Language of document : ECLI:EU:T:2004:196

Arrêt du Tribunal

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)
30 juin 2004 (1)

« Marque communautaire – Procédure d'opposition – Marque antérieure figurative – Demande de marque communautaire verbale BIOMATE – Défaut de production de preuves dans la langue de procédure de l'opposition –  Confiance légitime  – Règles 16, 17 et 18 du règlement (CE) n° 2868/95 »

Dans l'affaire T-107/02,

GE Betz, Inc., anciennement BetzDearborn, Inc., établie à Trevose, Pennsylvanie (États-Unis), représentée par Mes G. Glas et K. Manhaeve, avocats, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie requérante,

contre

Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté initialement par M. E. Joly, puis par M. G. Schneider, en qualité d'agents,

partie défenderesse,

partie défenderesse,

l'autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l'Office, intervenant devant le Tribunal, étant

Atofina Chemicals, Inc., établie à Philadelphie, Pennsylvanie (États-Unis), représentée par Mes M. Edenborough, barrister, et Mme M. Medyckyj, solicitor,

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la première chambre de recours de l'Office de l'harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) du 17 janvier 2002 (affaire R 1003/2000-1), relative à une procédure d'opposition entre Atofina Chemicals, Inc. et GE Betz, Inc.,



LE TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES (deuxième chambre),



composé de MM. N. J. Forwood, président, J. Pirrung et A. W. H. Meij, juges,

greffier : M. J. Plingers, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 8 avril 2002,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 23 juillet 2002,

vu le mémoire en réponse de l'intervenant Atofina Chemicals, Inc. déposé au greffe du Tribunal le 26 juillet 2002,

à la suite de l'audience du 17 septembre 2003,

rend le présent



Arrêt




Cadre juridique

1
Les articles 42 et 73 du règlement (CE) n°  40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié, disposent :

« Article 42

Opposition

[…]

3. L’opposition doit être formée par écrit et motivée […] Dans un délai imparti par l’Office, celui qui a formé opposition peut présenter à son appui des faits, preuves et observations.

[…]

Article 73

Motivation des décisions

Les décisions de l’Office sont motivées. Elles ne peuvent être fondées que sur des motifs sur lesquels les parties ont pu prendre position. »

2
Les règles 15 à 18 et 20 du règlement (CE) n°  2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n°  40/94 (JO L 303, p. 1, ci-après le « règlement d’exécution »), sont libellées comme suit :

« Règle 15

Contenu de l’acte d’opposition

[…]

2. L’acte d’opposition doit comporter :

[…]

b)
en ce qui concerne la marque antérieure ou le droit antérieur sur lesquels se fonde l’opposition :

i)
si l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque antérieure, une mention à cet effet ainsi que la mention que celle-ci est une marque communautaire ou l’indication de l’État membre ou des États membres, y compris, s’il y a lieu, le Benelux, sur le territoire desquels la marque antérieure a été enregistrée ou demandée, ou bien, si la marque antérieure est une marque ayant fait l’objet d’un enregistrement international, la mention de l’État membre ou des États membres, y compris, s’il y a lieu, le Benelux, auxquels la protection de cette marque antérieure a été étendue ;

ii)
le cas échéant, le numéro de dossier ou le numéro d’enregistrement ainsi que la date de dépôt, y compris la date de priorité de la marque antérieure ;

[…]

vi)
une représentation et, le cas échéant, une description de la marque antérieure ou du droit antérieur ;

vii)
les produits et services pour lesquels la marque antérieure a été enregistrée […] ; en indiquant tous les produits et les services pour lesquels la marque antérieure est protégée, l’opposant indique également les produits et les services sur lesquels se fonde l’opposition ;

[…]

Règle 16

Faits, preuves et observations présentés à l’appui d’une opposition

1. Tout acte d’opposition peut contenir des renseignements détaillés sur les faits, les preuves et les observations présentés à l’appui de l’opposition, accompagnés des pièces justificatives.

2. Si l’opposition est fondée sur l’existence d’une marque antérieure qui n’est pas une marque communautaire, l’acte d’opposition doit de préférence être accompagné de preuves de l’enregistrement ou du dépôt de cette marque antérieure, telles que le certificat d’enregistrement […]

3. Les renseignements détaillés concernant les faits, les preuves et les observations ainsi que les pièces justificatives visés au paragraphe 1 et les preuves visées au paragraphe 2 peuvent être produits, s’ils ne l’ont pas été en même temps que l’acte d’opposition ou à la suite de celui-ci, dans un délai suivant l’ouverture de la procédure d’opposition que l’Office fixe conformément à la règle 20, paragraphe 2.

Règle 17

Langues de la procédure d’opposition

1. Si l’acte d’opposition n’est pas déposé dans la langue de la demande d’enregistrement d’une marque communautaire, lorsque cette dernière est une des langues de l’Office, ni dans la deuxième langue indiquée lors du dépôt de la demande, l’opposant dépose, dans le délai d’un mois à compter de l’expiration du délai d’opposition, une traduction de l’acte d’opposition dans l’une de ces langues.

2. Si les preuves et pièces justificatives à fournir à l’appui de l’opposition conformément à la règle 16, paragraphes 1 et 2, ne sont pas produites dans la langue de la procédure d’opposition, l’opposant doit en fournir une traduction dans cette langue dans un délai d’un mois à compter de l’expiration du délai d’opposition ou, s’il y a lieu, dans le délai imparti par l’Office en vertu de la règle 16, paragraphe 3.

[…]

Règle 18

Rejet de l’opposition pour irrecevabilité

1. Si l’Office constate que l’acte d’opposition ne remplit pas les conditions visées à l’article 42 du règlement, ou que l’acte d’opposition n’indique pas clairement la demande à l’encontre de laquelle l’opposition est formée, ou bien la marque antérieure ou le droit antérieur sur la base de laquelle ou duquel l’opposition est formée, il rejette l’opposition pour irrecevabilité, à moins qu’il ne soit remédié auxdites irrégularités avant l’expiration du délai d’opposition […]

2. Si l’Office constate que l’acte d’opposition ne satisfait pas à d’autres dispositions du règlement ou des présentes règles, il en informe l’opposant en l’invitant à remédier dans un délai de deux mois aux irrégularités constatées. S’il n’est pas remédié auxdites irrégularités dans le délai imparti, l’Office rejette l’opposition pour irrecevabilité.

