance du risque d’implication terroriste du requérant, eu égard notamment aux changements de circonstances allégués par ce dernier (voir points 158 à 162 ci-dessus), il peut être considéré que le principe de proportionnalité a été respecté.

171    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la prétendue inefficacité des mesures de gel de fonds en cause et, ainsi, leur caractère prétendument inapproprié, en ce qu’elles n’auraient pas empêché la violence exercée à l’encontre des Kurdes et n’auraient pas conduit à une résolution pacifique et démocratique du conflit opposant les Kurdes aux autorités turques. En effet, tel n’est pas l’objectif des actes attaqués, ainsi qu’il ressort d’ailleurs de leurs intitulés reprenant celui de la position commune 2001/931 et la mention de l’objectif de lutte contre le terrorisme, objectif qui n’est d’ailleurs contesté par le requérant ni quant à son existence, ni quant à sa légitimité, au demeurant confirmée par la jurisprudence rappelée au point 166 ci-dessus.

172    Sont également dépourvus de pertinence les prétendus effets produits sur les Kurdes et, plus généralement sur toute personne souhaitant apporter son soutien aux Kurdes. En effet, les actes attaqués visent exclusivement la lutte contre le terrorisme et le PKK, seul mentionné dans les annexes de ces actes, en tant que partie prenante à des actes terroristes. Ainsi, quand bien même les agissements dénoncés par le requérant dirigés contre des personnes sans lien avec lui, tels que des entraves à la liberté de réunion et d’expression, seraient avérés, qu’ils soient le fait d’autorités d’États membres ou le fait des autorités turques, auxquelles les actes attaqués ne s’imposent d’ailleurs pas, ces agissements ne pourraient être considérés comme résultant desdits actes, qui se bornent à imposer un gel des fonds du PKK, et ainsi ne permettent pas de constater leur caractère disproportionné.

173    Il s’ensuit que le moyen tiré de la violation du principe de proportionnalité doit être écarté.

F.      Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

174    Le requérant fait valoir, en substance, que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en n’identifiant pas suffisamment quelle « réalité » a été inscrite sous la dénomination « PKK », en n’établissant pas l’implication du PKK dans les actes terroristes retenus, en n’expliquant pas pourquoi les décisions nationales sur lesquelles il s’est fondé étaient des décisions au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en n’indiquant pas les motifs effectifs et précis sur lesquels les décisions des États-Unis s’appuyaient, en ne vérifiant pas si les actes examinés par les autorités nationales pouvaient être qualifiés d’actes de terrorisme au sens de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931, en ne vérifiant pas si les droits de la défense et le droit à une protection juridictionnelle effective avaient été garantis par les autorités des États-Unis, ni d’ailleurs par les autorités du Royaume-Uni depuis le retrait de cet État de l’Union, en ne démontrant pas la pertinence des décisions du Royaume-Uni de 2001, de 2006, de 2014 et de 2020, des décisions des États-Unis de 1997 et 2001 ainsi que des décisions françaises, eu égard notamment au laps de temps écoulé, et en ne donnant pas d’explications suffisantes relatives au dossier administratif du Département d’État des États-Unis de 2019 concernant le PKK.

175    Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la motivation exigée par l’article 296 TFUE doit faire apparaître, de façon claire et non équivoque, le raisonnement de l’institution, auteur de l’acte, de manière à permettre aux intéressés de connaître les justifications de la mesure prise aux fins d’en apprécier le bien-fondé et à la juridiction compétente d’exercer son contrôle (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 47 et jurisprudence citée).

176    La motivation ainsi requise doit être adaptée à la nature de l’acte en cause et au contexte dans lequel il a été adopté. L’exigence de motivation doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de cet acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées par l’acte au sens de l’article 263, quatrième alinéa, TFUE peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est notamment pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents ni qu’elle réponde de manière détaillée aux considérations formulées par l’intéressé lors de sa consultation avant l’adoption du même acte, dans la mesure où le caractère suffisant d’une motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée. Par conséquent, un acte faisant grief est suffisamment motivé dès lors qu’il est intervenu dans un contexte connu de l’intéressé, qui lui permet de comprendre la portée de la mesure prise à son égard (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 48 et jurisprudence citée).

