Language of document : ECLI:EU:T:2007:34

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

6 février 2007 (*)

« Fonctionnaires – Rapports de notation – Exercices de notation 1997/1999 et 1999/2001 – Rapport d’évolution de carrière – Exercice d’évaluation 2001/2002 – Recours en annulation – Recevabilité – Recours en indemnité – Droits de la défense »

Dans les affaires jointes T‑246/04 et T‑71/05,

Jacques Wunenburger, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes, demeurant à Zagreb (Croatie), représenté par Me É. Boigelot, avocat,

partie requérante,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. G. Berscheid, H. Kraemer et Mme C. Berardis-Kayser, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet, d’une part, des demandes d’annulation des projets de rapports de notation du requérant pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 et du rapport d’évolution de carrière du requérant pour l’exercice d’évaluation 2001/2002 et, d’autre part, des demandes d’indemnisation des préjudices allégués,

LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (première chambre),

composé de MM. R. García-Valdecasas, président, J. D. Cooke et Mme I. Labucka, juges,

greffier : Mme K. Pocheć, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 31 mai 2006,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

1        Aux termes de l’article 43 du statut des fonctionnaires des Communautés européennes, dans sa rédaction applicable à la présente espèce (ci-après le « statut ») :

« La compétence, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire […] font l’objet d’un rapport périodique établi au moins tous les deux ans, dans les conditions fixées par chaque institution, conformément aux dispositions de l’article 110.

Ce rapport est communiqué au fonctionnaire. Celui-ci a la faculté d’y joindre toutes observations qu’il juge utiles. »

2        La décision de la Commission du 15 mai 1997 arrêtant les dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE de 1997 ») précise les modalités d’établissement des rapports de notation.

3        Le 26 avril 2002, la Commission a adopté une nouvelle décision portant dispositions générales d’exécution de l’article 43 du statut (ci-après les « DGE de 2002 ») et a ainsi introduit un nouveau système d’évaluation applicable au personnel de la Commission.

4        En vertu de la règle de transition consacrée à l’article 4, paragraphe 1, des DGE de 2002, lors du premier exercice de notation effectué selon le nouveau système, le rapport d’évolution de carrière (ci-après le « REC ») couvre la période du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002. Pour l’exercice transitoire 2001/2002, l’évaluation du rendement est effectuée nonobstant l’absence de définition des objectifs à atteindre dans le cadre du poste, prévue à l’article 7, paragraphe 1, des DGE de 2002. Le REC porte sur les compétences, le rendement et la conduite dans le service de chaque fonctionnaire. Aussi, le REC comporte trois échelles distinctes pour les trois rubriques d’évaluation, le nombre maximal de points étant de dix pour le rendement, de six pour les compétences et de quatre pour la conduite dans le service.

5        En juillet 2002, la Commission a porté à la connaissance de son personnel, par le moyen de l’intranet, un document intitulé « Système d’évaluation du personnel centré sur l’évolution de carrière – Guide ».

6        Par communication administrative en date du 3 décembre 2002, publiée aux Informations administratives n° 99-2002 sous l’intitulé « Exercice d’évaluation du personnel […] 2001-2002 (transition) », la Commission a exposé les mesures spécifiques applicables à la période de transition, destinée à faire le lien entre l’ancien système de notation et le nouveau système d’évaluation tel que défini à l’article 4 des DGE de 2002.

7        Le 27 décembre 2002, la Commission a adopté les dispositions générales d’exécution des articles 43 et 45 du statut, portant modalités spécifiques concernant l’évaluation et la promotion du personnel travaillant au sein du service extérieur (ci-après les « DGE-SE »).

 Faits à l’origine du litige

8        Le requérant est fonctionnaire de la Commission de grade A 3 (A*14 depuis l’entrée en vigueur du nouveau statut le 1er mai 2004) à la direction générale (DG) « Commerce » et chef de l’unité « Accords de partenariat économique 2 ».

 Affaire T-71/05

9        À l’époque des projets de rapports de notation en cause, le requérant était affecté à la DG « Relations extérieures » et chef de la délégation de la Commission en Bulgarie.

10      Le 22 février 2002, les projets de rapports de notation du requérant pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 lui ont été transmis (ci-après les « actes attaqués » dans l’affaire T-71/05). Le projet pour la période 1997/1999 contenait, au titre des appréciations analytiques, six mentions « supérieur » et quatre mentions « normal ». Le projet pour la période 1999/2001 contenait sept mentions « supérieur » et trois mentions « normal ».

11      Le 11 mars 2002, le requérant a envoyé une lettre à Mme G., chef d’unité à la DG « Relations extérieures », en lui expliquant qu’il ne pouvait pas accepter les deux projets en cause.

12      Le 12 janvier 2004, le requérant a introduit une demande conformément à l’article 90, paragraphe 1, du statut afin d’obtenir une indemnisation en raison de l’absence de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001.

13      Le 23 février 2004, le requérant a reçu copie de la note adressée par M. M., chef d’unité à la DG « Administration », à Mme R., chef d’unité à la DG « Relations extérieures », dont il ressort qu’aucun des rapports en question n’était encodé dans « Sysper ». M. M. demandait que soient prises « toutes les dispositions nécessaires afin que ces rapports soient finalisés dans les plus brefs délais ».

14      Le 8 juin 2004, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») a rejeté la demande du requérant visée au point 12 ci-dessus.

15      Le 14 juillet 2004, le requérant a introduit, en application de l’article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation tendant à l’annulation des projets de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 (les actes attaqués dans l’affaire T-71/05), ainsi que le paiement de dommages et intérêts en raison de l’absence de rapports de notation définitifs et de l’atteinte en résultant pour sa carrière.

16      Le 28 octobre 2004, l’AIPN a accueilli partiellement la réclamation du 14 juillet 2004 en allouant au requérant une indemnité de 2 500 euros au titre du préjudice subi en raison du retard dans l’établissement des rapports de notation en cause. L’AIPN a invité la DG « Relations extérieures » à prendre « les mesures nécessaires afin que les rapports de notation […] soient finalisés et déposés dans [le] dossier personnel [du requérant] ».

 Affaire T-246/04

17      En octobre 2001, le requérant a été nommé chef de la délégation de la Commission en Croatie.

18      Le 26 mars 2003, M. Falkowski, directeur du service extérieur de la DG « Relations extérieures », a établi, en qualité d’évaluateur, le REC du requérant au titre de l’exercice 2001/2002 (ci-après le « REC 2001/2002 »). Le REC 2001/2002 du requérant comprenait un nombre total de 13 points, à savoir 7 points sur 10 pour son rendement (« très bien »), 4 points sur 6 pour ses aptitudes (compétences) (« bien ») et 2 points sur 4 pour sa conduite dans le service (« suffisant »).

19      Le 7 avril 2003, M. Legras, directeur général de la DG « Relations extérieures », a contresigné le REC 2001/2002 en tant que validateur.

20      Le 18 avril 2003, la requérant a demandé la révision de son évaluation. À l’issue d’un entretien avec le requérant, le validateur a confirmé l’évaluation.

21      Le 1er juillet 2003, le requérant a marqué son désaccord avec sa notation telle que confirmée par le validateur et a demandé la saisine du comité paritaire d’évaluation (ci-après le « CPE »). Ce dernier a rendu son avis le 2 juillet 2003. Tout en considérant que la demande du requérant n’était pas fondée, le CPE a émis des réserves relatives à la mauvaise qualité (poor quality) du REC 2001/2002, ce dernier ne contenant pas, selon lui, suffisamment de détails quant aux points forts et aux points faibles du fonctionnaire évalué.

22      Par décision en date du 11 septembre 2003, M. O’Sullivan, secrétaire général de la Commission, a suivi l’avis du CPE et a clos sans modification le REC 2001/2002 du requérant (ci-après la « décision attaquée dans l’affaire T-246/04 »).

23      Le 9 décembre 2003, le requérant a introduit une réclamation contre le REC 2001/2002. Le 17 mars 2004, l’AIPN y a opposé une décision explicite de rejet.

 Procédure

24      Par requête déposée le 17 juin 2004, enregistrée sous le numéro T‑246/04, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation, notamment, du REC 2001/2002 et à l’octroi d’une indemnité.

25      Par requête déposée le 14 février 2005, enregistrée sous le numéro T‑71/05, le requérant a introduit un recours visant à l’annulation, notamment, de ses projets de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 et à l’octroi d’une indemnité.

26      Par ordonnance du 11 octobre 2005 du président de la première chambre, les parties entendues, les affaires T-246/04 et T-71/05 ont été jointes aux fins de la procédure orale et de l’arrêt.

27      Sur rapport du juge rapporteur, le Tribunal a décidé d’ouvrir la procédure orale et, dans le cadre des mesures d’organisation de la procédure, a invité la Commission à répondre par écrit à une série de questions. Il a été déféré à cette demande.

28      Les parties ont été entendues en leurs plaidoiries et en leurs réponses aux questions posées par le Tribunal à l’audience du 31 mai 2006.

 Conclusions des parties

 Affaire T-246/04

29      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée dans l’affaire T-246/04 ;

–        annuler le REC 2001/2002 ;

–        annuler la décision du 17 mars 2004 portant rejet de sa réclamation ;

–        octroyer des dommages et intérêts en raison du préjudice moral subi et de l’atteinte qui en a résulté pour sa carrière évalués ex aequo et bono à 10 000 euros, sous réserve de modification de ce montant en cours d’instance ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

30      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation ;

–        rejeter comme irrecevable la demande en indemnisation dans la mesure où elle se rapporte aux exercices de notation 1997/1999 et 1999/2001 ou, à défaut, comme non fondée ;

–        rejeter comme non fondée la demande en indemnisation relative au REC 2001/2002 ou, à défaut, réduire substantiellement le montant réclamé ;

–        statuer comme de droit sur les dépens.

 Affaire T-71/05

31      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler les projets de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 ;

–        annuler la décision du 28 octobre 2004 portant rejet de sa réclamation ;

–        octroyer une indemnité en raison du préjudice moral lié à l’absence des rapports de notation dans son dossier personnel pour les exercices 1997‑1999 et 1999-2001 et à l’atteinte qui en a résulté pour sa carrière, évaluée ex aequo et bono à 9 996 euros, sous réserve d’augmentation en cours de procédure ;

–        condamner la partie défenderesse aux dépens.

32      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours en annulation comme irrecevable ou, à défaut, comme non fondé ;

–        rejeter la demande en indemnisation ou, à défaut, en réduire substantiellement le montant ;

–        statuer comme de droit sur les dépens.

