Language of document : ECLI:EU:T:2007:27

ARRÊT DU TRIBUNAL (troisième chambre)

31 janvier 2007 (*)

« Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2003 – Erreur manifeste d’appréciation – Défaut de motivation – Droit d’être entendu »

Dans l’affaire T‑236/05,

Willem Aldershoff, demeurant à Bruxelles (Belgique), représenté par Mes S. Orlandi, X. Martin, A. Coolen, J.‑N. Louis et É. Marchal, avocats,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par Mmes C. Berardis‑Kayser et M. Velardo, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet l’annulation du rapport d’évolution de carrière du requérant pour l’exercice d’évaluation 2003,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (troisième chambre),

composé de MM. M. Jaeger, président, J. Azizi et Mme E. Cremona, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 28 juin 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        L’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci‑après le « statut »), prévoit :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément à l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

2        Les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE ») précisent les modalités d’établissement des rapports de notation. 

3        À compter de l’exercice d’évaluation 2002, la Commission a instauré un nouveau système de notation. Le 3 mars 2004, la Commission a adopté de nouvelles DGE (ci‑après les « DGE du 3 mars 2004 »), lesquelles s’appliquent aux rapports établis à compter du 1er janvier 2004, dont celui faisant l’objet de la présente procédure.

4        L’article 1er, paragraphes 1 et 2, des DGE du 3 mars 2004 dispose :

« 1. Conformément à l’article 43 du statut […], un exercice d’évaluation est organisé au début de chaque année. La période de référence pour l’évaluation s’étend du 1er janvier au 31 décembre de l’année précédente.

À cette fin, un rapport annuel, appelé rapport d’évolution de carrière est établi pour chaque fonctionnaire […]

2. L’exercice d’évaluation a notamment pour objet d’évaluer le rendement, les compétences et la conduite dans le service du titulaire du poste. Une note de mérite est attribuée sur la base des appréciations relatives à chacun de ces trois volets […] »

5        Les buts recherchés à travers l’adoption du nouveau système d’évolution de carrière ainsi que les critères pris en compte pour l’établissement du rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») avaient été auparavant précisés dans un autre document, intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide » (ci-après le « guide d’évaluation »). En page 7 du guide d’évaluation, il est indiqué que « [c]e guide se réfère aux procédures qui s’appliqueront intégralement lorsque le nouveau système d’évolution de carrière entrera pleinement en vigueur, en janvier 2003 ».

6        Ce guide a été porté à la connaissance du personnel de la Commission, par le moyen de l’intranet, en juillet 2002.

7        Le point 1.5 du guide d’évaluation décrit les objectifs du nouveau système d’évolution de carrière. Parmi ceux-ci figure, notamment, l’« amélioration de la qualité de l’évaluation, grâce à la mise en place d’un mécanisme permettant de comparer les résultats obtenus aux critères convenus préalablement ».

8        La méthode à suivre lors de l’établissement du REC fait l’objet du chapitre 3 du guide d’évaluation. En particulier, le point 3.1 prévoit :

« […] il est extrêmement important de disposer des preuves du travail effectué par l’intéressé afin que la discussion ait un sens. Les évaluateurs et les titulaires de postes doivent veiller, tout au long de l’année de référence, à collecter des exemples de travaux bien faits ou moins bien faits, à en conserver des copies ou à rédiger des notes, selon le cas […]

Le validateur doit veiller […] à prendre connaissance d’un nombre suffisant d’exemples de travail de l’intéressé pour se forger sa propre opinion. De la même manière, il doit étayer ce jugement par des exemples appropriés. »

9        Le point 4.4, deuxième alinéa, du guide d’évaluation prévoit que, à chacune des trois rubriques d’évaluation, correspond une échelle distincte de notation, allant de « excellent » (ou « très bien ») à « insuffisant », le nombre maximal de points étant de 10 pour le rendement, 6 pour les compétences et 4 pour la conduite dans le service. Un formulaire REC type figure en annexe I dudit guide. 

10      Le point 4.4, troisième et quatrième alinéas, du guide d’évaluation est rédigé comme suit :

« L’évaluateur se réfère aux lignes directrices fournies par la [direction générale ‘Personnel et administration’] sur les fourchettes de référence et à la moyenne cible pour la Commission en termes de points de mérite ainsi qu’aux standards définis au niveau de la [direction générale]. La moyenne cible pour 2003 est 14.

Les fourchettes de référence, qui correspondent aux pourcentages indicatifs des effectifs, autorisent différents rythmes de progression de carrière, avec 17-20 points (carrière rapide) pour un maximum de 15 %, 12-16 points (carrière normale) pour environ 75 % et 10-11 points (carrière lente) pour un maximum de 10 %. »

11      La procédure d’évaluation selon le nouveau système peut se résumer comme suit. Sur la base d’une « autoévaluation » établie par le fonctionnaire noté (ci‑après le « titulaire du poste »), l’évaluateur, supérieur hiérarchique direct du titulaire du poste, procède à un entretien formel avec ce dernier en prenant en considération l’autoévaluation susmentionnée. Il examine avec le titulaire du poste son rendement, les compétences qu’il a démontrées et sa conduite dans le service et lui propose les objectifs à atteindre dans le cadre du poste, étant entendu que ceux-ci doivent être à la mesure des conditions de travail (temps partiel, détachement, etc.) et cohérents avec les objectifs du programme de travail de la direction générale et de l’unité (article 8, paragraphes 4 et 5, des DGE du 3 mars 2004). Il procède ensuite à la rédaction d’un projet de REC. La phase d’élaboration du projet de REC est décrite à l’article 8, paragraphes 6 et 7, lequel prévoit :

« 6. Immédiatement après la tenue du dialogue formel, l’évaluateur rédige un projet de [REC]. Ce projet comporte notamment les appréciations relatives au rendement, aux compétences et à la conduite dans le service et une proposition de note de mérite cohérente avec les indications données lors du dialogue formel.

7. Lorsque, pour un grade donné, au moins deux tiers des projets de rapport d’évolution de carrière relevant de la compétence d’un validateur ont été rédigés, ce dernier vérifie avec les évaluateurs, l’application cohérente des normes d’évaluation […] et procède à la comparaison des mérites et à l’harmonisation des notes de mérite proposées, en se basant sur les indications données par les évaluateurs lors du dialogue formel.