177    En ce qui concerne plus particulièrement le maintien de l’inscription du nom d’une personne ou d’une entité sur une liste de gel des fonds, le juge de l’Union est tenu, dans le cadre de son examen du respect de l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, de vérifier le caractère suffisamment précis et concret des motifs invoqués (voir arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 52 et 56 et jurisprudence citée).

178    Il en résulte que, pour satisfaire à l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE, il incombait, en l’espèce, au Conseil de fournir des motifs suffisamment précis et concrets pour permettre au requérant de connaître les motifs venant au soutien du maintien de l’inscription de son nom sur les listes litigieuses et au Tribunal d’exercer son contrôle.

179    En l’espèce, il importe de rappeler, à titre liminaire, que l’insuffisance de motivation constatée par la Cour dans l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316, point 78), à propos de l’attaque d’une centrale électrique et de l’enlèvement de trois ingénieurs chinois en août 2014 a été corrigée dans les deuxièmes et troisièmes actes attaqués (voir point 151 ci-dessus). En effet, s’agissant des faits pertinents justifiant le maintien sur les listes de gel des fonds, le respect de l’obligation de motivation suppose la précision de leur nature, de leur date exacte (jour) et du lieu de leur commission, une certaine approximation étant permise à cet égard, dès lors que peut être mentionnée la région ou la province et non nécessairement la ville exacte (voir, en ce sens, arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK, C‑46/19 P, EU:C:2021:316, points 61, 62 et 78 à 80). Or, les exposés des motifs des deuxièmes et troisièmes actes attaqués fournissent les précisions que la Cour avait considérées comme faisant défaut, c’est-à-dire la date exacte de l’attaque en cause (24 août 2014) et le lieu où elle est survenue (Silopi, sud-est de la Turquie). Il s’ensuit que les deuxièmes et troisièmes actes attaqués ne sont pas entachés d’une insuffisance de motivation quant à la mention de l’attaque en cause retenue par les autorités du Royaume-Uni.

180    En revanche, une telle insuffisance de motivation doit être retenue d’office s’agissant des premiers actes attaqués, en l’absence de contestation spécifique du requérant, mais après avoir interrogé les parties à cet égard par une question écrite du Tribunal pour réponse lors de l’audience. En effet, les premiers actes attaqués mentionnent l’incident en cause dans les mêmes termes que ceux considérés par la Cour comme caractérisant une motivation insuffisante.

181    Quant aux huit griefs soulevés par le requérant, il doit être souligné, tout d’abord, compte tenu de l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, en ce qui concerne les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001, qu’il n’y a pas lieu d’examiner les griefs concernant l’appui sur ces décisions des États-Unis.

182    Ensuite, il y a lieu de rappeler que l’obligation de motivation prévue à l’article 296 TFUE constitue une formalité substantielle qui doit être distinguée de la question du bien-fondé de la motivation, celui-ci relevant de la légalité au fond de l’acte litigieux. En effet, la motivation d’une décision consiste à exprimer formellement les motifs sur lesquels repose cette décision. Si ces motifs sont entachés d’erreurs, celles-ci entachent la légalité au fond de la décision, mais non la motivation de celle-ci, qui peut être suffisante tout en exprimant des motifs erronés. Il s’ensuit que les griefs et les arguments visant à contester le bien-fondé d’un acte sont dénués de pertinence dans le cadre d’un moyen tiré du défaut ou de l’insuffisance de motivation (voir arrêt du 18 juin 2015, Ipatau/Conseil, C‑535/14 P, EU:C:2015:407, point 37 et jurisprudence citée ; arrêt du 30 juin 2016, Al Matri/Conseil, T‑545/13, non publié, EU:T:2016:376, point 143). Il importe de préciser, à cet égard, qu’une insuffisance dans l’examen auquel le Conseil a procédé constitue une erreur entachant la légalité au fond de l’acte attaqué (voir, en ce sens, arrêt du 2 avril 1998, Commission/Sytraval et Brink’s France, C‑367/95 P, EU:C:1998:154, point 72).

