Language of document : ECLI:EU:T:2015:638

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

15 septembre 2015 (*)

« Agriculture – Organisation commune des marchés – Secteur des fruits et légumes – Aide financière nationale accordée aux organisations de producteurs – Décision d’exécution de la Commission concernant le remboursement par l’Union de l’aide financière nationale accordée par la Hongrie à ses organisations de producteurs – Article 103 sexies du règlement (CE) no 1234/2007 – Article 97 du règlement (CE) no 1580/2007 »

Dans l’affaire T‑346/12,

Hongrie, représentée initialement par M. M. Fehér et Mme K. Szíjjártó, puis par M. Fehér, en qualité d’agents,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par MM. B. Béres, N. Donnelly et B. Schima, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande d’annulation de la décision C (2012) 3324 de la Commission, du 25 mai 2012, concernant l’aide financière nationale accordée aux organisations de producteurs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme K. Andová, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 11 novembre 2014,

rend le présent

Arrêt

 Cadre juridique

 Règlement OCM unique

1        Le règlement (CE) no 1234/2007 du Conseil, du 22 octobre 2007, portant organisation commune des marchés dans le secteur agricole et dispositions spécifiques en ce qui concerne certains produits de ce secteur (règlement « OCM unique ») (JO L 299, p. 1), pose les principes généraux gouvernant l’aide financière nationale, tant au niveau de son octroi que de son remboursement par la Commission européenne.

2        L’article 103 ter du règlement OCM unique habilite les organisations de producteurs à constituer des fonds opérationnels financés comme suit :

« 1.      Les organisations de producteurs dans le secteur des fruits et légumes peuvent constituer un fonds opérationnel. Le fonds est financé par :

a)      les contributions financières versées par les membres ou l’organisation de producteurs elle‑même ;

b)      l’aide financière [de l’Union européenne] qui peut être octroyée aux organisations de producteurs.

[…] »

3        L’article 103 quinquies du règlement OCM unique régit l’« aide financière [de l’Union] » et dispose :

« 1.      L’aide financière [de l’Union] est égale au montant des contributions financières visées à l’article 103 ter, paragraphe 1, point a), effectivement versées et est limitée à 50 % du montant des dépenses réelles effectuées.

2.      L’aide financière [de l’Union] est plafonnée à 4,1 % de la valeur de la production commercialisée de chaque organisation de producteurs.

Ce pourcentage peut toutefois être porté à 4,6 % de la valeur de la production commercialisée à condition que le montant qui excède 4,1 % de la valeur de la production commercialisée soit uniquement destiné à des mesures de prévention et de gestion des crises.

[…] »

4        L’article 103 sexies du règlement OCM unique régit l’« aide financière nationale », seule concernée par le litige.

5        Avant sa modification par l’article 4, point 29, du règlement (CE) no 72/2009 du Conseil, du 19 janvier 2009, modifiant les règlements (CE) no 247/2006, (CE) no 320/2006, (CE) no 1405/2006, OCM unique, (CE) no 3/2008 et (CE) no 479/2008 et abrogeant les règlements (CEE) no 1883/78, (CEE) no 1254/89, (CEE) no 2247/89, (CEE) no 2055/93, (CE) no 1868/94, (CE) no 2596/97, (CE) no 1182/2005 et (CE) no 315/2007 en vue d’adapter la politique agricole commune (JO 2009, L 30, p. 1), l’article 103 sexies du règlement OCM unique disposait, dans sa version telle que modifiée par le règlement (CE) no 361/2008 du Conseil du 14 avril 2008 (JO L 121, p. 1) :

« 1.      Dans les régions des États membres où le degré d’organisation des producteurs dans le secteur des fruits et légumes est particulièrement faible, les États membres peuvent être autorisés par la Commission, sur demande dûment justifiée, à verser aux organisations de producteurs une aide financière nationale égale au maximum à 80 % des contributions financières visées à l’article 103 ter, paragraphe 1, point a). Cette aide s’ajoute au fonds opérationnel. Dans les régions des États membres dont moins de 15 % de la valeur de la production de fruits et légumes est commercialisée par des organisations de producteurs et dont la production de fruits et légumes représente au moins 15 % de la production agricole totale, l’aide visée au premier alinéa peut être remboursée par [l’Union] à la demande de l’État membre concerné.

2.      Par dérogation à l’article 180 du présent règlement, les articles 87, 88 et 89 du traité ne s’appliquent pas à l’aide financière nationale autorisée en vertu du paragraphe 1. »

6        Le règlement no 72/2009 a transféré le paragraphe 2 ci‑dessus relatif à l’applicabilité des articles 87, 88 et 89 CE dans un nouvel article 180, libellé de la façon suivante :

« Les articles 87, 88 et 89 du traité s’appliquent à la production et au commerce des produits visés à l’article 1er, paragraphe 1, points a) à k) et m) à u), et paragraphe 3, du présent règlement.

Toutefois, les articles 87, 88 et 89 du traité ne s’appliquent pas aux paiements effectués conformément au présent règlement par les États membres au titre des articles 44, 45, 46, 47, 48, 102, 102 bis, 103, 103 bis, 103 ter, 103 sexies, 103 octies bis, 104, 105 et 182 du présent règlement. »

7        Le considérant 20 du règlement no 72/2009 justifie ce choix comme suit :

« Par souci de sécurité juridique et de simplicité, il convient de préciser et d’harmoniser les dispositions concernant la non‑application des articles 87, 88 et 89 du traité aux paiements effectués par les États membres conformément aux dispositions du règlement (CE) no 1234/2007 […]. Dans ce contexte, il convient d’exclure du champ d’application des règles régissant les aides d’État, les dispositions de ces règlements qui, autrement, relèveraient ou pourraient relever, dans certaines circonstances, de la notion d’aide d’État au sens de l’article 87, paragraphe 1, du traité. Les dispositions concernées prévoient les conditions appropriées garantissant que l’octroi des aides n’entraînera pas de distorsion de concurrence indue. »

8        L’article 103 octies du règlement OCM unique régit les dispositions relatives à l’approbation des programmes opérationnels :

« 1.      Le projet de programme opérationnel est présenté aux autorités nationales compétentes, qui l’approuvent, le refusent ou en demandent la modification, dans le respect des dispositions de la présente sous‑section.

2.      Les organisations de producteurs communiquent à l’État membre le montant prévisionnel du fonds opérationnel pour chaque année et présentent à cet effet des justifications appropriées fondées sur les prévisions du programme opérationnel, les dépenses de l’année en cours et éventuellement les dépenses des années précédentes, ainsi que, le cas échéant, sur les estimations des quantités de la production de l’année suivante.

3.      L’État membre signifie à l’organisation de producteurs ou à l’association d’organisations de producteurs le montant prévisionnel de l’aide financière [de l’Union], selon les limites fixées à l’article 103 quinquies.

[…] »

9        L’article 103 nonies du règlement OCM unique dispose :

« La Commission arrête les modalités d’application de la présente section et notamment :

[…]

b)      la proportion du remboursement des mesures visées à l’article 103 sexies, paragraphe 1, et les modalités de ce remboursement ;

[…] »

 Règlement no 1580/2007

10      Le règlement (CE) no 1580/2007 de la Commission, du 21 décembre 2007, portant modalités d’application des règlements (CE) no 2200/96, (CE) no 2201/96 et (CE) no 1182/2007 du Conseil dans le secteur des fruits et légumes (JO L 350, p. 1), fixe les modalités d’application du règlement OCM unique dans le secteur des fruits et légumes et prévoit, en particulier, les modalités du remboursement partiel par la Commission de l’aide financière nationale.