[…]

Règle 20

Examen de l’opposition

[…]

2. Lorsque l’acte d’opposition ne contient pas de renseignements détaillés sur les faits, preuves et observations, tels que mentionnés à la règle 16 paragraphes 1 et 2, l’Office invite l’opposant à les lui fournir dans le délai qu’il lui impartit […] »


Antécédents du litige

3
Par une demande, pour le dépôt de laquelle le 20 novembre 1997 a été accordé, la requérante a sollicité de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (ci-après l’« Office ») l’enregistrement de la marque verbale BIOMATE.

4
Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent de la classe 1 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante :

classe 1 : « Produits chimiques à utiliser comme microbiocides dans des systèmes d’eaux industrielles et de traitement ».

5
La demande a été publiée au Bulletin des marques communautaires n°  72/98 du 21 septembre 1998.

6
Par lettre datée du 21 décembre 1998, reçue par l’Office le 22 décembre 1998, Atofina Chemicals, Inc., l’intervenante, a formé une opposition à l’enregistrement de la demande. L’opposition était fondée sur la marque figurative reproduite ci-après :

Image not found

7
Cette marque figurative a fait l’objet des enregistrements suivants :

enregistrement au Benelux n°  39765, avec pour date de dépôt le 28 juin 1971 comme date de dépôt, pour des produits relevant des classes 1 et 5 de l’arrangement de Nice, à savoir :

classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture (à l’exception des fongicides, herbicides et préparations pour détruire la vermine), en particulier pour la destruction de macro et micro-organismes » ;

classe 5 : « Fongicides, herbicides et préparations pour détruire la vermine » ;

enregistrement en France (renouvellement n°  1665517), avec pour date de dépôt le 23 janvier 1980, pour des produits relevant de la classe 1 de l’arrangement de Nice, à savoir :

classe 1 : « Produits chimiques, compositions chimiques utilisées comme biocides » ;

enregistrement international R 325543, avec pour date légale le 8 novembre 1966, émanant du Benelux et ayant effet en Autriche, en France, en Italie et au Portugal, pour des produits relevant des classes 1 et 5 de l’arrangement de Nice, à savoir :

classe 1 : « Produits chimiques destinés à l’industrie, aux sciences, à l’agriculture, l’horticulture et la sylviculture » ;

classe 5 : « Produits chimiques, en particulier pour la destruction de macro et micro-organismes ».

8
L’opposition était fondée également sur la marque verbale BIOMET enregistrée en Italie (renouvellement n°  400859), avec pour date de dépôt le 30 mai 1962, pour des produits relevant de la classe 5 de l’arrangement de Nice, à savoir :

classe 5 : « Produits et compositions chimiques utilisés comme germicides ».

9
Enfin, l’opposition était fondée sur le signe BIOMET non enregistré mais utilisé au Benelux, en France, en Italie, en Autriche et au Portugal.

10
L’opposition a été formée à l’encontre de tous les produits désignés dans la demande et fondée sur tous les produits visés par les marques antérieures enregistrées.

11
En ce qui concerne les marques antérieures enregistrées, l’opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n°  40/94. En ce qui concerne le signe non enregistré susmentionné, l’opposition était fondée sur l’article 8, paragraphe 4, du règlement n°  40/94.

12
Les copies des certificats d’enregistrement des marques antérieures ont été jointes à l’acte d’opposition.

13
Le 7 avril 1999, la division d’opposition a adressé à l’intervenante une télécopie libellée comme suit :

« Notification of deficiencies in the notice of opposition (Rule 15 and 18 (2) of the Implementing Regulation)

[…]

The examination of the notice of opposition has shown that the indication of the goods and services has not been provided in the language of the opposition proceedings (english).

This deficiency must be remedied within a non extendible period of two months from receipt of this notification, that is on or before 07/06/1999.

The notice of opposition will otherwise be rejected on grounds of inadmissibility. »

[« Notification de défauts dans l’acte d’opposition (règles 15 et 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution)

[…]

L’examen de l’acte d’opposition a montré que l’indication des biens et services n’a pas été fournie dans la langue de la procédure d’opposition (l’anglais).

Cette irrégularité doit être réparée dans un délai non prorogeable, c’est-à-dire au plus tard le 07/06/1999.

À défaut, l’acte d’opposition sera rejeté comme irrecevable. »]

14
Par télécopie du 28 mai 1999, l’intervenante a fourni une traduction des listes des produits couverts par les marques antérieures. Dans cette télécopie, il est également mentionné :

« If further information is required, please let us know. »

(« Si vous avez besoin d’informations complémentaires, n’hésitez pas à nous le faire savoir. »)

15
Le 29 juin 1999, la division d’opposition a adressé à l’intervenante une autre télécopie libellée comme suit :

« Communication to the opposing party of the date of commencement of the adversarial part of the opposition proceedings and of final date for submitting facts, evidence and arguments in support of the opposition (Rules 19 (1), 16 (3), 17 (2) and 20 (2) of the Implementing Regulation).

[…]

Your opposition has been communicated to the applicant.

[…]

The adversarial part of the proceedings will commence on 30/08/1999.

A final period of four months from receipt of this notification, that is until 29/10/1999, is allowed for you to furnish any further facts, evidence or arguments which you may feel necessary to substantiate your opposition […]

Please note that documents must be in the language of the proceedings or accompanied by a translation. »

[« Communication à l’opposant de la date d’ouverture de la phase contradictoire de la procédure d’opposition et de la date finale pour le dépôt de faits, preuves et observations à l’appui de l’opposition (règles 19, paragraphe 1, 16, paragraphe 3, 17, paragraphe 2, et 20, paragraphe 2, du règlement d’exécution).

[…]

Votre opposition a été communiquée au demandeur.

[…]

La phase contradictoire de la procédure débutera le 30/08/1999.

