Language of document : ECLI:EU:T:2013:297

ORDONNANCE DU TRIBUNAL (première chambre)

6 juin 2013 (*)

« Taxation des dépens »

Dans l’affaire T‑486/07 DEP,

Ford Motor Company, établie à Dearborn, Michigan (États-Unis), représentée par Me R. Ingerl, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles), représenté par M. D. Botis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI, intervenant devant le Tribunal, étant

Alkar Automotive, SA, établie à Derio (Espagne), représentée par MS. Alonso Maruri, avocat,

ayant pour objet une demande en taxation des dépens à rembourser par la partie requérante à la partie intervenante à la suite de l’arrêt du Tribunal du 22 mars 2011, Ford Motor/OHMI – Alkar Automotive (CA), (T‑486/07, non publié au Recueil).

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé de M. J. Azizi (rapporteur), président, M. S. Frimodt Nielsen et Mme M. Kancheva, juges,

greffier : M. E. Coulon,

rend la présente

Ordonnance

 Faits, procédure et conclusions des parties

1        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 décembre 2007, la requérante, Ford Motor Company, a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de la quatrième chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 25 octobre 2007 (affaire R 85/2006-4), relative à une procédure d’opposition entre Ford Motor Company et Alkar Automotive, SA (ci-après la « décision attaquée »).

2        L’intervenante, Alkar Automotive, SA, est intervenue dans le litige pour demander le rejet du recours et la condamnation de la requérante aux dépens.

3        Par arrêt du 22 mars 2011, le Tribunal a rejeté le recours et condamné la requérante à supporter les dépens sur le fondement de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal.

4        Par lettre du 5 octobre 2011, l’intervenante a demandé à la requérante de lui régler le montant de ses dépens qu’elle a chiffré à 11 850 euros. Le 10 octobre 2011, la requérante a contesté cette demande. En particulier, s’agissant des dépens afférents à la procédure devant le Tribunal s’élevant à 11 000 euros, elle a estimé que ce montant était non vérifiable et trop élevé compte tenu de la portée limitée et de la nature de l’affaire en cause ainsi que du fait que l’intervenante n’a soumis qu’un mémoire de neuf pages et n’a pas assisté à l’audience.

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 21 novembre 2012, l’intervenante a formé, sur le fondement de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure, une demande de taxation des dépens par laquelle elle a invité le Tribunal à fixer le montant des dépens récupérables dont le remboursement incombe à la requérante.

6        Par mémoire déposé au greffe du Tribunal le 5 février 2013, la requérante a demandé le rejet de ladite requête et de fixer les dépens exposés par l’intervenante afférents à la procédure devant le Tribunal à un montant n’excédant pas 2 500 euros.

  En droit

1.     Arguments des parties

7        L’intervenante demande au Tribunal de fixer le montant de ses dépens récupérables. Elle joint à l’appui de cette demande une facture du 5 octobre 2011, établie par son avocat, dans laquelle le montant des dépens exposés par elle en liaison avec la procédure devant le Tribunal s’élève à 11 000 euros. En outre, elle joint à l’appui de cette demande un courriel du 14 octobre 2011, dans lequel son avocat détaille lesdits dépens comme suit. Premièrement, un montant de 1 950 euros, correspondant aux frais pour deux réunions chez l’intervenante pour exposer la situation ainsi que la procédure, les possibilités et conséquences d’un recours devant le Tribunal. Deuxièmement, un montant de 1 050 euros, correspondant aux coûts de traduction et de certification des documents requis par le Tribunal. Troisièmement, un montant de 6 350 euros, correspondant aux frais pour l’étude dans une langue étrangère de l’affaire et la rédaction du mémoire en réponse. Quatrièmement, un montant de 750 euros, correspondant aux frais pour le dépôt des documents au greffe du Tribunal. Cinquièmement, un montant de 550 euros, correspondant aux frais d’étude et de communication de la réponse de l’OHMI à l’intervenante. Enfin, sixièmement, un montant de 550 euros, correspondant aux frais encourus pour la réception, l’étude et la communication du jugement du Tribunal à l’intervenante.

8        La requérante soulève des objections uniquement à l’égard des dépens afférents à la procédure devant le Tribunal. À cet égard, la requérante estime, en premier lieu, que l’affaire faisant l’objet de la procédure au principal n’avait pas la moindre importance inhabituelle pour le droit de l’Union européenne et ne soulevait pas la moindre question juridique nouvelle. En outre, elle ne présenterait ni par son objet ni par sa nature une complexité particulière.

9        En deuxième lieu, la requérante estime que, faute de démonstration par l’intervenante en ce sens et compte tenu de l’absence de cette dernière à l’audience, l’affaire ne saurait être considérée comme présentant un intérêt économique inhabituel ou significativement différent de celui qui sous-tend toute opposition formée à l’encontre d’une demande d’enregistrement d’une marque communautaire.