 Sur l’affaire T-71/05

 Sur la recevabilité

 Arguments des parties

33      La Commission excipe de l’irrecevabilité du recours en annulation en ce que les actes attaqués dans l’affaire T-71/05 sont, au dire même du requérant, des projets non finalisés et donc non susceptibles de faire grief. L’absence de caractère définitif d’un projet de rapport faisant l’objet de recours internes non encore épuisés serait rappelé par l’article 8 des DGE de 1997.

34      Dans son mémoire en duplique, la Commission fait valoir que l’irrecevabilité de la demande en annulation entraîne aussi l’irrecevabilité des chefs de conclusions en indemnité lorsque ceux-ci comportent un lien étroit avec les conclusions en annulation (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2005, Ross/Commission, T‑147/04, non encore publiée au Recueil, points 38 à 40, et la jurisprudence citée). Tel serait le cas en particulier des griefs concernant le contenu des deux projets en cause, à propos du prétendu dénigrement du travail du requérant.

35      La Commission ajoute que les chefs de conclusions en indemnité fondés sur le préjudice prétendument subi par le requérant en raison de l’absence de caractère définitif des rapports litigieux qui l’aurait désavantagé lors de l’examen de ses candidatures à des postes de directeur sont irrecevables. Elle souligne que, dans son arrêt du 5 juillet 2005, Wunenburger/Commission (T‑370/03, non encore publié au Recueil, points 77 à 83), le Tribunal a rejeté comme irrecevables, faute de concordance entre la requête et la réclamation sur ce point, les conclusions identiques du requérant concernant l’incidence de l’absence de rapports définitifs sur le fait qu’il n’a pas été choisi pour occuper le poste de directeur en cause.

36      La Commission estime également que le requérant ne saurait « contourner la jurisprudence selon laquelle le rejet de conclusions en annulation entraîne l’irrecevabilité des conclusions en indemnité qui sont étroitement liées à ces dernières en introduisant les deux actions par des requêtes différentes ». Au surplus, la Commission fait observer que le rejet d’une demande en indemnité étroitement liée à une demande en annulation elle-même irrecevable constitue une exception au principe de l’autonomie des deux actions (voir ordonnance Ross/Commission, point 34 supra, points 38 et 39, et la jurisprudence citée), exception jouant forcément dans tous les cas de figure, que les recours en annulation et en indemnité soient introduits, concomitamment ou non, dans une même requête ou non. Ce chef de demande en indemnisation serait donc irrecevable.

37      Le requérant conteste que la demande en annulation soit irrecevable. Il fait valoir que, la notation pour les périodes en cause n’ayant jamais été établie de manière définitive, il a introduit une demande en application de l’article 90, paragraphe 1, du statut invitant l’AIPN à prendre position et à adopter la décision qui s’impose. En effet, le requérant admet que seul le rapport de notation peut faire l’objet d’une réclamation. Or, en l’espèce, la Commission aurait omis de prendre les mesures nécessaires à l’établissement définitif des deux rapports de notation sur la base desquels une réclamation aurait pu être introduite.

38      Dans sa décision du 8 juin 2004, l’AIPN aurait rejeté la demande du requérant tout en reconnaissant la faute de service commise. Selon le requérant, c’est cette décision « qui [le] légitime […] à introduire une réclamation aux termes de l’article 90, paragraphe 2, du statut ».

39      Le requérant ajoute que l’AIPN a l’obligation, en vertu de l’article 43 du statut et des DGE de 1997, de mener la procédure de notation à son terme en adoptant un rapport de notation définitif. La Commission ne saurait se prévaloir de l’absence d’un rapport définitif pour repousser sine die la possibilité pour le fonctionnaire concerné de contester les appréciations qui, sous forme de projet, ont été formulées à son égard (nemo propriam turpitudinem). Ainsi, les deux projets de rapports feraient grief au requérant en ce que l’AIPN s’est abusivement abstenue de prendre une mesure imposée par le statut et en ce que lesdits projets contiennent des appréciations contestées par le requérant.

 Appréciation du Tribunal

40      En premier lieu, la Commission excipe de l’irrecevabilité de la demande en annulation au motif que les actes attaqués dans l’affaire T-71/05 ne sont que des projets non finalisés et donc non susceptibles de faire grief au requérant (voir point 33 ci-dessus).

41      Il ressort de la jurisprudence que constituent des actes susceptibles de faire l’objet d’un recours les seules mesures produisant des effets juridiques obligatoires de nature à affecter les intérêts du requérant, en modifiant, de façon caractérisée, la situation juridique de celui-ci, et qui fixent définitivement la position de l’institution (arrêt du Tribunal du 28 septembre 1993, Yorck von Wartenburg/Parlement, T‑57/92 et T‑75/92, Rec. p. II‑925, point 36 ; voir également, en ce sens, arrêt du Tribunal du 24 juin 1993, Seghers/Conseil, T‑69/92, Rec. p. II‑651, point 28).

42      Lorsqu’il s’agit d’actes ou de décisions dont l’élaboration s’effectue en plusieurs phases, notamment au terme d’une procédure interne, ne constituent des actes attaquables dans le cadre d’un recours en annulation que les mesures qui fixent définitivement la position de l’institution au terme de cette procédure, à l’exclusion des mesures intermédiaires dont l’objectif est de préparer la décision finale. Ainsi, en matière de recours de fonctionnaires, les actes préparatoires d’une décision ne font pas grief au sens de l’article 90, paragraphe 2, du statut (arrêts du Tribunal du 15 juin 1994, Pérez Jiménez/Commission, T‑6/93, RecFP p. I‑A‑155 et II‑497, point 34 ; du 22 mars 1995, Kotzonis/CES, T‑586/93, Rec. p. II‑665, point 29, et du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, RecFP p. I‑A‑337 et II‑1657, point 28).

43      Il est constant que le requérant demande l’annulation des « projets » de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001. Or, ces projets sont des actes préparatoires qui ne produisent aucun effet de droit susceptible d’affecter directement les intérêts du requérant et, dès lors, ne constituent pas des actes faisant grief au sens des articles 90 et 91 du statut.

44      Il résulte des considérations qui précèdent qu’il y a lieu de rejeter le recours en annulation dans l’affaire T-71/05 comme irrecevable.

45      En second lieu, la Commission soutient que l’irrecevabilité de la demande en annulation entraîne l’irrecevabilité des chefs de conclusions en indemnité dès lors que ceux-ci comportent un lien étroit avec les conclusions en annulation. Elle fait notamment valoir que les chefs de conclusions en indemnité fondés sur le préjudice prétendument subi par le requérant du fait de l’absence de caractère définitif des rapports litigieux lors de l’examen des candidatures du requérant à des postes de directeur sont irrecevables (voir points 34 à 36 ci-dessus).

46      À cet égard, il convient de rappeler que le recours en annulation et le recours en indemnité sont des voies autonomes de recours. Les articles 90 et 91 du statut ne faisant aucune distinction entre ces deux recours, en ce qui concerne la procédure tant administrative que contentieuse, le fonctionnaire peut choisir, en raison de l’autonomie de ces voies de droit distinctes, soit l’une, soit l’autre, soit les deux conjointement, à condition de saisir le juge communautaire dans le délai de trois mois après le rejet de sa réclamation (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 22 octobre 1975, Meyer-Burckhardt/Commission, 9/75, Rec. p. 1171, points 10 et 11).

47      Cependant, la jurisprudence a posé une exception à ce principe lorsque l’action en indemnité comporte un lien étroit avec l’action en annulation, par ailleurs déclarée irrecevable (voir arrêt de la Cour du 12 décembre 1967, Collignon/Commission, 4/67, Rec. p. 469, 480, et ordonnance Ross/Commission, point 34 supra, point 39, et la jurisprudence citée). Ainsi, les conclusions en indemnité sont irrecevables lorsque l’action en indemnité tend exclusivement à faire réparer les conséquences de l’acte qui était visé dans l’action en annulation, elle-même déclarée irrecevable, notamment lorsque l’action en indemnité a pour seul objet de compenser des pertes de rémunération qui n’auraient pas eu lieu si, par ailleurs, l’action en annulation avait prospéré (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 24 juin 1971, Vinck/Commission, 53/70, Rec. p. 601, points 8 à 15 ; du 14 février 1989, Bossi/Commission, 346/87, Rec. p. 303, et arrêt du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑27/90, Rec. p. II‑35, point 38).

48      En revanche, lorsque les deux actions trouvent leur origine dans des actes ou des comportements différents de l’administration, l’action en indemnité ne saurait être assimilée à l’action en annulation, même si les deux actions aboutissent au même résultat pécuniaire pour le requérant (arrêt de la Cour du 13 juillet 1972, Heinemann/Commission, 79/71, Rec. p. 579, et arrêt Latham/Commission, point 47 supra, point 38).

49      Contrairement à ce que soutient la Commission, l’exception prévue dans la jurisprudence invoquée au point 47 ci-dessus ne s’applique pas dans l’affaire T‑71/05. Le recours en indemnité en l’espèce ne vise pas à faire réparer les conséquences découlant du contenu des projets de rapports de notation mais tend, en particulier, à obtenir une indemnité au vu du retard dans l’établissement des rapports de notation définitifs du requérant.

50      De surcroît, le recours en indemnité dans l’affaire T-71/05 n’a pas pour seul objet de faire réparer les conséquences de l’acte que le requérant a visé dans l’affaire T‑370/03, Wunenburger/Commission, point 35 supra, à savoir sa non-promotion au poste de grade A 2 de directeur de la direction C « Afrique, Caraïbes, Pacifique » (ACP) de l’office de coopération EuropeAid. Le recours en indemnité a pour objectif principal de réparer le préjudice résultant du retard dans l’établissement de ses rapports de notation. Certes, le requérant invoque sa non-promotion au poste de directeur à la direction C « ACP » comme preuve du préjudice porté à sa carrière en raison du retard dans l’établissement des rapports de notation. Il invoque également le fait qu’il n’a pas été nommé au poste de grade A 2 de directeur de la direction D « Asie » de l’office de coopération EuropeAid, ainsi que l’incertitude ou l’inquiétude quant à son avenir professionnel et à la reconnaissance de ses mérites (voir point 52 ci-après). Il s’agit donc d’un recours indépendant d’un recours visant à l’annulation de la procédure de promotion.

