Language of document : ECLI:EU:T:2007:9

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

17 janvier 2007 (*)

« Recours en annulation – Représentation diplomatique commune à Abuja (Nigeria) – Recouvrement d’une dette par voie de compensation – Règlements (CE, Euratom) nos 1605/2002 et 2342/2002 – Principe de bonne foi en droit international public »

Dans l’affaire T‑231/04,

République hellénique, représentée par MM. P. Mylonopoulos et V. Kyriazopoulos, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Triantafyllou et F. Dintilhac, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de l’acte du 10 mars 2004 par lequel la Commission a procédé au recouvrement par voie de compensation de sommes dues par la République hellénique à la suite de sa participation à des projets immobiliers concernant la représentation diplomatique de la Commission ainsi que de certains États membres de l’Union européenne à Abuja (Nigeria),

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 10 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 71, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE, Euratom) n° 1605/2002 du Conseil, du 25 juin 2002, portant règlement financier applicable au budget général des Communautés européennes (JO L 248, p. 1, ci-après le « règlement financier »), dispose :

« 1. La constatation d’une créance est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué :

a)      vérifie l’existence des dettes du débiteur ;

b)      détermine ou vérifie la réalité et le montant de la dette ;

c)      vérifie les conditions d’exigibilité de la dette.

2. Les ressources propres mises à la disposition de la Commission ainsi que toute créance identifiée comme certaine, liquide et exigible doivent être constatées par un ordre de recouvrement donné au comptable, suivi d’une note de débit adressée au débiteur, tous deux établis par l’ordonnateur compétent. »

2        Aux termes de l’article 72, paragraphe 1, du règlement financier :

« L’ordonnancement des recouvrements est l’acte par lequel l’ordonnateur délégué ou subdélégué compétent donne au comptable, par l’émission d’un ordre de recouvrement, l’instruction de recouvrer une créance qu’il a constatée. »

3        En vertu de l’article 73, paragraphe 1, du règlement financier :

« Le comptable prend en charge les ordres de recouvrement des créances dûment établis par l’ordonnateur compétent. Il est tenu de faire diligence en vue d’assurer la rentrée des recettes des Communautés et doit veiller à la conservation des droits de celles-ci.

Le comptable procède au recouvrement par compensation et à due concurrence des créances des Communautés à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard des Communautés. »

4        Selon l’article 78 du règlement (CE, Euratom) n° 2342/2002 de la Commission, du 23 décembre 2002, établissant les modalités d’exécution du règlement financier (JO L 357, p. 1) :

« 1. La constatation d’une créance par l’ordonnateur est la reconnaissance du droit des Communautés sur un débiteur et l’établissement du titre à exiger de ce débiteur le paiement de sa dette.

2. L’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur compétent donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée.

[…] »

5        L’article 79 du règlement n° 2342/2002 dispose :

« Pour constater une créance, l’ordonnateur compétent s’assure :

a)       du caractère certain de la créance, qui ne doit pas être affectée d’une condition ;

b)       du caractère liquide de la créance, dont le montant doit être déterminé en argent et avec exactitude ;

c)       du caractère exigible de la créance, qui ne doit pas être soumise à un terme ;

d)       de l’exactitude de la désignation du débiteur ;

e)       de l’exactitude de l’imputation budgétaire des montants à recouvrer ;

f)       de la régularité des pièces justificatives, et

g)       de la conformité avec le principe de bonne gestion financière […] »

6        Selon l’article 83 du règlement n° 2342/2002 :

« À tout moment de la procédure, le comptable, après information de l’ordonnateur compétent et du débiteur, procède au recouvrement par compensation de la créance constatée dans le cas où le débiteur est également titulaire vis-à-vis des Communautés d’une créance certaine, liquide et exigible ayant pour objet une somme d’argent constatée par un ordre de paiement. »

 Faits à l’origine du litige

7        À la suite du transfert de la capitale du Nigeria de Lagos à Abuja, la Commission louait, depuis 1993, un bâtiment à Abuja destiné à abriter sa délégation ainsi que, provisoirement, les représentations de certains États membres, dont la République hellénique. Dans le cadre d’un arrangement avec ces États membres (ci-après le « projet Abuja I »), la Commission sous-louait certains bureaux et fournissait certains services aux représentations en cause. Les États membres se sont mis d’accord sur la répartition des coûts attachés à leurs représentations. La contribution de la République hellénique s’élevait à 5,5 % des coûts totaux. Estimant que la République hellénique n’avait pas payé ses dettes à cet égard, la Commission, en 2004, a procédé au recouvrement par voie de compensation des sommes correspondantes (voir point 44 ci-après).

8        Le 18 avril 1994, le Royaume de Belgique, le Royaume de Danemark, la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, le Royaume d’Espagne, la République française, l’Irlande, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République portugaise et la Commission (ci-après les « partenaires »), sur la base de l’article J.6 du traité sur l’Union européenne (devenu, après modification, article 20 UE), ont conclu un mémorandum d’entente (ci-après le « mémorandum initial ») concernant la construction, pour leurs missions diplomatiques à Abuja, d’un complexe commun d’ambassades utilisant des services auxiliaires communs (ci-après le « projet Abuja II »). Le mémorandum initial a été complété, à la suite de l’adhésion de la République d’Autriche, de la République de Finlande et du Royaume de Suède, par un protocole d’adhésion.

9        L’article 1er du mémorandum initial prévoit que les ambassades des États membres et la délégation de la Commission sont des missions diplomatiques distinctes, soumises à la convention de Vienne sur les relations diplomatiques, du 18 avril 1961, et, en ce qui concerne les États membres, également à la convention de Vienne sur les relations consulaires, du 24 avril 1963.

10      L’article 10 du mémorandum initial indiquait que la Commission agit, en tant que coordinatrice du projet Abuja II, « de la part » des autres partenaires.

11      Selon l’article 11 du mémorandum initial, la Commission est responsable de l’exécution des études d’architecture quant à la faisabilité du projet Abuja II, l’estimation initiale des coûts et les phases de la conception. Cet article prévoit également la conclusion d’un mémorandum d’entente complémentaire portant sur « la conception détaillée du bâtiment, la répartition des coûts et les droits sur les locaux revenant à chaque partenaire participant après achèvement du projet [Abuja II] » (ci-après le « mémorandum complémentaire »). Enfin, l’article 11 institue un comité directeur permanent, composé des représentants de tous les partenaires et présidé par la Commission, pour coordonner et contrôler le projet Abuja II. Le comité directeur permanent soumet des rapports périodiques au groupe de travail « Affaires administratives » institué auprès du Conseil dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) (ci-après le « groupe affaires administratives PESC »).

12      L’article 12 du mémorandum initial se lit comme suit :

« Le projet [Abuja II] sera directement financé, après approbation du [mémorandum complémentaire] visé à l’article 11, par des contributions des partenaires correspondant à la part du projet allouée à chaque partenaire. La contribution de la Commission sera imputée à la ligne budgétaire appropriée.

Le coût des travaux préparatoires (‘phase 1’) sera imputé aux crédits de fonctionnement du budget de la Commission. Son montant est estimé à 140 000 écus. Si le projet [Abuja II] est réalisé, ce coût sera remboursé par des contributions de tous les partenaires en fonction de leur part au projet. »

13      L’article 13 du mémorandum initial stipule :

« Tous les partenaires garantissent, après approbation du [mémorandum complémentaire], la couverture intégrale des coûts qui leur incombent. Le montant total dû par chaque partenaire comprend :

a)       le coût total de sa superficie propre et

b)       sa part au coût des zones communes et publiques, calculée proportionnellement au rapport entre sa superficie propre et le total des zones non communes. »

14      L’article 14 du mémorandum initial prévoit que la Commission, avec l’accord et la participation des États participants, règle les sommes dues aux tiers (contractants).