[…] »

12      Ensuite, l’évaluateur et le validateur, supérieur hiérarchique direct de l’évaluateur, finalisent le REC et le communiquent au titulaire du poste qui, dans les cinq jours ouvrables, peut accepter le REC sans formuler d’observations, l’accepter en ajoutant des commentaires ou le refuser en motivant la demande de révision (article 8, paragraphes 8 et 9, des DGE du 3 mars 2004). En cas de refus, le validateur s’entretient avec le titulaire du poste. Après cet entretien, il confirme ou modifie le REC et le communique au titulaire du poste. Ce dernier dispose de dix jours ouvrables pour accepter ou refuser le rapport (article 8, paragraphe 10, des DGE du 3 mars 2004). Un nouveau refus entraîne alors la saisine du comité paritaire d’évaluation (ci‑après le « CPE ») (article 8, paragraphe 11, des DGE du 3 mars 2004).

13      L’article 9, paragraphe 4, premier alinéa, des DGE du 3 mars 2004 précise le rôle du CPE. Aux termes de cet article :

« Le [CPE] ne se substitue ni aux évaluateurs ni aux validateurs en ce qui concerne l’évaluation des prestations du titulaire du poste. Il s’assure que les rapports ont été établis équitablement, objectivement, c’est-à-dire dans la mesure du possible sur des éléments factuels, et conformément aux présentes [DGE] et au [guide d’évaluation]. Il vérifie notamment le respect de la procédure prévue à l’article 8. À cet effet, il procède aux consultations nécessaires et dispose des documents de travail utiles à ses travaux. »

14      L’avis du CPE est, ensuite, transmis à l’évaluateur d’appel, supérieur hiérarchique direct du validateur, qui peut confirmer ou modifier ledit avis. Toutefois, si l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans cet avis, il est tenu de motiver sa décision (article 9, paragraphe 7, des DGE du 3 mars 2004).

 Faits à l’origine du litige

15      Le 1er août 1983, le requérant est entré au service de la Commission en tant que fonctionnaire stagiaire de grade A 7. Par décision du 2 mai 1984, il a été titularisé dans ses grade et emploi.

16      Par décision du 24 février 2000, il a été muté à l’emploi de chef de l’unité 1 « Coopération policière et douanière » (ci‑après l’« unité B 1 »), à la direction B « Mise en œuvre de l’espace de liberté, de sécurité et de justice dans les matières qui relèvent du [traité sur l’Union européenne] – Coordination des relations extérieures » de la direction générale (DG) « Justice et affaires intérieures ».

17      Par décision du 21 janvier 2004, le requérant a été affecté en tant que conseiller rattaché à la direction « Affaires générales » de la DG « Justice et affaires intérieures », chargé de coordonner l’ensemble des activités du bureau local de sécurité, y inclus, notamment, la mise en œuvre de la réglementation de la Commission en matière de sécurité, l’assistance aux unités opérationnelles de la DG « Justice et affaires intérieures » et la liaison avec la direction « Sécurité intérieure et justice pénale ».

18      Au titre du rapport de notation pour la période allant du 1er juillet 1999 au 30 juin 2001 (ci-après le « rapport de notation 1999/2001 », lequel correspondait à l’ancien système de notation fondé sur quatre niveaux d’appréciation, à savoir « exceptionnel », « supérieur », « normal » et « insuffisant », sa compétence a été notée normale pour deux critères d’appréciation et supérieure pour les deux autres, son rendement a été jugé normal pour deux critères d’appréciation et supérieur pour le troisième et sa conduite a été qualifiée de supérieure pour les trois aspects concernés.

19      Dans le REC établi pour la période allant du 1er juillet 2001 au 30 décembre 2002 (ci‑après le « REC 2001/2002 »), il a obtenu une note globale de 13/20, dont 6/10 pour le rendement, 4/6 pour les aptitudes et 3/4 pour la conduite dans le service.

20      Dans le cadre de la procédure d’établissement du REC pour la période allant du 1er janvier au 31 décembre 2003 (ci‑après le « REC 2003 »), Mme S., l’évaluateur du requérant, a procédé le 18 février 2004 à l’entretien formel avec celui-ci. Le 6 mai 2004, elle a établi le REC 2003, en lui attribuant une note globale de 13,5/20, se décomposant comme suit : pour le rendement, une note de 6,5/10, avec l’appréciation « bien » ; pour les aptitudes (compétences), une note de 4/6, avec l’appréciation « bien », et, pour la conduite dans le service, une note de 3/4, avec l’appréciation « bien ».

21      La note globale attribuée au requérant est inférieure, d’une part, à la moyenne cible pour l’exercice d’évaluation 2003, à savoir 14/20, et, d’autre part, à la moyenne des notes des fonctionnaires du même grade au sein de la DG « Justice et affaires intérieures », qui se situe à 14,5/20.

22      Pour les rubriques relatives au rendement, aux aptitudes (compétences) et à la conduite dans le service, l’évaluateur a repris presque intégralement les appréciations figurant dans le REC 2001/2002, en précisant expressément qu’il reprenait ces appréciations. En termes de notation, la note attribuée au requérant pour son rendement a été augmentée d’un demi-point dans le REC 2003 par rapport au REC 2001/2002, les autres notes demeurant inchangées.

23      Le 24 mai 2004, le REC 2003 a été confirmé par le validateur.

24      Le 1er juin 2004, le requérant a demandé la révision du REC 2003 au motif que, selon lui, il existait une incohérence entre son autoévaluation et l’évaluation, ainsi qu’entre les appréciations de l’évaluateur et la notation chiffrée, notamment pour ce qui est de l’appréciation de son rendement.

25      Le requérant alléguait également que l’évaluateur avait commis une erreur manifeste d’appréciation en s’abstenant de tenir compte des difficultés particulières qui existaient sur le lieu de travail consécutivement au manque de personnel au sein de l’unité B 1, qu’il jugeait non compatible avec le volume des tâches qui y étaient attribuées. De même, n’auraient pas été pris en considération de nombreux résultats concrets et positifs qu’il aurait atteints. S’agissant de ce dernier point, le requérant citait, tout particulièrement, la réalisation en 2003, à son initiative, de deux communications, à savoir l’une sur l’avenir de la coopération policière et douanière dans l’Union européenne et l’autre sur l’avenir de la prévention contre la criminalité dans l’Union européenne (ci-après les « deux communications »).