Il vous est alloué un dernier délai de quatre mois à compter de la réception de la présente notification, c’est-à-dire jusqu’au 29/10/1999, pour apporter tout fait, toute preuve ou toute observation supplémentaire que vous jugerez utile pour étayer votre opposition […]

Veuillez prendre note du fait que tout document doit être dans la langue de la procédure d’opposition ou être accompagné d’une traduction. »]

16
Ce délai de quatre mois a été prorogé jusqu’au 23 mars 2000. Un jour avant l’expiration du délai, l’intervenante a demandé une nouvelle prorogation. Considérant que les raisons avancées à l’appui de cette demande étaient inadéquates, l’Office ne l’a pas accueillie. Toutefois, la demande ayant été présentée un jour avant l’expiration du délai, l’Office a octroyé à l’intervenante un délai supplémentaire d’une journée pour le dépôt d’éléments justifiant l’opposition. Dans ce dernier délai octroyé, l’intervenante a fourni des arguments supplémentaires, à savoir une déclaration statutaire, des brochures et une étiquette.

17
Par décision du 7 septembre 2000, la division d’opposition a décidé, en ce qui concerne le signe antérieur non enregistré, que l’opposition était irrecevable et, pour le surplus, que l’opposition ne satisfaisait pas à l’article 8, paragraphe 1, sous a) et b), et paragraphe 5, du règlement n°  40/94, aux motifs, notamment, que l’opposante n’avait pas, en l’absence de traduction des certificats d’enregistrement des marques antérieures fournie dans le délai imparti, apporté la preuve de la validité et du statut légal des enregistrements antérieurs sur lesquels se fondait l’opposition.

18
Par ces motifs, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité et a condamné l’intervenante à supporter les frais exposés.

19
Le 13 octobre 2000, l’intervenante a formé un recours contre la décision de la division d’opposition.

20
Par décision du 17 janvier 2002 (ci-après la « décision attaquée »), notifiée à la requérante, selon elle, par lettre recommandée reçue le 8 février 2002, la chambre de recours a :

en ce qui concerne l’irrecevabilité de l’opposition quant au signe antérieur non enregistré, rejeté le recours ;

au surplus, annulé la décision de la division d’opposition ;

renvoyé l’affaire à la division d’opposition pour suite à donner ;

condamné chaque partie à supporter ses propres frais exposés aux fins de la procédure de recours.

21
Pour annuler partiellement la décision de la division d’opposition, la chambre de recours a considéré que, en envoyant à l’opposante les télécopies citées aux points 13 et 15 ci-dessus, la division d’opposition avait fait naître, chez l’opposante, une confiance légitime quant au fait que les copies des certificats d’enregistrement annexées à l’acte d’opposition n’étaient pas entachées d’irrégularité formelle.


Procédure

22
Par requête déposée au greffe du Tribunal le 5 avril 2002, la requérante a introduit le présent recours, en langue anglaise.

23
Les autres parties ne s’étant pas opposées à ce que la langue anglaise soit la langue de procédure devant le Tribunal, celui-ci a désigné l’anglais comme langue de la présente procédure.

24
Le 23 juillet 2002, l’Office a déposé son mémoire en réponse. Le 26 juillet 2002, l’intervenante a déposé son mémoire en réponse.

25
Le 17 octobre 2002, la requérante a déposé un mémoire en s’appuyant sur l’article 135, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal. La requérante n’ayant pas déposé de demande visant à pouvoir déposer une réplique, et les mémoires en réponse de l’intervenante et de l’Office ne contenant pas de moyens nouveaux ni de conclusions justifiant le dépôt d’un mémoire en application de cette disposition, le Tribunal a décidé de ne pas verser ce mémoire au dossier.


Conclusions des parties

26
La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

annuler la décision attaquée dans la mesure où elle :

i)
annule la décision de la division d’opposition du 7 septembre 2000 ;

ii)
renvoie l’affaire devant la division d’opposition pour suite à donner ;

iii)
condamne chaque partie à supporter les dépens exposés dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours ;

condamner l’Office aux dépens, y compris ceux exposés par elle dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

27
L’Office conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

faire droit à la demande de la requérante d’annuler la décision attaquée ;

condamner chaque partie à supporter ses propres dépens.

28
L’intervenante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

rejeter le recours ;

annuler la décision de la division d’opposition dans la mesure où elle a établi que l’opposition fondée sur les enregistrements antérieurs n’était pas correctement fondée ;

annuler la décision prise par la division d’opposition sur les dépens ;

renvoyer l’affaire devant la division d’opposition pour suite à donner ;

condamner la requérante à payer les dépens exposés par elle dans le cadre de la présente procédure.


Sur les conclusions des parties

Sur la portée des conclusions de l’Office

29
Lors de l’audience, l’Office a précisé d’abord que, par son premier chef de conclusions, il ne demandait pas plus que ce à quoi la requérante conclut. Par conséquent, il y a lieu de comprendre le premier chef de conclusions de l’Office en ce sens qu’il tend à soutenir le premier chef de conclusions de la requérante.

30
Ensuite, l’Office a précisé, lors de l’audience, qu’il demandait, à titre subsidiaire, que le Tribunal rende tout jugement qui lui semble approprié à la lumière des conclusions et des arguments des autres parties. Ainsi l’Office entend apparemment s’en remettre à la sagesse du Tribunal.

31
Dans ce contexte, il convient de relever que, également à l’audience, l’intervenante a soutenu que, dès lors que la chambre de recours n’est pas, en tant que telle, représentée devant le Tribunal, il revenait à l’Office de la représenter devant le Tribunal.

32
À cet égard, il y a lieu de rappeler, tout d’abord, que l’Office a été institué, par le règlement n°  40/94, notamment aux fins de l’administration du droit de la marque communautaire et qu’il est censé exercer chacune de ses différentes fonctions, en vertu de ce règlement, dans l’intérêt général de cette mission.

33
Ensuite, il convient d’observer que, si les chambres de recours font partie intégrante de l’Office [arrêt du Tribunal du 12 décembre 2002, Vedial/OHMI – France Distribution (HUBERT), T‑110/01, Rec. p. II‑5275, point 19] et s’il existe une continuité fonctionnelle entre la chambre de recours, l’examinateur et/ou la division compétente [arrêt du Tribunal du 8 juillet 1999, Procter & Gamble/OHMI (BABY-DRY), T‑163/98, Rec. p. II-2383, point 38], les chambres de recours et leurs membres jouissent d’une indépendance fonctionnelle dans l’exercice de leurs tâches. L’Office ne saurait donc leur donner des instructions.