183    Or, en l’espèce, les premier, deuxième, cinquième, sixième et septième griefs avancés par le requérant au soutien de son moyen tiré de la méconnaissance de l’obligation de motivation critiquent en réalité l’étendue et la teneur du réexamen effectué par le Conseil aux fins de l’adoption des actes attaqués, comme le révèle au demeurant le renvoi opéré par le requérant à ses précédents moyens tirés d’erreurs de fond.

184    Ainsi, le premier grief, critiquant l’identification insuffisante du PKK, a été examiné dans le cadre du premier moyen et le deuxième grief, relatif à l’absence d’établissement de l’implication du PKK dans des actes terroristes, l’a été dans le cadre des moyens tirés de la méconnaissance de l’article 1er, paragraphes 3, 4 et 6, de la position commune 2001/931, auxquels le requérant renvoie d’ailleurs.

185    De même, le respect par le Conseil de son obligation de s’assurer de la correspondance entre les actes retenus par les autorités nationales et la définition de l’acte terroriste figurant dans la position commune 2001/931 (cinquième grief) a été examiné en réponse au moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931. Quant à la vérification de la garantie des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle par les autorités concernées (sixième grief), elle a été examinée en réponse au moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

186    Il en est également ainsi des obligations incombant au Conseil au titre du réexamen des listes litigieuses et de la prise en compte à cet égard du temps écoulé comme des décisions nationales prises à la suite de celles ayant fondé l’inscription initiale (septième grief), lesquelles ont été examinées dans le cadre du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, sans qu’un examen des décisions françaises ait été requis à cette fin.

187    Quant aux trois autres griefs invoqués au soutien du moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation et relevant effectivement d’une telle violation, aucun d’eux ne saurait prospérer.

188    Premièrement, le requérant fait valoir, par son troisième grief, que le Conseil a méconnu son obligation de motivation en n’expliquant pas pourquoi les décisions nationales sur lesquelles il s’est fondé étaient des décisions au sens de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931.

189    Le Tribunal a jugé, dans l’arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil (T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, points 329 et 330), qu’il n’incombait pas au Conseil d’exposer en quoi la décision nationale sur laquelle il s’appuie constitue une décision d’une autorité compétente au sens de la position commune 2001/931 et que ce n’était que si cette qualification était contestée de manière circonstanciée par la personne ou l’entité concernée au cours de la procédure administrative qui s’est déroulée devant le Conseil, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, que celui-ci devait motiver plus avant les mesures prises sur ce point.

190    En tout état de cause, dans les actes attaqués, dans le cadre d’une section spécifiquement consacrée à la « correspondance aux exigences de l’autorité nationale compétente au sens de la position commune 2001/931 » dans les exposés des motifs, le Conseil a fourni une telle motivation, notamment en rappelant la jurisprudence du Tribunal ayant déjà eu l’occasion d’examiner des décisions émanant des mêmes autorités nationales que celles en cause en l’espèce au regard de l’article 1er, paragraphe 4, de ladite position commune pour conclure à une telle correspondance (points 3 à 5).

191    Il s’ensuit, en l’espèce, que le troisième grief d’insuffisance de motivation doit être écarté.

192    Deuxièmement, le requérant fait valoir, par ses quatrième et huitième griefs, que le Conseil a méconnu son obligation de motivation, respectivement, en n’indiquant pas les motifs effectifs et précis sur lesquels les décisions des États-Unis s’appuyaient et en ne donnant pas d’explications suffisantes relatives au dossier administratif du Département d’État des États-Unis de 2019 mentionné dans les exposés des motifs des actes attaqués.