26      Enfin, il faisait valoir que les appréciations de l’évaluateur relatives à son investissement personnel et à ses capacités d’encadrement constituaient une atteinte à sa réputation professionnelle.

27      À la suite d’un entretien avec le requérant qui s’est tenu le 3 juin 2004, le validateur a, le 10 juin 2004, corrigé les appréciations de l’évaluateur, tout en maintenant inchangées les notes attribuées.

28      Les corrections se lisaient comme suit :

« Rendement : L’autoévaluation de l’intéressé est exacte en ce qui concerne la quantité de travail fournie par l’unité, le respect d’une grande partie des délais impartis et la réalisation d’objectifs. La période a été plus satisfaisante de ce point de vue que ne l’avait été l’exercice mi‑2001/fin 2002. Le niveau de performance du chef d’unité doit donc être considéré comme bon au vu des diverses contraintes existantes y compris les ressources humaines allouées à l’unité. 

[…]

Aptitudes (compétences) : Aux prises avec une matière difficile nécessitant à la fois créativité et rigueur intellectuelle, l’intéressé a constamment cherché à approfondir sa relation avec un milieu malaisé à pénétrer et à élargir son point de vue. L’appréciation de son travail par des ‘stakeholders’ à l’extérieur de la Commission est attestée par les commentaires repris dans l’autoévaluation.

L’encadrement est resté indispensable mais a pu être allégé pour les tâches relativement routinières et se concentrer sur les orientations à donner et le contrôle de qualité, ainsi qu’une participation à la réflexion et à la mise en forme, notamment de la communication sur la coopération policière et douanière. 

[…]

Conduite dans le service : L’intéressé a constamment fait preuve d’engagement et de conscience professionnelle, ainsi que de loyauté à l’égard de l’institution. 

[…]

Synthèse : Pendant la période de référence, des progrès ont été réels et quelques faiblesses persistantes. L’évaluation est globalement positive, le niveau bon étant atteint dans les trois rubriques. »

29      Au point 8.2 (Révision du validateur & visa), le validateur a écrit le commentaire suivant :

« M. Aldershoff a, sans aucun doute, travaillé dur dans des conditions souvent difficiles pendant la période de référence. Sa manière de servir en tant que chef d’une unité dont la charge de travail a été importante est équitablement reflétée dans le rapport ».

30      Le requérant a refusé le REC 2003 le 30 juin 2004, ce qui a entraîné la saisine du CPE. À l’appui de son recours en appel, le requérant faisait valoir que les informations factuelles et vérifiables mentionnées dans son autoévaluation et rappelées au point 8.1 du REC 2003 n’avaient pas été prises en considération.

31      S’agissant de son rendement, il exposait que les commentaires du validateur confirmaient l’exactitude de son autoévaluation et témoignaient de l’existence de problèmes de ressources humaines dans l’unité B 1. En outre, il estimait que l’appréciation relative au « respect d’une grande partie des délais impartis » devrait être supprimée, dans la mesure où il n’avait jamais été informé, en 2003, de difficultés concernant le respect des délais. Enfin, selon lui, une mention des longues heures de travail qu’il aurait accomplies aurait dû être incluse dans le REC 2003.

32      En ce qui concerne le volet « Aptitudes » (compétences), le requérant reprenait le même grief tiré d’une contradiction entre les informations contenues dans son autoévaluation et les indications figurant au point 8.1 et d’une absence de prise en considération de tous les faits importants. Il indiquait que le paragraphe 2 de l’appréciation du validateur, lu en combinaison avec l’autoévaluation et les lettres émanant de cinq hauts représentants des services de police de certains États membres, constituait une preuve manifeste d’une « très bonne » performance dans ce domaine. Afin de justifier ses capacités d’encadrement, il précisait qu’il avait organisé en 2003 diverses réunions avec le personnel de l’unité B 1, afin de définir les tâches de cette dernière et évaluer l’évolution des dossiers. Il mettait également en avant son implication personnelle dans la définition des lignes d’orientation, la coordination et la surveillance du travail rédactionnel des deux communications et de plusieurs documents de réflexion ou des projets de décision du Conseil.

33      Enfin, il réitérait, devant le CPE, sa demande de suppression des appréciations de l’évaluateur figurant aux points 6.1, 6.2 et 6.3 du REC 2003, jugées préjudiciables à sa réputation professionnelle.

34      Le 16 juillet 2004, le CPE s’est réuni et a procédé à l’examen du REC 2003. Il a rendu l’avis suivant :

« Compte tenu des améliorations constatées à la lecture du rapport notamment sous le point 6.1 ‘Rendement’, et compte tenu également de l’environnement de travail difficile, du manque de ressources humaines et de l’atteinte par l’évalué des objectifs fixés, le comité s’interroge sur le fait que la note finale attribuée à l’évalué se situe en dessous de la moyenne cible.

Le comité invite l’évaluateur d’appel à examiner le rapport à la lumière de ce constat. 

Le comité rappelle à l’évaluateur d’appel l’obligation de justifier dûment toute décision allant à l’encontre de cet avis. »

35      Le 2 août 2004, l’évaluateur d’appel a confirmé l’évaluation faite dans le REC 2003 et a motivé sa décision comme suit :

« J’ai examiné le rapport attentivement. Je ne relève aucune incohérence entre les appréciations et les notes. J’ai bien noté l’avis du CPE et confirme ce rapport. »

36      Le 2 novembre 2004, le requérant a introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Par décision du 3 mars 2005, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la réclamation, estimant que les difficultés rencontrées sur le lieu de travail n’étaient pas « très difficiles », que tous les objectifs n’avaient pas été atteints et que le plan de l’une des deux communications avait dû être entièrement remanié, dans un souci de logique et de clarté.

 Procédure et conclusions des parties

37      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 17 juin 2005, le requérant a introduit le présent recours.

38      Le requérant n’ayant pas déposé de mémoire en réplique dans le délai qui lui avait été imparti et qui expirait le 8 décembre 2005, la procédure écrite a été close à cette date.

39      Le Tribunal a posé, à titre de mesures d’organisation de la procédure et conformément à l’article 64, paragraphe 3, de son règlement de procédure, des questions écrites aux parties. Celles-ci ont déféré à ces demandes dans les délais qui leur ont été impartis.

