Language of document : ECLI:EU:C:2023:676

CONCLUSIONS DE L’AVOCATE GÉNÉRALE

MME TAMARA ĆAPETA

présentées le 14 septembre 2023 (1)

Affaire C115/22

SO

autres parties à la procédure :

Nationale Anti-Doping Agentur Austria GmbH (NADA),

Österreichischer Leichtathletik-Verband (ÖLV),

Agence mondiale antidopage (AMA)

[demande de décision préjudicielle formée par l’Unabhängige Schiedskommission (Commission indépendante d’arbitrage, Autriche)]

« Renvoi préjudiciel – Article 267 TFUE – Définition d’une “juridiction” – Renvoi préjudiciel émanant d’un tribunal antidopage national – Protection des données à caractère personnel – Règlement (UE) 2016/679 – Article 5 – Article 6 – Licéité et nécessité d’une publication en ligne des données à caractère personnel de l’auteur d’une violation des règles antidopage – Article 9 – Question de savoir si des violations des règles antidopage constituent des “données concernant la santé” – Article 10 – Question de savoir si des violations des règles antidopage constituent des “données à caractère personnel relatives à des condamnations pénales” – Question de savoir si un tribunal national constitue une “autorité publique” »






I.      Introduction

1.        « Citius, Altius, Fortius » ; plus vite, plus haut, plus fort. Comme peu d’autres, la devise olympique évoque le désir humain d’atteindre de nouveaux sommets. Cependant, la pression de la victoire peut entraîner la tentation d’améliorer les performances en recourant à certaines substances interdites.

2.        La présente affaire s’inscrit dans un tel contexte. SO (ci-après la « requérante ») est une sportive professionnelle autrichienne. Elle a été reconnue coupable d’avoir agi en violation des règles antidopage. En conséquence, l’autorité nationale antidopage autrichienne a publié son nom, des détails relatifs à la violation concernée et la durée de la suspension sur son site Internet accessible au public.

3.        Cette pratique est-elle compatible avec le règlement (UE) 2016/679 (2) ? Telle est, en résumé, la principale question de fond soulevée devant la Cour. Cependant, dès lors que le renvoi préjudiciel émane d’un organe qui n’est pas une juridiction « classique » dans l’organisation du pouvoir judiciaire autrichien, la présente affaire soulève également la question de la recevabilité.

II.    Les faits du litige au principal et les questions préjudicielles

4.        Alors que l’usage de stimulants pour améliorer les performances physiques a historiquement toujours caractérisé la compétition humaine (3), le système des contrôles antidopage tel que nous le connaissons date seulement de 1999 avec la création de l’Agence mondiale antidopage (AMA) et l’entrée en vigueur, en 2004, du code mondial antidopage (CMA) (4). Sa dernière version date de 2021.

5.        Bien que le CMA soit un instrument juridique privé, son effectivité est assurée par la convention internationale des Nations unies contre le dopage dans le sport (5). Tous les États membres en sont signataires. Son article 4 dispose que les dispositions du CMA ne font pas partie intégrante de la convention et n’ont pas d’effet direct en droit national. Cependant, en vertu de la même disposition, les États parties se sont engagés à respecter les principes énoncés dans le CMA. Cet engagement, qui inclut l’exigence imposée par le CMA de publication en ligne des violations des règles antidopage, est transposé de différentes manières dans les systèmes juridiques des États membres (6).

6.        La présente affaire provient d’Autriche, où les contrôles antidopage sont réglementés par l’Anti-Doping-Bundesgesetz (loi fédérale relative à la lutte contre le dopage), de 2021 (ci-après l’« ADBG »).

7.        Entre 1998 et 2015, SO était sportive professionnelle en Autriche. Elle a représenté son pays lors de compétitions internationales en tant que membre de l’équipe de l’Österreichischer Leichtathletik-Verband (Fédération autrichienne d’athlétisme, ci-après l’« ÖLV »). Elle exerçait également des fonctions de direction et de représentation auprès de différents clubs sportifs autrichiens.

8.        En 2021, sur la base des résultats d’une enquête menée par le Bundeskriminalamt (Office fédéral de la police criminelle, Autriche), l’Unabhängige Dopingkontrolleinrichtung (Agence indépendante de lutte contre le dopage, Autriche, ci-après la « NADA ») a présenté une demande d’examen à l’Österreichische Anti‑Doping‑Rechtskommission (Commission autrichienne de lutte contre le dopage, ci-après l’« ÖADR »).

9.        Par décision du 31 mai 2021 (ci-après la « décision attaquée »), l’ÖADR a déclaré la requérante coupable de violation de la règle 32.2, sous b) et f), des règles des compétitions de l’International Association of Athletics Federations (Association internationale des fédérations d’athlétisme, ci-après l’« IAAF ») de 2015 ainsi que des articles 2.2 et 2.6 des règles antidopage de l’IAAF de 2017. Ces règles interdisent « l’usage ou la tentative d’usage par un athlète d’une substance interdite ou d’une méthode interdite » et la « possession d’une substance interdite ou d’une méthode interdite » (7). Plus précisément, l’ÖADR a constaté que, entre mai 2015 et avril 2017, la requérante possédait les substances érythropoïétine (également appelée EPO), génotropine ou Omnitrope et testostérone (sous forme d’Androgel) et les avait utilisées au moins en partie en 2015. Ces substances figuraient toutes sur les listes d’interdiction de l’AMA de 2015 à 2017. Leur usage par les sportifs professionnels soumis aux règles des compétitions de l’IAAF était par conséquent interdit.

10.      À la suite de cette constatation, l’ÖADR a, dans la décision attaquée, déclaré invalides tous les résultats obtenus par la requérante entre le 10 mai 2015 et la date d’entrée en vigueur de cette décision et a révoqué tous les droits de participation et/ou primes. En outre, elle a imposé à la requérante une interdiction de participer à tout type de compétition sportive pour une durée de quatre ans avec effet au 31 mai 2021.

11.      Au cours de la procédure devant l’ÖADR, la requérante avait demandé que la décision attaquée ne soit pas portée à la connaissance du grand public au moyen d’une publication en ligne accessible au public. L’ÖADR avait rejeté cette demande dans la décision attaquée.

12.      La requérante a saisi l’Unabhängige Schiedskommission (Commission indépendante d’arbitrage, Autriche, ci-après l’« USK ») d’une demande de réexamen de la décision attaquée.

13.      Par décision du 21 décembre 2021, l’USK a confirmé les conclusions de fond de l’ÖADR et les violations des règles antidopage commises par la requérante ainsi que la sanction infligée.

14.      En même temps, l’USK a réservé sa décision sur la demande de la requérante de s’abstenir de publier en ligne la décision attaquée, publication revenant à la divulguer au grand public (8).

15.      Cette obligation de publication repose sur l’article 21, paragraphe 3, et sur l’article 23, paragraphe 14, de l’ADBG. En vertu de ces dispositions, respectivement l’ÖADR et l’USK « doivent informer l’[Österreichische Bundes‑Sportorganisation (Organisation fédérale autrichienne des sports)], les organisations sportives, les sportives et sportifs, d’autres personnes et les organisateurs de compétitions, ainsi que le grand public, des mesures de sûreté imposées (par exemple, des suspensions) et de ses décisions », en indiquant le nom de la personne concernée, la durée de la suspension et les motifs de celle-ci, sans qu’il soit possible de remonter aux données concernant la santé de cette personne.

16.      La publication de ces informations est obligatoire dans le cas de sportifs professionnels et, dans certains cas, également pour les sportifs de niveau récréatif. Dans d’autres cas, lorsque la violation a été commise par des sportifs de niveau récréatif, des mineurs ou des personnes vulnérables, la publication n’est pas obligatoire.

17.      Bien que l’obligation d’informer le public incombe aux organes de décision, à savoir l’ÖADR et l’USK, l’ADBG dispose que la NADA exécute cette tâche pour le compte de ces dernières (9). Afin de se conformer à cette obligation, la NADA publie un tableau accessible au grand public sur son site Internet (10). L’inscription pertinente dans ce tableau est composée des prénom et nom de la personne concernée, de la discipline sportive qu’elle pratique, du type de violation commise, du type de suspension qui lui a été infligée ainsi que des dates de début et de fin de la suspension.

18.      Je crois comprendre que ces informations ne sont disponibles sur le site Internet de la NADA que durant la durée de la suspension du sportif en question.

19.      L’USK nourrit des doutes quant à la compatibilité avec le RGPD de la pratique consistant à divulguer au grand public les données à caractère personnel de la requérante au moyen d’une publication en ligne accessible au public sur le site Internet de la NADA. Afin de pouvoir se prononcer sur la demande de la requérante de ne pas divulguer ses données à caractère personnel sur ce site Internet, elle a donc décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes :

« 1)      L’information selon laquelle une personne déterminée a commis une violation spécifique des règles antidopage et est interdite de participation à des compétitions (nationales et internationales) en raison de cette violation est-elle une “donnée concernant la santé” au sens de l’article 9 du [RGPD] ?

2)      Le [RGPD] s’oppose-t-il – notamment au regard de son article 6, paragraphe 3, deuxième alinéa – à une réglementation nationale prévoyant la publication du nom de la personne concernée par la décision de l’[USK], de la durée de la suspension et des motifs de celle-ci, sans qu’il soit possible de remonter aux données concernant la santé de cette personne ? Importe-t-il à cet égard que la réglementation nationale prévoit que la publication de ces informations au grand public ne peut être omise que si la personne concernée est un sportif de niveau récréatif, un mineur ou une personne ayant contribué de manière significative à la détection de violations potentielles des règles antidopage en communiquant des informations ou d’autres indications ?

3)      Le [RGPD] exige-t-il – notamment au regard des principes visés à son article 5, paragraphe 1, sous a) et c)- en tout état de cause, avant la publication, une mise en balance des intérêts de la personnalité du particulier concerné qui sont susceptibles d’être affectés par une publication, d’une part, et de l’intérêt du public à être informé de la violation des règles antidopage commise par un sportif, d’autre part ?

4)      L’information selon laquelle une personne déterminée a commis une violation spécifique des règles antidopage et est interdite de participation à des compétitions (nationales et internationales) en raison de cette violation constitue-t-elle un traitement des données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions au sens de l’article 10 du [RGPD] ?

5)      En cas de réponse affirmative à la question 4 : l’[USK] créée conformément à l’article 8 de l’[ADBG] est-elle une autorité publique au sens de l’article 10 du [RGPD] ? »

20.      Des observations écrites ont été déposées par la requérante, la NADA, l’AMA, les gouvernements belge, français, letton, luxembourgeois et polonais ainsi que par la Commission. À l’exception des gouvernements belge, français, luxembourgeois et polonais, ces parties ont également été entendues en leurs plaidoiries lors de l’audience qui s’est tenue le 2 mai 2023.

III. Sur la recevabilité

21.      La fonction première de la procédure de renvoi préjudiciel est de garantir l’application uniforme du droit de l’Union dans tous les États membres. Cependant, bien que les différents organes nationaux (administratifs, réglementaires ou autres) soient tenus d’appliquer le droit de l’Union et soient susceptibles de s’interroger sur son sens, l’article 267 TFUE permet aux seules « juridictions » de solliciter de la Cour une interprétation du droit de l’Union. En principe, lorsqu’une demande de décision préjudicielle est reçue de la part d’une juridiction nationale considérée comme faisant partie du pouvoir judiciaire dans l’État membre concerné, la Cour considère que la demande est recevable. Cependant, lorsqu’une telle demande est formulée par un organe qui n’appartient pas au pouvoir judiciaire au sens classique du terme au titre de l’article 267 TFUE, la Cour ne la rejette pas automatiquement. Elle vérifie plutôt si l’organe de renvoi peut néanmoins être considéré comme une « juridiction » au sens de cette disposition.

22.      La présente affaire a été déférée à la Cour par l’USK. Celle-ci n’est pas l’un des organes qui, à première vue, appartient au pouvoir judiciaire en Autriche. Dans ses observations écrites présentées à la Cour, la Commission s’est donc interrogée sur le point de savoir si l’USK remplit les conditions pour être qualifiée de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE. Par conséquent, la première question que la Cour doit trancher avant de se pencher sur le fond de la présente affaire est de savoir si elle peut au moins « parler » à l’USK.

23.      Je suis d’avis que l’USK est une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE. Afin d’expliquer ma position, je commencerai par esquisser succinctement les règles régissant l’organisation et le fonctionnement de l’USK (section A). Dans ce contexte, je démontrerai qu’elle remplit les conditions développées au fil de la jurisprudence de la Cour pour être considérée comme une « juridiction » (section B).

A.      L’organisation et la structure de l’USK

24.      L’USK est un organe permanent institué conformément à l’article 8 de l’ADBG.

25.      Dans sa décision de renvoi, cet organe explique qu’il intervient en tant que tribunal arbitral « suprême » autrichien pour les violations des règles antidopage. Il s’agit du tribunal supérieur dans le système à deux niveaux de sanction des violations des règles antidopage mis en place par l’ADBG. En première instance, la constatation d’une violation des règles antidopage applicables et l’imposition d’une sanction sont confiées, sur initiative de la NADA, à l’ÖADR (11). Une décision de l’ÖADR peut faire l’objet d’une demande de réexamen devant l’USK. Dans ce cas, les parties à la procédure sont, d’une part, le sportif (ou une autre personne) auquel s’applique la décision de l’ÖADR et, d’autre part, la NADA (12).

26.      L’USK rend ses décisions à la majorité (13), dans le cadre d’une procédure régie par le code de procédure civile autrichien (14) et de son propre règlement de procédure. Ce dernier est rendu public (15).

27.      L’article 8, paragraphe 1, de l’ADBG dispose expressément que l’USK est indépendante des organes de l’État, des particuliers et de la NADA. Il précise que les membres de l’USK ne sont autorisés à participer ni aux enquêtes menées par la NADA sur d’éventuelles violations des règles antidopage applicables, ni à la décision finale de la NADA, ni à la décision relative à l’opportunité de saisir l’ÖADR d’une demande d’examen, ni à la procédure d’examen elle-même. L’USK doit s’acquitter de ses tâches de manière autonome et indépendante (16).

28.      En vertu de l’article 8, paragraphe 2, de l’ADBG, l’USK se compose d’un président et de sept membres. Le président et son suppléant doivent avoir réussi l’examen de la magistrature ou du barreau. Deux membres de la commission doivent posséder un diplôme de droit et une expérience dans la conduite d’une procédure d’enquête formelle. Deux autres membres doivent être des experts en chimie analytique ou en toxicologie. Enfin, deux membres doivent être des experts en médecine du sport.

29.      La même disposition expose que, pour chaque procédure, la composition de l’USK est renouvelée : le président ou son suppléant doit désigner parmi les membres de l’USK au moins un membre possédant un diplôme de droit et une expérience dans les procédures d’enquête formelle, au moins un expert en chimie analytique ou en toxicologie, et au moins un membre expert en médecine sportive (17).