10      En troisième lieu, la requérante estime que la lettre des avocats de l’intervenante du 5 octobre 2011 ne constitue pas en soi un élément décisif dans le calcul des dépens récupérables. La requérante observe que l’intervenante n’a pas fourni de ventilation des taux horaires ou du temps consacré à chaque poste repris dans la note d’honoraires et de frais jointe à sa demande de taxation des dépens. En outre, selon la requérante, elle n’a pas produit de pièces permettant au Tribunal de constater le bien-fondé des honoraires qu’elle réclame. Par conséquent, elle estime qu’il ne peut être apprécié notamment si les deux rencontres entre l’intervenante et ses avocats ont réellement eu lieu. En tout état de cause, elle estime que ces deux rencontres n’étaient pas nécessaires compte tenu de la prise en compte des faits pertinents lors la procédure devant l’OHMI et du fait qu’une communication électronique à ce propos aurait été suffisante. Par ailleurs, la requérante souligne que l’intervenante n’a pas produit la moindre indication quant au nombre total d’heures consacré à la procédure au principal. La requérante estime encore que comme le taux horaire d’une procédure d’opposition ne dépasse généralement pas 250 euros, le nombre total de 44 heures réclamé par l’intervenante étant donné le montant de 11 000 euros demandé, est excessif. Enfin, la requérante observe que le mémoire en réponse de l’intervenante ne comportait que neuf pages et ne visait que l’argumentation de l’OHMI de sorte que son élaboration n’a pas dû lui prendre longtemps.

11      Au vu de ce qui précède, la requérante estime que les dépens récupérables pour la procédure devant le Tribunal s’élèvent à 2 500 euros, soit 10 heures à 250 euros par heure.

2.     Appréciation du Tribunal

12      Aux termes de l’article 92, paragraphe 1, du règlement de procédure :

« S’il y a contestation sur les dépens récupérables, le Tribunal statue par voie d’ordonnance non susceptible de recours à la demande de la partie intéressée, l’autre partie entendue dans ses observations. »

13      Selon l’article 91, sous b), du règlement de procédure, sont considérés comme dépens récupérables « les frais indispensables exposés par les parties aux fins de la procédure, notamment les frais de déplacement et de séjour et la rémunération d’un agent, conseil ou avocat ». Il découle de cette disposition que les dépens récupérables sont limités, d’une part, à ceux exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et, d’autre part, à ceux qui ont été indispensables à ces fins [voir ordonnance du Tribunal du 5 mars 2012, Royal Appliance International/OHMI – BSH Bosch und Siemens Hausgeräte (Centrixx), T‑446/07, non publié au Recueil, point 11, et la jurisprudence y citée].

14      Le droit de l’Union ne contenant pas de dispositions de nature tarifaire, le Tribunal doit apprécier librement les données de la cause, en tenant compte des intérêts économiques que le litige a présentés pour les parties, de l’objet et de la nature du litige, de son importance sous l’angle du droit de l’Union ainsi que des difficultés de la cause et de l’ampleur du travail que la procédure contentieuse a pu causer aux agents ou aux conseils intervenus (voir, notamment, ordonnances de la Cour du 29 octobre 2010, Celia/Leche Celta, C‑300/08 P‑DEP, non publiée au Recueil, point 14, et du Tribunal du 10 janvier 2002, Starway/Conseil, T‑80/97 DEP, Rec. p. II‑1, point 27).

15      En outre, le Tribunal, en fixant les dépens récupérables, tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment du prononcé de l’ordonnance de taxation des dépens, y compris des frais indispensables afférents à la procédure de taxation des dépens (voir, en ce sens, ordonnance de la Cour du 3 septembre 2009, Industrias Químicas del Vallés/Commission, C‑326/05 P‑DEP, point 35).

16      Il convient d’apprécier le montant des dépens récupérables dans le chef de l’intervenante en fonction de ces critères.

17      En premier lieu, il convient de relever que l’affaire au principal ne présentait, quant à son objet et sa nature, aucune complexité particulière. Cette affaire concernait une opposition formée par la requérante à l’encontre de l’enregistrement de la marque communautaire demandée par l’intervenante, le moyen unique invoqué à l’appui de l’opposition étant le risque de confusion visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1) [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)]. L’affaire au principal, qui ne concernait ni une question de droit nouvelle ni une question de fait complexe et qui n’impliquait pas une analyse complexe, ne saurait être considérée comme particulièrement difficile.