11      L’article 56 du règlement no 1580/2007 prévoit la communication par les organisations de producteurs à l’État membre concerné de leur estimation relative au montant du fonds opérationnel :

« Les organisations de producteurs communiquent à l’État membre, au plus tard le 15 septembre et en même temps que les programmes opérationnels ou les demandes d’approbation de leurs modifications, les montants prévisionnels de la participation [de l’Union] ainsi que des contributions de ses membres et de l’organisation de producteurs elle‑même aux fonds opérationnels pour l’année suivante.

Les États membres peuvent fixer une date postérieure au 15 septembre.

Le calcul du montant prévisionnel des fonds opérationnels est fondé sur les programmes opérationnels et sur la valeur de la production commercialisée. Il est scindé entre les dépenses relatives aux mesures de prévention et de gestion des crises et les autres mesures. »

12      L’article 64 du règlement no 1580/2007 prévoit la présentation des programmes opérationnels et prescrit :

« [Les] organisations de producteurs soumettent les programmes opérationnels pour approbation à l’autorité compétente de l’État membre dans lequel elles ont leur siège au plus tard le 15 septembre de l’année précédant celle au cours de laquelle les programmes opérationnels doivent être mis en œuvre. Toutefois, les États membres peuvent reculer cette date. »

13      L’article 65 du règlement no 1580/2007 régit l’approbation par les autorités nationales des programmes opérationnels :

« 1.      L’autorité nationale compétente, selon le cas :

a)      approuve les montants des fonds et les programmes qui satisfont aux dispositions du règlement (CE) no 1182/2007 et à celles du présent chapitre ;

b)      approuve les programmes, sous réserve de l’acceptation de certaines modifications par l’organisation de producteurs, ou

c)      rejette les programmes ou une partie des programmes.

2.      L’autorité nationale compétente prend une décision sur les programmes et les fonds au plus tard le 15 décembre de l’année de la présentation.

Les États membres informent les organisations de producteurs de leur décision le 15 décembre au plus tard.

Toutefois, pour des raisons dûment justifiées, l’autorité nationale compétente peut prendre une décision sur les programmes opérationnels et les fonds au plus tard le 20 janvier qui suit la demande. La décision d’approbation peut prévoir que les dépenses sont admissibles à partir du 1er janvier de l’année qui suit la demande. »

14      L’article 1er, point 8, du règlement (CE) no 1327/2008 de la Commission, du 19 décembre 2008, modifiant le règlement no 1580/2007 (JO L 345, p. 24), introduit cependant des dispositions spéciales en ce qui concerne l’année 2009. Ces dispositions se lisent comme suit :

« 8)      À l’article 152, les paragraphes suivants sont ajoutés :

‘9.      Par dérogation à l’article 65, paragraphe 2, troisième alinéa, du présent règlement, le délai dont disposent les États membres pour arrêter une décision concernant les programmes et les fonds opérationnels pour 2009 peut être prorogé, pour des raisons dûment justifiées, jusqu’au 1er mars 2009 au plus tard. La décision d’approbation peut préciser que les dépenses sont admissibles à compter du 1er janvier 2009.’

[...] » 

15      L’article 99 du règlement no 1580/2007 régit la communication des données exigées des États membres en relation avec les programmes opérationnels. Le paragraphe 2 de cette disposition prévoit plus particulièrement que « [les] États membres communiquent à la Commission, au plus tard le 31 janvier, le montant total du fonds opérationnel approuvé pour l’année pour l’ensemble des programmes opérationnels », que « [s]ont précisés tant le montant total du fonds opérationnel que le montant total du financement [par l’Union] en faveur dudit fonds » et que « [c]es chiffres sont en outre ventilés entre les montants destinés aux mesures de prévention et de gestion des crises et les montants destinés aux autres mesures ».

16      L’article 67 du règlement no 1580/2007 régit la modification des programmes opérationnels pour l’année en cours :

« 1.      Les États membres peuvent autoriser la modification des programmes opérationnels pour l’année en cours, dans des conditions qu’ils définissent eux‑mêmes.

2.      L’autorité nationale compétente peut autoriser les organisations de producteurs, pour l’année en cours :

a)      à ne mettre en œuvre que partiellement leurs programmes opérationnels ;

b)      à modifier le contenu du programme opérationnel, et notamment, si nécessaire, à prolonger sa durée, pour autant que celle‑ci ne dépasse pas cinq ans au total ;

c)      à augmenter le montant du fonds opérationnel de 25 % au maximum du montant initialement approuvé ou à le diminuer d’un pourcentage à fixer par les États membres, à condition que les objectifs généraux du programme opérationnel soient maintenus. Les États membres peuvent augmenter ce pourcentage en cas de fusion d’organisations de producteurs au sens de l’article 31, paragraphe 1, et en cas d’application de l’article 94 bis.

3.      Les États membres déterminent les conditions dans lesquelles les programmes opérationnels peuvent être modifiés pour l’année en cours sans autorisation préalable de l’autorité nationale compétente. Pour être éligibles à l’aide, ces modifications doivent être immédiatement communiquées à l’autorité compétente par l’organisation de producteurs. »

17      Le chapitre IV du titre III du règlement no 1580/2007 contient, notamment, les dispositions spécifiques suivantes en ce qui concerne l’aide financière nationale.

18      L’article 93 du règlement no 1580/2007 précise la condition posée à l’article 103 sexies du règlement OCM unique tenant au caractère « particulièrement faible » du degré d’organisation des producteurs d’une région donnée, justifiant l’octroi d’une aide financière nationale :

« Aux fins de [l’article 103 sexies du règlement OCM unique], le degré d’organisation des producteurs d’une région donnée d’un État membre donné est considéré comme particulièrement faible lorsque les organisations de producteurs, les associations d’organisations de producteurs et les groupements de producteurs ont commercialisé moins de 20 % de la valeur moyenne de la production de fruits et légumes au cours des trois dernières années pour lesquelles l’information est disponible. »

19      L’article 94 du règlement no 1580/2007 tel que modifié par le règlement (CE) no 590/2008 de la Commission, du 23 juin 2008, modifiant le règlement no 1580/2007 et dérogeant à ce règlement (JO L 163, p. 24), régit les conditions tenant à l’autorisation, par la Commission, du paiement de l’aide financière nationale :

« 1.      Pour les programmes opérationnels à mettre en œuvre au cours d’une année civile donnée, les États membres présentent à la Commission, au plus tard le 31 janvier de ladite année, une demande d’autorisation d’octroi de l’aide financière nationale en vertu de l’article 11, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement (CE) no 1182/2007.

La demande est accompagnée de pièces justificatives montrant que le degré d’organisation des producteurs de la région concernée est particulièrement faible, au sens de l’article 93 du présent règlement, et indiquant les coordonnées des organisations de producteurs concernées, le montant de l’aide ainsi que la proportion des contributions financières versées conformément à [l’article 103 ter, paragraphe 1, sous a), du règlement OCM unique].

2.      La Commission approuve ou rejette la demande dans un délai de trois mois à compter de sa présentation. En l’absence de réaction de la Commission dans le délai précité, la demande est réputée approuvée. »

20      L’article 94 bis du règlement no 1580/2007 tel qu’inséré par le règlement no 590/2008 dispose :

« Une organisation de producteurs souhaitant demander l’aide financière nationale modifie, si nécessaire, son programme opérationnel conformément à l’article 67. »

21      L’article 96 du règlement no 1580/2007 définit le pourcentage maximal de remboursement par l’Union européenne de l’aide financière nationale :

« L’aide financière nationale est remboursée par [l’Union] jusqu’à concurrence de 60 % de l’aide financière nationale accordée à l’organisation de producteurs. »

22      L’article 97 du règlement no 1580/2007 tel que modifié par le règlement no 590/2008 organise la procédure de remboursement de l’aide financière nationale et prévoit :

«1.      Les États membres demandent le remboursement par [l’Union] de l’aide financière nationale approuvée, effectivement versée aux organisations de producteurs, avant le 1er janvier de la deuxième année suivant celle de la mise en œuvre du programme.

