Language of document : ECLI:EU:T:2024:420

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

26 juin 2024 (*)

« Marque de l’Union européenne – Procédure de nullité – Marque de l’Union européenne tridimensionnelle – Forme de poutres métalliques pour la construction – Cause de nullité absolue – Signe constitué exclusivement par la forme du produit nécessaire à l’obtention d’un résultat technique – Article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement (UE) 2017/1001 – Absence de caractéristiques essentielles non fonctionnelles »

Dans l’affaire T‑192/23,

Peikko Group Oy, établie à Lahti (Finlande), représentée par Mes M. Müller et A. Fottner, avocats,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par Mmes C. Bovar et E. Nicolás Gómez, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, intervenant devant le Tribunal, étant

Anstar Oy, établie à Villähde (Finlande), représentée par Mes J. Kajaste et S. Kurki, avocates,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de Mme K. Kowalik‑Bańczyk, présidente, M. I. Dimitrakopoulos et Mme B. Ricziová (rapporteure), juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Peikko Group Oy, demande l’annulation de la décision de la cinquième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 7 février 2023 (affaire R 2180/2021-5) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 12 juillet 2020, l’intervenante, Anstar Oy, a présenté à l’EUIPO une demande de nullité de la marque de l’Union européenne ayant été enregistrée à la suite d’une demande déposée par la requérante le 17 octobre 2019 pour le signe tridimensionnel suivant :

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3        Les produits couverts par la marque contestée pour lesquels la nullité était demandée relèvent de la classe 6 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Poutres métalliques pour la construction ».

4        Les causes invoquées à l’appui de la demande en nullité étaient celles visées à l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous b) à e), ainsi qu’à l’article 59, paragraphe 1, sous b), du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

5        Le 22 octobre 2021, la division d’annulation a accueilli la demande en nullité sur le fondement de l’article 59, paragraphe 1, sous a), lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.

6        Le 21 décembre 2021, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’annulation.

7        Par la décision attaquée, la chambre de recours a rejeté le recours au motif que toutes les caractéristiques essentielles de la marque contestée remplissaient uniquement une fonction technique.

 Conclusions des parties

8        La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        rejeter la demande en nullité de la marque contestée ;

–        condamner l’EUIPO et l’intervenante aux dépens, y compris ceux exposés devant la chambre de recours.

9        L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’il a exposés en cas d’organisation d’une audience.

10      L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens qu’elle a exposés, y compris ceux exposés devant la chambre de recours et devant la division d’annulation.

 En droit

11      La requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 59, paragraphe 1, sous a), du règlement 2017/1001, lu conjointement avec l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement. Par la première branche de ce moyen, la requérante fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur dans l’identification des caractéristiques essentielles de la marque contestée. Par la seconde branche dudit moyen, elle reproche à la chambre de recours d’avoir considéré, à tort, que toutes les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient dictées par leur fonction technique.

12      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, sont refusés à l’enregistrement les signes constitués exclusivement par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. L’intérêt général sous-tendant l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 est d’éviter que le droit des marques aboutisse à conférer à une entreprise un monopole quant aux solutions techniques ou aux caractéristiques utilitaires d’un produit (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 43).

13      Les règles fixées par le législateur reflètent la mise en balance de deux considérations qui sont, chacune, susceptibles de contribuer à la réalisation d’un système de concurrence sain et loyal. D’une part, l’insertion à l’article 7, paragraphe 1, du règlement 2017/1001 de l’interdiction d’enregistrer en tant que marque de l’Union européenne tout signe constitué par la forme, ou une autre caractéristique du produit, nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, assure que des entreprises ne puissent utiliser le droit des marques pour perpétuer, sans limitation dans le temps, des droits exclusifs portant sur des solutions techniques. D’autre part, en limitant le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 aux signes constitués « exclusivement » par la forme « nécessaire » à l’obtention d’un résultat technique, le législateur a dûment considéré que toute forme de produit était, dans une certaine mesure, fonctionnelle et qu’il serait, par conséquent, inapproprié de refuser à l’enregistrement en tant que marque de l’Union européenne une forme de produit au simple motif qu’elle présente des caractéristiques utilitaires. Par les termes « exclusivement » et « nécessaire », ladite disposition assure que seules les formes de produit qui ne font qu’incorporer une solution technique et dont l’enregistrement en tant que marque gênerait donc réellement l’utilisation de cette solution technique par d’autres entreprises soient refusées à l’enregistrement (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 44, 45 et 48).

14      S’agissant de la condition prévue à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, visant une forme « nécessaire » à l’obtention du résultat technique visé, elle ne signifie pas que la forme en cause doive être la seule permettant d’obtenir ce résultat. Il peut ainsi y avoir des formes alternatives, ayant d’autres dimensions ou un autre dessin, permettant d’obtenir le même résultat technique (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 53 et 54). En d’autres termes, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 s’oppose à l’enregistrement de toute forme constituée exclusivement, dans ses caractéristiques essentielles, par la forme du produit techniquement causale et suffisante à l’obtention du résultat technique visé, même si ce résultat peut être atteint par d’autres formes employant la même, ou une autre, solution technique [arrêt du 12 novembre 2008, Lego Juris/OHMI – Mega Brands (Brique de Lego rouge), T‑270/06, EU:T:2008:483, point 43].

15      C’est à la lumière de ces considérations qu’il convient d’examiner le moyen unique, tiré de la violation de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.

 Sur la première branche, tirée de l’identification incorrecte des caractéristiques essentielles de la marque constestée

16      La requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas correctement identifié les caractéristiques essentielles de la marque contestée en écartant en tant que cinquième caractéristique essentielle de cette marque la disposition globale des petites ouvertures et des grandes ouvertures avec des bords en retrait sur les côtés inclinés, en particulier leurs distance et alternance régulières sur toute la longueur des côtés inclinés, leur position équidistante, leur hauteur, leur taille respective et leur représentation contrastée formant une sorte de frise.

17      Premièrement, la requérante fait valoir que la conclusion de la chambre de recours quant à la disposition globale des ouvertures est en contradiction avec sa propre définition des caractéristiques essentielles de la marque contestée. La chambre de recours aurait elle-même reconnu à juste titre que divers éléments visuels liés à la forme, aux proportions, à la position et au rythme des petites et des grandes ouvertures faisaient partie des caractéristiques essentielles. De plus, en ne considérant pas la disposition globale des grandes et des petites ouvertures sur les côtés inclinés comme une caractéristique essentielle de la marque contestée, la chambre de recours se serait écartée, à tort et sans explication, de la conclusion de la décision de la division d’annulation qui aurait, à juste titre, vu dans cette disposition globale une caractéristique essentielle de ladite marque.

18      Deuxièmement, la requérante soutient que la chambre de recours a limité à tort la disposition globale des grandes et des petites ouvertures à des caractéristiques qui n’étaient pas pertinentes au regard de l’impression globale dégagée par la marque contestée, à savoir à la distance exacte entre les ouvertures, à leur position exacte et à leur taille exacte par rapport aux côtés inclinés. La chambre de recours n’aurait donc pas tenu compte du fait que la disposition globale des ouvertures était caracterisée par d’autres éléments visuels beaucoup plus importants qui avaient une incidence substantielle sur l’impression visuelle globale produite par la forme du produit en cause. Ainsi, elle n’a pas tenu compte de la disposition globale des petites et des grandes ouvertures qui étaient visuellement intrinsèquement liées en raison notamment de leur position commune sur les côtés inclinés, de leur motif alterné et de leur distance régulière. Cependant, la disposition et les proportions spécifiques des ouvertures constitueraient une caractéristique distincte et autonome par rapport aux petites et grandes ouvertures prises isolément et dégagerait une impression globale différente.