30.      En vertu de l’article 8, paragraphe 3, de l’ADBG et comme expliqué dans la décision de renvoi, le président et les membres permanents de l’USK sont nommés par le ministre fédéral des Arts, de la Culture, de la Fonction publique et des Sports (ci-après le « ministre des Sports ») pour une durée renouvelable de quatre ans (18). Le ministre des Sports ne peut révoquer un membre de l’USK avant l’expiration de son mandat que « pour motifs sérieux » (19).

31.      Pour les litiges concernant les manifestations sportives autrichiennes ou les sportifs autrichiens, une procédure doit être portée devant l’USK (20). En d’autres termes, un recours contre une décision de l’ÖADR ne peut, dans de tels cas, être formé que devant l’USK (21).

32.      L’article 23, paragraphe 3, de l’ADBG impose que l’USK applique les règles antidopage en vigueur de l’association sportive internationale compétente lors du contrôle de la légalité d’une décision de l’ÖADR. Si elle constate l’illégalité d’une décision, elle peut soit l’annuler, soit la modifier, soit la remplacer par sa propre décision (22).

33.      Ainsi qu’il a été expliqué lors de l’audience, les décisions de l’USK sont susceptibles de recours devant les juridictions civiles autrichiennes compétentes – lorsqu’elles concernent des questions de droit civil. Dans de tels cas, l’USK n’est pas partie à la procédure devant la juridiction civile compétente. En revanche, les parties sont toujours la NADA et le sportif (ou autre personne).

34.      Cependant, comme cela a également été expliqué lors de l’audience sans soulever de contestation de la part de l’une ou l’autre partie, la légalité de la publication, sur le site Internet de la NADA, de la décision de l’USK contenant les données à caractère personnel de la requérante ne semble pas relever de la compétence des juridictions civiles autrichiennes. En même temps, il a également été expliqué que les décisions de l’USK ne sont pas susceptibles de recours devant les juridictions administratives autrichiennes. Par conséquent, il semble que lorsqu’elle statue sur la légalité d’une décision de publier des données à caractère personnel d’un sportif, l’USK est la dernière instance de règlement des différends en Autriche.

35.      Un sportif peut emprunter une autre voie, qui n’implique pas l’USK, en introduisant une réclamation auprès de la Datenschutzbehörde (Autorité autrichienne de protection des données). Les décisions de cette dernière sont susceptibles de recours devant les juridictions administratives autrichiennes.

36.      Enfin, et bien que les informations contenues dans le dossier de la Cour n’apportent pas une clarté totale sur ce point, il semble qu’un sportif puisse décider de faire appel de la décision de l’USK devant le TAS lorsque le grief porte sur des questions relatives à l’application correcte des règles antidopage de l’association sportive internationale concernée et/ou de l’AMA (23).

37.      À la lumière de ce qui précède, j’examinerai à présent si l’USK est une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE.

B.      L’USK est-elle une « juridiction » ?

38.      Depuis un certain temps, depuis l’arrêt Vaassen-Göbbels, la Cour a jugé que la question de la signification de la notion de « juridiction » au sens de (ce qui est désormais) l’article 267 TFUE doit être résolue exclusivement au regard du droit de l’Union (24). Cette approche permet à la Cour d’admettre des demandes de décision préjudicielle émanant d’organes qui, comme l’USK, ne sont pas considérés comme des juridictions en vertu de la séparation constitutionnelle « classique » des pouvoirs dans un État membre entre les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, mais qui sont néanmoins dotés de la compétence de trancher des litiges en appliquant le droit de l’Union. Autoriser un éventail d’organes plus large que les juridictions au sens « classique » à procéder à de tels renvois renforce l’objectif premier de la procédure de renvoi préjudiciel consistant à assurer l’application uniforme du droit de l’Union. Très tôt, la Cour a donc également admis des renvois émanant de juridictions qui n’étaient pas traditionnellement décrites comme des « juridictions » « classiques ». Cependant, le mécanisme a été mis à la disposition non pas de tous les organes qui doivent appliquer le droit de l’Union, mais uniquement de ceux qui peuvent être considérés comme des « juridictions ».

39.      La Cour n’a jamais proposé de définition de la notion de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE (25). Cependant, elle a développé, au fil des années, un certain nombre de critères qu’elle prend en considération pour déterminer si elle peut admettre un renvoi préjudiciel. Parmi ces critères figurent l’origine légale de l’organe de renvoi, sa permanence, le caractère obligatoire de sa juridiction, la nature contradictoire de la procédure, l’application, par l’organe, des règles de droit ainsi que son indépendance (sur les plans interne et externe) (26). Si ces critères ont été appliqués avec une rigueur variable au fil des années, l’exigence d’indépendance a récemment été renforcée, peut-être sous l’influence des arrêts en matière d’État de droit (27). Dans l’arrêt Banco de Santander (28), notamment, la Cour a jugé nécessaire de modifier sa position en ce qui concerne la recevabilité des renvois préjudiciels du Tribunal Económico-Administrativo Central (tribunal économico-administratif central, Espagne, ci-après le « TEAC »), considérant, contrairement à la position qu’elle avait adoptée plusieurs années auparavant (29), que cet organisme ne satisfait pas à l’exigence d’indépendance.

40.      C’est en fait l’exigence d’indépendance qui est controversée par rapport à l’USK. Avant d’expliquer pourquoi je considère que l’organe de renvoi dans la présente affaire satisfait à ce critère, je démontrerai d’abord qu’il satisfait aux autres critères utilisés par la Cour dans sa jurisprudence relative à la notion de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE.

1.      « Établi par la loi » et « permanent »

41.      L’exigence selon laquelle l’organe de renvoi est établi par la loi implique que sa base juridique se trouve dans la législation nationale, que ce soit au niveau primaire ou dérivé (30). Le critère de permanence exige que, en tant qu’institution, l’organe soit permanent, indépendamment du fait que sa composition puisse être renouvelée pour chaque procédure ou du caractère changeant de cette composition (31).

42.      Dans la présente affaire, ces critères sont à l’évidence respectés : comme je l’ai expliqué aux points précédents des présentes conclusions, l’USK est établie par l’ADBG, la législation fédérale autrichienne. Ses membres permanents sont nommés pour une durée renouvelable de quatre ans et, bien que la composition de la formation appelée à statuer varie, elle est composée conformément aux règles prévues par la loi et à partir de la liste des membres permanents de l’USK (voir points 28 et 29 des présentes conclusions).

2.      Une « juridiction obligatoire »

43.      L’exigence de la juridiction obligatoire d’un organe de renvoi a été appliquée de deux manières dans la jurisprudence. La Cour a exigé tantôt que les parties à la procédure devant lui ne puissent pas choisir si l’affaire devait être examinée par cet organe (32), tantôt que les décisions de l’organe en question soient contraignantes pour les parties (33). Le critère de la juridiction obligatoire a néanmoins été considéré comme respecté lorsque le droit national accordait aux parties un choix de former un recours devant l’organe en cause ou devant les juridictions « ordinaires » compétentes (34). Ce qui importe, c’est que la compétence de l’organe de renvoi ne dépende pas d’un accord entre les parties en conflit, en ce que cette compétence est automatiquement établie lorsque l’une des parties intente un recours.

44.      L’USK satisfait au critère de la juridiction obligatoire dans ses deux utilisations. Il est utile de préciser que, malgré sa dénomination, cet organe n’est pas un « tribunal arbitral » au sens où sa compétence découlerait d’un accord entre les parties. Au contraire, comme je l’ai expliqué aux points 24 et 31 des présentes conclusions, et comme l’expliquent tant la décision de renvoi que les parties, en Autriche, l’USK agit sur la base d’une loi fédérale, en tant qu’instance obligatoire pour connaître des demandes de réexamen des décisions de l’ÖADR.

45.      Les décisions de l’USK sont contraignantes pour les parties au litige. C’est sans doute précisément pour cette raison que la législation autrichienne prévoit une possibilité de recours contre ses décisions concernant des questions de droit civil devant les juridictions civiles autrichiennes, d’une part, et contre celles relatives à des questions de règles antidopage internationales devant les juridictions civiles autrichiennes ou le TAS, d’autre part. Il semble cependant que, en droit autrichien, il n’existe pas de juridiction de deuxième instance devant laquelle une décision de l’USK sur la compatibilité avec le RGPD d’une décision de publier les données à caractère personnel d’un sportif puisse faire l’objet d’un recours. Il semble, dès lors, opportun de considérer cet organe comme une « juridiction » qui, en vertu de l’article 267, troisième alinéa, TFUE, a l’obligation de procéder à un renvoi préjudiciel lorsqu’elle estime qu’il existe des incertitudes quant à l’application du RGPD aux circonstances du litige dont elle est saisie.

3.      Une « procédure contradictoire »

46.      L’exigence d’une procédure contradictoire n’est pas un critère absolu (35). Cependant, les parties doivent avoir la possibilité d’être entendues (36), sans que la procédure ait forcément un caractère contradictoire (37).

47.      Aux fins de la présente procédure, ce critère est lui aussi respecté : il ressort du dossier que l’USK a organisé un échange de mémoires entre les parties ainsi que deux audiences devant l’ÖADR en mars et mai 2021.

4.      Des « décisions fondées sur des règles de droit »

48.      Un organe de renvoi peut être qualifié de « juridiction » s’il doit statuer par application des règles de droit. Cette exigence concerne tant les règles de fond (38) que les règles de procédure devant l’organe en question (39).

49.      Dans la présente procédure, la procédure décisionnelle de l’USK est régie par des règles de fond et de procédure prédéterminées. Lorsqu’elle réexamine les décisions de l’ÖADR, l’USK doit appliquer les règles antidopage pertinentes de l’ADBG ainsi que celles de l’association (ou des associations) sportive(s) internationale(s) compétente(s) (en l’occurrence l’IAAF et l’AMA) (40). En tant qu’institution d’un État membre, l’USK doit également appliquer les règles pertinentes du droit de l’Union. C’est précisément en raison de cette obligation que l’USK a décidé de soumettre la présente affaire à la Cour aux fins d’interprétation du RGPD.

50.      En ce qui concerne les règles de procédure applicables, telles que décrites au point 26 des présentes conclusions, la procédure devant l’USK est régie par les règles de procédure civile autrichiennes ainsi que par son propre règlement de procédure. Elle est tenue de respecter les droits de la défense des parties (41). Sa décision doit être rendue dans un délai prédéterminé (42). Par conséquent, les pouvoirs de l’USK sont régis par un ensemble de règles procédurales et de fond prédéterminées qu’elle doit respecter.

5.      L’« indépendance »

51.      S’agissant de décider si la Cour devrait admettre le présent renvoi préjudiciel émanant de l’USK, le seul critère susceptible de ne pas être rempli est l’exigence d’indépendance.

52.      Même si l’idée d’indépendance est un élément inhérent à la mission de juger (43), ce n’est qu’en 1987 que la Cour, dans son arrêt X (également connu comme l’affaire « Pretore di Salò ») (44), a jugé qu’un organe de renvoi doit agir de manière indépendante pour se prévaloir de la possibilité d’engager un dialogue avec la Cour dans le cadre d’une procédure préjudicielle.

53.      Bien que l’indépendance soit une caractéristique nécessaire pour qualifier un organe de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE, lorsque des demandes de décision préjudicielle étaient présentées par des juridictions relevant de l’organisation du pouvoir judiciaire établi des États membres, la Cour ne remettait pas en cause leur indépendance. Elle était automatiquement implicite. Ainsi, la question de l’« indépendance » n’était examinée que lorsque les renvois préjudiciels émanaient d’organes n’appartenant pas au pouvoir judiciaire d’un État membre. Dans ces circonstances, il n’était pas nécessaire de développer le contenu précis de l’exigence d’indépendance telle qu’imposée par le droit de l’Union (45).

54.      Tel fut le cas jusqu’à relativement récemment, lorsque, en raison de modifications législatives envisagées ou réalisées, l’indépendance du pouvoir judiciaire a été remise en cause dans certains États membres. Le « recul de l’État de droit », tel qu’il est souvent appelé (46), a amené la Cour à expliquer de manière beaucoup plus détaillée ce qu’il convient d’entendre par l’exigence d’« indépendance » des juridictions. Les arrêts pertinents, résultant soit de procédures en manquement, soit de demandes de décision préjudicielle (47), ont soulevé la question de savoir si la législation des États membres, sur le papier et telle que mise en œuvre dans la pratique, offrait des garanties suffisantes d’une prise de décision autonome et indépendante par les juges. Pour trancher cette question, la Cour a dû davantage développer la notion d’« indépendance ».

55.      Cette jurisprudence a suscité une discussion (48) sur la question de savoir si le critère d’indépendance est (et devait demeurer) le même i) lorsque la Cour décide si un organe est une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE ou ii) lorsqu’elle statue sur l’indépendance dans des contextes différents, tels que des violations alléguées de l’article 19 TUE par un État membre, ou bien dans une affaire concernant l’exigence d’indépendance imposée par certains textes législatifs de l’Union (49). Dans l’arrêt Associação Sindical dos Juízes Portugueses (50), la Cour a expressément établi un lien entre le critère d’« indépendance » figurant à l’article 19 TUE, à l’article 47 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne (ci-après la « Charte ») et à l’article 267 TFUE. L’arrêt Banco de Santander pourrait sans doute être interprété comme appliquant les critères développés dans le cadre de l’article 19 TUE pour déterminer la notion d’« indépendance » dans le contexte de l’article 267 TFUE (51).

56.      Certains auteurs ont exprimé la préoccupation que l’établissement d’un lien entre la jurisprudence relative à l’article 19 TUE et celle relative à la notion de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE puisse supprimer la possibilité de poursuivre le dialogue en cas de renvois préjudiciels émanant de juridictions d’États membres dans lesquels des lacunes systémiques dans la garantie d’indépendance du pouvoir judiciaire ont été constatées (52). En même temps, certains avocats généraux ont souligné que, en ce qui concerne l’appréciation de l’indépendance, le contexte est important (53).

57.      Il est certes vrai que le contexte ou, en d’autres termes, la raison pour laquelle la Cour examine les règles applicables à une institution importe. Cependant, je ne vois pas comment cela impliquerait automatiquement une différence au niveau du critère matériel d’indépendance dans chacun des différents scénarios mentionnés. Si la manière de comprendre la notion d’« indépendance » en droit de l’Union a évolué, cela ne signifie pas nécessairement qu’il existe différentes notions d’« indépendance ». Selon moi, l’exigence d’indépendance est la même pour tout organe cherchant à recevoir la qualification de « juridiction », que ce soit aux fins de satisfaire aux exigences de l’article 19 TUE ou à celles de l’article 267 TFUE.

