Language of document : ECLI:EU:C:2022:872

ARRÊT DE LA COUR (dixième chambre)

10 novembre 2022 (*)

« Pourvoi – Aides d’État – Secteur postal – Compensation pour l’exécution du service universel – Calcul – Méthode du coût net évité –Prise en compte des bénéfices immatériels imputables au service universel – Utilisation des fonds octroyés au titre de la compensation – Garantie couvrant les frais de licenciement d’une certaine catégorie d’employés en cas de faillite du prestataire du service universel – Répartition comptable des coûts communs aux activités relevant du service universel et à celles n’en relevant pas – Décision déclarant l’aide compatible avec le marché intérieur »

Dans l’affaire C‑442/21 P,

ayant pour objet un pourvoi au titre de l’article 56 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, introduit le 15 juillet 2021,

ITD, Brancheorganisation for den danske vejgodstransport A/S, établie à Padborg (Danemark),

Danske Fragtmænd A/S, établie à Åbyhøj (Danemark),

représentées par Me L. Sandberg-Mørch, advokat,

parties requérantes,

les autres parties à la procédure étant :

Commission européenne, représentée par Mme K. Blanck, M. J. Carpi Badía et Mme L. Nicolae, en qualité d’agents,

partie défenderesse en première instance,

soutenue par :

Post Danmark, établie à Copenhague (Danemark), représentée par Me O. Koktvedgaard, advokat,

partie intervenante au pourvoi,

Jørgen Jensen Distribution A/S,

Dansk Distribution A/S

Royaume de Danemark, représenté initialement par Mmes V. Pasternak Jørgensen et M. Søndahl Wolff, en qualité d’agents, assistées de Me R. Holdgaard, advokat, puis par Mme Søndahl Wolff, en qualité d’agent, assistée de Me Holdgaard, advokat,

parties intervenantes en première instance,

LA COUR (dixième chambre),

composée de M. D. Gratsias (rapporteur), président de chambre, MM. M. Ilešič et I. Jarukaitis, juges,

avocat général : M. P. Pikamäe,

greffier : M. A. Calot Escobar,

vu la procédure écrite,

vu la décision prise, l’avocat général entendu, de juger l’affaire sans conclusions,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur pourvoi, ITD, Brancheorganisation for den danske vejgodstransport A/S (ci-après « ITD ») et Danske Fragtmænd A/S demandent l’annulation partielle de l’arrêt du Tribunal de l’Union européenne du 5 mai 2021, ITD et Danske Fragtmænd/Commission (T‑561/18, ci-après l’« arrêt attaqué », EU:T:2021:240), dans la mesure où celui-ci a partiellement rejeté leur recours fondé sur l’article 263 TFUE et tendant à l’annulation de la décision C(2018) 3169 final de la Commission, du 28 mai 2018, concernant l’aide d’État SA.47707 (2018/N) – Compensations accordées par l’État à PostNord pour la fourniture du service postal universel – Danemark (ci-après la « décision litigieuse »).

 Le cadre juridique

2        Aux termes de l’article 1er du règlement (UE) 2015/1589 du Conseil, du 13 juillet 2015, portant modalités d’application de l’article 108 [TFUE] (JO 2015, L 248, p. 9) :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

[...]

b)      “aide existante” :

[...]

iv)      toute aide réputée existante conformément à l’article 17 du présent règlement ;

[...]

d)      “régime d’aides” : [...] toute disposition sur la base de laquelle une aide non liée à un projet spécifique peut être octroyée à une ou plusieurs entreprises pour une période indéterminée et/ou pour un montant indéterminé ;

[...]

g)      “aide appliquée de façon abusive” : une aide utilisée par le bénéficiaire en violation d’une décision prise en application de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 7, paragraphe 3 ou 4, du règlement (CE) no 659/1999 [du Conseil, du 22 mars 1999, portant modalités d’application de l’article 93 [CE] (JO 1999, L 83, p. 1),] ou de l’article 4, paragraphe 3, ou de l’article 9, paragraphe 3 ou 4, du présent règlement ;

[...] »

3        L’article 4 du règlement 2015/1589 est ainsi libellé :

« 1.      La Commission [européenne] procède à l’examen de la notification dès sa réception. Sans préjudice de l’article 10, elle prend une décision en application du paragraphe 2, 3 ou 4 du présent article.

2.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée ne constitue pas une aide, elle le fait savoir par voie de décision.

3.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée, pour autant qu’elle entre dans le champ de l’article 107, paragraphe 1, [TFUE], ne suscite pas de doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide que cette mesure est compatible avec le marché intérieur [...]. Cette décision précise quelle dérogation prévue par le [traité] FUE a été appliquée.

4.      Si la Commission constate, après un examen préliminaire, que la mesure notifiée suscite des doutes quant à sa compatibilité avec le marché intérieur, elle décide d’ouvrir la procédure prévue à l’article 108, paragraphe 2, [TFUE] [...]

[...] »

4        L’article 17 du règlement 2015/1589 dispose :

« 1.      Les pouvoirs de la Commission en matière de récupération de l’aide sont soumis à un délai de prescription de dix ans.

[...]

3.      Toute aide à l’égard de laquelle le délai de prescription a expiré est réputée être une aide existante. »

5        L’article 1er de la directive 97/67/CE du Parlement européen et du Conseil, du 15 décembre 1997, concernant des règles communes pour le développement du marché intérieur des services postaux de la Communauté et l’amélioration de la qualité du service (JO 1998, L 15, p. 14), telle que modifiée par la directive 2008/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 2008 (JO 2008, L 52, p. 3) (ci‑après la « directive 97/67 »), prévoit :

« La présente directive établit des règles communes concernant :

–        les conditions régissant la prestation des services postaux,

–        la prestation d’un service postal universel au sein de la Communauté,

–        le financement des services universels à des conditions qui garantissent la fourniture permanente de ces services,

–        les principes tarifaires et la transparence des comptes pour la prestation du service universel,

–        la fixation de normes de qualité pour la prestation du service universel et la mise en place d’un système visant à assurer le respect de ces normes,

[...] »

6        L’article 3 de la directive 97/67 dispose :

« 1.      Les États membres veillent à ce que les utilisateurs jouissent du droit à un service universel qui correspond à une offre de services postaux de qualité déterminée fournis de manière permanente en tout point du territoire à des prix abordables pour tous les utilisateurs.

[...]

4.      Chaque État membre adopte les mesures nécessaires pour que le service universel comprenne au minimum les prestations suivantes :

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux jusqu’à 2 kilogrammes,

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des colis postaux jusqu’à 10 kilogrammes,

–        les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée.

[...] »

7        L’article 14, paragraphes 1 à 4, de cette directive est ainsi libellé :

« 1.      Les États membres prennent les mesures nécessaires pour que la comptabilité des prestataires du service universel réponde aux dispositions du présent article.

2.      Le ou les prestataires du service universel tiennent dans leur comptabilité interne des comptes séparés pour établir une nette distinction entre, d’une part, les services et produits qui font partie du service universel et, d’autre part, les services et produits qui n’en font pas partie. Cette distinction est prise en compte lorsque les États membres calculent le coût net du service universel. Cette comptabilité interne se fonde sur l’application cohérente des principes de la comptabilité analytique, qui peuvent être objectivement justifiés.

3.      Sans préjudice du paragraphe 4, la comptabilité visée au paragraphe 2 répartit les coûts comme suit :

a)      les coûts qui peuvent être directement affectés à un service ou un produit particulier le sont ;

b)      les coûts communs, c’est-à-dire ceux qui ne peuvent pas être directement affectés à un service ou un produit particulier, sont répartis comme suit :

i)      chaque fois que cela est possible, les coûts communs sont répartis sur la base d’une analyse directe de l’origine des coûts eux-mêmes ;

ii)      lorsqu’une analyse directe n’est pas possible, les catégories de coûts communs sont affectées sur la base d’un rapport indirect à une autre catégorie de coûts ou à un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels une affectation ou imputation directe est possible ; le rapport indirect est fondé sur des structures de coût comparables ;

iii)      lorsqu’il n’y a pas moyen de procéder à une imputation directe ou indirecte, la catégorie de coûts est imputée sur la base d’un facteur de répartition général calculé en établissant le rapport entre, d’une part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées à chacun des services universels et, d’autre part, toutes les dépenses directement ou indirectement affectées ou imputées aux autres services ;

iv)      les coûts communs nécessaires pour assurer à la fois les services universels et non universels sont imputés de la manière qu’il convient ; les mêmes facteurs de coût sont appliqués aux services tant universels que non universels.

4.      D’autres systèmes de comptabilité analytique ne peuvent être appliqués que s’ils sont compatibles avec les dispositions du paragraphe 2 et s’ils ont été approuvés par l’autorité réglementaire nationale. La Commission est informée avant l’application de ces autres systèmes. »

8        L’annexe I de ladite directive, intitulée « Orientations pour le calcul du coût net éventuel du service universel », prévoit, dans sa partie B relative au calcul du coût net des obligations de service universel :

« [...]

Le coût net des obligations de service universel correspond à tout coût lié et nécessaire à la gestion de la fourniture du service universel. Ce coût correspond à la différence entre le coût net supporté par un prestataire de service universel désigné lorsqu’il est soumis aux obligations de service universel et celui qui est supporté par le même prestataire de services postaux lorsqu’il n’est pas soumis à ces obligations.

Le calcul tient compte de tous les autres éléments pertinents, y compris les bénéfices immatériels et les avantages commerciaux dont le prestataire de services postaux désigné pour prester le service universel a bénéficié, le droit de réaliser un bénéfice raisonnable ainsi que les mesures d’incitation à l’efficacité économique.

Il convient de veiller à évaluer correctement les coûts que le prestataire du service universel désigné aurait évités s’il avait eu le choix de ne pas remplir d’obligations de service universel. Le calcul du coût net devrait évaluer les bénéfices, y compris les bénéfices immatériels, pour l’opérateur de service universel.

[...] »

 Les antécédents du litige

9        Les antécédents du litige sont présentés aux points 1 à 30 de l’arrêt attaqué et peuvent, pour autant qu’ils concernent le présent pourvoi, être résumés de la manière suivante.

10      ITD est une association professionnelle qui regroupe des sociétés de droit danois actives, à l’échelle nationale et internationale, sur les marchés des services de transport routier de marchandises et des services logistiques. Danske Fragtmænd est une société de droit danois présente, notamment, sur le marché danois des services de transport routier de marchandises et de distribution de colis.

