Language of document : ECLI:EU:T:2007:32



ARRÊT DU TRIBUNAL (cinquième chambre)

6 février 2007 (*)

« Accord d’association entre la CEE et la République de Turquie – Remise de droits à l’importation – Concentré de jus de fruits en provenance de Turquie – Code des douanes communautaire – Certificats de circulation – Situation particulière – Droits de la défense »

Dans l’affaire T‑23/03,

CAS SpA, établie à Vérone (Italie), représentée par Me D. Ehle, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par M. X. Lewis, en qualité d’agent, assisté de Me M. Nuñez Müller, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation partielle de la décision de la Commission du 18 octobre 2002 (REC 10/01), relative à une demande de remise de droits à l’importation,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (cinquième chambre),

composé de M. M. Vilaras, président, Mmes M. E. Martins Ribeiro et K. Jürimäe, juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 15 novembre 2005,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

A –  Réglementation relative au régime préférentiel

1        La présente affaire se situe dans le cadre de l’accord d’association créant une association entre la Communauté économique européenne (CEE) et la République de Turquie (ci-après l’« accord d’association »), signé à Ankara par la République de Turquie, d’une part, et les États membres de la CEE et la Communauté, d’autre part (ci-après les « parties contractantes »). L’accord d’association a été approuvé par décision 64/732/CEE du Conseil, du 23 décembre 1963 (JO 1964, 217, p. 3685). Il est entré en vigueur le 1er décembre 1964.

2        L’accord d’association a pour objet, aux termes de son article 2 figurant sous le titre I, relatif aux principes, de promouvoir le renforcement continu et équilibré des relations commerciales et économiques entre les parties contractantes.

3        Il comporte une phase préparatoire permettant à la République de Turquie, aux termes de son article 3, de renforcer son économie, avec l’aide de la Communauté, une phase transitoire consacrée, selon son article 4, à la mise en place progressive d’une union douanière et au rapprochement des politiques économiques et une phase définitive qui, aux termes de son article 5, est fondée sur l’union douanière et implique le renforcement de la coordination des politiques économiques.

4        Les parties contractantes prennent, aux termes de l’article 7, toutes les mesures générales ou particulières propres à assurer l’exécution des obligations découlant de l’accord d’association et s’abstiennent de toutes mesures susceptibles de mettre en péril la réalisation des objectifs de celui-ci.

5        Les articles 22 et 23, figurant sous le titre III consacré aux dispositions générales et finales, prévoient l’institution d’un conseil d’association composé, d’une part, de membres des gouvernements des États membres, du Conseil et de la Commission et, d’autre part, de membres du gouvernement turc (ci-après le « conseil d’association »), qui, statuant à l’unanimité, dispose, pour la réalisation des objectifs fixés par l’accord d’association, d’un pouvoir de décision. L’article 25 confère à ce conseil, sur saisine de chacune des parties contractantes, compétence pour régler tout différend relatif à l’application ou à l’interprétation de l’accord d’association ou le soumettre à la Cour.

6        La phase définitive de l’union douanière est entrée en vigueur le 31 décembre 1995 [article 1er et article 65, paragraphe 1, de la décision n° 1/95 du conseil d’association, du 22 décembre 1995, relative à la mise en place de la phase définitive de l’union douanière (JO 1996, L 35, p. 1), ci-après la « décision n° 1/95 » ou « décision de base »].

7        Conformément à l’article 11 de l’accord d’association, le régime d’association s’étend à l’agriculture et aux échanges de produits agricoles selon des modalités particulières tenant compte de la politique agricole commune de la Communauté.

1.     Réglementation en vigueur pendant la phase transitoire

8        Par décision n° 1/80, du 19 septembre 1980, relative au développement de l’association, le conseil d’association a décidé d’éliminer les droits de douane qui demeuraient applicables à l’importation, dans la Communauté, des produits agricoles originaires de Turquie et non encore admis en exemption de droits dans la Communauté.

9        Conformément à l’article 1er, paragraphe 1, du règlement (CEE) n° 4115/86 du Conseil, du 22 décembre 1986, relatif à l’importation dans la Communauté de produits agricoles originaires de Turquie (JO L 380, p. 16), les produits énumérés à l’annexe II du traité CEE, originaires de Turquie, à l’exclusion des produits figurant en annexe dudit règlement, ont été mis en libre pratique dans la Communauté en exemption des droits de douane. Conformément à l’article 2, paragraphe 2, du règlement n° 4115/86, étaient considérés comme produits originaires de Turquie les produits répondant aux conditions fixées dans la décision n° 4/72 du conseil d’association, du 29 décembre 1972, relative à la définition de « produits originaires » de la Turquie pour l’application des dispositions de l’annexe n° 6, chapitre I, du protocole additionnel à l’accord d’association, jointe au règlement (CEE) n° 428/73 du Conseil, du 5 février 1973, concernant l’application des décisions nos 5/72 et 4/72 du conseil d’association (JO L 59, p. 73), modifiée par la décision n° 1/75 du conseil d’association, du 26 mai 1975, jointe au règlement (CEE) n° 1431/75 du Conseil, modifiant le règlement n° 428/73 (JO L 142, p. 1).

10      Selon l’article 1er de la décision n° 4/72, sont considérés comme produits originaires de la Turquie :

« a) les produits du règne végétal récoltés en Turquie,

[…]

f)       les marchandises obtenues en Turquie par l’ouvraison ou la transformation de produits visés sous a) à e), même si d’autres produits sont entrés dans leur fabrication, à condition que les produits qui n’ont pas été obtenus en Turquie ou dans la Communauté ne soient entrés qu’accessoirement dans cette fabrication ».

11      Le règlement (CEE) n° 3719/88 de la Commission, du 16 novembre 1988, portant modalités communes d’application du régime des certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 331, p. 1), est applicable aux certificats institués par les règlements prévus à son article 1er. Son article 28, paragraphe 4, dispose :

« 4. Les États membres communiquent également à la Commission les empreintes des cachets officiels et, le cas échéant, des timbres secs des autorités appelées à intervenir. La Commission en informe aussitôt les autres États membres. »

12      Par décision n° 5/72, du 29 décembre 1972, relative aux méthodes de coopération administrative pour l’application des articles 2 et 3 du protocole additionnel à l’accord d’association (JO 1973, L 59, p. 74), le conseil d’association a posé la règle selon laquelle la présentation d’un titre justificatif délivré à la demande de l’exportateur par les autorités douanières de la République de Turquie ou d’un État membre était nécessaire pour l’obtention du régime préférentiel. Pour les marchandises transportées directement de Turquie dans un État membre, il s’agit du certificat de circulation des marchandises A.TR.1 (ci-après le « certificat A.TR.1 »), dont un modèle est annexé à la décision (article 2). Ce modèle a été remplacé par le formulaire annexé à la décision n° 1/78 du conseil d’association, du 18 juillet 1978, modifiant la décision n° 5/72 (JO L 253, p. 2). Ce modèle a, à son tour, été légèrement modifié par la décision n° 4/95 du conseil d’association, du 22 décembre 1995, modifiant la décision n° 5/72 (JO 1996, L 35, p. 48).

13      L’article 11 de la décision n° 5/72 dispose que les États membres et la République de Turquie se prêtent mutuellement assistance, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives, pour le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats, « en vue d’assurer une application correcte des dispositions de la présente décision ».

14      L’article 12 de la décision n° 5/72 énonce ensuite :

« La [République de] Turquie, les États membres et la Communauté prennent, chacun en ce qui le concerne, les mesures que comporte l’exécution des dispositions de la décision. »

15      Conformément à l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4115/86, les méthodes de coopération administrative devant assurer l’admission des produits visés à l’article 1er au bénéfice des droits de douane réduits étaient celles fixées par la décision n° 5/72, modifiée en dernier lieu par la décision n° 1/78.

2.     Réglementation en vigueur pendant la phase définitive

16      La décision n° 1/95 réglemente de façon détaillée la mise en place de la phase définitive de l’union douanière. Son article 29 dispose :

« L’assistance mutuelle en matière douanière entre les autorités administratives des parties contractantes est régie par les dispositions de l’annexe 7, qui, en ce qui concerne la Communauté, couvrent les matières relevant de la Communauté. »

17      L’article 2, paragraphe 1, de l’annexe 7, concernant l’assistance mutuelle en matière douanière, de la décision n° 1/95, dispose :

« Les parties contractantes se prêtent mutuellement assistance, dans les domaines relevant de leur compétence […], pour garantir que la législation douanière est correctement appliquée, notamment en prévenant et en décelant les opérations contraires à cette législation et en menant des enquêtes à leur sujet. »

18      L’article 3, paragraphe 6, de la décision n° 1/95 dispose que le comité de coopération douanière détermine les méthodes de coopération administrative.

19      L’article 5, paragraphe 2, de la décision n° 1/96 du comité de coopération douanière, du 20 mai 1996, portant modalités d’application de la décision n° 1/95 (JO L 200, p. 14), dispose que la validation du document nécessaire pour permettre la libre circulation des marchandises concernées fait naître une dette douanière à l’importation. Conformément à l’article 6 de cette décision, le traitement préférentiel des produits agricoles importés de Turquie est soumis à la délivrance du titre justificatif constitué par le certificat A.TR.1. Un modèle de ce certificat figure à l’annexe I, mais l’article 7, paragraphe 1, de ladite décision dispose que les formulaires prévus par la décision n° 5/72 pouvaient continuer à être utilisés jusqu’au 30 juin 1997.

20      L’article 15 de la décision n° 1/96 prévoit ce qui suit :

« En vue d’assurer l’application correcte de la présente décision, les États membres et la [République de] Turquie se prêtent mutuellement assistance, par l’entremise de leurs administrations douanières respectives et dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue à l’article 29 et à l’annexe 7 de la décision de base, pour le contrôle de l’authenticité et la régularité des certificats. »

21      L’article 13, paragraphe 2, de la décision n° 1/96 énonce :

« […] La case 12 de l’extrait doit faire mention du numéro d’enregistrement, de la date, du bureau et du pays de délivrance du certificat initial […] »

22      L’annexe II, point II, paragraphe 12, de la décision n° 1/96 prévoit que les indications relatives à la case 12 du certificat de circulation A.TR.1 sont à compléter par l’autorité compétente.

23      Enfin, l’article 4 de la décision n° 1/96 dispose :

« Sans préjudice des dispositions sur la libre circulation prévues dans la décision de base, le code des douanes communautaire et ses dispositions d’application, applicables sur le territoire douanier de la Communauté, et le code des douanes turc et ses dispositions d’application, applicables sur le territoire douanier de la [République de] Turquie, s’appliquent aux échanges de marchandises entre les deux parties de l’union douanière dans les conditions prévues dans la présente décision. »

B –  Réglementation douanière

1.     Réglementation relative à la remise des droits de douane

24      En ce qui concerne la possibilité d’une remise des droits à l’importation, l’article 239 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (JO L 302, p. 1, ci-après le « CDC »), énonce ce qui suit :

« Il peut être procédé [...] à la remise des droits à l’importation [...] dans des situations [...] qui résultent de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé. Les situations dans lesquelles il peut être fait application de cette disposition ainsi que les modalités de procédure à suivre à cette fin sont définies selon la procédure du comité. »

25      L’article 905 du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d’application du règlement n° 2913/92 (JO L 253, p. 1, ci-après le « règlement d’application du CDC »), prévoit, en son paragraphe 1, les dispositions suivantes :

« 1. Lorsque l’autorité douanière de décision, saisie de la demande de remboursement ou de remise au titre de l’article 239, paragraphe 2, du [CDC], n’est pas en mesure, sur la base de l’article 899, de décider et que la demande est assortie de justifications susceptibles de constituer une situation particulière qui résulte de circonstances n’impliquant ni manœuvre ni négligence manifeste de la part de l’intéressé, l’État membre dont relève cette autorité transmet le cas à la Commission pour être réglé conformément à la procédure prévue aux articles 906 à 909 [...] »

26      L’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC dispose :

« Il n’est pas procédé au remboursement ou à la remise des droits à l’importation lorsque, selon le cas, le seul motif à l’appui de la demande de remboursement ou de remise est constitué par :

[…]

c)      la présentation, même de bonne foi, pour l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel en faveur de marchandises déclarées pour la libre pratique, de documents dont il est établi ultérieurement qu’ils étaient faux, falsifiés ou non valables pour l’octroi de ce traitement tarifaire préférentiel. »

27      L’article 236 du CDC dispose :

« 1. Il est procédé au remboursement des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de son paiement leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220, paragraphe 2.

Il est procédé à la remise des droits à l’importation ou des droits à l’exportation dans la mesure où il est établi qu’au moment de leur prise en compte leur montant n’était pas légalement dû ou que le montant a été pris en compte contrairement à l’article 220, paragraphe 2.

Aucun remboursement ni remise n’est accordé, lorsque les faits ayant conduit au paiement ou à la prise en compte d’un montant qui n’était pas légalement dû résultent d’une manœuvre de l’intéressé.

[…] »

28      L’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC dispose qu’il n’est pas procédé à une prise en compte a posteriori des droits résultant d’une dette douanière lorsque le montant des droits légalement dus n’a pas été pris en compte par la suite d’une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane.

2.     Réglementation relative aux règles d’origine

29      L’article 20 du CDC dispose notamment :

« 1. Les droits légalement dus en cas de naissance d’une dette douanière sont fondés sur le tarif douanier des Communautés européennes.

2. Les autres mesures établies par des dispositions communautaires spécifiques dans le cadre des échanges des marchandises sont, le cas échéant, appliquées en fonction du classement tarifaire de ces marchandises.

3. Le tarif douanier des Communautés européennes comprend :

[…]

d)      les mesures tarifaires préférentielles contenues dans des accords que la Communauté a conclus avec certains pays ou groupes de pays et qui prévoient l’octroi d’un traitement tarifaire préférentiel. »

30      L’article 27, sous a), du CDC prévoit, quant à lui, ce qui suit :

« Les règles d’origine préférentielle fixent les conditions d’acquisition de l’origine des marchandises pour bénéficier des mesures visées à l’article 20, paragraphe 3, [sous] d) ou e). Ces règles sont :

a)      pour les marchandises reprises dans les accords visés à l’article 20, paragraphe 3, [sous] d), déterminées dans ces accords. »

31      Le règlement d’application du CDC, dans sa rédaction applicable au présent litige [article 93, modifié et numéroté article 92 par le règlement (CE) n° 3254/94 de la Commission, du 19 décembre 1994 (JO L 346, p.1) (ci-après l’ « article 93 du règlement d’application du CDC »)], dispose :

1. Les pays bénéficiaires communiquent à la Commission européenne les noms et adresses des autorités gouvernementales situées sur leur territoire habilitées à délivrer les certificats d’origine formule A ainsi que les spécimens des empreintes des cachets utilisés par ces autorités. La Commission communique ces informations aux autorités douanières des États membres.

2. Les pays bénéficiaires communiquent aussi à la Commission les noms, adresses et spécimens d’empreinte de cachet des autorités gouvernementales habilitées à fournir les attestations d’authenticité mentionnées à l’article 86. La Commission communique ces informations aux autorités douanières des États membres.

3. La Commission publie au Journal officiel des Communautés européennes, série C la date à laquelle les nouveaux pays bénéficiaires au sens de l’article 97 ont satisfait aux obligations prévues aux paragraphes 1 et 2. »

C –  Réglementation relative à la confidentialité de certains documents

32      L’article 8, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 1073/1999 du Parlement européen et du Conseil, du 25 mai 1999, relatif aux enquêtes effectuées par l’Office européen de lutte antifraude (OLAF) (JO L 136, p. 1), prévoit ce qui suit :

« Confidentialité et protection des données

1. Les informations obtenues dans le cadre des enquêtes externes, sous quelque forme que ce soit, sont protégées par les dispositions relatives à ces enquêtes. »

33      L’article 9, paragraphe 2, du même règlement dispose, quant à lui :

« Rapport d’enquête et suites des enquêtes

[…]

2. Ces rapports sont établis en tenant compte des exigences de procédure prévues par la loi nationale de l’État membre concerné. Les rapports ainsi dressés constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire. Ils sont soumis aux mêmes règles d’appréciation que celles applicables aux rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux et ont une valeur identique à ceux-ci. »

34      L’article 8, paragraphe 1, du règlement (Euratom, CE) n° 2185/96 du Conseil, du 11 novembre 1996, relatif aux contrôles et vérifications sur place effectués par la Commission pour la protection des intérêts financiers des Communautés européennes contre les fraudes et autres irrégularités (JO L 292, p. 2), dispose :

« 1. Les informations communiquées ou obtenues en vertu du présent règlement, sous quelque forme que ce soit, sont couvertes par le secret professionnel et bénéficient de la protection accordée aux informations analogues par la loi nationale de l’État membre qui les a reçues et par les dispositions correspondantes applicables aux institutions communautaires. »

35      L’article 4 du règlement (CE) n° 1049/2001 du Parlement européen et du Conseil, du 30 mai 2001, relatif à l’accès du public aux documents du Parlement européen, du Conseil et de la Commission (JO L 145, p. 43), dispose :

« Exceptions

1. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où la divulgation porterait atteinte à la protection :

a) de l’intérêt public, en ce qui concerne :

–        la sécurité publique,

–        la défense et les affaires militaires,

–        les relations internationales,

–        la politique financière, monétaire ou économique de la Communauté ou d’un État membre ;

b)      de la vie privée et de l’intégrité de l’individu, notamment en conformité avec la législation communautaire relative à la protection des données à caractère personnel.

2. Les institutions refusent l’accès à un document dans le cas où sa divulgation porterait atteinte à la protection :

–        des intérêts commerciaux d’une personne physique ou morale déterminée, y compris en ce qui concerne la propriété intellectuelle,

–        des procédures juridictionnelles et des avis juridiques,

–        des objectifs des activités d’inspection, d’enquête et d’audit,

à moins qu’un intérêt public supérieur ne justifie la divulgation du document visé. »


 Faits à l’origine du litige

A –  Importations litigieuses

36      La requérante CAS SpA est une société de droit italien, filiale à 95,1 % de Steinhauser GmbH, établie à Ravensburg (Allemagne). L’activité essentielle de la requérante consiste à transformer des concentrés de jus de fruits importés, et elle exerce parallèlement une activité d’importatrice de ces produits en Italie. C’est essentiellement la société Steinhauser qui entretient des relations d’affaires avec les fournisseurs étrangers.

37      Entre le 5 avril 1995 et le 20 novembre 1997, la requérante a importé et mis en libre pratique dans la Communauté du jus de pomme et du jus de poire concentrés, déclarés comme étant en provenance et originaires de Turquie. L’importation dans la Communauté de ce type de produit a été faite à l’aide de certificats A.TR.1, de sorte que ces produits ont bénéficié de l’exonération des droits de douane prévue par l’accord d’association et le protocole additionnel.

38      Conformément à l’article 29 de la décision n° 1/95, le service des douanes de Ravenne (Italie) a effectué un contrôle documentaire a posteriori concernant l’authenticité du certificat A.TR.1 D 141591, présenté par la requérante lors de l’une des opérations d’importation comprises dans la période allant du 5 avril 1995 jusqu’au 20 novembre 1997. Conformément aux dispositions applicables en cette matière, la demande de vérification de l’authenticité dudit certificat a été adressée aux autorités turques.

39      Par lettre du 15 mai 1998, les autorités turques ont informé le service des douanes de Ravenne qu’il résultait du contrôle effectué que ce certificat n’était pas authentique, étant donné qu’il n’avait pas été délivré par les autorités douanières turques. Elles annonçaient par ailleurs que d’autres contrôles seraient effectués.

40      En conséquence, les autorités italiennes ont procédé au contrôle a posteriori de 103 certificats A.TR.1 présentés par la requérante lors de diverses opérations d’importation.

41      Par lettre du 10 juillet 1998, la représentation permanente de la République de Turquie auprès de l’Union européenne (ci-après la « représentation permanente turque ») a informé la Commission que 22 certificats A.TR.1 présentés par la requérante, énumérés dans l’annexe à cette lettre et concernant les exportations de la société turque Akman vers l’Italie, étaient faux (false). La Commission a transmis cette lettre aux autorités douanières italiennes par courrier du 20 juillet 1998.

42      Entre le 12 et le 15 octobre 1998 ainsi que le 30 novembre et le 2 décembre 1998, l’Unité de coordination de la lutte antifraude de la Commission [(UCLAF), précurseur de l’OLAF] a entrepris des vérifications en Turquie.

43      Par lettre du 8 mars 1999, la représentation permanente turque a informé le service des douanes de Ravenne que 32 certificats A.TR.1 présentés par la requérante (ci-après les « certificats litigieux »), incluant 18 certificats énumérés dans l’annexe de la lettre du 10 juillet 1998, n’avaient été ni établis ni validés par les autorités turques. Lesdits certificats sont désignés dans l’annexe de cette lettre.

44      Les autorités douanières italiennes ont estimé qu’il ressortait de l’ensemble de la correspondance échangée entre elles-mêmes, la Commission, l’UCLAF et les autorités turques que ces dernières considéraient que 48 certificats A.TR.1, en ce compris les certificats litigieux, relatifs à des exportations vers l’Italie effectuées par la requérante par le biais de la société turque Akman, étaient soit faux, soit irréguliers.

45      En l’espèce, les 32 certificats litigieux [correspondant à des droits de douane d’un montant total de 3 296 190 371 LIT (lires italiennes), soit 1 702 340,25 euros] étaient considérés comme des faux, étant donné qu’ils n’avaient été ni délivrés ni validés par les bureaux de douane turcs. En revanche, les 16 autres certificats (correspondant à des droits d’un montant total de 1 904 763 758 LIT, soit 983 728,38 euros) étaient qualifiés d’invalides, étant donné que, bien qu’ils aient été délivrés par les autorités douanières turques, les marchandises concernées n’étaient pas originaires de Turquie.