34
Dans ces conditions, il y a lieu de reconnaître que, si l’Office ne dispose pas de la légitimation active requise pour introduire un recours contre une décision d’une chambre de recours, inversement, il ne saurait être tenu de défendre systématiquement toute décision attaquée d’une chambre de recours ou de conclure obligatoirement au rejet de tout recours dirigé à l’encontre d’une telle décision.

35
S’il est vrai qu’à l’article 133, paragraphe 2, du règlement de procédure, l’Office est désigné comme partie défenderesse devant le Tribunal, cette désignation ne saurait modifier les conséquences découlant de l’économie du règlement n°  40/94 en ce qui concerne les chambres de recours. Elle permet tout au plus de régler les dépens, en cas d’annulation ou de réformation de la décision attaquée, indépendamment de la position prise par l’Office devant le Tribunal.

36
Dans ces circonstances, rien ne s’oppose à ce que l’Office se rallie à une conclusion de la partie requérante ou encore se contente de s’en remettre à la sagesse du Tribunal, tout en présentant tous les arguments qu’il estime appropriés, dans le cadre de sa mission évoquée au point 32 ci-dessus, pour éclairer le Tribunal.

37
Par ailleurs, il convient de relever que, si une nouvelle demande présentée seulement à l’audience est forcément tardive et dès lors irrecevable, la précision subsidiaire apportée en l’espèce à l’audience ne saurait être considérée comme une demande proprement dite et ne doit donc pas faire l’objet d’une appréciation quant à sa recevabilité.

Sur la portée des conclusions de l’intervenante

38
Lors de l’audience, l’intervenante a précisé qu’elle n’avait formulé ses deuxième, troisième et quatrième chefs de conclusions qu’en vue d’éviter toute ambiguïté et que, en réalité, dès lors que celles-ci découlent automatiquement de son premier chef de conclusions, elle ne demandait au Tribunal pas plus que ce qu’elle demande par ses premier et cinquième chefs de conclusions. Par conséquent, il y a lieu de comprendre les conclusions de l’intervenante en ce sens qu’elles tendent au rejet du recours ainsi qu’à la condamnation de la requérante à payer les dépens exposés par l’intervenante dans le cadre de la présente procédure.


Sur le fond

Arguments des parties

39
À l’appui de son recours, la requérante invoque un moyen unique, tiré de la violation de la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

40
Elle fait valoir que la chambre de recours a souscrit à la constatation de la division d’opposition selon laquelle les certificats d’enregistrement n’ont pas été produits dans la langue de la procédure d’opposition et aucune traduction de ces certificats n’a été fournie en temps utile. Selon la requérante, puisqu’il n’y avait aucune preuve de la validité et du statut juridique des marques antérieures, l’opposition fondée sur celles-ci devait être rejetée au fond.

41
Par ailleurs, elle allègue que la chambre de recours a considéré à tort, en se fondant sur les télécopies de la division d’opposition du 7 avril 1999 et du 29 juin 1999, que la division d’opposition avait violé la confiance légitime de l’intervenante.

42
Selon la requérante, comme la télécopie du 7 avril 1999 se réfère explicitement à la règle 15 et à la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution ainsi qu’à la possibilité d’un rejet pour irrecevabilité, et vu que l’acte d’opposition ne répondait pas aux exigences de la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), du règlement d’exécution, cette télécopie ne pouvait être interprétée que comme se rapportant à l’irrecevabilité de l’acte d’opposition et non pas comme relative aux preuves à fournir à l’appui de l’opposition, pour lesquelles, selon la requérante, il n’existe pas de motifs d’irrecevabilité. Or, par télécopie du 28 mai 1999, l’intervenante aurait remédié à l’irrégularité de l’acte d’opposition mentionnée par la division d’opposition.

43
La requérante précise que, contrairement au cas de rejet pour irrecevabilité, la division d’opposition n’était pas obligée d’informer l’opposant de l’absence d’une traduction visée par la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

44
Il incomberait à l’opposant de produire les preuves à l’appui de l’opposition qu’il juge nécessaires. En l’espèce, selon la requérante, l’intervenante ne pouvait réparer des manquements à cet égard en invitant simplement en termes vagues la division d’opposition à lui faire savoir si elle avait besoin d’informations complémentaires, de la manière dont elle l’a fait dans sa télécopie du 28 mai 1999, d’autant que cette télécopie répondait à la télécopie du 7 avril 1999, relative à la recevabilité de l’opposition. Retenir l’hypothèse contraire imposerait à la division d’opposition une obligation de porter assistance à l’opposant.

45
Quant à la télécopie du 29 juin 1999, celle-ci aurait eu pour seul objet de permettre à l’intervenante, en vertu de l’article 42, paragraphe 3, du règlement nº 40/94 et de la règle 16, paragraphe 3, du règlement d’exécution, de fournir, si elle le jugeait nécessaire, des preuves supplémentaires à l’appui de son opposition.

46
Ni la télécopie du 7 avril 1999 ni celle du 29 juin 1999, prises isolément ou en combinaison l’une avec l’autre, n’auraient pu faire naître, chez l’intervenante, une confiance légitime quant aux exigences linguistiques de la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution. La télécopie du 29 juin 1999 aurait attiré, au contraire, son attention sur ces exigences.

47
Selon l’Office, la chambre de recours aurait considéré, à juste titre, que la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution n’avait pas été respectée en l’espèce. Dans l’arrêt du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marin (Chef) (T-232/00, Rec. p. II-2749, point 42), le Tribunal aurait confirmé la distinction entre l’obligation, résultant de la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), du règlement d’exécution, d’indiquer les produits visés par la marque antérieure, d’une part, et la présentation de renseignements détaillés sur les faits, preuves et observations, telle que visée par l’article 42, paragraphe 3, du règlement n°  40/94 et par la règle 16, paragraphes 1 et 2, et la règle 20, paragraphe 2, du règlement d’exécution, d’autre part. En vertu de la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution, le non-respect de la première obligation entraînerait l’irrecevabilité de l’opposition, tandis que la non-présentation des renseignements visés en second lieu aurait pour effet qu’il n’en est pas tenu compte dans l’examen au fond de l’opposition.