193    Eu égard à l’accueil du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931 à l’égard des décisions des États-Unis de 1997 et de 2001 (voir point 181 ci-dessus) et dans la mesure où le rejet du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931 est fondé notamment sur la prise en compte de l’attaque de 2017 retenue par les autorités des États-Unis lors de leur réexamen de 2019 (voir points 149, 152 et 156 ci-dessus), il convient uniquement de vérifier le caractère suffisant de la motivation relative à cette attaque.

194    Il importe de préciser, à cet égard, que, dans la mesure où cette attaque est prise en compte au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, il est indifférent qu’elle n’ait pas été retenue par une autorité compétente, tout comme il est indifférent en conséquence que, comme le fait valoir le requérant, il ne ressort pas clairement des exposés des motifs des actes attaqués si ladite attaque, en tant que figurant au dossier administratif du Département d’État de 2019, a également fondé la décision de maintien de la désignation terroriste prise par les autorités des États-Unis en 2019.

195    En outre, les précisions requises par la jurisprudence (voir point 179 ci-dessus) figurent dans les exposés des motifs des actes attaqués, qui mentionnent la nature de l’attaque en cause (attaque d’un véhicule militaire turc par un engin explosif), sa date (23 octobre 2017), le lieu où elle a été commise (province sud d’Hakkari) et les victimes qu’elle a causées (décès d’un soldat turc).

196    Il s’ensuit que, à l’exception de l’insuffisance de motivation constatée d’office au point 180 ci-dessus à propos de la mention de l’incident d’août 2014 dans les premiers actes attaqués, le moyen tiré de la violation de l’obligation de motivation, tel que circonscrit au point 181 ci-dessus, doit être écarté.

G.      Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

197    Le requérant invoque quatre griefs au soutien de ce moyen. Premièrement, le Conseil ne lui aurait pas communiqué, en méconnaissance des critères dégagés par l’arrêt du 18 juillet 2013, Commission e.a./Kadi (C‑584/10 P, C‑593/10 P et C‑595/10 P, EU:C:2013:518), les éléments de preuve sur lesquels les autorités des États-Unis s’étaient fondées. Deuxièmement, il ne lui aurait pas davantage communiqué les informations utiles relatives à sa vérification de la garantie des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective par les autorités américaines, du Royaume-Uni et françaises. Troisièmement, le Conseil n’aurait pas davantage examiné le bien-fondé des motifs retenus à la lumière des observations et d’éventuels éléments de preuve à décharge présentés par le requérant, ainsi qu’en attesterait l’absence de référence à ces observations et éléments de preuve dans les exposés des motifs des actes attaqués. Quatrièmement, le requérant estime que ses droits de la défense et son droit à une protection juridictionnelle effective auraient également été violés en raison de la méconnaissance flagrante par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788).

198    Quant au premier grief, il est de jurisprudence constante que, lorsque des informations suffisamment précises permettant à l’entité visée par une mesure restrictive de faire connaître utilement son point de vue sur les éléments retenus à sa charge par le Conseil ont été communiquées, le principe du respect des droits de la défense n’implique pas l’obligation pour ce dernier de donner spontanément accès aux documents contenus dans son dossier. Ce n’est que sur demande de la partie intéressée que le Conseil est tenu de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la mesure en cause (voir arrêt du 24 novembre 2021, LTTE/Conseil, T‑160/19, non publié, EU:T:2021:817, point 367 et jurisprudence citée).

199    Il convient de relever, à titre liminaire, que, à la suite d’une question posée par le Tribunal, le requérant a renoncé à ce premier grief en ce qu’il visait les premiers actes attaqués, ce qui a été acté au procès-verbal d’audience.

200    Quant aux deuxièmes et troisièmes actes attaqués, il peut être constaté, d’une part, que des informations suffisamment précises ont été communiquées au requérant en ce qui concerne les éléments retenus aux fins du maintien de son nom sur les listes litigieuses dans les exposés des motifs afférents auxdits actes, ce que ne conteste pas d’ailleurs en tant que tel le requérant.