46      Dans la mesure où l’ensemble des 48 certificats avait été qualifié soit de faux, soit d’invalide, les marchandises couvertes par ceux-ci ne pouvaient bénéficier du traitement préférentiel accordé aux importations de produits agricoles turcs.

47      En conséquence, l’administration des douanes italienne a réclamé à la requérante l’acquittement des droits de douane dus, d’un montant total de 5 200 954 129 LIT, soit 2 686 068,63 euros.

B –  Procédure pénale et administrative devant les autorités italiennes et communautaires

48      Par lettre du 28 mars 2000, la requérante, se fondant sur l’article 220, paragraphe 2, sous b), et les articles 236 et 239 du CDC, a adressé au service des douanes de Ravenne une demande de non-prise en compte a posteriori et de remboursement des droits à l’importation réclamés. À l’appui de sa demande, la requérante invoquait sa bonne foi, les erreurs indécelables des autorités compétentes ainsi que des manquements imputables à celles-ci.

49      Par lettre du 15 mai 2000, les autorités douanières italiennes ont informé le parquet de Ravenne des faits concernant les importations effectuées par la requérante au travers de certificats falsifiés. Ayant pris connaissance de ces faits, le parquet de Ravenne a ouvert une enquête.

50      Par arrêt du 20 décembre 2000, le Tribunale civile e penale (tribunal civil et pénal) de Ravenne a mis fin à la procédure pénale engagée contre le gérant de la requérante, M. B. Steinhauser, estimant que les faits reprochés à ce dernier n’étaient pas prouvés.

51      Par lettre du 30 novembre 2001, reçue par la Commission le 12 décembre 2001, la République italienne a demandé à la Commission de décider s’il était justifié de ne pas procéder à la prise en compte a posteriori des droits à l’importation réclamés à la requérante au titre de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ou d’octroyer le remboursement de ces droits au titre de l’article 239 du CDC.

52      Conformément aux articles 871 et 905 du règlement d’application du CDC, la requérante a indiqué qu’elle avait pris connaissance du dossier adressé par les autorités italiennes à la Commission. La requérante a, en outre, fait part de sa position et de ses remarques, lesquelles ont été transmises à la Commission par les autorités italiennes en annexe à leur courrier du 30 novembre 2001.

53      Par lettre du 3 juin 2002, la Commission a été amenée à demander certaines informations complémentaires aux autorités italiennes, qui ont répondu par lettre du 7 juin 2002.

54      Par lettre du 25 juillet 2002, la Commission a informé la requérante de son intention de ne pas donner une suite favorable à sa demande. Avant de prendre une décision définitive, la Commission a toutefois invité la requérante à lui faire part de ses observations éventuelles et à accéder au dossier afin de prendre connaissance des documents non confidentiels.

55      Le 6 août 2002, les représentants de la requérante ont consulté le dossier administratif dans les locaux de la Commission. Ils ont, par ailleurs, signé une déclaration confirmant avoir eu accès aux documents mentionnés en annexe à celle-ci.

56      Par lettre du 15 août 2002, la requérante a présenté ses observations à la Commission. Elle y a, notamment, maintenu sa position selon laquelle les autorités douanières compétentes auraient commis des erreurs actives non décelables par elle, erreurs qu’elle assimile également à des manquements susceptibles de créer une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

57      Le 18 octobre 2002, la Commission a adopté la décision REC 10/01 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante le 21 novembre 2002.

58      En premier lieu, la Commission a conclu qu’il était justifié de prendre en compte les droits à l’importation faisant l’objet de la demande.

59      En deuxième lieu, la Commission a cependant conclu qu’il était justifié de procéder au remboursement des droits à l’importation pour la partie de la demande relative aux 16 certificats invalides, dans la mesure où la requérante se trouvait, à leur égard, dans une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC.

60      En troisième lieu, en ce qui concerne les 32 certificats litigieux, la Commission a, en revanche, conclu que les circonstances invoquées par la requérante n’étaient pas de nature à créer une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC. Par conséquent, la Commission a décidé, à l’article 2 de la décision attaquée, qu’il n’était pas justifié de procéder au remboursement des droits à l’importation y afférents, d’un montant de 1 702 340,25 euros.

61      Enfin, par lettre du 20 juin 2003, la requérante a adressé à la Commission une demande d’accès à d’autres documents du dossier. La Commission a fait droit à cette demande par lettre du 10 juillet 2003. La requérante n’a cependant pas procédé à une nouvelle consultation du dossier.

C –  Certificat D 437214

62      Par lettre du 17 décembre 2002, la requérante a indiqué à la Commission que le certificat A.TR.1 D 437214, compris dans les certificats litigieux, n’avait pas été qualifié de faux par les autorités turques, mais simplement d’invalide. La Commission a communiqué cette lettre aux autorités douanières italiennes le 6 janvier 2003.

63      Par lettre du 24 janvier 2003, les autorités douanières italiennes, renvoyant à la lettre des autorités douanières turques du 8 mars 1999, ainsi qu’à une lettre de l’UCLAF du 6 mai 1999, ont indiqué que ce certificat était faux.

64      Par lettre du 4 mars 2003, la Commission a invité les autorités douanières italiennes à informer la requérante du résultat de l’enquête concernant le certificat A.TR.1 D 437214. Par lettre du 18 mars 2003, adressée à la requérante, l’administration des douanes italienne a confirmé que ce certificat était faux, parce qu’il n’avait pas été établi par les autorités turques.

 Procédure et conclusions des parties

65      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 29 janvier 2003, la requérante a introduit le présent recours.

66      Sur rapport du juge rapporteur, il a été décidé d’ouvrir la procédure orale. Dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, les parties ont été invitées à produire certains documents et à répondre à certaines questions écrites du Tribunal. Les parties ont déféré à ces demandes.

67      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions orales du Tribunal lors de l’audience publique du 15 novembre 2005.

68      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler l’article 2 de la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

69      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

70      La requérante invoque trois moyens à l’appui de ses conclusions, tirés, premièrement, d’une violation des droits de la défense, deuxièmement, d’une violation de l’article 239 du CDC et, troisièmement, d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

1.     Arguments des parties

71      La requérante fait valoir que ses droits de la défense ont été violés au cours de la procédure administrative. Elle allègue, en substance, que, bien qu’elle ait eu accès au dossier contenant les pièces sur lesquelles la Commission a fondé la décision attaquée, elle n’a, néanmoins, pas eu accès à des documents ayant une importance décisive pour l’appréciation globale que la Commission a faite de la situation. En outre, selon la requérante, certains documents qu’elle a pu consulter s’avéreraient incomplets. Enfin, l’examen du dossier ne lui aurait pas permis de distinguer les documents considérés comme confidentiels de ceux qui ne l’étaient pas, ni de discerner les critères utilisés à cette fin.

72      En premier lieu, la requérante fait valoir que les pièces suivantes du dossier ne lui ont pas été communiquées : 1) les comptes rendus intégraux des missions de l’UCLAF en Turquie ; 2) la totalité de la correspondance échangée par l’UCLAF et la Commission avec la représentation permanente turque et avec les autorités compétentes en Turquie ; 3) la totalité de la correspondance entre la Commission et/ou l’UCLAF et les autorités douanières nationales, en particulier les autorités douanières italiennes, et 4) les procès-verbaux de séance du comité de coopération douanière concernant les certificats A.TR.1 jugés irréguliers ou faux lors de l’exportation de concentrés de jus de fruits et d’autres marchandises originaires de Turquie.

73      Dans sa réplique, la requérante avance, par ailleurs, qu’elle n’a pas pu recueillir d’informations sur la mission de l’UCLAF en Turquie durant le mois d’octobre 1998, à laquelle se réfère la Commission au considérant 32 de la décision attaquée. Selon la requérante, il ressort simplement de la consultation du dossier qu’une réunion entre l’UCLAF et la représentation permanente turque a eu lieu les 13 et 14 octobre 1998, cette réunion étant évoquée dans une lettre du 21 octobre 1998 de l’UCLAF. La requérante affirme ne pas avoir pris connaissance non plus des lettres de l’UCLAF adressées à la représentation permanente turque, datées des 1er et 9 décembre 1998 et mentionnées par la Commission dans son mémoire en défense.

74      La requérante soutient que les documents qu’elle désigne présentent un lien qui n’est pas simplement éventuel, mais, au contraire, direct et très étroit avec la question de savoir si les certificats litigieux sont véritablement faux ou seulement irréguliers.

75      En deuxième lieu, la requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle le fait que son mandataire ait signé une attestation affirmant qu’il avait pris connaissance de tous les documents ayant trait à l’affaire confirmerait qu’elle avait bien eu accès à l’intégralité des pièces du dossier. À ce titre, la requérante souligne que cette attestation constitue un formulaire préétabli et que, sans connaître l’ensemble des documents du dossier, la partie qui procède à la consultation ne peut en définitive s’estimer satisfaite. Ainsi, la requérante affirme qu’elle n’a pris connaissance de ladite attestation, comprenant la liste de documents REC 10/01 et jointe au mémoire en défense de la Commission, qu’en découvrant cette annexe.

76      En troisième lieu, la requérante affirme que certains documents auxquels elle a eu accès étaient incomplets, et donc qu’elle n’a pas eu accès à la totalité des documents annexés à ladite attestation. À ce titre, la requérante rejette l’assertion de la Commission selon laquelle elle aurait pu consulter l’intégralité des rapports de mission de l’UCLAF en Turquie et affirme avoir seulement pu consulter des documents relatifs aux rapports de mission des 9 et 23 décembre 1998, composés de deux ou trois pages.

77      En quatrième lieu, la requérante conteste, dans sa réplique, l’argument de la Commission selon lequel elle n’aurait pas droit, en tout état de cause, à l’accès à certains documents, parmi lesquels les rapports de mission de l’UCLAF, dans la mesure où ceux-ci sont confidentiels. La requérante fait valoir que non seulement ces rapports ne sont pas confidentiels, leur confidentialité n’ayant d’ailleurs pas été démontrée par la Commission, mais encore que des rapports similaires ont été mis à disposition pour consultation lors de procédures comparables portées devant le Tribunal.

78      L’absence de confidentialité des rapports d’enquête découlerait des dispositions du règlement n° 1073/1999. Selon la requérante, aux termes de l’article 9, paragraphe 2, dudit règlement, les rapports d’enquête constituent, au même titre et dans les mêmes conditions que les rapports administratifs établis par les contrôleurs administratifs nationaux, des éléments de preuve admissibles dans les procédures administratives ou judiciaires de l’État membre où leur utilisation s’avère nécessaire, et il devrait a fortiori en aller de même pour les procédures engagées devant les juridictions européennes.

79      Enfin, la requérante affirme avoir présenté, par lettre du 20 juin 2003, une nouvelle demande d’accès au dossier, conformément à l’article 255 CE, postérieurement à l’introduction du présent recours. Cependant, à la suite de la réponse écrite de la Commission, en date du 10 juillet 2003, elle n’aurait pas consulté le dossier dans la mesure où la Commission aurait indiqué que cette consultation porterait uniquement sur des documents auxquels la requérante avait déjà eu accès, dont, notamment, les documents relatifs aux rapports de mission de l’UCLAF.

80      La Commission rejette en substance les arguments de la requérante.

81      En premier lieu, elle fait valoir que la décision attaquée s’appuie exclusivement sur des éléments que la requérante a pu consulter, qui figuraient déjà dans le point de vue provisoire de la Commission exprimé dans la lettre de cette dernière du 25 juillet 2002. En outre, la Commission fait valoir que, le 6 août 2002, la requérante a eu accès au dossier qui a servi de base à l’adoption de la décision attaquée et qu’elle a expressément reconnu, par le biais de la confirmation écrite, avoir pu consulter tous les documents présentant un lien direct ou indirect avec le dossier. La Commission affirme que la liste de documents auxquels la requérante a eu accès inclut les rapports de mission de l’UCLAF, l’abondante correspondance de l’UCLAF et de différentes autorités turques ainsi que le courrier échangé entre la Commission et/ou l’UCLAF et les autorités douanières nationales.

82      Dans sa duplique, la Commission conteste l’affirmation de la requérante selon laquelle le dossier qu’elle a consulté le 6 août 2002 ne contenait pas les rapports de mission de l’UCLAF, mais seulement des documents relatifs aux rapports de mission. La Commission soutient que les documents en question constituent effectivement les brefs rapports originaux dressés par l’UCLAF, datés des 9 décembre 1998 (n° 8279) et 23 décembre 1998 (n° 8673), et non de simples récapitulatifs.

83      En deuxième lieu, la Commission rappelle qu’il n’est pas exigé que la Commission donne, de sa propre initiative, accès à l’ensemble des documents contextuels ne présentant qu’un lien éventuel avec le cas d’espèce, mais qu’il incombe au contraire à l’intéressé de demander, le cas échéant, accès à ces documents conformément à l’article 255 CE.

84      En l’espèce, les documents que la requérante n’a pas pu consulter constitueraient des documents contextuels. Or, la Commission souligne que la nouvelle demande de consultation du dossier présentée par la requérante le 20 juin 2003, c’est-à-dire après l’adoption de la décision attaquée, et acceptée par lettre du 10 juillet 2003, ne peut avoir d’incidence sur le plan juridique. En effet, non seulement la requérante n’aurait pas donné suite à cette demande, mais, en tout état de cause, une demande présentée après la conclusion d’une procédure administrative et pendant la litispendance d’une affaire ne pourrait, a priori, impliquer une atteinte aux droits de procédure survenue au cours de la procédure administrative antérieure à cette demande.

85      En troisième lieu, la Commission maintient que, en tout état de cause, les documents concernés ne sont pas couverts par le droit d’accès au dossier dans la mesure où ils sont confidentiels. À ce titre, la Commission rappelle que le droit d’accès au dossier ne comprend pas l’accès aux documents confidentiels, tels que les rapports de l’UCLAF ou de l’OLAF, la correspondance entretenue par la Commission avec des États tiers et les procès-verbaux de réunions auxquelles ont participé des États tiers, ainsi que la correspondance échangée entre la Commission et les autorités des États membres.

86      Par ailleurs, la Commission conteste la pertinence de l’interprétation de l’article 9, paragraphe 2, du règlement n° 1073/1999, avancée par la requérante. Selon la Commission, cette disposition se réfère au rapport final établi par l’UCLAF conformément à l’article 9, paragraphe 1, du règlement, tandis que l’article 8 du règlement porte sur la confidentialité et la protection des données des documents établis par l’OLAF.

2.     Appréciation du Tribunal

87      Il convient de rappeler, à titre liminaire, que le respect du droit d’être entendu doit être garanti dans le cadre d’une procédure de remise de droits à l’importation, eu égard notamment au pouvoir d’appréciation dont dispose la Commission lorsqu’elle adopte une décision en application de la clause générale d’équité prévue par l’article 239 du CDC (arrêt du Tribunal du 10 mai 2001, Kaufring e.a./Commission, dit « Téléviseurs turcs », T‑186/97, T‑187/97, T‑190/97 à T‑192/97, T‑210/97, T‑211/97, T‑216/97 à T‑218/97, T‑279/97, T‑280/97, T‑293/97 et T‑147/99, Rec. p. II‑1337, point 152, et du 27 février 2003, Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, T‑329/00, Rec. p. II‑287, point 45).

88      Toutefois, il y a lieu de relever également que, dans ce domaine, le principe de respect des droits de la défense implique seulement que l’intéressé puisse faire connaître utilement son point de vue sur les éléments, en ce compris les documents retenus à sa charge par la Commission, afin de fonder sa décision. Ce principe n’exige dès lors pas que la Commission donne, de sa propre initiative, accès à l’ensemble des documents qui ont un lien éventuel avec le cas d’espèce dont elle est saisie dans le cadre d’une demande de remise. Si l’intéressé estime que de tels documents sont utiles afin de démontrer l’existence d’une situation particulière et/ou l’absence de négligence manifeste ou de manœuvre dans son chef, il lui incombe de demander accès à ces documents conformément aux dispositions qui ont été adoptées par les institutions sur la base de l’article 255 CE (arrêts du Tribunal du 11 juillet 2002, Hyper/Commission, T‑205/99, Rec. p. II‑3141, point 63, et Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité, point 46).

89      Il doit, en outre, être rappelé que, en ce qui concerne la procédure administrative en matière de remise de droits de douane, le Tribunal a clairement précisé que c’est sur demande de la partie intéressée que la défenderesse est tenue de donner accès à tous les documents administratifs non confidentiels concernant la décision attaquée. En l’absence d’une telle demande, il n’y a dès lors pas d’accès automatique aux documents dont dispose la Commission (arrêts du Tribunal du 19 février 1998, Eyckeler & Malt/Commission, T‑42/96, Rec. p. II‑401, point 81 ; du 17 septembre 1998, Primex Produkte Import-Export e.a./Commission, T‑50/96, Rec. p. II‑3773, point 64, et Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité, point 46).

90      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner le moyen tiré d’une violation des droits de la défense.

91      Force est d’emblée de constater que la requérante admet explicitement dans sa requête avoir eu accès à la totalité des documents retenus par la Commission pour fonder sa décision. Cependant, elle n’aurait pas eu accès à des documents ayant une importance décisive pour l’appréciation globale que la Commission a faite de la situation. À cet égard, elle affirme que les documents qui lui ont été présentés dans le cadre de l’accès au dossier sont incomplets. Ainsi, la requérante affirme ne pas avoir pu consulter les deux rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998 dans leur intégralité, mais simplement des « rapports relatifs aux rapports de mission ». De même, elle affirme ne pas avoir pu consulter le compte rendu de la mission communautaire du mois d’octobre 1998, mentionnée au considérant 32 de la décision attaquée, ainsi que les lettres de l’UCLAF des 1er et 9 décembre 1998 adressées à la représentation permanente turque, mentionnées par la Commission dans son mémoire en défense.

92      À cet égard, il convient de constater que les documents auxquels se réfère la requérante ne sont pas explicitement mentionnés dans la décision attaquée. Cela n’exclut pas que certains de ces documents aient pu fonder la décision attaquée. Cependant, l’on ne saurait admettre qu’il en est de même pour l’intégralité de la vaste correspondance à laquelle la requérante se réfère. Ils constituent donc, tout au moins s’agissant d’un certain nombre d’entre eux, des documents ayant simplement trait au contexte dans lequel s’insère l’affaire.

93      En particulier, l’on ne saurait admettre, et aucun élément de la décision attaquée ne le laisse supposer, que les procès-verbaux des séances du comité de coopération douanière, concernant les certificats A.TR.1 jugés irréguliers ou faux lors de l’exportation de concentrés de jus de fruits et d’autres marchandises originaires de Turquie, ont servi à fonder la décision attaquée. La même conclusion s’impose à l’égard d’un avis du service des douanes de Ravenne du 12 juin 1998, mentionné par la Commission dans son mémoire en défense, que la requérante allègue ne pas avoir pu consulter.

94      En tout état de cause, lorsque des documents qui n’ont pas servi à fonder la décision attaquée n’ont pas été communiqués, leur éventuel défaut de communication n’est pas pertinent, étant donné que de tels documents ne peuvent de toute façon avoir une incidence sur la décision attaquée. Par conséquent, le présent moyen, pour autant qu’il concerne l’absence de communication de tels documents, doit être écarté comme inopérant.

95      En revanche, il n’en va pas de même pour l’absence de communication de documents retenus par la Commission pour fonder la décision attaquée.

96      Dans le cadre de l’examen de ces documents, il doit être rappelé que, en l’espèce, la Commission a informé la requérante, par lettre du 25 juillet 2002, de son analyse provisoire selon laquelle les conditions pour admettre une remise des droits à l’importation n’étaient pas réunies. Il est donc constant que, par cette lettre de la Commission, la requérante a été mise en mesure, avant l’adoption de la décision attaquée, de prendre position et de faire connaître son point de vue sur les éléments qui justifiaient, selon la Commission, le rejet de la demande de remise.

97      La requérante ne conteste d’ailleurs pas cette constatation, mais fait valoir que le principe du respect des droits de la défense a été violé dans la mesure où elle s’est vu refuser l’accès à certains documents sur lesquels la Commission avait fondé sa décision ou, tout au moins, dans la mesure où ces documents n’étaient pas complets.

98      Cependant, force est de constater que, à la suite de la lettre de la Commission du 25 juillet 2002, le représentant de la requérante a consulté le dossier ayant trait à la décision attaquée dans les locaux de la Commission, le 6 août 2002. Lors de cette consultation, ce représentant a signé une déclaration écrite dans laquelle il confirme explicitement avoir eu accès à tous les documents ayant un lien direct et indirect avec le dossier litigieux. En outre, à cette déclaration une liste a été jointe, énumérant tous les documents auxquels ledit représentant a eu accès.

99      Or, il convient de relever que cette liste mentionne les rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998, portant respectivement les numéros 8279 et 8673. En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a déposé deux rapports portant les mêmes numéros. Lors de l’audience, la Commission a informé le Tribunal que ces rapports correspondaient effectivement aux brefs rapports complets, d’une part, du 9 décembre 1998, concernant la mission menée du 12 au 15 octobre 1998 (n° 8279), et, d’autre part, du 23 décembre 1998, concernant la mission d’enquête conduite du 30 novembre au 2 décembre 1998 (n° 8673), et qu’aucun autre rapport n’avait été établi concernant les deux missions de l’UCLAF. Le Tribunal estime que la correspondance entre les numéros figurant sur la première page du rapport et les numéros ayant été indiqués sur la liste annexée à la déclaration du représentant de la requérante, en date du 6 août 2002, démontre que la partie requérante, et cela contrairement à ce qu’elle prétend, a eu accès aux rapports de mission. En ce qui concerne la demande de la requérante d’avoir accès au compte rendu de la mission communautaire du mois d’octobre 1998, il suffit de constater qu’un tel compte rendu n’existe pas. En effet, d’une part, comme la Commission l’a précisé lors de l’audience, le rapport n° 8279 est le seul rapport ayant été établi pour la mission menée du 12 au 15 octobre 1998, et, d’autre part, aucune référence n’a été faite dans la décision attaquée à un tel compte rendu.