18      En deuxième lieu, il convient de relever que, si l’affaire au principal présentait évidemment un certain intérêt économique pour l’intervenante, cet intérêt économique ne saurait être considéré comme étant d’une importance inhabituelle en l’absence d’éléments concrets apportés en ce sens par l’intervenante [voir, en ce sens, ordonnance du Tribunal du 7 janvier 2008, Rodrigues Carvalhais/OHMI – Profilpas (PERFIX), T‑206/04 DEP, non publiée au Recueil, point 13].

19      En troisième lieu, s’agissant de l’appréciation de l’ampleur du travail que la procédure dans l’affaire au principal a pu engendrer pour l’avocat de l’intervenante, il y a lieu de rappeler qu’il appartient au juge de l’Union de prendre en considération le travail objectivement indispensable à l’ensemble de la procédure judiciaire. Par ailleurs, il importe de rappeler que la possibilité pour le juge de l’Union d’apprécier la valeur du travail effectué dépend de la précision des informations fournies (voir ordonnance du Tribunal du 28 juin 2004, Airtours/Commission, T‑342/99 DEP, Rec. p. I‑1785, point 30, et la jurisprudence y citée).

20      En l’espèce, il y a lieu de relever que l’intervenante n’a ni fourni le taux horaire applicable aux prestations effectuées ni produit un décompte des frais dans lequel ces derniers sont ventilés précisément en fonction des travaux effectués. L’intervenante n’a pas apporté non plus des pièces justificatives ou notes d’honoraire permettant au Tribunal de constater le bien-fondé des honoraires réclamés par celle-ci. Les éléments fournis au Tribunal ne lui permettent donc pas d’apprécier utilement l’ampleur du travail effectivement réalisé.

21      L’absence d’informations plus précises rend particulièrement difficile la vérification des dépens exposés aux fins de la procédure devant le Tribunal et leur caractère indispensable à ces fins. Dans ces conditions, une appréciation stricte des honoraires récupérables s’impose nécessairement [voir ordonnance du Tribunal du 27 avril 2009, Mülhens/OHMI – Conceria Toska (TOSKA), T‑263/03 DEP, non publiée au Recueil, point 18, et la jurisprudence y citée].

22      Au vu de ce qui précède, il convient d’observer que l’intervenante n’a pas exposé pour quelle raison la tenue de deux réunions avec son avocat était objectivement indispensable aux fins de la procédure devant le Tribunal. La totalité des frais afférents à ces deux réunions ne peut dès lors être considérée comme indispensable.

23      La participation effective de l’intervenante à la procédure devant le Tribunal s’est limitée à la production d’un mémoire en réponse de neuf pages. L’intervenante n’ayant pas participé à l’audience, elle n’a pas pu avoir le moindre coût afférent à celle-ci. En outre, parmi les neuf pages du mémoire en réponse, deux seulement sont consacrées aux arguments de l’intervenante. Le travail de rédaction dudit mémoire n’a donc pas pu être très conséquent. Il s’ensuit que le montant de 6 350 euros réclamé pour les frais de l’étude de l’affaire et de la rédaction du mémoire en réponse est manifestement excessif.

24      Par ailleurs, ce mémoire en réponse est accompagné de sept annexes de simple routine, dont la présentation n’a nécessité aucun travail intellectuel ou administratif important : un document de légitimation, sa traduction, le mandat de l’avocat de l’intervenante, la preuve de la personnalité juridique de l’intervenante, sa traduction, la décision de la division d’opposition et la décision de la chambre de recours faisant l’objet de l’affaire au principal. Hormis les deux décisions précitées, aucun de ces documents joints au mémoire en réponse ne contient plus d’une page. Il s’ensuit que le montant de 1 050 euros réclamé pour l’obtention, la traduction et la certification des documents soumis lors de l’intervention devant le Tribunal est excessif.

25      Par ailleurs, compte tenu du fait que le mémoire en intervention et ses annexes comportent 39 pages, les frais de 750 euros demandés par l’intervenante pour le dépôt au greffe du Tribunal de ces documents et de leurs copies doivent également être considérés comme excessifs.

26      Enfin, la somme de plus de 1 000 euros réclamée par l’avocat de l’intervenante pour l’analyse et la communication à cette dernière de la réponse de l’OHMI et de l’arrêt du Tribunal du 22 mars 2011 est excessive.

27      Il résulte de l’ensemble des considérations qui précèdent qu’il sera fait une juste appréciation de l’ensemble des dépens récupérables par l’intervenante au titre de la procédure devant le Tribunal, en fixant leur montant à 3 000 euros, lequel montant tient compte de toutes les circonstances de l’affaire jusqu’au moment de l’adoption de la présente ordonnance.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

ordonne :

Le montant total des dépens que Ford Motor Company doit rembourser à Alkar Automotive, SA, dans l’affaire T-486/07 est fixé à 3 000 euros.

Fait à Luxembourg, le 6 juin 2013.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       J. Azizi


* Langue de procédure : l’anglais.