201    Il ressort, d’autre part, des pièces du dossier et des réponses du requérant à une question posée par le Tribunal que celui-ci a demandé à plusieurs reprises au Conseil avant l’adoption des deuxièmes et des troisièmes actes attaqués, par lettres des 15 mars, 28 mai et 25 novembre 2021, l’accès à l’ensemble des documents en lien avec l’inscription litigieuse et, en particulier, les preuves sur lesquelles le Conseil s’est appuyé. Il en ressort également que le Conseil a répondu à ces demandes par lettres des 30 mars, 19 mai et 20 juillet 2021 ainsi que du 4 février 2022. En particulier, le Conseil a joint à sa lettre du 30 mars 2021 des documents non classifiés, consistant en un « rapport open source » fournissant toutes les données disponibles relatives à l’incident de 2017 retenu par les autorités des États-Unis, comportant notamment un lien vers la source des données en cause, en un avis public du Registre fédéral des États-Unis portant sur le réexamen mené par les autorités américaines en 2019 et en des données issues du dossier administratif du Département d’État des États-Unis relatives aux incidents retenus par les autorités des États-Unis lors de leur réexamen de 2013 ayant précédé celui de 2019. Le Conseil précise également, dans sa lettre du 4 février 2022, répondant à la demande du requérant du 25 novembre 2021, qu’il avait répondu à cette demande par ses précédentes lettres et avait communiqué les documents pertinents relatifs aux éléments pris en compte aux fins du maintien du nom du requérant sur les listes litigieuses.

202    Il s’ensuit que le premier grief selon lequel le Conseil n’aurait pas communiqué au requérant les éléments de preuve sur lesquels les autorités des États-Unis s’étaient fondées doit être écarté s’agissant des deuxièmes et des troisièmes actes attaqués.

203    Quant au deuxième grief, il peut être relevé que, s’agissant des décisions des États-Unis et du Royaume-Uni, ce grief est étroitement lié à celui invoqué au soutien du moyen tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, reprochant au Conseil de ne pas avoir vérifié si ces décisions ont été adoptées dans le respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective. Ce dernier grief ayant été accueilli s’agissant des décisions des États-Unis (voir point 94 ci-dessus), il convient d’accueillir en conséquence le présent grief, en ce qu’il reproche au Conseil de ne pas avoir communiqué au requérant les données pertinentes résultant de sa vérification relative aux autorités des États-Unis. En revanche, dans la mesure où ledit grief a été écarté à propos des décisions du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni (voir points 47, 65, 66 et 95 ci-dessus), le présent grief doit être écarté en ce qu’il porte sur ces décisions.

204    S’agissant des décisions françaises, il n’est pas besoin de se prononcer sur le grief en cause, dès lors qu’il peut être statué sur le présent recours sans les prendre en compte (voir point 163 ci-dessus).

205    Quant au troisième grief relatif à l’absence d’examen des observations et des éléments de preuve à décharge présentés par le requérant, il se confond en substance avec le moyen reprochant au Conseil de ne pas avoir procédé au réexamen requis par l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, qui a été écarté (voir point 163 ci-dessus).

206    Quant au quatrième grief, faisant valoir la méconnaissance par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), il convient de relever, tout d’abord, que ledit arrêt a été annulé par l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316). Il s’ensuit que seuls les premiers actes attaqués sont concernés par la méconnaissance en cause, les deuxièmes et troisièmes actes attaqués ayant été adoptés postérieurement à l’arrêt d’annulation de la Cour.

207    Il doit, ensuite, être rappelé que, en vertu de l’article 266 TFUE, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de prendre les mesures que comporte l’exécution de l’arrêt d’annulation. Cette obligation s’impose à elle dès le prononcé de l’arrêt d’annulation lorsque celui-ci annule des décisions – comme c’est le cas en l’espèce, puisque, parmi les actes annulés par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), figurent plusieurs décisions – à la différence des arrêts annulant des règlements, qui, en vertu de l’article 60, second alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, ne prennent effet qu’à l’expiration du délai de pourvoi ou, en cas de pourvoi, lors du rejet de celui-ci (voir, en ce sens, arrêt du 21 février 2018, Klyuyev/Conseil, T‑731/15, EU:T:2018:90, points 259 à 262 et jurisprudence citée).