58.      Appliquer les mêmes exigences que celles développées dans les affaires relatives à l’article 19 TUE pour apprécier si un organe est une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE ne constituerait pas, selon moi, une menace pour le dialogue juridictionnel au titre de cette disposition. Au contraire, comme je l’expliquerai dans les circonstances de la présente affaire, une telle approche est nécessaire pour faire en sorte que les États membres ne contournent pas, en créant des organes spécialisés chargés de trancher certaines catégories limitées de litiges, l’exigence importante d’indépendance que l’ordre juridique de l’Union impose aux pouvoirs judiciaires nationaux. L’indépendance, dans ses aspects à la fois interne et externe, garantit une égale distance par rapport aux parties au litige (54). Il s’agit donc d’une caractéristique nécessaire d’une protection juridictionnelle effective, entendue comme un droit fondamental de toute personne dans tout type de litige susceptible d’être tranché par la voie juridictionnelle. Cela n’implique pas un changement de la méthode appliquée par la Cour pour examiner la recevabilité des renvois préjudiciels. Lorsque le renvoi émane d’un organe judiciaire « classique », la présomption demeure que cet organe est une juridiction et aucune analyse plus approfondie n’est nécessaire. Ce n’est que si une partie à la procédure émet des doutes quant à l’indépendance des membres de cet organe ou si de tels doutes sont portés à l’attention de la Cour d’une autre manière qu’il convient de vérifier l’indépendance de l’organisme de renvoi. En revanche, l’indépendance des autres organes de renvoi doit être prouvée avant d’admettre le renvoi.

59.      En l’état actuel de la jurisprudence, l’indépendance comporte l’un et l’autre aspects « externe » et « interne » (55). Le premier exige qu’un juge soit en mesure de décider de manière autonome (56), sans être exposé à une quelconque instruction extérieure. Pour faciliter le respect de cette exigence, le droit de l’Union impose certains critères relatifs à la nomination et à la révocation des membres d’une « juridiction ». Même si les membres de l’organe concerné peuvent être nommés par une personne ou un organe externe, y compris par un ministre d’un gouvernement, après leur nomination, ils doivent être soustraits à l’influence de cette personne ou de cet organe. À cet égard, une exigence – essentielle – de la Cour impose que les règles empêchant la révocation soient ancrées dans des garanties législatives dépassant les seuls droits administratif ou du travail (57). En d’autres termes, les personnes ou organes qui nomment les membres de la « juridiction » concernée doivent être empêchés de remplacer ces membres au seul motif qu’ils ne partagent pas leur point de vue.

60.      Cela ne signifie pas que la révocation doive être totalement impossible ou que les personnes ou organes procédant à la nomination de tels membres ne puissent pas également être compétents pour les révoquer. En revanche, la révocation d’un membre avant la fin de son mandat doit reposer sur « des motifs légitimes et impérieux [...], dans le respect du principe de proportionnalité » (58). En outre, les motifs et les procédures appropriées pour procéder à une telle révocation doivent être clairement prévus.

61.      Les membres de l’USK sont nommés par le ministre des Sports pour un mandat renouvelable de quatre ans (59). La nomination par un ministre ne devrait pas, en soi, poser problème, pour autant que, après cette nomination, les membres ne soient pas redevables d’une quelconque loyauté envers ce ministre. Il ne semble pas qu’une telle loyauté soit de mise dans la présente affaire. En vertu de l’ADBG, les membres de l’USK ne peuvent accepter d’instructions ni du gouvernement, ni des organismes administratifs de lutte contre le dopage (tels que la NADA), ni des participants aux activités sportives. En outre, la Cour n’a pas, à ce jour, considéré le simple fait qu’un mandat soit renouvelable comme étant incompatible avec l’indépendance des juges.

62.      Dans la présente affaire, le ministre des Sports pourrait exercer une influence indirecte sur les procédures décisionnelles de l’USK s’il était en mesure de révoquer prématurément les membres concernés. Cependant, comme je l’ai expliqué aux points précédents des présentes conclusions, les membres de l’USK ne peuvent pas être révoqués avant l’expiration de leur mandat au seul motif que le ministre des Sports ne les apprécie pas ou ne partage pas leur point de vue. En vertu de l’article 8, paragraphe 3, de l’ADBG, une telle révocation n’est possible que pour « motifs sérieux ». Le dossier de la Cour ne contient pas d’informations sur les motifs susceptibles d’être qualifiés de « sérieux ». Cependant, dans le cadre de l’examen de l’étendue des pouvoirs de révocation du ministre des Sports en vertu de l’ADBG, la NADA a expliqué que, en droit autrichien, peu de motifs peuvent être qualifiés comme tels. En outre, la requérante a suggéré que seules des infractions intentionnelles ou punies d’une peine d’au moins un an pourraient être qualifiées de « sérieuses ». Par conséquent, les parties semblent s’accorder sur le fait que les membres de l’USK ne peuvent pas être révoqués au gré ou à la discrétion arbitraire du ministre des Sports ou de n’importe quel autre organe.

63.      Ce type de protection contre la révocation arbitraire des membres de l’USK doit être distingué de la situation des membres du TEAC, en cause dans l’arrêt Banco de Santander, dont l’amovibilité était possible en raison de l’absence de règles spécifiques prévues à cet effet (60). L’absence de telles règles se manifestait, ainsi que l’a observé M. l’avocat général Hogan dans cette affaire, par le fait que les membres du TEAC ont été révoqués « pour des motifs qui semblent relever de l’opportunité » (61).

64.      Enfin, il convient également d’examiner la question des informations sur lesquelles la Cour devrait se fonder pour apprécier l’indépendance de l’organe de renvoi. À mon sens, la Cour ne peut s’appuyer que sur la législation régissant cet organe. Cependant, si des préoccupations à propos de l’application pratique d’une telle législation sont exprimées dans le cadre de la procédure dont elle est saisie, il incombera à la Cour de procéder à une appréciation plus approfondie des circonstances pertinentes. Cela étant, dans la présente affaire, aucune préoccupation de ce type n’a été exprimée. Au contraire, il a été confirmé que, à ce jour, il n’avait jamais été fait usage du pouvoir de révocation théorique prévu à l’article 8, paragraphe 3, de l’ADBG (62).

65.      Dans la présente affaire, j’estime donc que le critère d’indépendance « externe » est respecté.

66.      Cela m’amène au second aspect du critère d’indépendance, l’aspect « interne ». Cette exigence est liée à l’impartialité de l’organe de renvoi (63). Cet aspect requiert qu’un tel organisme ait la qualité de tiers indépendant par rapport à la procédure dont il est saisi (64).

67.      En résumé, les membres qui statuent ne doivent avoir aucun intérêt à la solution du litige. Cela implique, tout d’abord, que des personnes liées aux parties au litige ne peuvent pas siéger en tant que membres de l’organe de jugement. Pour apprécier cet aspect de l’indépendance, il importe d’examiner les règles applicables à l’organisation de la « juridiction » afin de vérifier s’il existe un lien fonctionnel entre l’organe de règlement du litige et l’administration dont il contrôle les décisions (65). En d’autres termes, la Cour doit apprécier si les rôles de l’organe en cause et ceux de l’administration sont clairement distincts ou s’ils sont confondus. Dans ce dernier cas, l’organe en question est considéré comme étant insuffisamment « indépendant » de l’administration (66).

68.      À cet égard, la Commission souligne que l’USK fait partie de la même structure institutionnelle que la NADA et l’ÖADR. En particulier, elle explique que l’article 8, paragraphe 1, de l’ADBG dispose que l’USK est « instituée auprès de » la NADA. L’argument est donc que l’USK juge l’institution même à laquelle elle appartient d’un point de vue organisationnel.

69.      Au vu des informations figurant dans le dossier, je ne considère pas ces griefs comme étant justifiés. Il ressort de la jurisprudence de la Cour que de simples liens institutionnels sont, en l’absence d’éléments supplémentaires, insuffisants pour compromettre l’indépendance de l’organe de renvoi. Ainsi, par exemple, dans l’arrêt MT Højgaard et Züblin (67), la Cour a rejeté l’argument selon lequel le Klagenævnet for Udbud (Commission des recours en matière de marchés publics, Danemark) n’était pas indépendant du seul fait qu’il partageait son secrétariat avec le ministère danois des Entreprises et de la Croissance. De même, dans l’arrêt Dorsch Consult, nonobstant les griefs de la Commission tirés de ce que la commission de surveillance concernée avait été reconnue comme étant « liée à la structure organisationnelle du Bundeskartellamt [Office fédéral des ententes, Allemagne] » (68), la Cour a expliqué que « la commission de surveillance exerce sa mission de manière indépendante et sous sa propre responsabilité » (69).

70.      Dans la présente affaire, je ne pense pas que le dossier ou les observations des parties révèlent une quelconque interconnexion fonctionnelle entre l’USK et la NADA, l’ÖADR, le gouvernement autrichien, voire une fédération sportive.

71.      En effet, comme je l’ai expliqué au point 27 des présentes conclusions, l’USK agit indépendamment de la NADA et de l’ÖADR. Ainsi que la NADA l’a confirmé lors de l’audience, l’USK n’est pas compétente pour contrôler d’office les décisions de l’ÖADR. Contrairement à la situation examinée par la Cour dans l’arrêt Banco de Santander, il n’existe pas non plus de preuve que les membres de la NADA ou des organisations sportives statuent dans une procédure dans laquelle ils agissent en qualité de parties (70). Il n’a pas non plus été allégué que ces organes pouvaient influencer d’une autre manière le déroulement de la procédure devant l’USK.

72.      Dans la présente affaire, j’estime donc que le critère d’indépendance « interne » est également rempli.

73.      Enfin, il y a lieu de répondre à la dernière préoccupation exprimée par la Commission, relative à la composition de l’USK, qui –outre des professionnels du droit – comprend également des experts dans d’autres domaines connexes (chimie, toxicologie et médecine du sport). La Cour a déjà admis des renvois préjudiciels émanant d’organes composés en partie d’experts dans leur domaine de compétence (71), pour autant qu’ils exercent leur mission de manière autonome (72). Aucun des participants à la présente procédure n’a allégué devant la Cour que les membres non‑juristes de l’USK pourraient être soumis à des instructions externes ou partiaux dans leur prise de décision. Je n’envisage donc pas la composition mixte de l’USK comme suscitant, en soi, de quelconques préoccupations relatives à l’indépendance de cet organe (73).

6.      L’USK en tant que « juridiction » de dernière instance

74.      Avant de terminer l’analyse de la question de la recevabilité du présent renvoi préjudiciel, je souhaiterais suggérer que l’USK est, dans les circonstances de l’espèce, non seulement une « juridiction », mais aussi une « juridiction » dont les décisions ne sont pas susceptibles de recours, et qui est donc, conformément à l’article 267, troisième alinéa, TFUE, non seulement habilitée, mais même tenue de saisir la Cour d’un renvoi préjudiciel.

75.      Comme je l’ai expliqué aux points 33 et 34 des présentes conclusions, certaines questions tranchées par l’USK peuvent faire l’objet d’un recours devant les juridictions civiles autrichiennes. Cependant, il s’avère que ces dernières ne sont en réalité pas compétentes pour connaître des questions de droit relatives à la violation des règles en matière de protection des données, y compris le RGPD et la loi autrichienne sur la protection des données. Je présume que c’est également ce qu’a voulu dire la requérante lorsqu’elle a affirmé que la publication de ses données n’est pas soumise au contrôle juridictionnel des juridictions civiles compétentes.

76.      En revanche, une décision de l’USK ne peut pas non plus faire l’objet d’un recours devant un tribunal administratif. La NADA a expliqué lors de l’audience que c’est le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral, Autriche) qui est normalement compétent pour connaître des recours contre les autorités publiques en matière de protection des données. Il apparaît cependant que l’ADBG ne prévoit pas la possibilité de saisir cette juridiction d’un recours contre une décision de l’USK.

77.      Si tel est effectivement l’état du droit autrichien, l’USK serait le seul et ultime organe juridictionnel devant lequel la compatibilité avec le RGPD de la publication des décisions de l’ÖADR ou de l’USK sur le site Internet de la NADA serait susceptible d’être remise en cause. Il s’ensuivrait que la présente demande de décision préjudicielle de l’USK constituerait la seule possibilité de sauvegarder l’interprétation uniforme du RGPD dans le cadre des procédures antidopage en Autriche. Ainsi, en ce qui concerne cette question de droit, l’USK ferait office de « juridiction nationale dont les décisions ne sont pas susceptibles d’un recours juridictionnel de droit interne », au sens de l’article 267, troisième alinéa, TFUE.

78.      Le recours parallèle formé notamment par la requérante (ainsi que par un certain nombre d’autres anciens sportifs), d’abord devant le Datenschutzbehörde (Autorité autrichienne de protection des données) et à présent devant le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) ne saurait priver d’utilité les indications que la Cour pourrait fournir dans la présente affaire (74). Ce recours parallèle est fondé sur un appel formé contre la décision de rejet d’une réclamation auprès de l’autorité de contrôle nationale compétente, au sens des articles 77 et 78 du RGPD. Cependant, le résultat que la requérante cherche à atteindre au moyen du présent renvoi préjudiciel est un « recours juridictionnel [...] contre un responsable du traitement ou un sous-traitant », au sens des articles 77 à 79 du RGPD. Comme la Cour l’a récemment expliqué dans son arrêt Nemzeti Adatvédelmi és Információszabadság Hatóság, les voies de recours prévues aux articles 77 à 79 du RGPD doivent pouvoir faire l’objet d’un « exercice concurrent et indépendant », étant entendu qu’il appartient aux systèmes nationaux des États membres de s’assurer qu’aucune incohérence ne résulte de cette application concurrente (75). C’est précisément parce que cette possibilité de dualité des procédures est prévue par le RGPD lui-même et semble avoir été mise en œuvre en tant que telle en droit autrichien (76) que la présente affaire diffère de celles où la Cour a considéré qu’une seule voie peut être ouverte pour demander la protection juridictionnelle des droits tirés du droit de l’Union (77). En d’autres termes, une réclamation devant le Datenschutzbehörde (Autorité autrichienne de protection des données) ne saurait se substituer à la possibilité, pour la requérante, de faire directement valoir ses droits au titre du RGPD devant les juridictions nationales compétentes.

79.      Le législateur autrichien semble avoir choisi de faire de l’USK la seule « juridiction » compétente pour connaître des demandes soulevées dans le cadre de litiges antidopage et portant sur des violations alléguées de droits au titre du RGPD. Aucun autre organe ne semble avoir une telle compétence. En raison de l’autonomie procédurale pour organiser son système judiciaire, le législateur national peut certainement le faire. Par conséquent, pour revenir à mon argument selon lequel les exigences d’indépendance devraient être les mêmes dans le contexte de l’article 267 TFUE et de l’article 19 TUE, le fait de permettre à l’USK de satisfaire à un critère d’indépendance moins strict aux fins de statuer sur la question de la recevabilité dans la présente affaire ne serait pas conforme au choix du législateur autrichien d’insérer cet organe dans sa structure juridictionnelle.