51      Il s’ensuit que le recours en indemnité est recevable.

 Sur le fond

 Arguments des parties

52      Le requérant prétend que l’absence des rapports de notation en cause lui a causé un préjudice moral. D’une part, cette absence aurait entraîné chez le requérant un état d’incertitude ou d’inquiétude quant à son avenir professionnel et à la reconnaissance de ses mérites. D’autre part, l’absence des deux rapports en cause aurait des conséquences sur le déroulement de la carrière du requérant. Ce dernier soutient que, si ses rapports avaient été établis correctement et équitablement, il aurait très probablement été promu au grade A 2, notamment lors des promotions pour le poste de grade A 2 de directeur de la direction D « Asie » de l’office de coopération EuropeAid (COM/163/01), ou pour le poste de grade A 2 de directeur de la direction C « ACP » du même office (COM/138/02). Le requérant souligne que, contrairement à ce que soutient l’AIPN dans la réponse de rejet de sa réclamation, la Commission s’est fondée sur les projets de rapports de notation en cause pour apprécier les mérites de sa candidature à ce dernier poste (voir points 38 à 41 du mémoire en défense dans l’affaire T-370/03).

53      En ce qui concerne l’argument de la Commission selon lequel elle a utilisé ces projets de rapports seulement « à titre illustratif et confirmatif » pour comparer les mérites des candidats au poste de directeur de la direction C « ACP » (voir point 60 ci-après), le requérant répond que l’utilisation de ces rapports, qui n’ont pas été soumis à l’exercice légitime de son droit de défense, est susceptible de nuire à sa carrière. De surcroît, si, comme l’admet la Commission, ces deux rapports ne sont pas définitifs, ils auraient donc été utilisés de manière totalement illégale pour comparer les mérites des candidats.

54      Le requérant ajoute que le notateur a été contraint d’établir quasi simultanément des rapports de notation portant sur des périodes différentes, de sorte que l’objectivité de ces avis peut être sérieusement mise en doute en raison de la difficulté à porter une appréciation objective au titre de chacune des périodes de référence (arrêt du Tribunal du 28 mai 1997, Burban/Parlement, T‑59/96, RecFP p. I‑A‑109 et II‑331). À cet égard, il souligne, dans sa réplique, que les commentaires sont presque identiques dans les deux projets.

55      Le requérant évalue son préjudice à 9 996 euros, sous réserve de modification de ce montant en cours d’instance. Il fait valoir à cet égard que la jurisprudence a évalué, en moyenne, la réparation du préjudice moral à une somme de 782 euros par année de retard en 1991 et de 1 224 euros en 2000 (arrêt Latham/Commission, point 47 supra, points 57 et 58 ; arrêts du Tribunal du 24 janvier 1991, Latham/Commission, T‑63/89, Rec. p. II‑19, points 38 et 39, et du 19 septembre 2000, Stodtmeister/Conseil, T‑101/98 et T‑200/98, RecFP p. I‑A‑177 et II‑807, points 50, 57 et 58).

56      La Commission reconnaît l’existence de retards dans l’établissement des rapports de notation du requérant et fait observer que l’AIPN a déjà accordé au requérant une indemnisation de 2 500 euros de nature à compenser un quelconque préjudice en l’espèce.

57      Elle fait observer que le requérant ne semble avoir entrepris aucune démarche depuis le 11 mars 2002 aux fins de faire procéder à la finalisation des rapports de notation en cause. Elle expose également qu’il doit être tenu compte de la complexité de la procédure de notation applicable au personnel en délégation et des problèmes résultant par définition de l’éloignement du siège de la Commission.

58      La Commission conteste l’affirmation selon elle purement spéculative du requérant selon laquelle l’absence de finalisation des rapports en cause a porté atteinte à son avenir professionnel. Pour les postes de grade A 2, les rapports de notation n’auraient pas la même importance que pour des postes de grade inférieur. S’agissant en particulier d’un emploi de grade A 2, l’AIPN disposerait de nombreux autres éléments permettant d’évaluer les mérites respectifs des candidats, susceptibles le cas échéant de compenser l’absence de rapport : dossiers personnels des candidats, avis préalable et avis du comité consultatif des nominations, grilles d’évaluation de chaque candidat après entretien approfondi, entretien avec le directeur général du personnel.

59      La Commission fait valoir à cet égard que, selon une jurisprudence constante, l’AIPN dispose, en particulier lorsque le poste à pourvoir est de grade A 1 ou A 2, d’un large pouvoir d’appréciation dans la comparaison des mérites des candidats à un tel poste (voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2002, Tilgenkamp/Commission, T‑158/01, RecFP p. I‑A‑111 et II‑595, points 50 et 51, et la jurisprudence citée). Les éléments de cette appréciation dépendraient non seulement de la compétence et de la valeur professionnelle des intéressés, mais aussi de leur caractère, de leur comportement et de l’ensemble de leur personnalité (arrêt du Tribunal 5 novembre 2003, Cougnon/Cour de justice, T‑240/01, RecFP p. I‑A‑263 et II‑1283).

60      La Commission fait observer que le requérant a été retenu sur la liste restreinte pour les postes de directeur de la direction D « Asie » de l’office de coopération EuropeAid (COM/163/01) et de directeur d’une direction de la DG « Politique régionale » de la Commission (COM/135/01). Le fait que la candidature du requérant n’a pas été retenue pour le poste de directeur de la direction C « ACP » de l’office de coopération EuropeAid serait le simple résultat du large pouvoir d’appréciation de l’AIPN. Dans l’affaire T-370/03 (voir point 52 ci-dessus), la Commission aurait seulement cité dans ses écritures les projets de rapports de notation en cause à titre illustratif et confirmatif des autres éléments parce que le requérant citait ses propres rapports pour mettre sa position en valeur.

61      De plus, la Commission prétend que, dans le contexte d’une promotion vers le grade A 2 (voir points 58 et 59 ci-dessus), et au vu du fait que nul ne saurait avoir un droit subjectif à une promotion, il est très improbable que le requérant ait ressenti des incertitudes, à tout le moins suffisamment intenses pour être indemnisables au regard des critères de la jurisprudence et plus encore au regard du montant élevé des indemnités qu’il réclame. Aux fins de l’évaluation du préjudice allégué par le requérant, les arrêts concernant des fonctionnaires d’autres grades et catégories ne seraient donc en rien transposables à la présente affaire. La Commission ajoute que l’incertitude du requérant est relative dans la mesure où il a déjà reçu une notation élevée et qu’il ne saurait affirmer se trouver dans la même incertitude qu’un fonctionnaire n’ayant pas été noté du tout.

62      Par ailleurs, la Commission avance que l’importance d’un rapport de notation donné s’amenuise avec le temps. Elle fait observer qu’entre-temps de nouveaux rapports ont été établis, que des changements de poste ont eu lieu, ainsi qu’une réforme profonde du statut. Au surplus, le requérant admettrait dans ses écritures qu’il n’a « plus aucun intérêt dans la finalisation de tels rapports ». Son intérêt et, donc, ses inquiétudes auraient ainsi cessé au plus tard à ce moment-là. Aussi, la Commission conteste en toute hypothèse le montant réclamé par le requérant ainsi que sa technique de calcul.

 Appréciation du Tribunal

63      Il convient de rappeler, tout d’abord, que l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué (voir arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Morello/Commission, T‑135/00, RecFP p. I‑A‑265 et II‑1313, point 130, et la jurisprudence citée).

64      Il ressort également de la jurisprudence que l’administration doit veiller à la rédaction périodique des rapports de notation aux dates imposées par le statut et à leur établissement régulier (arrêt de la Cour du 18 décembre 1980, Gratreau/Commission, 156/79 et 51/80, Rec. p. 3943, point 15), tant pour des motifs de bonne administration que pour sauvegarder les intérêts des fonctionnaires (arrêts du Tribunal Burban/Parlement, point 54 supra, point 44, et du 12 juin 2002, Mellone/Commission, T‑187/01, RecFP p. I‑A‑81 et II‑389, point 77).

65      En effet, un retard survenu dans l’établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par le défaut d’un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises (arrêt de la Cour du 6 février 1986, Castille/Commission, 173/82, 157/83 et 186/84, Rec. p. 497, point 36). Un fonctionnaire dont le dossier individuel est irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (arrêt du Tribunal du 8 novembre 1990, Barbi/Commission, T‑73/89, Rec. p. II‑619, point 41). En l’absence de circonstances particulières justifiant les retards constatés, l’administration commet une faute de service de nature à engager sa responsabilité (arrêts Burban/Parlement, point 54 supra, point 50, et Mellone/Commission, point 64 supra, point 78).

66      Par sa décision du 28 octobre 2004 (voir point 16 ci-dessus), l’AIPN a alloué une indemnité de 2 500 euros au titre du préjudice subi en raison des retards dans l’établissement des rapports de notation en cause. Elle a ainsi reconnu l’illégalité du comportement de la Commission et l’existence, en conséquence, d’un préjudice à l’égard du requérant. Il convient de déterminer si le montant de 2 500 euros constitue une réparation adéquate du préjudice subi par le requérant au moment de l’introduction du présent recours.

67      Il convient de rappeler à cet égard que, selon l’article 7, dernier alinéa, des DGE de 1997, « toute la procédure [de notation] doit être terminée au plus tard pour le 31 décembre ». Il s’ensuit que les rapports de notation du requérant pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 auraient dû être établis avant, respectivement, le 31 décembre 1999 et le 31 décembre 2001.

68      Interrogée sur ce point à l’audience, la Commission a confirmé que ces rapports n’avaient toujours pas été finalisés en dépit de l’invitation claire et nette émise en ce sens par l’AIPN en octobre 2004 (voir point 16 ci-dessus) et nonobstant l’introduction du présent recours. La Commission a donc pris un retard particulièrement important dans l’établissement de ces rapports. Ce retard a été aggravé par le fait que la Commission n’avait pas finalisé les rapports de notation avant l’audience dans le cas d’espèce. Le Tribunal considère donc que le montant de 2 500 euros ne reflète pas le préjudice subi par le requérant.

69      Par ailleurs, le requérant fait valoir que, contrairement à ce que soutient l’AIPN dans la réponse à sa réclamation, l’absence de ses rapports de notation a affecté sa candidature à deux postes de grade A 2 (voir point 52 ci-dessus).