La demande est accompagnée de pièces justificatives montrant que les conditions énoncées à l’article 11, paragraphe 1, second alinéa, du règlement (CE) no 1182/2007 ont été remplies pendant une durée de trois ans sur les quatre années écoulées, et indiquant les coordonnées des organisations de producteurs concernées, le montant de l’aide effectivement payée ainsi que la répartition du fonds opérationnel : montant total, contributions de [l’Union], des États membres (aide financière nationale), des organisations de producteurs et des membres.

2.      La Commission décide d’approuver ou de rejeter la demande.

3.      Lorsqu’un remboursement de l’aide par [l’Union] a été approuvé, les dépenses admissibles sont déclarées à la Commission conformément à la procédure décrite à l’article 5 du règlement (CE) no 883/2006 de la Commission. »

 Règlement d’exécution no 543/2011

23      Le 7 juin 2011, la Commission a adopté règlement d’exécution (UE) no 543/2011, portant modalités d’application du règlement OCM unique en ce qui concerne les secteurs des fruits et légumes et des fruits et légumes transformés (JO L 157, p. 1).

24      Ce règlement abroge le règlement no 1580/2007. Il pose, à l’instar du règlement no 1580/2007, les modalités d’application du règlement OCM unique dans le secteur des fruits et légumes.

25      Le règlement d’exécution no 543/2011, comme le règlement no 1580/2007, fonde l’assiette du remboursement par l’Union sur « l’aide approuvée effectivement versée » (article 95, paragraphe 1, du règlement d’exécution no 543/2011 et article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007). L’article 95, paragraphe 2, dudit règlement, précise que « la demande [de remboursement] est rejetée lorsque les règles applicables à l’autorisation et au remboursement de l’aide financière n’ont pas été respectées ».

 Antécédents du litige

26      Le 15 septembre 2008, les organisations de producteurs souhaitant bénéficier de l’aide financière hongroise ont présenté les demandes d’approbation de leurs programmes opérationnels au Vidékfejletési Minisztérium (ministère du développement rural hongrois, ci‑après le « VM »).

27      Le 15 novembre 2008, elles ont notifié leurs estimations des fonds opérationnels destinés à financer les programmes opérationnels. Ces programmes ainsi que ces estimations ont été approuvés, au niveau national, entre la mi‑janvier et le début mars 2009.

28      Par courrier du 30 janvier 2009, le VM a introduit auprès de la Commission, conformément à l’article 94 du règlement no 1580/2007, une demande d’autorisation de paiement de l’aide financière nationale à 29 organisations de producteurs ayant mis en place des programmes opérationnels, approuvés en 2009. Le VM a indiqué que le montant maximal prévisionnel de l’aide financière nationale devrait s’élever, au total, à 3 487 518 euros.

29      Par courrier du 11 mars 2009, le VM a apporté des corrections à son précédent courrier du 30 janvier 2009. Le VM a exposé qu’il était seulement en possession d’estimations sur les fonds opérationnels à la date du 30 janvier 2009, alors qu’il disposait désormais des données définitivement approuvées sur la base de l’approbation donnée dans l’intervalle aux programmes et aux fonds opérationnels. Le VM a procédé dans cette lettre à des modifications par rapport aux régions bénéficiaires de l’aide et les régions Est et Ouest ont été désignées comme nouvelles bénéficiaires de l’aide financière nationale. Le VM a indiqué qu’il avait l’intention de payer l’aide financière nationale à 27 organisations de producteurs dans la région Est et à 3 organisations de producteurs dans la région Ouest. Il a réitéré, comme dans son précédent courrier, que le montant maximal prévisionnel de l’aide financière nationale à verser ne devrait pas être supérieur, au total, à 3 487 518 euros. Le VM a procédé à une ventilation de ces données en annexe à son courrier en présentant, d’une part, le montant approuvé des contributions financières des membres de l’organisation de producteurs et, d’autre part, le montant approuvé du fonds opérationnel. Il a expliqué ces chiffres en indiquant dans son courrier : « Nous présentons les données détaillées des fonds opérationnels en annexe. Nous avons approuvé les montants qu’il était prévu de financer à partir d’une possible aide nationale dans le cadre de la contribution financière des organisations de producteurs. ».

30      À la suite de ce courrier du 11 mars 2009, la Commission a contacté par téléphone les autorités hongroises pour obtenir des données plus précises sur le montant d’aide financière nationale communiqué, en demandant une ventilation de l’aide par organisation de producteurs.

31      Par courriel du 12 mars 2009, le VM a fourni ces données (ci‑après les « montants d’aide notifiés »). Le VM a indiqué qu’il ne s’agissait que d’estimations en ce qui concerne l’aide financière nationale à accorder, fondées sur l’hypothèse que 3,5 millions d’euros seraient disponibles dans le budget de l’État pour financer ces mesures. Le VM a précisé à cet égard qu’aucune décision n’avait été prise, à ce stade, sur le budget de l’État disponible pour l’aide financière nationale.

32      Par courrier du 3 avril 2009 (ci‑après la « lettre d’autorisation »), la Commission a fait savoir au VM que, dans les régions concernées (région Ouest et région Est), le degré d’organisation des producteurs devait être qualifié de particulièrement faible, que l’aide d’État envisagée ne dépassait pas 80 % de la contribution des membres ou de l’organisation de producteurs reprise dans la demande d’autorisation de l’octroi de l’aide financière nationale, et que la Commission n’avait pas d’autres commentaires à formuler, la demande d’autorisation de payer l’aide financière nationale aux organisations de producteurs concernées étant dûment justifiée.

33      Par courrier du 7 décembre 2010, le VM a déposé une demande auprès de la Commission tendant au remboursement partiel par l’Union de l’aide financière nationale effectivement versée dans la région Est, en 2009. Dans sa demande, le VM indiquait qu’il avait payé en 2009 une aide financière nationale de 891 847 925 forints hongrois (HUF) (soit 3,2 millions d’euros) aux producteurs de la région Est et demandait le remboursement par l’Union de 60 % de ce montant (soit 535 108 755 HUF ou 1,9 million d’euros).

34      Par courrier du 27 juin 2011, la Commission a demandé au VM de lui communiquer des données supplémentaires en joignant à son courrier six tableaux à compléter, avec notamment des données ventilées par organisation de producteurs récapitulant les différences entre les montants d’aide financière nationale communiqués à la Commission dans la demande d’autorisation et les montants d’aide financière nationale effectivement versés.

35      Le 30 juin 2011, le VM a communiqué les données sollicitées, par courriel.

36      Par courriel du 21 novembre 2011, la Commission a interrogé le VM sur la cause du décalage entre, d’une part, le montant de l’aide financière nationale visé dans la demande d’autorisation de 2009 et, d’autre part, le montant de l’aide financière nationale effectivement versé, le premier étant plus faible que le montant effectivement versé, pour un certain nombre d’organisations de producteurs.

37      Par courriel du 29 novembre 2011, le VM a répondu sur ce point en indiquant que la différence entre les montants d’aide financière nationale communiqués et les montants d’aide financière nationale effectivement versés résultait du fait que les données présentées dans la demande d’autorisation étaient fondées sur des estimations fournies par les organisations de producteurs en novembre 2008. Le VM a souligné que les organisations de producteurs avaient la possibilité d’apporter des modifications au cours de l’année à leurs programmes opérationnels, notamment dans les cas où les recettes effectives dépassaient les estimations. À cet égard, le VM a expliqué que, dans la majeure partie des cas, le niveau de la contribution des membres aux fonds opérationnels était un pourcentage défini des recettes et que, ainsi, les contributions effectives des membres pouvaient différer des contributions estimées, communiquées par les organisations de producteurs au VM l’année d’avant. Le VM indiquait ainsi que l’approbation et le paiement de l’aide financière nationale se faisaient en tenant compte de cette contribution effective, à concurrence de la limite de 80 %, qui s’imposait cependant dans tous les cas.