100    S’agissant ensuite des lettres de l’UCLAF des 1er décembre et 9 décembre 1998 invoquées par la requérante, il convient de constater, d’une part, que la liste du 6 août 2002 énumérant les documents auxquels elle a eu accès fait référence à la lettre de l’UCLAF n° 8281, en date du 9 décembre 1998, adressée à la représentation permanente turque. Il convient, dès lors, de constater que la requérante a bien eu accès à ce document. D’autre part, en ce qui concerne la lettre en date du 1er décembre 1998, la Commission a précisé, dans le cadre d’une question écrite du Tribunal, que cette lettre n’existait pas et que la référence faite dans son mémoire en défense à une lettre de l’UCLAF du 1er décembre 1998 était une erreur. À cet égard, il convient de constater que cette précision est confirmée par la liste du 6 août 2002, qui ne mentionne, pour le 1er décembre 1998, qu’une lettre du ministère de la Justice turc adressée à l’UCLAF.

101    Quant aux communications échangées par la Commission et l’UCLAF avec les autorités turques et les autorités douanières nationales des États membres, il suffit de relever qu’aucun élément ne permet de supposer que la Commission a fondé la décision attaquée sur d’autres documents que ceux figurant dans le dossier auquel la requérante a eu accès lors de la consultation du 6 août 2002.

102    Aucune demande d’accès à d’autres éléments du dossier n’a été présentée par la requérante au cours de la procédure administrative. Quant à la demande d’accès présentée par la requérante postérieurement à l’adoption de la décision attaquée et à l’introduction du présent recours, force est de constater qu’elle n’est pas pertinente pour apprécier une éventuelle atteinte aux droits de la défense de la requérante durant la procédure administrative et ne peut que demeurer sans incidence sur la légalité de ladite décision. En tout état de cause, il y a lieu de constater que la Commission a indiqué à la requérante, par lettre du 10 juillet 2003, qu’il était loisible à cette dernière de consulter les documents en question conformément à la demande effectuée au titre de l’article 255 CE. Or, la requérante n’a pas donné suite à cette invitation.

103    Le premier moyen doit, par conséquent, être rejeté.

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 239 du CDC

104    Le présent moyen s’articule autour de quatre branches. La première branche concerne la qualification incorrecte du certificat de circulation A.TR.1 D 437214. Les deuxième et troisième branches exposent respectivement les graves manquements imputés aux autorités turques et ceux imputés à la Commission. Enfin, la quatrième branche concerne l’absence de négligence manifeste de la requérante et l’appréciation des risques commerciaux.

1.      Sur le certificat de circulation A.TR.1 D 437214

a)     Arguments des parties

105    La requérante affirme que la Commission a commis une erreur dans la partie litigieuse de la décision attaquée en incluant le certificat A.TR.1 D 437214 parmi les certificats qualifiés d’inauthentiques. Selon la requérante, il ressort des éléments du dossier que ce certificat aurait dû être considéré comme simplement invalide et, en conséquence, les droits d’importation y ayant trait auraient dû être remboursés. Plusieurs éléments du dossier démontreraient que les autorités turques n’ont pas qualifié le certificat D 437214 d’inauthentique. La requérante aurait signalé cette erreur à la Commission par lettre du 17 décembre 2002.

106    En premier lieu, la requérante fait valoir que seule la lettre de l’administration des douanes turque (Prime Minister, Undersecretariate for Customs) du 8 mars 1999, adressée à l’administration des douanes italienne, pourrait plaider en faveur de l’inauthenticité dudit certificat. Toutefois, il n’y serait pas spécifié si celui-ci est irrégulier ou inauthentique, mais simplement affirmé qu’il « n’a pas été délivré et visé par [le] bureau de douane [turc] » (was not issued and endorsed by our customs office).

107    En deuxième lieu, la requérante soutient que cette lettre a, toutefois, été infirmée par les autorités turques, notamment dans le courrier de la représentation permanente turque du 22 avril 1999, où il serait clairement indiqué que le certificat en question « n’[était] pas correct et n’a[vait] pas été délivré selon les règles » ([was] not correct and [was] not issued according to the rules), c’est-à-dire qu’il avait été délivré à tort.

108    Dans sa réplique, la requérante fait observer que les termes « not correct » signifient clairement que le certificat en question était irrégulier. L’ajout « not issued according to the rules » n’autoriserait qu’une seule interprétation, à savoir que l’autorité douanière turque a établi et délivré ledit certificat en contravention avec les règles sur l’origine des marchandises en Turquie. Cette thèse serait corroborée par la phrase « il a été considéré que ces documents avaient été délivrés dans le cadre du régime de transit » (it has been understood that these documents had been issued for transit trade), utilisée dans le même courrier. L’autorité douanière turque aurait donc admis avoir également délivré des certificats de circulation des marchandises sous un régime de transit, autrement dit pour des concentrés de jus de pomme en provenance d’Iran qui n’auraient pas été transformés dans le cadre du régime de perfectionnement actif en Turquie.

109    En troisième lieu, la requérante souligne que la lettre du 22 avril 1999 de la représentation permanente turque mentionne, avec le certificat A.TR.1 D 437214, deux autres certificats de circulation de marchandises, à savoir ceux portant les références C 982920 et C 982938. La représentation permanente turque aurait estimé que ces certificats « [n’étaient] pas corrects et n’avaient pas été délivrés selon les règles » ([were] not correct and were not issued according to the rules) sans établir entre eux de distinction. Or, la requérante aurait demandé le remboursement des droits d’importation afférents à ces deux certificats. Les autorités douanières italiennes les auraient qualifiés d’invalides et ils seraient inclus dans le lot de certificats à propos desquels la décision attaquée octroie le remboursement des droits. La requérante affirme donc ne voir aucun motif à ce que le certificat D 437214 fasse l’objet, sur les plans juridique et factuel, d’une appréciation différente de celle portée sur les certificats C 982920 et 982938. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, la lettre du 22 avril 1999 n’apporterait aucune correction expresse à la lettre du 8 mars 1999, dans la mesure où elle n’y ferait pas expressément référence, se bornant à mentionner des communications antérieures.

110    En quatrième lieu, la requérante fait valoir que l’exactitude de sa thèse est également confirmée par une lettre du 10 août 1999 de la représentation permanente turque. À la page 3, sous X, de ladite lettre, il serait à nouveau confirmé que les certificats de circulation de marchandises mentionnés dans la lettre du 22 avril 1999, y compris le certificat D 437214, ont été délivrés sous le régime de transit pour du jus de pomme non originaire de Turquie. Cette lettre n’indiquerait pas davantage que les certificats mentionnés étaient inauthentiques ou falsifiés. La lettre de l’UCLAF à la représentation permanente turque du 9 décembre 1998 contiendrait la même appréciation, la lettre qualifiant le certificat A.TR.1 D 437214 d’ « incorrect » (not correct).

111    Enfin, dans sa réplique, la requérante conteste la thèse de la Commission selon laquelle la lettre de l’administration des douanes italienne du 24 mars 2003 confirmerait l’inauthenticité du certificat en question. Selon la requérante, les autorités italiennes n’y font référence qu’à la lettre de l’administration des douanes turque du 8 mars 1999, sans toutefois commenter la lettre, également jointe, de la représentation permanente turque du 22 avril 1999. De plus, une lettre du 18 mai 1999 du ministère des Finances italien, figurant en annexe au dossier, porterait vraisemblablement sur la lettre de la représentation permanente turque du 22 avril 1999 et sur le certificat D 437214, en indiquant qu’il s’agissait d’un certificat irrégulier. Les autorités douanières italiennes auraient même adressé une nouvelle demande de précisions à l’administration des douanes turque au sujet de la qualification du certificat D 437214, sans que celle-ci ait pour l’instant répondu.

112    La Commission souligne d’abord que, conformément à la réglementation applicable en l’espèce dans le cadre de l’accord d’association, ce sont les autorités turques qui sont compétentes pour constater si les certificats d’origine turcs sont authentiques ou non. À ce titre, la Commission rappelle que le Tribunal a jugé, dans son arrêt Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité (point 77), que la Commission pouvait accepter les déclarations des autorités espagnoles relatives à l’inauthenticité d’extraits de certificats d’importation et qu’aucune enquête supplémentaire de sa part ne s’imposait à cet égard. Selon la Commission, si elle peut avoir foi dans les déclarations d’autorités d’États membres concernant l’authenticité de tels documents, il en va de même, a fortiori, s’agissant d’autorités d’un État tiers, qui n’est pas lié par le traité CE et qui n’est pas soumis aux compétences de la Commission en la matière.

113    Ensuite, la Commission conteste la lecture que fait la requérante des différents courriers mentionnés et fait valoir que, dans la mesure où le certificat en question a été qualifié de faux par les autorités turques, aucune erreur ne peut lui être imputée.

114    En effet, la Commission fait valoir que la lettre du 8 mars 1999 de l’administration des douanes turque doit être lue en ce sens que le certificat en cause était jugé faux parce qu’il n’avait pas été délivré par les autorités douanières turques. Or, selon la Commission, les autorités turques ne sont à aucun moment et dans aucun document revenues sur leur constat du 8 mars 1999, selon lequel le certificat de circulation de marchandises en question n’avait pas été délivré par leurs services.

115    Premièrement, la Commission affirme que, dans sa lettre du 22 avril 1999, la représentation permanente turque n’est pas revenue sur la constatation précédente, établissant que le certificat était faux, mais a seulement constaté qu’il n’était pas correct et qu’il n’avait pas été délivré conformément à la réglementation applicable.

116    Deuxièmement, la falsification dudit certificat aurait été confirmée par l’UCLAF, par lettre du 6 mai 1999, ainsi que par l’administration centrale italienne chargée des douanes, par lettre du 18 mai 1999, deux courriers auxquels font référence les autorités douanières italiennes dans une lettre du 24 janvier 2003 adressée à la Commission. La requérante aurait été informée de ces constatations par lettre du 18 mars 2003.

117    Troisièmement, les autorités douanières italiennes, dans leurs lettres des 7 juin 2002 et 10 septembre 2003, auraient également confirmé à la Commission que l’administration des douanes turque avait conclu à la falsification du certificat.

118    Quatrièmement, la Commission avance que, par lettre du 22 août 2003 adressée à l’administration des douanes italienne, l’administration des douanes turque a, une nouvelle fois, confirmé son constat du 8 mars 1999 et indiqué que ledit certificat était falsifié. Il y aurait été précisé, en outre, que le contrôleur de l’administration des douanes turque compétent en la matière avait réexaminé cette affaire et conclu à la falsification dudit certificat.

119    Enfin, la Commission insiste sur le fait que l’affirmation de la requérante selon laquelle l’administration des douanes turque a également délivré des certificats de circulation de marchandises pour un commerce de transit est dénuée de pertinence. Selon la Commission, la requérante se réfère à des certificats de circulation de marchandises inexacts, lesquels ne font pas l’objet de la présente procédure. D’autre part, les certificats inexacts auxquels la requérante se réfère n’auraient pas été délivrés par les autorités turques pour un commerce de transit, mais, au contraire, concerneraient des marchandises provenant d’un commerce de transit.

b)     Appréciation du Tribunal

120    Il est de jurisprudence constante que la détermination de l’origine des marchandises est fondée sur une répartition des compétences entre les autorités de l’État d’exportation et celles de l’État d’importation, en ce sens que l’origine est établie par les autorités de l’État d’exportation, le contrôle du fonctionnement de ce régime étant assuré grâce à la coopération entre les administrations intéressées. Ce système se justifie par le fait que les autorités de l’État d’exportation sont les mieux placées pour vérifier directement les faits qui conditionnent l’origine (arrêt de la Cour du 14 mai 1996, Faroe Seafood e.a., C‑153/94 et C‑204/94, Rec. p. I‑2465, point 19).

121    Le mécanisme prévu ne peut fonctionner que si l’administration douanière de l’État d’importation reconnaît les appréciations portées légalement par les autorités de l’État d’exportation (arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 20). La reconnaissance de telles décisions par les administrations douanières des États membres est nécessaire pour que la Communauté puisse réclamer à son tour, de la part des autorités des autres États liés à son égard dans le cadre de régimes de libre-échange, le respect des décisions prises par les autorités douanières des États membres relatives à l’origine des produits exportés de la Communauté vers ces États (arrêt de la Cour du 12 juillet 1984, Les Rapides Savoyards, 218/83, Rec. p. 3105, point 27).

122    Dans le cas d’espèce, afin de déterminer si c’est à bon droit que la Commission a conclu à la falsification du certificat D 437214, il s’avère nécessaire d’examiner la correspondance échangée entre celle-ci, les autorités douanières italiennes et les autorités compétentes turques. À cet égard, il y a lieu de relever que la Commission s’est fondée essentiellement sur la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, adressée au service des douanes de Ravenne, pour ce qui est de la partie de la décision attaquée concernant les certificats falsifiés.

123    Or, cette lettre contient en annexe la liste des 32 certificats considérés par les autorités turques comme constituant des falsifications, parmi lesquels le certificat D 437214. À cet égard, il importe de constater que les termes utilisés par les autorités turques dans cette missive, à savoir « les certificats qui ont été énumérés en annexe ne sont pas corrects et n’ont pas été délivrés et visés par notre bureau de douane » (the certificates that have been listed in annex are not correct and were not issued and endorsed by our customs office), indiquent clairement qu’elles avaient conclu à la falsification des certificats énumérés.

124    Toutefois, force est de constater qu’une comparaison entre la teneur de la lettre du 8 mars 1999 et la teneur des communications subséquentes des autorités turques révèle des ambiguïtés en ce qui concerne la qualification du certificat D 437214. Ainsi, la lettre de la représentation permanente turque à l’UCLAF du 22 avril 1999, rédigée en anglais, fait référence à six certificats, dont le certificat en question, en les qualifiant d’ « incorrects et […] ne répondant pas aux règles d’origine » (not correct and […] not issued according to the rules). Selon cette même lettre, ces six certificats auraient été émis pour un commerce de transit.

125    Il apparaît donc que la différence entre les constatations exposées dans la lettre du 8 mars 1999 et dans celles du 22 avril 1999 résulte de l’interprétation à accorder à l’expression « not correct […] and not issued according to the rules ». Même si la formulation « not correct », reprise dans les lettres de l’UCLAF du 9 décembre 1998, ne tranche pas la question d’une éventuelle falsification, il n’en demeure pas moins que cette expression aurait pu être interprétée comme signifiant que les certificats en question n’étaient pas falsifiés.

126    Eu égard aux ambiguïtés relevées, le caractère falsifié ou simplement irrégulier du certificat D 437214 ne pouvait être déduit avec certitude des éléments dont disposait la Commission avant l’adoption de la décision attaquée. Les arguments de la Commission s’appuyant sur le contenu des lettres des autorités italiennes en date du 24 janvier 2003 et du 7 juin 2002 n’infirment aucunement cette conclusion.

127    D’abord, la lettre du 24 janvier 2003 fait référence à deux courriers, à savoir une lettre de l’UCLAF du 6 mai 1999 et une lettre de la direction centrale des douanes de Rome du 18 mai 1999. Or, force est de constater que ces deux dernières reposent sur les constatations contenues dans la lettre des autorités turques du 22 avril 1999. Ensuite, s’agissant de la lettre du 7 juin 2002, il apparaît que celle-ci se limite à énumérer les certificats considérés comme falsifiés, en se fondant notamment sur la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, sans y ajouter d’élément nouveau. Or, la requérante aurait signalé à la Commission, par lettre du 12 novembre 2001, qu’il ressortait de la lettre de la représentation permanente turque du 22 avril 1999 que le certificat D 437214 devait être qualifié d’incorrect, et non de falsifié.

128    Il résulte de ce qui précède que, eu égard aux différences relevées, la Commission n’a valablement pu conclure à la falsification du certificat D 437214 avant l’adoption de la décision attaquée.

129    Toutefois, il y a lieu de relever que, à la suite d’une demande présentée par la requérante dans un courrier du 17 décembre 2002, c’est-à-dire postérieurement à l’adoption de l’acte attaqué, la Commission a, une nouvelle fois, interrogé les autorités italiennes au sujet de la qualification du certificat en question. Celles-ci ont estimé nécessaire de demander des éclaircissements additionnels aux autorités turques. Par lettre du 22 août 2003, les autorités turques ont non seulement confirmé les conclusions contenues dans leur lettre du 8 mars 1999, mais ont encore indiqué que leur contrôleur des douanes avait conclu qu’il s’agissait d’une falsification, dissipant ainsi tous les doutes concernant le caractère falsifié du certificat D 437214.

130    Force est donc de considérer que ce n’est qu’à partir de la confirmation contenue dans cette dernière communication que les éléments du dossier administratif permettaient à la Commission d’affirmer avec certitude que le certificat en question était un faux. Par conséquent, compte tenu des éléments mentionnés ci-dessus, la Commission ne pouvait valablement refuser le remboursement des droits de douane relatifs aux marchandises couvertes par le certificat D 437214 au moment de l’adoption de la décision attaquée, mais aurait dû se borner, au vu desdits éléments, à suspendre ledit remboursement.

131    Néanmoins, cette considération ne suffit cependant pas, à elle seule, pour emporter l’annulation de la décision attaquée.

132    En effet, un requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation pour vice de forme d’une décision, dans le cas où l’annulation de la décision ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision, identique, quant au fond, à la décision annulée [voir arrêt du Tribunal du 3 décembre 2003, Audi/OHMI (TDI), T‑16/02, Rec. p. II‑5167, points 97 et 98, et la jurisprudence qui y est citée]. Or, en l’espèce, il résulte du point 129 ci-dessus que le certificat D 437214 doit être qualifié de faux.

133    Dès lors, il y a lieu de considérer que le requérant n’a aucun intérêt légitime à l’annulation partielle de la décision attaquée, pour autant que celle-ci ne pourrait que donner lieu à l’intervention d’une nouvelle décision identique quant au fond. Partant, la présente branche du deuxième moyen doit être rejetée comme inopérante.

2.      Sur les manquements imputables aux autorités turques

134    En substance, la requérante fait valoir que les autorités turques ont gravement méconnu les obligations qui leur incombent en vertu de l’accord d’association et de ses dispositions complémentaires. En effet, elles auraient non seulement dissimulé la vérité en qualifiant les 32 certificats litigieux de faux, mais elles auraient encore adopté systématiquement des comportements illicites en délivrant des certificats de circulation pour des marchandises non originaires de Turquie. Selon la requérante, le régime préférentiel prévu par l’accord d’association a été détourné dans le but d’exporter dans l’Union européenne, à des taux préférentiels, d’importantes quantités de marchandises originaires de pays tiers en les présentant comme des produits turcs grâce à l’établissement de certificats de circulation des marchandises. Cette politique serait mise en évidence par le rythme très élevé auquel les importations et exportations turques ont crû entre 1993 et 1996. En l’espèce, les certificats litigieux constitueraient des documents authentiques, ayant été enregistrés et délivrés par le bureau des douanes de Mersin (Turquie).

135    La Commission rejette en substance les arguments de la requérante et fait valoir que toute la requête repose sur l’affirmation selon laquelle les 32 certificats litigieux ne constituent pas des falsifications, mais auraient au contraire été délivrés par les autorités douanières turques de Mersin, qui auraient tenu des propos mensongers à leur égard. Néanmoins, selon la Commission, la requérante n’est pas en mesure de fournir la moindre preuve à l’appui de cette thèse, réfutée par ailleurs par des déclarations claires et précises des autorités turques.

a)     Sur les spécimens des cachets et signatures

 Arguments des parties

136    En premier lieu, la requérante fait valoir que les empreintes des cachets et signatures apposés sur les certificats litigieux démontrent qu’ils ont vraisemblablement été délivrés et authentifiés par les autorités turques.

137    Selon la requérante, l’administration centrale des douanes turque a confirmé avoir envoyé à la Commission les spécimens des empreintes de cachets, lesquels ont été transmis à toutes les autorités douanières nationales de la Communauté avant 1995. À l’appui de cette affirmation, la requérante avance que le ministère des Finances italien lui a permis de faire des photocopies de cinq documents, dont disposerait également la Commission, attestant du fait que les autorités turques avaient transmis aux autorités italiennes et à la Commission les copies de spécimens en question.

138    Or, les autorités douanières italiennes, qui disposeraient donc de copies des cachets originaux, auraient procédé à des comparaisons avec les cachets et signatures apposés sur les certificats litigieux et auraient néanmoins accepté ceux-ci. En outre, les copies des certificats litigieux, considérés comme inauthentiques ou falsifiés, ne se distingueraient pas d’autres certificats qualifiés de réguliers. Par ailleurs, les cachets utilisés sur les certificats, ou tout au moins sur les copies, seraient en partie mal imprimés et à peine lisibles. Or, les douaniers de Mersin auraient confirmé à la requérante que les cachets qu’ils employaient étaient à peine lisibles.