15      L’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial stipule :

« Si l’un des partenaires décide de se retirer du projet [Abuja II] en ne signant pas le [mémorandum complémentaire] visé à l’article 11, les termes du présent mémorandum d’entente, y compris les obligations financières visées aux articles 12 et 13, cessent de s’appliquer au partenaire qui se retire. »

16      Le 29 mars 1995, la Communauté, représentée par la Commission, a conclu un premier contrat avec une entreprise commune formée, d’une part, par Dissing & Weitling arkitektfirma A/S, titulaire d’un concours d’architecture organisé par la Commission pour le projet Abuja II et, d’autre part, par COWIconsult Consulting Engineers and Planners A/S (ci-après les « consultants »). Selon l’article 1er de ce contrat, la Commission confirme l’intention des partenaires de conclure un « contrat final » avec les consultants. Selon l’article 2, les consultants s’engagent à préparer le projet en cause. Le coût de cette préparation s’élevait à 212 547,59 euros.

17      Lors des réunions entre les représentants des services compétents des ministères des Affaires étrangères des États membres concernés et les architectes de Dissing & Weitling arkitektfirma, les besoins réels de la représentation de chaque État membre et la part de dépenses revenant à chacun d’entre eux ont été déterminés.

18      Le 26 octobre 1995, le sous-groupe de travail « Affaires immobilières » institué dans le cadre de la PESC s’est réuni. Il ressort du procès-verbal de la réunion que le sous-groupe a invité la Commission :

« […]

–        à terminer la phase [de conception de base] ;

–        à prendre les arrangements nécessaires avec le bureau d’architectes pour faire établir les [plans de la phase de conception intermédiaire] dans les délais prévus par le [comité directeur permanent] ;

–        à conclure les contrats [relatifs à l’étude des sols et à l’exploration du site], ce dernier [contrat] étant indispensable pour la rédaction du mémorandum complémentaire ;

–        ainsi qu’à avancer les frais liés à ces étapes. »

19      Le sous-groupe a confirmé que « les montants versés par la Commission [seraient] considérés comme avance de sa part au fond ad hoc autonome, qui a été préalablement retenu comme formule appropriée pour le financement du projet [Abuja II] » et que, « [e]n cas de non-réalisation du projet, les autres partenaires [rembourseraient] la Commission selon les modalités agréées pour les phases précédentes ».

20      Le 24 novembre 1995, le comité directeur permanent (voir point 11 ci-dessus) s’est réuni. Le procès-verbal de cette réunion mentionne qu’un contrat « d’assistance technique » avec les consultants, d’un montant de 2 676 369 euros (ci-après le « contrat principal »), a été soumis à l’approbation de la commission consultative des achats et des marchés de la Commission (CCAM). Il est également mentionné que, « en cas de non-réalisation du projet, les autres partenaires rembourseront la Commission ».

21      Le 27 décembre 1995, la Commission a conclu le contrat principal. Celui-ci concernait la conception de base et la phase intermédiaire du projet Abuja II (articles 4.4 et 4.5), ainsi que d’éventuels plans détaillés (article 4.6).

22      Le 19 septembre 1996, le groupe affaires administratives PESC a approuvé la conception intermédiaire.

23      Le 21 novembre 1996, le groupe affaires administratives PESC a invité la Commission à prendre les mesures ad hoc afin que les architectes commencent l’élaboration des plans détaillés. Le groupe a indiqué que le contrat formel pour cette phase serait conclu après la finalisation du mémorandum complémentaire. Lors de cette réunion, la Commission a indiqué au groupe susmentionné le montant des dépenses dont elle avait fait l’avance jusqu’au 15 novembre 1996 pour la préparation du projet Abuja II, à savoir environ 2,8 millions d’euros.

24      Le 24 février 1997, ce même groupe s’est réuni et a décidé de ne pas attendre la finalisation du mémorandum complémentaire pour élaborer des plans détaillés et les documents contractuels. Le procès-verbal de cette réunion comporte les résolutions suivantes :

« La Commission est invitée à prendre les arrangements nécessaires avec les architectes pour l’élaboration des documents et à avancer les fonds nécessaires à ces travaux selon les modalités convenues pour le projet. Comme dans des cas précédents, les avances ainsi payées par la Commission seront remboursées ultérieurement par les autres participants selon les procédures prévues à cet effet dans [le mémorandum initial]. »

25      Dans les mois qui ont suivi, plusieurs États membres se sont retirés du projet Abuja II. Le 28 avril 1997, le groupe affaires administratives PESC a chargé la Commission de prendre « des arrangements bilatéraux avec le Royaume de Danemark pour le remboursement de la part qui lui rev[enait] dans les frais du projet engagés par la Commission pour le compte des partenaires ». Une décision similaire a été prise après le retrait de l’Irlande en septembre 1997, ainsi que de la République portugaise, de la République de Finlande et du Royaume de Suède.

26      Le 12 novembre 1997, la Commission a conclu avec les architectes un avenant au contrat principal, ayant pour objet la réalisation de plans détaillés et la prise en charge de frais de déplacement, pour un montant de 1 895 696 euros.

27      Le 18 juin 1998, le groupe affaires administratives PESC a mentionné l’éventualité d’un retrait du Royaume de Belgique du projet Abuja II. Il ressort du procès-verbal de cette réunion que le comité directeur permanent a fait observer que le Royaume de Belgique payerait sa partie des coûts tels que fixés après l’approbation de la conception intermédiaire.

28      Le 10 juin 1998, un ordre de paiement d’un montant de 153 367,70 euros, correspondant à la part de la République hellénique dans la phase initiale du projet, à savoir 5,06 % des coûts totaux, a été adressé par la Commission à la République hellénique. Le délai de paiement avait été fixé au 31 décembre 1998.

29      Le 9 décembre 1998, le mémorandum complémentaire a été signé par la République fédérale d’Allemagne, la République hellénique, la République française, la République italienne, le Royaume des Pays-Bas, la République d’Autriche et la Commission. L’article 11 du mémorandum complémentaire prévoit la création d’un fonds pour le financement du projet.

30      Conformément à son article 14, le mémorandum complémentaire s’applique provisoirement à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa signature et entre en vigueur le premier jour du deuxième mois suivant la date à laquelle les États membres et la Commission déclarent qu’ils l’ont ratifié.

31      Le 28 avril 1999, la Commission a lancé un appel d’offres pour la construction des ambassades des États membres concernés, ainsi que de la délégation de la Communauté (JO 1999, S 82). Il y était mentionné que l’ambassade de la République hellénique aurait une superficie de 677 m2.

32      Le 3 septembre 1999, la Commission a « réitéré » son appel de 1998 auprès du groupe affaires administratives PESC afin que les États membres lui remboursent les sommes qu’elle avait payées aux consultants pour la phase de conception intermédiaire. Elle a indiqué que certains États membres avaient déjà payé les montants dus, mais que d’autres, dont la République hellénique, ne l’avaient pas remboursée avant l’échéance du 31 décembre 1998. La Commission a ajouté qu’un autre ordre de paiement serait adressé aux partenaires concernant, d’une part, les coûts des plans détaillés et, d’autre part, les coûts du remaniement entraîné par les retraits du Royaume de Belgique, du Royaume d’Espagne et de la République portugaise.

33      Le 20 septembre 1999, le comité directeur permanent s’est réuni en vue de la présélection des sociétés de construction. Le représentant de la République hellénique a signé le procès-verbal de la réunion. Un appel d’offres pour le suivi de la construction a été publié dans le Journal officiel S 54 du 17 mars 2000.

34      Par ordre de paiement du 17 février 2000, la Commission a demandé à la République hellénique de payer une somme de 168 716,94 euros pour l’établissement du dossier d’appel d’offres relatif aux plans détaillés.