38      Par courrier du 9 mars 2012, la Commission a indiqué qu’elle entendait procéder au remboursement partiel du montant payé au titre de l’aide financière nationale, par organisation de producteurs, à concurrence des montants notifiés par la Hongrie dans sa demande d’autorisation, à laquelle elle avait fait droit par courrier du 3 avril 2009. La Commission a précisé que l’aide financière nationale accordée en sus de ces montants n’était pas couverte par l’exception à l’application des règles sur les aides d’État posée à l’article 180 du règlement OCM unique. La Commission en a conclu que les sommes payées aux organisations de producteurs en sus des sommes notifiées et autorisées par la Commission, pour chaque organisation de producteurs, pourraient être considérées comme des aides illégales dont la compatibilité avec le marché intérieur pourrait avoir à être analysée à la lumière des articles 107 TFUE et 108 TFUE. La Commission rappelait, à cet égard, qu’elle pouvait ordonner la récupération des aides illégales.

39      Par courrier du 16 avril 2012, le VM a indiqué qu’il désapprouvait la décision de la Commission de fixer le niveau de l’aide remboursable sur la base des montants d’aide financière nationale communiqués dans la demande d’autorisation. Le VM se référait au fait que les organisations de producteurs avaient la possibilité d’apporter des modifications au programme opérationnel pour l’année en cours ainsi qu’aux montants des contributions des membres. De ce fait, le montant effectif des contributions financières pouvait être différent de celui que l’État membre avait communiqué à la Commission dans la demande d’autorisation, sur la base des estimations des organisations de producteurs. Le VM rappelait que le règlement OCM unique ne liait pas l’octroi de l’aide financière nationale au montant d’aide notifié sur la base des données communiquées par les organisations de producteurs, mais bien au plafond de 80 % de la contribution financière des membres ou de l’organisation de producteurs. Or, cette limite n’avait pas été dépassée au vu du contenu de la lettre d’autorisation, celle‑ci ayant autorisé l’octroi de l’aide financière nationale et non un montant d’aide financière nationale précis (montant d’aide qui ne figurait d’ailleurs pas dans ladite décision). Le VM a demandé à la Commission de revenir sur sa position, d’une part, en faisant droit à sa requête en remboursement partiel de l’aide effectivement versée en sus de l’aide notifiée et, d’autre part, en la dispensant d’un examen de la compatibilité des aides accordées au regard des règles applicables en matière d’aide d’État.

40      Le 20 avril 2012, une consultation d’experts a été organisée par la Commission à Bruxelles (Belgique).

41      Le 25 mai 2012, la Commission, conformément à l’avis du comité de gestion de l’organisation commune des marchés agricoles, a adopté la décision C (2012) 3324 concernant l’aide financière nationale accordée aux organisations de producteurs (ci‑après la « décision attaquée »).

42      La Commission a indiqué, en retenant notamment l’article 103 sexies du règlement OCM unique dans les visas de la décision attaquée :

–        au considérant 13, que, « [c]onformément à l’article 95, paragraphe 2, du règlement d’exécution no 543/2011, la demande doit être rejetée lorsque les règles applicables à l’autorisation et au remboursement de l’aide financière nationale n’ont pas été respectées » ;

–        au considérant 14, que « [l]es montants de l’aide financière nationale payée par la Hongrie à certaines organisations de producteurs pour les programmes opérationnels mis en œuvre en 2009 étaient supérieurs aux montants indiqués dans la demande d’autorisation et approuvés par la Commission », que « [c]es montants, pour la partie qui dépasse les montants approuvés par la Commission, ne sont pas admissibles au remboursement » et que, « [e]n revanche, en ce qui concerne les montants payés aux organisations de producteurs jusqu’à concurrence du niveau déclaré dans la demande d’autorisation, la demande de remboursement est considérée comme recevable » ;

–        au considérant 15, qu’« [i]l convient par conséquent de rembourser partiellement l’aide financière nationale octroyée par la Hongrie à ses organisations de producteurs, jusqu’à concurrence de 60 % des montants communiqués dans la demande d’autorisation pour chaque programme opérationnel mis en œuvre en 2009 ».

43      La Commission a conclu, à l’article 1er de la décision attaquée :

« L’Union rembourse l’aide financière nationale effectivement versée par la Hongrie à ses organisations de producteurs pour les programmes opérationnels mis en œuvre en 2009 à hauteur de 1 190 927 EUR conformément à l’article 103 sexies, paragraphe 1, du règlement (CE) no 1234/2007. »

44      La décision est parvenue le 29 mai 2012 à la représentation permanente de la Hongrie auprès de l’Union européenne.

 Procédure et conclusions des parties

45      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 1er août 2012, la Hongrie a introduit le présent recours.

46      La Hongrie conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

47      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal

–        rejeter le recours ;

–        condamner la Hongrie aux dépens.

 En droit

48      La Hongrie soulève, en substance, deux moyens, le premier, pris d’une application ultra vires de l’article 103 sexies du règlement OCM unique et de l’article 97 du règlement no 1580/2007 et, le second, tiré d’une erreur d’appréciation dans l’application de l’article 97 du règlement no 1580/2007.

 Sur le premier moyen, pris d’une application ultra vires de l’article 103 sexies du règlement OCM unique et de l’article 97 du règlement no 1580/2007

49      Le premier moyen de la Hongrie s’articule en deux branches.

50      La Hongrie fait valoir, dans une première branche, que la Commission ne pouvait, en l’absence de base légale l’y autorisant, fixer un plafond au remboursement de l’aide financière nationale correspondant aux montants d’aide financière nationale notifiés pour chaque organisation de producteurs.

51      La Hongrie ajoute, dans une seconde branche, que la Commission, en limitant son remboursement aux montants d’aide notifiés, a violé les dispositions permettant la prise en compte, au titre du remboursement par l’Union, de l’évolution de l’aide financière nationale en cours d’exercice.

 Sur la première branche du premier moyen, prise de l’absence de base légale permettant à la Commission de limiter le remboursement par l’Union aux montants d’aide notifiés

52      La Hongrie soutient, à titre principal, que la décision de la Commission de lier le montant de son remboursement aux montants d’aide notifiés ne repose sur aucune base légale.

53      Premièrement, la Hongrie excipe de l’article 103 sexies du règlement OCM unique. À cet égard, d’une part, la Hongrie indique que ce texte se limiterait à prévoir comme seul plafond au montant de l’aide financière nationale que celle‑ci ne peut dépasser 80 % des contributions financières versés par les membres ou l’organisation de producteurs elle‑même au fonds opérationnel. Cet article ne prévoirait donc pas de plafond lié aux montants d’aide notifiés, dans la limite de 80 %, lors de la procédure d’autorisation de l’aide.

54      D’autre part, la Hongrie indique que, conformément à l’article 103 sexies du règlement OCM unique, l’autorisation de la Commission d’octroi de l’aide financière nationale doit se borner à examiner que les conditions posées par l’article 103 sexies du règlement OCM unique sont remplies, en particulier le fait que, en premier lieu, dans la région concernée, le niveau d’organisation des producteurs est particulièrement faible et que, en second lieu, l’aide financière nationale dont l’octroi est souhaité ne dépasse pas 80 % des contributions financières des membres ou des organisations de producteurs elles‑mêmes au fonds opérationnel. Si ces conditions sont remplies, la Commission devrait autoriser l’octroi de l’aide financière nationale. Cette autorisation n’emporte pas cependant fixation d’un ou de montants précis, mais seulement octroi de l’aide.