7.      Conclusion intermédiaire

80.      Pour les raisons qui précèdent, je considère que l’USK remplit les conditions pour être qualifiée de « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE. La demande de décision préjudicielle devrait donc être déclarée recevable.

IV.    Sur le fond

81.      Dans la présente affaire, la requérante conteste, sur le fondement du RGPD, une opération de traitement par laquelle son nom, ainsi que, notamment, ses manquements à la réglementation antidopage et sa suspension qui en résulte, ont été placés sur la partie accessible au public du site Internet de la NADA, sous la forme d’une inscription dans un tableau des auteurs de violation des règles antidopage (ci-après l’« opération de traitement en cause »).

82.      Ainsi qu’il a été précisé lors de l’audience, son recours ne porte pas sur les deux opérations de traitement accessoires et connexes consistant, premièrement, à divulguer sous la forme d’un communiqué de presse les mêmes données à caractère personnel que celles figurant sur le site Internet accessible au public de la NADA ou, deuxièmement, à distribuer ledit communiqué de presse par courriel à une liste de distribution fermée, mais apparemment librement accessible.

A.      Sur l’applicabilité du RGPD aux circonstances de l’espèce

83.      Les activités contestées par la requérante correspondent à la description des activités auxquelles le RGPD s’applique : il s’agit du i) traitement de ii) données à caractère personnel iii) automatisé en tout ou en partie (78). Premièrement, la divulgation en ligne de données à caractère personnel constitue un « traitement » (79). Deuxièmement, l’opération de traitement en cause utilise des « données à caractère personnel » : après tout, c’est le nom de la requérante qui fait l’objet des divulgations au public par la NADA, ainsi que la sanction qui lui a été infligée et les manquements aux règles antidopage en cause (80). Troisièmement, lors de la mise en ligne sur le site Internet de la NADA, les données à caractère personnel de la requérante transitent par un serveur. Ce transit constitue un traitement « automatisé » (81).

84.      Cependant, le RGPD s’applique-t-il à ces opérations de traitement dans les circonstances de la présente affaire ?

85.      Le RGPD a été adopté sur la base de l’article 16, paragraphe 2, TFUE, la base juridique qui habilite le législateur de l’Union à réglementer le traitement des données à caractère personnel par les États membres « dans l’exercice d’activités qui relèvent du champ d’application du droit de l’Union ». La même limite à la compétence de l’Union est exprimée à l’article 2, paragraphe 2, sous a), du RGPD, qui exclut l’application de ce règlement au traitement de données à caractère personnel effectué dans le cadre d’une activité qui ne relève pas du champ d’application du droit de l’Union.

86.      M. l’avocat général Szpunar a suggéré que le « champ d’application du droit de l’Union » visé à l’article 16, paragraphe 2, TFUE devrait dépasser les hypothèses de « mise en œuvre du droit de de l’Union », au sens de l’article 51, paragraphe 1, de la Charte (82). Je partage cet avis. C’est précisément parce que la Charte n’a pas vocation à accroître le champ d’application des compétences de l’Union qu’une compétence expresse pour réglementer la vie privée et la protection des données a été insérée dans le texte du traité. Cependant, cette insertion n’a pas conféré à l’Union une compétence générale en matière de réglementation du traitement des données dans les États membres. L’Union n’a été habilitée à réglementer les activités des États membres que dans le champ d’application du droit de l’Union. Il convient d’attribuer une signification à cette limite à la compétence de l’Union exprimée dans le traité et le RGPD. Selon moi, si une activité de traitement de données dans un État membre ne peut pas être rattachée (même vaguement) avec un domaine couvert par le droit de l’Union, le RGPD ne s’applique pas.

87.      Le traitement de données à caractère personnel aux fins de la mise en œuvre de la législation antidopage d’un État membre n’est pas, selon moi, une activité qui, en l’état actuel du droit de l’Union, fait relever cette activité de traitement du champ d’application de ce droit.

88.      L’Union n’est pas compétente pour réglementer le sport. Cette situation n’a pas changé avec l’introduction d’une compétence d’appui dans le domaine du sport par l’article 165 TFUE (83). Néanmoins, la Cour a considéré que le droit de l’Union s’applique au sport lorsqu’il est entendu comme une activité économique (84). Dans toutes les affaires pertinentes, le droit primaire de l’Union s’est appliqué à des restrictions de police des mouvements transfrontaliers ou à la concurrence sur le marché intérieur (85). Certes, les règles antidopage nationales peuvent être interprétées comme un obstacle à la libre circulation. Cependant, la présente affaire ne concerne pas une telle situation.

89.      Les règles antidopage réglementent essentiellement le sport en tant que sport. Elles concernent les fonctions sociale et éducative du sport plutôt que ses aspects économiques, même si les premières peuvent influencer les seconds. Néanmoins, même si l’Union ne dispose pas d’une compétence réglementaire dans le domaine du sport, elle pourrait théoriquement harmoniser les règles antidopage nationales, si cette harmonisation se justifiait par la nécessité d’éliminer des obstacles aux mouvements transfrontaliers. Cependant, dans l’état actuel du droit, aucune règle de droit de l’Union ne concerne, même indirectement, les politiques de lutte contre le dopage menées par les États membres.

90.      Dans une telle situation, il me semble difficile d’établir le lien avec le droit de l’Union qui est nécessaire pour considérer les circonstances de la présente affaire comme une activité d’un État membre relevant du champ d’application du droit de l’Union. J’estime par conséquent que le RGPD ne s’applique pas à la présente affaire.

91.      Dans l’hypothèse où la Cour considérerait que le RGPD s’applique néanmoins, je vais à présent aborder l’interprétation de ses dispositions, comme le demande l’USK.

92.      En substance, l’organe de renvoi se demande, premièrement, si le droit autrichien (l’ADBG) qui impose que les décisions constatant une violation des règles antidopage soient mises à la disposition du grand public sans aucun contrôle de proportionnalité individualisé lorsqu’il s’agit de sportifs professionnels est conforme au RGPD et, deuxièmement, si le choix de la NADA de mettre en œuvre cette obligation de publication en plaçant des données sur les parties de son site Internet accessibles au public est nécessaire.

93.      Pour cette raison, l’organe de renvoi pose plusieurs questions relatives à l’interprétation du RGPD. J’estime que les deuxième et troisième questions préjudicielles, qu’il convient d’examiner conjointement, sont les plus importantes et les plus complexes. Je traiterai donc d’abord les autres questions préjudicielles, avant d’aborder les questions de légalité et de proportionnalité soulevées par l’USK.

B.      Sur la première question préjudicielle

94.      Par sa première question, l’USK souhaite, en substance, savoir si la publication de l’information qu’une personne déterminée a commis une infraction spécifique en matière de dopage constitue une « donnée concernant la santé », au sens de l’article 9 du RGPD.

95.      Selon moi, la réponse à cette question peut être déduite tant de la définition de la notion des « données concernant la santé » que de la jurisprudence de la Cour.

96.      L’article 4, point 15, du RGPD définit les « données concernant la santé » comme « les données à caractère personnel relatives à la santé physique ou mentale d’une personne physique, y compris la prestation de services de soins de santé, qui révèlent des informations sur l’état de santé de cette personne ».

97.      Toutes les parties, sauf la requérante, relèvent à juste titre que cette définition est composée de deux éléments. Le premier est l’exigence que les données à caractère personnel en cause soient liées à la santé physique ou mentale d’une personne physique. Le second est que ces données révèlent des informations sur l’état de santé de la personne physique. En d’autres termes, les données à caractère personnel en cause doivent non seulement présenter un lien quelconque avec la santé de la personne concernée (ce qui implique un lien vague), mais elles doivent également permettre de tirer des conclusions de ces informations quant à l’état de santé de la personne concernée (ce qui implique un aspect personnalisé des informations concernées).

98.      Dans la présente affaire, je ne suis pas convaincue que ce dernier critère, qui fait office d’élément déterminant concernant l’état de santé subjectif de la personne concernée, soit rempli.

99.      En effet, le constat que la requérante a consommé ou était en possession de certaines substances interdites ne dit rien de son état de santé physique ou mentale. Tout comme la consommation d’alcool ne dit rien sur la question de savoir si une personne souffre de dépendance alcoolique, la consommation ou la possession par la requérante des substances en cause dans la présente affaire ne révèlent aucun lien logique ou clair avec sa santé physique ou mentale.

100. Je ne considère pas non plus qu’une conclusion différente puisse être tirée du considérant 35 du RGPD (86). Sa première phrase précise, en substance, que la notion de « données concernant la santé » n’a pas de « date de péremption ». Sa seconde phrase énumère ensuite les informations susceptibles de relever de cette notion, sans toutefois nullement indiquer que la portée de l’article 4, point 15, du RGPD, devrait recevoir une interprétation différente.

101. S’il est certes vrai que, dans son arrêt Lindqvist, la Cour a jugé qu’il convient de donner à la notion de « données relatives à la santé » une interprétation large (87), cette interprétation a eu lieu dans le contexte de la directive 95/46/CE (88), à savoir la directive qui a précédé le RGPD, qui ne contenait pas de définition spécifique de la notion de « données concernant la santé ». L’interprétation de la Cour ne contenait pas non plus l’exigence d’établissement d’un lien entre les données et l’état de santé de la personne concernée. Ainsi, si l’arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596), peut fournir quelques indications sur l’interprétation du terme, il ne saurait certainement primer l’insertion législative spécifique du législateur de l’Union établissant un lien entre les données concernant la santé de la personne concernée et l’état de santé de celle‑ci (89).

102. En conclusion, en réponse à la première question préjudicielle, je propose à la Cour de juger que l’information selon laquelle un sportif professionnel a commis une violation d’une règle antidopage liée à l’usage, à la tentative d’usage ou à la possession d’une substance ou d’une méthode interdite ne constitue pas, en soi, une « donnée concernant la santé » au sens de l’article 9 du RGPD.

C.      Sur la quatrième question préjudicielle

103. Par sa quatrième question, l’USK demande, en substance, si la divulgation au public du nom de la requérante, de la violation des règles antidopage en cause et de la sanction qui lui a été infligée constitue un traitement de « données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions » au sens de l’article 10 du RGPD.

104. La NADA, l’AMA ainsi que les gouvernements belge, français et polonais s’opposent à la classification « pénale » des sanctions infligées à la requérante. Sur cette base, ils concluent que l’article 10 du RGPD n’est pas applicable aux circonstances de la présente affaire.

105. La requérante, le gouvernement letton et la Commission soutiennent cependant le contraire. Leur argumentation repose, en substance, sur l’argument selon lequel la suspension pour dopage imposée à la requérante aurait un impact personnel important. Selon eux, la sanction entraîne non seulement des conséquences financières et une interdiction professionnelle relativement importante, mais également des conséquences indirectes découlant de la mise au pilori et de la stigmatisation inhérentes à la publication (sans restrictions) du nom de la requérante ainsi que de ses manquements aux règles antidopage et de la sanction infligée. Cette combinaison conférerait à la sanction en cause dans la présente affaire une nature « pénale ». Sur cette base, la requérante fait donc également valoir que l’ÖADR constituerait une « autorité publique » au sens de l’article 10 du RGPD.

106. Je conviens avec la requérante, le gouvernement letton et la Commission que, dans la présente affaire, la sanction infligée pour la violation des règles antidopage en cause est de nature pénale au sens de l’article 10 du RGPD.

107. Il est évident que chacune des deux notions « pénales » figurant à l’article 10 du RGPD (les « condamnations pénales » et les « infractions [pénales] ») nécessite une interprétation autonome (90). En outre, étant donné que les deux notions partagent la même base étymologique (le mot latin ancien « poena ») et que le législateur de l’Union a cherché à limiter la protection renforcée prévue à l’article 10 du RGPD à la seule sphère pénale (91), l’applicabilité de cette disposition dépend fondamentalement de la question de savoir si la sanction appliquée est de nature pénale (92).

108. Pour déterminer le caractère pénal d’une sanction, la Cour examine trois critères : premièrement, la qualification juridique de l’infraction en droit interne, deuxièmement, la nature même de l’infraction et, troisièmement, le degré de sévérité de la sanction que risque de subir l’intéressé (93). Ces deux derniers critères ont sans doute davantage de poids (94).

109. Dans la présente affaire, il ressort du dossier de la Cour que la publication des informations relatives à la suspension de la requérante pour dopage porte sur la possession et l’usage partiel de substances interdites. Comme l’explique la Commission, et sous réserve de confirmation, la possession et/ou l’usage de telles substances constitue une infraction pénale en vertu de l’article 28, paragraphes 1 et 2, de l’ADBG. Selon la demande de décision préjudicielle, cette infraction a pour conséquences le retrait des titres et la perte des primes, ainsi qu’une interdiction de quatre ans de toutes compétitions (nationales et internationales). Il semble également que l’article 24, paragraphe 4, de l’ADBG interdise l’engagement, contre rémunération, de la requérante par des associations sportives pendant la durée de sa suspension.

110. Comme l’ont admis toutes les parties à la présente procédure, ces sanctions ont manifestement pour objet de sanctionner la requérante pour ses actes ainsi que de la dissuader (ainsi que d’autres sportifs) d’avoir le même comportement.

111. La combinaison non seulement du retrait des titres et de la perte des primes (rectification des gains antérieurs indûment obtenus), mais aussi d’une suspension professionnelle pour une période limitée, ajoute un élément de sanction qui augmente considérablement la gravité de la conséquence globale des actes de la requérante.

112. En d’autres termes, la sanction en cause dans la présente affaire dépasse la simple réparation du préjudice causé, mais elle a précisément pour objet de sanctionner la requérante pour ses actes (95). Elle a également une fonction préventive, celle de dissuader d’autres sportifs de commettre des infractions aux règles antidopage.

113. C’est cette combinaison d’éléments qui est révélatrice d’une infraction pénale dépassant le seuil de ce qui serait autrement considéré comme une infraction disciplinaire sportive (96).

114. Cette conclusion est, bien entendu, comme le relève à juste titre le gouvernement letton, sans préjudice de la qualification nationale des infractions en cause. Elle ne signifie pas non plus que, dans un autre ensemble de circonstances, le seuil permettant de constater une sanction individuelle de nature « pénale » soit nécessairement atteint (97). Cependant, comme je l’ai expliqué au point précédent des présentes conclusions, j’estime que la sanction particulière infligée à la requérante est de nature à atteindre le seuil de ce qui est considéré comme une condamnation pénale ou une infraction au sens de l’article 10 du RGPD.

115. Contrairement à ce qu’affirme l’AMA, je ne pense pas qu’il soit utile, de manière générale, de considérer les violations des règles antidopage, telles que celles en cause dans la présente affaire, comme de simples violations des règles (privées) d’organisations ou de clubs sportifs individuels. La possession ou l’usage de substances dans le cas de la requérante vont bien au-delà d’une potentielle violation, par exemple, des statuts du club d’échecs de Knin (Croatie) (98).