35      Le 22 juin 2000, le comité directeur permanent a décidé d’adopter une nouvelle approche du projet (ci-après le projet « Abuja II réduit »), rendue nécessaire par le retrait de la République française. Le projet Abuja II réduit prévoyait en particulier la suppression des bâtiments et des services auxiliaires communs, ainsi qu’une réduction de superficie. Le représentant de la République hellénique à cette réunion a marqué son accord sur le projet, sous réserve toutefois de l’approbation de ses supérieurs. Le 29 juin, la Commission a adressé le procès-verbal de la réunion du 22 juin 2000 à la République hellénique et l’a invitée à donner une réponse formelle en ce qui concerne le projet Abuja II réduit.

36      Le 5 septembre 2000, la Commission a réitéré sa demande aux représentants de la République hellénique. Après un nouveau rappel en date du 14 septembre 2000, la Commission a, le 25 septembre 2000, adressé à la République hellénique une lettre par télécopie, assortie d’un délai de réponse fixé au 30 septembre 2000, en indiquant que son silence serait interprété comme un retrait du projet. Le 2 octobre 2000, les autorités grecques ont informé la Commission qu’elles n’étaient pas en mesure de donner de réponse concernant le projet Abuja II réduit. En conséquence, la Commission a répondu, à la même date, qu’elle avait chargé les architectes de procéder au remaniement du projet Abuja II réduit en excluant la République hellénique.

37      Par lettre du 28 janvier 2002, la Commission a envoyé une note de débit de 1 276 484,50 euros à la République hellénique concernant des coûts de construction relatifs au projet Abuja II. La Commission a par la suite annulé cette note de débit.

38      Après avoir établi sa propre ambassade à Abuja, la République hellénique a quitté les locaux provisoires qu’elle occupait dans le cadre du projet Abuja I le 13 juillet 2002.

39      Par lettre du 11 octobre 2002, la Commission a formellement notifié à la République hellénique les notes de débit non acquittées concernant les projets Abuja I et Abuja II et l’a invitée à payer un montant total de 861 813,87 euros et de 11 000 dollars des États-Unis (USD).

40      À la suite de négociations entre les parties, la Commission a rappelé à la République hellénique, par lettre du 31 janvier 2003, que cette dernière n’avait pas payé ses dettes relatives aux projets Abuja I et Abuja II et l’a invitée à payer une somme totale de 516 374,96 euros et de 12 684,89 USD avant la fin du mois de février 2003. La Commission a ajouté que, à défaut de paiement à la date d’échéance, elle procéderait au recouvrement des sommes en cause en utilisant toutes les voies juridiques disponibles.

41      Au cours des mois suivants, la République hellénique et la Commission ont discuté du montant des sommes dues.

42      Le 29 décembre 2003, la République hellénique a envoyé à son représentant permanent auprès de l’Union européenne une lettre rédigée comme suit :

« Étant donné que la Commission européenne maintient sa position quant à la dette de notre pays pour le projet Abuja II en appliquant la procédure de compensation, nous vous prions de poursuivre la procédure et de nous faire savoir si et dans quelle mesure elle a été mise en œuvre, afin que la République hellénique puisse examiner dans quelle mesure elle entend former un recours contre la Commission européenne.

En ce qui concerne le projet Abuja I, nous rappelons que nous avons admis notre dette jusqu’en mai 2002, alors que le montant réclamé par la Commission couvre la période allant jusqu’en juillet 2002 ainsi qu’au-delà de cette date. Étant donné que nous avons l’intention d’acquitter notre dette précitée, nous vous prions de prendre contact avec les services financiers compétents de la Commission afin de vérifier les éléments du montant total exact de notre dette en euros jusqu’en mai 2002. »

43      Le 16 février 2004, la Commission a envoyé à la République hellénique une lettre identifiant les dettes de cette dernière non encore régularisées en ce qui concerne les projets Abuja I et Abuja II. Il ressort du tableau joint à cette lettre mentionnant, notamment, onze notes de débit non acquittées relative aux projets Abuja I et Abuja II, que la Commission demandait à la République hellénique de payer 565 656,80 euros. Dans cette lettre, la Commission a précisé :

« [La République hellénique a] transmis à la Commission la créance suivante : […]

2000GR161PO005OBJ 1 GRÈCE CONTINENTALE – Interim payement – 4 774 562,67 euros.

En application des conditions de paiement telles qu’elles ont été fixées par [l’article 73, paragraphe 1, second alinéa, du règlement financier], la Commission procèdera à la compensation des dettes et créances en tenant également compte, le cas échéant, des intérêts de retard.

Dans le cas où les créances que vous avez communiquées dépassent les montants compensés, le solde net auquel vous avez droit vous sera versé dans les meilleurs délais […] »

44      Le 10 mars 2004, la Commission a versé des fonds à la République hellénique dans le cadre du programme opérationnel régional de la Grèce continentale. Or, au lieu de payer un montant de 4 774 562,67 euros (voir point 43 ci-dessus), la Commission a seulement versé 3 121 243,03 euros. Elle a ainsi procédé au recouvrement par compensation du solde non encore régularisé par la République hellénique, dont 565 656,80 euros en ce qui concerne les projets Abuja I et Abuja II (ci-après l’« acte attaqué »).

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe de la Cour de justice le 22 avril 2004, la République hellénique a introduit le présent recours. L’affaire a été inscrite sous la référence C‑189/04.

46      Par ordonnance du 8 juin 2004, en application de l’article 2 de la décision 2004/407/CE, Euratom du Conseil, du 26 avril 2004, portant modification des articles 51 et 54 du protocole sur le statut de la Cour de justice (JO L 132, p. 5), la Cour de justice a renvoyé l’affaire devant le Tribunal.

47      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité les parties à répondre par écrit à une série de questions. Il a été déféré à cette demande.

48      Dans ses réponses aux questions du Tribunal, la Commission a fait valoir qu’il y avait lieu de retirer du dossier l’avis du service juridique du Conseil du 26 juin 1998 produit par la République hellénique en annexe 12 de la requête.

49      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 10 mai 2006.

50      La République hellénique conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        constater la nullité de l’acte de compensation, pris par la Commission pour un montant de 565 656,80 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

51      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme manifestement dénué de fondement ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 Sur le fond

52      La République hellénique invoque un moyen unique tiré de la violation des mémorandums initial et complémentaire, ainsi que des dispositions du règlement financier et du règlement n° 2342/2002.

53      Ce moyen s’articule en deux branches. En premier lieu, la République hellénique soutient que la Commission a fait des erreurs s’agissant de ses obligations financières relatives aux projets Abuja I et Abuja II et, en particulier, qu’aucune obligation financière ne lui incombait en ce qui concerne le projet Abuja II. En second lieu et en tout état de cause, elle fait valoir que la Commission n’était pas en droit de procéder au recouvrement des montants en cause par voie de compensation, motif pris de ce que les créances n’étaient pas certaines et liquides au sens du règlement financier et du règlement n° 2342/2002.

 Sur la première branche du moyen, tirée d’une violation des mémorandums initial et complémentaire

 Arguments des parties

54      Tout d’abord, s’agissant du projet Abuja I, la République hellénique reconnaît qu’elle est tenue de verser les montants dus au titre des frais de loyer et des frais de fonctionnement, soit au total (hors intérêts) 50 312,67 euros et 11 000 USD. Or, ces sommes n’auraient pas été acquittées immédiatement en raison de ce que, premièrement, certaines notes de débit n’auraient pas indiqué avec précision la période à laquelle ils se rapportaient. La République hellénique invoque à cet égard une note de débit du 9 mars 2000 et se réfère à sa lettre du 29 décembre 2003, dans laquelle elle a demandé des précisions concernant des notes de débit. Deuxièmement, il aurait existé un désaccord quant à la date à laquelle les loyers concernés étaient dus. Enfin, troisièmement, la Commission aurait unilatéralement décidé de procéder à la compensation attaquée.

55      S’agissant, ensuite, du projet Abuja II, la République hellénique fait valoir qu’elle n’est soumise à aucune obligation financière. Le fait qu’elle n’a pas ratifié le mémorandum complémentaire serait déterminant à cet égard.