55      Deuxièmement, la Hongrie ajoute que cette interprétation serait corroborée par l’article 94, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007, selon lequel la Commission n’aurait pour seule alternative que d’« approuve[r] ou rejette[r] la demande » d’autorisation de paiement de l’aide financière nationale, sans que cet article lui permette de fixer une limite supérieure en termes de montant. La Hongrie observe, à cet égard, que, aux termes du paragraphe 1 du même article, les États membres demandent l’autorisation d’octroyer l’aide financière nationale et non une autorisation portant sur un montant effectif d’aide.

56      Troisièmement, la Hongrie en conclut que le remboursement par l’Union ne peut porter sur les montants d’aide notifiés. Il incomberait à la Commission, une fois l’aide financière nationale octroyée, de rembourser les sommes « effectivement versées » au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007, dans la limite de 60 % de l’aide financière nationale.

57      Quatrièmement, la Hongrie ajoute, à titre incident, au stade de la réplique, que l’article 94 de la version hongroise du règlement no 1580/2007, en vigueur à l’époque de la demande de remboursement, prescrivait la communication de la proportion de l’aide financière nationale (en rapport avec le plafond de 80 %), mais pas de son montant, ce qui confirmerait que le remboursement par l’Union serait lié au respect du plafond de 80 % et non au montant déclaré de l’aide envisagée.

58      En vertu d’une jurisprudence constante, il y a lieu, pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union, de tenir compte non seulement des termes de celle‑ci, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie (voir arrêts du 7 juin 2005, VEMW e.a., C‑17/03, Rec, EU:C:2005:362, point 41 et jurisprudence citée, et du 26 octobre 2010, Allemagne/Commission, T‑236/07, Rec, EU:T:2010:451, point 44 et jurisprudence citée). Il importe ainsi de prendre en compte la finalité des règles de l’Union afin de leur donner une interprétation assurant tout leur effet utile (arrêt du 13 juillet 2004, Commission/Conseil, C‑27/04, Rec, EU:C:2004:436, point 74).

59      Par conséquent, aux fins de répondre à l’argument de la Hongrie selon lequel la décision attaquée ne reposerait sur aucune base légale, il y a lieu, conformément à la jurisprudence précitée au point 58, d’examiner, d’une part, si les termes de l’article 103 sexies du règlement OCM unique et des articles 94 et 97 du règlement no 1580/2007 pouvaient conférer à la Commission le droit de plafonner son remboursement aux montants d’aide notifiés et, d’autre part, si l’interprétation donnée par la Hongrie aux textes susvisés est compatible avec leurs finalités et les objectifs qu’ils poursuivent.

60      L’article 103 sexies du règlement OCM unique donne une marge d’appréciation à la Commission, pour autoriser les États membres à verser l’aide financière nationale aux organisations de producteurs éligibles. Il dispose, à cet égard, que « les États membres peuvent être autorisés par la Commission, sur demande dûment justifiée, à verser aux organisations de producteurs une aide financière nationale ».

61      Cette marge d’appréciation dans l’octroi de l’aide, marquée par l’utilisation du verbe « pouvoir », se retrouve au stade du remboursement par l’Union, objet de la présente affaire. L’article 103 sexies du règlement OCM unique dispose ainsi que « l’aide […] peut être remboursée par [l’Union] à la demande de l’État membre concerné ».

62      S’agissant des modalités du remboursement par l’Union, conformément à l’article 103 nonies du règlement OCM unique, le Conseil de l’Union européenne a habilité la Commission à arrêter les « modalités [du] remboursement ».

63      Pour le secteur des fruits et légumes, la Commission a fixé ces modalités dans le cadre du règlement no 1580/2007 en prévoyant à son article 97, paragraphe 1, que « [l]es États membres demandent le remboursement par [l’Union] de l’aide financière nationale approuvée, effectivement versée […] ».

64      Le contenu de « l’aide approuvée » visée à l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 est fixé par l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du même règlement, qui régit l’« autorisation de paiement de l’aide financière nationale ». Cet article dispose que « la demande est accompagnée de pièces justificatives […] indiquant [notamment] le montant de l’aide ».

65      Il ressort ainsi du libellé de l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1580/2007, et en particulier de l’emploi du terme « montant », que l’« aide approuvée » inclut nécessairement le montant d’aide financière nationale déclaré.

66      À cet égard, contrairement à ce que soutient la Hongrie, l’approbation de l’aide financière nationale a pour objet les montants notifiés pour chaque organisation de producteurs bénéficiaire de l’aide financière nationale, et non le montant total de l’aide financière nationale (toutes organisations de producteurs confondues). En effet, aux termes de l’article 103 sexies du règlement OCM unique, l’aide ne doit pas dépasser 80 % des contributions financières de l’organisation de producteurs concernée, ce qui implique que, conformément à l’article 94, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007, le montant de l’aide et le respect du seuil de 80 % soient vérifiés organisation de producteurs par organisation de producteurs et que, partant, l’autorisation de la Commission vise l’aide telle que ventilée par organisation de producteurs.

67      Il ressort de ce qui précède que la Commission disposait d’une base légale pour plafonner le remboursement par l’Union aux montants d’aide notifiés dans le cadre de la procédure d’autorisation de l’article 94 du règlement no 1580/2007, tant sur la base de l’article 103 sexies du règlement OCM unique, que sur la base de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007.

68      L’argumentation avancée par la Hongrie ne peut infirmer cette conclusion qui ressort d’une interprétation littérale des textes.

69      Premièrement, l’article 103 sexies du règlement OCM unique ne saurait être interprété en ce sens que, en substance, la Commission serait tenue de rembourser toute aide inférieure au seuil de 80 % des contributions des membres ou de l’organisation de producteurs elle‑même, quel que soit le montant de ladite aide, dès lors que le degré d’organisation des producteurs, dans la région en cause, serait « particulièrement faible ».

70      L’interprétation proposée par la Hongrie tendant à considérer qu’un État membre serait fondé, sur la base de l’article 103 sexies du règlement OCM unique, à verser ex post un montant supérieur au montant notifié ex ante et à obtenir, subséquemment, remboursement du montant non notifié priverait d’effet utile (voir, par analogie, arrêt du 4 octobre 2001, Italie/Commission, C‑403/99, Rec, EU:C:2001:507, point 28) et rendrait inopérante la procédure d’autorisation de l’aide financière nationale (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2014, Maatschap T. van Oosterom en A. van Oosterom‑Boelhouwer, C‑485/12, Rec, EU:C:2014:250, point 61). À cet égard, comme le fait valoir la Commission, il y a lieu de constater que, si le législateur européen avait souhaité dispenser les États membres d’une procédure formelle d’autorisation de l’aide, qui implique nécessairement une appréciation des montants notifiés, il aurait pu recourir à une procédure semblable à celle prévue par l’article 182, paragraphe 6, du règlement OCM unique, qui autorise, sous réserve que certaines conditions préalables soient remplies, les États membres à verser des aides d’État aux producteurs non membres d’une organisation reconnue.