70      À cet égard, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le rapport de notation constitue un élément d’appréciation indispensable chaque fois que la carrière du fonctionnaire est prise en considération par le pouvoir hiérarchique (arrêt de la Cour du 17 décembre 1992, Moritz/Commission, C‑68/91 P, Rec. p. I‑6849, point 16, et arrêts du Tribunal du 5 octobre 2000, Rappe/Commission, T‑202/99, RecFP p. I‑A‑201 et II‑911, point 38, et du 7 mai 2003, Den Hamer/Commission, T‑278/01, RecFP p. I‑A‑139 et II‑665, point 95).

71      Le requérant n’a aucun droit acquis à être promu à un poste de grade A 2. À cet égard, ses affirmations selon lesquelles des rapports de notation reflétant sa valeur, s’ils avaient été établis, lui auraient « très probablement » permis d’être promu au grade A 2 ne sauraient être retenues. Toutefois, il ressort de la jurisprudence citée au point 70 ci-dessus qu’il ne saurait être exclu que l’absence des rapports de notation au moment des exercices de promotion en cause ait eu une incidence sur sa carrière.

72      S’agissant de l’argument de la Commission selon lequel l’absence des rapports de notation a pu être compensée par l’existence d’autres éléments d’appréciation (voir point 58 ci-dessus), il convient de rappeler que, s’il est vrai que, dans des circonstances exceptionnelles, l’absence de rapport de notation peut être compensée par l’existence d’autres informations sur les mérites du fonctionnaire, celles-ci doivent répondre à certaines conditions dont il incombe à l’institution défenderesse de prouver qu’elles sont réunies. En tout état de cause, un rapport de notation non définitif et contesté par l’intéressé ne peut, à lui seul, servir de source d’autres informations (arrêt Rappe/Commission, point 70 supra, points 40, 52 et 56). Bien qu’elle invoque certains éléments qui pourraient compenser en théorie l’absence des rapports de notation, la Commission n’a pas établi que les personnes appelées à prendre les décisions en cause avaient pu avoir connaissance d’éléments équivalant à ces rapports de notation.

73      Il s’ensuit que l’absence de rapport de notation définitif aux moments pertinents était de nature à porter préjudice au requérant.

74      En revanche, contrairement à ce que soutient le requérant (voir point 53 ci-dessus), il ne ressort nullement du dossier que la Commission a commis une faute supplémentaire en utilisant les projets de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 pour évaluer sa candidature au poste de directeur de la direction C « ACP » de l’office de coopération EuropeAid. La Commission a seulement utilisé ces projets de rapports, dans le cadre du recours T-370/03, pour répondre aux arguments du requérant et non pas pour évaluer sa candidature au poste en cause.

75      De plus, s’agissant de l’argument du requérant selon lequel son préjudice a été aggravé en ce que le notateur aurait été contraint d’établir quasi simultanément les rapports de notation (voir point 54 ci-dessus), il convient de rappeler que ces derniers n’ont pas été finalisés. Dès lors, le Tribunal ne saurait accorder une indemnité en raison de l’établissement simultané des rapports de notation. De surcroît, il ressort des projets de rapports de notation qu’il s’agit de notateurs différents pour les deux projets en cause.

76      Dans ces circonstances, le Tribunal, évaluant le préjudice moral subi ex aequo et bono, estime que l’allocation d’un montant de 2 500 euros, s’ajoutant aux 2 500 euros déjà alloués par l’AIPN, constitue une indemnisation adéquate du préjudice global subi par le requérant.

 Sur l’affaire T-246/04

 Sur les conclusions en annulation

77      À l’appui de son recours visant à l’annulation du REC 2001/2002, le requérant invoque deux moyens. Le premier est tiré d’une violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut et le second d’une erreur d’appréciation, d’une violation des articles 26 et 43 du statut et d’une violation des DGE de 2002 ainsi que de la méconnaissance de certains principes généraux du droit.

 Sur le premier moyen, tiré d’une violation de l’article 25, deuxième alinéa, du statut

–       Arguments des parties

78      Le requérant fait valoir que l’obligation de motivation est violée en ce que le REC 2001/2002 n’est pas suffisamment motivé. Selon le requérant, « le caractère transitoire du système de notation appliqué en 2001 ne saurait porter préjudice au fonctionnaire noté, en excluant d’emblée toute comparaison avec les exercices antérieurs, ou toute cohérence au sein même de l’exercice ». Dès lors, il existerait une obligation accrue, durant toute période transitoire, de veiller scrupuleusement à la cohérence entre les appréciations analytiques et la notation et de motiver tant les appréciations que la notation, non par des formules toutes faites, mais bien en se fondant sur l’appréciation effective des prestations du fonctionnaire noté.

79      Le requérant conteste l’affirmation de la Commission selon laquelle le système du REC n’aurait aucun lien avec le système de notation précédent et fait valoir qu’il existe :

–        dans les deux systèmes de notation, un niveau de notation qualifié d’« exceptionnel » (qui devrait donc se comprendre de la même manière) ;

–        dans le système du REC, un niveau de notation qualifié de « très bien » qu’on ne peut comprendre que comme équivalent au niveau « supérieur » du système précédent ;

–        dans le système du REC, un niveau « bien » qui ne peut correspondre qu’au niveau « normal » dans le système précédent, sauf à supposer que la Commission considère que le niveau « normal » soit seulement l’équivalent du niveau « suffisant », ce qui reviendrait à nier le haut niveau de qualité des prestations des fonctionnaires revendiqué par l’institution.

80      Ce ne serait que dans les niveaux inférieurs que le système du REC innoverait en offrant davantage de discrimination : le niveau « insuffisant » du système de notation précédent ne pourrait que correspondre aux niveaux « suffisant », « faible » et « insuffisant » du système du REC. Cela serait confirmé par la décision de la Commission de fixer la moyenne (« bien », « normal ») du système du REC non pas à 10 sur 20, mais à 14 sur 20.

81      Le requérant fait valoir que le respect de l’obligation de motivation est d’autant plus important lorsque la notation connaît une régression par rapport à la notation antérieure (arrêts du Tribunal du 16 juillet 1992, Della Pietra/Commission, T‑1/91, Rec. p. II‑2145, points 30 et 32, et du 9 mars 1999, Hubert/Commission, T‑212/97, RecFP p. I‑A‑41 et II‑185, point 79), ce qui est le cas en l’espèce au vu du rapport de notation pour la période 1995/1997, qui est le dernier rapport finalisé pouvant donc être pris comme référence. Ainsi, le requérant aurait reçu une note de 4 sur 6 (« bien ») pour sa compétence et une note de 2 sur 4 (« suffisant ») pour sa conduite dans le service, ce qui correspondrait à deux régressions de plus au regard de ses deux rapports précédents, non définitifs et contestés, qui comporteraient déjà une notation en régression, non motivée au surplus, par rapport à l’exercice de notation pour la période 1995/1997. En effet, il se serait vu attribuer des notes « supérieures » au titre de la conduite dans le service dans les projets de rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001.

82      Se fondant sur la comparaison figurant au point 79 ci-dessus, le requérant estime que sa note finale de 13 sur 20 dans son REC 2001/2002 se décompose en 54 % de « très bien » (rendement : 7 sur 10), 31 % de « bien » (aptitudes : 4 sur 6) et 15 % de « suffisant » (conduite dans le service : 2 sur 4). En revanche, les croix du rapport de notation pour la période 1995/1997 se situeraient dans les catégories « exceptionnel » à hauteur de 20 % (2 croix sur 10), « très bien » à hauteur de 30 % (3 croix sur 10) et « bien » à hauteur de 50 % (5 croix sur 10). Selon le requérant, « la régression globale est donc patente sans qu’il soit nécessaire d’analyser chacun des paramètres ».

83      La note globale de 13 sur 20 ne pourrait être considérée comme étant bonne. Selon la Commission elle-même, la moyenne cible de l’exercice serait de 14 points. De plus, la note du requérant se situerait en dessous tant de la moyenne réelle des notes obtenues par les fonctionnaires de grade A 3 affectés au service extérieur, à savoir 14,55, que de la moyenne des notes obtenues par l’ensemble des fonctionnaires de grade A 3 de la Commission, à savoir 14,88 points. En effet, dans le cas du service extérieur, seuls deux fonctionnaires de grade A 3 (à savoir 5 % des effectifs) auraient obtenu une note inférieure ou égale à 13. Globalement, à la Commission, seuls 10 % des fonctionnaires de grade A 3 auraient obtenu une telle note.

84      Quant à l’affirmation de la Commission selon laquelle la motivation du REC 2001/2002 est suffisamment circonstanciée, le requérant souligne que le CPE a émis un avis exactement contraire (voir point 21 ci-dessus). De plus, le requérant affirme que la Commission entretient une confusion entre son obligation de motivation et le droit du fonctionnaire à se défendre. Il s’agirait de deux droits du requérant, différents et complémentaires, en aucun cas remplaçables l’un par l’autre.

85      Par ailleurs, le requérant soutient que, conformément à l’article 8, paragraphe 7, des DGE de 2002, l’évaluateur d’appel aurait dû justifier les raisons pour lesquelles il s’est écarté des recommandations du CPE. En l’espèce, la critique du CPE concernant la mauvaise qualité (poor quality) du REC 2001/2002 soulignerait à suffisance que ce dernier ne contient aucun élément objectif permettant de motiver une appréciation, rendant dès lors la notation nullement fondée. Bien que les commentaires d’ordre général soient lacunaires, vagues et stéréotypés, l’évaluateur d’appel aurait arrêté la notation définitive en confirmant la notation initiale, « sans véritablement l’étoffer ou la compléter, ignorant ainsi purement et simplement l’avis et les observations du CPE ».

86      Dans sa réplique, le requérant précise que les recommandations faites par le CPE ne doivent pas être confondues avec la décision finale adoptée par le CPE. Le requérant admet qu’en l’espèce le CPE, dont le rôle est d’assurer que le rapport soit établi équitablement et objectivement, n’a pas trouvé d’éléments permettant de conclure à l’illégalité du REC 2001/2002. Toutefois, le CPE aurait estimé opportun de faire à l’évaluateur d’appel des recommandations, au sens de l’article 8, paragraphe 7, des DGE de 2002 (voir point 21 ci-dessus) et aurait mentionné l’obligation de motivation qui incombe à l’évaluateur d’appel en application de ce même article. Selon le requérant, l’évaluateur d’appel aurait dû ordonner une révision du rapport afin de remédier aux faiblesses constatées par le CPE.

87      La Commission estime que les motivations du REC 2001/2002 sont suffisamment circonstanciées par rapport à la notation effectuée pour se faire une opinion sur les prestations du requérant. En tout état de cause, elles seraient suffisamment précises pour permettre au requérant de défendre ses droits dans la réclamation et la requête.