19      À ce titre, la requérante affirme que les éléments caractérisant la disposition globale créent une alternance ondulée d’éléments de conception et une sorte de frise ornementale sur toute la longueur des côtés de la poutre. Ainsi, selon la requérante, la marque contestée est la combinaison de considérations techniques avec une disposition visuelle globale spécifique et arbitraire perçue immédiatement qui met en évidence des caractéristiques esthétiques qui sont la signature de la requérante. Dans ce contexte, la requérante se réfère à la décision de la cinquième chambre de recours du 24 septembre 2020 dans l’affaire R 589/2020-5 dans laquelle cette chambre de recours aurait considéré le motif global de la surface comme une caractéristique essentielle de la forme.

20      Troisièmement, la requérante fait valoir que la chambre de recours n’a pas tenu compte de la perception du public pertinent lorsqu’elle a identifié les caractéristiques essentielles de la marque contestée. Selon elle, en l’espèce, la perception du public pertinent a une incidence sur l’appréciation des caractéristiques essentielles étant donné que les produits concernés ne s’adressent pas au grand public, mais aux professionnels du secteur de la construction faisant preuve d’un niveau d’attention supérieur à la moyenne au regard d’une grande expérience et des connaissances techniques spécifiques en matière de poutres métalliques pour la construction, y compris une connaissance des variations entre les différents produits en concurrence, et du fait qu’ils acquièrent ces produits après un examen détaillé de leur caractéristiques.

21      À cet égard, la requérante souligne que la chambre de recours a commis une erreur en ne tenant pas compte des déclarations sous serment issues d’ingénieurs en construction provenant de toute l’Europe, qui affirment, selon la requérante, que la forme tridimensionnelle de la marque contestée présente des caractéristiques uniques dans le domaine de la construction et étayent le fait que le public pertinent est conscient des différentes caractéristiques visuelles de cette marque. En effet, des caractéristiques esthétiques arbitraires de la forme du produit représenté dans la marque contestée s’écarteraient de manière significative de la norme ou des usages du secteur et les considérations techniques n’auraient joué qu’un rôle tout au plus secondaire dans l’élaboration de la forme en cause.

22      Dans ce contexte, la requérante se réfère à sa brochure datée de 1990 qui faisait la promotion de sa poutre métallique mettant l’accent sur un « résultat esthétiquement attrayant », à des recherches d’images sur Internet concernant les poutres métalliques pour la construction, joints en annexe I.7, pour démontrer que la forme de la marque contestée se distingue des autres poutres existantes, et à la prétendue absence des poutres en forme trapézoïdale ou perforées dans la norme Eurocode 4 de décembre 2004 (ci-après la « norme Eurocode 4 »).

23      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

24      Il convient de rappeler qu’une application correcte de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 implique que les caractéristiques essentielles du signe tridimensionnel en cause soient dûment identifiées. L’expression « caractéristiques essentielles » doit être comprise comme visant les éléments les plus importants du signe (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 68 et 69).

25      L’identification des caractéristiques essentielles d’un signe doit être opérée au cas par cas, sans aucune hiérarchie systématique entre les différents types d’éléments qu’un signe peut comporter. Elle peut être opérée soit en se basant directement sur l’impression globale dégagée par le signe, soit en procédant, dans un premier temps, à un examen successif de chacun des éléments constitutifs du signe (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 70).

26      La détermination des caractéristiques essentielles de la forme en cause, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 se fait dans le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de ladite forme [voir, en ce sens, arrêt du 30 mars 2022, Établissement Amra/EUIPO – eXpresio, estudio creativo (Forme d’une botte de rebond), T‑264/21, non publié, EU:T:2022:193, point 41].

27      En l’espèce, les produits désignés par la marque contestée, à savoir les « poutres métalliques pour la construction », sont destinés à soutenir des charges et des structures de constructions et peuvent, entre autres, servir de systèmes de support pour des dalles de béton.

28      La chambre de recours a identifié, au point 36 de la décision attaquée, les éléments suivants comme étant les caractéristiques essentielles de la marque contestée :

–        forme trapézoïdale à faces égales avec brides horizontales exposées sortant de la partie inférieure de la forme trapézoïdale ;

–        surface plane ininterrompue en haut et en bas ;

–        perforation des côtés inclinés de la forme trapézoïdale par de grandes ouvertures rondes avec des bords en retrait ;

–        perforation des côtés inclinés de la forme trapézoïdale par de petites ouvertures rondes, positionnées dans la partie supérieure des côtés inclinés entre les grandes ouvertures.

29      Au point 37 de la décision attaquée, la chambre de recours a estimé que la disposition exacte des grandes et des petites ouvertures sur le côté incliné de la forme trapézoïdale, à savoir la distance exacte entre les ouvertures, la position exacte des ouvertures sur les côtés inclinés et la taille exacte de ces ouvertures par rapport aux côtés inclinés, en tant que telle, ne saurait être considérée comme une caractéristique essentielle de la marque contestée. De plus, selon le point 38 de la décision attaquée, la relation exacte entre la longueur de la poutre et les mesures des grandes et petites ouvertures ainsi que leur nombre ne sont pas considérés comme une caractéristique essentielle. Au contraire, en fonction de la longueur de la poutre, le motif perforé des côtés inclinés serait simplement réduit ou poursuivi.

30      En premier lieu, d’une part, dans la mesure où, par son argumentation résumée au point 17 ci-dessus, la requérante se prévaut de la motivation contradictoire de la décision attaquée, il convient de considérer qu’il n’y aucune contradiction entre la conclusion de la chambre de recours quant à la disposition des ouvertures et sa définition des caractéristiques essentielles de la marque contestée. En effet, le fait d’avoir considéré la forme, les proportions, la position et le rythme des petites et des grandes ouvertures comme faisant partie des caractéristiques essentielles, n’impose pas de conclure que la disposition globale de ces ouvertures constitue nécessairement une caractéristique essentielle de ladite marque. Ainsi, le raisonnement de la chambre de recours n’est entaché d’aucune contradiction de motifs à cette égard.

31      D’autre part, dans la mesure où la requérante reproche à la chambre de recours de n’avoir pas retenu, à tort et sans explication, les mêmes caractéristiques essentielles de la marque contestée que la division d’annulation, il suffit de rappeler que de par l’effet du recours dont elle est saisie, la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’affaire portée devant elle, tant en droit qu’en fait (voir, en ce sens, arrêt du 4 mars 2020, Tulliallan Burlington/EUIPO, C‑155/18 P à C‑158/18 P, EU:C:2020:151, point 97). Pour la même raison, la chambre de recours n’était pas tenue de motiver explicitement son écart par rapport à l’évaluation de la division d’annulation.

32      En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours a limité à tort la disposition globale des grandes et des petites ouvertures invoquée par la requérante devant elle à des caractéristiques qui n’étaient pas pertinentes au regard de l’impression globale dégagée par la marque contestée, à savoir à la distance exacte entre les ouvertures, à leur position exacte et à leur taille exacte par rapport aux côtés inclinés, il suffit de constater que cet argument repose sur une lecture erronée de la décision attaquée. En effet, la chambre de recours a conclu, au point 37 de la décision attaquée, que la distance exacte entre les ouvertures, leur position exacte et leur taille exacte ne constituaient pas des caractéristiques essentielles sans pour autant assimiler cette disposition exacte des ouvertures à leur disposition globale.