71      En outre, une telle interprétation serait incohérente avec la finalité de l’examen de l’aide financière nationale au regard du droit des aides d’État, dans la mesure où elle impliquerait que la Commission puisse être tenue de rembourser des sommes qui, en tant qu’elles ont été versées en sus des sommes notifiées, n’ont pu être approuvées et, partant, couvertes par l’autorisation donnée sur la base de l’article 103 sexies du règlement OCM unique et de l’article 97 du règlement no 1580/2007. Or, il convient de rappeler que l’aide financière nationale prévue par l’article 103 sexies du règlement OCM unique est visée à l’article 180 du règlement OCM unique comme une dérogation aux prescriptions du traité sur les aides d’État qui n’est permise, dans le contexte du considérant 20 du règlement no 72/2009, que dans la mesure où « les dispositions concernées prévoient les conditions appropriées garantissant que l’octroi des aides n’entraînera pas de distorsion de concurrence indue », ce qui justifie une interprétation stricte de la possibilité d’octroyer lesdites aides (voir, par analogie, arrêt du 27 février 1985, Italie/Commission, 56/83, Rec, EU:C:1985:85, point 31 et jurisprudence citée).

72      Par conséquent, l’interprétation défendue par la Hongrie selon laquelle la Commission serait tenue de rembourser toute aide inférieure au plafond de 80 % indépendamment de son montant, sans pouvoir exercer la marge d’appréciation dont elle dispose en application de l’article 103 sexies du règlement OCM unique lors de la phase d’autorisation, priverait également d’effet utile l’article 180 du règlement OCM unique, lu à la lumière du considérant 20 du règlement no 72/2009, et les objectifs qu’il poursuit en matière de politique de la concurrence et, notamment, de contrôle des aides d’État.

73      Deuxièmement, pour autant que la Hongrie excipe, au stade de la réplique, de la rédaction de l’article 94 du règlement no 1580/2007 dans sa version hongroise, au moment de sa demande d’autorisation de l’aide financière nationale, pour conforter son interprétation selon laquelle le remboursement par l’Union serait lié au respect du plafond de 80 % et non au montant déclaré de l’aide envisagée, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence constante de la Cour, rappelée par la Commission dans ses écritures, en cas de disparité entre les diverses versions linguistiques d’un texte du droit de l’Union, la disposition en cause doit être interprétée en fonction de l’économie générale et de la finalité de la réglementation dont elle constitue un élément (voir arrêts du 19 avril 2007, Profisa, C‑63/06, Rec, EU:C:2007:233, point 14 et jurisprudence citée, et du 15 décembre 2011, Møller, C‑585/10, Rec, EU:C:2011:847, point 26 et jurisprudence citée).

74      Il ressort également de la jurisprudence que la nécessité d’une interprétation uniforme des textes de l’Union exclut de considérer un texte déterminé isolément, mais exige, en cas de doute, qu’il soit interprété et appliqué à la lumière des versions établies dans les autres langues officielles [voir arrêts du 17 octobre 1996, Lubella, C‑64/95, Rec, EU:C:1996:388, point 17 et jurisprudence citée, et du 31 janvier 2008, Federación de Cooperativas Agrarias de la Comunidad Valenciana/OCVV – Nador Cott Protection (Nadorcott), T‑95/06, Rec, EU:T:2008:25, point 33 et jurisprudence citée].

75      Or, en l’espèce, la Hongrie ne prétend pas que les versions dans les autres langues officielles ne mentionnaient pas l’obligation de communiquer les montants de l’aide envisagée, ce qui n’est d’ailleurs pas le cas.

76      Il y a lieu à cet égard de constater, comme le rappelle la Commission, que la Hongrie, dans toutes ses correspondances avec la Commission, au stade de l’autorisation de l’aide financière nationale, a communiqué le montant d’aide envisagé.

77      Le montant d’aide financière nationale envisagé a d’abord été communiqué de façon globale par courrier du 30 janvier 2009, puis par courrier du 11 mars 2009 [Annexe A.3], avant d’être communiqué de façon ventilée par organisation de producteurs, le 12 mars 2009, sur demande expresse de la Commission.

78      La Hongrie ne peut donc raisonnablement soutenir que l’article 94 du règlement no 1580/2007, dans sa rédaction en langue hongroise à l’époque de la demande d’autorisation de l’aide financière nationale, ne pouvait s’interpréter comme prescrivant la communication du montant de l’aide financière nationale.

79      En tout état de cause, il y a lieu de relever que le terme « összeg » [« montant »] en hongrois, a été inséré dans la version hongroise du règlement no 1580/2007 après la lettre d’autorisation, à l’occasion de la publication du règlement (CE) no 441/2009 de la Commission, du 27 mai 2009, modifiant le règlement no 1580/2007 (JO L 129, p. 10), le 28 mai 2009.

80      Compte tenu de ce qui précède, c’est donc à bon droit que la Commission a estimé qu’elle disposait d’une base légale pour subordonner le montant du remboursement par l’Union aux montants d’aide notifiés lors de la procédure d’autorisation de l’aide financière nationale.

81      Enfin, il y a lieu de constater que la Commission fait référence dans ses écritures au règlement no 1580/2007 et non au règlement d’exécution no 543/2011, alors qu’elle vise pourtant ce dernier règlement dans la décision attaquée.

82      Le règlement d’exécution no 543/2011 pose des règles de fond en matière de remboursement, notamment dans son article 95, qui ne peuvent s’appliquer rétroactivement à la situation juridique existante au moment de la demande de remboursement (voir, par analogie, arrêt du 12 novembre 1981, Meridionale Industria Salumi e.a., 212/80 à 217/80, Rec, EU:C:1981:270, point 9).

83      Force est de constater, également, que le règlement d’exécution no 543/2011 ne prévoit pas son application rétroactive à des demandes de remboursement nées sous l’empire de l’ancien règlement (voir, par analogie, arrêts du 29 janvier 1985, Gesamthochschule Duisburg, 234/83, Rec, EU:C:1985:30, point 20 ; du 15 juillet 1993, GruSa Fleisch, C‑34/92, Rec, EU:C:1993:317, point 22, et du 24 septembre 2002, Falck et Acciaierie di Bolzano/Commission, C‑74/00 P et C‑75/00 P, Rec, EU:C:2002:524, point 119).

84      Dans ces conditions, c’est à juste titre que les parties se sont référées dans leurs écritures au règlement no 1580/2007.

85      À cet égard, il y a lieu de considérer que, dans la mesure où les deux règlements poursuivent des objectifs identiques et posent des règles identiques s’agissant de l’assiette du remboursement par l’Union (voir point 25 ci‑dessus), le fait que la Commission ait visé le règlement d’exécution no 543/2011 dans la décision attaquée, en lieu et place du règlement no 1580/2007, est sans incidence sur la légalité de celle‑ci, le résultat demeurant inchangé quel que soit le règlement pris en compte (voir, par analogie, arrêts du 5 juin 1996, Günzler Aluminium/Commission, T‑75/95, Rec, EU:T:1996:74, point 55, et du 27 février 1997, FFSA e.a./Commission, T‑106/95, Rec, EU:T:1997:23, point 199).

86      La première branche du premier moyen, prise de l’absence de base légale de la Commission pour subordonner son remboursement aux montants notifiés au cours de la procédure d’autorisation, doit donc être écartée.

 Sur la seconde branche du premier moyen, prise de la violation des dispositions permettant la prise en compte de l’évolution du montant de l’aide nationale en cours d’exercice

–       Sur la violation des articles 67 et 94 bis du règlement no 1580/2007

87      La Hongrie soutient que les articles 67 et 94 bis du règlement no 1580/2007 offrent la possibilité aux organisations de producteurs de modifier le montant du fonds opérationnel en cours d’année. Selon la Hongrie, la Commission ne pourrait donc pas fixer une limite définitive à son remboursement liée aux montants notifiés dans le cadre de la procédure d’autorisation, sans violer les articles 67 et 94 bis du règlement no 1580/2007.