40      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal (troisième chambre) a décidé d’ouvrir la procédure orale. Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions du Tribunal lors de l’audience du 28 juin 2006.

41      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision établissant le REC 2003 ;

–        condamner la défenderesse aux dépens.

42      La défenderesse conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours comme non fondé ;

–        statuer sur les dépens comme de droit.

 En droit

43      À l’appui de son recours, le requérant invoque en substance quatre moyens. Dans le cadre du premier, il reproche à la Commission d’avoir commis une erreur manifeste d’appréciation lors de l’élaboration du REC 2003. Le deuxième est pris d’une violation des DGE du 3 mars 2004, de l’article 43 du statut et des buts et objectifs recherchés par la mise en place du nouveau système d’évaluation. Le troisième est tiré d’un défaut de motivation et d’une violation du droit d’être entendu. Dans le cadre du quatrième, le requérant allègue une violation de la vocation à la carrière ainsi qu’une atteinte à sa réputation professionnelle.

44      Il convient d’examiner, en premier lieu, le troisième moyen.

 Sur le troisième moyen, tiré d’un défaut de motivation et d’une violation du droit d’être entendu

 Arguments des parties

45      Dans le cadre du troisième moyen, le requérant allègue, en substance, un défaut de motivation du REC 2003, d’une part, ainsi qu’une violation du droit d’être entendu sur les explications données par l’AIPN lors du rejet de la réclamation, d’autre part.

46      Tout d’abord, le requérant soutient que le REC 2003 est entaché d’un défaut de motivation.

47      À cet égard, il qualifie d’imprécis et de fort succinct le commentaire porté sous la rubrique « Aptitudes » (compétences) selon lequel « l’encadrement du requérant est resté indispensable, mais a pu être allégé pour les tâches relativement routinières ». Cette appréciation ne permettrait ni au requérant ni au juge de contrôler l’exactitude de cette appréciation, dès lors qu’aucun manquement dans l’encadrement de la gestion de l’unité B 1 n’a été constaté. Plus généralement, le requérant estime que, à chaque étape de l’établissement du REC 2003, l’administration a manqué à son obligation de fournir une motivation pertinente.

48      À ce manque de motivation, s’ajouterait une absence totale de motivation par l’évaluateur d’appel, alors qu’une telle obligation serait imposée à celui-ci lorsqu’il décide de s’écarter des recommandations du CPE, en vertu de l’article 9, paragraphe 7, des DGE du 3 mars 2004.

49      Enfin, le requérant estime irrecevable le complément de motivation apporté par l’AIPN lors du rejet de la réclamation, selon lequel le plan de l’une des deux communications avait dû être entièrement remanié par son directeur. En effet, dès lors qu’il n’a pas été entendu par l’AIPN sur ce point, un tel argument ne pourrait pas être retenu à son égard sans violer les droits de la défense. Il s’agirait d’un commentaire nouveau émis par l’AIPN en violation du droit d’être entendu.

50      La défenderesse rappelle qu’il ressort d’une jurisprudence constante que l’obligation de motivation inscrite à l’article 25, deuxième alinéa, du statut a pour but, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle. Son étendue doit être appréciée en fonction des circonstances concrètes, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que le destinataire peut avoir à recevoir des explications (voir arrêt du Tribunal du 18 septembre 2003, Lebedef e.a./Commission, T‑221/02, RecFP p. I‑A‑211 et II‑1037, point 61, et la jurisprudence citée).

51      En l’espèce, l’évaluation serait motivée, compte tenu des références précises aux faiblesses du requérant et des éclaircissements ultérieurs donnés par l’AIPN dans la réponse à la réclamation. Quant à l’évaluateur d’appel, en réexaminant le REC 2003 et en concluant à l’absence de toute incohérence entre les notes et les appréciations, il aurait adopté l’ensemble de la motivation résultant du rapport.

52      La défenderesse ajoute que, conformément à une jurisprudence constante (arrêts du Tribunal du 28 avril 2004, Pascall/Conseil, T‑277/02, RecFP p. I‑A‑137 et II‑621, point 31, et du 15 septembre 2005, Casini/Commission, T‑132/03, non encore publié au Recueil, point 33), si le requérant et le Tribunal ne s’estimaient pas suffisamment informés, il serait encore possible d’apporter des précisions complémentaires, en cours d’instance, ce qui aurait pour effet de rendre sans objet un moyen tiré d’un défaut de motivation.

53      La défenderesse conteste également qu’une violation des droits de la défense ait été commise lors de l’élaboration du REC 2003. À cet égard, elle soutient que le respect des droits de la défense concerne uniquement la procédure qui conduit à l’adoption d’un acte faisant grief, mais n’impose pas d’adresser à la personne intéressée un avertissement préalable à l’ouverture d’une telle procédure. S’agissant de la procédure de notation, cette obligation impliquerait de confronter, tout au long de la procédure de notation, le titulaire du poste aux éléments sur lesquels le notateur entend fonder son appréciation. En revanche, il ne serait pas exigé des évaluateurs qu’ils consignent les éléments factuels servant de base à une appréciation négative dans une pièce de procédure, au sens de l’article 26, premier et deuxième alinéas, du statut, sous forme d’un avertissement écrit et que cette pièce de procédure soit versée au dossier individuel du titulaire du poste et portée à sa connaissance.

54      La défenderesse ajoute que, indépendamment de la procédure visant à l’établissement du REC 2003, le requérant avait déjà été informé, lors de ses exercices de notation précédents, du caractère non pleinement satisfaisant de ses prestations et que, par conséquent, il ne saurait prétendre qu’il n’avait pas été informé de certaines carences. La défenderesse cite le point 6.2 du REC 2001/2002, qui énonce :

« M. Aldershoff doit cependant encore accepter pleinement qu’un rôle d’encadrement suppose que son titulaire non seulement pallie les insuffisances éventuelles de ses collaborateurs, ce qu’il fait si nécessaire, mais aussi leur permette de situer leur rôle dans l’ensemble plus vaste, c’est-à-dire les guider autant que de besoin. »

 Appréciation du Tribunal

55      Selon une jurisprudence constante, l’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée et de mettre les intéressés en mesure de formuler des observations sur cette motivation (voir arrêt du Tribunal du 7 mai 2003, den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 69, et la jurisprudence citée).