208    Plus précisément, en vertu de l’article 266 TFUE, l’illégalité constatée dans les motifs d’un arrêt d’annulation oblige l’institution auteur de l’acte à éliminer cette illégalité dans l’acte destiné à se substituer à l’acte annulé. Cependant, cette obligation peut également, en tant qu’elle vise une disposition d’un contenu déterminé dans une matière donnée, entraîner d’autres conséquences pour cette institution, dont celle d’exclure des textes nouveaux devant intervenir après l’arrêt d’annulation toute disposition ayant le même contenu que celle jugée illégale (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, points 28 et 29).

209    Ainsi, à la date d’adoption des premiers actes attaqués, aux fins de respecter ses obligations au titre de l’article 266 TFUE, s’il entendait maintenir le nom du requérant sur les listes en cause, le Conseil était tenu d’adopter un acte de réinscription conforme aux motifs de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788). Une telle obligation s’imposait au Conseil, compte tenu en particulier des actes concernés en l’espèce, dont les effets sont limités à une période de temps définie impliquant que le Conseil n’ait pas à remplacer l’acte annulé pour la période concernée (voir, en ce sens, arrêt du 26 avril 1988, Asteris e.a./Commission, 97/86, 99/86, 193/86 et 215/86, EU:C:1988:199, point 29) et qui, au surplus, s’agissant du réexamen de la persistance d’un risque d’implication terroriste au titre de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931, se caractérisent souvent par la reproduction dans les actes suivants des motifs figurant dans les actes précédents, tels qu’actualisés le cas échéant. En effet, sans cette obligation, l’annulation prononcée par le juge de l’Union n’empêcherait pas la réitération dans les actes ultérieurs de motifs entachés d’illégalité (voir, en ce sens, arrêt du 14 mars 2017, Bank Tejarat/Conseil, T‑346/15, non publié, EU:T:2017:164, point 31) et serait ainsi privée d’effet utile.

210    Or, en l’espèce, le Conseil a reproduit dans les premiers actes attaqués les mêmes motifs que ceux qu’il avait retenus dans les actes qui avaient été censurés par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788). Certes, le Conseil a formé un pourvoi contre cet arrêt. Cependant, ce pourvoi n’était, en ce qui concerne les effets de l’annulation par le Tribunal des décisions litigieuses, pas suspensif et il n’était pas accompagné d’une demande, qu’il était loisible au Conseil de présenter, tendant à la suspension des effets de l’arrêt d’annulation. Un tel refus, par le Conseil, de tirer les conséquences de la chose jugée est de nature à nuire à la confiance que les justiciables placent dans le respect des décisions de justice.

211    La méconnaissance par le Conseil de ses obligations au titre de l’article 266 TFUE ne saurait néanmoins conduire en l’espèce à l’annulation des premiers actes attaqués. En effet, l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), a, ainsi qu’il a été dit au point 206 ci-dessus, été annulé par l’arrêt du 22 avril 2021, Conseil/PKK (C‑46/19 P, EU:C:2021:316). Compte tenu du caractère rétroactif de cette annulation par la Cour, la légalité des premiers actes attaqués ne peut plus être contestée sur le fondement d’une violation par le Conseil de l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788) (voir, en ce sens, ordonnance du 14 avril 2014, Manufacturing Support & Procurement Kala Naft/Conseil, T‑263/12, non publiée, EU:T:2014:228, point 37). Le quatrième grief doit, dès lors, être écarté.