88      En ce qui concerne, tout d’abord, l’article 67 du règlement no 1580/2007, qui offre notamment la possibilité aux organisations de producteurs d’« augmenter le montant du fonds opérationnel de 25 % au maximum du montant initialement approuvé », force est de constater que cette disposition n’est pas applicable à l’aide financière nationale visée à l’article 103 sexies du règlement OCM unique.

89      En effet, comme le fait valoir la Commission, l’article 103 sexies du règlement OCM unique dispose que l’aide financière nationale « s’ajoute aux fonds opérationnel », ce qui signifie qu’une hausse ultérieure du fonds opérationnel, telle que celle visée à l’article 67 du règlement no 1580/2007, n’a pas vocation à entraîner une hausse corrélative de l’aide financière nationale.

90      Cette distinction entre les deux régimes d’aide est reflétée par la structure du règlement no 1580/2007.

91      En effet, le titre III du règlement no 1580/2007 comprend notamment, d’une part, un chapitre II intitulé « Fonds opérationnels et programmes opérationnels », dans lequel figure l’article 67 et qui inclut des dispositions sur l’aide financière de l’Union, et, d’autre part, un chapitre IV intitulé « Aide financière nationale », dans lequel figurent les articles 96 et 97 sur le remboursement de l’aide financière nationale.

92      En ce qui concerne, ensuite, l’article 94 bis du règlement no 1580/2007 invoqué par la Hongrie, qui dispose qu’« [u]ne organisation de producteurs souhaitant demander l’aide financière nationale modifie, si nécessaire, son programme opérationnel conformément à l’article 67 », force est de constater que cette disposition n’est pas non plus applicable au cas d’espèce.

93      En effet, il ressort du libellé de l’article 94 bis du règlement no 1580/2007 que celui‑ci ne vise pas la présente hypothèse d’un montant d’aide financière nationale approuvé par la Commission et postérieurement augmenté, mais le contenu d’un programme opérationnel qui serait modifié avant son approbation par l’autorité nationale.

94      Il convient donc d’écarter l’argument de la Hongrie tendant à faire constater une violation des articles 67 et 94 bis du règlement no 1580/2007

–       Sur la violation de l’article 103 quinquies du règlement OCM unique et des articles 53 et 99 du règlement no 1580/2007

95      La Hongrie soutient qu’il faudrait interpréter les dispositions sur le remboursement de l’aide financière nationale à la lumière des dispositions sur l’aide financière de l’Union (notamment l’article 103 quinquies du règlement OCM unique et l’article 99 du règlement no 1580/2007), qui permettent une adaptation de l’aide en fonction de la valeur de la production commercialisée.

96      Toutefois, d’une part, l’article 103 quinquies du règlement OCM unique ne prévoit pas de procédure d’autorisation de l’aide financière de l’Union devant la Commission, à la différence de l’article 103 sexies du règlement OCM unique.

97      D’autre part, l’article 103 quinquies du règlement OCM unique dispose que l’aide financière de l’Union est égale au montant des contributions financières « effectivement versées », alors que l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 fonde le remboursement par l’Union sur l’aide financière nationale « approuvée, effectivement versée ».

98      Partant, l’argument de la Hongrie doit être écarté.

99      En conclusion, compte tenu de ce qui précède, il y a lieu de constater que les articles susmentionnés, qu’ils relèvent de l’aide financière nationale ou de l’aide financière de l’Union, ne faisaient pas obstacle à ce que la Commission autorise le remboursement demandé par la Hongrie à concurrence des seules sommes notifiées et effectivement versées aux organisations de producteurs.

100    La seconde branche du premier moyen, tirée de la violation des dispositions permettant la prise en compte de l’évolution du montant de l’aide en cours d’exercice doit donc être écartée ainsi que, partant, le premier moyen dans son ensemble.

 Sur le second moyen, pris d’une erreur d’appréciation dans l’application de l’article 97 du règlement no 1580/2007

101    La Hongrie soutient que, même à supposer que la Commission ait pu limiter son remboursement aux montants d’aide notifiés, en vertu de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007, elle n’aurait pu le faire qu’en procédant à une approbation préalable de ces montants, dans la lettre d’autorisation, ce qu’elle n’a pas fait en l’espèce.

102    À l’appui de ce moyen, en premier lieu, la Hongrie avance qu’aucun montant d’aide n’a été expressément visé par la Commission dans la lettre d’autorisation, contrairement à la pratique observée dans ses décisions postérieures, pour les campagnes 2010 et 2011, où la Commission a visé le montant global de l’aide accordé.

103    En deuxième lieu, la Hongrie soutient que la lettre d’autorisation n’a pas revêtu la forme d’une décision d’approbation implicite, au sens de l’article 94, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007, qui seule aurait permis, par effet de réciprocité, une approbation implicite des montants d’aide notifiés.

104    En troisième lieu, la Hongrie argue que la Commission ne pouvait approuver des montants d’aide à partir de données présentées comme de simples estimations.

105    En quatrième lieu, la Hongrie estime que, si la Commission pouvait fixer un plafond au remboursement de l’aide financière nationale à partir de montants d’aide qui ne sont pas visés dans la décision d’autorisation, cela « susciterait des préoccupations au regard du principe de sécurité juridique ».

106    Il convient de rappeler que, au considérant 14 de la décision attaquée, la Commission a considéré que « [l]es montants de l’aide financière nationale payée par la Hongrie à certaines organisations de producteurs pour les programmes opérationnels mis en œuvre en 2009 étaient supérieurs aux montants indiqués dans la demande d’autorisation et approuvés par la Commission ». Elle en a conclu que « [c]es montants, pour la partie qui [dépassait] les montants approuvés par la Commission, [n’étaient] pas admissibles au remboursement », à la différence des montants payés aux organisations de producteurs jusqu’à concurrence du niveau déclaré dans la demande d’autorisation. Sur la base de l’article 103 sexies du règlement OCM unique, la Commission a décidé de limiter son remboursement à ces derniers montants.

107    Il ressort donc de la décision attaquée que la Commission a limité les montants admissibles au remboursement aux montants notifiés lors de la procédure d’autorisation, en ce qu’elle a estimé que les montants payés en sus des montants d’aide notifiés ne constituaient pas des montants « approuvés » au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007.

108    Il importe donc, en l’espèce, de déterminer si c’est à bon droit que la Commission a pu limiter les montants admissibles au remboursement en considérant que les montants versés en sus des montants d’aide notifiés n’avaient pas été « approuvés » dans la lettre d’autorisation, conformément à l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007, étant entendu, notamment, que les montants d’aide notifiés n’étaient pas expressément visés dans ladite lettre et que celle‑ci ne faisait pas référence, au moins de façon expresse, à une « approbation » de ceux‑ci.

109    À cet égard, premièrement, force est de constater qu’aucune disposition, dans le règlement OCM unique ou dans le règlement no 1580/2007, n’oblige la Commission à viser spécifiquement le montant d’aide notifié dans sa décision d’autorisation. En outre, il ressort de l’article 103 nonies du règlement OCM unique que la Commission a toute compétence pour fixer les « modalités d’application d[u] remboursement ». Aucune disposition ne l’obligeait donc expressément, en l’absence de prescription en ce sens, à mentionner les montants d’aide notifiés dans la lettre d’autorisation.

110    Deuxièmement, comme cela a été indiqué dans les points 63 à 66 ci‑dessus, il ressort de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 que le remboursement par l’Union de l’aide financière nationale a pour assiette « l’aide financière nationale approuvée, effectivement versée ». Or, l’aide financière nationale « approuvée » inclut nécessairement son montant ventilé par organisation de producteurs, communiqué aux fins de l’autorisation de l’aide, en vertu de l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1580/2007. L’absence de référence expresse aux montants d’aide notifiés dans la décision d’autorisation ne saurait donc entraîner une absence de limite aux montants d’aide dont le versement est permis dans la limite du seuil de 80 %, dans la mesure où l’autorisation de versement de l’aide repose, aux termes de l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1580/2007, sur la prise en compte desdits montants.