56      En outre, l’article 9, paragraphe 7, deuxième alinéa, des DGE du 3 mars 2004 prévoit que, lorsque l’évaluateur d’appel s’écarte des recommandations figurant dans un avis du CPE, il motive sa décision. À cet égard, il y a lieu de rappeler que, en effet, la jurisprudence requiert qu’un soin particulier soit apporté dans certains cas à la motivation. Le rapport de notation devait ainsi être spécialement motivé au regard des recommandations du comité paritaire de notation, organisme précédant le CPE, si le notateur, qui est devenu l’évaluateur d’appel dans le nouveau système de notation, entendait ne pas les suivre et si l’avis faisait état de circonstances spéciales propres à jeter le doute sur la validité ou le bien-fondé de l’appréciation initiale et appelait, de ce fait, une appréciation spécifique du notateur d’appel quant aux conséquences éventuelles à tirer de ces circonstances (voir arrêt du Tribunal du 30 septembre 2004, Ferrer de Moncada/Commission, T‑16/03, RecFP p. I‑A‑261 et II‑1163, point 50, et la jurisprudence citée).

57      L’obligation de motivation a pour objet, d’une part, de fournir à l’intéressé une indication suffisante pour apprécier le bien-fondé de l’acte lui faisant grief et l’opportunité d’introduire un recours devant le Tribunal et, d’autre part, de permettre à ce dernier d’exercer son contrôle sur la légalité de l’acte. Le caractère suffisant de la motivation doit être apprécié au regard non seulement de son libellé, mais aussi du contexte factuel et juridique dans lequel s’inscrit l’adoption de l’acte attaqué (voir arrêt Casini/Commission, point 52 supra, points 30 et 31, et la jurisprudence citée).

58      En l’espèce, il ressort des points 6.1 à 6.3 du REC 2003 que l’évaluateur, puis le validateur, ont émis des commentaires sur chacun des trois volets relatifs au rendement, à la compétence, à la conduite dans le service ainsi qu’une appréciation générale sous le point 6.4 « Synthèse ». Ces appréciations ont été contestées par le requérant devant le CPE, lequel, dans son avis du 18 juillet 2004, a fait état d’un certain nombre de circonstances particulières relative au « Rendement » du requérant de nature à le conduire à s’interroger sur le bien-fondé de la note finale attribuée au requérant. Il est également constant que le CPE a invité l’évaluateur d’appel à fournir une motivation spécifique quant aux conséquences à tirer de ces circonstances, mais que ce dernier s’est borné à indiquer qu’il avait examiné attentivement le rapport, qu’il ne pouvait trouver aucune incohérence entre les appréciations et les notes chiffrées, qu’il avait pris note de l’avis du CPE  et qu’il confirmait le rapport.

59      À la lecture de l’avis du CPE, il est indiscutable que celui-ci a attiré l’attention de l’évaluateur d’appel sur l’amélioration des performances du requérant, notamment concernant son rendement, sur l’environnement de travail difficile de l’unité B 1 et le manque de ressources humaines, ainsi que sur le fait que le requérant a atteint les objectifs qui lui avaient été fixés et que, ce faisant, il a clairement fait état de circonstances spécifiques de nature à remettre en cause la validité ou le bien-fondé de l’appréciation initiale. Il en découle que l’évaluateur d’appel était tenu de rendre un avis motivé, c’est-à-dire contenant des éléments de réponse de nature à répondre suffisamment aux circonstances spécifiques soulevées par le CPE.

60      Dans ses écritures, la défenderesse s’est contentée d’indiquer que l’évaluateur d’appel avait implicitement repris à son compte les appréciations de l’évaluation initiale. Lors de l’audience, elle a précisé que les circonstances particulières soulevées par le CPE, comme l’environnement de travail difficile et le manque de ressources humaines, avaient déjà été prises en compte par le validateur, comme cela ressortirait des commentaires de celui-ci. Elle a également fait valoir que le CPE n’avait pas mentionné de circonstances nouvelles ni soulevé l’existence d’erreurs manifestes, mais avait simplement posé une question à l’évaluateur d’appel en l’interrogeant sur la possibilité de modifier le REC 2003. Ce faisant, elle a implicitement admis que l’évaluateur d’appel s’était abstenu de motiver son avis.

61      Lorsque l’évaluateur d’appel est saisi à la suite d’un avis du CPE qui fait état de circonstances spécifiques, il ne saurait être déchargé de son obligation de rendre un avis motivé en faisant un simple renvoi implicite à la motivation initiale. Une telle possibilité aurait pour conséquence de priver d’effet utile l’ensemble de la procédure devant le CPE. En l’espèce, l’évaluateur d’appel n’a manifestement pas rempli son obligation de rendre un avis contenant expressément et de façon suffisamment claire les raisons pour lesquelles, de son point de vue, le validateur n’avait pas commis d’erreur manifeste dans la prise en compte des circonstances relevées par le CPE.

62      Par ailleurs et contrairement à ce que prétend la Commission, les éclaircissements donnés ultérieurement par l’AIPN, lors du rejet de la réclamation, ne sauraient être considérés comme une motivation complémentaire de nature à purger le vice d’une insuffisance de motivation. En effet, l’AIPN a indiqué que les difficultés rencontrées sur le lieu de travail n’étaient pas « très difficiles », que tous les objectifs fixés n’avaient pas été atteints et que le plan de l’une des deux communications avait dû être entièrement remanié, dans un souci de logique et de clarté. La première explication n’est en réalité qu’un commentaire de l’appréciation du validateur portée au point 8.2 du REC 2003. La deuxième est une simple répétition du commentaire figurant à la rubrique « Rendement ». La troisième porte sur les « Aptitudes » (compétences) du requérant, alors que le CPE a fait état de circonstances spécifiques relatives au rendement du requérant. Dans ces conditions, les précisions de l’AIPN ne peuvent pas constituer un complément de motivation.

63      Il découle de ce qui précède que le REC 2003 ne contient pas de motivation sur les circonstances spécifiques qui sont mentionnées dans l’avis du 16 juillet 2004 du CPE et qui ont remis en cause le bien-fondé de la motivation initiale.