139    En deuxième lieu, la requérante affirme que l’obligation, pour les autorités turques, de communiquer à la Commission les spécimens d’empreintes des cachets et signatures utilisés par leurs bureaux douaniers pour viser les certificats de transport de marchandises découle aussi bien du régime préférentiel institué avec la République de Turquie que de l’article 93 du règlement d’application du CDC. Contrairement à ce qu’estime la Commission, l’article 4 de la décision n° 1/96 effectuerait un renvoi à l’article 93 du règlement d’application du CDC et l’adapterait dans la mesure où les termes « formule A » y repris devraient être remplacés par les termes « A.TR.1 ». Il ne serait donc pas nécessaire d’inscrire expressément l’obligation de communication des spécimens dans les décisions du conseil d’association. Ce serait à tort que la Commission prétend que, s’agissant des règles d’origine, le renvoi à l’accord d’association et aux dispositions pertinentes du conseil d’association effectué par l’article 27, sous a), et l’article 20, paragraphe 3, sous d), du CDC exclut l’obligation de transmettre lesdits spécimens.

140    En outre, l’obligation de communication des spécimens vaudrait non seulement pour les certificats délivrés selon la procédure simplifiée prévue à l’article 12, paragraphe 5, de la décision n° 1/96, mais serait imposée de manière générale et constituerait la base du contrôle de l’authenticité et de la régularité desdits certificats. Cette obligation découlerait aussi de l’article 26 de la décision n° 1/95 en ce qu’il vise l’amélioration progressive du régime préférentiel pour les échanges de produits agricoles.

141    S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel la République de Turquie n’est pas membre de la Communauté et qu’il relève donc de son pouvoir souverain d’imposer ou non une telle obligation de communication, la requérante avance qu’il existe bien d’autres États souverains avec lesquels la communication de cachets et de signatures a été convenue dans le cadre de la coopération entre administrations. À titre d’exemple, la requérante se réfère à l’accord euro-méditerranéen conclu avec l’État d’Israël le 21 juin 2000 (JO L 147, p. 1).

142    Enfin, la requérante souligne que, si l’obligation, dans le cadre des certificats qui étaient émis en application de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce (GATT) de 1994, de communiquer à la Commission les cachets et signatures de l’autorité douanière nationale existe même à l’intérieur de l’Union européenne, avec son union douanière et un marché agricole unique, il devrait, a fortiori, en aller de même, sur la base des dispositions précitées, dans les relations entre la Communauté et la République de Turquie.

143    La Commission affirme, tout d’abord, que les autorités turques n’étaient pas tenues de lui communiquer les spécimens des cachets et des signatures utilisées par leurs bureaux de douane. Selon la Commission, l’article 93 du règlement d’application du CDC n’est pas applicable en l’espèce, dans la mesure où, d’une part, il ne concerne que les formulaires APR et les certificats d’origine « formule A », qui n’ont trait qu’à l’importation de marchandises originaires de pays en voie de développement et, d’autre part, l’article 20 du CDC ne le déclare pas applicable, par analogie, dans le cadre de l’accord d’association.

144    Ensuite, la Commission soutient que l’article 28, paragraphe 4, du règlement (CEE) n° 3719/88, du 16 novembre 1988, portant modalités communes d’application du régime des certificats d’importation, d’exportation et de préfixation pour les produits agricoles (JO L 331, p. 1), tel qu’interprété dans l’arrêt Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité, n’impose pas non plus une telle obligation de communication, car l’article 1er dudit règlement en limiterait le champ d’application. En effet, l’union douanière et/ou l’accord d’association n’y seraient pas mentionnés, tandis que les décisions du conseil d’association et/ou les règlements de la Communauté qui les approuvent ne déclareraient pas que le règlement n° 3719/88 est applicable par analogie dans ce contexte.

145    Par ailleurs, la Commission estime que l’analogie avec la convention méditerranéenne liant l’Union européenne et l’État d’Israël ne permet pas de conclure à l’applicabilité de l’article 93 du règlement d’application du CDC. En effet, la teneur explicite de l’accord d’association et des décisions du conseil d’association s’y opposeraient.

146    En outre, la Commission estime que la requérante méconnaît le fait que, en vertu du régime prévu par l’accord d’association, le contrôle et la constatation éventuels du caractère non authentique des certificats de circulation des marchandises A.TR.1 incombent aux autorités turques compétentes et non aux institutions de la Communauté. Or, selon la Commission, les autorités turques ont clairement déclaré à plusieurs reprises, notamment dans la lettre du 8 mars 1999 mentionnée ci-dessus, que les 32 certificats litigieux n’étaient pas authentiques, parce que falsifiés. Dès lors, les supputations de la requérante relatives à l’authenticité des certificats litigieux seraient dénuées de pertinence.

147    Enfin, s’agissant des affirmations de la requérante selon lesquelles les empreintes des cachets sont peu lisibles ou que ceux-ci sont vétustes, la Commission fait valoir que, dans la mesure où la requérante se réfère à des copies, cela ne signifie pas nécessairement que les cachets utilisés par les autorités turques sur l’original étaient vétustes ou illisibles. D’autre part, l’ancienneté des cachets et la lisibilité de leur empreinte n’indiquerait nullement que les certificats en question auraient quand même été établis par les autorités turques.

 Appréciation du Tribunal

–       Observations liminaires

148    À titre d’observation préalable, il convient de relever qu’il ressort d’une jurisprudence bien établie que, afin d’évaluer l’existence de manquements de la part des autorités de pays tiers et/ou de la Commission, lesquels seraient susceptibles de constituer des situations particulières au sens de l’article 239 du CDC, il convient, dans chaque cas d’espèce, d’examiner la nature réelle des obligations mises à la charge de ces autorités et à celle de la Commission, respectivement, par la réglementation applicable (arrêt Hyper/Commission, précité, point 117).

149    À ce titre, il importe de noter que l’argumentation de la requérante repose essentiellement sur la thèse selon laquelle les autorités turques ont effectivement délivré et visé les certificats litigieux. Les divers manquements reprochés par la requérante aux autorités turques constitueraient des indices du bien-fondé de sa thèse. Ainsi, la requérante fait valoir que la situation particulière dans son chef résulte de l’ensemble des circonstances de l’espèce, notamment celles relatives aux défaillances qu’elle impute aux autorités turques.

–       Quant au fond

150    S’agissant des manquements relatifs aux cachets et signatures imputés aux autorités turques, il importe de noter que les arguments de la requérante tirés du prétendu caractère original des cachets et signatures apposés sur les certificats litigieux sont dénués de pertinence. En effet, la constatation du caractère original ou falsifié des documents émis par les autorités est du ressort exclusif de celles-ci, ainsi que rappelé aux points 120 et 121 ci-dessus. Or en l’espèce, les autorités turques ont conclu au caractère falsifié des certificats litigieux. Dès lors, même à admettre que les cachets originaux dont disposaient les autorités douanières de Mersin étaient peu lisibles, le fait que les cachets apposés sur les certificats litigieux soient également peu lisibles est dénué de pertinence. Une conclusion identique s’impose à l’égard des arguments de la requérante faisant état de la similarité entre les copies des certificats litigieux en sa possession et des certificats non falsifiés.

151    Enfin, il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel le fait que les autorités douanières italiennes aient comparé les spécimens des empreintes dont elles disposaient avec les certificats litigieux avant de les accepter permettrait de conclure à l’authenticité de ceux-ci. En effet, il découle d’une jurisprudence constante que le redevable ne peut fonder une confiance légitime quant à la validité des certificats du fait de leur acceptation initiale par les autorités douanières d’un État membre, étant donné que le rôle de ces services dans le cadre de la première acceptation des déclarations ne fait nullement obstacle à l’exercice de contrôles ultérieurs (voir arrêt Faroe Seafood e.a., précité, point 93, et la jurisprudence qui y est citée).

152    Dès lors, les arguments de la requérante, à cet égard, ne lui permettent pas de démontrer l’existence de justifications susceptibles de constituer une situation particulière, de sorte qu’ils doivent être rejetés.

b)     Sur l’enregistrement des certificats par les autorités turques

 Arguments des parties

153    La requérante allègue que l’authenticité des certificats litigieux est confirmée par le fait qu’ils ont été officiellement enregistrés. À cet égard, la requérante affirme que le bureau douanier de Mersin possède un registre contenant les numéros d’enregistrement des 32 certificats litigieux. À l’appui de cette affirmation, la requérante avance que ses mandataires ont vu ces registres à la douane de Mersin et ont demandé à un fonctionnaire turc de celle-ci de leur en fournir une copie. Celui-ci, bien qu’initialement disposé à accéder à la demande, aurait plus tard refusé après avoir subi des menaces.

154    S’agissant de l’obligation, pour les autorités turques, d’inscrire les numéros des certificats A.TR.1 dans des registres douaniers, la requérante récuse l’argument de la Commission selon lequel aucune décision du conseil d’association ne l’imposait. Selon la requérante, un tel enregistrement constitue une question interne à l’ordre juridique turc. Ledit enregistrement serait si évident qu’il ne requerrait aucune décision du conseil d’association.

155    Néanmoins, une bonne assistance mutuelle exigerait non seulement l’enregistrement des certificats A.TR.1, mais également leur archivage en Turquie. À ce sujet, la requérante se réfère à l’article 7, paragraphe 2, de l’annexe 7 de la décision n° 1/95, aux termes duquel les demandes d’assistance sont satisfaites conformément à la législation de la partie contractante requise. Cette disposition obligerait aussi les autorités douanières turques à enregistrer les certificats qu’elles délivrent en reprenant à tout le moins les données devant être mentionnées dans la case 12 des A.TR.1. L’enregistrement des certificats, en l’absence duquel il serait tout à fait impossible de fournir des informations sur leur authenticité et régularité, constituerait la base déterminante d’une coopération entre les administrations turque et communautaire en ce qui concerne les régimes préférentiels.

156    En outre, selon la requérante, l’article 8, paragraphe 1, de la décision n° 1/96 prescrit que le certificat de circulation des marchandises A.TR.1 est visé par les autorités douanières de l’État d’exportation. L’annexe II, point II, paragraphe 12, de la décision n° 1/96 prévoirait que la case 12 est à compléter par l’autorité compétente. En l’occurrence, la case 12 de chacun des 32 A.TR.1 litigieux comporterait non seulement un cachet accompagné d’une signature, mais aussi un numéro d’enregistrement spécial sous une date précise, lequel doit être reporté dans un registre de l’autorité douanière compétente.

157    Enfin, la requérante fait valoir qu’un examen des 32 certificats litigieux montre qu’ils correspondent aux modèles légaux en vigueur (article 10, paragraphe 2, deuxième alinéa, et annexe 1 de la décision n° 1/96). En l’espèce, ils feraient allusion, en leur marge inférieure gauche, à une imprimerie agréée et comporteraient le nom, l’adresse ainsi qu’une marque distinctive de celle-ci, comme un numéro de série permettant de les identifier. S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel des falsificateurs auraient pu suivre le plus près possible les numéros de certificats originaux, la requérante affirme qu’il s’agit d’une pure spéculation.

158    La Commission fait observer, à titre liminaire, que ni l’accord d’association ni les décisions du conseil d’association ne prévoyaient la tenue de registres dans lesquels les certificats de douane étaient inscrits.

159    En outre, même à admettre que de tels registres existent, l’on pourrait imaginer que les autorités douanières turques aient délivré à la requérante 32 certificats A.TR.1 pour d’autres lots que les livraisons litigieuses. Il serait donc possible que des faussaires aient fait des copies de 32 certificats authentiques qui ne concernaient pas les livraisons litigieuses faites à la requérante afin de les utiliser, par la suite, pour celles-ci.

160    Enfin, la Commission avance que l’affirmation de la requérante selon laquelle les certificats falsifiés correspondent aux modèles légaux est dénuée de pertinence, car ceux-ci sont de notoriété publique. S’agissant de l’assertion selon laquelle les certificats litigieux portaient également le nom, l’adresse, les caractéristiques et le numéro de série de l’imprimerie agréée en Turquie, la Commission fait valoir que seuls quelques-uns des 32 certificats litigieux contiennent de telles mentions et qu’il est difficile de déterminer clairement si ces mentions imprimées donnent effectivement les caractéristiques des imprimeries ou s’il s’agit seulement de désignations fantaisistes. À cet égard, la Commission fait observer que, même à supposer qu’il s’agissait des désignations d’imprimeries agréées, on pourrait néanmoins également supposer qu’un nombre suffisamment grand de certificats authentiques provenant d’imprimeries agréées étaient en circulation, ce qui aurait permis à un faussaire de s’en procurer un exemplaire ou une copie afin de fabriquer un faux.

 Appréciation du Tribunal

161    En ce qui concerne l’enregistrement des certificats par les autorités turques, il convient de relever que ni l’accord d’association ni ses dispositions d’application ne prévoient explicitement la tenue de tels registres. Néanmoins, l’annexe II, point II, paragraphe 12, de la décision n° 1/96 prévoit l’inscription, à la case 12 des certificats A.TR.1, du numéro du document. En outre, l’article 13 de cette même décision prévoit que, en cas de fractionnement de certificats, la case 12 de l’extrait mentionne, en particulier, le numéro d’enregistrement du certificat initial. Il est donc possible que les certificats A.TR.1 soient enregistrés par les autorités qui les délivrent, bien que la requérante ne fournisse aucun élément de preuve susceptible de démontrer l’existence de ces registres.

162    Toutefois, il y a lieu de constater que, quand bien même on admettrait que les numéros figurant à la case 12 des certificats litigieux soient repris dans les registres des bureaux de douane turcs, cela n’impliquerait pas qu’il s’agisse de certificats authentiques. En effet, comme le fait observer la Commission à juste titre, les faussaires auraient tout intérêt à utiliser pour les certificats falsifiés un numéro d’enregistrement correspondant à un certificat régulier.

163    Or, la requérante ne présente aucun élément probant permettant d’établir que les numéros consignés dans ces registres correspondent aux certificats litigieux. Elle se limite à affirmer que ses représentants ont constaté que de tels registres existaient et offre de recourir à leur témoignage.

164    Il s’ensuit que les arguments de la requérante sont dénués de pertinence, de sorte qu’il y a lieu de les rejeter.

c)     Sur le concours des autorités douanières turques

 Arguments des parties

165    La requérante allègue qu’il aurait été impossible d’obtenir un certificat A.TR.1 accompagnant les marchandises en cause sans le concours des autorités douanières turques. En effet, la législation pertinente aurait très largement prévenu le risque d’une utilisation abusive des certificats A.TR.1, qui seraient non seulement visés par les autorités douanières de l’État d’exportation, avec enregistrement concomitant, mais feraient également objet d’un contrôle des marchandises auxquelles ils ont trait afin de garantir que celles-ci sont réellement exportées. Les certificats A.TR.1 seraient tenus à la disposition de l’exportateur dès que l’exportation aurait été effectuée, et ce ne serait qu’à titre exceptionnel qu’un certificat pourrait être visé après l’exportation (voir article 8, paragraphe 1, de la décision n° 1/96 ainsi que l’article 4, paragraphe 1, de la décision n° 5/72). Ces dispositions garantiraient que l’autorité douanière compétente a encore l’occasion, lorsque le certificat A.TR.1 est mis à la disposition de l’exportateur, de vérifier si celui-ci correspond à l’origine des marchandises.

166    La Commission rétorque que les arguments de la requérante concernant le concours des autorités turques dans la délivrance des certificats litigieux sont dénués de pertinence. La Commission souligne qu’il est incontesté que la réglementation légale devrait exclure la présentation de certificats A.TR.1 pour des produits n’étant pas d’origine turque. En l’occurrence, la présentation de certificats A.TR.1 pour les exportations litigieuses n’indiquerait pas qu’il y ait eu collusion avec les autorités douanières turques.

 Appréciation du Tribunal

167    S’agissant de l’argument relatif au concours des autorités turques, il suffit de rappeler que les certificats litigieux se sont avérés être des falsifications. Or, la présentation de documents qui s’avèrent faux ne permet pas, à elle seule, de conclure à une quelconque collusion entre les exportateurs et les autorités douanières qui les délivrent.

168    Cet argument est donc dénué de tout fondement et doit, par conséquent, être rejeté.

d)     Sur la violation des règles en matière d’assistance administrative

 Arguments des parties

169    La requérante fait valoir d’abord que les autorités douanières turques sont soumises à un devoir d’assistance administrative en vertu des dispositions d’application de l’accord d’association. La requérante invoque, à cet égard, l’article 15 de la décision n° 1/96 et l’article 26 et l’annexe 7 de la décision n° 1/95. S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel les décisions nos 1/95 et 1/96 ne s’appliqueraient qu’à compter du 31 décembre 1995, la requérante affirme, d’une part, que le régime d’assistance administrative s’appliquait déjà en vertu des décisions précédentes et, d’autre part, que les décisions n°s 1/95 et 1/96 établissent, à cet égard, un droit formel s’appliquant également pour le passé.

170    Or, en l’espèce, les autorités douanières turques auraient enfreint l’obligation d’apporter un concours rapide et efficace à l’enquête concernant les certificats de circulation et, en particulier, leur obligation de communiquer rapidement des informations exactes quant à l’authenticité des certificats litigieux. Ces violations justifieraient de considérer comme très probable qu’elles ont participé à leur établissement.

171    Ensuite, la requérante expose les principes que les autorités turques semblent avoir suivi afin de qualifier un certificat A.TR.1 d’irrégulier ou de faux. Ainsi, les certificats relatifs à des concentrés de jus de fruits originaires de pays tiers, transformés en Turquie dans le cadre du régime de perfectionnement puis exportés, auraient été jugés irréguliers, parce que visés à tort. En revanche, les certificats A.TR.1 délivrés pour des concentrés de jus de fruits qui ont été soumis en Turquie à un régime de commerce de transit (Transit-Trade-Regime) auraient été considérés comme faux. Cette distinction serait perceptible dans les lettres de la représentation permanente turque des 10 juillet 1998 et 1er octobre 1999, adressées respectivement à la Commission et à l’OLAF, ainsi que dans la lettre du 12 octobre 1999 adressée par l’UCLAF à la Guardia di Finanza (corps chargé de la répression des infractions à caractère financier). La thèse de la requérante serait confirmée par le rapport de mission de l’UCLAF du 21 décembre 1998, dans lequel il est affirmé que les exportateurs n’étaient pas exclusivement responsables de la situation et que des recherches approfondies au bureau de Mersin s’imposaient.

172    Afin de démontrer le manque de coopération des autorités turques dans le cadre de l’assistance administrative, la requérante invoque, en premier lieu, une lettre du 9 janvier 1998 adressée par la représentation permanente turque à l’UCLAF, dans laquelle les autorités turques indiquaient qu’il n’était pas nécessaire, à ce moment, que les représentants de l’UCLAF se déplacent en Turquie. À cet égard, la requérante conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle cette lettre ne se rapporterait pas à l’exportation de concentrés de jus de pomme.

173    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la lettre de la représentation permanente turque du 10 juillet 1998, mentionnée au point 41 ci-dessus, ne préciserait pas, conformément aux indications figurant dans la case 14 de tout certificat A.TR.1, si les 22 certificats y mentionnés étaient inauthentiques ou irréguliers, se limitant à les qualifier de « false », un terme qui engloberait les deux possibilités. À cet égard, la requérante fait valoir que, bien que la case 14 de chaque certificat A.TR.1 s’intitule « Demande de contrôle » et la case 15 « Résultat du contrôle », les documents relatifs à la réponse concrète apportée aux demandes de contrôle des certificats litigieux n’ont pas été produits.

174    En troisième lieu, la requérante souligne que la Commission, au point C d’un courrier du 26 août 1999 adressé à la police criminelle douanière de Cologne (Allemagne), aurait mentionné que l’OLAF demanderait aux autorités turques de préciser, pour chaque certificat non valable, s’il s’agissait d’une falsification ou bien d’un certificat irrégulier. La requérante affirme toutefois ne pas savoir si cette demande a été effectuée.

175    En ce qui concerne les affirmations contradictoires des autorités turques, la requérante fait valoir que des certificats de contenu identique ont été, dans certains cas, jugés réguliers, dans d’autres cas, irréguliers et, finalement, des certificats préalablement qualifiés de faux ont, par la suite, été qualifiés d’irréguliers. La liste de documents jointe par la Commission en annexe à son mémoire en défense montrerait que 28 lettres ont été échangées en 1998 et en 1999 avec les autorités turques, sans que les faits aient pu en définitive être établis, et que la correspondance avec la représentation permanente turque a cessé en 1999, les autorités turques ayant refusé toute poursuite de la coopération avec la Commission à partir de l’année 2000.

176    À titre d’exemple, la requérante se réfère au certificat A.TR.1 D 437214, qui serait passé de faux dans la lettre du 8 mars 1999 à irrégulier par la suite.

177    De même, entre le 16 juillet et le 27 septembre 1999, le certificat A.TR.1 D 412662 aurait été, dans trois communications distinctes, successivement qualifié par les autorités turques d’incorrect, de partiellement correct et enfin d’authentique (lettres des 16 juillet, 19 août et 27 septembre 1999).

178    En outre, le certificat A.TR.1 D 141591 aurait d’abord été qualifié de faux (lettre du 15 mai 1998), et ensuite d’incorrect (lettre du 19 août 1999), en vertu du fait que les marchandises y ayant trait n’étaient pas d’origine turque. Selon la requérante, le certificat A.TR.1 D 141591 doit être rapproché des certificats A.TR.1 C 982920 et C 982938, lesquels ont été qualifiés d’incorrects et par rapport auxquels la Commission a renoncé à un recouvrement a posteriori des droits de douane. S’agissant de l’affirmation de la Commission selon laquelle le service des douanes de Ravenne aurait indiqué, par avis du 12 juin 1998, que le certificat A.TR.1 D 141591 était faux, la requérante répond qu’elle n’a pas été en mesure de consulter cette pièce lors de la procédure d’accès au dossier.