33      Concernant cette prétendue cinquième caractéristique essentielle de la marque contestée invoquée par la requérante, à savoir la disposition globale des petites ouvertures et des grandes ouvertures avec des bords en retrait sur les côtés inclinés, en particulier leurs distance et alternance régulières sur toute la longueur des côtés inclinés, leur position équidistante, leur hauteur, leur taille respective et leur représentation contrastée, il convient de constater que la plupart de ces éléments ont été identifiés par la chambre de recours en tant que partie des caractéristiques essentielles de la marque contestée.

34      En particulier, d’une part, les grandes ouvertures avec des bords en retrait sur les côtés inclinés étaient identifiées dans le cadre de la troisième caractéristique. D’autre part, la quatrième caractéristique englobe les « petites ouvertures rondes, positionnées dans la partie supérieure des côtés inclinés entre les grandes ouvertures ». Toutes ces spécifications reflètent la taille respective des ouvertures, leur alternance régulière et représentation contrastée, ainsi que la position générale des grandes ouvertures par rapport aux petites ouvertures. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, il ne saurait être considéré que la chambre de recours n’a pas tenu compte de l’interaction entre les grandes et les petites ouvertures arrondies qui représente leur disposition globale sur les côtés inclinés de la marque contestée.

35      De plus, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la disposition globale des grandes et des petites ouvertures crée une alternance ondulée d’éléments de conception et une sorte de frise ornementale sur toute la longueur des côtés de la poutre et a ainsi une incidence substantielle sur l’impression visuelle globale produite par la marque contestée, il y a lieu de relever que, compte tenu des éléments déjà pris en compte par la chambre de recours dans le cadre des troisième et quatrième caractéristiques, cette disposition globale et l’éventuel effet ornemental qu’elle créérait ne sauraient constituer, à eux-seuls, un des éléments les plus importants de la marque contestée ni, par suite, constituer une caractéristique essentielle supplémentaire.

36      En troisième lieu, en ce qui concerne l’argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours aurait dû tenir compte de la perception du public pertinent lors de l’identification des caractéristiques essentielles de la marque contestée, il convient de rappeler que la perception présumée du signe par le consommateur moyen n’est pas un élément décisif dans le cadre de l’application du motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, mais peut, tout au plus, constituer un élément d’appréciation utile pour l’autorité compétente lorsque celle-ci identifie les caractéristiques essentielles du signe (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 76).

37      En effet, contrairement à ce qui est le cas dans l’hypothèse visée par l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, où la perception du public ciblé doit impérativement être prise en compte car elle est essentielle pour déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, une telle obligation ne saurait être imposée dans le cadre du paragraphe 1, sous e), dudit article (voir, en ce sens, arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 75).

38      En revanche, les caractéristiques d’une forme doivent être déterminées, aux fins de l’appréciation au titre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, de manière objective, à partir de sa représentation graphique et des éventuelles descriptions déposées lors de la demande de marque [voir arrêt du 24 septembre 2019, Roxtec/EUIPO – Wallmax (Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques), T‑261/18, EU:T:2019:674, point 55 et jurisprudence citée].

39      Par conséquent, il y a lieu de considérer que, lors de l’identification des caractéristiques essentielles de la marque contestée, la chambre de recours n’a commis aucune erreur de droit ou d’appréciation en se fondant sur la représentation graphique de la marque contestée et en ne prenant pas spécifiquement en compte la perception de cette marque par le public pertinent.

40      En tout état de cause, il convient de constater que les déclarations sous serment issues d’ingénieurs en construction, la brochure datée de 1990, les recherches d’images sur Internet concernant les poutres métalliques pour la construction, déposées par la requérante, et la prétendue absence des poutres en forme trapézoïdale ou perforées dans la norme Eurocode 4, ne sont pas, en l’espèce, pertinentes pour l’identification des caractéristiques essentielles de ladite marque.

41      En effet, dans lesdites déclarations, les ingénieurs en construction confirment, en substance, qu’ils reconnaissent la marque contestée comme une marque des poutres métalliques pour la construction et qu’ils associent immédiatement la marque aux produits de la requérante. Ainsi, les déclarations ne reflètent que le caractère distinctif de la marque contestée conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et à l’article 7, paragraphe 3, de ce règlement, et ne fournissent aucune information concernant ses caractéristiques essentielles ou leur fonction technique. Néanmoins, la perception du public pertinent dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et ladite perception dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, ne partagent ni le même objet ni la même finalité. En effet, dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001, la perception du public pertinent vise à déterminer si le signe déposé en vue de l’enregistrement en tant que marque permet de distinguer les produits ou les services concernés comme provenant d’une entreprise déterminée, tandis que dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du même règlement, elle vise seulement, en tant qu’élément d’appréciation utile, à déterminer quels éléments sont perçus comme étant les plus importants, dans le but précis de permettre l’examen de la fonctionnalité de la forme en cause. Partant, le caractère distinctif des éléments d’un signe n’est pas pertinent aux fins de l’identification de ses caractéristiques essentielles dans le cadre de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), dudit règlement (arrêt du 24 septembre 2019, Représentation d’un carré noir contenant sept cercles bleus concentriques, T‑261/18, EU:T:2019:674, point 58).

42      Il en va de même en ce qui concerne la brochure datée de 1990, les recherches d’images sur Internet concernant les poutres métalliques pour la construction et la prétendue absence des poutres en forme trapézoïdale ou perforées dans la norme Eurocode 4. En effet, dans la mesure où la requérante cherche à démontrer par ces éléments de preuve que la marque contestée diverge de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur, il convient de constater que ce critère est pertinent aux fins de l’appréciation du caractère distinctif d’une marque de forme conformément à l’article 7, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 et non aux fins de l’identification des caractéristiques essentielles selon l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), de ce règlement.

43      En quatrième lieu, dans la mesure où la requérante fait référence à la pratique décisionnelle antérieure de la chambre de recours, il importe de rappeler que la légalité des décisions que les chambres de recours de l’EUIPO sont amenées à prendre, en vertu du règlement 2017/1001, lesquelles relèvent de l’exercice d’une compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire, doit être appréciée uniquement sur le fondement de ce règlement, tel qu’interprété par le juge de l’Union, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de l’EUIPO (arrêts du 15 septembre 2005, BioID/OHMI, C‑37/03 P, EU:C:2005:547, point 47 ; du 12 janvier 2006, Deutsche SiSi Werke/OHMI, C‑173/04 P, EU:C:2006:20, point 48, et du 26 avril 2007, Alcon/OHMI, C‑412/05 P, EU:C:2007:252, point 65).

44      Eu égard à tout ce qui précède, il convient de considérer que la requérante n’a pas réussi à remettre en cause l’appréciation de la chambre de recours concernant l’identification des caractéristiques essentielles de la marque contestée.

45      Partant, il y a lieu de rejeter la première branche du moyen unique comme non fondée.

 Sur la seconde branche, tirée de ce que la chambre de recours a considéré, à tort, que toutes les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient dictées par leur fonction technique

46      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle toutes les caractéristiques essentielles de la marque remplissent uniquement une fonction technique. Au contraire, elle fait valoir que les caractéristiques essentielles de la marque contestée ne sont pas nécessaires pour obtenir un résultat technique et sont le résultat de choix arbitraires et créatifs. Dans ce cadre, la requérante conteste, dans un premier temps, l’application par la chambre de recours des critères juridiques pertinents en l’espèce ainsi que la documentation pertinente sur laquelle la chambre de recours a fondé son analyse, et, dans un second temps, l’appréciation par la chambre de recours de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles de la marque contestée.