64      Enfin, s’agissant de la possibilité exceptionnelle pour l’administration d’apporter des précisions complémentaires en cours d’instance, le Tribunal relève que, selon une jurisprudence constante, une absence totale de motivation avant l’introduction d’un recours ne peut pas être couverte par des explications fournies par l’AIPN en cours d’instance (voir arrêt Casini/Commission, point 52 supra, point 33, et la jurisprudence citée). En effet, la possibilité pour l’administration d’apporter des précisions complémentaires n’est admise que lorsque, avant l’introduction de son recours, l’intéressé disposait déjà d’éléments constituant un début de motivation (arrêts Pascall/Conseil, point 52 supra, point 31, et Casini/Commission, point 52 supra, point 36). Or, en l’espèce, il a été constaté, aux points 61 à 63 ci-dessus, que l’administration n’a fourni aucun élément susceptible de constituer un début de motivation relative aux circonstances spécifiques soulevées par le CPE.

65      Il s’ensuit que le moyen tiré d’un défaut de motivation doit être accueilli et que la décision attaquée doit, dès lors, être annulée.

66      Toutefois, dans le cadre de son pouvoir de contrôle, le Tribunal estime opportun d’examiner également, à titre surérogatoire, le premier moyen d’annulation, relatif à la légalité au fond de la décision attaquée, à savoir le moyen tiré de l’erreur manifeste d’appréciation, dans la mesure où ce moyen concerne, en substance, les mêmes éléments factuels que celui tiré du défaut de motivation.

 Sur le premier moyen, tiré de l’erreur manifeste d’appréciation

 Arguments des parties

67      Le premier moyen se divise en deux griefs pris, respectivement, d’erreurs dans l’appréciation du rendement du requérant et d’une incohérence entre l’ensemble des appréciations et la notation chiffrée.

68      En ce qui concerne le premier grief, tiré d’erreurs commises dans l’appréciation de son rendement, le requérant fait valoir que la détermination du niveau de son rendement omet de prendre en considération les difficultés particulières auxquelles a été confrontée son unité en 2003.

69      Plus particulièrement, il conteste l’appréciation de l’AIPN selon laquelle les difficultés en cause auraient été qualifiées de « normales » par l’évaluateur, le validateur et les membres du CPE. Selon lui, le simple fait que ces difficultés soient mentionnées dans le REC 2003 ne peut avoir de sens que si elles sont « très grandes » ou « particulières ». Afin de qualifier la gravité ou la particularité de ces difficultés, il mentionne les preuves déjà présentées lors de son autoévaluation. Il s’agit d’une lettre du 7 avril 2004 de la présidence irlandaise de l’Union européenne qui a été adressée au directeur général de la DG « Justice et affaires intérieures », des commentaires de son « coach » ainsi que d’autres fonctionnaires de l’unité B 1. Le requérant indique, en outre, que ses collègues seraient prêts à confirmer le caractère au moins particulier desdites difficultés.

70      Selon le requérant, une autre erreur a été commise dans l’appréciation de son rendement, à savoir l’absence ou la prise en compte insuffisante des deux communications. Il rappelle que celles-ci conditionnaient l’obtention d’un très bon niveau de performance pour son rendement en 2003 et allègue qu’elles ont été approuvées par la hiérarchie sans être substantiellement modifiées.

71      À cet égard, le requérant conteste l’appréciation de l’AIPN selon laquelle le plan de l’une des deux communications a dû être entièrement remanié par son directeur. Il réitère ses allégations selon lesquelles le texte de cette communication n’a pas fait l’objet de modifications substantielles de la part du directeur général, qui est aussi son validateur, et précise que la table des matières a été adoptée presque sous la même forme que celle qui avait été présentée par son unité. En ce qui concerne la seconde des deux communications, il ressortirait de la fiche de circulation qui a accompagné la transmission du projet de communication à l’ensemble de la hiérarchie que le validateur a donné son visa sans émettre de commentaires.

72      Le requérant estime que, compte tenu du fait qu’il a atteint, voire dépassé, ses objectifs et que son unité a été confrontée à des difficultés particulières, l’appréciation « bien » qui lui a été attribuée pour son « Rendement », au lieu de la mention « exceptionnel » ou « très bien », entache le REC 2003 d’une erreur manifeste d’appréciation.

73      Premièrement, les objectifs qui lui avaient été assignés et validés le 30 avril 2003 auraient été largement dépassés, alors que son unité devait pallier un manque de personnel qui a causé des difficultés particulières. À cet égard, le validateur n’aurait pas contredit l’autoévaluation, mais aurait, au contraire, constaté que la période avait été plus satisfaisante, de ce point de vue, que ne l’avait été l’exercice précédent, eu égard au manque de ressources humaines dans l’unité B 1. Cependant, sa note n’aurait été augmentée que d’un demi-point.

74      Deuxièmement, le fait de reconnaître que le requérant a atteint ou dépassé ses objectifs malgré des difficultés particulières tenant à l’organisation ou aux conditions de son travail serait incompatible avec l’attribution, pour son rendement, du niveau (c) « bien », qui correspond à la description « Bon niveau de performance » et « A atteint la totalité ou la grande majorité des objectifs ». À cet égard, le requérant rappelle que seules les mentions « exceptionnel » et « très bien » tiennent compte de « très grandes difficultés » ou de « difficultés particulières » tenant à ses conditions de travail et que la mention « très bien » s’applique à un « très bon niveau de performance » du titulaire du poste qui « a dépassé la totalité ou la grande majorité des objectifs ou en a atteint un grand nombre (y compris les objectifs prioritaires) malgré les difficultés particulières sur le lieu de travail ».

75      En ce qui concerne le second grief, pris d’une incohérence entre, d’une part, les appréciations et, d’autre part, la notation chiffrée, le requérant s’appuie sur la jurisprudence selon laquelle les commentaires servent d’assise à l’établissement de la notation, laquelle doit être considérée comme une transcription chiffrée des commentaires (arrêt du Tribunal du 20 avril 2005, Sundholm/Commission, T‑86/04, non publié au Recueil, point 32). Or, en l’espèce, l’ensemble des commentaires rédigés par l’évaluateur aurait été modifié par le validateur sans que les points attribués sur cette base ne soient augmentés. Le requérant précise que les commentaires du validateur font apparaître une amélioration, qui serait étayée par les éléments de preuves qu’il a fournis, alors que les notes qui lui ont été attribuées le situent en dessous de la moyenne. Il ajoute que cette incohérence a été constatée par le CPE.