116. Pareil comportement est interdit par le droit national – l’ADBG – et pas (uniquement) par les règles privées d’organisations ou de clubs sportifs. En outre, les effets indirects sur la situation personnelle et professionnelle de la requérante, résultant de la désapprobation et de la stigmatisation sociales liées à la constatation d’une violation d’une règle antidopage, vont bien au-delà du monde du sport (99). Enfin, le fait que la violation de ce droit puisse également constituer une infraction disciplinaire en vertu des règles d’organisations ou de clubs sportifs privés en vertu des règles qui visent à réglementer le comportement de leurs membres (en l’occurrence, les règles antidopage et celles des compétitions de l’IAAF) n’empêche pas la même violation et les mêmes sanctions de découler également du droit public d’un État membre.

117. Pour les raisons qui précèdent, je considère que l’opération de traitement en cause concerne des « données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions » au sens de l’article 10 du RGPD.

118. Quelles sont les conséquences de cette conclusion ?

119. Comme je l’ai expliqué aux points précédents des présentes conclusions, la constatation qu’une opération de traitement relève du champ d’application de l’article 10 du RGPD exige d’accorder davantage de poids aux intérêts de la personne concernée dans l’exercice de pondération relatif à la divulgation (100). En vertu du libellé de cette disposition, ce traitement doit avoir lieu soit sous le contrôle de l’« autorité publique », soit en vertu du droit de l’Union ou du droit d’un État membre qui prévoit des garanties appropriées pour les droits et libertés des personnes concernées.

120. Par conséquent, en réponse à la quatrième question préjudicielle, je propose à la Cour de dire pour droit que l’article 10 du RGPD doit être interprété en ce sens qu’il s’applique au traitement de données à caractère personnel relatives à la possession et à l’usage partiel par un sportif professionnel, en lien avec une activité sportive, de substances figurant sur la liste d’interdictions de l’AMA.

D.      Sur la cinquième question préjudicielle

121. Par sa cinquième question, qui n’est posée qu’en cas de réponse affirmative à la quatrième question préjudicielle, l’USK cherche, en substance, à savoir si le traitement des données à caractère personnel de la requérante relatives à ses manquements à une règle antidopage fait de l’USK une « autorité publique » au sens de l’article 10 du RGPD.

122. Comme je l’ai expliqué aux points précédents des présentes conclusions, dans les circonstances de la présente affaire, l’USK traite effectivement des « données à caractère personnel relatives aux condamnations pénales et aux infractions » au sens de l’article 10 du RGPD. Cependant, dans l’exercice de cette activité, l’USK n’agit pas en tant qu’« autorité publique » contrôlant le traitement de ces données.

123. En revanche, il ressort de l’article 5, paragraphe 6, et de l’article 6, paragraphes 1 à 5, de l’ADBG, que le législateur autrichien a habilité la NADA à assumer le rôle d’« autorité publique » pour, entre autres, contrôler les activités de traitement effectuées par l’USK portant sur le type de données à caractère personnel relevant du champ d’application de l’article 10 du RGPD.

124. La responsabilité matérielle du traitement correct des données à caractère personnel dans le contexte des missions de l’USK, y compris la publication des résultats de ses décisions, semble donc incomber à la NADA.

125. Par conséquent, le seul fait que l’USK traite des données à caractère personnel relevant de l’article 10 du RGPD ne fait pas automatiquement de cet organisme une « autorité publique » au sens de cette disposition.

126. Je propose donc à la Cour de juger, en réponse à la cinquième question préjudicielle, que le fait de confier à un organe le réexamen d’une décision constatant une violation d’une règle antidopage ne fait pas automatiquement de cet organe une « autorité publique » au sens de l’article 10 du RGPD, si le droit national confie à une autre institution la responsabilité de surveiller pareil traitement des données.

E.      Sur les deuxième et troisième questions préjudicielles

127. Par ses deuxième et troisième questions, que je propose de traiter conjointement, l’USK demande, en substance, si la divulgation au grand public, au moyen d’une publication sur un site Internet accessible au public, de données à caractère personnel d’un sportif professionnel ainsi que du manquement de ce sportif aux règles antidopage pertinentes et de la suspension qui lui a été imposée est compatible avec les conditions de licéité et de minimisation des données prévues à l’article 5, paragraphe 1, sous a) et c), ainsi qu’à l’article 6, paragraphe 3, du RGPD.

128. En vertu de l’ADBG, l’ÖADR (101) ou, si sa décision fait l’objet d’une demande de réexamen, l’USK (102), doit mettre à la disposition du public sa décision finale sur certaines violations des règles antidopage. Ces informations doivent inclure le nom du sportif, le sport dans lequel il est en compétition, la violation applicable des règles antidopage et les sanctions qui en découlent. En vertu de l’article 5, paragraphe 6, point 4, de l’ADBG, la publication est confiée à la NADA, qui est désignée comme responsable du traitement des données à cette fin. L’ADBG rend cette publicité automatique dans les cas impliquant des sportifs professionnels, et généralement facultative en ce qui concerne les sportifs de niveau récréatif. L’ADBG ne réglemente pas elle-même les modalités de divulgation. Par conséquent, le choix d’une publication sur Internet relève de la seule décision de la NADA.

129. Les questions posées par l’USK soulèvent, à mon sens, plusieurs problèmes. Premièrement, le RGPD exige-t-il un contrôle de proportionnalité par un responsable du traitement dans chaque cas particulier avant la divulgation de données à caractère personnel au grand public, ou la proportionnalité de cette publication peut-elle être déterminée à l’avance par le droit de manière générale ? Dans le premier cas, à savoir si un examen de proportionnalité individualisé est nécessaire, il semblerait que l’ADBG soit contraire au RGPD en ce qu’il ne semble pas permettre un tel niveau individualisé de contrôle. Deuxièmement, si le contrôle de proportionnalité peut, en principe, être effectué in abstracto par le droit national et imposer une obligation automatique au responsable du traitement, la deuxième question préjudicielle posée à la Cour est celle de savoir si l’ADBG satisfait à l’exigence de proportionnalité imposée par l’article 6, paragraphe 3, du RGPD. Troisièmement, si la divulgation automatique au grand public d’informations relatives à une infraction aux règles antidopage est proportionnée à l’objectif ou aux objectifs légitime(s) que la loi tente de poursuivre, convient-il de diffuser cette information via le site Internet accessible au public d’une organisation de lutte contre le dopage ? Je traiterai successivement chacune de ces questions.

1.      Le RGPD exige-t-il un contrôle de proportionnalité par le responsable du traitement dans chaque cas particulier ?

130. En application du RGPD, il convient tout d’abord de déterminer qui est le responsable du traitement en ce qui concerne une opération de traitement déterminée. L’article 5, paragraphe 2, de ce règlement dispose que le responsable du traitement est responsable du respect des principes du traitement des données énumérés à l’article 5, paragraphe 1, dudit règlement et doit être en mesure de démontrer que ceux-ci sont respectés.

131. En vertu de l’article 4, point 7, du RGPD, le responsable du traitement est une personne qui détermine les finalités et les moyens du traitement des données à caractère personnel. La seconde partie de la même disposition précise que « lorsque les finalités et les moyens de ce traitement sont déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, le responsable du traitement peut être désigné ou les critères spécifiques applicables à sa désignation peuvent être prévus par le droit de l’Union ou par le droit d’un État membre ». Dans la présente affaire, les finalités, mais pas nécessairement les moyens, de l’opération de traitement en cause sont déterminées par (ou du moins se trouvent implicitement dans) l’ADBG qui a, en même temps, désigné la NADA comme responsable du traitement.

132. Par conséquent, c’est la NADA qui est responsable du traitement aux fins du traitement des données à caractère personnel de la requérante lors de la diffusion de ces dernières sur son site Internet. Selon moi, cela n’empêche pas l’USK d’être elle aussi qualifiée de « responsable du traitement » en ce qui concerne la même opération de traitement (103). Après tout, selon l’ADBG, la NADA ne fait qu’exécuter l’obligation de divulgation de l’USK découlant de l’ADBG. Ces précisions pourraient s’avérer importantes si la Cour devait juger (contrairement à ce que je proposerai aux points suivants des présentes conclusions) qu’un contrôle de proportionnalité doit être effectué par le responsable du traitement dans chaque cas individuel. La question se poserait alors de savoir si c’est la NADA ou l’USK qui devrait procéder audit contrôle.

133. Pour être considéré comme licite, tout traitement de données à caractère personnel doit, selon le RGPD, être effectué sur la base de l’un des motifs prévus à son article 6. Sans essayer d’expliquer ici la différence entre l’article 6, paragraphe 1, sous c), et l’article 6, paragraphe 1, sous e), il est constant dans la présente affaire que la NADA agit en vertu de l’une voire de l’une et l’autre de ces dispositions lorsqu’elle place les données à caractère personnel de la requérante sur son site Internet (104).

134. Lorsque la base légale du traitement repose sur l’une des deux dispositions que j’ai mentionnées au point précédent des présentes conclusions, l’article 6, paragraphe 3, du RGPD dispose que le droit imposant le traitement des données à caractère personnel, en l’occurrence l’ADBG, répond à un objectif d’intérêt public et est proportionné à l’objectif légitime poursuivi.

135. Si le législateur a effectivement pondéré les différents intérêts en jeu en réalisant un certain intérêt public et a décidé qu’un traitement déterminé est justifié, le responsable du traitement doit-il encore procéder à un contrôle de proportionnalité distinct dans chaque cas particulier ? Ou bien serait-il satisfait à son obligation au titre de l’article 5, paragraphe 2, du RGPD de démontrer le respect du principe de proportionnalité tel qu’exprimé dans le principe de minimisation des données, par référence à l’obligation imposée au législateur ?

136. Selon moi, le RGPD n’impose pas de procéder à un contrôle de proportionnalité dans chaque cas particulier de traitement de données par un responsable du traitement. Au contraire, ce dernier peut – je dirais même doit – s’appuyer sur le contrôle de proportionnalité effectué par le législateur. Un examen de proportionnalité réalisé par le législateur ne saurait être individualisé. Cependant, cet examen peut, de manière abstraite, tenir compte des intérêts en matière de protection des données d’un groupe déterminé de personnes et les mettre en balance avec d’autres intérêts sociaux en jeu.

137. La législation autorisant (ou imposant) le traitement des données peut adopter une approche différente. Elle peut permettre de procéder à certains traitements de données si le responsable du traitement le juge nécessaire dans un contexte prédéterminé. Dans un tel cas, l’examen de proportionnalité devra être effectué par le responsable du traitement dans chaque cas particulier. Cependant, la législation peut également, comme dans la présente affaire, imposer un type de traitement de données déterminé afin d’atteindre un objectif déterminé. Dans une telle situation, je ne trouve dans le RGPD aucune disposition qui imposerait, voire permettrait, au responsable du traitement en cause de remettre en question le contrôle de proportionnalité effectué par le législateur. Dans un tel cas, le RGPD n’impose pas de contrôle de proportionnalité supplémentaire dans chaque cas particulier. Évidemment, l’examen de proportionnalité réalisé par le législateur en tant que tel peut être contesté devant les tribunaux par les personnes concernées, voire par les responsables du traitement. Cependant, à moins qu’il ne conteste avec succès l’examen de proportionnalité réalisé par le législateur, le responsable du traitement des données est, dans une situation telle que celle de la présente affaire, dans l’obligation de procéder au traitement des données.

138. Ce type d’interprétation du RGPD est conforme au principe de démocratie et n’est pas contraire au texte de ce règlement.

139. Dans une société démocratique, c’est précisément au législateur qu’il incombe de trouver le juste équilibre entre des droits et des intérêts contradictoires. Abandonner cet exercice à une institution indépendante, mais politiquement irresponsable, est, même si elle est parfois nécessaire, une solution moins démocratique.

140. En outre, et comme l’a souligné à juste titre l’AMA, subordonner la publication des violations des règles antidopage à la décision discrétionnaire d’organismes nationaux de lutte contre le dopage dans chaque cas particulier pourrait donner lieu à des abus et à de la corruption, compte tenu notamment des importants intérêts des sportifs, des clubs voire des gouvernements à empêcher une telle publication. Cela pourrait également aboutir à une inégalité de traitement entre les sportifs qui, en ce qui concerne la commission d’infractions aux règles antidopage, se trouvent en fait dans une situation comparable.

141. De plus, le texte même du RGPD permet, voire impose, que le contrôle de proportionnalité soit effectué par le législateur. L’article 4, point 7, du RGPD prévoit la possibilité que les finalités et les moyens du traitement des données à caractère personnel soient déterminés par le droit de l’Union ou le droit d’un État membre, et non par le responsable du traitement. L’article 6, paragraphe 3, du RGPD exige que le droit permettant le traitement des données fasse l’objet d’un contrôle de proportionnalité.

142. J’estime par conséquent que le RGPD n’impose pas que la NADA (ou l’USK) approuve la publication d’une violation d’une règle antidopage par des sportifs professionnels dans chaque cas particulier.

143. Cela m’amène au deuxième problème soulevé par les deuxième et troisième questions préjudicielles – celui de savoir si le législateur autrichien a réalisé un équilibre admissible entre les différents intérêts en présence lorsqu’il a imposé la mise à disposition du grand public des données à caractère personnel de la requérante ainsi que de la violation applicable des règles antidopage et de la suspension qui lui a été imposée.

2.      La divulgation au grand public imposée par l’ADBG est-elle justifiée ?

144. En résumé, l’ADBG prévoit que l’USK (ou l’ÖADR) doit informer le grand public de ses décisions en indiquant le nom des personnes concernées, la durée de la suspension et les motifs de celle-ci. Cette obligation ne concerne que les sportifs professionnels et, dans certaines circonstances, également les sportifs de niveau récréatif. En outre, l’ADBG permet un contrôle de proportionnalité supplémentaire en cas de décisions relatives à la publication de violations des règles commises par des sportifs de niveau récréatif et des personnes vulnérables.

145. La requérante se demande s’il est justifié d’informer le grand public dans son cas particulier. La NADA, l’AMA et la Commission, ainsi que les États membres participant à la présente procédure, ne voient aucun problème concernant une telle divulgation.

146. Bien qu’il puisse exister des raisons supplémentaires de l’autoriser, la plupart des discussions (lors des phases écrite et orale de la procédure) se sont concentrées sur deux justifications possibles de l’information du grand public : i) le rôle préventif consistant à dissuader quiconque pratique le sport de commettre une violation de la réglementation antidopage et ii) la possibilité d’éviter le contournement des suspensions en informant toutes les personnes susceptibles de parrainer ou d’engager le sportif en question de cette suspension.