 Sur les critères juridiques applicables et la documentation pertinente 

47      Selon la requérante, même dans l’hypothèse où certaines des caractéristiques essentielles pourraient avoir une fonction technique, lesdites caractéristiques présenteraient, en outre, des aspects esthétiques arbitraires empêchant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001. L’exclusion de l’enregistrement en vertu de cette disposition présupposerait que les caractéristiques essentielles de la forme soient attribuables uniquement au résultat technique. Ladite disposition n’aurait pas pour objet d’exclure les formes fonctionnelles en tant que telles de l’enregistrement en tant que marques, mais seulement d’exclure de l’enregistrement les formes dont les caractéristiques essentielles répondraient exclusivement à une fonction technique et qui auraient été choisies pour remplir cette fonction.

48      Dans ce contexte, premièrement, la requérante estime que la chambre de recours s’est fondée à tort sur le document intitulé « Manuel technique - Poutres composites Deltabeam » (ci-après le « manuel technique ») fourni par l’intervenante devant les instances de l’EUIPO afin d’évaluer la fonctionnalité technique des caractéristiques essentielles bien que ce document ne soit pas pertinent, car il date de mars 2021, soit un an et demi après la date de dépôt de la marque contestée. En outre, selon la requérante, le seul fait que différentes caractéristiques de la poutre puissent être identifiées dans ce manuel concernant le produit, même en lien avec une fonction concrète, ne prouve pas que ces caractéristiques remplissent uniquement une fonction technique.

49      Deuxièmement, la chambre de recours aurait fondé son appréciation, à tort, sur le brevet européen EP0467912 (ci-après le « brevet européen ») présenté devant la division d’annulation. Selon la requérante, le seul fait que la forme d’un produit soit représentée dans les dessins d’un brevet ne signifie pas que toutes les caractéristiques de cette forme soient uniquement de nature technique.

50      En outre, la requérante fait observer que la plupart des caractéristiques techniques du produit ont été supprimées dans la marque contestée, que la représentation de cette marque met plutôt en évidence les éléments arbitraires et créatifs de la forme sélectionnée parmi les nombreux éléments du produit et que les dessins du brevet européen et les produits en tant que tels de la requérante comprennent des éléments techniques supplémentaires qui sont nécessaires pour obtenir le résultat technique et qui ne sont pas présents dans la marque contestée. De plus, selon la requérante, les poutres en cause ne constituent pas une partie autonome de structures de construction, car ils doivent être combinés avec les éléments de soutien supplémentaires pour soutenir les dalles en béton. Ainsi, la forme de la marque contestée ne serait pas de nature à remplir l’objectif recherché de soutenir les charges et ne pourrait pas relever du motif de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001. La chambre de recours n’aurait pas tenu compte des circonstances susmentionnées et ne se serait même pas prononcée sur les arguments invoqués à cet égard par la requérante.

51      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

52      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre de l’examen de la fonctionnalité d’un signe constitué par la forme d’un produit, il importe seulement d’apprécier, après que les caractéristiques essentielles dudit signe ont été identifiées, si ces caractéristiques répondent à la fonction technique du produit concerné. Cet examen doit, de toute évidence, être fait en analysant le signe déposé en vue de son enregistrement en tant que marque de l’Union européenne, et non les signes constitués d’autres formes de produit. La fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme peut être appréciée, notamment, en tenant compte de la documentation relative aux brevets antérieurs qui décrivent les éléments fonctionnels de la forme concernée (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, points 84 et 85). Une telle analyse ne peut être effectuée sans que soient pris en considération, le cas échéant, les éléments supplémentaires ayant trait à la fonction du produit concret (voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2016, Simba Toys/EUIPO, C‑30/15 P, EU:C:2016:849, points 46 et 48).

53      En outre, l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 ne saurait s’appliquer lorsque la demande d’enregistrement en tant que marque porte sur une forme de produit dans laquelle un élément non fonctionnel, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste, joue un rôle important. Dans ce cas, les entreprises concurrentes ont facilement accès à des formes alternatives de fonctionnalité équivalente, de sorte qu’il n’existe pas un risque d’atteinte à la disponibilité de la solution technique. Cette dernière pourra, dans cette hypothèse, être incorporée sans difficulté par les concurrents du titulaire de la marque dans des formes de produit qui n’ont pas le même élément non fonctionnel que celui dont dispose la forme du produit dudit titulaire et qui, par rapport à celle-ci, ne sont donc ni identiques ni similaires (arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 72).

54      Par ailleurs, le motif de refus énoncé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 s’applique seulement lorsque les caractéristiques essentielles du signe sont toutes fonctionnelles, de telle sorte que l’enregistrement d’un signe en tant que marque ne peut pas être refusé sur la base de cette disposition si la forme de produit en cause incorpore un élément non fonctionnel majeur, tel qu’un élément ornemental ou fantaisiste qui joue un rôle important dans ladite forme (arrêt du 11 mai 2017, Yoshida Metal Industry/EUIPO, C‑421/15 P, EU:C:2017:360, point 27). Le fait qu’un élément essentiel de la marque contestée, qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, possède, en outre, une valeur esthétique ou un caractère inhabituel ne permet pas d’exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 5 juillet 2023, Wajos/EUIPO (Forme d’un contenant), T‑10/22, non publié, EU:T:2023:377, points 22 et 45].

55      En l’espèce, la chambre de recours a pris en compte le manuel technique en considérant, au point 50 de la décision attaquée, que les informations y figurant provenaient d’une source objective et fiable. En outre, la chambre de recours a constaté, au point 49 de la décision attaquée, que, bien que tous les détails des dessins du brevet européen ne fussent pas identiques à la marque contestée, ces dessins et le libellé de la revendication de brevet proprement dite pouvaient être pris en considération pour déterminer si les caractéristiques essentielles de la marque contestée remplissaient une fonction technique du produit en cause dans la mesure où ces dessins et le libellé de la revendication correspondaient aux caractéristiques essentielles de cette marque. Par ailleurs, selon la chambre de recours, le simple fait qu’une caractéristique ne soit pas incluse ou soit simplement incluse sous une forme similaire dans l’un des brevets déposés à titre de preuve n’indique pas que l’une des caractéristiques essentielles de la marque contestée ne remplit pas une fonction technique. De plus, la chambre de recours a précisé, au point 77 de la décision attaquée, que, s’il était vrai que les poutres de construction réelles possédaient des caractéristiques supplémentaires, par exemple des ouvertures sur la surface supérieure, la simple omission de ces caractéristiques supplémentaires du produit concret dans la marque contestée ne saurait en aucun cas remettre en cause la fonction purement technique des caractéristiques essentielles de la marque contestée.

56      En premier lieu, l’argument de la requérante, selon lequel, même dans l’hypothèse où certaines des caractéristiques essentielles pourraient avoir une fonction technique, lesdites caractéristiques présenteraient, en outre, des aspects esthétiques arbitraires empêchant l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, ne saurait prospérer. En effet, comme il résulte de la jurisprudence citée aux points 53 et 54 ci-dessus, pour exclure l’application de cette disposition, il est nécessaire que la forme en cause comporte au moins un élément esthétique qui est dépourvu de la fonction technique et qui joue, en même temps, un rôle important dans ladite forme. Ainsi, le fait qu’un élément essentiel de la marque contestée, qui est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique, possède, en outre, une valeur esthétique, ne permet pas d’exclure l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.