56      Il ressortirait en effet du mémorandum initial qu’un partenaire participant pouvait se retirer du projet soit en ne signant pas le mémorandum complémentaire (article 15, paragraphe 1), soit après l’entrée en vigueur du mémorandum complémentaire (article 15, paragraphe 2). La République hellénique fait valoir qu’elle s’est retirée du projet Abuja II en faisant application de la première possibilité. En effet, elle aurait signé le mémorandum complémentaire, mais ne l’aurait jamais ratifié. Cette non-ratification équivaudrait à un retrait du projet Abuja II.

57      Or, selon l’article 14 du mémorandum complémentaire (voir point 30 ci-dessus), la ratification constituerait une condition nécessaire pour l’entrée en vigueur dudit mémorandum, laquelle ne serait intervenue qu’après le retrait de la République hellénique.

58      De plus, selon l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial (voir point 15 ci-dessus), ce retrait aurait pour effet que la République hellénique n’est tenue à aucune obligation financière.

59      La République hellénique soutient qu’il ressort de l’article 12 du mémorandum initial, et en particulier de son second alinéa, que le coût des travaux préparatoires du projet Abuja II devait être imputé à la Commission. Elle ajoute que, si le projet était réalisé, ce coût devrait être remboursé par des contributions de tous les partenaires en fonction de leur part dans le projet (voir point 12 ci-dessus). Ce coût ne devrait pas être assumé par ceux qui se sont retirés sans avoir ratifié le mémorandum complémentaire, à tout le moins s’ils se sont retirés avant son entrée en vigueur.

60      Selon la République hellénique, l’avis du service juridique du Conseil du 26 juin 1998 corrobore son interprétation à cet égard.

61      En effet, toute autre conclusion dénaturerait l’« esprit du projet ». Bien que les États membres aient transféré certains pouvoirs à la Commission dans le cadre du projet Abuja II, ils auraient gardé une certaine autonomie, de sorte que leur action ne serait pas « entravée ou limitée par des règles strictes, absolues et rigides ». Ainsi un État membre pourrait se retirer du projet s’il juge ce dernier financièrement désavantageux, ou pour tout autre motif légitime.

62      Il s’ensuit, selon la République hellénique, que la Commission a violé le mémorandum initial, en particulier son article 15, ainsi que le mémorandum complémentaire.

63      Dans sa réplique, la République hellénique fait observer que plusieurs États membres se sont retirés du projet Abuja II en raison de l’augmentation considérable du coût de ce projet par rapport au budget initial.

64      Elle fait également valoir que l’argument juridique de la Commission en l’espèce est surprenant. D’une part, la Commission admettrait l’inapplicabilité du mémorandum complémentaire et invoquerait, dès lors, la prétendue responsabilité précontractuelle de la République hellénique. D’autre part, la Commission avancerait, à titre subsidiaire, que le mémorandum complémentaire est juridiquement intégralement contraignant. Selon la République hellénique, soit un accord international est intégralement en vigueur, soit il ne l’est pas, car non ratifié. Par conséquent, ces dispositions ne pourraient pas être considérées comme inapplicables à titre principal et être appliquées à titre subsidiaire. À cet égard, la question essentielle et déterminante serait celle de savoir si le mémorandum complémentaire est ou non en vigueur.

65      En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel la République hellénique a une responsabilité précontractuelle en ce qu’elle a fait naître chez les autres partenaires une attente selon laquelle elle assumerait les obligations contractuelles définitives, cette dernière allègue que cette attente pourrait être fondée si les circonstances n’avaient pas fondamentalement changé. Or, en raison du retrait de plusieurs États, le coût du projet aurait augmenté de manière considérable. Cette lourde charge, ajoutée à un changement radical des conditions du projet Abuja II, aurait motivé son retrait définitif et légitime.

66      Selon la République hellénique, seuls les mémorandums initial et complémentaire régissent les droits et obligations des partenaires, y compris leurs obligations financières. À supposer que des décisions éventuellement prises pendant la durée des travaux du comité directeur permanent soient contraires au cadre juridique précité, elles ne pourraient en aucun cas primer celui-ci.

67      Enfin, la République hellénique ne soutient pas que la Commission devra assumer la charge des dépenses liées au projet Abuja II. Une interprétation correcte des dispositions des mémorandums initial (articles 12 et 13) et complémentaire (article 14) montrerait que cette charge incombe uniquement aux partenaires finals, les propriétaires et bénéficiaires exclusifs du complexe immobilier. D’ailleurs, en tant que coordinateur de l’ensemble du projet, la Commission pourrait demander aux partenaires finals d’assumer les coûts en question.

68      La Commission conteste les arguments de la République hellénique relatifs au projet Abuja I. Elle relève que les frais à la charge de celle-ci ont été calculés jusqu’au 13 juillet 2002, date à laquelle cette dernière a libéré les locaux provisoires.

69      S’agissant du projet Abuja II, la Commission invoque trois arguments pour démontrer la responsabilité de la République hellénique.

70      En premier lieu, la République hellénique aurait une responsabilité contractuelle concernant les dépenses couvertes par le mémorandum initial pour la phase préliminaire du projet, selon le pourcentage lui revenant (voir l’article 12, deuxième alinéa, du mémorandum initial), puisqu’elle a signé et ratifié ledit mémorandum.

71      En deuxième lieu, la Commission fait valoir que la République hellénique a une responsabilité précontractuelle découlant du mémorandum complémentaire pour les dépenses relevant des phases ultérieures, à savoir la majeure partie du montant litigieux. Elle invoque notamment le comportement de la République hellénique et le principe de bonne foi en droit international.

72      En troisième lieu, et à titre subsidiaire, la Commission fait valoir une responsabilité contractuelle de la République hellénique résultant de l’application provisoire du mémorandum complémentaire par mandat. À cet égard, la Commission soutient, premièrement, que l’article 14 du mémorandum complémentaire a prévu la mise en application provisoire de ce dernier, ce qui, sous réserve de ratification, a fait naître des obligations contractuelles. La République hellénique aurait donc de facto manifestement participé à cette application provisoire. En particulier, la Commission fait valoir, deuxièmement, que les relations entre les États participants et elle-même, coordonnatrice du projet, pourraient être qualifiées de relations de mandants à mandataire. En tant que mandants, les États membres devraient lui rembourser les dépenses qu’elle a exposées en tant que mandataire.

 Appréciation du Tribunal

73      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre du traité UE, dans sa version résultant du traité d’Amsterdam, les compétences de la Cour de justice sont énumérées limitativement par l’article 46 UE. Celui-ci ne prévoit aucune compétence de la Cour dans le cadre des dispositions du titre V du traité UE (ordonnance du Tribunal du 18 novembre 2005, Selmani/Conseil et Commission, T‑299/04, non publiée au Recueil, points 54 et 55).

74      Il ressort du dossier dans la présente affaire que les relations entre la Commission et les États membres résultant de leur coopération dans le cadre de la conception, de la planification et de l’exécution des projets Abuja I et Abuja II relèvent du titre V du traité UE (voir, en particulier, point 8 ci-dessus). Toutefois, il est constant que la Commission a procédé au recouvrement des sommes litigieuses par la voie d’un acte adopté sur la base du règlement financier et du règlement n° 2342/2002, de sorte que l’acte de compensation relève du domaine du droit communautaire. Un tel acte étant susceptible de faire l’objet d’un recours en annulation introduit conformément à l’article 230 CE, le Tribunal est compétent pour connaître du présent recours.

75      Il convient ensuite d’examiner la responsabilité financière de la République hellénique pour les projets Abuja I et Abuja II.

76      En premier lieu, s’agissant du projet Abuja I, la République hellénique a admis sa responsabilité de principe pour les dépenses en cause et, plus précisément, a reconnu une dette de 50 312,67 euros et de 11 000 USD, hors intérêts. En revanche, elle conteste sa responsabilité pour la somme totale de 72 714,47 euros que la Commission a mise à sa charge pour le projet Abuja I.