11      La postloven, lov nr. 1536 (loi postale no 1536), du 21 décembre 2010 (Lovtidende 2010 A), telle que modifiée, a désigné Post Danmark A/S comme prestataire du service universel de distribution du courrier au Danemark. En application de cette loi, le 30 mai 2016, le ministère des Transports danois a adopté un mandat de service public chargeant Post Danmark d’une obligation de service universel pour la période allant du 1er juillet 2016 au 31 décembre 2019 (ci-après le « mandat de service universel »). Post Danmark est détenue à 100 % par PostNord AB, dont le capital social est lui-même détenu à 40 % par le Royaume de Danemark et à 60 % par le Royaume de Suède et dont les droits de vote au sein du conseil d’administration sont répartis à hauteur de 50 % pour chacun des deux États actionnaires.

12      Selon le point 2 du mandat de service universel, un tel service doit être assuré tant sur le plan national que sur le plan international et garanti au moins cinq jours ouvrables par semaine. Il comprend les services suivants :

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des envois postaux de lettres, de périodiques (quotidiens, hebdomadaires et mensuels) et de courriers publicitaires (catalogues et prospectus) jusqu’à 2 kilogrammes ;

–        la levée, le tri, le transport et la distribution des colis jusqu’à 20 kilogrammes avec livraison à domicile ou dans un point de libre‑service, les envois de colis entre professionnels couverts par un contrat de distribution n’étant pas compris dans le service universel ;

–        les services relatifs aux envois recommandés et aux envois à valeur déclarée ;

–        un service postal gratuit pour les personnes aveugles, dans la limite des envois ne dépassant pas 7 kilogrammes.

13      À partir du début des années 2000, le recours généralisé aux envois électroniques a entraîné une diminution des envois postaux de lettres, au point que, essentiellement pour cette raison, Post Danmark a vu son chiffre d’affaires baisser de 38 % entre l’année 2009 et l’année 2016. C’est dans ce contexte que, le 23 février 2017, PostNord a réalisé, au profit de Post Danmark, une augmentation de capital d’un montant d’un milliard de couronnes danoises (DKK) (environ 134 millions d’euros) (ci-après l’« augmentation de capital du 23 février 2017 »).

14      Considérant les conséquences de la numérisation des correspondances, le Royaume de Danemark et le Royaume de Suède ont par ailleurs conclu, le 20 octobre 2017, un accord relatif à la transformation du modèle de production de Post Danmark (ci-après l’« accord du 20 octobre 2017 »), tel que développé par PostNord et formalisé dans une proposition du conseil d’administration de cette dernière du 29 septembre 2017. Selon cet accord, le nouveau modèle de production développé par PostNord devait reposer sur des augmentations du capital de Post Danmark et sur une réduction du personnel d’environ 4 000 employés au sein de cette dernière, l’ensemble de ces coûts étant estimé à environ 5 milliards de couronnes suédoises (SEK) (environ 491 millions d’euros).

15      En particulier, la mise en œuvre du nouveau modèle de production de Post Danmark impliquait le paiement d’indemnités spéciales de licenciement d’anciens fonctionnaires de celle-ci, qui sont devenus salariés de cette dernière le 1er janvier 2002, à savoir au moment de sa transformation d’entreprise publique indépendante en société à responsabilité limitée (ci-après les « anciens fonctionnaires de Post Danmark »). À cet égard, l’accord du 20 octobre 2017 prévoyait que le Royaume de Danemark devait compenser ces coûts par un apport en capital de 1,533 milliard de SEK (environ 150 millions d’euros) au bénéfice de PostNord.

16      La mise en œuvre du nouveau modèle de production de Post Danmark devait s’effectuer par trois mesures distinctes, à savoir :

–        une compensation pour la fourniture du service universel au Danemark, versée par les autorités danoises à Post Danmark, par l’intermédiaire de PostNord, dont le montant serait affecté au financement d’une partie des indemnités spéciales de licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark ;

–        une augmentation de capital de 667 millions de SEK (environ 65 millions d’euros) de la part du Royaume de Danemark et du Royaume de Suède, au profit de PostNord ;

–        une contribution interne de PostNord au profit de Post Danmark d’environ 2,3 milliards de DKK (environ 309 millions d’euros).

17      Le 3 novembre 2017, les autorités danoises ont procédé à la prénotification, à la Commission, de la première de ces trois mesures, à savoir l’octroi d’une compensation de 1,533 milliard de SEK versée à Post Danmark, par l’intermédiaire de PostNord, pour la fourniture du service postal universel au Danemark entre l’année 2017 et l’année 2019, cette somme étant affectée au financement d’une partie des frais de licenciement décrits au point 15 du présent arrêt.

18      Le 27 novembre 2017, ITD a introduit auprès de la Commission une plainte alléguant que, par diverses mesures antérieures ou à venir, les autorités danoises et suédoises avaient octroyé ou octroieraient des aides d’État illégales à Post Danmark.

19      Selon la plainte, ces aides résultaient :

–        de l’existence d’une garantie en vertu de laquelle, en cas de faillite de Post Danmark, le Royaume de Danemark s’était engagé à payer à cette dernière, sans contrepartie, les frais afférents aux indemnisations de licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark ayant conservé leur statut de fonctionnaire au 1er janvier 2002, date de sa transformation en société à responsabilité limitée, l’indemnisation prévue correspondant à trois années de salaire pour chaque ancien fonctionnaire (ci-après la « garantie étatique en cause ») ;

–        d’une pratique administrative danoise qui permettait une exonération de la taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au profit des clients de sociétés de vente par correspondance lorsque ces dernières choisissaient d’être livrées par Post Danmark, entraînant pour cette dernière une augmentation de la demande ;

–        d’une mauvaise répartition comptable, entre l’année 2006 et l’année 2013, des coûts communs au mandat de service universel et aux activités n’en relevant pas (ci-après les « coûts communs »). Cette mauvaise répartition aurait entraîné une augmentation artificielle des coûts liés à l’exécution du mandat de service universel et une diminution artificielle des coûts des activités commerciales de Post Danmark et aurait, ainsi, constitué un financement croisé des activités commerciales de Post Danmark par la rémunération destinée au mandat de service universel ;

–        de l’augmentation de capital du 23 février 2017, en ce que celle-ci était imputable aux États danois et suédois et en ce qu’une telle mesure ne satisfaisait pas au critère de l’investisseur privé en économie de marché ;

–        de l’octroi d’une compensation de 1,533 milliard de SEK versée à Post Danmark, par l’intermédiaire de PostNord, pour la fourniture du service postal universel au Danemark entre l’année 2017 et l’année 2019, cette somme étant affectée au financement d’une partie des frais de licenciement décrits au premier tiret ci-dessus ;

–        des augmentations du capital de Post Danmark par le Royaume de Danemark, par le Royaume de Suède et par PostNord, telles que prévues par l’accord du 20 octobre 2017.

20      Le 8 février 2018, les autorités danoises ont notifié à la Commission l’octroi à Post Danmark d’une compensation d’un montant de 1,533 milliard de SEK pour la prestation du service postal universel au cours de la période couvrant les années 2017 à 2019 (ci-après la « compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 »). Le 7 mai 2018, les autorités danoises ont indiqué que la compensation en question serait finalement d’un montant maximal de 1,683 milliard de SEK ou de 1,192 milliard de DKK (environ 160 millions d’euros).

21      Le 28 mai 2018, la Commission a adopté, sans ouvrir la procédure formelle d’examen, la décision litigieuse.

22      Dans cette décision, la Commission a examiné, d’une part, la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 et, d’autre part, les griefs avancés par ITD dans sa plainte, à l’exception, toutefois, des augmentations de capital prévues par l’accord du 20 octobre 2017, visées aux points 14 et 15 du présent arrêt, au sujet desquelles cette institution a précisé qu’elles feraient l’objet d’une décision ultérieure.

23      S’agissant de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, la Commission a considéré, tout d’abord, qu’elle ne satisfaisait pas au quatrième des critères dégagés dans l’arrêt du 24 juillet 2003, Altmark Trans et Regierungspräsidium Magdeburg (C‑280/00, EU:C:2003:415). En effet, selon la Commission, d’une part, cette compensation n’avait pas été octroyée dans le cadre d’une procédure de mise en concurrence et, d’autre part, son montant n’avait pas été déterminé sur la base des coûts d’une entreprise moyenne bien gérée. La Commission en a déduit que cette mesure constituait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, et qu’il convenait d’examiner la compatibilité de cette aide avec le marché intérieur au regard de l’article 106, paragraphe 2, TFUE, compte tenu de la communication de la Commission intitulée « Encadrement de l’Union européenne applicable aux aides d’État sous forme de compensations de service public (2011) » (JO 2012, C 8, p. 15, ci-après l’« encadrement SIEG »).

24      Dans ce cadre, la Commission a notamment examiné le calcul, par les autorités danoises, du coût net nécessaire à l’exécution du mandat de service universel, en utilisant la « méthode du coût net évité ». Selon le point 25 de l’encadrement SIEG, la méthode du coût net évité consiste à calculer le coût net de ce qui apparaît nécessaire pour exécuter les obligations de service public comme la différence entre le coût net supporté par le prestataire lorsqu’il se voit confier l’exécution de ces obligations (ci-après le « scénario factuel ») et le coût ou bénéfice net du même prestataire lorsqu’il ne se le voit pas confier (ci-après le « scénario contrefactuel »).

25      Dans leur méthode de calcul, les autorités danoises ont envisagé un scénario factuel selon lequel, en assurant le mandat de service universel, Post Danmark escomptait :

–        premièrement, une augmentation substantielle des envois des entreprises aux consommateurs en raison de l’augmentation du commerce en ligne ;

–        deuxièmement, une diminution continue des envois de lettres à la suite de la numérisation croissante des échanges ;

–        troisièmement, une diminution significative des envois de journaux et de revues, et

–        quatrièmement, la mise en œuvre d’un nouveau modèle de production impliquant le licenciement d’employés.

26      Selon le scénario contrefactuel proposé par les autorités danoises, si Post Danmark n’était pas chargée de l’exécution du mandat de service universel, cela aurait pour conséquence :

–        premièrement, l’abandon d’activités non rentables, telles que la distribution de journaux et de revues, les envois non adressés et les envois postaux internationaux ;

–        deuxièmement, l’optimisation de la distribution des lettres commerciales, pour lesquelles la livraison à domicile serait disponible seulement dans les plus grandes villes ;

–        troisièmement, l’abandon de la livraison à domicile de colis dans certaines zones rurales, et

–        quatrièmement, une réduction du nombre de bureaux de poste.