57      En deuxième lieu, en ce qui concerne le manuel technique, publié par la requérante, relatif à la poutre de construction Deltabeam, étant un produit réel, il s’agit d’une source objective et fiable des informations concernant la fonctionnalité technique des caractéristiques essentielles de la marque contestée. En effet, ce document montre une poutre qui possède une forme trapézoïdale à faces égales avec des brides exposées et de grandes et petites ouvertures sur les côtés inclinés, très similaire à la marque contestée.

58      En outre, le fait que le manuel technique date de mars 2021, soit environ un an et cinq mois après la date du dépôt de la marque contestée, à savoir le 17 octobre 2019, n’a aucun impact sur la pertinence de son contenu. En effet, l’illustration de la poutre de construction Deltabeam figurant à la page 4 de ce manuel n’indique aucune modification, quant à ses caractéristiques correspondant à la marque contestée, par rapport à l’illustration du produit figurant à la page 4 du manuel technique du mois d’avril 2016. En tout état de cause, la requérante ne prétend pas le contraire.

59      En troisième lieu, il importe de relever, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, que la documentation relative aux brevets antérieurs décrivant les éléments fonctionnels de la forme concernée peut être prise en compte lors de l’appréciation de la fonctionnalité technique des caractéristiques d’une forme. En l’espèce, les dessins du brevet européen représentent un produit similaire à la marque contestée, à savoir une poutre d’une forme trapézoïdale à faces égales avec des brides exposées et des grandes ouvertures sur les côtés inclinés. Dans ce contexte, la pertinence du brevet européen ne saurait être mise en cause par le fait que ses dessins présentent des variations par rapport à la marque contestée étant donné que l’identité du brevet avec la marque n’est pas une condition pour qu’il puisse être pris en compte lors de l’appréciation de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles de la marque.

60      De plus, il convient de relever que, si les produits de la requérante et le brevet européen comportent des éléments techniques supplémentaires qui ne sont pas présents dans la marque contestée, cette seule circonstance n’est pas susceptible d’exclure la fonctionnalité technique des caractéristiques essentielles de la marque contestée au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.

61      En effet, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 52 ci-dessus, s’il est nécessaire, afin d’analyser la fonctionnalité des caractéristiques essentielles d’une marque au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, lequel ne concerne que les signes constitués par la forme du produit concret, de partir du signe en cause, tel que représenté graphiquement en vue de l’enregistrement, ladite analyse ne peut être effectuée sans que soient pris en considération, le cas échéant, les éléments supplémentaires ayant trait à la fonction du produit concret en cause.

62      En d’autres termes, le motif absolu de refus prévu à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 est susceptible de s’appliquer aux signes constitués par la forme d’un produit dont la représentation graphique ne révèle pas l’intégralité des éléments nécessaires à la mise en œuvre de la solution technique concernée, pour autant qu’il soit établi que cette mise en œuvre ne pourrait être effective sans les caractéristiques essentielles qui sont visibles sur ladite représentation graphique [arrêt du 24 octobre 2019, Rubik’s Brand/EUIPO – Simba Toys (Forme d’un cube avec des faces ayant une structure en grille), T‑601/17, non publié, EU:T:2019:765, point 96]. Ainsi, le seul fait que le brevet ou les poutres de construction réelles possèdent des caractéristiques supplémentaires omises dans la marque contestée ne saurait remettre en cause l’application de cette disposition dans la mesure où, ainsi qu’il résulte de l’analyse aux points 69 à 98 ci-après, les caractéristiques essentielles de la marque contestée servent à remplir les fonctions techniques.

63      En quatrième lieu, la requérante se réfère à l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publié, EU:C:2021:431), à l’appui de son allégation selon laquelle la marque contestée ne peut pas relever du motif de refus d’enregistrement visé à l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, car les poutres en cause ne constituent pas une partie autonome de structures de construction et doivent être combinés avec les éléments de soutien supplémentaires, tels que des piliers, pour soutenir les dalles en béton.

64      À cet égard, il convient de constater que dans l’affaire ayant donné lieu, après pourvoi, à l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publié, EU:C:2021:431), la marque contestée n’était pas constituée exclusivement par la forme du produit en cause, étant donné qu’il s’agissait d’une rainure isolée faisant partie d’une bande de roulement d’un pneu qui, avec d’autres éléments, formait un pneu. La marque ne représentait donc ni les produits en cause désignés par elle, ni la bande de roulement d’un pneu. Dans cette affaire, le Tribunal avait conclu que la forme n’aboutissait pas à un résultat technique, car c’était la combinaison et l’interaction des différents éléments qui composaient une bande de roulement qui étaient éventuellement susceptibles de produire un résultat technique [voir, en ce sens, arrêt du 24 octobre 2018, Pirelli Tyre/EUIPO – Yokohama Rubber (Représentation d’une rainure en forme de « L »), T‑447/16, EU:T:2018:709, points 70 à 72].

65      Or, il importe de relever que, contrairement aux circonstances de ladite affaire, la marque contestée dans la présente affaire représente clairement une poutre métallique pour la construction qui est un produit autonome vendu sur le marché. Par conséquent, la situation dans le cas d’espèce est différente de celle de l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publié, EU:C:2021:431).

66      Par ailleurs, dans la mesure où la requérante reproche à la chambre de recours de ne pas s’être prononcée sur ses arguments concernant l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publié, EU:C:2021:431), il convient de rappeler que la motivation de l’acte attaqué peut être implicite à condition qu’elle permette aux intéressés de connaître les raisons pour lesquelles la décision attaquée a été adoptée et à la juridiction compétente de disposer des éléments suffisants pour exercer son contrôle. Des motifs non explicités peuvent ainsi être pris en compte lorsqu’ils revêtent un caractère évident tant pour les intéressés que pour le juge de l’Union [voir arrêt du 10 juin 2020, L. Oliva Torras/EUIPO – Mecánica del Frío (Attelages pour véhicules), T‑100/19, EU:T:2020:255, point 90 et jurisprudence citée].

67      En l’espèce, la position de la chambre de recours concernant ces arguments peut se déduire implicitement des motifs de la décision attaquée. En effet, il ressort clairement du point 71 de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que la marque contestée consistait en la forme d’une poutre de construction et que toutes ses caractéristiques essentielles remplissaient une fonction technique. Partant, la chambre de recours n’était pas tenue de répondre explicitement auxdits arguments.

68      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en s’appuyant sur le manuel technique et le brevet européen pour apprécier si les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient imposées par une fonction technique et en n’ayant pas appliqué, par analogie, l’arrêt du 3 juin 2021, Yokohama Rubber et EUIPO/Pirelli Tyre (C‑818/18 P et C‑6/19 P, non publié, EU:C:2021:431).

 Sur l’appréciation par la chambre de recour de la fonctionnalité des caractéristiques essentielles de la marque contestée

–       Sur la forme trapézoïdale à faces égales avec brides horizontales exposées sortant de la partie inférieure de la forme trapézoïdale et sur la surface plane ininterrompue en haut et en bas

69      La requérante soutient que la forme trapézoïdale et les côtés inclinés de la poutre ne sont pas nécessaires afin d’obtenir le résultat technique consistant à soutenir les charges. En effet, la simple référence, dans le manuel technique, à une charge transférée contre une âme inclinée, c’est‑à‑dire des côtés inclinés, prouverait tout au plus la présence d’une âme inclinée, mais ne constituerait en aucun cas une preuve du caractère technique de cette dernière. En outre, le brevet européen montrerait que la dalle de béton repose uniquement sur l’élément inférieur horizontal et n’est pas portée par le côté incliné. Par ailleurs, la position inclinée n’aurait pas comme fonction de ne pas gêner l’injection de béton, puisque le béton serait coulé à partir de la surface supérieure de la poutre et non à partir des côtés inclinés. Pour ces raisons, la position inclinée des côtés ne pourrait pas être attribuée à la fonction technique des produits concernés, qui serait de soutenir des charges.