77      Il convient de rappeler à cet égard que, en vertu de l’article 21, premier alinéa, du statut de la Cour, applicable à la procédure devant le Tribunal conformément à l’article 53, premier alinéa, du même statut, et de l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal, la requête visée à l’article 21 du statut de la Cour doit notamment contenir l’objet du litige et l’exposé sommaire des moyens invoqués. Selon une jurisprudence constante, ces indications doivent être suffisamment claires et précises pour permettre à la partie défenderesse de préparer sa défense et au Tribunal de statuer sur le recours, le cas échéant, sans autre information à l’appui. Afin de garantir la sécurité juridique et une bonne administration de la justice, il faut, pour qu’un recours soit recevable, que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celui-ci se fonde ressortent, à tout le moins sommairement, mais d’une façon cohérente et compréhensible, du texte de la requête elle-même (ordonnance du Tribunal du 28 avril 1993, De Hoe/Commission, T‑85/92, Rec. p. II‑523, point 20, et arrêt du Tribunal du 3 février 2005, Chiquita Brands e.a./Commission, T‑19/01, Rec. p. II‑315, point 64).

78      Bien qu’elle admette sa responsabilité de principe pour le projet Abuja I, la République hellénique soutient qu’elle n’a pas acquitté les dettes en cause en raison d’un désaccord quant à la date à laquelle les loyers concernés étaient dus (voir point 54 ci-dessus). Toutefois, la République hellénique n’a nullement présenté cet argument dans sa requête au sens de la jurisprudence citée au point 77 ci-dessus.

79      Il convient de relever que la Commission a mis à la charge de la République hellénique une somme 72 714,47 euros au titre du projet Abuja I, correspondant à la location provisoire des locaux occupés par celle-ci jusqu’au 13 juillet 2002. La Commission a ventilé ces frais selon une documentation détaillée et a constaté sa créance par des notes de débit. Il en résulte que la charge de la preuve du caractère non fondé ou du calcul erroné du montant en cause pèse sur la République hellénique. Or, cette dernière n’a expliqué ni sa position quant à la date d’exigibilité des loyers concernés ni la différence de position entre elle et la Commission. De même, la République hellénique n’a précisé ni les éléments de son calcul des montants de 50 312,67 euros et de 11 000 USD ni les raisons pour lesquelles elle refusait d’accepter sa responsabilité pour la totalité des 72 714,47 euros mis à sa charge par la Commission pour le projet Abuja I.

80      En effet, la République hellénique n’a pas prouvé que la Commission avait fait une erreur quant au montant dû. Dès lors, le Tribunal se trouve dans l’impossibilité tant d’apprécier le point de savoir si la Commission a fait une erreur dans son appréciation du montant dû que de substituer le montant accepté par la République hellénique à celui recouvré par la Commission.

81      La République hellénique fait également valoir que les notes de débit n’indiquaient pas avec précision la période à laquelle ils se rapportaient (voir point 54 ci-dessus). Il convient de souligner à cet égard que, d’une part, la République hellénique a admis sa responsabilité de principe pour la dette en cause et que, d’autre part, elle n’a pas soulevé d’objections lorsqu’elle a reçu plusieurs notes de débit entre le 30 novembre 1997 et le 31 janvier 2001. Il s’ensuit qu’il appartenait à la République hellénique d’apporter la preuve qu’elle n’était pas responsable pour les dettes en cause. Or, elle a manifestement échoué à cet égard. De plus, et comme il est indiqué au point 79 ci-dessus, la République hellénique n’a pas expliqué pourquoi elle estimait ne pas être redevable de la différence entre le montant qu’elle admet et celui demandé par la Commission. Elle ne précise pas non plus en quoi consiste le prétendu manque de précision dans les notes de débit à cet égard.

82      Il s’ensuit que l’argument de la République hellénique concernant sa responsabilité pour les dettes relatives au projet Abuja I ne saurait être retenu.

83      En deuxième lieu, il convient d’examiner l’argument de la République hellénique selon lequel elle n’aurait aucune responsabilité financière en ce qui concerne le projet Abuja II. Tout en soulignant que les droits et obligations des partenaires sont fixés uniquement dans les mémorandums initial et complémentaire, la République hellénique soutient s’être retirée du projet, puisqu’elle n’a jamais ratifié le mémorandum complémentaire. Dès lors, il résulterait de l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial qu’elle n’est soumise à aucune obligation financière concernant le projet Abuja II (voir points 55 à 62 ci-dessus).

84      À cet égard, le Tribunal relève, tout d’abord, que la République hellénique ne conteste pas s’être comportée comme un participant à part entière dans le projet Abuja II pendant plus de six ans, à savoir du 18 avril 1994 jusqu’au 30 septembre 2000. En effet, la République hellénique, qui prétend en l’espèce s’être retirée du projet Abuja II, puisqu’elle n’a jamais ratifié le mémorandum complémentaire, a participé audit projet pendant presque deux ans après la signature dudit mémorandum en décembre 1998 (voir point 29 ci-dessus). Même après avoir reçu les courriers de la Commission concernant le projet Abuja II réduit (voir points 35 et 36 ci-dessus), la République hellénique ne s’est pas formellement retirée du projet, mais s’est contentée d’indiquer, dans sa lettre du 2 octobre 2000, qu’elle n’était pas en mesure de donner une réponse définitive sur sa participation au projet Abuja II (voir point 36 ci-dessus). De façon constante entre le mois d’avril 1994 et le mois de septembre 2000, la République hellénique a, par son comportement, laissé entendre aux autres partenaires qu’elle maintenait sa participation au projet Abuja II. Elle a ainsi laissé naître, chez les autres partenaires, une attente selon laquelle elle continuerait d’engager sa responsabilité financière relative au projet Abuja II. Dès lors, l’appréciation des obligations de la République hellénique ne saurait être limitée aux mémorandums initial et complémentaire, mais doit également prendre en compte les attentes que ledit État membre a suscitées par son comportement chez ses partenaires.

85      À cet égard, le Tribunal rappelle que le principe de bonne foi est une règle du droit international coutumier dont l’existence a été reconnue par la Cour permanente de justice internationale instituée dans le cadre de la Société des nations (voir arrêt du 25 mai 1926, Intérêts allemands en Haute-Silésie polonaise, CPJI, série A, n° 7, p. 30 et 39), puis par la Cour internationale de justice et que, en conséquence, il s’impose en l’espèce à la Communauté ainsi qu’aux autres partenaires.

86      Ce principe a été codifié par l’article 18 de la convention de Vienne sur le droit des traités, conclue le 23 mai 1969, qui stipule :

« Un État doit s’abstenir d’actes qui priveraient un traité de son objet et de son but :

a)       lorsqu’il a signé le traité ou a échangé les instruments constituant le traité sous réserve de ratification, d’acceptation ou d’approbation, tant qu’il n’a pas manifesté son intention de ne pas devenir partie au traité ; ou

b)       lorsqu’il a exprimé son consentement à être lié par le traité, dans la période qui précède l’entrée en vigueur du traité et à condition que celle-ci ne soit pas indûment retardée. »

87      Il y a lieu d’observer également que le principe de bonne foi est le corollaire, en droit international public, du principe de protection de la confiance légitime, qui, selon la jurisprudence, fait partie de l’ordre juridique communautaire (arrêt du Tribunal du 22 janvier 1997, Opel Austria/Conseil, T‑115/94, Rec. p. II‑39, point 93).

88      Il est constant que, le 18 avril 1994, la République hellénique a signé le mémorandum initial et qu’elle l’a également ratifié. Dès lors, selon le préambule dudit mémorandum, elle était l’un des partenaires du projet Abuja II qui ont décidé de construire un complexe commun d’ambassades dans « un esprit d’intérêt commun ». Cette qualité de partenaire entraîne certaines obligations accrues de coopération et de solidarité entre participants.