48
Puisque la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution oblige l’opposant à fournir une traduction dans la langue de procédure des preuves présentées à l’appui de l’opposition, le défaut de présentation d’une telle traduction équivaudrait au défaut de présentation de telles preuves. Dans cette circonstance, la division d’opposition ne pourrait que rejeter l’opposition concernée.

49
L’Office estime, en revanche, que la chambre de recours a considéré à tort que la confiance légitime de l’intervenante avait été violée.

50
À cet égard, premièrement, l’intervenante n’aurait pu légitimement ignorer les dispositions pertinentes, celles-ci étant claires et étant restées inchangées depuis leur adoption.

51
Deuxièmement, ni dans sa télécopie du 7 avril 1999 ni dans celle du 29 juin 1999 la division d’opposition n’aurait donné à l’intervenante d’assurances précises, explicites ou implicites, quant au fait que les preuves apportées satisfaisaient aux exigences linguistiques.

52
Troisièmement, la nature même des notifications telles que la télécopie du 29 juin 1999 les empêcherait d’être précises ou spécifiques. D’abord, il découlerait de l’article 42, paragraphe 3, du règlement n°  40/94, de la règle 16, paragraphe 3, et de la règle 20, paragraphe 2, du règlement d’exécution que le rôle de l’Office est d’inviter l’opposant en termes généraux à soumettre des faits, preuves et observations, et non à signaler des irrégularités particulières. Le signalement de telles irrégularités nécessiterait un examen au fond de l’affaire avant que de tels faits, preuves et observations soient présentés, situation que le législateur n’aurait pas envisagée et qui serait exclue par la nature contradictoire de la procédure d’opposition. Ensuite, il résulterait de l’article 74 du règlement no 40/94 et de la règle 16, paragraphe 3, du règlement d’exécution que, une fois que l’opposition est jugée recevable, les parties sont libres quant à la présentation de leur affaire. Enfin, il résulterait de l’article 74, paragraphe 1, du règlement no 40/94 que l’Office n’est pas autorisé à aider l’opposant à l’égard des faits, preuves et observations à présenter. Ces principes s’appliqueraient par analogie aux exigences linguistiques.

53
En se référant à plusieurs décisions des chambres de recours, l’Office fait observer encore qu’il n’existe pas de consensus sur la question de savoir si la formule standard telle qu’employée dans la télécopie du 29 juin 1999 est suffisamment claire. Néanmoins, selon l’Office, la réponse à cette question doit être affirmative.

54
L’intervenante fait valoir que, du moment que chacune des parties connaît sans ambiguïté l’essentiel des faits, des preuves et des observations sur lesquels l’autre partie entend se fonder, l’opposition doit être considérée comme correctement motivée.

55
En l’espèce, l’acte d’opposition aurait indiqué qu’une copie des certificats d’enregistrement était jointe au formulaire d’opposition et que l’opposition était fondée sur tous les produits pour lesquels les marques antérieures avaient été enregistrées. Selon l’intervenante, la télécopie du 7 avril 1999 signifiait tout naturellement que les listes des produits visés par ces certificats faisaient partie de l’acte d’opposition et devaient être traduites dans la langue de la procédure d’opposition. Cette traduction aurait été fournie le 28 mai 1999. Ainsi, les informations essentielles pour déterminer le bien-fondé de l’opposition auraient été soit directement contenues dans l’acte d’opposition soit intégrées dans cet acte par la référence qui y était faite à la traduction des listes des produits fournie par télécopie du 28 mai 1999.

56
L’intervenante fait observer qu’il n’est pas nécessaire de traduire la totalité des informations contenues dans un certificat d’enregistrement, car certaines informations qu’il contient sont dépourvues de pertinence ou sont intraduisibles, par exemple les noms et les chiffres, et qu’il n’est en outre pas nécessaire de traduire une information, par exemple une date de priorité, lorsqu’elle n’est pas invoquée. Lors de l’audience, elle a ajouté à cet égard que, lorsqu’on ne se fonde que sur une petite partie d’un long document, il lui semblait disproportionné et irraisonnable de devoir traduire l’ensemble du document.

57
Elle ajoute, en se référant à la règle 16, paragraphes 1 et 2, du règlement d’exécution, qu’il n’y a aucune obligation de fournir une traduction complète des certificats d’enregistrement des marques antérieures.

58
Lors de l’audience, elle a également fait valoir que la preuve de la validité et le statut juridique de la marque sur laquelle l’opposition est fondée ne découlaient pas de la traduction des certificats d’enregistrement, mais bien des certificats d’enregistrement eux-mêmes.

59
Par ailleurs, l’intervenante soutient, quant à la télécopie du 29 juin 1999, que celle-ci, prise dans son sens normal, signifiait que l’irrégularité constatée dans la télécopie du 7 avril 1999 avait été réparée et que l’opposition ne serait donc pas rejetée comme irrecevable. L’observation dans cette télécopie relative à la langue de procédure se référerait aux faits, preuves ou observations supplémentaires, et non à ceux déjà présentés. Si la division d’opposition considérait que ladite irrégularité n’avait pas été réparée, il lui appartenait en bonne logique, selon l’intervenante, de rejeter l’opposition comme irrecevable, ce qui n’a pas été le cas.

60
L’intervenante approuve le raisonnement de la chambre de recours selon lequel elle pouvait faire valoir une attente légitime, fondée sur les indications de la division d’opposition, quant au fait qu’elle s’était conformée aux exigences requises pour que l’opposition puisse être considérée comme fondée.

61
Enfin, elle cite cinq décisions des chambres de recours de l’Office, dans lesquelles il aurait été décidé qu’il n’était pas nécessaire de traduire l’intégralité des informations contenues dans les certificats d’enregistrement concernés et, dans deux de ces décisions, que, en raison du comportement de la division d’opposition, l’opposant concerné pouvait faire valoir une confiance légitime quant au fait d’avoir rempli les exigences à cet égard.

Appréciation du Tribunal

62
Dans son argumentation au soutien du moyen unique, la requérante distingue la question des exigences linguistiques de la procédure d’opposition, et notamment celle de la violation de la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution, de la question de la violation, par la division d’opposition, de la confiance légitime de l’intervenante. La même distinction est retenue également par l’Office et l’intervenante. Aux fins de l’examen du moyen unique, il convient de retenir cette distinction.