–       Appréciation du Tribunal

88      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’administration a l’obligation de motiver les rapports de notation de façon suffisante et circonstanciée (voir arrêt Mellone/Commission, point 64 supra, point 27, et la jurisprudence citée). Dans un REC, une telle motivation figure, en principe, sous chacune des rubriques « Rendement », « Aptitudes », « Conduite dans le service », « Synthèse » et « Potentiel » du formulaire ad hoc. Les commentaires d’ordre général accompagnant les appréciations analytiques doivent permettre au fonctionnaire noté d’en apprécier le bien-fondé en toute connaissance de cause et, le cas échéant, au Tribunal d’exercer son contrôle juridictionnel. Il importe, à cet effet, qu’une cohérence existe entre ces appréciations et les commentaires destinés à les justifier (arrêt du Tribunal du 21 octobre 1992, Maurissen/Cour des comptes, T‑23/91, Rec. p. II‑2377, point 41).

89      S’agissant, tout d’abord, de l’argument du requérant selon lequel les évaluateurs n’ont pas satisfait à leur obligation de motiver la régression alléguée par rapport à la notation antérieure (voir point 81 ci-dessus), il y a lieu de constater ce qui suit.

90      Le dernier rapport de notation définitif du requérant avant le REC 2001/2002 concerne la période 1995/1997. Lors de cette dernière période, le requérant a travaillé au sein du cabinet d’un membre de la Commission puis comme chef d’unité au siège de la Commission. Or, il convient de souligner que le requérant a fait l’objet d’un changement d’affectation important après la période 1995/1997. En particulier, lors de l’exercice litigieux (1er juillet 2001 au 31 décembre 2002), il était chef de délégation en Bulgarie et, à partir d’octobre 2001, en Croatie (voir points 9 et 17 ci-dessus). Dès lors, son statut et ses responsabilités ont changé de manière notable. En particulier, il était personnellement responsable des délégations en cause et était le représentant de l’Union en Bulgarie et, ensuite, en Croatie. En conséquence, le requérant s’est vu confier des tâches nouvelles par rapport à la période de notation 1995/1997. De plus, il ne travaillait plus au siège de la Commission à proximité de sa hiérarchie.

91      Par ailleurs, il y a lieu de rappeler que le REC 2001/2002 est, pour le requérant, le premier rapport établi en application du nouveau système d’évaluation que la Commission a instauré en 2002, substituant ainsi une méthode de notation à une autre.

92      Ainsi, à titre d’exemple, le nouveau système évalue les « Aptitudes (compétences) » à l’aide de critères d’appréciation différents de ceux de l’ancien système : alors que, dans le cadre de ce dernier, les compétences étaient évaluées sur la base des connaissances liées à la fonction, de la méthode, de la capacité de jugement et du sens de l’organisation, les critères d’appréciation selon le nouveau système comportent aussi, notamment, les « Aptitudes à la communication », les « Aptitudes à la réalisation de résultats » et les « Aptitudes à la résolution de problèmes ».

93      En outre, alors que l’ancienne méthode était fondée sur les appréciations « exceptionnel », « supérieur », « normal » et « insuffisant », la nouvelle méthode mise en œuvre repose sur une notation sur 10 points pour le rendement, sur 6 points pour les aptitudes et sur 4 points pour la conduite dans le service.

94      Or, un changement de méthode de notation implique nécessairement que la correspondance entre l’ancienne et la nouvelle méthode de notation ne peut être effectuée par le biais d’un mécanisme corrélationnel fixe (arrêt du Tribunal du 22 février 1990, Turner/Commission, T‑40/89, Rec. p. II‑55, publication sommaire). La modification des paramètres d’appréciation rend donc particulièrement inappropriée une comparaison entre les appréciations du REC 2001/2002 et celles du rapport de notation pour la période 1995/1997.

95      Au vu du changement important lié à la nouvelle affectation du requérant, des différences matérielles dans la nature de ses fonctions et du degré élevé de ses responsabilités, ainsi que du passage à un nouveau régime d’évaluation de carrière, il y a lieu de considérer que d’éventuelles différences perçues entre les appréciations du REC 2001/2002 et celles du rapport de notation pour la période 1995/1997 ne sauraient être qualifiées de « régression » nécessitant une motivation particulière.

96      En ce qui concerne le reproche fait par le requérant à l’évaluateur d’appel d’avoir ignoré les réserves du CPE relatives à la mauvaise qualité du REC 2001/2002 (voir point 85 ci-dessus), il convient de rappeler que l’article 8, paragraphe 7, troisième phrase, des DGE de 2002 oblige l’évaluateur d’appel à fournir une motivation spécifique seulement dans l’hypothèse où celui-ci s’écarte des recommandations figurant dans l’avis du CPE. Or, la remarque relative à la « mauvaise qualité » du REC 2001/2002 n’a pas donné lieu à une recommandation concrète visant à le modifier. Le CPE a, au contraire, considéré que les objections du requérant concernant son REC 2001/2002 n’étaient pas fondées et n’a pas relevé une insuffisance de motivation de ce dernier. Dès lors, l’évaluateur d’appel ne s’est pas écarté des recommandations du CPE. En effet, il a confirmé l’avis de ce dernier. Par conséquent, il ne saurait être reproché à l’évaluateur d’appel d’avoir méconnu son obligation de motivation.

97      En tout état de cause, il y a lieu de considérer que le REC 2001/2002 contient une motivation circonstanciée au sens de la jurisprudence invoquée au point 88 ci-dessus. Une telle motivation circonstanciée figure aux points 6.1 (« Rendement »), 6.2 [« Aptitudes (compétences) »] et 6.3 (« Conduite dans le service ») du REC 2001/2002. De plus, les points 6.4 et 6.5 contiennent une synthèse de l’évaluation du requérant ainsi qu’une indication de ses faiblesses et des points qu’il doit travailler pour atteindre son potentiel. Dans les circonstances de l’espèce, cette motivation doit être considérée comme suffisante.

98      Il convient d’ajouter que chaque REC couvre une certaine période de la carrière du fonctionnaire. Dès lors, les rubriques « Rendement », « Aptitudes (compétences) » et « Conduite dans le service » doivent être complétées par l’évaluateur par référence à l’affectation, aux tâches et aux responsabilités du fonctionnaire lors de cette période. L’obligation de motivation (voir point 88 ci-dessus) exige que les appréciations générales explicitent, d’une manière cohérente, les notes données pour une période en cause. Or, dans les circonstances de l’espèce, marquées par d’importants changements depuis le dernier exercice de notation pour la période 1995/1997 (voir points 90 à 95 ci-dessus), il n’y a pas d’obligation de motiver les appréciations par rapport à cette dernière période.

99      Enfin, contrairement à la thèse défendue par le requérant, il n’est pas nécessaire que le REC contienne des explications plus détaillées afin de permettre au fonctionnaire noté d’ouvrir un véritable débat sur la valeur des différents travaux qu’il a accomplis durant la période de référence. Un tel débat dépasserait manifestement le cadre de la procédure de notation (arrêt Den Hamer/Commission, point 70 supra, point 71). D’ailleurs, le REC 2001/2002 a permis au requérant de défendre ses intérêts devant le Tribunal.

100    Il résulte de tout ce qui précède que le premier moyen ne saurait être accueilli.

 Sur le second moyen, tiré d’une erreur manifeste d’appréciation, d’une violation des articles 26 et 43 du statut et d’une violation des DGE de 2002 ainsi que de la méconnaissance des principes généraux de droit

–       Arguments des parties

101    Le requérant soutient que son REC 2001/2002 contient des appréciations en régression non fondées (voir points 81 et 82 ci-dessus). Sa note finale de 13 sur 20 serait manifestement non fondée au regard des résultats extrêmement positifs obtenus depuis son arrivée à la délégation de la Commission à Zagreb (voir l’auto-évaluation dans le REC 2001/2002). De plus, l’article 7, paragraphe 1, des DGE de 2002 n’aurait pas été respecté en ce que les objectifs fixés en début de période n’ont pas servi de base de référence pour l’évaluation de son rendement. Le requérant fait observer qu’il n’a jamais reçu la moindre remarque critique lors de la période concernée, et pour cause.

102    En outre, les appréciations portées par l’évaluateur, ainsi que la note finale obtenue par le requérant, ne refléteraient pas les appréciations beaucoup plus positives de M. Priebe, supérieur géographique direct du requérant, et donc la personne la plus à même d’apprécier son travail. Ces appréciations correspondraient à la définition des standards d’évaluation définis par la Commission [note ER/I/1 D(2002) 129721 du 17 décembre 2002] pour les catégories « exceptionnel » ou « très bien ». Il y aurait donc une erreur manifeste d’appréciation dans son REC définitif. De plus, les appréciations de M. Priebe ayant été transmises sur papier libre dans l’enveloppe de transmission du REC 2001/2002, et au vu des résultats contenus dans ce dernier, le requérant doute qu’il ait été tenu compte à tous les stades de la procédure d’évaluation desdites appréciations.

103    Dans sa réplique, le requérant précise que, après avoir pris connaissance de l’avis de M. Knudsen, directeur fonctionnel du requérant, à la lecture du mémoire en défense, il a constaté que les points négatifs du REC 2001/2002 se référaient très précisément à cet avis. Dès lors, il ferait pour la première fois (voir point 112 ci-après) valoir son point de vue sur différents éléments contenus dans cet avis et ayant été illégalement, selon lui, à l’origine des appréciations négatives contenues dans son REC 2001/2002.

104    Premièrement, M. Knudsen aurait omis de citer la lettre du 28 juin 2002 envoyée par le requérant au directeur général de l’office de coopération EuropeAid, M. Bonacci, avec copie à M. Knudsen. Dans cette lettre, le requérant aurait exposé les difficultés qu’il a rencontrées avec M. Knudsen et aurait sollicité l’octroi direct d’une subdélégation de M. Bonacci. Contrairement à ce qu’affirme M. Knudsen, le requérant n’aurait donc, à aucun moment, refusé la subdélégation de M. Knudsen, mais aurait simplement demandé à ce que celle-ci lui soit accordée dans des conditions lui permettant de travailler normalement. Sur ce point, les allégations de M. Knudsen seraient manifestement erronées.