27      Les autorités danoises ont calculé les coûts qui auraient été évités si le mandat de service universel n’avait pas été confié à Post Danmark, sur la base des coûts, notamment de personnel, liés :

–        premièrement, au maintien d’un réseau de boîtes aux lettres couvrant tout le territoire national ainsi que de la production de timbres ;

–        deuxièmement, au fonctionnement du centre d’envois internationaux de Copenhague (Danemark) qui serait fermé après l’abandon des envois postaux internationaux ;

–        troisièmement, aux centres de tri de lettres et aux plateformes de distribution qui seraient fermés après optimisation de la distribution des lettres commerciales ;

–        quatrièmement, à la livraison à domicile des envois postaux dans certaines zones, et

–        cinquièmement, au fonctionnement des bureaux de poste qui seraient fermés.

28      De ces coûts qui auraient été évités si le mandat de service universel n’avait pas été confié à Post Danmark, les autorités danoises ont déduit :

–        premièrement, les revenus liés aux services que Post Danmark aurait abandonnés ou optimisés en l’absence d’obligations de service universel ;

–        deuxièmement, les bénéfices tirés d’une augmentation de la demande du fait de l’exonération de la TVA dont elle avait bénéficié en tant que prestataire du service universel, et

–        troisièmement, les bénéfices immatériels relatifs aux actifs de propriété intellectuelle résultant de la fourniture du service universel, en particulier la publicité relative à sa visibilité en points de contact et sur les boîtes postales.

29      La Commission a considéré que la méthode proposée par les autorités danoises était fiable et a relevé que, selon cette méthode, le coût net évité pour l’exécution du mandat de service universel était de 2,571 milliards de DKK (environ 345 millions d’euros), soit un montant considérablement supérieur à la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, fixée à un maximum de 1,192 milliard de DKK (environ 160 millions d’euros).

30      En outre, la Commission a considéré que les autorités danoises avaient introduit des incitations à l’efficience du service universel qui satisfaisaient aux points 39 à 43 de l’encadrement SIEG. En particulier, d’une part, la Commission a estimé qu’une importante incitation à l’efficience pouvait être déduite de la circonstance que cette compensation serait versée de manière anticipée et qu’elle représentait 46 % du coût net évité, ce qui autorisait Post Danmark à conserver tous les gains d’efficience à condition de ne pas conduire à une surcompensation. D’autre part, les normes de qualité, imposées à Post Danmark dans le mandat de service universel, et le système de pénalité institué en cas de non-respect de ces normes étaient de nature à exclure que la qualité du service universel fût affectée par ces gains d’efficience.

31      Après avoir écarté les griefs avancés par ITD dans sa plainte et spécifiquement dirigés contre la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, la Commission a conclu que cette dernière était compatible avec le marché intérieur.

32      S’agissant des autres griefs soulevés dans la plainte d’ITD, premièrement, la Commission a considéré que la garantie étatique en cause pouvait constituer une aide d’État. À cet égard, la Commission a estimé que cette garantie pouvait être porteuse d’un avantage, bien que très indirect, en ce qu’elle avait permis à Post Danmark, au moment de sa transformation en société à responsabilité limitée, au cours de l’année 2002, de conserver une partie de son personnel. Cependant, la Commission a considéré que, à supposer que la garantie étatique en cause fût constitutive d’une aide d’État, cette dernière aurait été octroyée en 2002, dès lors qu’elle ne concernait que les employés ayant renoncé à leur statut de fonctionnaire à cette date. Ainsi, cette garantie aurait été octroyée plus de dix ans avant que la Commission ne soit informée de cette mesure, par la plainte d’ITD, et constituerait, par voie de conséquence, une aide à l’égard de laquelle le délai de prescription de dix ans avait expiré et donc, en application de l’article 1er, sous b), iv), et de l’article 17, paragraphe 1, du règlement 2015/1589, une aide existante.

33      En ce qui concerne la répartition des coûts afférents aux différentes activités de Post Danmark, la Commission s’est ralliée aux explications des autorités danoises pour conclure au caractère approprié de la répartition comptable des coûts communs. La Commission a ajouté que, en tout état de cause, la répartition erronée des coûts alléguée par ITD ne semblait, tout d’abord, pas impliquer un transfert de ressources d’État. Ensuite, selon la décision litigieuse, une telle répartition n’était pas imputable aux autorités danoises, dans la mesure où, s’il était vrai que celles-ci avaient adopté la réglementation comptable applicable à Post Danmark, ITD n’avait cependant pas démontré en quoi elles auraient été impliquées dans la fixation des prix par Post Danmark pour ses activités ne relevant pas de l’exécution du mandat de service universel. Enfin, la Commission a estimé que la prétendue subvention croisée des activités commerciales de Post Danmark au moyen des fonds perçus au titre de l’exécution du mandat de service universel n’était pas constitutive d’un avantage, dans la mesure où Post Danmark n’avait jamais reçu, pour l’exécution de cette obligation, de compensation calculée sur la base de la répartition des coûts telle que dénoncée par ITD.

34      Les points conclusifs de la décision litigieuse se lisent comme suit :

« (205) La Commission décide [...] de considérer que la [compensation pour la prestation du service universel 2017-2019] est compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, TFUE et de ne pas soulever d’objections à l’égard de ce[tte] mesur[e].

(206)      La Commission décide en outre que :

(i)      la [garantie étatique en cause] est une aide existante ;

(ii)      l’exonération de TVA ne constitue pas une aide d’État ;

(iii)      la subvention croisée des services commerciaux n’est pas matériellement confirmée et ne constitue pas[,] en tout état de cause[,] une aide d’État ; et

(iv)      l’[augmentation de capital du 23 février 2017] ne constitue pas une aide d’État. »

 La procédure devant le Tribunal et l’arrêt attaqué

35      Par requête déposée au greffe du Tribunal le 20 septembre 2018, les requérantes ont introduit un recours tendant à l’annulation de la décision litigieuse.

36      À l’appui de leur recours, les requérantes ont soulevé un moyen unique, tiré de ce que la Commission avait omis d’ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, en dépit des difficultés sérieuses soulevées par l’appréciation de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 et des autres mesures dénoncées dans la plainte d’ITD. Ce moyen était divisé en deux branches.

37      À l’appui de la seconde branche du moyen unique, seule pertinente aux fins du présent pourvoi, les requérantes ont fait valoir que la Commission avait commis plusieurs erreurs démontrant l’existence de difficultés sérieuses qu’elle avait rencontrées lors de l’examen du caractère d’aide de ces mesures et de leur compatibilité avec le marché intérieur, lorsqu’elle a considéré, dans la décision litigieuse, que :

–        la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 était compatible avec le marché intérieur ;

–        la garantie étatique en cause était une aide existante ;

–        l’exonération de la TVA au profit de Post Danmark n’était pas imputable à l’État ;

–        la répartition, au sein de la comptabilité de Post Danmark, des coûts communs n’était pas entachée d’erreur, n’impliquait pas de transfert de ressources d’État ni n’était imputable à l’État, et

–        l’augmentation de capital du 23 février 2017 n’était pas imputable à l’État et ne constituait pas un avantage économique.

38      Par l’arrêt attaqué, le Tribunal a annulé la décision litigieuse dans la mesure où il y a été considéré, au terme de la phase d’examen préliminaire, que ne constituaient pas des aides d’État, d’une part, l’exonération de la TVA et, d’autre part, l’augmentation de capital du 23 février 2017.

39      En revanche, le Tribunal a rejeté le recours dans la mesure où celui-ci concernait trois autres aspects de la décision litigieuse. Il s’agit, premièrement, de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, deuxièmement, de la garantie étatique en cause et, troisièmement, de la répartition comptable des coûts communs.

 Sur la compensation pour la prestation du service universel 20172019

40      Les requérantes ont soulevé, devant le Tribunal, à l’appui de la seconde branche de leur moyen unique, trois griefs dirigés contre la décision litigieuse, en ce que, par celle-ci, la Commission a décidé que la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 était compatible avec le marché intérieur.

41      Selon le premier grief, la Commission aurait accepté une méthode de calcul du coût net évité qui ne déduisait aucun bénéfice immatériel lié à l’amélioration de la réputation de Post Danmark et à l’ubiquité de cette dernière sur le territoire danois.

42      S’agissant de la prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark, le Tribunal a confirmé l’appréciation de la Commission, selon laquelle, en substance, les difficultés financières qu’avait rencontrées Post Danmark en raison de la baisse de son chiffre d’affaires entre l’année 2009 et l’année 2016 avaient entraîné, d’une part, une diminution des prestations fournies au titre de l’exécution du mandat de service universel et, d’autre part, l’augmentation des tarifs liés à ces services. Ces circonstances auraient été de nature à exclure l’existence de difficultés sérieuses liées à l’absence de déduction de bénéfices induits par l’amélioration de la réputation de Post Danmark dans le calcul du coût net évité. En outre, le Tribunal a considéré que, aux fins de la déduction des bénéfices immatériels dans le cadre du calcul du coût net évité, il convenait non pas d’évaluer la valeur de la marque d’entreprise du prestataire du service universel, mais de déterminer si la réputation d’un prestataire du service universel se trouve améliorée du fait qu’il assure un tel service. Le Tribunal a jugé qu’aucun des éléments avancés par les requérantes ne permettait de considérer que l’absence de prise en compte, par les autorités danoises, de l’amélioration de l’image de marque du fait de l’exécution du mandat de service universel dans le calcul du coût net évité aurait dû faire naître des doutes auprès de la Commission, constitutifs de difficultés sérieuses dans l’examen de la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 avec le marché intérieur.

43      S’agissant de l’ubiquité de Post Danmark sur le territoire danois, le Tribunal a confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle, d’une part, le fait pour les clients des distributeurs de catalogues, de magazines et de revues d’être, selon les autorités danoises, pleinement disposés à choisir des distributeurs n’offrant pas une couverture territoriale universelle tendait à établir que Post Danmark ne bénéficiait pas, du fait de son statut de prestataire du service universel, d’un avantage immatériel lié à l’ubiquité. D’autre part, le Tribunal a également confirmé l’appréciation de la Commission selon laquelle, même si le mandat de service universel ne lui avait pas été confié, l’ubiquité de Post Danmark n’aurait pas été fondamentalement modifiée à l’égard des services liés au commerce en ligne, étant donné qu’elle aurait continué à proposer, sur tout le territoire danois, la distribution de colis autres que les colis à l’unité, avec ou sans livraison à domicile selon la zone géographique. Le Tribunal a jugé que les éléments présentés par les requérantes ne permettaient pas de considérer que l’absence de déduction spécifique d’un bénéfice immatériel lié à l’ubiquité, dans le calcul du coût net évité présenté par les autorités danoises, aurait dû mettre la Commission face à des difficultés sérieuses quant à la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 avec le marché intérieur.