89      Le mémorandum initial concerne les phases préliminaires du projet Abuja II. Bien que ce mémorandum, et notamment ses articles 11 à 15, puisse être critiqué pour son manque de clarté, il est constant qu’il en ressort que la Commission s’est engagée à prendre en charge le coût des travaux préparatoires de 140 000 euros et que ce coût devait être remboursé par tous les partenaires en fonction de leur part au projet en cas de réalisation de ce dernier (voir notamment l’article 12 du mémorandum initial, cité au point 12 ci-dessus). Les parties ont également confirmé, lors de l’audience, qu’il ressort des articles 11 à 15 du mémorandum initial que, après la première phase, caractérisée par la conception initiale du projet, les partenaires intéressés à la poursuite du projet devaient signer un mémorandum complémentaire relatif à la conception détaillée du bâtiment et au financement détaillé du projet.

90      À la suite de la signature du mémorandum initial, la Commission, avec l’approbation des partenaires, a signé des contrats avec les consultants (voir point 16 ci-dessus). Bien qu’il ressorte du dossier que les coûts ont augmenté par rapport aux prévisions initiales, les dépenses encourues n’ont pas été remises en question, lors des réunions des comités responsables pour le projet (voir points 18 à 23 ci-dessus), par les partenaires participants, dont faisait partie la République hellénique.

91      Il convient de noter qu’il ressort du mémorandum initial, signé et ratifié par la République hellénique, que la participation des États membres au projet a été déterminée en fonction de la surface demandée pour leur délégation et comprenait une part du coût des zones communes et publiques (voir point 13 ci-dessus). La République hellénique ne conteste pas avoir demandé une surface de 591 m2 pour son ambassade, de sorte que sa participation au projet, eu égard à celle des quatorze partenaires, a été initialement fixée à 5,06 %.

92      Après la phase de conception initiale du projet, et contrairement à ce qui était prévu dans le mémorandum initial (voir point 11 ci-dessus), les partenaires ont décidé de poursuivre le projet et de supporter les dépenses relatives à la conception détaillée du bâtiment, avant que le mémorandum complémentaire ne soit établi. En particulier, le groupe affaires administratives PESC, lors de sa réunion du 24 février 1997, à laquelle ont participé deux représentants de la République hellénique, a autorisé la Commission à prendre les arrangements nécessaires avec les architectes pour élaborer des plans détaillés sans attendre le mémorandum complémentaire (voir point 24 ci-dessus). Il a été prévu que, « comme dans les cas précédents, les avances ainsi payées par la Commission [seraient] remboursées ultérieurement par les autres participants selon les procédures prévues à cet effet dans le mémorandum initial ».

93      Il s’agit d’un élément important. En décidant d’élaborer les plans détaillés sans attendre l’établissement du mémorandum complémentaire, les partenaires sont allés au-delà des phases préliminaires, concluant ainsi nécessairement un accord implicite de réaliser le projet. En ce qui concerne les coûts engendrés par cette décision, les partenaires n’ont évidemment pas pu invoquer les procédures prévues par le mémorandum complémentaire, qui n’avait pas été approuvé (voir point 13 ci-dessus). Dès lors, en se référant au remboursement ultérieur des avances prévues par le mémorandum initial, les partenaires se sont effectivement référés à l’article 12 de celui-ci, selon lequel, si le projet était réalisé, les partenaires rembourseraient le montant des travaux préparatoires avancé par la Commission (voir point 12 ci-dessus). Or, les partenaires ayant décidé lors de la réunion du 24 février 1997 de réaliser le projet, ils n’étaient plus libres de se retirer du projet sans rembourser leur part des dépenses préliminaires et des dépenses ultérieures.

94      Bien que certains États membres se soient retirés du projet par la suite (voir points 25 et 27 ci-dessus), la République hellénique n’a adopté aucun comportement susceptible de créer un doute sur sa participation. De plus, elle n’a soulevé aucune objection quant aux dépenses relatives au contrat principal, d’un montant de 1 895 696 euros, conclu avec les consultants le 12 novembre 1997 (voir point 26 ci-dessus).

95      Le 9 décembre 1998, la République hellénique et les autres partenaires qui ne s’étaient pas retirés du projet ont signé le mémorandum complémentaire (voir point 29 ci-dessus). En outre, les mois suivants, la République hellénique s’est comportée comme un partenaire à part entière dans le projet. C’est seulement durant l’été 2000 qu’elle a, pour la première fois, manifesté une réticence quant à la poursuite de sa participation, ce qui a amené la Commission à conclure qu’elle s’était retirée du projet (voir point 36 ci-dessus).

96      Il est constant que la République hellénique était en droit de se retirer du projet. Toutefois, au vu notamment de l’évolution des engagements depuis la phase initiale et en dépit de la non-ratification du mémorandum complémentaire, le Tribunal considère qu’elle ne pouvait pas se retirer sans être tenue pour responsable des dépenses liées à sa participation dans le projet Abuja II.

97      La République hellénique, en tant que signataire du mémorandum complémentaire, était tenue d’agir de bonne foi à l’égard des autres partenaires. Cette obligation était renforcée par le fait que la République hellénique a signé et ratifié le mémorandum initial et qu’elle était, du 18 avril 1994 au 30 septembre 2000, un « partenaire participant » au projet. À cet égard, d’une part, il convient de souligner que la République hellénique a participé aux réunions des comités responsables du projet et a approuvé les dépenses de la Commission. D’autre part, la République hellénique a demandé que la surface de son ambassade dans le complexe soit de 591 m2 et a accepté, à la suite du retrait de certains États membres du projet, de porter ce chiffre à 677 m2 (voir appel d’offres du 28 avril 1999). De fait, elle a été pleinement associée à la procédure concernant l’appel d’offres pour le projet en 1999 et en 2000, et son représentant a participé à l’évaluation des sociétés de construction (voir points 31 et 33 ci-dessus).

98      De plus, la République hellénique n’a pas émis de doute en ce qui concerne sa participation au projet entre le 18 avril 1994 et le 30 septembre 2000. Si elle considérait n’avoir aucune responsabilité financière avant la ratification du mémorandum complémentaire, elle aurait dû s’opposer aux ordres de paiement du 10 juin 1998 et du 17 février 2000 que la Commission lui a envoyés en ce qui concerne le projet Abuja II (voir points 28, 32 et 34 ci-dessus). En outre, elle n’a jamais manifesté l’intention de se retirer ou de ne pas ratifier le mémorandum complémentaire, malgré le retrait de plusieurs États membres et la modification, par voie de conséquence, de sa propre part du projet. Il convient de noter à cet égard que, selon la convention de Vienne sur le droit des traités (voir point 86 ci-dessus), une partie voulant se retirer d’un accord international est obligée d’en informer les autres parties (articles 65 et 67).

99      Le Tribunal considère qu’il ressort de ce qui précède que la République hellénique s’est comportée comme une participante au projet à part entière. Elle a laissé entendre aux autres parties, par son comportement, qu’elle acceptait et approuvait les engagements pris par la Commission au nom des partenaires. Ainsi, elle a suscité chez ses partenaires la confiance en ce qu’elle assumerait ses obligations financières relevant du projet. De plus, force est de constater que sa participation au projet, et en particulier son ambassade de 677 m2, a eu un effet direct sur le coût total du projet. Dès lors, en raison du principe de bonne foi, la République hellénique ne pouvait pas échapper à ses engagements financiers en excipant du fait qu’elle n’avait pas ratifié le mémorandum complémentaire.

100    Par ailleurs, les obligations de la République hellénique découlent également des termes du mémorandum initial. Ainsi que la République hellénique l’a reconnu (voir point 56 ci-dessus), il ressort explicitement de l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial qu’un partenaire participant qui ne signe pas le mémorandum complémentaire peut échapper aux obligations financières relevant du projet (voir point 15 ci-dessus). Or, il est constant que la République hellénique a signé le mémorandum complémentaire. Dans les circonstances de l’espèce, l’article 15, paragraphe 1, du mémorandum initial doit être lu strictement au contraire de l’interprétation qu’en donne la République hellénique.