105    Deuxièmement, s’agissant des affirmations de M. Knudsen concernant un problème relatif à l’organigramme de la délégation (voir point 119 ci-après), le requérant avance que la modification d’un organigramme et la création d’un nouveau poste de fonctionnaire font l’objet d’une procédure lourde et formelle et ne peuvent être décidées que par le comité directeur du service extérieur. La mission mentionnée dans le rapport de M. Knudsen, et envoyée à la délégation à la fin d’octobre 2002, pourrait formuler des recommandations à cet égard, mais n’aurait aucune compétence pour donner des instructions, et en tout état de cause pas sur ce point. De plus, les affirmations de M. Knudsen ne seraient pas fondées en ce que, d’une part, le rapport de mission n’aurait été produit qu’au début de l’année 2003, à savoir en dehors de la période de référence du REC et, d’autre part, M. Knudsen n’aurait donné l’instruction de modifier l’organigramme de façon à créer un nouveau poste de fonctionnaire que le 15 septembre 2003.

106    Troisièmement, l’affirmation de M. Knudsen concernant la signature d’un contrat dans des « conditions douteuses » ne serait pas pertinente en ce qu’elle n’aurait pas été relevée par le notateur.

107    Quatrièmement, la remarque de M. Knudsen concernant la notation de Mme O. ne serait pas pertinente pour le REC 2001/2002 du requérant. De plus, le REC de Mme O. aurait été établi en 2003, en dehors de la période de référence pour le REC 2001/2002. La remarque en cause serait donc non fondée.

108    Il résulterait de ce qui précède que, si les relations du requérant avec le siège de la Commission étaient parfois tendues, cela s’expliquerait par le fait qu’il devait traiter avec une personne déloyale, à savoir M. Knudsen. Le requérant estime que la Commission ne doit pas lui faire payer les conséquences de son différend avec M. Knudsen.

109    Le requérant allègue également une violation du droit à être entendu. Il fait valoir qu’il s’agit là d’un principe général qui est méconnu si l’intéressé n’est pas en mesure de s’exprimer avant l’adoption d’une décision de nature à affecter, qui plus est gravement, ses intérêts. Il ressortirait de la jurisprudence que, si un fonctionnaire n’a pas été invité à présenter ses observations sur les éléments d’appréciation qu’une commission avait recueillis, « ce manquement est à lui seul de nature à entraîner la nullité de l’avis litigieux ainsi que de la décision attaquée » (arrêt de la Cour du 1er juillet 1964, Degreef/Commission de la CEE, 80/63, Rec. p. 767).

110    Le requérant n’aurait été mis en mesure de faire valoir ses observations ni à la suite de la note de M. Priebe ni en ce qui concerne l’avis de M. Knudsen, non communiqué au requérant. Il conviendrait dès lors, selon le requérant, de conclure à la violation des droits de la défense ainsi que du principe de transparence et du principe du contradictoire, violation d’autant plus grave que le CPE se serait réuni hors la présence du requérant.

111    Contrairement à ce que soutient la Commission, le requérant n’aurait jamais demandé que l’avis de M. Priebe soit confirmé ou ajouté au REC 2001/2002, puisqu’il n’aurait pas pris connaissance de cet avis en temps utile pour faire valoir ses observations. Le requérant souligne que cet avis a été inséré dans le REC 2001/2002 seulement le 4 juin 2003, à savoir après l’entretien du 26 mars entre le requérant et l’évaluateur, et même après la validation du REC 2001/2002 intervenue le 7 avril 2003.

112    En ce qui concerne le rapport de M. Knudsen, le requérant prétend qu’il en a pris connaissance pour la première fois en lisant le mémoire en défense de la Commission. Il s’ensuit que le requérant n’aurait pas été mis dans les conditions de se défendre. La Commission elle-même admettrait que le REC 2001/2002 tient compte des avis de MM. Priebe et Knudsen. En conséquence, le REC 2001/2002 aurait été adopté en violation des règles que l’administration s’est imposées à elle-même dans la mesure où les évaluateurs auraient fondé le REC 2001/2002 sur des éléments sur lesquels le requérant n’aurait pas eu la possibilité de faire connaître son point de vue.

113    La Commission fait valoir que, selon la jurisprudence, le rapport de notation exprime l’opinion librement formulée des notateurs et non pas l’appréciation de l’AIPN (voir arrêt du Tribunal du 6 novembre 1997, Liao/Conseil, T‑15/96, RecFP p. I‑A‑329 et II‑897, point 56, et la jurisprudence citée). Compte tenu de ce large pouvoir d’appréciation du notateur, ni l’AIPN ni le Tribunal ne sauraient se substituer à lui pour procéder à sa place à l’appréciation des mérites du fonctionnaire noté (arrêt Den Hamer/Commission, point 70 supra, point 58 ; voir, également, arrêt du Tribunal du 15 mai 1996, Dimitriadis/Cour des comptes, T‑326/94, RecFP p. I‑A‑217 et II‑613).

114    La Commission soutient que les résultats positifs invoqués par le requérant dans son auto-évaluation ont été pris en compte dans le REC 2001/2002 (voir points 6.1, 6.3 et 6.4 du REC 2001/2002). Toutefois, des éléments négatifs concernant « la prise de responsabilité et les contacts avec d’autres services de la Commission » auraient également été pris en compte (voir points 6.2, 6.3 et 6.4, deuxième alinéa du REC 2001/2002).

115    Selon la Commission, l’argument du requérant selon lequel les objectifs relatifs au REC 2001/2002 n’auraient pas été fournis est non fondé. L’exercice de référence s’étendant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 serait un exercice transitoire au cours duquel le plan définissant les objectifs à atteindre dans le cadre du poste n’aurait pas encore été établi (voir article 4, paragraphe 1, des DGE de 2002).

116    Quant à l’auto-évaluation, la Commission soutient qu’elle ne constitue pas le standard de référence de l’appréciation relative aux différentes rubriques du REC. En revanche, elle consisterait à préparer l’entretien formel entre le fonctionnaire noté et l’évaluateur et ferait ainsi partie intégrante du REC.

117    Par ailleurs, il ressortirait de l’article 2, paragraphe 1, des DGE-SE que « l’évaluation des chefs de délégation [...] est effectuée par le directeur du service extérieur qui est l’évaluateur, après consultation du directeur responsable de la zone géographique dans laquelle la délégation est située et, le cas échéant, du directeur fonctionnel de l’évalué ». Ainsi, l’évaluateur du requérant aurait bien été M. Falkowski, qui aurait établi le REC 2001/2002 sur la base des avis écrits de M. Priebe, directeur à la DG « Relations extérieures », et de M. Knudsen, directeur à l’office de coopération EuropeAid. De plus, lors de l’entretien avec le requérant, l’évaluateur lui aurait communiqué les noms des deux directeurs concernés ainsi que le résultat de leurs consultations. Il serait bien fait état dans le REC 2001/2002 (point 6.4) de ces consultations et de leur prise en considération. À la demande du requérant, le validateur aurait expressément confirmé l’avis de M. Priebe et l’aurait ajouté au REC 2001/2002, demande que le requérant n’aurait pas formulée en ce qui concerne l’avis de M. Knudsen.

118    La Commission ajoute que, contrairement à ce que soutient le requérant, ce dernier était en mesure de soumettre des observations sur l’avis de M. Priebe, puisqu’il a eu la possibilité de demander un second entretien et de saisir ensuite le CPE. En effet, le requérant aurait demandé que cet avis soit joint au REC.

119    Quant à l’avis de M. Knudsen, la Commission suppose que le requérant n’a pas demandé qu’il soit joint au REC 2001/2002, car il ne lui est pas favorable. Cet avis ferait notamment état d’un incident concernant une subdélégation. Le requérant serait rapidement entré en conflit avec M. Knudsen à ce sujet, conflit qui aurait nourri un échange de correspondance de plus en plus acerbe. La Commission invoque les lettres du requérant du 26 avril et du 28 juin 2002 ainsi que les deux notes de M. Bonacci du 3 juillet 2002 et celle du 10 juillet 2002. La Commission souligne que le requérant a presque « forcé la main » des responsables de l’office de coopération EuropeAid pour imposer le schéma de délégation qui lui convenait le mieux tout en prenant le risque d’entraîner des retards dans la gestion d’un programme important. De plus, M. Knudsen aurait relevé un problème relatif à l’organigramme de la délégation au regard des critères de déconcentration et de management, un incident relatif à un contrat et le « cas d’un fonctionnaire ».

120    Cet avis aurait été porté à la connaissance du requérant lors des entretiens relatifs à l’établissement du REC 2001/2002. Le requérant aurait même mentionné des conflits avec certains services du siège de la Commission et le « cas d’un autre fonctionnaire » (point 7.3 du REC 2001/2002). L’avis de M. Knudsen ne serait qu’un des éléments ayant aidé les supérieurs hiérarchiques à se forger une opinion sur le requérant.

121    La Commission conteste également l’allégation du requérant selon laquelle elle lui a fait payer les conséquences de son différend avec M. Knudsen. Outre le fait que cette allégation serait contradictoire en elle-même, celle-ci « n’engagerait que son auteur ». Par ailleurs, contrairement à ce que soutient le requérant, la Commission aurait simplement accepté la demande de mise à la retraite de M. Knudsen.

122    Dans sa duplique, la Commission insiste sur le fait que le requérant a eu connaissance de l’avis de M. Knudsen.

–       Appréciation du Tribunal

123    Il convient d’examiner d’abord les griefs tirés d’une prétendue violation des droits de la défense.

124    S’agissant de la recevabilité de ce grief, il suffit de constater que, contrairement à ce qu’a soutenu la Commission lors de l’audience, le requérant a bien formulé à l’encontre de la décision attaquée dans l’affaire T-246/04, dès le stade de la réclamation, un chef de contestation tiré d’une violation du principe du respect des droits de la défense.

125    Selon une jurisprudence constante, le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte lui faisant grief constitue un principe fondamental du droit communautaire. Ce principe, qui répond aux exigences d’une bonne administration, veut que la personne visée soit en mesure de faire connaître utilement son point de vue au sujet des éléments retenus à sa charge pour fonder un tel acte (voir arrêt de la Cour du 21 septembre 2000, Mediocurso/Commission, C‑462/98 P, Rec. p. I‑7183, point 36, et arrêt du Tribunal du 8 mars 2005, Vlachaki/Commission, T‑277/03, non encore publié au Recueil, point 64, et la jurisprudence citée).