70      La requérante se fonde sur des recherches d’images sur Internet pour démontrer que les recherches pour les « poutres métalliques pour la construction » n’ont donné aucun résultat présentant une forme trapézoïdale. En outre, les poutres en forme trapézoïdale sont également totalement absentes de la norme Eurocode 4. Dans leur forme typique, les produits concernés auraient plutôt des côtés verticaux et des angles droits. Si la forme trapézoïdale ou les côtés inclinés étaient une des formes nécessaires à l’obtention d’un résultat technique, cela se refléterait dans les nombreux résultats de recherche. De plus, selon la requérante, le brevet finlandais FI92089 ainsi que de la demande de brevet WO 94/16169 revendiquant la priorité de celui-ci, prouvent que l’inclinaison des parties de l’âme n’est pas techniquement nécessaire, mais constitue un aspect arbitraire de la conception.

71      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

72      En l’espèce, en premier lieu, la chambre de recours a conclu, aux points 58 et 59 de la décision attaquée, que la forme trapézoïdale, composée des côtés inclinés et de la surface supérieure et inférieure, ainsi que des brides exposées, remplissait uniquement une fonction technique et que, par conséquent, la forme trapézoïdale avec les brides exposées ne saurait être considérée comme une caractéristique décorative ou fantaisiste.

73      Premièrement, il convient de constater que la requérante n’a pas contesté la considération de la chambre, selon laquelle, en substance, les brides saillantes font partie de la base de support des unités de dalles pendant l’installation.

74      Deuxièmement, selon l’explication figurant au point 1.1.2 du manuel technique, à l’état final, les charges sont transférées à la poutre de construction Deltabeam au moyen d’un arc de compression contre une âme inclinée. Ainsi, il convient de constater, contrairement à ce qu’affirme la requérante, que ce manuel associe à l’inclinaison des parties de l’âme une fonction technique, à savoir la prise des charges.

75      Troisièmement, selon la description du brevet européen, « les parties obliques de l’âme de la poutre permettent également de placer les unités de dalles assez près des courbes des parties saillantes de la bride sans gêner l’injection. Pour cette raison, la mâchoire est moins sollicitée que dans les solutions où un espace de coulée séparé doit être laissé entre l’unité de dalle et la partie verticale de l’âme de la poutre ».

76      Il en résulte, comme le soutient à juste titre l’EUIPO, que, lorsque les poutres de construction ont une âme verticale, un espace de coulée distinct doit être laissé entre la dalle et l’âme. En revanche, puisque la poutre comporte des âmes inclinées, les dalles peuvent être placées assez près des coudes des brides saillantes, tout en maintenant un espace de coulée sur la partie supérieure. Ainsi, grâce à l’inclinaison des parties de l’âme, il y a une pression moindre sur la structure de la poutre. De plus, ce résultat technique est obtenu indépendamment du fait que le béton soit coulé à partir de la surface supérieure ou des côtés.

77      Au vu de ce qui précède, il convient de conclure que la forme trapézoïdale à faces égales avec brides horizontales exposées sortant de la partie inférieure de cette forme trapézoïdale remplit une fonction technique.

78      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

79      En particulier, tout d’abord, la circonstance que la fonction de port de charges peut être assurée par d’autres formes n’empêche pas de considérer que la forme trapézoïdale est nécessaire à l’obtention d’un résultat technique. En effet, l’existence d’autres formes permettant d’obtenir le même résultat technique ne constitue pas, pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001, une circonstance de nature à écarter le motif de refus d’enregistrement (voir arrêt du 14 septembre 2010, Lego Juris/OHMI, C‑48/09 P, EU:C:2010:516, point 83 et jurisprudence citée).

80      En outre, en ce qui concerne les arguments de la requérante tirés du fait que les recherches sur Internet pour les « poutres métalliques pour la construction » ne donne aucun résultat présentant une forme trapézoïdale et que les poutres en forme trapézoïdale sont absentes de la norme Eurocode 4, il convient de constater que ces circonstances ne sont pas pertinentes afin d’apprécier la fonctionnalité technique de la forme trapézoïdale de la marque contestée. Par ailleurs, selon la description de la demande de brevet WO 94/16169, à laquelle se refère la requérante, les parties de l’âme peuvent être positionnées soit en position inclinée, soit perpendiculairement aux parties saillantes de la bride, de telle sorte qu’elles s’inclinent l’une vers l’autre au niveau du bord supérieur ou inférieur, ou qu’elles soient parallèles l’une à l’autre dans des plans parallèles adjacents. Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, cette demande de brevet prévoit qu’il s’agit de deux formes alternatives qui servent toutes deux à obtenir le même résultat technique.

81      En second lieu, s’agissant de la surface plane ininterrompue en haut et en bas de la marque contestée, la chambre de recours a conclu que cette caractéristique essentielle remplissait également une fonction technique. En particulier, aux points 60 et 64 de la décision attaquée, elle a considéré que, d’une part, la partie supérieure interrompue soutenait les côtés inclinés et servait donc à ce que les charges pussent être transférées au moyen d’un arc de compression contre les côtés inclinés de la poutre et qu’elle contenait également l’espace de la poutre qui devait être rempli de béton. D’autre part, la partie inférieure de la forme trapézoïdale est, selon la chambre de recours, techniquement indispensable pour le système de support de la dalle. Ces considérations ne sont pas contestées par la requérante.

–       Sur la perforation des côtés inclinés par de petites et de grandes ouvertures

82      La requérante affirme que les ouvertures sur les côtés inclinés de la poutre ne sont pas uniquement attribuables à une fonction technique. En effet, premièrement, s’agissant des petites ouvertures, la requérante avance que, contrairement à la position adoptée par la chambre de recours, l’air pourrait s’écouler par n’importe quelle ouverture, indépendamment de sa taille, de sa forme et de sa position. Selon la requérante, comme le montrent les photos du produit jointes en annexe I.8 de la requête, les poutres contiennent d’autres ouvertures, en particulier les ouvertures de levage, de coulée et d’air, qui sont placées sur la surface supérieure plane de la poutre et à travers lesquelles le remplissage de la poutre peut être observé et géré. L’absence des petites ouvertures dans le brevet européen serait également un indice du fait que cette caractéristique ne serait pas de nature purement technique. La forme, la taille et la position des petites ouvertures auraient été choisies pour participer à la disposition arbitraire en forme de frise des toutes les ouvertures et donc pour créer une valeur esthétique et non pour remplir la fonction de trous d’air.

83      Deuxièmement, la requérante soutient que la forme arrondie des grandes ouvertures est purement arbitraire. À cet égard, il n’y aurait aucun lien entre cette forme arrondie et la prétendue connexion de cisaillement et l’action des chevilles des ouvertures de l’âme. La requérante relève également que la chambre de recours n’a pas étayé la constatation selon laquelle il serait notoire que les poutres sont mieux perforées par des ouvertures rondes, étant donné que, sur le plan géométrique, un trou rond est la forme la plus solide. En outre, selon la requérante, il n’est pas clair comment la prétendue « forme solide » des ouvertures pourrait être liée à une quelconque fonction technique et, le cas échéant, à quelle fonction technique précisément. Il n’existerait aucune indication d’un quelconque lien entre la forme ronde des ouvertures et la solidité ou la capacité de charge de la poutre elle-même.