44      Par le deuxième grief, les requérantes avançaient que Post Danmark ne pouvait être considérée comme étant un prestataire efficient en raison de son mauvais état financier. Le Tribunal a considéré que ce grief procédait d’une confusion entre, d’une part, les incitations à l’efficience telles que requises aux points 39 à 43 de l’encadrement SIEG, qui visent à ce que la fourniture du service universel procure des gains d’efficience tout en assurant un service de qualité, et, d’autre part, l’idée que le calcul du coût net évité soit effectué sur la base d’un prestataire efficient, cette dernière n’étant pas pertinente lors de l’appréciation de la compatibilité de l’aide en application de l’article 106, paragraphe 2, TFUE. En effet, la prise en compte de l’efficacité économique du prestataire du service universel reviendrait à exiger qu’un tel service soit toujours fourni dans des conditions normales de marché, ce qui risquerait de faire échec à l’accomplissement, en droit ou en fait, de la mission particulière impartie aux entreprises chargées de la gestion d’un service d’intérêt économique général. Or, une telle situation serait précisément celle que vise à prévenir l’article 106, paragraphe 2, TFUE. Il s’ensuivrait que les arguments avancés par les requérantes ne permettaient pas de conclure que de telles considérations comportaient un indice de l’existence de difficultés sérieuses auxquelles la Commission aurait été confrontée lors de l’appréciation de la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019.

45      Dans le cadre du troisième grief, les requérantes reprochaient à la Commission :

–        premièrement, d’avoir considéré que la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 était compatible avec le marché intérieur sur la base de l’encadrement SIEG, tout en autorisant expressément qu’elle soit utilisée pour payer les frais induits par le licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark, coût qui serait pourtant étranger à l’exécution du mandat de service universel ;

–        deuxièmement, d’avoir inclus les frais en question au coût net évité, sans qu’il ait été établi que les anciens fonctionnaires de Post Danmark en cause, devenus salariés, travaillaient aux fins de l’accomplissement du mandat de service universel ;

–        troisièmement, de ne pas avoir examiné la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 sur la base des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration d’entreprises en difficulté autres que les établissements financiers (JO 2014, C 249, p. 1, ci-après les « lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration »).

46      S’agissant de la première partie dudit grief, le Tribunal a jugé que la circonstance que la somme octroyée au titre de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 soit affectée à une autre fin que l’exécution du mandat de service universel n’impliquait pas, en soi, que la Commission ait rencontré des difficultés sérieuses dans l’appréciation de la compatibilité d’une telle mesure ni qu’une telle affectation serait constitutive d’une mise en œuvre abusive de l’aide.

47      S’agissant de la deuxième partie du même grief, le Tribunal a rappelé notamment que l’introduction d’un nouveau modèle de production au sein de Post Danmark a été rendue nécessaire par le changement de nature du marché postal dû à la numérisation croissante des échanges au Danemark et que le nouveau modèle en question était en grande partie axé sur la rationalisation de certains coûts de personnel liés à la distribution du courrier. En outre, les autorités danoises auraient retenu une approche prudente en considérant que, même si elle n’avait pas été chargée de l’exécution du mandat de service universel, Post Danmark aurait toujours dû s’acquitter, dans la même proportion, de frais de licenciement d’anciens fonctionnaires, ce qui tendrait à réduire l’incidence de ces frais sur le montant du coût net évité.

48      Enfin, le Tribunal a rejeté la troisième partie du grief en question au motif qu’elle n’avait été soulevée que dans les observations des requérantes sur le mémoire en intervention du Royaume de Danemark.

49      C’est ainsi que le Tribunal a décidé que les requérantes n’avaient pas fourni la preuve de l’existence de difficultés sérieuses auxquelles la Commission aurait été confrontée lors de l’appréciation de la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 avec le marché intérieur. Ce constat serait conforté par le fait que le montant du coût net évité, évalué à 2,571 milliards de DKK (environ 345 millions d’euros), était nettement supérieur au montant maximal de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, qui était de 1,192 milliard de DKK (environ 160 millions d’euros).

 Sur la garantie étatique en cause

50      À l’appui de leur recours, les requérantes ont fait valoir que la garantie étatique en cause ne saurait être considérée comme ayant été octroyée au moment de sa constitution, c’est-à-dire au cours de l’année 2002. Ainsi, contrairement à ce que la Commission aurait considéré dans la décision litigieuse, une telle garantie ne serait pas une « aide existante », au sens de l’article 17 du règlement 2015/1589.

51      À cet égard, le Tribunal a rappelé que la garantie étatique en cause avait été consentie en vertu de l’article 9 de la lov nr. 409 om Post Danmark A/S (loi no 409 relative à Post Danmark), du 6 juin 2002 (Lovtidende 2002 A). Or, selon le Tribunal, l’argumentation des requérantes procédait d’une confusion entre, d’une part, l’octroi périodique d’avantages successifs à la suite de l’application individuelle, de façon répétée, d’un régime d’aides et, d’autre part, l’octroi d’une garantie individuelle qui peut avoir pour effet d’améliorer, de façon continue, la situation de son bénéficiaire. Dans ce dernier cas, la date d’octroi de l’aide serait celle de la constitution de la garantie. Ce serait donc sans commettre d’erreur que la Commission avait fixé le point de départ du délai de prescription à l’égard de toute aide éventuellement accordée au moyen de la garantie étatique en cause à la date de son adoption, à savoir le 6 juin 2002. En toute hypothèse, cette garantie pouvant être mobilisée uniquement en cas de faillite de Post Danmark, elle n’aurait pas été de nature à améliorer la situation financière de cette dernière.

 Sur la répartition comptable des coûts communs

52      Devant le Tribunal, les requérantes ont fait valoir, en substance, que la Commission avait erronément conclu, d’une part, au caractère adéquat de la répartition comptable des coûts communs et, d’autre part, qu’une telle répartition n’impliquait, en tout état de cause, ni imputabilité à l’État, ni ressources d’État, ni octroi d’un avantage. Un certain nombre de prétendues erreurs identifiées par les requérantes impliqueraient que l’examen réalisé par la Commission au cours de la procédure d’enquête préliminaire était insuffisant et constitueraient la preuve de l’existence de difficultés sérieuses, en présence desquelles la Commission aurait dû ouvrir la procédure formelle d’examen. En particulier, la réglementation comptable nationale applicable à Post Danmark entre l’année 2006 et l’année 2013, soit successivement de l’année 2006 à l’année 2011 (ci‑après la « réglementation comptable de 2006 »), puis de l’année 2011 à l’année 2013 (ci-après la « réglementation comptable de 2011 »), aurait imposé à Post Danmark une répartition erronée des coûts communs. Cette réglementation aurait permis à Post Danmark d’imputer à l’exécution du mandat de service universel l’intégralité de ces derniers coûts, sans vérifier si une partie de ceux-ci était ou non liée à des services ne relevant pas de cette obligation.

53      À cet égard, le Tribunal a relevé que la Commission avait fondé sa conclusion, à titre principal, sur le caractère erroné de l’allégation selon laquelle les règles comptables applicables à Post Danmark avaient engendré une mauvaise répartition des coûts communs et, à titre subsidiaire, sur le fait que la répartition des coûts communs conformément aux réglementations comptables de 2006 et de 2011 ne constituait pas une aide d’État au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, certaines conditions prévues à cette disposition faisant défaut. La Commission avait donc, selon le Tribunal, effectué une appréciation complète de la question. En outre, à la suite de l’examen de la réglementation comptable de 2011, et après avoir constaté que la réglementation comptable de 2006 était rédigée de la même manière, le Tribunal a jugé que la prétendue imputation des coûts communs aux seuls coûts relevant de l’exécution du mandat de service universel n’était pas établie et que la réglementation comptable applicable à Post Danmark entre l’année 2006 et l’année 2013 conduisait à une répartition appropriée des différents types de coûts.

 La procédure devant la Cour et les conclusions des parties

54      Par ordonnance du président de la Cour du 26 janvier 2022, ITD et Danske Fragtmænd/Commission (C‑442/21 P, non publiée, EU:C:2022:106), Post Danmark a été autorisée à intervenir à la présente procédure, au soutien des conclusions de la Commission. Il a été, néanmoins, précisé que, conformément à l’article 129, paragraphe 4, du règlement de procédure de la Cour, Post Danmark pourrait présenter ses observations lors de l’audience de plaidoiries, si celle-ci avait lieu.

55      Les requérantes demandent à la Cour :

–        d’annuler l’arrêt attaqué dans la mesure où, par celui-ci, le Tribunal a rejeté leur recours en ce que celui-ci était dirigé contre les parties de la décision litigieuse dans lesquelles la Commission a, sans ouvrir la procédure formelle d’examen prévue à l’article 108, paragraphe 2, TFUE, décidé, premièrement, que la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 était compatible avec le marché intérieur, deuxièmement, que la garantie étatique en cause constituait une aide existante ainsi que, troisièmement, que la répartition comptable des coûts communs était adéquate et qu’elle n’impliquait, en tout état de cause, ni imputabilité à l’État, ni ressources d’État, ni octroi d’un avantage et

–        de condamner la Commission aux dépens.

56      La Commission demande à la Cour :

–        de rejeter le pourvoi et

–        de condamner les requérantes aux dépens.

57      Le Royaume de Danemark demande à la Cour de rejeter le pourvoi.

 Sur le pourvoi

58      Les requérantes soulèvent quatre moyens à l’appui du pourvoi.

59      Par le premier, le deuxième et le quatrième moyens de pourvoi, les requérantes contestent l’analyse du Tribunal par laquelle celui-ci a rejeté les griefs soulevés contre des appréciations de la Commission concernant le calcul du coût net évité relatif à l’exécution des prestations de service universel 2017-2019. Le troisième moyen de pourvoi est dirigé contre les appréciations du Tribunal par lesquelles celui-ci a rejeté les griefs par lesquels les requérantes critiquaient l’analyse de la Commission portant sur la garantie étatique en cause.

60      En particulier, le premier moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal au sujet des bénéfices immatériels dont Post Danmark aurait bénéficié en tant que prestataire du service universel, à savoir l’amélioration de sa réputation et son ubiquité, ainsi qu’au sujet des incitations à l’efficience. Le deuxième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal au sujet des frais induits par le licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark. Le troisième moyen est tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal en ce qui concerne la qualification de la garantie étatique en cause en tant qu’aide existante. Le quatrième moyen est tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal en ce qui concerne la répartition comptable des coûts communs.