111    Troisièmement, il convient de relever que la Commission n’a donné son consentement à l’aide notifiée qu’après avoir demandé et obtenu, par courriel du 12 mars 2009, le montant d’aide financière nationale ventilé par organisation de producteurs (voir, par analogie, arrêt du 16 décembre 2010, Kahla Thüringen Porzellan/Commission, C‑537/08 P, Rec, EU:C:2010:769, point 45). Le montant d’aide financière nationale ventilé par organisation de producteurs, sur lequel s’est fondé la Commission pour établir son remboursement, a donc été approuvé par celle‑ci dans le cadre de la procédure d’autorisation, compte tenu du contenu de la notification effectuée par la Hongrie (voir, par analogie, ordonnance du 22 mars 2012, Italie/Commission, C‑200/11 P, EU:C:2012:165, point 27 et jurisprudence citée).

112    Quatrièmement, la lettre d’autorisation mentionne expressément le « montant de l’aide concerné », au titre des éléments de l’article 94, paragraphe 1, second alinéa, du règlement no 1580/2007 pris en compte pour la fonder, et indique que l’aide est « dûment justifiée ». La Hongrie ne pouvait donc raisonnablement ignorer que les montants d’aide notifiés avaient fait l’objet d’une approbation de la Commission au sens de l’article 97, paragraphe 1, du règlement no 1580/2007 et serviraient de base à son remboursement.

113    Dans ces conditions et pour les raisons exposées ci‑dessus tenant, notamment, à l’économie de l’article 97 du règlement no 1580/2007, au contenu de la notification de la Hongrie et au contenu de la lettre d’autorisation, il ne peut être reproché à la Commission d’avoir commis une erreur d’appréciation de nature à entraîner l’annulation de la décision attaquée. En effet, pour les raisons mentionnées aux points 109 à 112 ci‑dessus, la lettre d’autorisation doit être considérée comme ayant approuvé les montants d’aide notifiés, c’est‑à‑dire le montant ventilé par organisation de producteurs, demandé par la Commission et reçu par courriel du 12 mars 2009, et non des montants versés en sus.

114    Cette conclusion ne saurait être infirmée par les arguments invoqués par la Hongrie.

115    Premièrement, est sans incidence le fait que la Commission ait, dans ses décisions d’autorisation subséquentes, modifié sa pratique en spécifiant le montant global d’aide financière nationale notifié. Il y a lieu de noter à cet égard que le montant pris en compte au titre des sommes remboursables était le montant de l’aide financière nationale tel que ventilé par organisation de producteurs bénéficiaires (voir point 66 ci‑dessus).

116    Deuxièmement, en réponse à l’argument de la Hongrie selon lequel la lettre d’autorisation n’a pas revêtu la forme d’une décision d’approbation implicite, au sens de l’article 94, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007, qui seule aurait permis, par effet de réciprocité, une approbation implicite des montants d’aide notifiés, il suffit de constater que, si le silence de la Commission peut emporter approbation implicite des montants d’aide au sens de l’article 94, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007, il en va a fortiori de même d’une lettre d’autorisation où il est expressément fait référence au « montant d’aide concerné » et au caractère « dûment justifié » de la demande. Il y a d’ailleurs lieu d’observer que l’article 94, paragraphe 2, du règlement no 1580/2007 invoqué par la Hongrie dispose que « [l]a Commission approuve ou rejette la demande », ce qui montre que l’approbation de l’aide porte nécessairement, et partant implicitement, sur le contenu de la demande, qui intègre nécessairement le « montant de l’aide » sollicité visé au paragraphe 1 du même article.

117    Troisièmement, s’agissant du caractère estimatif des montants présentés par la Hongrie qui n’auraient pu permettre à la Commission de procéder à une approbation desdits montants, il apparaît que la communication d’estimations est dans la nature même de la procédure d’autorisation, car l’aide financière nationale est fonction de la contribution des membres au fonds opérationnel. Or, cette contribution dépend de leur production agricole, qui n’est connue qu’en fin d’exercice. Par conséquent, le caractère estimatif des montants notifiés n’est pas de nature à empêcher la Commission de refuser de rembourser les montants versés en sus des montants notifiés, d’autant que ces estimations doivent être dûment justifiées au sens de l’article 103 sexies du règlement OCM unique. La communication de montants de nature estimative n’interdit donc pas à la Commission de traiter ces montants comme base d’autorisation de l’aide notifiée et comme élément constitutif de son consentement à ladite autorisation.

118    Quatrièmement, l’argument de la Hongrie selon lequel, si la Commission pouvait fixer un plafond au remboursement de l’aide financière nationale à partir de montants d’aide qui ne sont pas visés dans la lettre d’autorisation, cela « susciterait des préoccupations au regard du principe de sécurité juridique », n’est étayé d’aucun élément de fait ou de droit.

119    La Hongrie ne précise notamment pas qui serait la victime de la violation alléguée du principe de sécurité juridique (l’État membre ou les organisations de producteurs bénéficiaires de l’aide).

120    En l’absence de précision à cet égard, il y a lieu de considérer que la violation alléguée concernerait, au premier chef, la Hongrie, partie au présent litige.

121    Or, comme le souligne la Commission, les montants pris en compte dans la lettre d’autorisation par la Commission ayant été communiqués par les autorités hongroises elles‑mêmes, le principe de sécurité juridique n’a en aucune façon pu être affecté par le fait que ces montants aient constitué la base de l’autorisation de l’aide financière nationale, puis l’assiette du remboursement. En effet, la Hongrie ne pouvait raisonnablement ignorer que les montants ventilés par organisation de producteurs, communiqués sur demande expresse de la Commission, constitueraient la base de l’autorisation (voir point 112 ci‑dessus).

122    Partant, l’absence de référence expresse dans la lettre d’autorisation aux montants maximaux notifiés par la Hongrie ne pouvait s’interpréter comme une renonciation par la Commission à faire porter son autorisation et son remboursement de l’aide financière nationale sur les montants d’aide notifiés.

123    Dans ces conditions, le deuxième moyen, pris d’une erreur d’appréciation dans l’application de l’article 97 du règlement no 1580/2007, doit être écarté.

124    Aucun des deux moyens n’étant fondés, le recours doit être rejeté dans son ensemble.

 Sur les dépens

125    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Hongrie ayant succombé en ses conclusions, il y a lieu de la condamner à supporter, outre ses propres dépens, ceux exposés par la Commission, conformément aux conclusions de cette dernière.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      La Hongrie supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 15 septembre 2015.

Signatures

Table des matières


Cadre juridique

Règlement OCM unique

Règlement no 1580/2007

Règlement d’exécution no 543/2011

Antécédents du litige

Procédure et conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, pris d’une application ultra vires de l’article 103 sexies du règlement OCM unique et de l’article 97 du règlement no 1580/2007

Sur la première branche du premier moyen, prise de l’absence de base légale permettant à la Commission de limiter le remboursement par l’Union aux montants d’aide notifiés

Sur la seconde branche du premier moyen, prise de la violation des dispositions permettant la prise en compte de l’évolution du montant de l’aide nationale en cours d’exercice

– Sur la violation des articles 67 et 94 bis du règlement no 1580/2007

– Sur la violation de l’article 103 quinquies du règlement OCM unique et des articles 53 et 99 du règlement no 1580/2007

Sur le second moyen, pris d’une erreur d’appréciation dans l’application de l’article 97 du règlement no 1580/2007

Sur les dépens


* Langue de procédure : le hongrois.