179    Le caractère contradictoire des informations fournies aurait été confirmé par le Tribunale civile e penale de Ravenne. À cet égard, la requérante fait valoir que le parquet de Vérone (Italie) a également clos l’enquête pénale la visant, ayant notamment conclu que les demandes réitérées de la police criminelle en vue d’obtenir des éléments de preuve étaient demeurées sans réponse. Selon la requérante, le procureur compétent de Vérone aurait prié la Guardia di Finanza de lui indiquer sur la base de quels documents, éléments et preuves les certificats délivrés par les autorités turques avaient été considérés comme matériellement faux, sans que les autorités italiennes aient pu obtenir de réponse.

180    En outre, la requérante estime que le fait que les autorités douanières turques aient admis que, parmi les 103 certificats faisant l’objet d’un contrôle, 17 – ou 16, si l’on exclut le certificat A.TR.1 D 437214 – étaient irréguliers, signifie qu’elles les ont sciemment visés à tort et, partant, suffit à mettre en cause la qualité du contrôle desdits certificats ainsi que l’exactitude des informations fournies dans le cadre de l’assistance administrative mutuelle.

181    La requérante établit, à cet égard, un parallèle avec les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, avec lesquelles le cas d’espèce présenterait, contrairement à la thèse de la Commission, des liens étroits, dont, notamment, le fait que les autorités turques n’aient jamais déclaré avoir été trompées par des tiers et aient empêché l’établissement des faits par leurs déclarations contradictoires.

182    En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel elle essaierait de semer la confusion en invoquant les déclarations des autorités turques relatives aux certificats considérés comme irréguliers, non visés en l’espèce, la requérante allègue que le caractère contradictoire des informations des différentes autorités turques relatives à d’autres certificats que les certificats litigieux est essentiel pour l’analyse de toutes les déclarations des autorités turques, y compris celles afférentes aux certificats litigieux.

183    Enfin, s’agissant de l’argument de la Commission selon lequel certaines communications émanant des autorités turques ne constitueraient que des conclusions intermédiaires, la requérante fait valoir que les dispositions sur l’assistance mutuelle ne prévoient la communication ni de telles conclusions ni de rapports provisoires.

184    La Commission rejette les affirmations de la requérante visant à démontrer diverses violations par les autorités turques de leur obligation de coopération et conteste l’existence de déclarations contradictoires de leur part.

185    En premier lieu, en ce qui concerne l’obligation de coopération, la Commission fait d’abord observer que les décisions n°s 1/95 et 1/96, sur lesquelles la requérante fonde une obligation de coopération d’office des autorités turques, n’étaient en vigueur que lors de la phase définitive du régime d’association et ne s’appliquent pas aux certificats litigieux, établis pendant la phase transitoire. Ceux-ci ne relèveraient, à cet égard, que de l’article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4115/86 et de l’article 11 de la décision n° 5/72, modifiée par la décision n° 1/78.

186    Ensuite, la Commission fait valoir que l’analogie avec l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, n’est pas pertinente en l’espèce, car la présente affaire repose sur des faits totalement différents. À ce titre, la Commission rappelle que les affaires ayant donné lieu à cet arrêt ne portaient pas sur des certificats falsifiés, mais sur des certificats délivrés par les autorités turques qui s’étaient avérés invalides parce qu’ils ne correspondaient pas aux conditions légales. Dans cet arrêt, le Tribunal aurait constaté que les autorités turques avaient tardé à éclaircir la situation, car leur coopération aurait fait apparaître leurs propres infractions. Dans le cas d’espèce, les autorités turques ne pourraient vouloir masquer leurs éventuelles infractions, parce qu’elles n’ont pas participé à l’établissement des certificats litigieux. De plus, le Tribunal n’aurait nullement affirmé que le manque de coopération des autorités turques constituait un important indice de leur participation à des actions illégales, comme le soutiendrait la requérante.

187    Par ailleurs, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les autorités turques savaient qu’elles délivraient à tort 16 ou 17 certificats A.TR.1, la Commission fait valoir qu’il est dénué d’intérêt, dans la mesure où lesdits certificats ne font pas l’objet de la présente procédure et où les droits à l’importation y afférents ont déjà été remboursés à la requérante, conformément à l’article 239 du CDC. Au contraire, le fait que les autorités turques ont reconnu avoir consciemment délivré à tort 16 ou 17 certificats indiquerait qu’elles ont participé à l’éclaircissement des faits sans se soucier de leur prestige et constituerait un indice de la crédibilité de leurs déclarations au sujet de l’inauthenticité des certificats litigieux.

188    En outre, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les autorités turques ont omis de remplir les cases 14 et 15 des certificats litigieux, la Commission fait valoir que ces cases étaient prévues uniquement pour les cas de contrôles portant sur le contenu des certificats, c’est-à-dire la véritable origine des marchandises y afférentes. Les certificats litigieux constituant des falsifications, les autorités turques n’auraient eu aucune raison de les authentifier ultérieurement en remplissant les cases 14 et 15.

189    Enfin, la Commission déclare ne pas partager la thèse de la requérante selon laquelle les déclarations des autorités turques contenues dans la lettre du 9 janvier 1998 à l’UCLAF, estimant qu’il n’était pas nécessaire que l’UCLAF procède à une vérification en Turquie, constituent un indice de leur complicité. Selon la Commission, cette communication ne se réfère pas au contrôle a posteriori des certificats litigieux, lequel n’avait, à cette date, pas encore été entrepris. De plus, la Commission fait observer qu’après que les enquêtes préliminaires ad hoc eurent été effectuées, une mission de contrôle de l’UCLAF s’est rendue en Turquie en décembre 1998, les enquêtes ayant d’ailleurs rapidement permis de déclarer, dès le 8 mars 1999, que les certificats litigieux n’étaient pas authentiques, parce que falsifiés.

190    En deuxième lieu, la Commission fait valoir que les affirmations de la requérante selon lesquelles les autorités turques auraient émis des déclarations contradictoires sont également dénuées de pertinence.

191    D’abord, la Commission indique que la correspondance mentionnée par la requérante a trait à des certificats considérés comme invalides, mais néanmoins authentiques, non litigieux en l’espèce. Ensuite, il s’agirait de conclusions intermédiaires communiquées lors de la première phase de l’enquête, lesquelles ne peuvent être que provisoires. Les autorités turques ne seraient jamais revenues sur la constatation, contenue dans la lettre du 8 mars 1999, selon laquelle les certificats litigieux constituaient des faux, parce qu’ils n’avaient pas été délivrés par elles.

192    Enfin, s’agissant plus particulièrement des affirmations de la requérante concernant le certificat n° D 141591, la Commission affirme qu’elles sont dénuées de pertinence, dans la mesure où celui-ci ne figure pas sur la liste des certificats falsifiés, tel qu’indiquée dans la lettre des autorités turques du 8 mars 1999, et ne fait donc pas l’objet de la présente procédure. Néanmoins, la Commission rappelle que, par lettre du 3 juin 2002, elle a demandé expressément aux autorités douanières italiennes si le certificat en question était falsifié ou seulement inexact dans son contenu. Par lettre du 6 juin 2002, communiquée à la Commission par lettre du 7 juin 2002, le service des douanes de Ravenne aurait informé sa hiérarchie, à Bologne et à Rome, que ce certificat de circulation avait été qualifié par les autorités turques, dans une note du 15 mai 1998, de faux. La falsification aurait été confirmée également par l’UCLAF, à la suite d’une mission d’enquête à Ankara en octobre 1998. En outre, le service des douanes de Ravenne aurait indiqué que la requérante n’avait ni formé un recours contre le prélèvement ultérieur de taxes faisant suite au constat de falsification, ni présenté une demande de remboursement, reconnaissant ainsi de manière manifeste que ledit certificat était un faux.

 Appréciation du Tribunal

193    Il convient de rappeler que, aux termes de la législation pertinente applicable aux faits de l’espèce, les parties contractantes à l’accord d’association se prêtent mutuellement assistance afin de garantir que la législation douanière est correctement appliquée. L’assistance mutuelle vise notamment à assurer le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats de circulation de marchandises (s’agissant de la phase transitoire de l’union douanière, voir article 2, paragraphe 3, du règlement n° 4115/86 et article 11 de la décision n° 5/72, telle que modifiée par la décision n° 1/78 ; s’agissant de la phase définitive de l’union douanière, voir article 2 de l’annexe 7 et article 29 de la décision n° 1/95 ainsi que l’article 15 de la décision n° 1/96).

194    En premier lieu, concernant l’argument de la requérante selon lequel l’absence d’un concours rapide et efficace des autorités turques à l’enquête indiquerait qu’elles ont participé à l’établissement et à la délivrance des certificats falsifiés, il importe de constater, tout d’abord, que le contrôle a posteriori des certificats relatifs aux importations effectuées par la requérante a été déclenché par le courrier du 15 mai 1998 des autorités turques, adressé au service des douanes de Ravenne, indiquant que le certificat D 141591 était faux. À la suite de cette détection, l’UCLAF a entrepris une première mission d’enquête en Turquie pendant la période allant du 12 jusqu’au 15 octobre 1998, c’est-à-dire à peine cinq mois après l’information des autorités turques. Une seconde mission s’est déroulée pendant la période allant du 30 novembre au 2 décembre 1998. À cet égard, il importe d’observer que, selon la requérante, une lettre des autorités turques du 9 janvier 1998, indiquant qu’une mission de l’UCLAF ne se montrait pas nécessaire, révélerait leur manque de coopération. Or, il est constant que, d’une part, les enquêtes portant sur les certificats litigieux ont été déclenchées seulement après le 15 mai 1998 et, d’autre part, que des missions de l’UCLAF ont été entreprises dans des délais raisonnables suivant la détection de la première falsification.

195    Par ailleurs, il y a lieu de constater que les examens conduits par les autorités turques portaient sur un nombre très élevé de certificats – plusieurs centaines, dont 103 certificats présentés par la requérante –, mais que, néanmoins, la liste des certificats considérés par celles-ci comme falsifiés a été transmise au service des douanes de Ravenne par lettre du 8 mars 1999, c’est-à-dire moins de trois mois après la fin de la dernière mission de l’UCLAF en Turquie.

196    Enfin, il y a lieu de relever l’abondance de la correspondance échangée entre les autorités communautaires et les autorités turques au sujet des certificats litigieux. À cet égard, il y a lieu de relever que l’allégation de la requérante faisant état d’un refus des autorités turques, notamment de la représentation permanente turque, de coopérer avec la Commission à partir de l’année 2000 n’est étayée par aucun élément probant. De même, la teneur de la décision du parquet de Vérone mettant fin à l’enquête ouverte contre la requérante ne permet à celle-ci de tirer aucune conséquence valable pour le cas d’espèce. En effet, dans cette décision, le procureur compétent se limite à mentionner les difficultés éprouvées dans l’obtention d’éléments probants, sans pour autant indiquer les responsables de telles difficultés. Par conséquent, cet argument n’est pas fondé et doit être rejeté.

197    En deuxième lieu, il convient de relever que la requérante allègue que les autorités turques ont empêché l’établissement des faits en fournissant des informations contradictoires portant sur le contrôle de la régularité et l’authenticité des certificats de circulation. À cet égard, la requérante cite trois certificats précis, à savoir les A.TR.1 D 437214, D 141591 et D 412662, lesquels auraient fait l’objet de qualifications différentes dans des communications successives émanant des autorités turques.

198    Il est vrai, ainsi que le note la Commission, que seul le certificat A.TR.1 D 437214 fait partie des certificats litigieux, les deux autres n’étant pas visés par la présente procédure. Toutefois, il y a également lieu de relever que la requérante s’appuie sur d’éventuelles contradictions concernant les trois certificats en question, dans le but de démontrer l’absence de rigueur des vérifications, ayant pour objet la totalité des certificats de circulation présentés, menées par les autorités turques. Attendu qu’une procédure déficiente dans le contrôle de l’authenticité des certificats peut constituer un manquement grave des autorités turques aux obligations qui leur incombent en vertu de l’accord d’association, il est nécessaire d’examiner la pertinence des affirmations de la requérante également pour ce qui est des certificats non litigieux dans le présent cas d’espèce.

199    S’agissant du certificat D 141591, il y a lieu de relever qu’il ressort des communications faisant partie du dossier que, dans un premier temps, les autorités turques l’ont qualifié de faux et, par la suite, d’incorrect. C’est la constatation de cette qualification ambiguë qui a motivé une demande d’éclaircissements de la part de la Commission, en date du 3 juin 2002. Or, il ressort de la réponse à cette demande, fournie par les autorités italiennes par lettre du 7 juin 2002, que le constat de falsification du certificat en question a été confirmé ultérieurement par les autorités turques dans la lettre du 8 mars 1999, communiquant les résultats définitifs des enquêtes menées en Turquie. Il ressort en outre de cette communication du 7 juin 2002 que le constat de falsification dudit certificat s’appuie aussi sur les conclusions de la mission d’enquête en Turquie menée par l’UCLAF en octobre 1998. Il convient dès lors de conclure que toute contradiction éventuelle tenant à la qualification de ce certificat a pu être écartée dès le mois d’octobre 1998, et que son caractère inauthentique ne faisait plus de doute dès le 8 mars 1999. Enfin, il y a lieu de relever que ce certificat ne fait pas partie des certificats litigieux en l’espèce. En effet, la requérante n’a ni formé de recours contre le prélèvement de droits faisant suite au constat de falsification, ni demandé le remboursement des droits perçus, reconnaissant implicitement le caractère inauthentique du certificat en question.

200    S’agissant du certificat D 412662, il y a lieu de constater que, par lettre du 16 juillet 1999, les autorités turques l’ont qualifié d’incorrect en vertu du fait que les marchandises y afférentes n’étaient pas originaires de Turquie. Par la suite, les autorités turques ont informé l’OLAF, par lettre du 10 août 1999, qu’elles avaient commis une erreur et que le certificat en question devait être qualifié de partiellement incorrect, dans la mesure où seule une partie des marchandises y afférentes n’était pas d’origine turque. Cette dernière constatation a été confirmée par un courrier du 19 août 1999, adressé au service des douanes de Ravenne. Il ressort des trois communications précitées que les autorités turques ne se sont pas contredites dans le cadre de la coopération administrative avec les autorités communautaires, mais qu’elles ont simplement complété et modifié partiellement la communication initiale du 16 juillet 1999.

201    En effet, la contradiction identifiée par la requérante résulte du contenu d’une communication subséquente du 27 septembre 1999, adressée à la société mère de celle-ci, Steinhauser, dans laquelle les autorités turques indiquent que le certificat D 411262 est correct. À cet égard, il y a lieu de relever d’abord que cette lettre n’a pas été transmise dans le cadre de la coopération entre administrations douanières et ne comporte donc pas un résultat officiel de la procédure de contrôle des certificats de circulation de marchandises. En outre, il est possible que les autorités douanières turques ne se soient pas montrées particulièrement zélées dans leurs rapports avec la requérante, et aient ainsi omis de l’informer que le certificat en question n’était que partiellement correct. Dès lors, il y a lieu de conclure que la requérante ne peut en tirer aucune conséquence valable pour le cas d’espèce. Cette conclusion n’est pas infirmée par le fait que le Tribunale civile e penale de Ravenne ait, par jugement du 20 décembre 2000, fait référence à l’erreur commise par les autorités turques dans la qualification initiale de ce certificat.

202    S’agissant du certificat D 437214, il ressort des considérations exposées aux points 120 et suivants ci-dessus que les autorités turques semblent, à un moment donné, être revenues sur leur constatation initiale selon laquelle ce certificat était un faux. Il convient néanmoins d’observer qu’une telle contradiction ne ressort pas de manière évidente, en raison du manque de précision des termes employés dans les communications écrites des autorités turques. En outre, il y a lieu de relever que les informations ambiguës transmises par les autorités turques ont fait l’objet d’une demande de clarification de la part de la Commission. Or, une vérification postérieure a permis de confirmer sans aucun doute possible que la qualification initiale dudit certificat était correcte, et qu’il s’agissait effectivement d’un faux.

203    Il résulte de ce qui précède que les contradictions alléguées par la requérante ne permettent pas de conclure à l’irrégularité manifeste de la procédure de contrôle de l’authenticité des certificats mise en œuvre par les autorités turques. En effet, les ambiguïtés relevées dans le cadre de la coopération entre administrations douanières ne concernent que deux certificats, à savoir les A.TR.1 D 437214 et D 141591. De surcroît, il y a lieu de relever que les déclarations ambiguës concernant la qualification desdits certificats ont fait l’objet de demandes d’éclaircissements et que leur qualification définitive a pu être établie avec certitude. Or, les déclarations ambiguës ponctuelles des autorités turques ne concernent, par rapport au nombre total de certificats contrôlés, qu’un nombre très limité de certificats. Par conséquent, ces déclarations, qui ont été clarifiées par la suite, ne sauraient en elles-mêmes être considérées comme constituant des manquements significatifs aux obligations d’assistance administrative découlant de l’accord d’association et des dispositions d’application de celui-ci. Dès lors, aucun manquement à ce sujet ne saurait être imputé aux autorités turques.

204    En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les autorités turques auraient omis de remplir les cases 14 et 15 des certificats de circulation, il suffit d’observer que ces cases concernent le contrôle de la véritable origine des marchandises et leur conformité avec le contenu du certificat. Les autorités turques ayant conclu à la falsification des certificats, elles n’étaient pas tenues de remplir les cases 14 et 15, dans la mesure où la question de la conformité des marchandises avec des documents inauthentiques ne peut, par définition, se poser.

205    Enfin, il y a lieu de relever que la requérante s’appuie sur une thèse par laquelle elle tente de reconstituer la méthode que les autorités turques auraient adoptée afin de qualifier certains certificats d’incorrects et d’autres certificats, pourtant identiques, de falsifiés. À cet égard, il y a lieu de constater que la thèse de la requérante n’est étayée par aucun élément probant, de sorte qu’elle doit être rejetée pour défaut de preuve.

206    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter l’intégralité des arguments de la requérante relatifs aux violations par les autorités turques des règles en matière d’assistance administrative comme non fondés.

e)     Sur les indices additionnels

 Arguments de la requérante

207    La requérante affirme que d’autres éléments démontrent encore des manquements des autorités turques constitutifs d’une situation particulière à son égard.

208    Premièrement, la requérante affirme que le manquement individuel des autorités douanières de Mersin était la conséquence du manquement général et structurel des autorités turques. À l’appui de ces affirmations, elle avance d’abord le fait que, lors d’un entretien à Ankara avec un responsable de l’administration centrale turque des douanes, son représentant, M. Nothelfer, a été informé qu’une enquête pénale avait été ordonnée pour vérifier tous les certificats de transport de marchandises. S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel une telle enquête pénale ne faisait que renforcer la crédibilité de l’administration des douanes turque, la requérante fait observer que la Commission aurait dû savoir qu’il ne s’agissait que de l’une des excuses fournies par ladite administration pour donner l’impression d’avoir agi. Les certificats délivrés n’auraient, en réalité, été soumis à aucune enquête pénale.

209    Ensuite, il ressortirait de la teneur d’un autre entretien, conduit par les représentants de la requérante avec M. Dogran, du bureau des affaires économiques du Premier ministre turc, que la République de Turquie se préoccupait essentiellement du développement économique de ses entreprises, ignorant le contenu et l’importance des règles relatives au régime préférentiel et à l’origine des marchandises. Cette attitude correspondrait aux constatations faites dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, et ce n’aurait été que plus tard que l’UCLAF aurait informé les autorités turques de l’importance de l’obligation de respecter les règles préférentielles. À cet égard, la requérante souligne dans sa réplique que, contrairement à l’affirmation de la Commission, les services du bureau du Premier ministre turc auraient dû posséder des connaissances sur les conditions d’établissement des certificats de circulation.

210    Deuxièmement, la requérante souligne avoir déposé une plainte contre M. Akman, gérant de la société turque du même nom, par l’intermédiaire d’un cabinet d’avocats d’Ankara. Toutefois, le parquet de Mersin aurait suspendu les poursuites en 2001 sans que les mandataires de la requérante aient, à ce jour, été informés des motifs de la suspension des poursuites, en dépit de demandes réitérées. La requérante suppose qu’il a été constaté que les 32 certificats A.TR.1 litigieux avaient été visés au moyen de cachets authentiques de l’administration douanière turque et que, en conséquence, le parquet compétent a reçu l’ordre d’Ankara de mettre fin à la procédure.

211    Dans sa réplique, la requérante rejette l’argumentation de la Commission selon laquelle la cessation des poursuites pénale contre M. Akman pourrait s’expliquer par le fait que celui-ci n’a pas participé aux falsifications. La requérante estime, tout d’abord, qu’il n’est pas certain que ces poursuites aient été réellement engagées. Ensuite, la requérante note que, à supposer qu’il y ait eu falsification, M. Akman en aurait été le principal bénéficiaire. Enfin, la requérante fait valoir qu’il ressort du rapport de mission de l’UCLAF du 23 décembre 1998 que des agents de la Commission se sont entretenus avec M. Bolat, du parquet de Mersin, lequel leur aurait remis une copie de tous les certificats où figurait le nom de M. Akman. Selon la requérante, la Commission n’a pas obtenu de réponse à la demande, formulée lors de cet entretien, d’être tenue informée du résultat des enquêtes.

212    Troisièmement, la requérante affirme que la Commission semble avoir atteint les « limites du possible » dans les enquêtes qu’elle a menées en Turquie au sujet de l’établissement des certificats litigieux. La requérante affirme que l’UCLAF n’a pas pu consulter les registres douaniers au bureau de Mersin, ni parler aux fonctionnaires compétents. Selon la requérante, la raison pour laquelle l’UCLAF n’a pas pu mener une enquête plus approfondie est que celle-ci aurait révélé qu’un grand nombre de produits originaires de pays tiers avaient, pour des raisons de développement économique et avec la participation des plus hautes autorités politiques turques, été exportés de Mersin vers la Communauté européenne en utilisant le certificat A.TR.1.