147. Une évaluation de la proportionnalité (105) doit être effectuée par rapport à chaque justification proposée. J’analyserai donc successivement la question de savoir si la divulgation au grand public peut être justifiée par l’un ou par l’un et l’autre des deux objectifs déclarés. Un contrôle de proportionnalité au regard de chaque justification comporte plusieurs étapes. La Cour doit apprécier si la divulgation au grand public est appropriée pour atteindre l’objectif déclaré. Dans l’affirmative, la Cour doit encore vérifier si cette mesure est nécessaire, ce qui, à son tour, nécessite d’évaluer s’il existait une autre mesure permettant d’atteindre le même objectif tout en étant moins intrusive pour le droit fondamental à la protection des données de la personne concernée. Enfin, la Cour pourrait considérer que l’intrusion dans la vie privée de cette personne était d’une ampleur telle qu’elle ne saurait être justifiée par l’avantage à obtenir par le but annoncé.

a)      Sur la première justification : la prévention par la dissuasion

148. À mon avis, la mise à disposition du grand public des informations personnalisées relatives à la violation d’une règle antidopage et de ses conséquences est susceptible de dissuader les sportifs tant professionnels que de niveau récréatif de commettre des violations analogues. La mesure est également adéquate au sens préventif en ce qu’elle sensibilise les jeunes ayant récemment intégré le monde du sport et susceptibles de souhaiter devenir un jour des sportifs professionnels aux conséquences de la décision de recourir à des substances interdites pour de meilleurs résultats. Je n’ai donc pas de doutes quant au caractère approprié de la mesure en cause au regard de l’objectif annoncé.

149. La question plus difficile est de savoir s’il est nécessaire d’informer le grand public du nom du sportif concerné pour dissuader d’autres sportifs de se livrer eux-mêmes à des violations similaires des règles antidopage. À cet égard, il convient de tenir compte de l’avis du groupe de travail « Article 29 » sur la protection des données (ci-après le « groupe de travail “Article 29” »), prédécesseur de l’actuel Comité européen de la protection des données, dans lequel il a examiné la proportionnalité de règles analogues du CMA (106). Ainsi, le groupe de travail « Article 29 » a considéré que la publication d’informations anonymes sur les violations et les sanctions suffirait aux fins de dissuader d’autres sportifs (107).

150. Je ne partage pas cet avis. Certes, un effet dissuasif existe déjà en raison de la sévérité des sanctions concernées. Cependant, la connaissance de la possibilité de voir son nom publié en relation avec la violation d’une règle antidopage a un effet dissuasif supplémentaire et plus puissant. Alors qu’un jeune sportif s’efforçant de faire carrière est susceptible de calculer qu’il pourrait valoir la peine de prendre le risque si la sanction attendue est une suspension de quelques mois, voire de quelques années, il pourrait y réfléchir à deux fois s’il réalise que le grand public apprendra son infraction. Une publication anonyme ne saurait donc être considérée comme une mesure atteignant le même objectif avec une efficacité équivalente (108).

151. Le groupe de travail « Article 29 » a également considéré qu’une publication unique immédiatement postérieure à une décision confirmant la violation d’une règle antidopage est susceptible de constituer une mesure adéquate, mais moins restrictive. Je ne suis pas non plus d’accord sur ce point. La disponibilité des informations pendant toute la durée de la suspension a plus de chances d’atteindre le public ciblé. En outre, je ne vois pas en quoi la publication, par exemple, d’un communiqué de presse unique sur Internet serait moins intrusive que la publication d’un tableau contenant les mêmes informations. Un tel communiqué de presse pourrait, en fait, rester disponible beaucoup plus longtemps que le tableau exposant les sportifs suspendus, dès lors que ce dernier serait supprimé à l’expiration de la suspension. Certes, comme l’a souligné la requérante, si la suspension est à vie, l’inscription au tableau en cause reste également en ligne à vie. Cependant, pour autant qu’il contienne des informations exactes, ce type d’ingérence dans le droit de la personne concernée à la protection de ses données n’est pas excessivement sévère (même si l’on peut s’interroger sur le caractère excessif d’une suspension à vie, mais il s’agit d’une autre question), alors que l’avantage consistant à dissuader les jeunes sportifs en les sensibilisant à une telle possibilité ne saurait être sous-estimé. En tout état de cause, dans la présente affaire, la suspension dure quatre ans, après quoi les informations à caractère personnel de la requérante figurant dans le tableau seront supprimées.

152. Enfin, on peut se poser les questions suivantes : est-il nécessaire de publier toute infraction antidopage ? Seules les violations les plus graves doivent-elles être portées à la connaissance du public ? Convient-il de révéler le nom des seuls récidivistes ? Et faut-il tenir compte du niveau auquel le sportif est en compétition ou d’autres facteurs supplémentaires ?

153. Selon moi, il est nécessaire de laisser au législateur une certaine marge d’appréciation dans l’évaluation de tels facteurs. Il se pourrait, par exemple, que le fait de publier certaines violations seulement facilite la décision d’en commettre d’autres. La publication des seuls cas de récidive pourrait entrer dans les calculs des jeunes sportifs, qui pourraient décider qu’il vaut la peine de courir le risque une fois dès lors que leur nom ne serait pas rendu public pour une infraction unique (109). De multiples préoccupations et arguments peuvent être avancés.

154. Le législateur autrichien semble avoir pris en considération différentes préoccupations afin d’atteindre l’objectif préventif de dissuasion d’éventuelles violations de la réglementation antidopage. Sa pondération des intérêts en cause a abouti à certaines exceptions et limites à la règle, dont il a manifestement été considéré qu’elles ne compromettaient pas l’objectif souhaité. Elles excluaient les mineurs, les personnes vulnérables et, dans la plupart des cas, les sportifs de niveau récréatif. Aucun argument convaincant n’a été soumis à la Cour qui lui permettrait de remettre en cause l’évaluation du législateur selon laquelle la règle en cause était nécessaire à des fins préventives dans le cas de sportifs professionnels.

155. J’estime par conséquent que la mesure exigeant une divulgation personnalisée au grand public des infractions antidopage commises par des sportifs professionnels est adéquate et nécessaire pour dissuader les sportifs actuels et futurs de commettre de telles infractions.

156. Enfin, l’ingérence dans les droits des sportifs professionnels n’est pas grave au point de ne pas pouvoir être justifiée par l’objectif préventif de la mesure en cause. Les informations publiées sont le nom du sportif, le sport auquel il participe, la violation des règles antidopage commise et la période de suspension qui en résulte. Ces informations ne révèlent rien au-delà de la vie professionnelle du sportif en question et se limitent à indiquer les conséquences du comportement illégal dont le sportif avait déjà connaissance lorsqu’il a décidé de commettre l’infraction en question.

b)      Sur la seconde justification : empêcher le contournement d’une suspension

157. L’autre justification qui a été suggérée au cours de la présente procédure est la nécessité d’informer les parties prenantes concernées que le sportif en question ne peut prendre aucun type d’engagement lié à un quelconque sport tant que la suspension est en vigueur. De cette manière, l’efficacité de la sanction et la prévention de son contournement sont atteintes.

158. Une publication accessible au public est certainement adéquate pour informer les personnes qui pourraient souhaiter parrainer un sportif, l’inviter à concourir dans une compétition organisée ou l’employer à quelque titre que ce soit en rapport avec le sport. Pour cette raison, les parties prenantes doivent connaître la suspension du sportif. Par conséquent, la mesure prévue par l’ADBG est en adéquation avec l’objectif déclaré.

159. Ici aussi, la question la plus délicate est celle de savoir si une telle mesure est nécessaire.

160. Aucun argument tiré de l’anonymisation ne saurait être formulé dans le contexte de cet objectif public. Pour informer les parties prenantes ciblées, il est nécessaire de mentionner le nom du sportif suspendu.

161. Invoquant l’avis du groupe de travail « Article 29 », la requérante estime cependant que, pour atteindre l’objectif déclaré, il n’est pas nécessaire d’informer le grand public. Il suffirait d’informer les organisations sportives et les parrains potentiels ou actuels. En réponse, l’AMA et la NADA font valoir qu’il est impossible de savoir à l’avance qui informer. En outre, une nouvelle partie prenante est à tout moment susceptible de devenir la cible de telles informations, par exemple le propriétaire d’une salle de sport nouvellement créée.

162. Le groupe de travail « Article 29 » a proposé une mesure potentiellement moins radicale de nature à empêcher le contournement d’une suspension fondée sur l’introduction d’un « certificat de bonne vie et mœurs » (110). Je comprends cette proposition comme portant sur une procédure dans le cadre de laquelle, avant d’inviter une personne à participer à des compétitions, de lui proposer un emploi dans le sport ou de décider de parrainer un sportif, les organisateurs de compétitions, les employeurs et parrains potentiels demanderaient au sportif en question de produire un tel certificat. Pour remplir sa fonction, ce certificat devrait être délivré au niveau mondial, international, et poserait, dès lors, divers problèmes de traitement de données, comme le transfert de ces données à une organisation internationale. En tout état de cause, un tel système n’existe pas à l’heure actuelle. En tant que message adressé à l’AMA pour envisager l’introduction d’un tel système, la suggestion du groupe de travail « Article 29 » pourrait avoir un certain poids. Cependant, tant que ce système n’est pas mis en place, le législateur autrichien ne peut pas l’utiliser en tant que mesure moins restrictive pour informer les parties prenantes intéressées.

163. Étant donné que les informations ciblées ne sont pas efficaces, à défaut de savoir qui pourrait en avoir besoin, et qu’un système adéquat de certificats de bonne vie et mœurs n’existe pas actuellement, je suis d’avis que la mesure en cause est à la fois appropriée et nécessaire pour atteindre l’objectif d’empêcher le contournement de la suspension.

164. Il est possible d’ajouter à ce qui précède un autre argument, tel qu’il a été soulevé par la NADA lors de l’audience, selon lequel le fait d’engager le sportif suspendu constitue en soi une violation des règles antidopage (111). Par conséquent, il semble également nécessaire d’avoir connaissance de la situation des sportifs suspendus pour d’éventuelles violations indirectes des règles antidopage.

165. Enfin, le tableau contenant les noms, les manquements aux règles antidopage et les suspensions de sportifs publié sur le site Internet de la NADA est périodiquement mis à jour. Les informations sont supprimées à l’expiration de la suspension concernée. Il s’ensuit que les données à caractère personnel de la requérante ne demeureront pas sur ce site Internet plus longtemps que ce qui est nécessaire pour empêcher le contournement de la suspension de celle-ci.

3.      Une publication sur Internet fait-elle une différence ?

166. L’ADBG exige que les informations demandées soient divulguées au grand public, mais elle ne précise pas les modalités de cette divulgation. C’est la NADA qui a pris la décision de placer les informations en cause sur son site Internet.

167. La requérante a contesté cette décision, considérant qu’une publication en ligne sur Internet est trop intrusive et qu’une publication hors ligne ou, à tout le moins, l’introduction d’un système d’identifiant et de mot de passe pour accéder aux informations publiées constitueraient des mesures moins attentatoires aux droits fondamentaux des sportifs.

168. L’idée qu’une publication sur Internet est trop intrusive a été exprimée par d’autres, par exemple, par le groupe de travail « Article 29 » (112) ou la minorité dissidente dans l’arrêt L.B. c. Hongrie de la Cour EDH (113).

169. Je peux être très brève sur cet aspect. Si l’obligation de mettre des informations comportant des données à caractère personnel à la disposition du grand public est jugée justifiée, la seule manière de satisfaire à cette obligation dans la société moderne est d’en passer par une publication sur Internet. De même que personne ne demandait d’annoncer les nouvelles de porte en porte après l’invention de l’imprimerie par Gutenberg, avec l’avènement de l’Internet, les publications imprimées (par exemple, une lettre d’information) ont cessé d’être un moyen adéquat de mise à disposition des informations au grand public. Demander une publication hors ligne revient à demander l’autorisation de contourner l’obligation d’informer le grand public.

170. Dans son avis 4/2009, le groupe de travail « Article 29 » a déclaré qu’une publication sur Internet est considérée comme plus intrusive que la publication par d’autres moyens hors ligne (114). Son argument principal était que la première implique que les données sont consultables par tout un chacun. Certes, mais c’est précisément l’idée qui sous-tend l’obligation de mettre les informations à la disposition du grand public. Le second argument invoqué par le groupe de travail « Article 29 » portait sur le fait que les informations sur Internet peuvent être utilisées à d’autres fins et faire l’objet d’un traitement ultérieur. Il est en effet plus facile de traiter à nouveau des informations qui se trouvent déjà sur Internet. Cependant, en définitive, il n’existe aucune différence entre la possibilité de traiter à d’autres fins des informations qui sont placées sur Internet ou celle de traiter à d’autres fins des informations imprimées dans une lettre d’information. Les informations relatives à des infractions aux règles antidopage publiées dans un bulletin d’information sont tout aussi susceptibles d’être utilisées par des journalistes, par exemple, et d’être placées sur un portail d’informations en ligne.

4.      Conclusion intermédiaire

171. J’estime donc que la publication obligatoire de la violation des règles antidopage applicables par un sportif professionnel sur le site Internet accessible au public d’une autorité de lutte contre le dopage est à la fois adéquate et nécessaire pour réaliser la fonction préventive consistant à dissuader les sportifs présents et futurs de commettre une violation similaire de ces règles ainsi que pour empêcher le contournement des suspensions par les sportifs.

172. Sur la base des considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux deuxième et troisième questions préjudicielles en ce sens que l’article 5, paragraphe 1, sous c), et l’article 6, paragraphe 3, du RGPD ne s’opposent pas à la pratique d’une autorité nationale chargée de la promotion, de la coordination et du suivi d’un programme national de contrôle du dopage, consistant à divulguer sur son site Internet, en les rendant accessibles au public, les données à caractère personnel d’un sportif professionnel relatives à une violation d’une règle antidopage.

V.      Conclusion

173. Eu égard aux considérations qui précèdent, je propose à la Cour de répondre aux questions préjudicielles posées par l’Unabhängige Schiedskommission (Commission indépendante d’arbitrage, Autriche) de la manière suivante :

1)      L’information selon laquelle un sportif professionnel a commis une violation d’une règle antidopage liée à l’usage ou à la tentative d’usage ou à la possession d’une substance ou d’une méthode interdite ne constitue pas, en soi, une « donnée concernant la santé », au sens de l’article 9 du règlement (UE) 2016/679 du Parlement européen et du Conseil, du 27 avril 2016, relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données).

2)      L’article 5, paragraphe 1, sous c), et l’article 6, paragraphe 3, du règlement 2016/679

doivent être interprétés en ce sens que :

ils ne s’opposent pas à la pratique d’une autorité nationale chargée de la promotion, de la coordination et du suivi d’un programme national de contrôle du dopage, consistant à divulguer sur son site Internet, en les rendant accessibles au public, les données à caractère personnel d’un sportif professionnel relatives à une violation d’une règle antidopage.

3)      L’article 10 du règlement 2016/679

doit être interprété en ce sens que :

il s’applique au traitement de données à caractère personnel relatives à la possession et à l’usage partiel par un sportif professionnel, en lien avec une activité sportive, de substances figurant sur la liste d’interdictions de l’Agence mondiale antidopage.