Sur les exigences linguistiques de la procédure d’opposition

63
En ce qui concerne les exigences linguistiques relatives aux marques antérieures sur lesquelles se fonde l’opposition, la chambre de recours a considéré, au point 23 de la décision attaquée que « [l’]opposante [l’intervenante devant le Tribunal] devrait donc produire, dans la langue de procédure, les données exactes qui figurent dans le registre ». Elle a ajouté que, en l’espèce, il ne faisait aucun doute que l’opposante n’avait pas présenté la traduction complète des documents émis ou publiés par les autorités compétentes à cet effet. À cet égard, il convient de constater que cette dernière considération n’est contestée par aucune des parties.

64
En l’espèce, il est constant que l’acte d’opposition indiquait qu’une copie des certificats d’enregistrement était jointe au formulaire d’opposition, que l’opposition était fondée sur tous les produits pour lesquels les marques antérieures avaient été enregistrées, mais que les listes de ces produits n’étaient pas accompagnées d’une traduction dans la langue de la procédure d’opposition.

65
Dès lors, l’acte d’opposition ne répondait pas à l’exigence linguistique résultant de la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), et de la règle 17, paragraphe 1, du règlement d’exécution, puisque l’acte d’opposition ne comportait pas de traduction, dans la langue de procédure, des listes des produits et services pour lesquels les marques antérieures ont été enregistrées. Cette situation ne figure pas parmi les cas mentionnés à la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’exécution, mais relève de la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution, qui vise les cas où l’acte d’opposition ne satisfait pas à d’autres dispositions du règlement n°  40/94 ou du règlement d’exécution que celles mentionnées par la règle 18, paragraphe 1, du règlement d’exécution, ces autres dispositions étant, en l’espèce, la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), et la règle 17, paragraphe 1, du règlement d’exécution.

66
Par conséquent, en invitant l’intervenante, par télécopie du 7 avril 1999, à fournir une traduction, dans la langue de procédure, des listes des produits et services pour lesquels les marques antérieures ont été enregistrées, la division d’opposition a agi de manière conforme à la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), à la règle 17, paragraphe 1, et à la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution. En tête de cette télécopie, il est d’ailleurs fait mention « [d]es règles 15 et 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution (« [r]ule 15 and 18 (2) of the Implementing Regulation »).

67
Il est également constant que, le 28 mai 1999, l’intervenante a fourni une traduction, dans la langue de procédure, des listes des produits et services pour lesquels les marques antérieures ont été enregistrées. Ainsi, l’acte d’opposition est devenu conforme aux « autres dispositions du règlement [n°  40/94] ou [du règlement d’exécution] », telles que visées par la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

68
Ensuite, par télécopie du 29 juin 1999, la division d’opposition a alloué à l’intervenante un délai pour présenter les faits, preuves ou observations supplémentaires que celle-là jugerait utiles à l’appui de l’opposition, tout en indiquant que tout document devait être rédigé dans la langue de la procédure d’opposition ou être accompagné d’une traduction.

69
Il convient de constater, à cet égard, que cette télécopie est conforme à l’article 42 du règlement n°  40/94, à la règle 16, paragraphes 2 et 3, et à la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution, dans la mesure où ces dispositions prévoient que les faits, preuves, ou observations à présenter à l’appui de l’opposition peuvent l’être dans un délai imparti par l’Office. En tête de cette télécopie, il est d’ailleurs fait mention de la règle 19, paragraphe 1, de la règle 16, paragraphe 3, de la règle 17, paragraphe 2, et de la règle 20, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

70
Il est vrai, en outre, que la division d’opposition n’a pas informé l’opposante de l’absence d’une traduction des certificats d’enregistrement, telle que visée par la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution. Toutefois, ainsi qu’il ressort de l’arrêt Chef, précité (points 52 et 53), les exigences légales concernant les preuves ainsi que leur traduction dans la langue de procédure de l’opposition constituent des conditions de fond de l’opposition et, dès lors, la division d’opposition n’était pas obligée de signaler à l’intervenante l’irrégularité consistant en son omission de produire une traduction des certificats d’enregistrement des marques antérieures. Il convient de rappeler, à cet égard, que l’absence d’une traduction des listes des produits et services couverts par les marques enregistrées est contraire à la règle 15, paragraphe 2, sous b), vii), et à la règle 17, paragraphe 1, du règlement d’exécution et relève, dès lors, de la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution. En revanche, l’absence d’une traduction des certificats d’enregistrement des marques antérieures n’est contraire à aucune disposition du règlement n°  40/94 ou du règlement d’exécution visée par la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

71
Il convient d’examiner, au vu de ce qui précède, les arguments avancés par l’intervenante, exposés aux points 54 et suivants ci-dessus.

72
Au préalable, il convient de relever que, ainsi qu’il ressort de la jurisprudence, la règle selon laquelle les preuves présentées à l’appui de l’opposition doivent être présentées dans la langue de la procédure d’opposition ou être accompagnées d’une traduction dans cette langue se justifie par la nécessité de respecter le principe du contradictoire ainsi que l’égalité des armes entre les parties dans les procédures inter partes. S’il est vrai que, ainsi que l’intervenante le soutient, l’opposant n’a aucune obligation de fournir une traduction complète des certificats d’enregistrement des marques antérieures, cela n’implique pas que la division d’opposition, quant à elle, a l’obligation de prendre en compte, lors de l’examen au fond de l’opposition, des certificats d’enregistrement fournis dans une langue autre que celle de la procédure d’opposition. En l’absence de traduction des certificats d’enregistrement dans la langue de procédure, la division d’opposition peut légitimement rejeter l’opposition comme non fondée, à moins qu’elle ne puisse statuer sur celle-ci autrement en se fondant sur des preuves éventuellement déjà à sa disposition, conformément à la règle 20, paragraphe 3, du règlement d’exécution (arrêt Chef, précité, points 42, 44, 60 et 61). Il convient d’ajouter que cette dernière exception n’a pas été invoquée en l’espèce.