213    La Commission rejette, en premier lieu, les thèses avancées par la requérante au sujet de ses discussions avec les autorités turques. À ce titre, la Commission considère que l’admission, par l’administration centrale des douanes à Ankara, du fait que tous les certificats A.TR.1 avaient fait l’objet d’une enquête pénale renforcerait la crédibilité des conclusions de la lettre du 8 mars 1999 susmentionnée, selon lesquelles lesdits certificats n’ont pas été délivrés par les autorités douanières turques. En outre, la Commission estime que l’affirmation de la requérante selon laquelle M. Dogran ne connaissait ni le contenu ni la signification des règles d’origine et du régime préférentiel est aussi sans importance, dans la mesure où ce dernier, qui faisait partie de la section chargée des affaires économiques du bureau du Premier ministre turc, n’aurait pas été tenu de les connaître.

214    En deuxième lieu, la Commission souligne que la suspension de la procédure pénale engagée contre M. Akman peut être due au fait qu’il était lui-même de bonne foi et n’avait donc pas participé aux falsifications. En outre, seul un très petit nombre de codes de procédure pénale prévoiraient l’obligation de motiver la suspension d’une procédure d’enquête vis-à-vis du plaignant.

215    En troisième lieu, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission et l’UCLAF se sont heurtées dans leur enquête aux « limites du possible », en raison du manque de coopération des autorités turques, la Commission rappelle que celles-ci ont pleinement coopéré et que l’UCLAF a pu mener correctement ses enquêtes en Turquie, ne constatant aucune fausse déclaration, ainsi que l’attestent les rapports de mission des 9 et 23 décembre 1998.

 Appréciation du Tribunal

216    D’abord, en ce qui concerne les affirmations de la requérante relatives à la teneur des discussions de ses représentants avec M. Dogran, du bureau des affaires économiques du Premier ministre turc, il y a lieu de relever qu’elles sont dénuées de pertinence. En effet, la question de savoir si un fonctionnaire tel que M. Dogran possédait ou non des connaissances sur les règles relatives au régime préférentiel et à l’établissement des certificats de circulation ne peut avoir d’incidence sur les faits de l’espèce. De même, s’agissant des affirmations de la requérante faisant état de la déclaration, par un fonctionnaire de l’administration centrale des douanes turque, selon laquelle une enquête pénale avait été ordonnée pour vérifier les certificats de circulation, il suffit de noter qu’elles sont non seulement dénuées de pertinence, mais encore qu’elles ne sont étayées par aucun élément de preuve.

217    Ensuite, s’agissant de l’argumentation de la requérante relative à la suspension des poursuites pénales contre M. Akman, gérant de la société turque du même nom, ordonnée par le parquet de Mersin, elle ne saurait non plus être retenue. Même s’il s’avérait que la requérante n’a pas été informée des motifs sous-jacents à cette suspension, ce fait ne permettrait pas, en tout état de cause, de supposer que sa plainte n’a pas abouti du fait que le parquet de Mersin se serait rendu compte que les certificats litigieux ne constituaient pas des falsifications. À cet égard, il y a lieu de noter, d’une part, qu’il s’agit là d’une question de droit pénal turc, et, d’autre part, que la requérante n’a même pas cherché à démontrer qu’elle avait droit, en sa qualité de plaignante et en vertu de la législation turque applicable, à être informée des motifs fondant l’ordre de cessation des poursuites. De même, la requérante n’apporte aucun élément permettant d’établir que les autorités turques n’ont pas donné suite à une demande de la Commission d’être informée des résultats des enquêtes pénales.

218    Enfin, en ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle l’UCLAF se serait heurtée, lors de ses enquêtes menées en Turquie, à divers obstacles créés par les autorités turques, il y a lieu de relever qu’elle n’est étayée par aucun élément probant. En effet, la requérante ne s’appuie sur aucun élément permettant de supposer que l’UCLAF n’a pas pu mener une enquête approfondie, notamment auprès de l’administration des douanes de Mersin. Le manque de coopération est d’ailleurs contredit par le contenu des rapports de mission des 9 et 23 décembre 1998 qui font état de la coopération des autorités turques.

219    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de conclure qu’aucun des éléments invoqués par la requérante n’est de nature à constituer un grave manquement des autorités turques aux obligations qui leur incombent en vertu de l’accord d’association et de ses dispositions d’application.

220    Il résulte de ce qui précède qu’il y a lieu de rejeter cette branche du deuxième moyen comme non fondée.

3.      Sur les manquements imputables à la Commission européenne

221    La requérante affirme, en substance, que la Commission a gravement manqué à ses obligations de protection à son égard et à l’égard d’autres importateurs concernés. Les manquements imputables à la Commission découleraient 1) de l’absence de surveillance et de contrôle de l’application du régime préférentiel par les autorités turques ; 2) de l’absence de communication aux autorités douanières nationales des spécimens des cachets et signatures employés par les autorités turques ; 3) de la violation de l’obligation de mise en garde des importateurs en temps utile, et 4) d’une appréciation incorrecte des faits lors des enquêtes menées en Turquie.

a)     Sur l’absence de contrôle régulier du régime préférentiel

 Arguments des parties

222    En premier lieu, la requérante fait valoir que les autorités turques ne comprenaient pas les règles relatives à l’origine des marchandises. À l’appui de cette affirmation, elle avance les constatations effectuées par ses représentants lors de leurs entretiens à Ankara et à Mersin avec les autorités turques. Selon la requérante, les agréments de nature diverse délivrés par le bureau des affaires économiques du Premier ministre turc allaient toujours de pair avec la délivrance d’un certificat A.TR.1. En outre, dans d’autres cas également, les autorités turques compétentes auraient visé des certificats A.TR.1 sans tenir compte de l’origine des marchandises, n’ayant manifestement aucune conscience de l’illégalité de ces pratiques. À cet égard, la requérante établit un parallèle avec les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, dans lesquelles le Tribunal aurait constaté que, pendant une période quasi identique à celle couvrant les faits de l’espèce, les autorités turques compétentes n’avaient pas respecté la réglementation douanière applicable dans le but de profiter de l’union douanière naissante avec les Communautés européennes afin de favoriser leur propre économie.

223    Selon la requérante, les dispositions sur l’établissement et la délivrance des certificats de circulation des marchandises A.TR.1 font aujourd’hui, pour l’essentiel, l’objet d’une application correcte et plus stricte. Or, ce changement ne serait néanmoins intervenu qu’après les enquêtes menées en Turquie par l’UCLAF et sans doute aussi en raison des discussions entre la Commission et les autorités turques à la suite des affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, et de la présente affaire.

224    En deuxième lieu, la requérante fait valoir que la Commission n’a pas veillé à l’observation des règles découlant de l’accord d’association, qu’elle était tenue d’assurer en vertu de l’article 211 CE et du principe de bonne administration. La Commission aurait une obligation particulière dans la surveillance des accords de préférence et d’origine conclus entre la Communauté et les pays tiers.

225    La requérante souligne que l’article 26 de la décision n° 1/95 prévoit expressément la nécessité d’assurer le fonctionnement efficace de l’union douanière et l’amélioration du régime préférentiel, le conseil d’association s’étant lui-même engagé à examiner régulièrement les améliorations apportées à ce régime. Par ailleurs, dans le cadre de la création de l’union douanière, la Commission serait en contact permanent avec les autorités compétentes en Turquie par le biais du conseil d’association et du comité douanier, où elle est représentée. Ceux-ci devraient avoir pour mission essentielle de garantir que les dispositions relatives à l’origine des marchandises étaient comprises et faisaient l’objet d’une introduction régulière ainsi que d’un contrôle constant en Turquie.

226    Or, la requérante affirme que la Commission a manqué à son devoir de diligence en négligeant de s’adresser en temps utile au comité pour la coopération douanière afin de clarifier la situation et de prendre des mesures garantissant le respect des décisions du conseil d’association par l’administration des douanes turque. À cet égard, la requérante affirme ne pas comprendre l’argument de la Commission selon lequel le conseil d’association ou le comité douanier mixte n’aurait pu statuer qu’à l’unanimité. Étant donné que le conseil d’association prend des décisions que les administrations des douanes turque et européennes sont tenues de respecter, le grave manquement de la Commission découlerait, d’une part, du fait qu’elle ne s’est pas informée du respect des décisions du conseil d’association, que ce soit au sein du comité douanier ou en Turquie, et, d’autre part, du fait qu’elle n’a pas saisi l’occasion que lui offraient les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, pour opérer, dès 1993 ou 1994, un contrôle renforcé du respect des règles relatives à l’origine en matière de produits agricoles.

227    En troisième lieu, la requérante ajoute que l’obligation de diligence de la part de la Commission était accrue en ce qui concerne la République de Turquie, notamment en raison des précédents manquements des autorités turques constatés dans l’arrêt Téléviseurs turcs, précité. En outre, la requérante relève que les exportations de marchandises turques vers la Communauté ont augmenté fortement pendant la période contemporaine des importations litigieuses. Or, la Commission n’aurait pu accepter cette importante augmentation des exportations sans imposer, d’une part, la production des spécimens de cachets et des signatures et, d’autre part, une vérification suffisante des certificats d’origine dans le cadre de la procédure de contrôle.

228    De surcroît, le fait que des informations contradictoires et trompeuses aient été transmises lors de cette procédure de contrôle aurait dû imposer des contrôles complémentaires de la part de la Commission. Enfin, cette obligation de contrôle serait encore renforcée en vertu du fait que les autorités turques n’ont pas utilisé le verso des certificats A.TR.1 pour fournir une réponse claire sur la validité de ceux-ci.

229    La Commission conteste, en premier lieu, toute analogie avec les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité. En effet, la Commission fait d’abord valoir que le cas d’espèce présente une différence majeure par rapport auxdites affaires, à savoir que, en l’occurrence, l’on se trouve devant une falsification de certificats d’origine opérée par des tiers et à laquelle les autorités turques n’ont pas participé. Les défauts d’information ou les manquements aux règles par les autorités turques seraient dès lors dénués d’importance, dès lors que ces dernières n’auraient pas participé à la falsification des 32 certificats litigieux. Néanmoins, afin de démontrer le caractère erroné de la thèse de la requérante, la Commission estime nécessaire d’énumérer les différences que le cas d’espèce présenterait par rapport aux faits sous-jacents à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité.

230    Ainsi, selon la Commission, dans l’arrêt Téléviseurs turcs (point 261), il est indiqué que les autorités turques avaient attendu plus de 20 ans avant de transposer les dispositions de l’accord d’association et du protocole additionnel relatives au prélèvement compensateur. En outre, la Commission n’avait pas correctement contrôlé cette transposition. Or, en l’espèce, au contraire, les certificats d’origine en question auraient été falsifiés sans participation des autorités turques. Ensuite, dans le même arrêt (point 262), le Tribunal aurait constaté que des décisions pertinentes du conseil d’association n’avaient pas été publiées au Journal officiel, tandis qu’en l’espèce tous les actes applicables auraient été régulièrement publiés. Enfin (point 263), la Commission n’aurait réagi que quatre ans après le dépôt d’une première plainte concernant l’existence de problèmes relatifs à l’application des dispositions en question, tandis qu’en l’espèce la Commission serait intervenue sans délai au regard des autorités turques.

231    En deuxième lieu, la Commission fait valoir que la volumineuse correspondance échangée avec les autorités turques compétentes et le fait que l’UCLAF a conduit une mission d’enquête en Turquie relativement peu de temps après les premiers soupçons de falsification prouveraient à eux seuls que la Commission n’a pas méconnu ses obligations d’examen et de contrôle du régime préférentiel.

232    En troisième lieu, la Commission souligne que la requérante méconnaît le fait que, conformément à l’accord d’association et aux décisions pertinentes du conseil d’association ou du comité douanier mixte, c’était la République de Turquie et non la Commission qui était compétente pour faire respecter les règles d’origine en Turquie. La Commission affirme que, bien qu’elle n’ait en aucun cas laissé la République de Turquie agir à sa guise, elle s’est limitée à demander des avis au gouvernement turc et, le cas échéant, à effectuer des contrôles sur place. De même, le conseil d’association ou le comité douanier mixte – même s’ils avaient été compétents en la matière, ce qui ne serait pas le cas – seraient des organes mixtes qui ne pouvaient décider qu’à l’unanimité (article 23, paragraphe 3, de l’accord d’association), et donc la Commission n’aurait rien pu imposer dans ces enceintes contre la volonté des représentants turcs. Néanmoins, toutes les décisions du conseil d’association auraient été appliquées et des contrôles ponctuels des administrations des douanes des États membres auraient été effectués. En outre, la Commission affirme avoir régulièrement présenté aux autorités turques tous les problèmes posés dans le cadre du régime préférentiel, toutes ces circonstances ayant été clarifiées par ces autorités.

233    Enfin, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les déclarations contradictoires des autorités turques au sujet des certificats litigieux auraient justifié un contrôle accru de sa part, la Commission relève que, faute de déclarations contradictoires, cet argument est dénué de pertinence.

 Appréciation du Tribunal

234    S’agissant des prétendus manquements relatifs à la surveillance et au contrôle de l’application de l’accord d’association, il y a lieu de relever que, en vertu de l’article 211 CE et du principe de bonne administration, la Commission a l’obligation d’assurer une correcte application de l’accord d’association (voir arrêt Téléviseurs turcs, précité, point 257, et la jurisprudence qui y est citée). Cette obligation résulte également de l’accord d’association même et des différentes décisions adoptées par le conseil d’association (arrêt Téléviseurs turcs, précité, point 258).

235    En l’espèce, la requérante n’a pas réussi à démontrer que la Commission n’avait pas fait le nécessaire pour assurer la correcte application de l’accord d’association.

236    En effet, tout d’abord, en ce qui concerne l’argument de la requérante selon lequel les autorités turques ne comprendraient pas les règles relatives à l’origine des produits pouvant bénéficier du régime préférentiel, il suffit de relever qu’il est dénué de pertinence dans la mesure où les certificats litigieux n’ont pas été délivrés par ces autorités. En effet, ainsi qu’il ressort des points 150 et suivants ci-dessus, la requérante n’a pas été à même de démontrer la participation des autorités turques à l’établissement desdits certificats.

237    Ensuite, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la Commission aurait dû imposer un contrôle renforcé de l’application par la République de Turquie des règles relatives à l’établissement des certificats d’origine en raison, d’une part, de l’augmentation significative des importations en provenance de Turquie et, d’autre part, des constatations effectuées dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, il suffit d’observer qu’il est aussi dénué de pertinence.

238    En effet, la requérante s’appuie sur des affirmations générales faisant état de violations systématiques de l’accord d’association par les autorités turques, sans toutefois les étayer par des éléments probants. En outre, la requérante ne saurait valablement parvenir, à partir des constatations faites par le Tribunal dans l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, à la conclusion générale selon laquelle toute la procédure d’établissement de certificats de circulation par les autorités turques violait systématiquement les règles d’origine. Enfin, même à admettre que la Commission était tenue d’exercer un contrôle accru sur l’application de l’accord d’association, il y a lieu de relever que, ainsi qu’il ressort du point 194 ci-dessus, l’UCLAF a mené des enquêtes en Turquie dès la survenance des premiers indices de falsification de certificats de circulation, et, partant, que la Commission a effectivement veillé à la bonne application de l’accord d’association.

239    En ce qui concerne les arguments de la requérante relatifs à l’obligation de la Commission de s’adresser au conseil d’association ou au comité mixte de l’union douanière, lequel est institué par l’article 52 de la décision n° 1/95, il y a lieu de constater qu’ils ne sont pas pertinents. En effet, conformément à l’article 22 de l’accord d’association, le conseil d’association a pour mission principale de prendre les mesures nécessaires afin d’assurer le bon fonctionnement dudit accord et le respect de celui-ci par les parties contractantes (arrêt Téléviseurs turcs, précité, point 274). De même, le comité mixte de l’union douanière a pour mission, aux termes de l’article 52, paragraphe 1, de la décision n° 1/95, de veiller au bon fonctionnement de l’union douanière, en formulant notamment des recommandations destinées au conseil d’association. En outre, l’article 52, paragraphe 2, de la décision n° 1/95 prévoit que les parties contractantes se consultent au sein du comité mixte sur tous les points relevant de la mise en œuvre de ladite décision qui soulèvent une difficulté pour l’une d’entre elles.

240    Or, force est de constater, au vu de ce qui précède, que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer que la Commission s’est heurtée à des difficultés dans le cadre de l’assistance administrative convenue avec la République de Turquie justifiant la discussion, au sein de ces organes, de l’adoption de mesures spécifiques visant à les contrer. S’agissant notamment des déclarations ambiguës des autorités turques portant sur trois certificats de circulation, il suffit d’observer qu’il ressort du point 203 ci-dessus que non seulement celles-ci n’étaient pas de nature à mettre en cause la régularité de la procédure de contrôle, mais encore que les autorités turques ont coopéré avec la Commission lorsque celle-ci a formulé des demandes d’éclaircissements à leur égard.

241    S’agissant de l’analogie que la requérante essaie d’établir avec les faits ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, il convient d’observer que ces derniers ne sont pas comparables à ceux qui ont été examinés dans le cadre de la présente affaire. En effet, dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, le Tribunal a constaté que les autorités turques avaient commis de graves manquements, dont, notamment, l’absence de transposition de dispositions de l’accord d’association, lesquels affectaient la totalité des exportations de téléviseurs en provenance de Turquie. Lesdits manquements avaient contribué à la survenance d’irrégularités relatives aux exportations, plaçant les exportateurs dans une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC (arrêt Téléviseurs turcs, précité, points 255 et 256).

242    Or, dans le cas d’espèce, de tels manquements affectant l’ensemble des exportations de jus de fruits ne s’avèrent pas démontrés en ce qui concerne les certificats litigieux. Il y a lieu de relever que les manquements des autorités turques constitutifs d’une situation particulière exposés dans la décision attaquée concernent uniquement les certificats de circulation, présentés par la requérante, qui avaient été injustement établis par l’administration des douanes turque. C’est par rapport à ces certificats que la Commission a estimé que les autorités compétentes turques savaient ou auraient dû savoir que les marchandises pour lesquelles elles délivraient des certificats d’origine ne remplissaient pas les conditions requises pour pouvoir bénéficier du traitement préférentiel. En revanche, comme il a été constaté ci-dessus, aucun manquement des autorités turques n’a contribué à l’établissement des 32 certificats litigieux.

243    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante comme non fondés.

b)     Sur l’absence de communication des spécimens de cachets et de signatures

 Arguments des parties

244    La requérante affirme que, en ne communiquant pas aux États membres, en particulier au gouvernement italien, les spécimens des empreintes des cachets et des signatures utilisés par les bureaux de douane d’exportation turcs, en particulier ceux de Mersin, la Commission a gravement manqué à ces obligations à l’égard d’importateurs comme la requérante. Selon la requérante, l’article 93 du règlement d’application du CDC, qui s’applique également en vertu de l’article 20 du CDC dans le cadre de l’accord d’association, imposait à la Commission de veiller à ce que l’administration des douanes turque lui envoie ces spécimens.

245    À cet égard, la requérante avance que les autorités turques ont reconnu leur obligation de transmettre lesdits spécimens à la Commission et ont affirmé avoir effectivement transmis au moins les cachets utilisés à Mersin. Ce manquement serait d’autant plus grave que les cachets officiels utilisés par le bureau de douane de Mersin étaient très abîmés et leur empreinte était donc très faible. Or, rappelle la requérante, les cachets et les signatures constituent les moyens essentiels pour établir, y compris au sein de la Communauté, si l’administration des douanes turque a ou non contribué à l’établissement des certificats litigieux et faciliteraient en même temps un meilleur contrôle des certificats présentés par les importateurs.

246    En l’espèce, les autorités douanières italiennes compétentes auraient été mieux à même d’effectuer des comparaisons si la Commission leur avait envoyé tous les cachets et modèles de signature du bureau de douane de Mersin et si elle avait veillé à ce que les cachets soient renouvelés dans des délais précis. En effet, soit le grief tiré de la falsification n’aurait pas été soulevé, soit, en cas de falsification, celle-ci aurait pu être découverte et élucidée dès les premières importations litigieuses.

247    La Commission se limite à affirmer que la République de Turquie n’était pas tenue de lui communiquer les signatures et cachets originaux des autorités douanières de Mersin en vertu du fait que, ainsi qu’elle l’a exposé précédemment (voir point 143 supra), l’article 93 du règlement d’application du CDC n’est pas applicable en l’espèce.

 Appréciation du Tribunal

248    Il y a lieu de relever que la requérante reproche à la Commission d’avoir violé les obligations qui lui incombent en vertu de la réglementation applicable, en n’ayant pas transmis aux autorités douanières italiennes les spécimens des cachets et des signatures utilisés par l’administration des douanes turque. Ce faisant, la Commission aurait facilité la circulation des certificats falsifiés. La question se pose donc de savoir si la Commission était tenue d’obtenir les spécimens en question et de les transmettre ultérieurement aux autorités douanières des États membres.