4)      Confier à un organe le réexamen d’une décision constatant une violation d’une règle antidopage ne fait pas automatiquement de cet organe une « autorité publique » au sens de l’article 10 du règlement 2016/679. Cependant, tel est le cas pour autant qu’un contrôle par un organe désigné à cet effet soit par ailleurs assuré en vertu du droit national.


1      Langue originale : l’anglais.


2      Règlement du Parlement européen et du Conseil du 27 avril 2016 relatif à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données, et abrogeant la directive 95/46/CE (règlement général sur la protection des données) (JO 2016, L 119, p. 1) (ci-après le « RGPD »).


3      Müller, R. K., « History of Doping and Doping Control », dans Thieme, D., et Hemmersbach, P. (dir.), Doping in Sports : Biochemical Principles, Effects and Analysis, vol. 195, Springer, 2010, p. 2 (expliquant que l’utilisation de remèdes et de substances pour améliorer les performances athlétiques remonte à la fin du iiie siècle avant J.-C.).


4      Voir van der Sloot, B., Paun, M., et Leenes, R., Athletes’ Human Rights and the Fight Against Doping : A Study of the European Legal Framework, Springer, 2020, p. 14.


5      Signée à Paris le 19 octobre 2005 et entrée en vigueur le 1er février 2007.


6      Selon une étude réalisée en 2017 pour la Commission européenne, le CMA est juridiquement contraignant dans certains États membres, mais pas dans d’autres. Voir direction générale de l’éducation, de la jeunesse, du sport et de la culture de la Commission, van der Sloot, B., Paun, M., Leenes, R., et al., Anti-doping & Data Protection : An Evaluation of the Anti-doping Laws and Practices in the EU Member States in Light of the General Data Protection Regulation, Office des publications de l’Union européenne, 2017, p. 77, disponible à l’adresse Internet suivante : https://data.europa.eu/doi/10.2766/042641.


7      Aussi bien les règles des compétitions de l’IAAF de 2015 que les règles antidopage de 2017 définissent l’« usage » comme l’« [u]tilisation, [l’]application, [l’]ingestion, [l’]injection ou [la] consommation par tout autre moyen d’une substance interdite ou d’une méthode interdite ».


8      Il existe deux décisions de l’USK datées du 21 décembre 2021. La première confirme les conclusions de fond de l’ÖADR et suspend la procédure pour la partie relative à la non‑publication du nom de la requérante, de la sanction infligée et de la violation de la réglementation antidopage commise ; la seconde constitue la demande de décision préjudicielle dans la présente affaire.


9      Voir article 5, paragraphe 6, quatrième alinéa, de l’ADBG.


10      La requérante observe que ce tableau est disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.nada.at/de/recht/suspendierungen-sperren.


11      L’ÖADR est instituée en tant qu’organe indépendant par l’article 7 de l’ADBG.


12      Article 23, paragraphe 2, de l’ADBG. La NADA est l’organe qui a introduit la demande d’examen auprès de l’ÖADR. Voir article 18 de l’ADBG.


13      Article 8, paragraphe 3, de l’ADBG.


14      Article 23, paragraphe 3, de l’ADBG.


15      Article 23, paragraphe 3, de l’ADBG. Le règlement de procédure de l’USK est disponible à l’adresse Internet suivante : https://www.schiedskommission.at/files/doc/Gesetze-Richtlinien-und-Bestimmungen/USK-Verfahrensordnung-2021.pdf.


16      Article 1er, paragraphe 3, du règlement de procédure de l’USK.


17      Voir article 8, paragraphe 2, de l’ADBG.


18      Ces éléments figurent également à l’article 8, paragraphe 3, de l’ADBG.


19      Article 8, paragraphe 3, de l’ADBG.


20      Lorsque la participation à une compétition internationale ou impliquant des sportifs internationaux est en cause, un recours peut directement être formé devant l’Internationaler Sportgerichtshof (Tribunal arbitral du sport, ci-après le « TAS »). Voir article 23, paragraphe 4, de l’ADBG. Cependant, cette exception ne semble pas s’appliquer dans la présente affaire.


21      Voir article 23, paragraphes 1 et 4, de l’ADBG, ainsi que section IV, point 3, de la décision de renvoi. Cette dernière explique que l’Oberster Gerichtshof (Cour suprême, Autriche) a jugé que la saisine des juridictions civiles pour les questions relatives à la violation des règles antidopage implique obligatoirement la contestation préalable de la décision de l’ÖADR devant l’USK.


22      Article 23, paragraphe 1, de l’ADBG.


23      Cependant, l’article 23, paragraphe 4, de l’ADBG se borne à mentionner expressément que l’AMA, le Comité international olympique, le Comité international paralympique et la fédération sportive internationale compétente peuvent faire appel devant le TAS.


24      Arrêt du 30 juin 1966 (61/65, EU:C:1966:39, p. 273).


25      D’aucuns ont critiqué la Cour pour ne pas avoir donné une définition complète de cette notion. Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Ruiz‑Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366, point 14) ou Broberg, M., et Fenger, N., Preliminary References to the European Court of Justice, 2e édition, Oxford University Press, Oxford, 2014, p. 70. D’autres, et je souscris à cette position, considèrent que la divergence et l’évolution constante des institutions dans les États membres de l’Union demandent de la flexibilité pour déterminer si une institution peut être qualifiée de « juridiction ». Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires jointes Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:265, point 27) ainsi que Wahl, N., et Prete, L., « The Gatekeepers of Article 267 TFEU : On Jurisdiction and Admissibility of References for Preliminary Rulings », Common Market Law Review, vol. 55, nº 2, 2018, p. 511 à 548, à la p. 522.


26      Voir, notamment, arrêt du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 23). Plus récemment, voir arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 51 et jurisprudence citée).


27      Voir, notamment, arrêts du 27 février 2018, Associação Sindical dos Juízes Portugueses (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 42 et suiv.) ; du 25 juillet 2018, Minister for Justice and Equality (Défaillances du système judiciaire) (C‑216/18 PPU, EU:C:2018:586, points 54 et suiv.), ainsi que du 24 juin 2019, Commission/Pologne (Indépendance de la Cour suprême) (C‑619/18, EU:C:2019:531, points 74 et suiv.).


28      Arrêt du 21 janvier 2020 (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 55, mais voir également l’intégralité de l’analyse de l’indépendance aux points 51 à 77).


29      Arrêt du 21 mars 2000, Gabalfrisa e.a. (C‑110/98 à C‑147/98, EU:C:2000:145, point 39).


30      Arrêt du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 18).


31      Voir, notamment, arrêt du 12 juin 2014, Ascendi Beiras Litoral e Alta, Auto Estradas das Beiras Litoral e Alta (C‑377/13, EU:C:2014:1754, point 26) (constatant que, « bien que la composition du [tribunal] soit éphémère et que l’activité de [celui-ci] s’achève après qu’[il a] statué, [...] dans son ensemble, le [tribunal] présente [...] un caractère de permanence »).


32      Voir, notamment, arrêts du 23 mars 1982, Nordsee (102/81, EU:C:1982:107, point 11), et du 17 octobre 1989, Handels- og Kontorfunktionærernes Forbund i Danmark (109/88, EU:C:1989:383, point 7).


33      Voir, notamment, ordonnance du 17 juillet 2014, Emmeci (C‑427/13, non publiée, EU:C:2014:2121, points 25, 30 et 31) (concluant qu’un organe rendant des avis consultatifs ne satisfait pas au critère de la « juridiction obligatoire »).


34      Voir, notamment, arrêts du 6 octobre 2015, Consorci Sanitari del Maresme (C‑203/14, EU:C:2015:664, point 24), et du 26 janvier 2023, Construct (C‑403/21, EU:C:2023:47, point 41) (déclarant recevable un renvoi préjudiciel émanant d’organes investis d’une compétence équivalente à celle des juridictions administratives pertinentes lorsque la loi applicable donnait au demandeur le choix de s’adresser à l’organe de renvoi).


35      Voir arrêts du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 31), et du 29 novembre 2001, De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:651, point 14) (mettant en exergue le caractère non absolu de l’exigence d’une procédure « contradictoire », de sorte que même une procédure dépourvue d’une telle caractéristique peut satisfaire à la condition requise pour que l’organe en cause puisse être considéré comme une « juridiction » au sens de l’article 267 TFUE).


36      Voir arrêt du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 31).


37      Voir, notamment, arrêt du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C‑658/18, EU:C:2020:572, point 63).


38      Cette exigence est remplie même si l’organe statue en se fondant sur des critères supplémentaires. Voir arrêt du 27 avril 1994, Almelo (C‑393/92, EU:C:1994:171, point 23) (déclarant recevable un renvoi émanant d’un organe qui, en plus d’appliquer les règles de droit, exerce son contrôle en amiable compositeur).


39      Les règles de procédure que l’organe s’applique ne doivent pas forcément être déterminées par la loi, mais peuvent être adoptées par l’organe lui-même. Voir, notamment, arrêt du 17 septembre 1997, Dorsch Consult (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 33) (écartant un grief tiré de ce que les règles de procédure en cause avaient été adoptées par l’organe de renvoi lui-même, qu’elles n’avaient pas d’effets à l’égard des tiers et qu’elles n’avaient pas été publiées).


40      Voir article 23, paragraphe 3, de l’ADBG. Voir, également, article 11 du règlement de procédure de l’USK.


41      Voir article 8 du règlement de procédure de l’USK.


42      En vertu de l’article 23, paragraphe 4, de l’ADBG, l’intégralité de la procédure doit être clôturée dans un délai de six mois.


43      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Darmon dans l’affaire Corbiau (C‑24/92, EU:C:1993:59, point 10).


44      Arrêt du 11 juin 1987 (14/86, EU:C:1987:275, point 7). Longtemps auparavant déjà, dans ses conclusions dans l’affaire Vaassen-Göbbels (61/65, EU:C:1966:25, p. 281), M. l’avocat général Gand a cependant considéré l’indépendance comme une caractéristique importante de la notion de « juridiction ».


45      Néanmoins, certains avocats généraux ont considéré que l’approche de la Cour sur la question de l’indépendance de l’organe de renvoi était trop flexible. Voir, notamment, conclusions de l’avocat général Ruiz-Jarabo Colomer dans l’affaire De Coster (C‑17/00, EU:C:2001:366, points 19 à 28) (expliquant qu’il y avait un relâchement progressif du critère d’indépendance).


46      Voir, notamment, Pech, L., et Scheppele, K. L., « Illiberalism Within : Rule of Law Backsliding in the EU », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 19, Cambridge University Press, 2017, p. 3 à 47 ; Priebus, S., « The Commission’s Approach to Rule of Law Backsliding : Managing Instead of Enforcing Democratic Values ? », Journal of Common Market Studies, vol. 60, nº 6, University Association for Contemporary European Studies and John Wiley & Sons Ltd., 2022, p. 1684 à 1700.


47      Pour un aperçu des arrêts pertinents, voir direction générale des politiques internes de l’Union du Parlement européen, Pech, L., « The European Court of Justice’s Jurisdiction over National Judiciary-related Measures », 2023, disponible à l’adresse Internet suivante : https://democracyinstitute.ceu.edu/articles/european-parliament-publishes-study-laurent-pech.


48      Voir, notamment, Broberg, M., et Fenger, N., « The European Court of Justice’s Transformation of Its Approach towards Preliminary References from Member State Administrative Bodies », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 24, Cambridge University Press, 2022, p. 169 à 200.


49      L’exemple de ce dernier cas de figure est l’arrêt du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587), dans lequel la Cour a précisé ce qu’il convient d’entendre par indépendance externe et interne des juridictions. La Cour statuait dans le cadre d’un renvoi préjudiciel qui portait sur l’appréciation de la conformité d’une législation nationale aux exigences d’indépendance requises par l’article 9 de la directive 98/5/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, visant à faciliter l’exercice permanent de la profession d’avocat dans un État membre autre que celui où la qualification a été acquise (JO 1998, L 77, p. 36), en d’autres termes relative à la libre circulation des avocats. Cette disposition imposait aux États membres de prévoir un recours « juridictionnel » contre les décisions relatives à l’inscription d’un avocat.


50      Voir, notamment, arrêt du 27 février 2018 (C‑64/16, EU:C:2018:117, points 34 à 38 ainsi que 42 et 43).


51      Arrêt du 21 janvier 2020 (C‑274/14, EU:C:2020:17, points 55 et suiv.). Voir également Broberg, M., et Fenger, N., « The European Court of Justice’s Transformation of Its Approach towards Preliminary References from Member State Administrative Bodies », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 24, Cambridge University Press, 2022, p. 169 à 200 (examinant l’évolution de la notion d’« indépendance » au sens de l’article 267 TFUE et les répercussions de la jurisprudence relative à l’article 19, paragraphe 1, TUE et à l’article 47 de la Charte).


52      Voir, notamment, Reyns, C., « Saving Judicial Independence : A Threat to the Preliminary Ruling Mechanism ? », European Constitutional Law Review, vol. 17, nº 1, Cambridge University Press, 2021, p. 26 à 52.


53      Voir, à cet égard, conclusions de l’avocat général Wahl dans les affaires jointes Torresi (C‑58/13 et C‑59/13, EU:C:2014:265, points 46 à 54) et de l’avocat général Bobek dans l’affaire Pula Parking (C‑551/15, EU:C:2016:825, points 76 à 107).


54      La jurisprudence décrit généralement l’aspect « interne » de l’indépendance, ou l’impartialité, comme important pour assurer une égale distance par rapport aux parties ; voir, notamment, arrêt du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587, point 52). Il faut donc que les juges n’aient aucun intérêt personnel à la solution du litige. J’estime que l’aspect « externe » de l’indépendance, qui exige l’absence de toute influence extérieure sur les juges, contribue au même objectif de garantir une égale distance par rapport aux parties au litige. Les pressions extérieures aboutissent elles aussi à ce que la solution du litige résulte non pas d’une décision autonome du juge, mais plutôt de celle d’un acteur externe qui a influencé ce dernier, très probablement au profit de l’une des parties.


55      Voir, notamment, arrêts du 19 septembre 2006, Wilson (C‑506/04, EU:C:2006:587, points 49 à 52), et du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, points 57 à 62).


56      Voir, notamment, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924, point 109 et jurisprudence citée).


57      Voir arrêts du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 60 et jurisprudence citée), ainsi que du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C‑658/18, EU:C:2020:572, point 49).


58      Voir arrêts du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 59 et jurisprudence citée), ainsi que du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C‑658/18, EU:C:2020:572, point 48).


59      Article 8, paragraphe 3, de l’ADBG. En revanche, les membres de l’ÖADR, en tant que juges de première instance dans les affaires antidopage, sont nommés par la NADA. Voir article 7, paragraphe 3, de l’ADBG.


60      Arrêt du 21 janvier 2020 (C‑274/14, EU:C:2020:17, point 66).


61      Conclusions de l’avocat général Hogan dans l’affaire Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2019:802, point 38).