212    Toutefois, en dépit du rejet de ce quatrième grief, il reste que, au moment de l’adoption des premiers actes attaqués, le Conseil était tenu de tirer les conséquences des illégalités constatées par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), en ne reprenant pas les motifs entachés de ces illégalités dans les exposés des motifs. Le requérant a pu, de ce fait, se croire fondé à introduire le présent recours, ce dont il conviendra de tenir compte lors du règlement des dépens.

213    Il s’ensuit que le présent moyen doit être accueilli uniquement en ce qu’il fait grief au Conseil de ne pas avoir communiqué au requérant les informations utiles relatives à sa vérification du respect des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective par les autorités des États-Unis.

H.      Conclusion

214    Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que le présent recours doit être rejeté. En effet, le caractère partiellement fondé des moyens tirés de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931, de la violation de l’obligation de motivation ainsi que de celle des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective ne saurait conduire à l’annulation des actes attaqués. Les illégalités correspondantes, qu’elles concernent les décisions des autorités des États-Unis de 1997 et de 2001 ou l’incident d’août 2014 imputé au PKK, ne permettent pas de remettre en cause l’appréciation du Conseil retenue dans les actes attaqués relative à la persistance d’un risque d’implication terroriste du PKK, laquelle demeure valablement fondée sur le maintien en vigueur de l’ordonnance du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni de 2001 ainsi que, selon le cas, sur d’autres incidents survenus en 2014, en 2017 et en 2020 (voir points 149, 152 et 156 ci-dessus).

 Sur les dépens

215    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

216    Par ailleurs, aux termes de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure, le Tribunal peut condamner une partie, même gagnante, partiellement ou totalement aux dépens, si cela apparaît justifié en raison de son attitude, y compris avant l’introduction de l’instance, en particulier si elle a fait exposer à l’autre partie des frais que le Tribunal reconnaît comme frustratoires ou vexatoires.

217    Selon la jurisprudence, il y a lieu de faire application de l’article 135, paragraphe 2, du règlement de procédure lorsqu’une institution de l’Union a favorisé, par son comportement, la naissance du litige (voir, en ce sens, arrêt du 22 mai 2019, Ertico – ITS Europe/Commission, T‑604/15, EU:T:2019:348, point 182 et jurisprudence citée). En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 210 ci-dessus, le non-respect par le Conseil de son obligation de tirer les conséquences des illégalités constatées par l’arrêt du 15 novembre 2018, PKK/Conseil (T‑316/14, EU:T:2018:788), lors de l’adoption des premiers actes attaqués a pu conduire le requérant à introduire le présent recours.

218    Ainsi, il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des circonstances en condamnant le requérant et le Conseil à supporter chacun leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (quatrième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Gervasoni

Madise

Nihoul

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 14 décembre 2022.

Signatures


Table des matières


I. Antécédents du litige et développements en cours d’instance

II. Conclusions des parties

III. En droit

A. Sur le premier moyen, tiré de la violation du principe de sécurité juridique et de l’article 1er, paragraphe 2, de la position commune 2001/931 ou de l’article 2, paragraphe 3, du règlement no 2580/2001

B. Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 4, de la position commune 2001/931

1. Sur la décision du Royaume-Uni

a) Sur la qualification du ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni d’« autorité compétente »

b) Sur les « informations précises ou [les] éléments du dossier qui montrent qu’une décision a été prise par une autorité compétente »

c) Sur la date des actes terroristes ayant fondé l’interdiction du PKK par le ministre de l’Intérieur du Royaume-Uni

2. Sur les décisions des États-Unis

C. Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931

1. Sur l’argumentation selon laquelle les buts visés à l’article 1er, paragraphe 3, de la position commune 2001/931 devraient être interprétés à la lumière du conflit armé légitime pour l’autodétermination du peuple kurde

2. Sur la contestation du caractère terroriste des buts poursuivis par certains des actes attribués au requérant

D. Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 1er, paragraphe 6, de la position commune 2001/931

E. Sur le cinquième moyen, tiré de la violation du principe de proportionnalité

F. Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’obligation de motivation

G. Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense et du droit à une protection juridictionnelle effective

H. Conclusion

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.