 Sur le premier moyen, tiré d’une prétendue erreur de droit et d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve au sujet des bénéfices immatériels et des incitations à l’efficience

 Sur la prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark en tant que bénéfice immatériel

–       Argumentation des parties

61      Les requérantes font valoir, premièrement, que, contrairement à ce qu’a jugé le Tribunal, il incombait à la Commission, et non à celles-ci, d’examiner si la qualité du service universel était telle qu’elle a amélioré la réputation de Post Danmark au profit des autres services également offerts par cette dernière. En toute hypothèse, ainsi que l’aurait par ailleurs reconnu le Tribunal au point 144 de l’arrêt attaqué, les requérantes avaient apporté la preuve du fait que le service universel fourni par Post Danmark est de haute qualité. Cette circonstance serait démontrée par la hausse des prix dudit service, à laquelle aurait pu procéder Post Danmark. En outre, le Tribunal ne saurait prendre appui sur les difficultés financières de Post Danmark pour réfuter l’amélioration de la réputation de cette dernière à la suite de l’attribution du service universel, dès lors que la Commission n’aurait pas invoqué cette circonstance dans la décision litigieuse. Deuxièmement, la seule omission d’aborder ce sujet dans la décision litigieuse suffirait pour démontrer l’existence de sérieux doutes quant à la compatibilité de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019 avec le marché intérieur. Troisièmement, les requérantes font valoir que le Tribunal ne saurait tenir compte du fait que les consommateurs maintiendraient dans leur esprit un lien entre Post Danmark et l’État danois même si cette dernière ne se voyait pas confier le service universel. Par conséquent, tout élément de cet ordre affectant positivement la réputation de Post Danmark devrait être exclu du scénario contrefactuel. Enfin, quatrièmement, les requérantes font valoir que le Tribunal a dénaturé le contenu d’éléments démontrant l’amélioration de la réputation de Post Danmark grâce à l’exécution du mandat de service universel.

62      La Commission et le gouvernement danois contestent la recevabilité et le bien-fondé de ces arguments.

–       Appréciation de la Cour

63      S’agissant de la prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark, le Tribunal a rappelé, dans un premier temps, aux points 131 et 132 de l’arrêt attaqué, que, selon l’annexe I de la directive 97/67 et le point 25 de l’encadrement SIEG, le calcul du coût net évité doit évaluer les bénéfices, y compris immatériels, pour le prestataire du service d’intérêt économique général (SIEG), lorsque ceux-ci sont imputables au SIEG.

64      Dans un deuxième temps, le Tribunal a constaté, aux points 134 à 137 de cet arrêt, que, si la Commission a tenu compte de deux catégories de bénéfices immatériels résultant, d’une part, de l’exonération de la TVA pour les services relevant de l’exécution du mandat de service universel et, d’autre part, des retombées publicitaires liées aux points de contact visibles tels que les boîtes aux lettres et les points de retrait de colis en libre-service, cette institution n’a pas tenu compte de bénéfices immatériels liés à l’amélioration de la réputation de Post Danmark et à l’ubiquité de cette dernière sur le territoire danois.

65      Dans un troisième temps, le Tribunal a reconnu, aux points 140 et 141 dudit arrêt, qu’il ressortait des différentes preuves produites par les requérantes, dont une étude réalisée au cours de l’année 2010 par WIK Consult à la demande de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (ARCEP, France) (ci-après l’« étude de WIK de 2010 ») et un rapport datant du mois d’août 2012 du groupe des régulateurs européens des services postaux (ERGP) sur le calcul du coût net évité, que l’amélioration de la réputation du prestataire du service universel pouvait être considérée comme étant un bénéfice immatériel imputable à l’obligation de service universel dans le secteur postal. Selon le Tribunal, ces documents précisaient que l’identification de l’avantage lié à l’amélioration de la réputation du prestataire du service universel se fondait toutefois sur des études datant des années 2001, 2002 et 2008.

66      Or, au point 142 du même arrêt, le Tribunal a estimé que les requérantes n’avaient pas été en mesure d’expliquer en quoi ces considérations étaient applicables à Post Danmark, pour qui le recours généralisé aux envois électroniques avait entraîné une baisse de chiffre d’affaires de 38 % entre l’année 2009 et l’année 2016. Sur ce dernier point, les difficultés financières qu’a rencontrées Post Danmark au cours de cette période avaient entraîné, selon le Tribunal, d’une part, une diminution des prestations de services offertes au titre de l’exécution du mandat de service universel et, d’autre part, l’augmentation des tarifs liés à ces services, ce qui était de nature à exclure l’existence de difficultés sérieuses auxquelles la Commission aurait été confrontée lors de son examen du fait de l’absence de déduction de bénéfices liés à l’amélioration de la réputation de Post Danmark dans le calcul du coût net évité.

67      Au point 143 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que cette conclusion n’était pas remise en cause par le rapport du United States Postal Service Office of Inspector General (bureau de l’inspecteur général des services postaux des États-Unis d’Amérique), daté du 28 janvier 2015 et relatif à la valeur de la marque de l’opérateur US Postal (ci-après le « rapport US Postal »), que les requérantes avaient produit en annexe à leur requête devant le Tribunal et dont il ressortait que, malgré des difficultés financières, US Postal, chargé de l’obligation de service universel aux États-Unis, avait vu la valeur de sa marque d’entreprise demeurer à un niveau très élevé et équivalent au coût de ladite obligation. Selon le Tribunal, même à supposer que le contexte dans lequel opère US Postal ait été transposable à celui relatif à Post Danmark, l’importance de la valeur de sa marque d’entreprise et la comparaison de celle-ci avec le coût de l’obligation de service universel ne seraient d’aucune pertinence pour établir que la réputation de l’entreprise serait affectée en l’absence de cette obligation. En effet, aux fins de la déduction des bénéfices immatériels dans le cadre du calcul du coût net évité, il conviendrait non pas d’évaluer la valeur de la marque d’entreprise du prestataire du service universel, mais de déterminer si la réputation d’un prestataire du service universel se trouve améliorée du fait qu’il assure un tel service.

68      De manière similaire, le Tribunal a jugé, aux points 145 à 148 de l’arrêt attaqué, que les requérantes ne sauraient valablement tirer argument de l’étude de WIK de 2010 relative à l’opérateur français La Poste et d’un rapport du 20 décembre 2017 relatif à la stratégie postale de l’opérateur irlandais An Post pour la période comprise entre l’année 2018 et l’année 2020. D’une part, les conclusions de l’étude de WIK de 2010 seraient liées à l’existence de circonstances propres au prestataire concerné. Or, les requérantes n’auraient pas démontré, ni même soutenu, que de telles circonstances seraient transposables à Post Danmark. D’autre part, il ressortirait du rapport relatif à An Post que ce serait uniquement au regard de l’envoi de correspondances que la fourniture du service universel permettrait à An Post une amélioration de sa réputation. Toutefois, il ressortirait des points 151 et 160 de la décision litigieuse que, si l’exécution du mandat de service universel ne lui était pas confiée, Post Danmark cesserait d’assurer l’envoi de lettres en raison du caractère déficitaire d’un tel service. Dès lors, toute baisse de réputation limitée au secteur de l’envoi des lettres serait sans incidence sur la situation de Post Danmark, quand bien même ne serait‑elle pas en charge de l’exécution du mandat de service universel, étant donné que cette dernière ne serait plus présente sur ledit secteur.

69      C’est sur la base de ces motifs que le Tribunal a décidé, au point 149 de l’arrêt attaqué, qu’aucun des éléments avancés par les requérantes ne permettait de considérer que l’absence de prise en compte, par les autorités danoises, de l’amélioration de l’image de marque de Post Danmark du fait de la prestation du service universel dans le calcul du coût net évité aurait dû faire naître des doutes auprès de la Commission dans l’examen de la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019.

70      Aucun des arguments que soulèvent les requérantes à l’appui de leur premier moyen, en ce que celui-ci est tiré d’une prétendue erreur de droit et d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve au sujet de la prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark, ne saurait prospérer.

71      En particulier, doivent être écartés les deux arguments tirés de prétendues erreurs de droit et pris, en substance, d’un renversement, par le Tribunal, de la charge de la preuve et de l’existence de doutes sérieux du seul fait que la Commission n’a pas consacré, dans la décision litigieuse, d’analyse au sujet de l’éventuelle amélioration de la réputation de Post Danmark. En effet, d’une part, il ne ressort pas de l’arrêt attaqué, ni n’est allégué au soutien du pourvoi, que les requérantes avaient soulevé ce point dans leur plainte déposée le 27 novembre 2017. D’autre part, ni l’annexe I de la directive 97/67 ni l’encadrement SIEG n’obligent la Commission à inclure, en toutes circonstances, dans une décision déclarant une aide compatible avec le marché intérieur sur le fondement de l’article 106, paragraphe 2, TFUE une motivation spécifique concernant des types de bénéfices immatériels qu’elle considère comme inexistants.

72      Au demeurant, les arguments pris de ce que le service universel fourni par Post Danmark serait de haute qualité et que le Tribunal ne saurait prendre appui, pour réfuter l’amélioration de la réputation de Post Danmark à la suite de l’attribution du mandat de service universel, sur les difficultés financières de cette dernière ou sur les liens que les consommateurs feraient, en tout état de cause, entre celle-ci et l’État danois, visent à remettre en cause les appréciations factuelles du Tribunal.

73      Or, conformément à l’article 256, paragraphe 1, second alinéa, TFUE et à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne, l’appréciation des faits et des éléments de preuve ne constitue pas, sous réserve du cas de leur dénaturation, une question de droit soumise, comme telle, au contrôle de la Cour dans le cadre d’un pourvoi (voir, en ce sens, arrêt du 26 septembre 2018, Philips et Philips France/Commission, C‑98/17 P, non publié, EU:C:2018:774, point 40 ainsi que jurisprudence citée).

74      Partant, dès lors que les requérantes ne font pas valoir que les appréciations du Tribunal au sujet d’une prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark liée à l’attribution du mandat de service universel à cette dernière sont entachées d’une dénaturation des éléments de preuve, leurs arguments en ce sens doivent être rejetés comme étant irrecevables.

75      Il en est de même des arguments qui, tout en étant formellement pris d’une dénaturation des éléments de preuve, critiquent, en réalité, les conclusions que le Tribunal a tirées du rapport US Postal ou de celui relatif à An Post, résumées aux points 67 et 68 du présent arrêt.