62      Voir, par analogie, arrêts du 13 janvier 2022, Minister Sprawiedliwości (C‑55/20, EU:C:2022:6, point 77), et du 26 janvier 2023, Construct (C‑403/21, EU:C:2023:47) (concernant le fait que le pouvoir de révoquer un membre d’une juridiction disciplinaire n’a jamais été utilisé comme un critère à prendre en compte lors de l’examen du risque que ce pouvoir soit de nature à porter atteinte à l’indépendance « externe » d’un organe de renvoi).


63      Voir, notamment, arrêt du 5 novembre 2019, Commission/Pologne (Indépendance des juridictions de droit commun) (C‑192/18, EU:C:2019:924, point 110 et jurisprudence citée).


64      Voir, notamment, arrêt du 3 mai 2022, CityRail (C‑453/20, EU:C:2022:341, points 52 et 64 à 69) (concernant une autorité administrative qui, par l’exercice de ses pouvoirs de contrôle d’office, pouvait s’autosaisir d’un « recours » et ainsi contrôler les décisions administratives prises par l’organisme de contrôle national du secteur ferroviaire).


65      Voir, à cet égard, arrêt du 21 janvier 2020, Banco de Santander (C‑274/14, EU:C:2020:17, points 61 et suiv. ainsi que jurisprudence citée).


66      Voir, notamment, arrêts du 31 mai 2005, Syfait e.a. (C‑53/03, EU:C:2005:333, points 31 à 37), et du 30 mai 2002, Schmid (C‑516/99, EU:C:2002:313, points 34 à 38).


67      Arrêt du 24 mai 2016 (C‑396/14, EU:C:2016:347).


68      Arrêt du 17 septembre 1997 (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 34).


69      Arrêt du 17 septembre 1997 (C‑54/96, EU:C:1997:413, point 35).


70      Arrêt du 21 janvier 2020 (C‑274/14, EU:C:2020:17, points 67 et 77).


71      Voir, notamment, arrêts du 6 octobre 1981, Broekmeulen (246/80, EU:C:1981:218, point 9) (où l’organe en question était composé en partie de médecins), et du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, points 27 à 29) (où l’organe en question était composé en partie de non‑magistrats et de magistrats).


72      Voir, notamment, arrêts du 24 mai 2016, MT Højgaard et Züblin (C‑396/14, EU:C:2016:347, point 27), et du 16 juillet 2020, Governo della Repubblica italiana (Statut des juges de paix italiens) (C‑658/18, EU:C:2020:572, point 55).


73      Voir, à cet égard également, conclusions de l’avocat général Bobek dans l’affaire Ministerstwo Sprawiedliwości (C‑55/20, EU:C:2021:500, points 58 et 59).


74      Ainsi qu’il ressort du dossier national, cette affaire est enregistrée sous le numéro de référence W108 2250401‑1/10Z et a été suspendue par le Bundesverwaltungsgericht (tribunal administratif fédéral) dans l’attente de l’issue de la procédure dans la présente affaire.


75      Arrêt du 12 janvier 2023 (C‑132/21, EU:C:2023:2, point 57).


76      Cette conclusion est corroborée par la doctrine en la matière : voir Bresich, R., Dopplinger, L., Dörnhöfer, S., Kunnert, G., et Riedl, E., Datenschutzgesetz Kommentar, Linde Verlag, 2018, p. 201, et Schwamberger, S., « Parallelität und Bindungswirkung von Zivil- und Verwaltungsverfahren nach der DSGVO », dans Jahnel, D. (dir.), Jahrbuch 19 Datenschutzrecht, Neuer Wissenschaftlicher Verlag, 2019, p. 267 avec des références au droit national.


77      Voir, par analogie, en ce qui concerne la directive 2001/14/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 février 2001, concernant la répartition des capacités d’infrastructure ferroviaire, la tarification de l’infrastructure ferroviaire et la certification en matière de sécurité (JO 2001, L 75, p. 29), arrêts du 9 novembre 2017, CTL Logistics (C‑489/15, EU:C:2017:834, point 87), et du 27 octobre 2022, DB Station & Service (C‑721/20, EU:C:2022:832, points 60, 80 et 81) (expliquant que, préalablement à tout recours juridictionnel, les litiges relatifs aux redevances ferroviaires doivent d’abord être portés devant l’organisme de contrôle institué en vertu de la directive 2001/14).


78      Article 2, paragraphe 1, du RGPD.


79      Voir, notamment, arrêts du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 25), et du 13 mai 2014, Google Spain et Google (C‑131/12, EU:C:2014:317, point 26) (constatant que l’opération consistant à faire figurer, sur une page Internet, des données à caractère personnel constitue un traitement).


80      Ces informations sont susceptibles d’être utilisées pour identifier la requérante comme auteur d’une violation des règles de sorte que, à l’évidence, elles « se rapport[ent] à une personne physique identifiée ou identifiable » au sens de l’article 4, point 1, du RGPD.


81      Voir, notamment, arrêt du 6 novembre 2003, Lindqvist (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 26).


82      Conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire WK (C‑33/22, EU:C:2023:397, point 78).


83      Sur le rôle de l’article 165 TFUE, voir conclusions de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Royal Antwerp Football Club (C‑680/21, EU:C:2023:188, points 48 à 55).


84      Voir, sur ce point, Weatherill, S., « Saving Football from Itself : Why and How to Re-make EU Sports Law », Cambridge Yearbook of European Legal Studies, vol. 24, 2022, p. 8 et 9.


85      Arrêts du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, EU:C:1995:463, points 73 et suiv.) ; du 18 juillet 2006, Meca-Medina et Majcen/Commission (C‑519/04 P, EU:C:2006:492, points 22 et suiv.) ; du 1er juillet 2008, MOTOE (C‑49/07, EU:C:2008:376, points 20 à 26) ; du 16 mars 2010, Olympique Lyonnais (C‑325/08, EU:C:2010:143, points 27 et suiv.), ainsi que du 13 juin 2019, TopFit et Biffi (C‑22/18, EU:C:2019:497, points 27 et suiv.), ainsi que conclusions de l’avocat général Rantos dans l’affaire International Skating Union/Commission (C‑124/21 P, EU:C:2022:988, points 36 à 43), de l’avocat général Rantos dans l’affaire European Superleague Company (C‑333/21, EU:C:2022:993, points 39 à 42), et de l’avocat général Szpunar dans l’affaire Royal Antwerp Football Club (C‑680/21, EU:C:2023:188, points 34 à 36).


86      La partie pertinente de ce considérant s’énonce comme suit : « Les données à caractère personnel concernant la santé devraient comprendre l’ensemble des données se rapportant à l’état de santé d’une personne concernée qui révèlent des informations sur l’état de santé physique ou mentale passé, présent ou futur de la personne concernée. Cela comprend [...] des informations obtenues lors du test ou de l’examen d’une partie du corps ou d’une substance corporelle, y compris à partir de données génétiques et d’échantillons biologiques [...] »


87      Arrêt du 6 novembre 2003 (C‑101/01, EU:C:2003:596, point 50).


88      Directive du Parlement européen et du Conseil du 24 octobre 1995 relative à la protection des personnes physiques à l’égard du traitement des données à caractère personnel et à la libre circulation de ces données (JO 1995, L 281, p. 31).


89      Initialement formulée de manière encore plus restrictive que ce qui figure dans la version finale du texte. Voir, à cet égard, Conseil de l’Union européenne, groupe « Échange d’informations et protection des données », General Data Protection Regulation – Revised draft of Chapters I and II (6828/13), 26 février 2013, p. 10 (contenant une proposition de formulation visant à exiger que les données concernant la santé en cause « révèlent des informations sur des problèmes de santé importants, des traitements et des affections sensibles d’une [...] personne ») [traduction libre].


90      Voir arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 85 et jurisprudence citée) (énonçant la nature autonome de cette notion en droit de l’Union).


91      Arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, points 77 et 78) (constatant que, contrairement à l’article 8, paragraphe 5, de la directive 95/46, l’article 10 du RGPD voit sa portée limitée au seul domaine pénal).


92      Par conséquent, il n’est pas nécessaire, aux fins de la présente affaire, de se prononcer sur la question de savoir si la requérante a été condamnée par ailleurs.


93      Voir arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 87 et jurisprudence citée).


94      Voir arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 88 et jurisprudence citée) (rappelant que même des infractions qui ne sont pas qualifiées de « pénales » par le droit national sont néanmoins susceptibles d’être considérées comme telles aux fins du droit de l’Union sur le fondement de la nature même de l’infraction et du degré de sévérité des sanctions).


95      Voir arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504, point 89) (expliquant que la caractéristique intrinsèque d’une sanction « pénale » ne se limite pas à réparer le préjudice causé).


96      Sur ce point, je soutiendrais donc que la présente situation dépasse le seuil de référence général admis par la jurisprudence tant de la Cour européenne des droits de l’homme (ci-après la « Cour EDH ») que du TAS, en vertu duquel, de manière générale, les litiges disciplinaires sportifs ne sauraient être qualifiés comme étant « de nature criminelle ». Voir, à cet égard, TAS, sentence du 22 août 2011, Stichting AntiDoping Autoriteit Nederland (NADO) & Koninklijke Nederlandsche Schaatsenrijders Bond (KNSB) c. W. (2010/A/2311 & 2312:33, point 33) (constatant que tant le droit suisse que la jurisprudence du TAS considèrent généralement les litiges liés au sport comme étant de nature civile).


97      Le gouvernement français se réfère à l’arrêt de la Cour EDH du 6 novembre 2018, Ramos Nunes de Carvalho e Sá c. Portugal [CE:ECHR:2018:1106JUD005539113, en particulier § 67 (suspension d’un juge de l’exercice de ses fonctions pour une période consécutive de 240 jours) et 127 (cette suspension n’atteint pas le seuil pénal de l’article 6, paragraphe 1, de la convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950 [ci‑après la « CEDH »])].


98      Ce qui ne veut pas dire que le club d’échecs de Knin ne soit pas une institution respectable. Bien au contraire, selon le folklore croate, le roi croate médiéval Stjepan Držislav, qui gouvernait le premier État croate depuis la forteresse de Knin, fut capturé dans cette région par le doge vénitien Pietro II Orseolo. Afin de reconquérir sa liberté, Držislav joua un match d’échecs en trois parties contre le doge, les remporta toutes et, en échange, acquit la liberté non seulement pour lui-même, mais aussi pour l’ensemble des villes croates de la côte Adriatique. Pour fêter sa victoire, Držislav apposa le motif à damier sur ses armoiries.


99      Voir, à cet égard, Cour EDH, 2 octobre 2018, Mutu et Pechstein c. Suisse (CE:ECHR:2018:1002JUD004057510, § 182) (expliquant la nécessité d’une audience publique, au sens de l’article 6, paragraphe 1, de la CEDH, dès lors que la suspension de deux ans de la requérante pour dopage « avait un caractère infamant, étant susceptible de porter préjudice à son honorabilité professionnelle et à son crédit »).


100      Voir mes conclusions dans l’affaire Norra Stockholm Bygg (C‑268/21, EU:C:2022:755, point 81).


101      Article 21, paragraphe 3, de l’ADBG.


102      Article 23, paragraphe 14, de l’ADBG.


103      Voir, en ce sens, arrêt du 29 juillet 2019, Fashion ID (C‑40/17, EU:C:2019:629, point 67 et jurisprudence citée) (précisant que la notion de « responsable du traitement » peut concerner plusieurs acteurs participant au traitement des données à caractère personnel).


104      À cet égard, la Cour a déjà reconnu qu’une même opération de traitement peut répondre à plusieurs motifs de traitement légitimes. Voir, à cet égard, arrêt du 9 mars 2017, Manni (C‑398/15, EU:C:2017:197, point 42). Voir, également, arrêt du 1er août 2022, Vyriausioji tarnybinės etikos komisija (C‑184/20, EU:C:2022:601, point 71), dans lequel la Cour a constaté qu’une seule légitimation suffit en vertu de l’article 6 du RGPD.


105      Le contrôle de proportionnalité est une étape nécessaire que la Cour doit franchir pour constater qu’une restriction d’un droit fondamental est justifiée (article 52, paragraphe 1, de la Charte). En ce qui concerne le droit fondamental à la protection des données, le principe de proportionnalité est réaffirmé à l’article 5, paragraphe 1, sous c), (le principe de minimisation des données) et à l’article 6, paragraphe 3, du RGPD.


106      Groupe de travail « Article 29 », Deuxième avis 4/2009 sur le Standard international pour la protection des renseignements personnels de l’Agence mondiale antidopage (AMA), sur les dispositions du code de l’AMA s’y rapportant et sur d’autres questions relatives à la vie privée dans le cadre de la lutte contre le dopage dans le sport par l’AMA et les organisations (nationales) antidopage (WP 162, adopté le 6 avril 2009, 0746/09/FR) (ci-après l’« avis 4/2009 du groupe de travail “Article 29” »).


107      Avis 4/2009 du groupe de travail « Article 29 », p. 19, point 3.6.2.


108      La Cour a déjà utilisé le critère de l’efficacité équivalente d’une mesure de substitution pour apprécier la nécessité d’une mesure. Voir, à cet égard, arrêt du 1er août 2022, Vyriausioji tarnybinės etikos komisija (C‑184/20, EU:C:2022:601, point 85 et jurisprudence citée).


109      Il n’est pas possible de tirer automatiquement des conclusions d’un contexte différent, tel que, par exemple, celui qui était en cause dans l’arrêt du 22 juin 2021, Latvijas Republikas Saeima (Points de pénalité) (C‑439/19, EU:C:2021:504), portant sur la question de savoir s’il était disproportionné de publier des informations relatives aux auteurs d’une première infraction (voir point 115 de cet arrêt). Dans cette affaire, la publication de points de pénalité imposés pour des infractions routières a été considérée comme n’étant pas nécessaire dans le cas d’auteurs d’une première infraction. Cependant, la justification, dans le contexte dans lequel la Cour statuait, était l’amélioration de la sécurité routière (voir point 107 dudit arrêt). En effet, les auteurs d’une première infraction routière pourraient ne pas représenter un danger pour la circulation. Or, la publication d’informations relatives aux auteurs d’une première infraction aux règles antidopage pourrait être considérée comme nécessaire pour dissuader les jeunes sportifs de tenter de s’adonner à l’usage de substances interdites.


110      Avis 4/2009 du groupe de travail « Article 29 », p. 18, point 3.6.1.


111      L’article 1er, paragraphe 2, point 10, de l’ADBG indique qu’est considéré comme une infraction distincte le fait, pour une « autre personne », d’aider ou de tenter d’aider un sportif suspendu à contourner sa période de suspension.


112      Avis 4/2009 du groupe de travail « Article 29 », p. 19, point 3.6.2.


113      Arrêt du 9 mars 2023 (CE:ECHR:2023:0309JUD003634516).


114      Avis 4/2009 du groupe de travail « Article 29 », p. 19, point 3.6.2.