249    À cet égard, il importe de constater que, contrairement à ce que prétend la requérante, l’article 93 du règlement d’application du CDC n’est pas applicable en l’espèce. Partant, cet article n’imposait ni aux autorités turques de communiquer les spécimens des cachets et des signatures utilisés par leurs bureaux de douane, ni à la Commission de les transmettre aux États membres. Cette constatation découle de la position que l’article 93 occupe dans la systématique du règlement d’application du CDC, à savoir sous la sous-section 3, intitulée « Méthodes de coopération administrative », de la section 1, intitulée « Système des préférences généralisées », du chapitre consacré à l’origine préférentielle des marchandises. Celui-ci fait partie du titre IV du règlement d’application du CDC, relatif à l’origine des marchandises. Or, ainsi qu’il ressort d’une lecture combinée de l’article 67 et de l’article 93 du règlement d’application du CDC, cette dernière disposition prévoit des méthodes de coopération administrative s’appliquant aux échanges entre la Communauté et des pays en développement auxquels celle-ci accorde des préférences tarifaires. Force est donc de constater que l’article 93 du règlement d’application du CDC ne concerne pas des marchandises originaires de Turquie.

250    En outre, il y a lieu de relever qu’une lecture combinée de l’article 20, paragraphe 3, sous d), et de l’article 27, sous a), du CDC permet de conclure que, dans le cadre des accords établissant des régimes tarifaires préférentiels conclus entre la Communauté et des pays tiers, les règles relatives à l’origine des marchandises sont déterminées dans ces mêmes accords. En l’espèce, force est de constater que l’accord d’association établit un tel régime. Or, il convient d’observer que ni l’accord en question ni les décisions du conseil d’association visant à mettre en œuvre ses dispositions n’ont prévu une quelconque obligation de communication de spécimens de cachets et de signatures entre les parties contractantes.

251    Pour ce qui est de la phase définitive de l’union douanière, c’est-à-dire la période postérieure au 31 décembre 1995, la décision n° 1/95, précitée, dispose à son article 29 que l’assistance mutuelle entre les autorités douanières des parties contractantes est régie par les dispositions de son annexe 7, qui, en ce qui concerne la Communauté, couvrent les matières relevant de la Communauté. Or, les dispositions de cette annexe 7, qui règlent de manière exhaustive les méthodes de coopération administrative, ne font aucune référence à une éventuelle obligation de communication de spécimens de cachets et de signatures. Par ailleurs, il y a lieu de relever que la décision n° 1/96 du Comité de coopération douanière CE-République de Turquie, qui détermine les dispositions d’application de la décision n° 1/95, n’impose pas non plus une telle obligation.

252    Cette constatation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante selon lequel l’article 4 de la décision n° 1/96 renverrait à l’article 93 du CDC. En effet, cet article 4 se limite à déterminer que les réglementations douanières communautaire et turque s’appliquent aux échanges de marchandises entre les deux parties, dans leurs territoires respectifs, dans les conditions prévues dans la décision n° 1/96. Le chapitre 2 de cette décision, intitulé « Dispositions concernant la coopération administrative pour la circulation des marchandises », détermine les conditions de fond et de forme auxquelles doivent répondre les certificats de circulation de marchandises délivrés dans le cadre des échanges commerciaux entre la Communauté et la République de Turquie, sans toutefois imposer une obligation de communication de cachets et de signatures. Par ailleurs, l’article 15 de cette même décision n° 1/96 dispose que le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats est mené dans le cadre de l’assistance mutuelle prévue à l’article 29 et à l’annexe 7 de la décision n° 1/95.

253    Enfin, il y a lieu de relever que la seule situation où une telle obligation de communication des spécimens en question est explicitement prévue concerne la procédure simplifiée pour la délivrance de certificats [(voir article 12, paragraphe 5, sous b), de la décision n° 1/96 et article 9 bis, paragraphe 5, sous b), de la décision n° 5/72, telle que modifiée par la décision n° 2/94)]. Selon les dispositions applicables, les certificats délivrés selon la procédure simplifiée doivent spécifiquement y faire mention (voir article 9 bis, paragraphe 6, de la décision n° 5/72, telle que modifiée par la décision n° 2/94). Or, les certificats litigieux ne comportent aucune mention de cette procédure simplifiée.

254    S’agissant des marchandises importées pendant la phase transitoire de l’union douanière, c’est-à-dire jusqu’au 31 décembre 1995, il y a lieu de relever que ni la décision n° 5/72 ni la décision n° 4/72 ne prévoyaient explicitement l’obligation de communication de spécimens de cachets et de signatures.

255    Force est donc de constater que, pendant toute la période couvrant les importations litigieuses, la République de Turquie et la Commission n’étaient soumises à aucune obligation de communiquer les spécimens des cachets et des signatures utilisés par leurs autorités douanières. Dès lors, la Commission ne pouvait être tenue de transmettre les spécimens en question aux autorités douanières des États membres.

256    Cette constatation n’est pas infirmée par l’argument de la requérante relatif à l’applicabilité du règlement n° 3719/88. À cet égard, il suffit d’observer que l’article 1er du règlement n° 3719/88, relatif au champ d’application, dispose que le règlement s’applique aux certificats prévus par les dispositions réglementaires qui y sont explicitement énumérées. Or, force est de constater que ni l’accord d’association ni les dispositions d’application de ce dernier n’y sont mentionnées. De même, aucune des dispositions pertinentes visant à mettre en œuvre l’accord d’association ne renvoie à ce règlement.

257    À défaut d’obligation existant dans le chef de la Commission de transmettre les spécimens de cachets et de signatures aux États membres, il y a lieu de conclure que le présent grief n’est pas fondé.

258    En tout état de cause, le présent grief est également dépourvu de pertinence du fait que, comme la Commission l’a fait remarquer lors de l’audience, la République de Turquie a transmis les empreintes des cachets utilisées pour les certificats A.TR.1 de façon volontaire.

259    Par conséquent, le présent grief doit être rejeté.

c)     Sur la violation de l’obligation de mise en garde des importateurs en temps utile

 Arguments des parties

260    La requérante reproche à la Commission d’avoir manqué à son obligation de mise en garde des importateurs en temps utile découlant de la jurisprudence De Haan (arrêt de la Cour du 7 septembre 1999, De Haan, C‑61/98, Rec. p. I‑5003, point 36). Cette jurisprudence imposerait à la Commission l’obligation d’avertir à temps les importateurs lorsqu’elle est informée sur des irrégularités concernant des importations de marchandises d’un pays tiers. À ce titre, la requérante admet que dans son arrêt Hyper/Commission, précité (point 126), le Tribunal a jugé que, en l’absence de dispositions en ce sens du droit communautaire, il n’existait pas d’obligation d’avertir les importateurs des doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel. Néanmoins, une telle obligation serait constituée lorsque la Commission obtient des informations concrètes sur l’inobservation des règles d’origine dans un pays exportateur, et ce même si elle ne réagit pas tout de suite.

261    En l’occurrence, le Parlement européen aurait, dès 1994 ou 1995, attiré l’attention de la Commission sur l’existence d’irrégularités concernant les certificats d’origine émis en Turquie ayant trait à différents produits, parmi lesquels des conserves de jus de fruits. La Commission n’aurait toutefois rien entrepris à ce sujet pendant des années, n’intervenant dans le cas des téléviseurs turcs qu’au bout de 20 ans (arrêt Téléviseurs turcs, précité, points 261 et 262), et ce seulement après la création de l’UCLAF et les premières enquêtes menées sur place par cet organisme.

262    En outre, la requérante avance qu’il résulte du contenu d’une lettre de l’UCLAF du 9 décembre 1998, adressée à la direction de la coordination de la Communauté européenne à Ankara, que la Commission a sans doute su dès 1993 que des concentrés de jus de pomme étaient exportés vers l’Union au moyen de certificats d’origine irréguliers. En tout état de cause, la Commission aurait dû savoir, depuis le rapport de mission de 1993, déposé dans le cadre des affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, que des violations analogues des règles en matière d’origine étaient commises lors de l’exportation, à partir de la Turquie, d’autres produits, tels que des jus de fruits.

263    Enfin, la requérante fait valoir que, parallèlement à cette mise en garde, la Commission était tenue de donner aux autorités nationales les moyens leur permettant de contrôler l’authenticité des certificats délivrés par les autorités turques, à l’instar de ce qui a été récemment fait dans le cas des importations de sucre en provenance de Serbie-et-Monténégro (Avis aux importateurs, JO 2003, C 177, p. 2).

264    La Commission fait observer, à titre liminaire, qu’elle n’était nullement tenue d’avertir les importateurs en temps utile. À cet égard, la Commission rappelle tout d’abord les principes posés en cette matière par le Tribunal dans l’arrêt Hyper/Commission, précité (points 126 à 128), en vertu desquels aucune disposition du droit communautaire n’oblige expressément la Commission à avertir les importateurs lorsqu’elle a des doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel. Comme le Tribunal l’aurait également affirmé dans l’arrêt Hyper/Commission, précité, la Commission ne saurait être obligée, en vertu de son devoir général de diligence, d’avertir les importateurs communautaires de façon généralisée que lorsqu’elle a des doutes sérieux quant à la régularité d’un grand nombre d’exportations effectuées dans le cadre d’un régime préférentiel.

265    En l’espèce, la Commission avance que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la Commission n’avait pas de doutes sérieux de ce genre dès 1993, et ce n’est qu’à partir de 1998, après l’ouverture d’une procédure d’enquête, qu’elle a disposé d’informations plus concrètes sur les certificats inexacts et falsifiés. S’agissant de la prétendue mise en garde du Parlement européen, la Commission fait remarquer que la requérante est incapable de citer à cet égard une seule résolution ad hoc du Parlement européen publiée au Journal officiel. Par ailleurs, la Commission affirme que, d’une part, les questions parlementaires n’ont pas pour but de donner des informations à la Commission, mais au contraire de lui en demander, et, d’autre part, la requérante n’affirmerait même pas que le Parlement européen se serait prononcé sur une éventuelle falsification de certificats d’origine relatifs à des importations de jus de pomme provenant de Turquie.

266    Ensuite, la Commission, conteste toute analogie entre les faits de l’espèce et ceux sous-jacents à l’arrêt De Haan, précité. En effet, selon la Commission, dans cette affaire les autorités douanières néerlandaises compétentes connaissaient déjà ou, du moins, soupçonnaient sérieusement l’existence d’une fraude avant même que les opérations douanières ayant donné lieu à prélèvement aient été effectuées. En l’espèce, au contraire, les premiers soupçons relatifs à l’inauthenticité ou à l’invalidité des certificats d’origine ne seraient apparus qu’après les importations litigieuses. Les importations de la requérante auraient pris fin le 20 novembre 1997 alors que les premières indications concernant des irrégularités ne seraient parvenues à la Commission ou aux autorités douanières italiennes que dans le courant de l’année 1998.

267    En outre, la Commission affirme que, même à supposer qu’elle fût en l’espèce tenue de prévenir en temps utile les importateurs, cette absence d’avertissement n’aurait pas causé le préjudice invoqué par la requérante, à savoir la naissance de droits à l’importation, vu que ses importations avaient déjà cessé à la date à laquelle la Commission aurait pu commencer à l’avertir. La Commission fait observer que l’argument de la requérante revient à affirmer que la Commission aurait dû, de façon générale, soupçonner la République de Turquie de violer l’accord d’association, ce qui ne saurait être sa tâche.

268    Enfin, la Commission rejette l’analogie avec la situation relative aux importations de sucre en provenance de Serbie-et-Monténégro. En effet, l’avertissement de la Commission aux importateurs dans cette affaire aurait été adressé expressément en raison de lacunes dans la collaboration administrative avec les autorités de Serbie-et-Monténégro. Tel ne serait pas le cas par rapport aux autorités turques, qui auraient, au contraire, pleinement coopéré avec la Commission.

 Appréciation du Tribunal

269    Il y a lieu de relever que la requérante reproche à la Commission d’avoir manqué à son devoir de mise en garde en temps utile des importateurs alors qu’elle était informée de l’existence d’irrégularités concernant les exportations de produits originaires de Turquie.

270    À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, aucune disposition du droit communautaire n’oblige expressément la Commission à avertir les importateurs lorsqu’elle a des doutes quant à la validité des transactions douanières effectuées par ces derniers dans le cadre d’un régime préférentiel (arrêts De Haan, précité, point 36, et Hyper/Commission, précité, point 126).

271    Il est vrai que, dans l’arrêt Téléviseurs turcs, précité (point 268), il a été reconnu qu’une telle obligation à charge de la Commission pouvait, dans certains cas spécifiques, être déduite de son devoir général de diligence envers les opérateurs économiques. En effet, dans les affaires ayant donné lieu à cet arrêt, la Commission avait connaissance du fait, ou suspectait sérieusement, que les autorités turques avaient commis de graves manquements dans le cadre de l’application de l’accord d’association (notamment en ne transposant pas la réglementation relative au prélèvement compensateur) et que ces manquements affectaient la validité de l’ensemble des exportations de téléviseurs à destination de la Communauté.

272    Il importe cependant de rappeler qu’il a également été précisé dans l’arrêt Hyper/Commission, précité, que la Commission ne saurait être obligée, en vertu de son devoir de diligence, d’avertir les importateurs communautaires de façon généralisée que lorsqu’elle a des doutes sérieux quant à la régularité d’un grand nombre d’exportations effectuées dans le cadre d’un régime préférentiel (arrêt Hyper/Commission, précité, point 128).

273    Or, dans le cas d’espèce, la requérante n’a pas été en mesure d’établir de manière probante l’existence de graves manquements de la part des autorités turques, affectant l’ensemble des exportations de concentrés de jus de fruits et ayant contribué à la circulation de certificats falsifiés. Dès lors, ainsi qu’il ressort du point 242 ci-dessus, aucune analogie avec les faits ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, n’est possible.

274    En outre, il convient de relever que, au moment des importations litigieuses, la Commission ne pouvait nourrir de doutes sérieux en ce qui concerne les importations de concentrés de jus de fruits en provenance de Turquie. En effet, il ressort de l’échange de correspondance entre la Commission, les autorités italiennes et les autorités turques que ce n’est qu’à partir de la fin de l’année 1998, après la détection, par les autorités douanières italiennes, du premier certificat falsifié et l’ouverture d’une procédure d’enquête que la Commission a pu se rendre compte de l’existence des certificats falsifiés. Dès lors, ainsi que le fait observer la Commission à juste titre, même à supposer que la Commission fût tenue d’avertir les importateurs dès la survenance des premiers doutes quant à la régularité des certificats litigieux, elle n’aurait pas été en mesure d’éviter le préjudice subi par la requérante, vu que les dernières importations litigieuses datent du 20 novembre 1997.

275    En ce qui concerne l’argumentation de la requérante selon laquelle la Commission aurait sans doute su, dès 1993 ou 1994, que des concentrés de jus de fruits étaient exportés de Turquie au moyen de certificats de circulation irréguliers, il convient de constater que la requérante n’apporte aucun élément probant, de sorte qu’il y a lieu de la rejeter.

276    Il en va de même concernant l’argument au sujet de la prétendue mise en garde du Parlement européen, enjoignant la Commission de rechercher des irrégularités concernant les certificats de circulation émis par la République de Turquie ayant trait à un grand nombre de produits. À défaut de preuve, cet argument doit être rejeté.

277    Il y a également lieu de rejeter l’affirmation de la requérante selon laquelle la Commission aurait dû savoir, depuis le rapport de mission de l’UCLAF dans les affaires ayant donné lieu à l’arrêt Téléviseurs turcs, précité, que des violations analogues des règles d’origine étaient commises lors de l’exportation d’autres produits, tels que ceux de l’espèce. En effet, d’une part, la requérante n’étaye cette affirmation par aucun élément probant, et, d’autre part, les faits sur lesquels l’UCLAF a enquêté lors de ladite mission ne concernaient pas des certificats falsifiés par des tiers, mais des certificats irrégulièrement émis par les autorités turques.

278    Par ailleurs, s’agissant de l’affirmation de la requérante selon laquelle il ressortirait du contenu d’une lettre du 9 décembre 1998 adressée à la direction de la coordination de la Communauté européenne à Ankara que la Commission savait depuis 1993 que des concentrés de jus de pomme étaient exportés au moyen de certificats irréguliers, il y a lieu de constater que cette lettre, qui a été déposée par la Commission suite à une demande écrite du Tribunal, ne contient pas une telle information. En effet, dans cette lettre, la Commission demande une vérification de toutes les exportations de concentré de jus de fruits pour la période comprise entre 1993 et 1998, sans toutefois se prononcer sur la question de savoir à quel moment elle a pris connaissance de l’existence des irrégularités.

279    Enfin, il convient de noter que l’analogie avec l’avertissement aux importateurs fait par la Commission dans le cadre des importations de sucre en provenance de Serbie-et-Monténégro est dénuée de pertinence. En effet, cet avertissement avait pour base, d’une part, l’existence de doutes fondés quant à l’existence de fraudes massives et, d’autre part, l’existence de lacunes dans la coopération administrative avec les autorités compétentes. Or, dans la présente affaire, la requérante n’a pas été en mesure d’établir des faits similaires.

280    Il résulte de ce qui précède que la Commission n’a pas manqué à ses obligations en n’avertissant pas la requérante, avant les importations litigieuses, des doutes qu’elle pourrait avoir sur la régularité des certificats litigieux.

281    Il s’ensuit que le présent grief n’est pas fondé et doit, par conséquent, être rejeté.

d)     Sur l’appréciation incorrecte des faits lors des enquêtes en Turquie

 Arguments des parties

282    La requérante affirme qu’il ressort du mémoire en défense que soit la Commission n’a pas correctement enquêté sur les faits lors de la mission effectuée en décembre 1998, soit qu’elle n’a pas pu procéder à une enquête correcte en raison du manque de coopération des autorités turques, soit qu’elle refuse de divulguer les résultats d’une telle enquête. Selon la requérante, les dispositions relatives à l’assistance mutuelle, notamment les articles 3, 6, 7 et 8 de l’annexe 7 de la décision nº 1/95, fournissaient à la Commission une base légale suffisante pour mener une enquête lui permettant d’établir correctement les faits. La Commission aurait ainsi pu établir si les certificats litigieux avaient été établis par les autorités turques, enregistrés au bureau de douane de Mersin et possédaient les cachets de ce dernier, ainsi que si une enquête pénale avait été menée contre d’éventuels falsificateurs. En ayant omis de le faire, la Commission se rendrait coupable d’un manquement grave.

283    La Commission fait valoir que, contrairement à ce qu’affirme la requérante, elle a correctement examiné et évalué l’ensemble des faits pertinents. La requérante méconnaîtrait d’une manière générale que la République de Turquie n’est pas membre de l’Union et que, de ce fait, la Commission ne dispose en Turquie d’aucun autre pouvoir que ceux qui lui ont été expressément concédés par ce pays.

 Appréciation du Tribunal

284    En ce qui concerne les prétendus manquements de la Commission résultant du fait que l’UCLAF n’aurait pas mené une enquête correcte en Turquie, il suffit de constater que la requérante n’est pas en mesure d’appuyer son argumentation sur des éléments probants. Par ailleurs, il y a lieu de relever qu’aucune disposition applicable en l’espèce n’obligeait l’UCLAF à adopter les méthodes d’enquête préconisées par la requérante. Enfin, même à admettre que l’UCLAF n’a pas mené une enquête exhaustive lors des missions entreprises en Turquie, il y a lieu de constater que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer la nécessité de celle-ci en apportant des éléments susceptibles de mettre en cause la validité du contrôle de la régularité des certificats litigieux effectué par les autorités turques.

285    Par conséquent, les griefs de la requérante concernant les prétendus manquements imputables à la Commission ne sont pas fondés et doivent, par conséquent, être rejetés.

4.     Sur l’absence de négligence manifeste de la requérante et l’appréciation des risques

a)     Arguments des parties

286    En premier lieu, s’agissant de l’absence de négligence de sa part, la requérante commence par affirmer que, dans la décision attaquée (points 53 à 56), la Commission a conclu à juste titre que, en ce qui concerne les certificats A.TR.1 jugés irréguliers, elle était de bonne foi et avait fait preuve de la diligence nécessaire. Ces mêmes constatations s’imposeraient à l’égard des certificats litigieux, dans la mesure où il n’existerait aucune différence apparente entre ceux-ci et les certificats jugés irréguliers. Par ailleurs, dans la décision attaquée, la Commission n’aurait, à juste titre, nullement reproché à la requérante de ne pas avoir agi avec prudence et diligence également à l’égard des certificats litigieux.

287    Ensuite, la requérante nie avoir fait preuve de négligence manifeste en ne s’étant pas assurée que les certificats litigieux utilisés dans le cadre de ses relations commerciales étaient authentiques et valides. À cet égard, la requérante souligne qu’elle ne disposait d’aucun élément laissant craindre d’éventuelles falsifications de certificats ou lui permettant de supposer que les autorités turques délivreraient des certificats A.TR.1 pour des marchandises non originaires de Turquie. Elle ne serait parvenue à la conclusion que les autorités turques avaient gravement et durablement violé les règles relatives aux certificats d’origine qu’à la suite des entretiens menés par ses responsables en Turquie, de la correspondance échangée par la Commission et les autorités italiennes avec les autorités turques, et de l’accès partiel au dossier.

288    En outre, la requérante affirme que les opérations d’importation effectuées avec la société turque Akman étaient des opérations commerciales normales. Or, selon la jurisprudence, lorsque des importations relèvent d’une pratique commerciale normale, il incomberait à la Commission d’apporter la preuve d’une négligence manifeste de la part des importateurs (arrêt Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 159, et arrêt Téléviseurs turcs, précité, point 297).

289    Enfin, dans sa réplique, la requérante conteste l’argument de la Commission selon lequel, dans le cas où le Tribunal viendrait à conclure à l’existence d’une situation particulière à l’égard de la requérante, la question de l’éventuelle absence de négligence manifeste de celle-ci devrait faire l’objet d’une nouvelle appréciation par la Commission. Selon la requérante, dans la mesure où la Commission n’a pas pris position dans le mémoire en défense sur les conditions subjectives d’application de l’article 239 du CDC, cet argument lui serait désormais interdit non seulement dans le cadre de la présente procédure, mais également dans le cas où le présent recours serait jugé fondé. En outre, la requérante estime que, pour le cas où la Commission viendrait, dans sa duplique, à conclure à l’existence d’une négligence manifeste, soit un tel exposé devrait être rejeté pour cause de forclusion soit la requérante devrait se voir accorder la possibilité de présenter des observations complémentaires. En effet, toute autre solution procurerait à la Commission un avantage injuste.