76      En effet, une dénaturation d’éléments de preuve doit ressortir de façon manifeste des pièces du dossier, sans qu’il soit nécessaire de procéder à une nouvelle appréciation des faits et des preuves. Par ailleurs, conformément à l’article 256 TFUE, à l’article 58, premier alinéa, du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et à l’article 168, paragraphe 1, sous d), du règlement de procédure, il appartient au requérant d’indiquer de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal et de démontrer les erreurs d’analyse qui, dans son appréciation, auraient conduit celui-ci à cette dénaturation (arrêt du 18 janvier 2017, Toshiba/Commission, C‑623/15 P, non publié, EU:C:2017:21, point 54 et jurisprudence citée).

77      Or, contrairement à ce que font valoir les requérantes, le point 143 de l’arrêt attaqué, résumé au point 67 du présent arrêt, ne fait apparaître aucune dénaturation du passage extrait de la page 24 du rapport US Postal, auquel se réfèrent les requérantes et selon lequel « [l]a capacité d’US Postal, et uniquement d’US Postal, d’envoyer et de distribuer du courrier à tous les consommateurs du pays conformément à l’[obligation de service universel] renforce la valeur de la marque en la différenciant de manière positive de toutes les autres ». De manière similaire, le seul fait pour les requérantes de n’avoir invoqué, comme elles le prétendent, le rapport relatif à An Post qu’en tant qu’exemple ne signifie pas que le Tribunal ne pouvait pas réfuter la pertinence de cet exemple ni que, en le faisant, il a dénaturé le contenu du rapport en question.

78      Les arguments pris d’une prétendue amélioration de la réputation de Post Danmark liée à l’attribution du mandat de service universel à cette dernière doivent donc être rejetés comme étant irrecevables.

 Sur l’ubiquité de Post Danmark en tant que bénéfice immatériel

–       Argumentation des parties

79      Les requérantes font valoir que les appréciations du Tribunal selon lesquelles, premièrement, les services offerts par Post Danmark n’avaient pas besoin d’ubiquité, deuxièmement, la situation financière de Post Danmark excluait la possibilité que l’ubiquité renforcerait sa réputation et, troisièmement, que cette dernière offrirait certains services sur l’ensemble du territoire danois même si elle ne s’était pas vu confier le mandat de service universel sont entachées d’une dénaturation des éléments de preuve.

80      En particulier, selon les requérantes, le fait que l’opérateur français La Poste ne jouissait d’aucun avantage immatériel grâce à son ubiquité n’impliquerait pas que Post Danmark ne jouissait pas d’un tel avantage. Les requérantes ajoutent que la possibilité pour les clients des distributeurs de catalogues, de magazines et de revues de choisir des distributeurs n’offrant pas une couverture territoriale universelle n’excluait pas que d’autres clients de Post Danmark préféreraient choisir un distributeur qui serait présent sur tout le territoire danois. Ce serait, par ailleurs, précisément l’ubiquité dont jouirait Post Danmark grâce à l’exécution du mandat de service universel qui lui aurait permis de continuer à proposer, sur l’ensemble de ce territoire, la distribution de colis autres que les colis à l’unité, avec ou sans livraison à domicile selon les différentes zones. Enfin, selon les requérantes, les difficultés financières de Post Danmark n’affecteraient pas les bénéfices immatériels générés grâce à l’ubiquité.

81      La Commission et le gouvernement danois contestent la recevabilité et le bien-fondé de ces arguments.

–       Appréciation de la Cour

82      À titre de prémisse, le Tribunal a constaté, au point 151 de l’arrêt attaqué, que, dans le secteur postal, l’ubiquité désigne l’effet d’acquisition et de fidélisation de consommateurs, qui sont plus enclins à faire appel au prestataire du service universel qu’à ses concurrents, dans la mesure où ils savent que, du fait de l’obligation de service universel, ce prestataire fournit des services sur l’ensemble du territoire national. Au point 154 de cet arrêt, le Tribunal a considéré qu’un avantage immatériel lié à l’ubiquité ne saurait toutefois être systématiquement déduit du calcul du coût net évité, ainsi qu’en témoignait l’étude de WIK de 2010, produite par les requérantes, qui a considéré que l’obligation de service universel ne procurait pas un tel avantage à l’opérateur français La Poste. En l’espèce, le Tribunal a constaté, au point 155 de l’arrêt attaqué que la Commission avait précisément relevé, au point 159, sous iii), de la décision litigieuse, que les clients des distributeurs de catalogues, de magazines et de revues étaient pleinement disposés à choisir des distributeurs n’offrant pas une couverture territoriale universelle. Cette considération, que les requérantes n’auraient pas contestée, tendrait à établir que Post Danmark ne bénéficiait pas, du fait de son statut de prestataire du service universel, d’un avantage immatériel lié à l’ubiquité.

83      Au demeurant, le Tribunal a relevé, au point 157 de l’arrêt attaqué, en substance, que, selon le point 149, sous i), et le point 151 de la décision litigieuse, même si l’exécution du mandat de service universel ne lui avait pas été confiée, l’ubiquité de Post Danmark n’aurait pas été fondamentalement modifiée à l’égard des services liés au commerce en ligne, étant donné que cette société aurait continué à proposer, sur tout le territoire danois, la distribution de colis autres que les colis à l’unité, avec ou sans livraison à domicile selon les zones.

84      Il y a lieu de constater que l’ensemble des arguments avancés par les requérantes relatifs à la prétendue ubiquité de Post Danmark en tant que bénéfice immatériel visent, sous couvert d’une prétendue dénaturation des éléments de preuve, à remettre en cause ces appréciations du Tribunal qui sont de nature factuelle. En effet, les requérantes se contentent soit d’affirmer qu’il ne saurait, malgré l’analyse du Tribunal, être exclu que Post Danmark jouisse de bénéfices immatériels au titre de l’ubiquité, soit que l’ubiquité résultant de l’exécution du mandat de service universel aurait permis à cette dernière de fournir certains services. Or, les requérantes n’indiquent pas les éléments de preuve qui auraient été dénaturés par le Tribunal ni ne démontrent les erreurs d’analyse qui auraient conduit celui-ci à cette dénaturation. Dans ces conditions, et au vu de la jurisprudence citée au point 76 du présent arrêt, les arguments des requérantes doivent être écartés comme étant irrecevables.

 Sur la prétendue absence d’incitations à l’efficience

–       Argumentation des parties

85      Les requérantes exposent que, compte tenu de la situation financière de Post Danmark, la compatibilité avec le marché intérieur de toute aide ayant pour objet la prestation du service universel aurait dû être appréciée, conformément au point 9 de l’encadrement SIEG, au regard des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration, qui exigeraient l’élaboration d’un plan de restructuration. Les incitations à l’efficience introduites par les autorités danoises n’auraient donc pu être acceptées que si elles avaient fait partie d’un plan de restructuration approuvé en application de ces lignes directrices. Par conséquent, en jugeant, en substance, aux points 162 à 164 de l’arrêt attaqué, que la Commission a pu valablement considérer, dans la décision litigieuse, sans que cela suscite des difficultés sérieuses auprès de cette institution quant à la compatibilité avec le marché intérieur de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, que les autorités danoises avaient introduit des incitations à l’efficience du service universel suffisantes, le Tribunal aurait violé l’encadrement SIEG.

86      La Commission et le gouvernement danois contestent la recevabilité et le bien-fondé de ces arguments.

–       Appréciation de la Cour

87      Il convient de rappeler que, selon l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure, le pourvoi ne peut modifier l’objet du litige devant le Tribunal. En effet, permettre à une partie de soulever pour la première fois devant la Cour des moyens et des arguments qu’elle n’a pas soulevés devant le Tribunal reviendrait à l’autoriser à saisir la Cour d’un litige plus étendu que celui dont a eu à connaître le Tribunal. Dans le cadre d’un pourvoi, la compétence de la Cour est donc limitée à l’examen de l’appréciation par le Tribunal des moyens et des arguments qui ont été débattus devant lui (arrêt du 27 avril 2017, Akzo Nobel e.a./Commission, C‑516/15 P, EU:C:2017:314, point 38 ainsi que jurisprudence citée).

88      En l’espèce, ainsi qu’il ressort du point 160 de l’arrêt attaqué, s’agissant de la prise en compte d’incitations à l’efficience, les requérantes ont fait valoir devant le Tribunal que le calcul du coût net évité lié à l’exécution du mandat de service universel méconnaissait les points 39 à 43 de l’encadrement SIEG à deux égards. D’une part, ce calcul n’aurait pas été élaboré sur la base d’un prestataire efficient et, d’autre part, aucun contrôle de la qualité du service universel n’aurait pu être effectué, dès lors que la compensation pour la prestation du service universel 2017‑2019 avait, pour partie, été versée a posteriori.

89      Aux points 164 à 166 de l’arrêt attaqué, dont le contenu a été résumé au point 44 du présent arrêt, le Tribunal a jugé, en substance, que les arguments des requérantes procédaient d’une confusion entre, d’une part, les incitations à l’efficience, telles que requises aux points 39 à 43 de l’encadrement SIEG, et, d’autre part, l’idée que le calcul du coût net évité doit être effectué sur la base d’un prestataire efficient.

90      Ainsi qu’il a été exposé au point 85 du présent arrêt, les requérantes font valoir, à l’appui de leur premier moyen de pourvoi, que l’appréciation de la Commission sur les incitations à l’efficience aurait dû se fonder sur les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration.

91      Or, comme le relèvent la Commission et le gouvernement danois, les requérantes n’ont pas soulevé de tel grief devant le Tribunal, de telle sorte que les arguments fondés sur les lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration présentent un caractère nouveau et doivent, à ce titre, être rejetés comme étant irrecevables en application de l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure.

92      Il s’ensuit que le premier moyen de pourvoi doit être rejeté comme étant irrecevable.

 Sur le deuxième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal au sujet des frais induits par le licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark

 Argumentation des parties

93      Les requérantes ont avancé, devant le Tribunal, que la Commission ne saurait, conformément à l’encadrement SIEG, déclarer compatible une aide aux fins de la prestation du service universel, tout en autorisant son versement à une fin différente, à savoir, en l’espèce, la couverture des frais de licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark. Dans une telle hypothèse, la Commission autoriserait en réalité l’application abusive d’une aide, dont la compatibilité avec le marché intérieur aurait dû, vu la situation financière de Post Danmark, être appréciée à l’aune non pas de l’encadrement SIEG, mais des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration. En rejetant ces arguments, le Tribunal aurait méconnu le fait que, selon l’encadrement SIEG, le financement du service universel ne saurait inclure les frais de licenciement de membres du personnel d’une entreprise en difficulté et aurait également enfreint le principe d’égalité de traitement, qui interdirait de favoriser les entreprises publiques, ainsi que le principe de confiance légitime. En toute hypothèse, le Tribunal aurait dénaturé les preuves, puisque ce ne seraient pas tous les anciens fonctionnaires de Post Danmark qui étaient effectivement impliqués dans la fourniture du service universel. Dans ces conditions, le fait pour les autorités danoises d’avoir également tenu compte des coûts de licenciement dans le cadre du scénario contrefactuel ne remédierait pas à l’erreur commise et provoquerait une insécurité juridique.