76      La défenderesse conteste qu’une erreur manifeste d’appréciation ait été commise dans l’élaboration du REC 2003.

77      À titre liminaire, elle rappelle la jurisprudence selon laquelle les notateurs disposent d’un très large pouvoir d’appréciation dans les jugements relatifs au travail des personnes qu’ils ont la charge de noter, ce qui interdit au juge communautaire, sauf en cas d’erreurs de fait manifestes ou de détournement de pouvoir, de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire, lorsqu’elle comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective (voir arrêt den Hamer/Commission, point 55 supra, point 58, et la jurisprudence citée). Elle précise encore que, selon la jurisprudence, le rapport de notation exprime l’opinion libre des notateurs et non l’appréciation de l’AIPN (arrêt du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, point 23).

78      En ce qui concerne le grief tiré d’une erreur dans l’appréciation du rendement du requérant, en premier lieu, la défenderesse conteste l’analyse selon laquelle le validateur a constaté la réalisation de tous les objectifs et le respect de tous les délais malgré les difficultés rencontrées au travail. En effet, il ressortirait du point 6.1 « Rendement » que le validateur a simplement reconnu l’exactitude de l’autoévaluation en ce qui concerne « la réalisation d’objectifs » et « le respect d’une grande partie des délais ». S’agissant de ce dernier point, la défenderesse ajoute que l’évaluateur avait déjà eu l’occasion, dans ses REC précédents, de signaler au requérant une certaine inaptitude à respecter tous les délais impartis et cite le rapport de notation 1999/2001.

79      En deuxième lieu, la défenderesse souligne que l’existence d’une éventuelle concordance entre le requérant et son évaluateur sur la description de certains faits ne signifie pas qu’il existe un accord sur l’évaluation. En l’espèce, il existerait une différence profonde d’analyse s’agissant de l’appréciation des faits.

80      En troisième lieu, elle estime que la thèse du requérant selon laquelle celui-ci devait se voir automatiquement octroyer un niveau « très bien » ou « exceptionnel », dès lors qu’il avait accompli des tâches dans un contexte de difficultés tenant à ses conditions de travail, a comme conséquence de priver l’évaluateur de son pouvoir d’appréciation. Le niveau devrait, au contraire, toujours s’apprécier en comparant les résultats atteints par rapport aux difficultés rencontrées. Par ailleurs, l’analyse du requérant ne serait pas compatible avec la jurisprudence relative à la reconnaissance d’un large pouvoir d’appréciation attribué aux notateurs (arrêt den Hamer/Commission, point 55 supra, point 58).

81      En quatrième lieu, en attribuant au requérant un demi-point de moins que la moyenne cible, l’évaluateur aurait estimé qu’un fonctionnaire standard aurait obtenu, dans des conditions de travail identiques ou similaires, de meilleurs résultats.

82      S’agissant du grief tiré d’une incohérence entre les appréciations et leur traduction chiffrée, c’est-à-dire la notation globale, la défenderesse estime que l’évaluation est cohérente dès lors que les commentaires positifs sont contrebalancés par certaines réserves. Elle cite, à titre d’exemples, le point 6.4 « Synthèse », qui mentionne « certaines faiblesses persistantes », et le point 6.2 « Aptitudes », selon lequel « l’encadrement est resté indispensable mais a pu être allégé pour les tâches relativement routinières et se concentrer sur les orientations à donner et le contrôle de qualité, ainsi qu’une participation à la réflexion et à la mise en forme de la communication sur la coopération policière et douanière ». Elle ajoute que l’évaluateur d’appel a réexaminé le REC 2003 et a conclu à l’absence de toute incohérence entre l’appréciation chiffrée et les commentaires.

 Appréciation du Tribunal

83      S’agissant du grief tiré d’erreurs dans le REC 2003, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, il n’appartient pas au Tribunal de contrôler le bien-fondé de l’appréciation portée par l’administration sur les aptitudes professionnelles d’un fonctionnaire, lorsqu’elle comporte des jugements complexes de valeur qui, par leur nature même, ne sont pas susceptibles d’une vérification objective (voir arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Cwik/Commission, T‑96/04, non encore publié au Recueil, point 41, et la jurisprudence citée). Par ailleurs, compte tenu du fait que les évaluateurs jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge d’évaluer, il appartient aux requérants d’établir l’existence d’une erreur manifeste d’appréciation (arrêt du Tribunal du 25 octobre 2005, Fardoom et Reinard/Commission, T‑43/04, non encore publié au Recueil, point 79).

84      En l’espèce, il convient de vérifier si le requérant a prouvé que l’évaluateur, puis le validateur et l’évaluateur d’appel avaient commis une erreur manifeste en lui attribuant l’appréciation « bien » pour chacune des trois rubriques relatives au rendement, à la compétence et à la conduite dans le service, telles que reprises aux points 6.1 à 6.3 du REC 2003, étant observé que cette appréciation est décrite à la rubrique « Rendement » comme correspondant à un « bon niveau de performance » et visant un fonctionnaire qui « a atteint la totalité ou la majorité des objectifs ».

85      S’agissant de l’appréciation portée sur le rendement du requérant, le validateur a approuvé l’autoévaluation en ce qui concerne la quantité de travail fournie par l’unité B 1, la réalisation d’objectifs et le respect d’une grande partie des délais et a estimé qu’il y avait eu une amélioration par rapport à l’exercice précédent. Il a également reconnu que l’unité B 1 avait été confrontée à « diverses contraintes existantes », en raison d’un manque de personnel. À la suite de ces constatations, il a confirmé l’augmentation d’un demi-point par rapport à l’exercice précédent de la note relative au rendement. Il ressort donc de cette appréciation ainsi que de celle portée au point 8.2 du REC 2003 que le validateur a pris en considération les difficultés auxquelles l’unité B 1 a été confrontée pour l’année 2003 lorsqu’il a déterminé le niveau du rendement du requérant. Cependant, il n’a pas estimé que ces difficultés pouvaient être qualifiées de « très grandes » ou de « particulières ».