126    Il ressort également de la jurisprudence que les notateurs jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans les jugements portés sur le travail des personnes qu’ils ont la charge de noter (arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, 207/81, Rec. p. 1359, point 13, et arrêt Mellone/Commission, point 64 supra, point 51). Or, lorsque l’administration dispose d’un tel pouvoir d’appréciation, le respect des garanties conférées par l’ordre juridique communautaire revêt une importance d’autant plus fondamentale. Parmi ces garanties figurent notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce, le droit de l’intéressé de faire connaître son point de vue ainsi que celui de voir motiver la décision de façon suffisante. C’est seulement ainsi que le juge communautaire peut vérifier si les éléments de fait et de droit dont dépend l’exercice du pouvoir d’appréciation ont été réunis (arrêt Maurissen/Cour des comptes, point 88 supra, point 41).

127    S’agissant ensuite des DGE-SE (voir point 7 ci-dessus), il convient de préciser que celles-ci ont valeur de directive interne et s’imposent à la Commission dès lors qu’elle n’a pas manifesté clairement son intention de s’en écarter par une décision motivée et circonstanciée (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 30 janvier 1974, Louwage/Commission, 148/73, Rec. p. 81, et du 1er décembre 1983, Blomefield/Commission, 190/82, Rec. p. 3981)

128    Il ressort de l’article 2, paragraphe 1, des DGE-SE que « l’évaluation des chefs de délégation est effectuée, pour tous les grades jusqu’au grade A 3, par le directeur du [service extérieur] qui est l’évaluateur, après consultation du directeur responsable de la zone géographique dans laquelle la délégation est située et, le cas échéant, du directeur fonctionnel de l’évalué ». Ainsi, l’évaluateur du requérant était M. Falkowski, le directeur du service extérieur, qui a établi le REC 2001/2002 après les avis écrits de M. Priebe, directeur à la DG « Relations extérieures » (le directeur responsable de la zone géographique dans laquelle les délégations en cause sont situées), et de M. Knudsen, directeur à l’office de coopération EuropeAid (le directeur fonctionnel du requérant).

129    Conformément à l’article 2, paragraphe 4, des DGE-SE, le validateur du requérant était M. Legras, directeur général de la DG « Relations extérieures ».

130    Le requérant fait valoir une violation de son droit à être entendu au motif qu’il n’a pas pu présenter d’observations sur les avis de M. Priebe et de M. Knudsen (voir points 109 à 112 ci-dessus).

131    Il convient de souligner à cet égard qu’il ressort de l’article 2, paragraphe 3, des DGE-SE que les avis résultant des consultations en question doivent être consignés dans le REC 2001/2002. Il s’agit d’une disposition qui a pour but, notamment, d’assurer les droits de la défense du fonctionnaire concerné.

132    En ce qui concerne l’avis de M. Priebe, il ressort du dossier qu’il a été inclus dans l’enveloppe de transmission du projet de REC 2001/2002 envoyé au requérant en avril 2003. Le requérant a évidemment pu lire cet avis et a même invoqué cette « appréciation » dans ses observations du 18 avril 2003 (point 7.3 du REC 2001/2002). À la suite de ces observations, M. Legras a formellement joint l’avis de M. Priebe au REC 2001/2002 le 4 juin 2003 (point 8.1 du REC 2001/2002).

133    Dans sa note du 1er juillet 2003 marquant son désaccord sur sa notation et demandant la saisine du CPE (voir point 21 ci-dessus), le requérant s’est référé de manière circonstanciée à l’avis de M. Priebe, qu’il a cité presque entièrement.

134    Le requérant a donc eu accès à l’avis de M. Priebe et a été en mesure de faire connaître utilement son point de vue à cet égard lors de la procédure d’évaluation.

135    En revanche, s’agissant de l’avis écrit de M. Knudsen du 19 février 2003, force est de constater qu’il n’a pas été « consigné » au REC 2001/2002 conformément à l’article 2, paragraphe 3, des DGE-SE (voir point 131 ci-dessus). Il y a lieu d’observer que le REC 2001/2002 ne contient même pas de référence à l’avis de M. Knudsen.

136    En effet, à la différence du cas de M. Priebe, il ne ressort nullement du REC 2001/2002 que M. Knudsen a été consulté et que cette consultation ait donné lieu à un avis écrit. La simple référence au fait qu’il y avait eu des « consultations telles que prévues [à l’article 2 des DGE-SE] », dont le résultat figure dans le REC 2001/2002 (point 6.4), ne suffit pas pour avertir le requérant de l’existence d’un tel avis. Lorsqu’un fonctionnaire est informé du fait que les consultations appropriées ont eu lieu et se voit remettre un des avis écrits qui en résulte, il est en droit de croire que cet avis écrit représente le seul résultat des consultations auquel il est appelé à faire face.

137    Il convient d’ajouter que la Commission fait pour la première fois référence à l’existence de l’avis de M. Knudsen dans sa décision de rejet de la réclamation du 17 mars 2004. De plus, la Commission n’a pas contesté le fait que le requérant n’a pas pu lire cet avis avant qu’il ne soit annexé au mémoire en défense dans le présent recours.

138    Dans sa réponse écrite à l’une des questions du Tribunal, la Commission invoque le fait que, contrairement à ce qu’il a exigé pour l’avis de M. Priebe, le requérant n’a pas demandé la consignation de l’avis de M. Knudsen au REC 2001/2002. Il y a lieu de rejeter cet argument. Outre que l’obligation de la Commission de consigner des avis conformément à l’article 2, paragraphe 1, des DGE-SE ne dépend pas des demandes des fonctionnaires, force est de constater que le requérant ne pouvait matériellement pas demander la consignation d’un avis dont il ne connaissait pas l’existence.

139    La Commission prétend que le requérant a été informé, lors de l’entretien formel avec M. Falkowski, de l’existence et du contenu de l’avis de M. Knudsen et affirme que les appréciations figurant aux points 6.4 et 6.5 du REC 2001/2002, ainsi que les observations du requérant lui-même, au point 7.3, paragraphe 3, du REC 2001/2002, démontrent que le requérant avait eu la possibilité de répondre à l’avis de M. Knudsen.

140    Cette argumentation ne saurait être retenue. Premièrement, mis à part le fait que la référence, au point 6.4 du REC 2001/2002, aux « consultations telles que prévues » ne remplit pas l’obligation prévue à l’article 2 des DGE-SE (voir point 136 ci-dessus), il convient de souligner que l’affirmation selon laquelle « leur résultat est noté dans ce rapport » est trompeuse. Il importe de relever que l’avis de M. Knudsen est particulièrement négatif en ce qui concerne le requérant. M. Knudsen fait quatre critiques spécifiques et sérieuses sur les prestations du requérant, dont trois sont des allégations d’insubordination. De plus, les remarques en cause sont exprimées dans des termes défavorables et sévères, y compris une référence à une « irrégularité sérieuse » (« this constitutes a serious irregularity ») et le fait que le requérant a suscité quelques inquiétudes en sa qualité de chef de délégation en Croatie (« M. Wunenburger has in his capacity as Head of Delegation in Croatia been the cause for some concern »).

141    Contrairement à l’argumentation de la Commission, de telles remarques n’ont pas été notées dans le REC 2001/2002. De vagues critiques exprimées en termes généraux concernant les relations entre le requérant et le siège de la Commission (point 6.3), ainsi qu’une recommandation visant à ce que le requérant améliore sa capacité à résoudre les conflits (point 6.3), ne suffisent pas pour informer le requérant de la nature des allégations contenues dans l’avis de M. Knudsen. En d’autres termes, les appréciations en cause dans le REC 2001/2002 ne donnaient aucune idée au requérant de la nature défavorable des critiques adressées à son égard par son directeur fonctionnel. Or, les critiques négatives de ce dernier ont certainement influencé la note finale de 13 points.

142    Deuxièmement, l’argumentation de la Commission selon laquelle le requérant a été informé lors de l’entretien de l’existence et du contenu de l’avis de M. Knudsen ne convainc pas. Au point 7.3 du REC 2001/2002, écrit par le requérant après l’entretien officiel avec M. Falkowski, le requérant relève ce qui suit :

« On cherche à m’imputer sans discernement la responsabilité, d’une part, d’un conflit avec certains services du siège, dont je peux démontrer preuves à l’appui que les causes relèvent de la responsabilité exclusive de ces services, d’autre part, de difficultés avec un fonctionnaire de cette délégation dont j’ai demandé il y a un an le rappel à Bruxelles pour performance insuffisante, sur la base de faits clairement établis et confirmés depuis lors par le supérieur hiérarchique direct de ce fonctionnaire. »

143    Or, comme indiqué aux points 140 et 141 ci-dessus, l’avis de M. Knudsen est caractérisé, d’une part, par ses quatre critiques factuelles et spécifiques des prestations du requérant et, d’autre part, par son ton très négatif. Bien que le requérant ait été informé de certaines allégations, il ne ressort nullement du point 7.3 du REC 2001/2002 que le requérant a été suffisamment éclairé quant au contenu et au ton défavorable de cet avis.

144    Troisièmement, en tout état de cause, le requérant ne se réfère pas, dans lesdites observations, au reproche le plus grave dans l’avis de M. Knudsen, à savoir l’allégation selon laquelle le requérant était responsable de la signature d’un contrat sans autorisation budgétaire, constitutive d’« irrégularité sérieuse selon les règlements financiers ». Bien que cette allégation n’ait pas été reprise dans le REC 2001/2002 par l’évaluateur, il s’agit d’une accusation grave qui pourrait influencer la situation administrative ou la carrière du requérant. Le fait que le requérant ne répond pas à cette allégation tend à indiquer qu’il n’a pas été informé de l’avis de M. Knudsen, ou tout au moins pas totalement.

145    À titre surabondant, il convient d’indiquer que le requérant n’invoque pas l’avis de M. Knudsen dans sa réclamation du 9 décembre 2003. En revanche, il fait référence à l’avis de M. Priebe à plusieurs reprises et, en particulier, il fait valoir que les droits de la défense ont été violés au motif qu’il n’a pas pu présenter d’observations sur l’avis de M. Priebe. Ainsi, le requérant a invoqué une violation des droits de la défense également en ce qui concerne l’avis élogieux de M. Priebe. Il aurait été difficilement concevable que le requérant n’invoque pas une violation des droits de la défense quant à l’avis de M. Knudsen s’il avait connu la nature négative de celui-ci.

146    Il s’ensuit que la Commission n’a pas apporté la preuve que le contenu de l’avis de M. Knudsen avait été effectivement porté à la connaissance du requérant préalablement à l’adoption de la décision attaquée dans l’affaire T-246/04.