94      La Commission et le gouvernement danois contestent le bien-fondé de ce moyen de pourvoi.

 Appréciation de la Cour

95      Les requérantes précisent que, par le deuxième moyen de pourvoi, elles ne critiquent pas la considération du Tribunal, exposée notamment aux points 170 et 173 de l’arrêt attaqué, selon laquelle la compatibilité avec le marché intérieur d’une aide octroyée aux fins de l’exécution des obligations de service universel ne dépend pas de l’affectation effective du montant correspondant. Les requérantes font valoir qu’elles critiquent, en revanche, les motifs de l’arrêt attaqué figurant aux points 176 à 178 de ce dernier, selon lesquels la Commission peut déclarer une aide compatible avec le marché intérieur aux fins de la prestation du service universel tout en autorisant la même aide afin de répondre à un objectif différent, à savoir le licenciement de membres du personnel dans le cadre d’une restructuration de l’entreprise bénéficiaire. Selon les requérantes, une telle approche équivaut, par ailleurs, à autoriser l’application abusive d’une aide.

96      Il convient d’écarter d’emblée l’argument pris de la prétendue autorisation d’une application abusive de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019. En effet, ainsi qu’il ressort de l’article 1er, sous g), du règlement 2015/1589, une aide est appliquée de façon abusive lorsqu’elle est utilisée par le bénéficiaire en violation de la décision en vertu de laquelle cette aide est déclarée compatible avec le marché intérieur. Il s’ensuit qu’une décision de la Commission déclarant une aide compatible avec le marché intérieur ne peut, par définition, être considérée comme autorisant, en même temps, l’application abusive de celle-ci, au sens de l’article 1er, sous g), du règlement 2015/1589.

97      En ce qui concerne le reste de l’argumentation présentée par les requérantes, il y a lieu de rappeler que, conformément à l’article 106, paragraphe 2, TFUE, les entreprises chargées de la gestion des services d’intérêt économique général sont soumises aux règles des traités et, notamment, aux règles de concurrence, dans les limites où l’application de ces règles ne fait pas échec à l’accomplissement en droit ou en fait de la mission particulière qui leur a été impartie et que le développement des échanges ne doit être affecté dans une mesure contraire à l’intérêt de l’Union européenne.

98      Ainsi, des dérogations aux règles du traité FUE ne sont permises que si elles sont nécessaires à l’accomplissement de la mission particulière qui a été impartie à une entreprise chargée de la gestion d’un service d’intérêt économique général (arrêt du 8 mars 2017, Viasat Broadcasting UK/Commission, C‑660/15 P, EU:C:2017:178, point 29 et jurisprudence citée).

99      Dans ce contexte, le point 1 de l’encadrement SIEG énonce qu’un soutien financier des autorités publiques peut se révéler nécessaire lorsque les recettes générées par la prestation du service ne permettent pas de couvrir les coûts résultant des obligations de service public. Selon le point 21 de l’encadrement SIEG, le montant du soutien financier accordé au titre de la compensation pour l’exécution d’un service public ne doit pas dépasser ce qui est nécessaire pour couvrir le coût net de l’exécution des obligations de service public, compte tenu d’un bénéfice raisonnable.

100    L’argumentation des requérantes doit être comprise comme faisant valoir, en substance, que le raisonnement du Tribunal au terme duquel celui-ci a jugé que la prise en compte des frais de licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark dans le calcul du coût net évité n’était pas une circonstance qui aurait dû être de nature à conduire la Commission à constater l’existence de difficultés sérieuses dans le cadre de son examen est entaché, à titre principal, d’une erreur de droit et, à titre subsidiaire, d’une dénaturation des éléments de preuve.

101    À cet égard, aux points 9 et 10 de l’arrêt attaqué, tels que résumés aux points 15 et 16 du présent arrêt, le Tribunal a relevé que la mise en œuvre du nouveau modèle de production de Post Danmark impliquait le licenciement d’anciens fonctionnaires de celle-ci, ce qui entraînait le paiement d’indemnités spéciales, financées, en partie, au moyen de la compensation pour la prestation du service universel 2017-2019, alors que Post Danmark s’est déjà vu confier l’exécution du mandat de service universel. Ainsi, au point 168 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a rappelé, en renvoyant au point 23 de la décision litigieuse, que cette compensation constituait, à ce titre, une composante du nouveau modèle de production de Post Danmark.

102    En outre, au point 178 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a relevé qu’il ressortait des points 1 et 10 de l’accord du 20 octobre 2017 ainsi que du point 2.2 de la décision litigieuse, que la mise en place d’un nouveau modèle de production au sein de Post Danmark avait été rendue nécessaire par le changement de nature du marché postal dû à la numérisation croissante des échanges au Danemark. Le Tribunal a également indiqué que ce nouveau modèle était en grande partie axé sur la rationalisation de certains coûts de personnel liés à la distribution du courrier, qui constitue, comme il ressort du point 2 du mandat de service universel, reproduit au point 4 de l’arrêt attaqué et au point 12 du présent arrêt, une activité centrale de l’obligation de service universel.

103    Il ressort de ces constatations du Tribunal que le licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark constitue un paramètre conditionnant l’exécution du mandat de service universel moyennant un coût net tenant compte des frais se rapportant audit licenciement.

104    Dans ces circonstances, force est de constater que le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit en décidant, en substance, au point 178 de l’arrêt attaqué, que les frais de licenciement d’anciens fonctionnaires de Post Danmark entretenaient un rapport étroit avec l’exécution du mandat de service universel, de telle sorte qu’ils pouvaient dûment être pris en compte aux fins du calcul du coût net nécessaire aux fins de cette exécution. À cet égard, il convient d’ajouter que les requérantes ne consacrent aucune partie de leur analyse à l’impact qu’aurait eu le maintien en activité des anciens fonctionnaires de Post Danmark sur le coût net nécessaire pour l’exécution du mandat de service universel.

105    Il s’ensuit que le Tribunal a établi à suffisance de droit le lien entre le licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark et les frais s’y rapportant, d’une part, et l’exécution du mandat de service universel, d’autre part, de telle sorte que la prise en compte des frais en question aux fins du calcul du coût net évité n’est pas constitutive d’une violation de l’encadrement SIEG ou, par voie de conséquence, des principes d’égalité de traitement et de confiance légitime.

106    Par ailleurs, le Tribunal a également relevé, au point 178 de l’arrêt attaqué, que, comme l’avait souligné la Commission sans être contredite par les requérantes sur ce point, les autorités danoises avaient retenu, dans le scénario contrefactuel, une approche prudente selon laquelle, même si elle n’était pas chargée de l’exécution du mandat de service universel, Post Danmark devrait également s’acquitter de frais de licenciement d’anciens fonctionnaires dans la même proportion que ce qui était prévu dans le scénario factuel. Or, ainsi que l’a relevé le Tribunal au même point de l’arrêt attaqué, cette approche tend à réduire l’incidence desdits frais de licenciement sur le montant du coût net évité.

107    Les requérantes soutiennent que, par ce motif, le Tribunal a tenté de remédier à l’erreur de droit qui aurait résulté de la prise en compte des frais de licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark dans le calcul du coût net évité. Cependant, ainsi qu’il ressort du point 105 du présent arrêt, aucune erreur n’a été commise par le Tribunal à cet égard, de telle sorte que cet argument doit également être écarté.

108    En l’absence d’une violation de l’encadrement SIEG en raison de la prise en compte des frais de licenciement des anciens fonctionnaires de Post Danmark, l’argument des requérantes pris de ce que la compatibilité de toute aide destinée à la couverture des frais en question aurait dû être appréciée à l’aune non pas dudit encadrement, mais des lignes directrices concernant les aides d’État au sauvetage et à la restructuration doit, lui aussi, être écarté.

109    Enfin, à supposer, comme le font valoir les requérantes au soutien de leur argument pris d’une dénaturation des éléments de preuve, qu’il ne ressort pas de l’accord du 20 octobre 2017 que tous les anciens fonctionnaires de Post Danmark étaient impliqués dans la distribution du courrier, toujours est-il que le Tribunal n’a pas constaté, dans l’arrêt attaqué, qu’une telle circonstance ressortait de l’accord en question.

110    Il y a donc lieu de rejeter le deuxième moyen de pourvoi comme étant non fondé.

 Sur le troisième moyen, tiré d’une erreur de droit prétendument commise par le Tribunal en ce qui concerne la qualification de la garantie étatique en cause d’« aide existante »

 Argumentation des parties

111    Selon les requérantes, en considérant que la garantie étatique en cause ne constituait pas un régime d’aide pluriannuel dans le cadre duquel le délai de prescription recommencerait à courir chaque année, le Tribunal a violé l’article 1er, sous d), du règlement 2015/1589. En toute hypothèse, l’application de cette garantie serait caractérisée par une périodicité et une automaticité et aurait pour effet d’améliorer la situation financière de Post Danmark. Le Tribunal aurait donc commis une erreur de droit en considérant que ladite garantie constituait une mesure individuelle qui ne relève pas d’un régime d’aides.

112    La Commission et le gouvernement danois contestent la recevabilité et le bien-fondé de ce moyen de pourvoi.

 Appréciation de la Cour

113    S’agissant de la garantie étatique en cause, le Tribunal a rappelé, au point 200 de l’arrêt attaqué, qu’elle a été accordée en vertu de l’article 9 de la loi no 409 relative à Post Danmark, visée au point 54 du présent arrêt. Aux points 201 à 208 de cet arrêt, le Tribunal a rejeté l’argumentation des requérantes qui considéraient que cette garantie était constitutive d’un régime d’aide, dans la mesure où cette argumentation procédait d’une confusion entre, d’une part, l’octroi périodique d’avantages successifs à la suite de l’application individuelle, de façon répétée, d’un régime d’aides et, d’autre part, l’octroi d’une garantie individuelle qui pouvait avoir pour effet d’améliorer, de façon continue, la situation de son bénéficiaire. Dans ce dernier cas, la date d’octroi de l’aide serait celle de la constitution de la garantie. Ainsi qu’il ressort du point 210 de l’arrêt attaqué, ce serait donc sans commettre d’erreur que la Commission a fixé le point de départ du délai de prescription à l’égard de toute aide éventuellement accordée au moyen de la garantie étatique en cause à la date de son adoption, soit le 6 juin 2002.