101    La République hellénique soutient que la ratification du mémorandum complémentaire constitue une condition nécessaire à son entrée en vigueur (voir point 57 ci-dessus). Le Tribunal relève, à cet égard, que, en vertu de l’article 14 du mémorandum complémentaire, ce dernier s’applique provisoirement à compter du premier jour du deuxième mois suivant sa signature. Ledit mémorandum ayant été signé par les partenaires le 9 décembre 1998, il s’appliquait provisoirement à partir du 1er février 1999. Le mémorandum complémentaire s’est donc appliqué à titre provisoire à la République hellénique jusqu’en octobre 2000. Celle-ci ne saurait méconnaître cette application provisoire en invoquant le fait qu’elle n’a pas ratifié le mémorandum.

102    Par ailleurs, il convient de noter que les huit autres États membres s’étant retirés du projet ont payé leur part des dépenses, même s’ils n’ont pas tous ratifié le mémorandum complémentaire.

103    Il résulte de tout ce qui précède que la République hellénique doit être tenue responsable pour toutes les dépenses relevant de sa participation dans le projet Abuja II.

104    La République hellénique admet que les autres partenaires n’étaient fondés à s’attendre à ce qu’elle assume ses obligations contractuelles définitives que si les circonstances « n’avaient pas fondamentalement changé » (voir point 65 ci-dessus). Or, contrairement à ce que soutient la République hellénique, s’agissant d’un projet de construction d’un bâtiment, l’augmentation du coût d’un projet ne peut pas être considérée comme un « changement fondamental de circonstances ». En outre, la République hellénique a accepté l’augmentation du coût du projet, connue depuis les origines du projet Abuja II (voir point 90 ci-dessus), et elle n’a soulevé aucune objection lorsque sa part dans le projet a été augmentée à la suite du retrait de plusieurs États membres entre 1997 et 1999.

105    Il résulte de tout ce qui précède qu’il convient de rejeter la première branche du moyen unique.

 Sur la seconde branche du moyen, tirée d’une violation du règlement financier et du règlement n° 2342/2002

 Arguments des parties

106    La République hellénique fait valoir que, en procédant au recouvrement par voie de compensation des montants en cause, la Commission a violé le règlement financier et le règlement n° 2342/2002.

107    La République hellénique soutient que, contrairement à ce qu’indique la Commission, une incertitude entoure manifestement le montant et la justification des sommes réclamées, tant pour le projet Abuja I que pour le projet Abuja II. Par trois lettres successives des 29 mai, 11 octobre 2002 et 31 janvier 2003, la Commission l’aurait invitée à verser trois montants totalement différents pour les projets en cause (respectivement 1 276 484,50 euros, 861 813,87 euros et 516 374,96 euros). Le retard dans le paiement du montant dû s’expliquerait donc par le manque de clarté de certaines données figurant dans les notes de débit, ainsi que par les fortes disparités des sommes correspondantes (voir point 54 ci-dessus). À cet égard, la République hellénique rappelle que la dette de 1 276 484,50 euros a été annulée comme indue.

108    La République hellénique ajoute que la Commission a violé les principes régissant les opérations de recouvrement par voie de compensation prévus aux articles 77 à 89 du règlement n° 2342/2002. En particulier, les conditions d’application de l’article 83 du règlement n° 2342/2002, selon lequel la créance doit être certaine et liquide pour qu’il y ait compensation valable, ne seraient pas remplies.

109    En outre, le règlement financier et le règlement n° 2342/2002 contiendraient des dispositions visant à protéger les intérêts financiers des Communautés (articles 78, paragraphe 1, et 80, paragraphe 1, du règlement n° 2342/2002). Or, en l’espèce, le montant de la compensation, en particulier pour ce qui a trait au projet Abuja II, ne concernerait pas des créances des Communautés à l’égard de la République hellénique, mais des créances éventuellement détenues par les partenaires au projet Abuja II, dans le seul cadre des dispositions du mémorandum initial. La République hellénique en déduit que la Commission ne peut pas valablement se prévaloir des procédures prévues par le règlement financier.

110    La Commission avance que c’est à tort que la requérante a contesté lesdites créances, qui sont certaines, vérifiées et exigibles.

 Appréciation du Tribunal

111    Il convient de relever tout d’abord qu’il ressort du champ d’application du règlement financier, et en particulier de son article 1er, que la procédure de recouvrement par compensation prévue par son article 73, paragraphe 1 (voir point 3 ci-dessus), ne s’applique qu’aux sommes relevant du budget communautaire. Or, il n’est pas contesté que la Commission était habilitée, en application de l’article 268 CE, qui prévoit l’inscription au budget tant des dépenses de la Communauté que de certaines dépenses entraînées pour les institutions par les dispositions du traité sur l’Union européenne relatives à la politique étrangère et de sécurité commune, à imputer au budget communautaire les dépenses réalisées pour les projets Abuja I et Abuja II.

112    Selon la République hellénique, la Commission a violé le règlement financier ainsi que le règlement n° 2342/2002 au motif que les créances en cause n’étaient pas « certaines et liquides » au sens desdits règlements. La République hellénique relève notamment qu’une incertitude a entouré le montant et la justification des sommes réclamées (voir points 106 à 108 ci-dessus).

113    Il convient de relever, à cet égard, que le règlement financier et le règlement n° 2342/2002 contiennent des règles détaillées relatives au droit de la Commission de procéder à un recouvrement par voie de compensation.

114    L’article 73, paragraphe 1, du règlement financier prévoit que le comptable procède au recouvrement par compensation et à due concurrence des créances des Communautés dûment établies par l’ordonnateur compétent à l’égard de tout débiteur lui-même titulaire d’une créance certaine, liquide et exigible à l’égard des Communautés (voir point 3 ci-dessus).

115    S’agissant de la procédure applicable, l’article 71 du règlement financier prévoit que l’ordonnateur compétent doit, tout d’abord, constater une créance, à savoir vérifier l’existence des dettes du débiteur, déterminer ou vérifier la réalité et le montant de la dette et vérifier les conditions d’exigibilité de la dette (voir point 1 ci-dessus). L’article 79 du règlement n° 2342/2002 exige que l’ordonnateur s’assure, notamment, du « caractère certain » de la créance, qui ne doit pas être affectée d’une condition. Il est également tenu de s’assurer du « caractère liquide » de la créance, dont le montant doit être déterminé en argent et avec exactitude, ainsi que de son « caractère exigible », à savoir que la créance ne doit pas être soumise à un terme (voir point 5 ci-dessus). De surcroît, l’article 80 du règlement n° 2342/2002 dispose que toute constatation d’une créance s’appuie sur les pièces justificatives attestant les droits des Communautés.

116    Toute créance identifiée comme « certaine, liquide et exigible » doit être constatée par un ordre de recouvrement donné au comptable et établi par l’ordonnateur compétent (article 71, paragraphe 2, du règlement financier). L’ordre de recouvrement est l’opération par laquelle l’ordonnateur donne instruction au comptable de recouvrer la créance constatée (article 78, paragraphe 2, du règlement n° 2342/2002).

117    En l’espèce, la République hellénique n’a pas établi que l’ordonnateur avait fait une erreur en concluant que la créance en cause était « certaine, liquide et exigible ».

118    Il convient de souligner à cet égard qu’une compensation en vertu de l’article 73, paragraphe 1, du règlement financier n’est pas exclue lorsque l’une des dettes est contestée ou lorsqu’il y a eu des négociations entre la Commission et le débiteur concernant lesdites dettes. Dans le cas contraire, le débiteur pourrait retarder indéfiniment la récupération d’une dette.