290    En deuxième lieu, s’agissant de l’appréciation des risques, la requérante souligne qu’il ressort des circonstances exposées qu’aussi bien la Commission que les autorités turques ont gravement manqué aux obligations leur incombant, contribuant de la sorte à ce que des certificats prétendument faux mais en réalité irréguliers soient visés et délivrés. Ces manquements auraient créé une situation qui ne relèverait plus du risque normal que doit supporter tout importateur, mais qui, au contraire, justifierait l’existence d’une situation particulière au sens de l’article 239 du CDC à l’égard de la requérante.

291    En outre, la Commission serait obligée, lorsqu’elle exerce ses fonctions dans le cadre de l’article 239 du CDC, de tenir compte non seulement de l’intérêt de la Communauté à s’assurer du respect des dispositions douanières, mais aussi de l’intérêt de l’importateur de bonne foi à ne pas supporter les préjudices dépassant le risque commercial ordinaire (arrêts Eyckeler & Malt/Commission, précité, point 133, et Hyper/Commission, précité, point 95).

292    D’abord, la Commission fait valoir que la section de la décision attaquée relative aux certificats litigieux, jugés falsifiés, ne fait nullement référence à la question de la diligence ou de la négligence de la requérante. Selon la Commission, cette question ne présentait plus d’intérêt une fois que l’absence de situation particulière au sens des dispositions combinées de l’article 239 du CDC et de l’article 905 du règlement d’application du CDC avait été établie. Cependant, la Commission souligne que si le Tribunal devait conclure en l’espèce à l’existence d’une situation particulière, la Commission devrait procéder à une appréciation des autres conditions de fait relatives à l’application de l’article 239 du CDC, les passages de la décision attaquée (aux considérants 52 et suivants) concernant la diligence et la bonne foi de la requérante par rapport aux certificats considérés irréguliers n’étant pas nécessairement transposables.

293    Ensuite, la Commission avance que les arguments de la requérante concernant les violations graves des autorités turques, à être vrais, révéleraient une violation du devoir de diligence lui incombant ou une négligence manifeste de sa part, excluant tout remboursement au titre de l’article 239 du CDC. En effet, si la requérante soupçonnait les autorités turques de violations graves des règles relatives aux certificats d’origine, elle aurait dû s’assurer de l’authenticité des certificats qu’elle utilisait dans ses relations commerciales. Or, ce n’aurait été qu’à partir d’avril 1999, soit près de deux ans après la fin des importations litigieuses, que la requérante se serait informée de la façon dont la République de Turquie appliquait le régime préférentiel.

294    Enfin, en ce qui concerne l’examen des risques, la Commission relève qu’il résulte de son exposé que la requérante a présenté des certificats d’origine falsifiés, à la fabrication desquels les autorités turques n’ont pas participé. Conformément à l’article 904, sous c), du règlement d’application du CDC, cette situation ne constituerait pas une circonstance particulière au sens de l’article 239 du CDC, mais la concrétisation d’un risque commercial normal contre lequel la requérante aurait dû s’assurer. Partant, la Commission estime qu’il n’en découlerait pas une discrimination intolérable de la requérante par rapport aux autres importateurs.

b)     Appréciation du Tribunal

295    Il y a lieu de relever que la Commission a rejeté la demande de remise des droits à l’importation au motif que « les circonstances évoquées […] n[’étaient] pas, [à son] avis […], de nature à créer une situation particulière au sens de l’article 239 du règlement […] n° 2913/92 pour la partie de la demande relative aux certificats faux » (considérant 39 de la décision attaquée). Comme le note la Commission à juste titre dans ses écritures, pour conclure à l’absence d’existence d’une situation particulière, elle ne s’est pas prononcée, dans la section de la décision attaquée relative aux certificats falsifiés (considérants 18 à 41), sur la question de la diligence ou de la négligence de la requérante.

296    Il s’ensuit que la branche du deuxième moyen faisant état de l’absence de négligence manifeste de la part de la requérante est inopérante et doit donc, à ce titre, être rejetée (voir, en ce sens, arrêt Bonn Fleisch Ex- und Import/Commission, précité, point 69).

297    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen dans son intégralité.

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

1.     Arguments des parties

298    La requérante rappelle d’abord que, dans la décision attaquée (considérants 18 et suivants), la Commission a examiné principalement l’applicabilité de l’article 220, paragraphe 1, sous b), du CDC, concluant à l’inexistence d’un manquement des autorités turques et rejetant par conséquent l’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC. Selon la requérante, les constatations de la Commission sont inexactes, puisque l’administration des douanes turque savait pertinemment que les 32 certificats litigieux visés et enregistrés par ses soins étaient irréguliers.

299    Par ailleurs, la requérante fait valoir que les entretiens de ses représentants ainsi que les enquêtes de l’UCLAF en Turquie attestent du fait que, quand bien même il s’avérerait que les certificats litigieux n’ont pas été sciemment visés par les autorités turques, tout au moins celles-ci savaient ou auraient dû savoir que ceux-ci existaient. La requérante estimant qu’il n’y a pas le moindre doute sur sa bonne foi, il en ressortirait que les droits à l’importation recouvrés a posteriori doivent lui être remboursés.

300    La Commission affirme, à titre liminaire, qu’il ressort de la décision attaquée que, en ce qui concerne les certificats jugés falsifiés, les conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC n’étaient pas remplies en l’espèce, dans la mesure où aucune erreur des autorités turques n’a été établie, les certificats litigieux n’ayant été ni délivrés ni signés par celles-ci, mais au contraire falsifiés par des tiers (considérants 18 à 28 de la décision attaquée).

301    La Commission fait, par ailleurs, valoir que, selon une jurisprudence constante, le fait que les autorités douanières italiennes aient commencé par accepter les certificats d’origine falsifiés ne constituerait pas en soi une erreur au sens de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC.

302    Enfin, la Commission indique que, dans la mesure où la requérante ne procède qu’à des affirmations déjà réfutées dans le cadre du moyen tenant à l’application de l’article 239 du CDC, elle se permet de renvoyer à ces considérations antérieures. La Commission en conclut que les conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC ne sont pas remplies en l’espèce, de sorte que les droits à l’importation litigieux pouvaient être pris en compte a posteriori. Par conséquent, le recours serait, à cet égard, également dénué de fondement.

2.     Appréciation du Tribunal

303    Conformément à l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC, trois conditions cumulatives doivent être réunies pour que les autorités compétentes puissent ne pas procéder à la prise en compte a posteriori de droits à l’importation. Il faut, tout d’abord, que les droits n’aient pas été perçus à la suite d’une erreur des autorités compétentes elles-mêmes, ensuite que l’erreur commise par celles-ci soit d’une nature telle qu’elle ne pouvait raisonnablement être décelée par un redevable de bonne foi et, enfin, que celui-ci ait observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne sa déclaration en douane (voir, par analogie, arrêts de la Cour du 12 juillet 1989, Binder, 161/88, Rec. p. 2415, points 15 et 16 ; du 27 juin 1991, Mecanarte, C‑348/89, Rec. p. I‑3277, point 12 ; du 4 mai 1993, Weis, C‑292/91, Rec. p. I‑2219, point 14 ; Faroe Seafood e.a., précité, point 83 ; ordonnances de la Cour du 9 décembre 1999, CPL Imperial 2 et Unifrigo/Commission, C‑299/98 P, Rec. p. I‑8683, point 22, et du 11 octobre 2001, William Hinton & Sons, C‑30/00, Rec. p. I‑7511, points 68, 69, 71 et 72 ; arrêt du Tribunal du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec. p. II‑497, point 42).

304    Il y a lieu également de relever que, selon une jurisprudence constante, l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC a pour objectif de protéger la confiance légitime du redevable quant au bien-fondé de l’ensemble des éléments intervenant dans la décision de recouvrer ou non les droits de douane. Toutefois, la confiance légitime du redevable n’est digne de la protection conférée par cette disposition que si ce sont les autorités compétentes elles-mêmes qui ont créé la base sur laquelle reposait la confiance du redevable. Ainsi, seules les erreurs imputables à un comportement actif des autorités compétentes et qui n’ont pu être raisonnablement décelées par le redevable ouvrent droit au non-recouvrement a posteriori des droits de douane (arrêt Mecanarte, précité, points 19 et 23).

305    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission a conclu, dans la partie litigieuse de la décision attaquée, que les conditions d’application de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC n’étaient pas remplies au motif qu’aucune erreur active de la part des autorités compétentes n’était décelable (considérants 25 à 27).

306    Il résulte de ce qui précède que la requérante n’a pas été en mesure de démontrer qu’un comportement actif de la part des autorités compétentes avait contribué à l’établissement ou à l’acceptation des certificats litigieux qui s’avèrent faux.

307    Partant, il y a lieu de rejeter le présent moyen comme n’étant pas fondé.

308    Eu égard à ce qui précède, il y a lieu de rejeter le recours dans son intégralité.

 Sur les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction requises

309    La requérante demande au Tribunal d’ordonner différentes mesures d’instruction au titre de l’article 64, paragraphe 4, et de l’article 65 de son règlement de procédure.

A –  Sur la production de documents contenus dans le dossier administratif

1.     Arguments des parties

310    La requérante demande au Tribunal d’inviter la Commission à produire l’ensemble des documents qu’elle estime ne pas avoir pu consulter dans le cadre de l’accès au dossier administratif (voir points 72 et suivants ci-dessus).

311    Afin de démontrer le manque de coopération des autorités turques, leurs manquements dans l’application de l’accord d’association et le caractère insuffisant des enquêtes menées par la Commission, elle demande notamment la production des rapports de mission de l’UCLAF. En particulier, la requérante souhaite obtenir le rapport de l’UCLAF du 23 décembre 1998, ou d’une autre date, sur la nature, le contenu et les résultats des enquêtes menées en Turquie, en particulier au bureau de douane de Mersin.

312    La Commission affirme, en substance, que la requérante a pu consulter tous les documents pertinents, et donc que ces demandes sont sans effet.

2.     Appréciation du Tribunal

313    Il résulte tout d’abord du point 99 ci-dessus que la requérante a eu accès aux rapports de mission de l’UCLAF des 9 et 23 décembre 1998 avant que la décision attaquée ne soit adoptée. En outre, il convient de relever que ces rapports ont été déposés par la Commission dans le cadre d’une question écrite posée par le Tribunal. Dans ces conditions, la présente demande est sans objet et doit, par conséquent, être rejetée.

B –  Sur les autres mesures d’instruction

1.     Arguments des parties

314    En premier lieu, afin de démontrer l’obligation de communication des spécimens des cachets et des signatures utilisés par l’administration des douanes turque, notamment les empreintes et signatures du bureau de douane de Mersin, et le fait que ces spécimens ont été officiellement envoyés à la Commission par les autorités turques et postérieurement communiqués aux autorités des États membres, la requérante demande au Tribunal d’ordonner à la Commission et à l’administration des douanes italienne de les joindre au dossier, ainsi que les documents attestant que les copies des cachets et les signatures autorisées ont été envoyées aux services compétents des États membres.

315    En deuxième lieu, afin de démontrer que les 32 certificats A.TR.1 litigieux ne constituent pas des faux, la requérante demande au Tribunal de charger un expert, tel que le service de police douanière allemande à Cologne, de contrôler l’authenticité des originaux, au moyen d’une comparaison avec les empreintes originales des cachets et des signatures pertinents.

316    À cette fin, la requérante demande également que le Tribunal soit ordonne à la Commission de le solliciter, soit invite directement les autorités douanières de Ravenne à transmettre à l’expert désigné les originaux des 103 certificats A.TR.1 mentionnés dans la lettre de l’administration italienne jointe à la requête. Le mandataire ad litem de la requérante devrait également avoir la possibilité de consulter ces certificats.

317    Le Tribunal devrait aussi solliciter du gouvernement turc, éventuellement par le biais de la Commission, l’envoi des copies originales des certificats litigieux en possession de celui-ci, afin de les comparer avec les originaux dans le cadre du régime d’assistance administrative convenu.

318    En troisième lieu, afin de démontrer que les certificats litigieux constituent des documents authentiques et ont été enregistrés par le bureau de douane de Mersin, la requérante demande au Tribunal d’inviter l’administration centrale des douanes turque à désigner un fonctionnaire qui devrait apporter à l’audience les modèles de cachets et de signatures ayant été utilisés par le bureau de douane de Mersin durant la période litigieuse, ainsi que les registres, et fournir des informations quant à l’inauthenticité ou l’irrégularité des certificats litigieux.

319    La requérante invoque, à cet égard, l’assistance mutuelle convenue entre les parties contractantes à l’accord d’association. Elle souligne notamment que, aux termes de l’article 29 de la décision n° 1/95, lu en combinaison avec son annexe 7 et l’article 15 de la décision n° 1/96, les autorités communautaires et turques se prêtent mutuellement assistance pour le contrôle de l’authenticité et de la régularité des certificats A.TR.1. L’article 12 de l’annexe 7 de la décision n° 1/96 prévoirait en outre que les fonctionnaires de l’autorité requise comparaissent comme experts ou témoins devant la juridiction de l’autre partie contractante et produisent les documents ou des copies certifiées qui peuvent être nécessaires à la procédure.

320    La Commission estime que les demandes de la requérante concernant la présentation des certificats litigieux et leur contrôle par un expert doivent être rejetées dans la mesure où le constat de l’authenticité des certificats relève de la seule compétence des autorités turques.

321    De même, la demande visant à recueillir le témoignage d’un douanier turc devrait être jugée irrecevable, l’administration des douanes turque ayant déjà, selon la Commission, confirmé plusieurs fois ses déclarations concernant les certificats litigieux.

322    En ce qui concerne la demande de communication de pièces provenant des registres du bureau de douane de Mersin, la Commission fait valoir qu’elle est également irrecevable, car sans conséquence, la Commission ayant indiqué qu’il était possible que 32 certificats authentiques aient existé et qu’ils aient servi de modèle aux falsificateurs pour établir les certificats litigieux.

2.     Appréciation du Tribunal

323    S’agissant des mesures d’instruction requises, il découle d’une jurisprudence constante que c’est au Tribunal qu’il appartient d’apprécier l’utilité des mesures d’instruction aux fins de la solution du litige (arrêt du Tribunal du 16 mai 2001, Toditec/Commission, T‑68/99, Rec. p. II‑1443, point 40).

324    En l’espèce, il y a lieu de relever que, ainsi que le note la Commission, les autorités turques ont clairement affirmé que les certificats litigieux avaient été falsifiés. Dès lors, à la lumière des éléments du dossier et au vu des griefs invoqués par la requérante, il apparaît que de telles mesures visant à démontrer qu’il s’agit de documents authentiques ne sont ni pertinentes ni nécessaires pour statuer sur le présent litige. Il n’y a donc pas lieu d’y recourir. Les demandes de la requérante concernant la présentation des certificats litigieux et leur contrôle par un expert doivent, dès lors, être rejetées.

C –  Sur les offres de preuve

1.     Arguments des parties

325    La requérante offre comme preuve des différents faits allégués l’audition du témoin M. Thomas Nothelfer, salarié de la société Steinhauser, responsable pendant la période en question, notamment, de l’achat de concentrés de jus de fruits en Turquie et qui aurait conduit plusieurs entretiens avec les autorités turques lors de son séjour en Turquie durant la première quinzaine du mois d’avril 1999. Elle offre également des attestations du professeur Gerd Merke, qui aurait accompagné M. Nothelfer lors de son voyage en Turquie.

326    D’abord, afin de démontrer que les certificats litigieux constituent des documents authentiques, la requérante offre le témoignage de M. Nothelfer, selon lequel les douaniers compétents de Mersin ont reconnu que les cachets utilisés étaient à peine lisibles et que, malgré leurs demandes, l’autorité douanière centrale turque ne leur en avait pas fourni de nouveaux depuis plus d’un an.

327    Ensuite, afin de démontrer que les certificats litigieux ont été enregistrés par le bureau de douane de Mersin, la requérante offre le témoignage de M. Nothelfer, attestant du fait qu’il a vu ces registres. M. Nothelfer pourrait également attester que, lors d’un entretien avec le douanier compétent à Mersin, il a demandé que soit mis à sa disposition une copie des pages du registre sur lesquelles sont mentionnés les numéros des 32 certificats A.TR.1 prétendument faux, mais qu’après avoir accepté, le douanier ne lui a remis aucune copie.

328    En outre, afin de démontrer que les certificats litigieux constituent des documents authentiques, la requérante offre les témoignages de M. Nothelfer et de M. Merke selon lesquels, lors d’une réunion avec l’administration centrale des douanes à Ankara en avril 1999, M. Nothelfer a indiqué que, selon ses informations, tous les certificats A.TR.1 (irréguliers ou faux) avaient été visés et enregistrés par l’administration des douanes. Le représentant de l’autorité douanière centrale d’Ankara lui aurait répondu qu’une enquête pénale avait été ordonnée pour vérifier les documents.

329    Par ailleurs, afin de démontrer que les autorités turques ne comprenaient pas le contenu et l’importance des règles relatives au régime préférentiel et à l’origine des marchandises, la requérante offre le témoignage de M. Nothelfer et de M. Merke au sujet de leur entretien avec M. Dogran du bureau des affaires économiques du Premier ministre turc. Ce témoignage servirait aussi à démontrer que l’UCLAF n’a que tardivement informé les autorités turques de l’importance des règles préférentielles et de l’obligation de les respecter.

330    Enfin, afin de démontrer que la Commission a violé son devoir de mise en garde des importateurs, la requérante offre en preuve une « information de la Commission européenne et [une] information du Parlement européen », qui auraient trait à des irrégularités concernant les certificats d’origine en Turquie de différents produits.

331    La Commission estime que les offres de preuve relatives aux registres tenus par le bureau de douane de Mersin sont sans importance. Premièrement, les textes pertinents de l’accord d’association ne prévoiraient pas la tenue de tels registres. Deuxièmement, la Commission avance que les autorités douanières turques ont pu délivrer les 32 certificats A.TR.1 pour d’autres lots que les livraisons litigieuses en l’espèce.

332    En ce qui concerne les discussions des représentants de la requérante avec les autorités turques, la Commission estime qu’elles renforcent la crédibilité des conclusions transmises par celles-ci et sont donc dénuées de pertinence. En outre, la Commission considère que l’attestation de M. Nothelfer selon laquelle certains membres de l’équipe du Premier ministre ne connaissaient pas la réglementation en matière d’origine et de tarifs préférentiels est sans importance, l’essentiel étant que les services des douanes connaissent de telles règles.

2.     Appréciation du Tribunal

333    Concernant les offres de preuve formulées par la requérante, il suffit de relever que, eu égard à ce qui précède (voir, notamment, points 150 et suivants, 161 et suivants, 216 et 276 ci-dessus), elles sont toutes dénuées de pertinence. Il n’y a donc pas lieu d’y faire droit.

 Sur les dépens

334    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, la partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La partie requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions en ce sens de la défenderesse.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (cinquième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La requérante est condamnée aux dépens.


Vilaras

Martins Ribeiro

Jürimäe

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 février 2007.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Vilaras

Table des matières


Cadre juridique

A –  Réglementation relative au régime préférentiel

1.  Réglementation en vigueur pendant la phase transitoire

2.  Réglementation en vigueur pendant la phase définitive

B –  Réglementation douanière

1.  Réglementation relative à la remise des droits de douane

2.  Réglementation relative aux règles d’origine

C –  Réglementation relative à la confidentialité de certains documents

Faits à l’origine du litige

A –  Importations litigieuses

B –  Procédure pénale et administrative devant les autorités italiennes et communautaires

C –  Certificat D 437214

Procédure et conclusions des parties

En droit

A –  Sur le premier moyen, tiré d’une violation des droits de la défense

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur le deuxième moyen, tiré d’une violation de l’article 239 du CDC

1.  Sur le certificat de circulation A.TR.1 D 437214

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

2.  Sur les manquements imputables aux autorités turques

a)  Sur les spécimens des cachets et signatures

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

–  Observations liminaires

–  Quant au fond

b)  Sur l’enregistrement des certificats par les autorités turques

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Sur le concours des autorités douanières turques

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur la violation des règles en matière d’assistance administrative

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

e)  Sur les indices additionnels

Arguments de la requérante

Appréciation du Tribunal

3.  Sur les manquements imputables à la Commission européenne

a)  Sur l’absence de contrôle régulier du régime préférentiel

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

b)  Sur l’absence de communication des spécimens de cachets et de signatures

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

c)  Sur la violation de l’obligation de mise en garde des importateurs en temps utile

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

d)  Sur l’appréciation incorrecte des faits lors des enquêtes en Turquie

Arguments des parties

Appréciation du Tribunal

4.  Sur l’absence de négligence manifeste de la requérante et l’appréciation des risques

a)  Arguments des parties

b)  Appréciation du Tribunal

C –  Sur le troisième moyen, tiré d’une violation de l’article 220, paragraphe 2, sous b), du CDC

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les mesures d’organisation de la procédure et les mesures d’instruction requises

A –  Sur la production de documents contenus dans le dossier administratif

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

B –  Sur les autres mesures d’instruction

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

C –  Sur les offres de preuve

1.  Arguments des parties

2.  Appréciation du Tribunal

Sur les dépens



* Langue de procédure : l’allemand.