84      Troisièmement, contrairement à la constatation de la chambre de recours, rien ne permettrait d’établir que la présence de bords en retrait des grandes ouvertures permettrait d’assurer ou, à tout le moins, de renforcer l’adhérence entre l’acier et le béton et serait ainsi uniquement attribuable à une fonction technique. Il n’existerait aucun lien entre les projections en forme d’aiguillons ou de plateaux dans le brevet européen et les bords des ouvertures représentées dans la marque contestée. Ces derniers ne seraient pas justifiés par une fonction. En outre, les bords du brevet européen et de la marque contestée présenteraient des différences substantielles dans leur forme et leurs proportions. Les différences entre les représentations respectives empêcheraient toute conclusion quant au caractère prétendument technique des arêtes en cause. Même en supposant que les bords dans la marque contestée aient une fonction technique, les différences considérables avec le dessin du brevet européen constitueraient une forte indication que la forme des bords ne serait pas dictée uniquement par la fonction, mais qu’elle contiendrait également des aspects esthétiques arbitraires indépendants de la fonction technique.

85      Quatrièmement, la requérante reproche à la division d’annulation de n’avoir pas fourni de motivation précise en considérant uniquement que les bords des ouvertures ne seraient pas perçus comme des caractéristiques fantaisistes, mais comme ayant une fonction technique. Cette justification ne serait pas conforme à la jurisprudence selon laquelle la perception du public pertinent ne serait pas un critère pertinent pour établir si des caractéristiques essentielles répondent à une fonction technique.

86      L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

87      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 65 à 68 et 70 de la décision attaquée, que la perforation des côtés inclinés servait au transfert de la charge et le garantissait, qu’un trou rond était la forme la plus solide, que les bords des grandes ouvertures étant en retrait vers l’intérieur assuraient ou au moins renforçaient l’adhérence entre l’acier et le béton et que les petites ouvertures rondes positionnées dans la partie supérieure des côtés inclinés avaient pour but de surveiller le processus de coulage du béton dans la poutre.

88      En premier lieu, concernant les petites ouvertures, il y a lieu de constater que le manuel technique prévoit que la poutre est pleine lorsque le béton commence à traverser les petits trous d’aération dans la partie supérieure de l’âme. Il en découle que la fonction technique des petites ouvertures est de surveiller le processus de coulage du béton dans la poutre. Leur position sur la partie supérieure des côtés inclinés permet de remplir cette fonction. En effet, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, si les petites ouvertures étaient placées sur une partie inférieure de l’âme, elles ne pourraient pas remplir la fonction d’indication du moment où la poutre est pleine, étant donné que le béton les traverserait avant que la poutre ne soit pleine.

89      S’agissant de l’argument de la requérante selon lequel les photos du produit montrent d’autres ouvertures sur les poutres et les petites ouvertures ne sont pas représentées dans le brevet européen, il y a lieu de constater que cette circonstance ne remet pas en cause la fonction technique de ces petites ouvertures. En d’autres termes, le seul fait que l’air ou le béton pourrait s’écouler par n’importe quelle ouverture ne démontre pas en soi que la présence des petites ouvertures est purement arbitraire et dépourvu d’une fonction technique.

90      En second lieu, il convient de considérer que les grandes ouvertures remplissent également des fonctions techniques.

91      Premièrement, ces ouvertures assurent et sécurisent le transfert de la charge. En effet, le manuel technique indique que le renfort transversal, qui est assemblé par des ouvertures de l’âme de la poutre de construction Deltabeam, assure le transfert de charge. Les barres de renforcement sont placées à travers les grandes ouvertures de la poutre et les dalles de béton. En outre, selon le manuel technique, la connexion de cisaillement entre le béton de remplissage et la poutre de construction Deltabeam est constituée par l’action des chevilles des ouvertures de l’âme.

92      Deuxièmement, comme il ressort du brevet européen, les grandes ouvertures servent à remplir la poutre de béton. En outre, les illustrations du processus de coulage du béton figurant dans le manuel technique montrent que, pour assurer la liaison entre la poutre et les dalles de béton, il est nécessaire que tant l’intérieur que l’extérieur de la poutre soient remplis de béton. Partant, ainsi que le considère à juste titre l’EUIPO, les grandes ouvertures situées sur les côtés inclinés sont nécessaires pour assurer l’adhérence entre le béton de remplissage, les dalles de béton et la poutre en créant une connexion entre le béton de remplissage à l’intérieur et à l’extérieur de la poutre.

93      Troisièmement, en ce qui concerne le reproche de la requérante tiré de ce que la chambre de recours n’a pas étayé la constatation selon laquelle il serait notoire que les poutres sont le mieux perforées par des ouvertures rondes, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, les faits notoires sont définis comme des faits qui sont susceptibles d’être connus par toute personne ou qui peuvent être connus par des sources généralement accessibles. Lorsque les organes de l’EUIPO décident de tenir compte de faits notoires, ils ne sont pas tenus d’établir, dans leurs décisions, l’exactitude de tels faits. Cependant, une partie requérante est en droit de présenter devant le Tribunal des documents afin soit d’étayer soit de contester devant ce dernier l’exactitude d’un fait notoire [voir arrêt du 10 juin 2020, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier), T‑105/19, non publié, EU:T:2020:258, point 30 et jurisprudence citée].

94      En l’espèce, la chambre de recours a constaté, au point 66 de la décision attaquée, qu’il était notoire que les objets physiques, y compris le côté incliné d’une poutre de construction, étaient le mieux perforés par des ouvertures rondes, étant donné que, sur le plan géométrique, un trou rond était la forme la plus solide. Or, la requérante n’avance aucun argument concret, ni ne produit aucun élément de preuve devant le Tribunal, afin de remettre en cause l’exactitude de ce fait notoire, même s’il lui était loisible de le faire, comme il ressort de la jurisprudence citée au point précédant. Pour cette raison, il y a également lieu de rejeter l’argument de la requérante selon lequel il n’est pas clair comment « la forme solide » des ouvertures pourrait être liée à une quelconque fonction technique.

95      Quatrièmement, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en considérant que les bords en retrait des grandes ouvertures servaient à l’adhérence entre l’acier et le béton. En effet, la description du brevet européen indique que, pour assurer l’adhérence entre l’acier et le béton, les bords des ouvertures sont pourvus de projections en forme d’aiguillons ou de plateaux. Le fait que les bords en retrait de la marque contestée n’aient pas la même forme que les projections du brevet européen, n’exclut pas que ces bords remplissent la même fonction technique. En effet, les bords en retrait vers l’intérieur constituent une solution alternative à ces projections en forme d’aiguillons ou de plateaux pour obtenir le même résultat technique.

96      En tout état de cause, à supposer même que les bords en retrait des grandes ouvertures de la marque contestée contiennent également des aspects esthétiques arbitraires, comme le souligne la requérante, cette circonstance n’aurait aucune influence pour l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 étant donné que, comme il ressort de la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, l’application de cette disposition ne serait exclue que lorsque la forme posséderait au moins un élément non fonctionnel majeur qui ne remplirait aucune fonction technique. Or, force est de constater, ainsi qu’il ressort du point précedent, que les bords en retrait des grandes ouvertures de la marque contestée remplissent également une fonction technique.