86      À cet égard, le requérant a, pour sa part, produit certaines pièces (annexe 19 à la requête, p. 87, 89 et 91) visant à établir l’existence de très grandes difficultés qui auraient été de nature à empêcher l’unité B 1 d’atteindre ses objectifs. Il s’agit d’une lettre du 7 avril 2004 de la présidence irlandaise, d’une lettre du 24 janvier 2003 des présidents du Réseau européen de prévention de la criminalité durant les présidences danoise et grecque et d’une lettre du 15 janvier 2004 du chef de l’unité « Lutte contre la criminalité économique et financière et contre la cybercriminalité » de la DG « Justice et affaires intérieures ». Le requérant a également indiqué, dans l’autoévaluation du REC 2003, ce qui suit :

« Le REC de l’an dernier avait clairement indiqué que l’unité B 1 serait en mesure de s’acquitter adéquatement de son travail structurel en cours […] compte tenu de l’arrivée effective de trois postes supplémentaires alloués (deux A et un B). Le poste B est devenu effectif en mars 2003, mais les deux postes A ne se sont jamais matérialisés. »

87      En réponse à la question écrite du Tribunal lui demandant d’apporter des éléments susceptibles d’étayer son affirmation sur les prévisions de recrutement dans le cadre de la catégorie A pour 2003, le requérant a produit, en annexe à sa réponse, deux documents. Le premier est une note interne établie par Mme S., l’évaluateur du requérant, qui est datée du 18 novembre 2002 et est intitulée « Allocation postes 2003 », et qui confirme l’attribution à l’unité B 1, dont le requérant était le chef, de trois postes de catégorie A et d’un poste de catégorie B pour l’année 2003. Le second est un organigramme de l’unité en cause, daté du 1er novembre 2003, qui comporte, pour deux postes, la mention « Poste à pourvoir » et, pour un troisième, « Poste à publier » et qui, selon le requérant, établirait que deux postes de catégorie A n’avaient toujours pas été pourvus à cette date.

88      Lors de l’audience et en réponse à une question du Tribunal, la défenderesse a admis que les deux postes de catégorie A, identifiés dans l’organigramme comme « Postes à pourvoir », n’avaient pas été pourvus, tout en précisant que deux autres fonctionnaires de catégorie A et un fonctionnaire de catégorie B avaient été affectés à l’unité B 1 en 2003. Or, il ressort des éclaircissements donnés à l’audience que les deux postes de catégorie A qui ont été pourvus, à savoir par l’engagement en mars 2003 de MM. F. et R. V., correspondaient, en réalité, à des emplois antérieurement pourvus. En effet, il s’agissait, dans le cas de M. F., du remplacement d’un fonctionnaire parti en congé maternité et, dans le cas de M. R. V., d’un retour dans son unité d’origine, après avoir été temporairement transféré dans une autre unité. Ainsi, au regard de ces explications, il doit être compris que, en novembre 2003, aucun des trois postes de catégorie A prévus par la note du 18 novembre 2002 n’avait été pourvu, le troisième poste de catégorie A correspondant au « Poste à publier ».

89      Par ailleurs, il ressort de l’organigramme du 1er novembre 2003 que l’unité du requérant était composée de douze personnes en poste à cette date, Mme H. n’ayant pas encore pris ses fonctions. Le recrutement de quatre personnes (trois administrateurs et une secrétaire), prévu en novembre 2002, aurait représenté, s’il avait été réalisé, une augmentation de 33 % des effectifs. La défenderesse a indiqué, lors de l’audience, que, selon l’organigramme de l’unité B 1 établi pour l’année 2004, il était prévu que celle-ci serait composée de seize personnes. Une telle augmentation correspond aux postes qui auraient dû normalement être alloués à l’unité B 1 en 2003, ce qui démontre que celle-ci était confrontée, jusqu’à la fin de l’année 2003, à un grave sous-effectif, révélant des « difficultés particulières ».

90      Il est également constant que la défenderesse n’a pas contesté l’affirmation du requérant selon laquelle celui-ci avait indiqué, dans le REC 2001/2002, que son unité serait en mesure de s’acquitter adéquatement de son travail structurel en cours compte tenu de l’arrivée effective des agents occupant les trois postes supplémentaires alloués (deux agents de catégorie A et un agent de catégorie B). À cet égard, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 5, sous b), des DGE du 3 mars 2004, « les objectifs à atteindre doivent être à la mesure des conditions de travail (temps partiel, détachement…) et cohérents avec les objectifs du programme de travail de la direction générale et de l’unité » et qu’« ils constituent la base de référence pour l’évaluation du rendement ». En application de cette disposition, l’évaluateur du requérant a dû déterminer les objectifs, en tenant compte des prévisions de recrutement mentionnées dans la note du 18 novembre 2002. Par ailleurs, dans sa réponse du 16 juin 2006 aux questions écrites du Tribunal, le requérant a également indiqué, sans être contredit sur ce point par la défenderesse, que, malgré l’absence de recrutement pour les postes de catégorie A initialement prévus, des contraintes d’ordre politique avaient empêché la révision à la baisse des objectifs à atteindre, en particulier la production des deux communications, qui avaient été annoncées aux États membres. Au regard de ces éléments, il doit être conclu que les objectifs attribués à l’unité B 1 ont été déterminés sur la base de prévisions d’effectifs qui n’ont finalement pas été confirmées et que ces objectifs n’ont pas été révisés à la baisse lorsqu’il est apparu que les recrutements annoncés ne seraient pas pourvus.

91      Dans ces conditions, le Tribunal estime que le validateur, en accordant au requérant la note de 6,5 pour son rendement, n’a pas correctement tiré les conclusions qui s’imposaient au regard de son appréciation selon laquelle il y avait lieu de reconnaître le bien-fondé de l’autoévaluation en ce qui concernait la réalisation d’objectifs ainsi qu’une progression par rapport à l’exercice précédent. En effet, une telle note est indiscutablement incohérente avec l’appréciation du validateur compte tenu des conditions dans lesquelles les objectifs ont été fixés et réalisés.

92      À la lumière des éléments du dossier, il y a lieu de constater que le requérant a démontré l’existence d’une erreur manifeste dans l’appréciation de son rendement et que le premier moyen est également fondé.

93      Il s’ensuit que le recours doit être accueilli sur le fondement du premier et du troisième moyen, sans qu’il soit nécessaire d’examiner le reste du recours.

 Sur les dépens

94      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La défenderesse ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,


LE TRIBUNAL (troisième chambre)


déclare et arrête :


1)      Le rapport d’évaluation de carrière du requérant, M. Willem Aldershoff, pour l’exercice 2003 est annulé.



2)      La Commission est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux du requérant.

Jaeger

Azizi

Cremona

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 31 janvier 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le français.