73
Quant à l’argument selon lequel la preuve concernant les marques sur lesquelles l’opposition est fondée découle non pas de la traduction des certificats d’enregistrement, mais de ceux-ci mêmes, il convient de relever que, si la preuve découle en effet des certificats d’enregistrement et non pas d’une traduction de ceux-ci, il n’en reste pas moins que, pour que cette preuve puisse être prise en compte, elle doit satisfaire aux exigences linguistiques consacrées par la règle 17, paragraphe 2, du règlement d’exécution.

74
Quant à la nécessité, contestée par l’intervenante, de traduire l’intégralité des documents en question, il convient de relever que la question de savoir si certains éléments des documents concernés peuvent être considérés comme étant sans pertinence pour l’opposition en cause et, dès lors, ne pas faire l’objet d’une traduction, relève de la libre appréciation de l’opposant, étant observé, toutefois, que seuls les éléments effectivement traduits dans la langue de procédure doivent être pris en considération par la division d’opposition. Par ailleurs, en l’espèce, il ressort du dossier que la longueur des documents fournis en néerlandais, en italien et en français n’est pas telle, notamment par rapport à la liste des produits traduite, que l’obligation d’en fournir une traduction puisse être qualifiée de disproportionnée et de déraisonnable.

75
Pour ce qui est de l’argument tiré par l’intervenante des décisions des chambres de recours de l’Office, il suffit de rappeler que les décisions concernant l’enregistrement d’un signe en tant que marque communautaire que les chambres de recours sont amenées à prendre, en vertu du règlement n°  40/94, relèvent de la compétence liée et non d’un pouvoir discrétionnaire. Dès lors, la légalité des décisions des chambres de recours doit être appréciée uniquement sur la base de ce règlement, tel qu’interprété par le juge communautaire, et non sur la base d’une pratique décisionnelle antérieure de celles-ci [voir, notamment, arrêt du Tribunal du 20 novembre 2002, Bosch/OHMI (Kit Pro et Kit Super Pro), T‑79/01 et T‑86/01, Rec. p. II‑4881, point 32].

76
En ce qui concerne, enfin, l’argument de l’intervenante selon lequel, si la division d’opposition considérait que l’irrégularité constatée dans la télécopie du 7 avril 1999, à savoir l’absence d’une traduction des listes des produits couverts par les enregistrements, n’avait pas été réparée, il lui appartenait en bonne logique de rejeter l’opposition comme irrecevable, ce qu’elle n’a pas fait, il suffit de constater que le présent litige ne porte pas sur l’absence d’une traduction des listes des produits et services couverts par les marques antérieures, mais sur l’absence d’une traduction des certificats d’enregistrement de ces marques antérieures.

77
Aucun des arguments de l’intervenante ne saurait donc être accueilli.

78
Il découle de ce qui précède que la considération de la chambre de recours visée au point 63 ci-dessus, selon laquelle l’intervenante aurait dû produire, dans la langue de procédure, les données exactes qui figurent dans le registre, n’est pas entachée d’une erreur de droit.

Sur la confiance légitime de l’intervenante

79
Au point 24 de la décision attaquée, la chambre de recours a conclu :

« [E]n envoyant les notifications précitées [à savoir, les télécopies du 7 avril 1999 et du 29 juin 1999] la division d’opposition a créé, chez l’opposante, une confiance légitime que les copies des certificats d’enregistrement annexées à l’acte d’opposition n’étaient pas entachées d’irrégularité formelle. L’opposante était en droit de supposer qu’ayant fourni la traduction nécessaire des produits en question, elle avait satisfait aux exigences formelles de la réglementation. »

80
Or, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, le droit de réclamer la protection de la confiance légitime, qui constitue un des principes fondamentaux de la Communauté, s’étend à tout particulier qui se trouve dans une situation de laquelle il ressort que l’administration communautaire, notamment, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître chez lui des espérances fondées (voir, notamment, arrêt du Tribunal du 19 mars 2003, Innova Privat-Akademie/Commission, T-273/01, Rec. p. II‑1093, point 26, et la jurisprudence citée).

81
À cet égard, il convient de constater qu’il ne ressort ni de la décision attaquée ni du dossier devant la chambre de recours que la partie intervenante a invoqué devant celle-ci une quelconque violation du principe de la protection de la confiance légitime. Afin de déterminer si la chambre de recours a considéré, à juste titre, d’office, que la division d’opposition avait fait naître une confiance légitime dans le chef de l’intervenante, il convient d’examiner les éléments du cas d’espèce qui sont pertinents à cet égard.

82
Le premier élément est constitué par la télécopie de la division d’opposition du 7 avril 1999, invitant l’intervenante à fournir une traduction en anglais des produits couverts par les droits antérieurs sous peine d’irrecevabilité de l’opposition. Selon la chambre de recours, la formulation de ce courrier était trompeuse en ce qu’elle laissait entendre que la seule chose qui manquait était la traduction en anglais de la liste de produits sans indiquer qu’il fallait fournir une traduction complète des certificats d’enregistrement.

83
Le deuxième élément réside dans la phrase de la télécopie du 28 mai 1999 de l’intervenante invitant l’Office à faire savoir à celle-là s’il avait besoin d’informations complémentaires. Se référant à cette phrase, la chambre de recours a considéré, au point 21 de la décision attaquée, que, « [e]n l’absence de réponse de la division d’opposition, l’opposante a[vait] logiquement conclu (mais à tort) que tout était en ordre avec l’opposition ».

84
Le troisième élément concerne la phrase contenue dans la télécopie du 29 juin 1999 de la division d’opposition indiquant à l’intervenante qu’il lui était « alloué un dernier délai de […] pour apporter tout fait, toute preuve ou toute observation supplémentaire [qu’elle] juger[ait] utile pour étayer [son] opposition », lue en combinaison avec la télécopie du 7 avril 1999 de la division d’opposition. Selon la chambre de recours, cette communication n’a pas éclairci le malentendu créé par les deux communications antérieures.