147    M. Knudsen ayant fourni un avis écrit particulièrement négatif sur le requérant, à savoir un fonctionnaire d’un grade élevé représentant l’Union en tant que chef de délégation, il convient de considérer que le requérant aurait dû être informé, de manière claire et sans équivoque, de l’avis de M. Knudsen et, dans les circonstances de l’espèce, recevoir une copie de cet avis lors de la procédure d’évaluation. La nature des critiques en cause exigeait que le requérant puisse pleinement, après mûre réflexion, faire connaître utilement son point de vue sur cet élément. Or, le requérant n’a pas eu cette possibilité.

148    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les exigences de forme applicables en l’espèce à l’avis de M. Knudsen en vertu des DGE-SE n’ont pas été respectées et que les droits de la défense du requérant ont été violés par la Commission.

149    Il y a toutefois lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, même au cas où il y a eu une violation des droits de la défense, il faut en outre, pour que le moyen puisse être retenu, que, en l’absence de cette irrégularité, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent (voir, en ce sens, arrêts de la Cour du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission, 209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125, point 47 ; du 21 mars 1990, Belgique/Commission, C‑142/87, Rec. p. I‑959, point 48, et arrêt du Tribunal du 23 avril 2002, Campolargo/Commission, T‑372/00, RecFP p. I‑A‑49 et II‑223, point 39).

150    Ayant reçu une note globale de 13 points sur 20, le requérant était l’un des deux fonctionnaires parmi les 38 fonctionnaires de grade A 3 à la DG « Relations extérieures » qui ont reçu des notes en dessous de la moyenne de 14 points. Compte tenu du ton négatif de l’avis de M. Knudsen, et du fait qu’il ressort d’un courrier électronique du 6 mars 2003, inséré dans le dossier personnel du requérant, que M. Knudsen a proposé une note globale de 12 points pour le requérant « au vu des problèmes avec [celui-ci] lors de la période d’évaluation », il ne saurait être exclu que, si le requérant avait été mis en mesure de faire connaître utilement son point de vue sur l’avis de M. Knudsen, son évaluation aurait été différente.

151    Il résulte de ce qui précède, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les autres arguments du requérant, que le REC litigieux doit être annulé.

 Sur les conclusions en indemnité dans l’affaire T-246/04

 Arguments des parties

152    Le requérant demande des dommages et intérêts au titre du préjudice moral prétendument subi et de l’atteinte à sa carrière, tant en raison d’irrégularités substantielles qu’en raison du retard important dans l’établissement du REC 2001/2002.

153    Le requérant rappelle que, selon la jurisprudence, l’absence de rapport de notation est susceptible de causer un préjudice moral au fonctionnaire, si sa carrière a pu en être affectée ou si cette absence a entraîné chez lui un état d’incertitude ou d’inquiétude quant à son avenir professionnel et à la reconnaissance de ses mérites (voir point 52 ci-dessus).

154    Le requérant précise que son REC 2001/2002 est devenu définitif le 11 septembre 2003, avec un retard de huit mois. De plus, ses rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 ne seraient toujours pas finalisés. Contrairement à ce que soutient l’AIPN dans sa réponse à la réclamation, il serait de bonne administration de lier les fautes constatées tant pour le REC 2001/2002 que pour les rapports de notation antérieurs. En effet, le retard pris dans l’établissement du REC 2001/2002 ne serait que le dernier d’une longue série d’actes de mauvaise administration, constitutifs d’une violation du devoir de sollicitude. Il en résulterait l’obligation d’apprécier le préjudice subi en tenant compte de toute la période d’incertitude, et non pas seulement des huit mois de retard dans l’établissement du REC 2001/2002. Il serait évident que l’état d’incertitude du requérant devrait être apprécié dans le cadre et la continuité de tous les incidents qui ont émaillé ses notations depuis 1997. Cette circonstance aurait aggravé son préjudice et se répercuterait notamment au niveau du calcul du montant qu’il réclame.

155    Dans sa requête, le requérant demande des dommages et intérêts de 4 000 euros sous réserve de modification de ce montant en cours d’instance. Ensuite, dans sa réplique, il augmente le montant de sa demande, qui atteint 10 000 euros, en ce que son droit à être entendu a été violé.

156    La Commission soulève une exception d’irrecevabilité aux motifs que la demande en indemnité a trait aux rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001, que le requérant n’a pas soulevé cette demande dans sa réclamation et, enfin, qu’il aurait déjà demandé une indemnité concernant lesdites périodes dans l’affaire T‑71/05.

157    De plus, la Commission conteste que le retard survenu dans l’établissement des rapports visés au point précédent ait pu avoir une influence négative quelconque sur l’établissement de son REC 2001/2002.

158    Quant à l’influence négative que l’absence ou le retard de rapports de notation aurait pu avoir sur la carrière future du requérant, la Commission rappelle que les promotions ou nominations ne sont jamais de droit et insiste sur le large pouvoir d’appréciation de l’AIPN dans le cadre des nominations à des emplois de grade A 1 ou A 2 (voir points 58 et 59 ci-dessus). Il serait donc très improbable que le requérant ait eu des incertitudes quant à sa future carrière, à tout le moins suffisamment importantes pour justifier une indemnisation selon les critères dégagés par la jurisprudence.

159    S’agissant de l’établissement du REC 2001/2002 définitif, il ressortirait de la jurisprudence que l’administration dispose à cet égard d’un délai raisonnable, un dépassement de celui-ci devant être justifié par des circonstances particulières (arrêt de la Cour du 5 mai 1983, Ditterich/Commission, 207/81, Rec p. 1359, points 23 à 25). Clos le 11 septembre 2003, le REC 2001/2002 remplit pleinement, de l’avis de la Commission, ces conditions, compte tenu des différents recours internes introduits par le requérant, de la nouveauté du système du REC et des périodes de vacances.

 Appréciation du Tribunal

160    Comme indiqué au point 63 ci-dessus, l’engagement de la responsabilité non contractuelle de la Communauté suppose la réunion d’un ensemble de conditions tenant à l’illégalité du comportement reproché aux institutions, à la réalité du dommage allégué et à l’existence d’un lien de causalité entre le comportement et le préjudice invoqué.

161    En premier lieu, le Tribunal a constaté, lors de l’examen des conclusions en annulation, que le REC 2001/2002 était entaché d’une irrégularité au motif qu’il avait été établi en méconnaissance des droits de la défense. Le requérant demande, en substance, la réparation du préjudice moral subi en raison de cette irrégularité (voir point 152 ci-dessus).

162    Il y a lieu de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, suffisante de tout préjudice moral lorsque ledit acte ne comporte pas d’appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser (arrêts du Tribunal du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, RecFP p. I‑A‑23 et II‑77, point 62 ; du 21 janvier 2004, Robinson/Parlement, T‑328/01, RecFP p. I‑A‑5 et II‑23, point 79, et du 8 juillet 2004, Schochaert/Conseil, T‑136/03, RecFP p. I‑A‑215 et II‑957, point 34).

163    Au vu de cette jurisprudence, l’annulation de la décision attaquée dans l’affaire T‑246/04 constitue la sanction adéquate et suffisante en l’espèce.

164    En second lieu, s’agissant du retard dans l’établissement du REC 2001/2002, et ainsi que le Tribunal l’a déjà rappelé dans le cadre de l’affaire T-71/05, le retard survenu dans l’établissement des rapports de notation est de nature, en lui-même, à porter préjudice au fonctionnaire, du seul fait que le déroulement de sa carrière peut être affecté par l’absence d’un tel rapport à un moment où des décisions le concernant doivent être prises. Un fonctionnaire ne possédant qu’un dossier individuel irrégulier et incomplet subit de ce fait un préjudice moral tenant à l’état d’incertitude et d’inquiétude dans lequel il se trouve quant à son avenir professionnel (voir point 65 ci-dessus).

165    Il ressort de l’article 4, paragraphe 2, des DGE de 2002 que « tous les rapports doivent être finalisés au 15 mars de chaque année suivant la période de référence pour l’évaluation, sauf pour ceux faisant l’objet d’un recours auprès du [CPE] ». En ce qui concerne le déroulement de la procédure devant le CPE, il est prévu à l’article 8, paragraphe 6, des DGE de 2002 que le comité donne son avis dans un délai de dix jours ouvrables à compter de la date à laquelle le rapport lui a été soumis. Le REC doit être ensuite établi définitivement par l’évaluateur d’appel trois jours ouvrables après l’avis du CPE (article 8, paragraphe 7, des DGE de 2002).

166    La décision de l’évaluateur d’appel confirmant définitivement le REC 2001/2002 du requérant a été adoptée le 11 septembre 2003 (voir point 22 ci-dessus). Dès lors, l’établissement définitif de ce dernier est intervenu avec un retard d’environ cinq mois. Ce retard étant insignifiant, le Tribunal considère qu’une réparation symbolique suffit en l’espèce.

167    En ce qui concerne l’existence de prétendues circonstances aggravantes au vu du retard dans l’établissement des rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001, il suffit de constater que le requérant ne peut pas, dans le cadre d’un recours en indemnité concernant le retard dans l’établissement du REC 2001/2002, faire état de telles fautes concernant les rapports de notation précédents, pour lesquels il a obtenu réparation dans le cadre de l’affaire T-71/05.

168    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de constater que l’allocation d’un euro symbolique est suffisante pour la réparation du dommage moral subi par le requérant dans les circonstances de l’espèce.

 Sur les dépens

169    Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. Toutefois, en vertu de l’article 88 du même règlement, dans les litiges entre les Communautés et leurs agents, les frais exposés par les institutions restent à la charge de celles-ci.

170    La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions du requérant.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision du 11 septembre 2003 établissant le rapport d’évolution de carrière du requérant pour la période allant du 1er juillet 2001 au 31 décembre 2002 est annulée.

2)      La Commission est condamnée à verser au requérant une somme de 2 500 euros, s’ajoutant à la somme de 2 500 euros déjà allouée par l’autorité investie du pouvoir de nomination, pour le retard dans l’établissement des rapports de notation pour les périodes 1997/1999 et 1999/2001 et une somme d’un euro symbolique pour le retard dans l’établissement du rapport d’évolution de carrière 2001/2002.

3)      Les recours sont rejetés pour le surplus.

4)      La Commission est condamnée aux dépens.

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 6 février 2007.

García-Valdecasas

Cooke

Labucka

Le greffier

 

      Le président

E. Coulon

 

      J. D. Cooke


* Langue de procédure : le français.