119    De fait, dans sa lettre du 29 décembre 2003, la République hellénique a demandé à son représentant permanent auprès de l’UE de s’assurer que la Commission procèderait à la compensation, au moins en ce qui concerne le projet Abuja II (voir point 42 ci-dessus).

120    Malgré sa lettre du 29 décembre 2003, la République hellénique fait valoir en l’espèce que les créances n’étaient pas certaines et liquides au motif que la Commission a invité la République hellénique à verser trois montants totalement différents pour les projets en cause (voir point 107 ci-dessus). Bien qu’une incertitude ait pu exister en 2002 en ce qui concerne les créances, le Tribunal considère que, à la suite de communications entre les parties et d’un nouvel examen du dossier, la Commission est parvenue à une conclusion certaine en ce qui concerne les montants dus en 2004 lorsqu’elle a procédé au recouvrement.

121    Il y a lieu de préciser que la République hellénique admet que la Commission a annulé la note de débit de 1 276 484,50 euros plus d’un an avant le recouvrement par voie de compensation en mars 2004 (voir point 107 ci-dessus). Cette note de débit concernait des coûts de construction relatifs au projet Abuja II et il est constant en l’espèce que la Commission n’a pas cherché à recouvrer cette somme par l’acte attaqué. Il s’ensuit que la note de débit en cause est dépourvue de pertinence en l’espèce.

122    En ce qui concerne la lettre du 11 octobre 2002, par laquelle la Commission a demandé le paiement de 861 813,87 euros et de 11 000 USD relatifs aux projets Abuja I et Abuja II, la Commission a réduit ce montant bien avant la décision de recouvrement. En effet, dans sa lettre du 31 janvier 2003, la Commission a demandé le paiement de 516 374,96 euros et de 12 684,89 USD.

123    À la suite de la dernière note de débit du 28 mars 2003 et de l’imposition d’intérêts à défaut de paiement, la Commission, dans sa lettre du 16 février 2004, a fixé le montant dû à 565 656,80 euros (voir point 43 ci-dessus). Elle a annexé les 11 notes de débit correspondant à la période du 20 août 1997 au 28 mars 2003 et indiqué son intention de procéder au recouvrement par voie de compensation.

124    De plus, il ressort du dossier que, en adoptant l’acte attaqué, la Commission s’est appuyée sur des pièces justificatives attestant les droits des Communautés conformément à l’article 71 du règlement financier et à l’article 80 du règlement n° 2342/2002. Ces pièces justificatives comprenaient le mémorandum initial signé et ratifié par la République hellénique, le mémorandum complémentaire signé par la République hellénique, les comptes rendus des réunions au cours desquelles la Commission a été autorisée par les partenaires, dont la République hellénique, à poursuivre le projet Abuja II sans attendre la finalisation du mémorandum complémentaire, les pièces concernant l’association de la République hellénique à la procédure d’appel d’offres pour le projet en 1999 et en 2000, ainsi que plusieurs pièces relatives aux dépenses liées au projet Abuja I et encourues par la République hellénique jusqu’au 13 juillet 2002.

125    En outre, chacune des 11 notes de débit adressées par la Commission à la République hellénique et jointes à la lettre du 16 février 2004, fixait une date d’échéance, ainsi que l’article 78 du règlement n° 2342/2002 le prévoit, et il est constant que la République hellénique n’a pas payé ses dettes dans les délais ainsi impartis.

126    La République hellénique n’a apporté aucun élément tendant à démontrer que la Commission n’avait pas suivi la procédure prévue par les règlements en cause et qu’elle n’était pas en droit de conclure que la créance était « certaine, liquide et exigible ». En particulier, la République hellénique n’a pas démontré que les dettes étaient conditionnelles ni que le montant dû n’avait pas été déterminé avec exactitude (voir point 115 ci-dessus).

127    En effet, s’agissant du projet Abuja II, la République hellénique n’a pas fait valoir que la créance n’était pas certaine et liquide. Elle s’est bornée à soutenir qu’elle n’avait aucune obligation financière concernant ce projet, argument rejeté par le Tribunal dans le cadre de la première branche du moyen unique.

128    En ce qui concerne le projet Abuja I, la République hellénique soutient que la Commission n’aurait pas dû procéder au recouvrement malgré des négociations en cours. Or, comme le Tribunal l’a indiqué au point 118 ci-dessus, l’existence de négociations ne pouvait pas empêcher la Commission de procéder au recouvrement. Il ressort notamment d’une lettre de la Commission du 12 juin 2003 que celle-ci était au courant de l’objection de la République hellénique concernant le projet Abuja I depuis cette date. Le Tribunal considère que la Commission était en droit de rejeter l’objection en cause et, en poursuivant les procédures prévues par le règlement financier et le règlement n° 2342/2002, de procéder en mars 2004 au recouvrement par voie de compensation.

129    Selon la République hellénique, la Commission n’était pas habilitée à procéder au recouvrement par compensation au motif que les règlements susmentionnés visent à protéger les intérêts financiers des Communautés. Or, les créances en cause seraient prétendument détenues par les partenaires et non par la Communauté (voir point 109 ci-dessus).

130    Le Tribunal considère que les créances en cause sont celles de la Communauté. En ce qui concerne le projet Abuja I, il est constant que la Commission, avec l’accord des États membres, louait le bâtiment en cause et sous-louait des bureaux à ceux-ci. La Commission fournissait également certains services aux États membres. Ces derniers, dont la République hellénique, ont utilisé les locaux en pleine connaissance du fait que la Commission s’était engagée vis-à-vis du propriétaire du bâtiment au nom de tous les occupants. La Commission était en effet leur mandataire à ces fins.

131    S’agissant du projet Abuja II, la Commission était également le mandataire des parties participantes (voir, par exemple, les articles 11 et 12 du mémorandum initial, points 11 et 12 ci-dessus). Il ressort du dossier que la Commission a avancé les montants contestés pour le compte des États membres et comme avance de sa propre participation totale au projet. Dès lors, c’était à la Communauté, et non pas aux partenaires, que les montants en cause étaient dus.

132    Il s’ensuit que, contrairement à ce que soutient la République hellénique, les conditions prévues pour un recouvrement par voie de compensation étaient remplies à la date de l’acte attaqué.

133    La deuxième branche du moyen unique doit donc être rejetée comme non fondée.

 Sur la demande de la Commission tendant au retrait du dossier de l’avis du service juridique du Conseil du 26 juin 1998

134    S’agissant de l’objection soulevée par la Commission à l’égard de l’avis du service juridique du Conseil du 26 juin 1998 (voir point 48 ci-dessus), il convient de rappeler qu’il serait contraire à l’intérêt public qui veut que les institutions puissent bénéficier des avis de leur service juridique, donnés en toute indépendance, d’admettre que de tels documents internes puissent être produits par des personnes autres que les services à la demande desquels ils ont été établis dans un litige devant le Tribunal sans que leur production ait été autorisée par l’institution concernée ou ordonnée par la juridiction (ordonnance de la Cour du 23 octobre 2002, Autriche/Conseil, C‑445/00, Rec. p. I‑9151, point 12, et ordonnance du Tribunal du 10 janvier 2005, Gollnisch e.a./Parlement, T‑357/03, Rec. p. II‑1, point 34).

135    En l’espèce, la République hellénique n’a pas fait valoir que le Conseil avait autorisé la production de l’avis en cause. Dans ces conditions, il convient de faire droit à la demande de la Commission et d’écarter ledit avis du dossier.

136    Il résulte de tout ce qui précède que le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

137    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La République hellénique ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de la Commission.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      L’avis du service juridique du Conseil du 26 juin 1998, produit par la République hellénique en annexe 12 de la requête, est retiré du dossier.

2)      Le recours est rejeté.

3)      La République hellénique est condamnée aux dépens.

García-Valdecasas

Cooke

Labucka

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 17 janvier 2007.

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : le grec.