97      Cinquièmement, concernant l’argument de la requérante contestant le raisonnement de la division d’annulation, résumé au point 85 ci-dessus, il suffit de rappeler que la légalité de la décision de la chambre de recours ne doit pas être appréciée à la lumière de la légalité de la décision de la division d’annulation, mais uniquement sur la base des constatations factuelles et juridiques contenues dans la décision attaquée, ainsi que du caractère suffisant de sa motivation. En effet, conformément à l’article 72, paragraphe 1, du règlement 2017/1001, le recours devant le Tribunal n’est ouvert qu’à l’encontre des décisions des chambres de recours, de sorte que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre ces décisions [voir arrêt du 8 septembre 2021, Qx World/EUIPO – Mandelay (EDUCTOR), T‑85/20, non publié, EU:T:2021:556, point 31 et jurisprudence citée]. Cet argument de la requérante doit donc être écarté comme irrecevable.

98      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en concluant que tant les grandes que les petites ouvertures sur les côtés inclinés de la marque contestée remplissaient une fonction technique.

–       Sur la disposition des petites et des grandes ouvertures sur les côtés inclinés

99      La requérante fait valoir que la disposition en frise des petites et des grandes ouvertures sur les côtés inclinés constitue une caractéristique essentielle de la marque qui n’est imposée par aucune fonction technique, mais qui sert à des fins esthétiques.

100    En particulier, l’alternance régulière des petites et des grandes ouvertures à bords en retrait sur toute la longueur des côtés inclinés, leur position équidistante, leur hauteur et leur taille respectives et leur représentation contrastée, créeraient une alternance ondulée d’éléments de conception petits et grands et formeraient une sorte de frise ornementale.

101    Dans ce contexte, la requérante rappelle que ladite disposition esthétique se distingue clairement du brevet européen, car les petites ouvertures sont totalement absentes des dessins de ce brevet et ne sont pas même mentionnées dans la description dudit brevet. La poutre pourrait prendre des apparences qui seraient indépendantes de la fonction de support de charge et qui seraient le résultat de choix esthétiques quant à la disposition visuelle spécifique de ces éléments. En l’espèce, selon la requérante, les éléments de l’aspect extérieur de la poutre, en particulier la forme, la position et la taille spécifiques des trous et leur disposition en frise sur toute la longueur de la poutre trapézoïdale, aussi communs soient-ils, ne sont ni liés ni nécessaires à la fonction technique de support de charges. De plus, le fait que la forme du produit en cause présenterait des caractéristiques essentielles qui la distingueraient des « formes alternatives » présentes dans le commerce serait clairement une indication du fait que la forme en question ne serait pas exclusivement fonctionnelle.

102    À cet égard, la requérante se réfère à la décision de la chambre de recours du 14 novembre 2021 dans les affaires jointes DEVICE OF A CLASP LOCK (3D) (R 1221/2012‑1 et R 1232/2012‑1), dans laquelle ladite chambre de recours aurait décidé, concernant la forme d’un dispositif de verrouillage, que le mécanisme de verrouillage, les moyens de fixation et la languette de la charnière pouvaient avoir des formes et des positions différentes, de sorte que l’aspect visuel du dispositif était indépendant de sa fonction de verrouillage.

103    L’EUIPO et l’intervenante contestent les arguments de la requérante.

104    En premier lieu, d’une part, il importe de relever qu’il a été démontré, aux points 30 à 44 ci-dessus, que la disposition des petites et grandes ouvertures ne constituait pas une caractéristique essentielle, en tant que telle, de la marque contestée.

105    D’autre part, comme il ressort de l’analyse figurant aux points 69 à 98 ci-dessus, toutes les caractéristiques essentielles de la marque contestée, y compris les petites et les grandes ouvertures, sont nécessaires à l’obtention d’un résultat technique.

106    Il s’ensuit que, à la supposer même établie, la circonstance selon laquelle la disposition des petites et des grandes ouvertures sur les côtés inclinés de la marque contestée formerait une forme de frise ornementale est dénuée de toute pertinence. En effet, lorsque tous les éléments importants composant une image ornementale sont imposés par leur fonction technique, le fait que la somme, ou la disposition globale, de ces éléments contribue à créer une image ornementale de la marque contestée reste sans incidence sur l’application de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001 [voir, en ce sens, arrêt du 19 septembre 2012, Reddig/OHMI – Morleys (Manche de couteau), T‑164/11, non publié, EU:T:2012:443, point 40].

107    En deuxième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante tiré de ce que la forme du produit en cause présente des caractéristiques essentielles qui la distinguent des formes alternatives présentes dans le commerce, il suffit de renvoyer à l’analyse aux points 41, 42 et 79 ci-dessus.

108    En troisième lieu, dans la mesure où la requérante fait référence, dans son argumentation, aux décisions antérieures de la chambre de recours, cette argumentation doit être écartée pour les raisons déjà exposées au point 43 ci-dessus.

109    En quatrième lieu, si la requérante renvoie globalement, par souci d’exhaustivité, à l’ensemble de ses observations présentées devant les instances de l’EUIPO, il convient de rappeler que la requête, pour autant qu’elle renvoie aux écrits déposés devant l’EUIPO, est irrecevable dans la mesure où le renvoi global qu’elle contient n’est pas rattachable aux moyens et aux arguments développés dans la requête elle-même [voir, en ce sens, arrêts du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, EU:T:2007:46, points 14 et 15, et du 25 novembre 2015, Masafi/OHMI – Hd1 (JUICE masafi), T‑248/14, non publié, EU:T:2015:880, point 14]. Il n’appartient pas au Tribunal de rechercher dans les écrits présentés durant la procédure administrative devant l’EUIPO, les arguments auxquels la requérante pourrait faire référence [voir, en ce sens, arrêt du 10 novembre 2021, Selmikeit & Giczella/EUIPO – Boehmert & Boehmert (HALLOWIENER), T‑500/20, non publié, EU:T:2021:768, point 15].

110    Eu égard à tout ce qui précède, il convient de conclure que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur de droit en considérant que toutes les caractéristiques essentielles de la marque contestée étaient nécessaires à l’obtention d’un résultat technique au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous e), ii), du règlement 2017/1001.

111    Partant, il convient de rejeter le moyen unique et par voie de conséquence, le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

112    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

113    La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens exposés devant le Tribunal par l’intervenante, conformément aux conclusions de cette dernière. En revanche, l’EUIPO n’ayant conclu à la condamnation de la requérante aux dépens qu’en cas d’organisation d’une audience, il convient, en l’absence d’organisation d’une audience, de décider que l’EUIPO supportera ses propres dépens.

114    L’intervenante a également conclu à ce que la requérante soit condamnée aux dépens qu’elle a exposés dans le cadre des procédures devant l’EUIPO. À cet égard, d’une part, il convient de rappeler que, en vertu de l’article 190, paragraphe 2, du règlement de procédure, seuls les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure devant la chambre de recours sont considérés comme dépens récupérables. Il en résulte que les frais exposés aux fins de la procédure devant la division d’annulation ne peuvent pas être considérés comme des dépens récupérables. Dès lors, les conclusions de l’intervenante doivent être rejetées en ce qu’elles tendent à la condamnation de la requérante aux dépens exposés devant la division d’annulation. D’autre part, en ce que la demande de l’intervenante concerne les dépens de la procédure devant la chambre de recours, il suffit de relever que, étant donné que le présent arrêt rejette le recours dirigé contre la décision attaquée, c’est le dispositif de celle-ci qui continue à régler les dépens en cause [voir, en ce sens, arrêt du 28 février 2019, Lotte/EUIPO – Générale Biscuit-Glico France (PEPERO original), T‑459/18, non publié, EU:T:2019:119, points 193 et 194 et jurisprudence citée].

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Peikko Group Oy est condamnée à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Anstar Oy aux fins de la procédure devant le Tribunal.

3)      L’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) supportera ses propres dépens.

Kowalik-Bańczyk

Dimitrakopoulos

Ricziová

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.