85
Or, l’analyse de ces trois éléments effectuée par la chambre de recours ne saurait être partagée.

86
S’agissant, tout d’abord, de la télécopie de la division d’opposition du 7 avril 1999, il convient de signaler que cette télécopie renvoie expressément à la règle 15 et à la règle 18, paragraphe 2, du règlement d’exécution et qu’elle signale uniquement que l’indication des produits et services n’a pas été fournie dans la langue de la procédure d’opposition. Or, en l’absence de références précises, notamment, aux règles 16 et 17 du même règlement, cette télécopie n’était pas susceptible de fonder la confiance légitime, dans le chef de l’intervenante, quant au fait d’avoir respecté l’exigence dictée par la règle 17, paragraphe 2, dudit règlement quant à la production des preuves et des pièces justificatives dans la langue de la procédure. Cette appréciation est corroborée par le fait que l’intervenante elle-même n’a pas invoqué cette télécopie pour se prévaloir de la confiance légitime.

87
Pour ce qui est du deuxième élément susmentionné, il y a lieu de relever qu’une telle communication, émanant de l’intervenante elle-même, ne peut pas être assimilée à un comportement de l’administration communautaire susceptible de faire naître des espérances fondées dans le chef de l’opposant. En effet, l’on ne saurait fonder une confiance légitime sur l’agissement unilatéral de la partie qui en bénéficierait. Par ailleurs, comme l’Office l’a fait observer à juste titre, cette hypothèse imposerait à la division d’opposition une obligation de porter assistance à l’opposant, incompatible avec ce système.

88
Concernant le troisième élément susvisé, à savoir, la phrase figurant dans la télécopie du 29 juin 1999, citée ci-dessus au point 84, il convient de relever que cette phrase, compte tenu en particulier de l’utilisation du terme « supplémentaire », lue en combinaison avec la télécopie du 7 avril 1999, n’était pas non plus de nature à faire naître une espérance fondée dans le chef de l’intervenante quant au fait que les certificats d’enregistrement soumis satisfaisaient aux exigences linguistiques pertinentes. En effet, cette lettre ne comporte aucune précision à cet égard. Or, si cette lettre n’était pas susceptible de dissiper un éventuel malentendu ou un doute de l’intervenante, il appartenait à celle-ci de se renseigner, le cas échéant, auprès de l’Office.

89
De plus, la chambre de recours a considéré à tort, au point 22 de la décision attaquée, que cette télécopie du 29 juin 1999 informait l’intervenante qu’elle disposait d’un délai de quatre mois pour présenter d’autres faits, preuves ou arguments qu’elle jugerait utiles pour étayer son opposition et que « les documents » devaient être fournis dans la langue de procédure ou accompagnés d’une traduction (« that the documents must be in the language of the proceedings or accompanied by a translation ». En réalité, il est indiqué dans cette télécopie que « tout document » doit être rédigé dans la langue de la procédure d’opposition ou être accompagné d’une traduction (« Please note that documents must be in the language of the proceedings or accompagnied by a translation »). Cette indication sur la langue de procédure ne saurait donc être interprétée comme se référant uniquement à ces « autres faits, preuves ou arguments ». Au contraire, elle est générale et, ainsi, fait également obstacle à ce que la télécopie du 29 juin 1999 puisse être interprétée comme signifiant que les copies de certificats d’enregistrement, jointes à l’acte d’opposition, satisfaisaient aux exigences linguistiques.

90
Enfin, en faisant valoir que la télécopie du 29 juin 1999, prise dans son sens normal, signifiait que l’irrégularité constatée dans la télécopie du 7 avril 1999, à savoir l’absence d’une traduction dans la langue de procédure des listes de produits couverts par les marques antérieures, avait été réparée, l’intervenante admet elle-même que cette télécopie ne saurait être interprétée comme signifiant que les certificats d’enregistrement, eux, satisfaisaient également aux exigences linguistiques.

91
L’intervenante fait encore valoir que dans deux des cinq décisions des chambres de recours qu’elle cite, il a été décidé qu’en raison du comportement de la division d’opposition l’opposant concerné pouvait faire valoir une confiance légitime quant au fait d’avoir rempli les exigences quant à la traduction des informations contenues dans les certificats d’enregistrement concernés.

92
À cet égard, il y a lieu de rappeler que, ainsi qu’il a été considéré ci-dessus, et abstraction faite de la question de savoir si ces décisions sont ou non conformes à la jurisprudence précitée concernant la confiance légitime, la légalité des décisions des chambres de recours ne saurait être appréciée sur la base de décisions antérieures de celles-ci (arrêt Kit Pro et Kit Super Pro, précité, point 32).

93
Dans ces conditions, il y a lieu de conclure que la chambre de recours a commis une erreur de droit en considérant que la division d’opposition avait créé, chez l’intervenante, une confiance légitime quant au fait que les copies des certificats d’enregistrement annexées à l’acte d’opposition n’étaient pas entachées d’irrégularité formelle.

94
Il résulte de tout ce qui précède que le moyen unique d’annulation doit être accueilli. Dès lors, il y a lieu d’annuler la décision attaquée dans la mesure demandée.


Sur les dépens

95
Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96
En l’espèce, l’intervenante a succombé dans la mesure où il y a lieu d’annuler la décision attaquée, conformément aux conclusions de la requérante. Toutefois, cette dernière n’a pas conclu à ce que l’intervenante soit condamnée aux dépens, mais à ce que l’Office soit condamné auxdits dépens, y compris ceux exposés par elle dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

97
À cet égard, il y a lieu de relever que, même si l’Office a soutenu le premier chef de conclusions présenté par la requérante, il convient de le condamner aux dépens exposés par celle-ci dès lors que la décision entreprise émane de sa chambre de recours. Par conséquent, il y a lieu d’ordonner que, conformément aux conclusions de la requérante, l’Office supportera les dépens exposés par celle-là, y compris ceux exposés par elle dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours, et que l’intervenante supportera ses propres dépens.


Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête:

1)
La décision de la première chambre de recours de l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI) du 17 janvier 2002 (affaire R 1003/2000-1) est annulée dans la mesure où elle annule la décision de la division d’opposition du 7 septembre 2000, renvoie l’affaire devant la division d’opposition pour suite à donner et condamne chaque partie à supporter les dépens exposés dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

2)
L’Office est condamné aux dépens exposés par la requérante, y compris ceux exposés par cette dernière dans le cadre de la procédure devant la chambre de recours.

3)
L’intervenante supportera ses propres dépens.

Forwood

Pirrung

Meij

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 juin 2004.

Le greffier

Le président

H. Jung

J. Pirrung


1
Langue de procédure : l'anglais.