114    Le Tribunal a ajouté, en substance, aux points 216 à 219 de l’arrêt attaqué, que, cette garantie pouvant être mobilisée uniquement en cas de faillite, à savoir de cessation d’activité de Post Danmark, et couvrant exclusivement le coût de licenciement d’employés entrés en service avant l’année 2002, elle ne serait pas, en tout état de cause, de nature à améliorer la situation de cette dernière. En outre, le Tribunal a constaté qu’il ne ressortait pas du dossier qui lui était soumis que la garantie étatique en cause aurait exonéré Post Danmark d’une cotisation régulière à laquelle sont assujettis ses concurrents pour assurer l’indemnisation des licenciements en cas de faillite, ni même que ses charges régulières en matière de personnel auraient été allégées du fait de ladite garantie. Dans ces conditions, la garantie étatique en cause procurerait avant tout un avantage aux anciens fonctionnaires de Post Danmark devenus salariés de cette dernière au moment de sa transformation en société à responsabilité limitée, de tels salariés ayant l’assurance, en cas de faillite de Post Danmark, de percevoir l’intégralité de leurs indemnités de licenciement particulières.

115    À cet égard, en relevant, aux points 216 à 219 de l’arrêt attaqué, que le fait que la garantie étatique en cause ne puisse être mobilisée qu’en cas de faillite de Post Danmark et qu’au profit d’une certaine catégorie d’employés déjà en activité en 2002 excluait qu’elle soit considérée comme octroyant un avantage concurrentiel à Post Danmark, le Tribunal n’a pas commis d’erreur de droit. C’est également sans commettre d’erreur de droit que le Tribunal a constaté que, si cette garantie n’allégeait pas les charges que doit supporter Post Danmark aussi longtemps qu’elle demeure en activité, que ce soit en matière de cotisations sociales ou de charges régulières en matière de personnel, elle ne conférait aucun avantage concurrentiel à cette dernière, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

116    Cette motivation, selon laquelle la garantie étatique en cause ne confère pas d’avantage concurrentiel, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE, étant exempte d’erreur de droit, les arguments des requérantes, pris de ce que cette garantie constitue une aide qui ne serait pas existante, au sens de l’article 17, paragraphe 3, du règlement 2015/1589, s’appuient sur une prémisse erronée et doivent être écartés comme étant non fondés.

117    Il s’ensuit que le troisième moyen de pourvoi doit être écarté comme étant non fondé.

 Sur le quatrième moyen, tiré d’une erreur de droit et d’une dénaturation des éléments de preuve prétendument commises par le Tribunal en ce qui concerne la répartition comptable des coûts communs

 Argumentation des parties

118    Les requérantes font valoir que les réglementations comptables de 2006 et de 2011 imposaient l’allocation de l’ensemble des coûts communs aux comptes relatifs au service universel, même si certains de ces coûts n’étaient pas liés audit service. Ces réglementations nationales seraient donc contraires à l’article 14, paragraphe 3, sous b), iv), de la directive 97/67, qui requerrait une répartition appropriée des coûts communs. Ce serait, par conséquent, au prix d’une dénaturation des réglementations comptables de 2006 et de 2011 que le Tribunal a décidé de la compatibilité de celles-ci avec l’article 14, paragraphe 3, sous b), iv), de la directive 97/67. Ce ne serait qu’à partir de l’année 2014, à la suite d’une modification de la réglementation comptable, que Post Danmark aurait commencé à procéder à une répartition appropriée des coûts communs. Cette modification législative aurait eu comme résultat un transfert comptable de coûts de l’ordre de 4,2 % vers des comptes non liés au service universel. Ainsi, en jugeant que les requérantes n’avaient pas démontré que Post Danmark avait systématiquement affecté les coûts communs aux comptes se rapportant à l’exécution du mandat de service universel, le Tribunal aurait, d’une part, dénaturé les preuves et, d’autre part, méconnu le fait qu’il incombait à la Commission et non aux requérantes d’enquêter à ce sujet.

119    De surcroît, le Tribunal aurait dénaturé les preuves en considérant que le caractère approprié de la répartition comptable des coûts communs était conforté par la circonstance que la comptabilité de Post Danmark avait fait l’objet de contrôles réguliers de la part, premièrement, d’un expert-comptable agréé par l’État et, deuxièmement, de l’autorité de régulation nationale. En effet, d’une part, les contrôles en question auraient eu pour objet de vérifier la conformité de la répartition à la réglementation comptable, qui était pourtant contraire à l’article 14 de la directive 97/67. D’autre part, la Cour des comptes danoise aurait mis en cause la fiabilité de ces contrôles au motif que les coûts relatifs aux ventes, au tri, au transport et à la distribution étaient imputés, dans leur majorité, au service universel alors que les opérations faisant l’objet de ce service représentaient moins que la moitié de la totalité des coûts en question.

120    La Commission et le gouvernement danois contestent la recevabilité et le bien-fondé de ce moyen de pourvoi.

 Appréciation de la Cour

121    Par leur argumentation, les requérantes critiquent les motifs de l’arrêt attaqué figurant aux points 290 à 296 de ce dernier. Ces motifs portent sur le grief que les requérantes ont formulé au soutien de leur recours en première instance, selon lequel la disposition pertinente de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011, identique à celle de l’article 4, paragraphe 4, sous c), de la réglementation comptable de 2006, imposait à Post Danmark d’imputer l’ensemble des coûts communs aux seuls coûts relatifs au service universel. Cela aurait suggéré l’existence d’une subvention croisée du mandat de service universel, laquelle, lorsqu’elle implique des ressources d’État et confère un avantage, constituerait une aide d’État, au sens de l’article 107, paragraphe 1, TFUE.

122    Ainsi qu’il ressort des points 282 et 283 de l’arrêt attaqué, la Commission avait rejeté cette argumentation, aux points 196 à 198 de la décision litigieuse, au motif que les réglementations comptables de 2006 et de 2011 n’imposaient pas à Post Danmark d’imputer l’ensemble des coûts communs aux seuls coûts relatifs au service universel et que, en toute hypothèse, la pratique décrite par les requérantes n’était pas imputable à l’État, n’impliquait pas de ressources d’État et ne conférait pas d’avantage à Post Danmark.

123    Eu égard à ces appréciations, le Tribunal a rejeté le grief des requérantes au motif que les réglementations comptables de 2006 et de 2011 n’imposaient pas, ni même ne permettaient, à Post Danmark d’imputer l’ensemble des coûts communs aux seuls coûts relatifs au service universel.

124    En particulier, à l’appui de cette décision, le Tribunal a reproduit, au point 288 de l’arrêt attaqué, le libellé de l’article 4, paragraphe 3, de la réglementation comptable de 2011, appliquée à Post Danmark. Il en ressort que cette disposition était ainsi libellée :

« a)      Les coûts incrémentaux pour un service particulier lui sont attribués. Cela s’applique à la fois aux coûts variables et aux coûts fixes.

b)      Les coûts qui ne peuvent être directement attribués à un service particulier sont attribués, dans la mesure du possible, à un groupe de services sur la base d’une analyse directe de l’origine des coûts (coûts communs imputables).

c)      Lors de la détermination de l’imputation des coûts visés aux points a) et b), les coûts nécessaires à la fourniture de l’obligation de service universel doivent être imputés à chacun des services couverts par l’obligation de service universel ou à un groupe de services couverts par l’obligation de service universel.

d)      Les coûts qu’il n’est pas possible d’imputer sur la base d’une analyse directe (coûts communs non imputables) sont attribués aux groupes de services concernés sur la base d’un lien indirect avec une autre catégorie de coûts ou un autre groupe de catégories de coûts pour lesquels il est possible d’effectuer une orientation ou un détachement direct. Un tel lien indirect doit être basé sur des structures de coûts comparables.

e)      Dans le cas des coûts communs non imputables pour lesquels il n’existe aucune méthode d’imputation des coûts directs ou indirects, les catégories de coûts doivent être réparties sur la base d’une clé de répartition générale calculée en utilisant le rapport entre tous les coûts directement ou indirectement imputés ou répartis pour chaque service couvert par le service universel, d’une part, et les autres services, d’autre part.

f)      Les coûts communs, qui sont nécessaires pour la fourniture à la fois des services universels et des services non universels (coûts communs non imputables), doivent être répartis de manière appropriée. Les mêmes inducteurs de coûts doivent être appliqués à la fois aux services universels et aux services non universels. »

125    Au point 289 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a ajouté que l’article 4, paragraphe 3, sous a) à e), de la réglementation comptable de 2011 était identique à l’article 4, paragraphe 4, sous a) à e), de la réglementation comptable de 2006.

126    Au point 292 de cet arrêt, le Tribunal a constaté qu’il ne ressortait ni du libellé de l’article 4, paragraphe 4, sous c), de la réglementation comptable de 2006 ni de celui de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011 que ces dispositions avaient imposé ou même permis à Post Danmark d’imputer tous les coûts communs aux seuls coûts supportés pour assurer l’exécution du mandat de service universel. S’agissant des coûts communs, le principe établi dans ces dispositions était, selon le Tribunal, celui d’une répartition sur la base d’une analyse directe de leur origine.

127    Dans ce contexte, au point 293 de l’arrêt attaqué, le Tribunal a fait sienne la précision fournie par le Royaume de Danemark dans le cadre d’une mesure d’organisation de la procédure, selon laquelle l’article 4, paragraphe 4, sous c), de la réglementation comptable de 2006 et l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011 constituaient une clarification de la manière dont les coûts devaient être enregistrés dans la comptabilité interne de Post Danmark, cela après qu’ils eurent été affectés à l’exécution du mandat de service universel. En particulier, selon le Tribunal, ces dispositions, remises en cause par les requérantes, se limitaient à indiquer que, lorsque des coûts étaient imputés à l’obligation de service universel sur la base de la méthode du coût incrémental, ces coûts devaient être affectés, au sein de ladite obligation, au service pertinent, suivant la règle prévue à l’article 4, paragraphe 4, sous a), de la réglementation comptable de 2006 et à l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la réglementation comptable de 2011, ou au groupe de services pertinent, suivant la règle prévue à l’article 4, paragraphe 4, sous b), de la réglementation comptable de 2006 et à l’article 4, paragraphe 3, sous b), de la réglementation comptable de 2011. En d’autres termes, l’article 4, paragraphe 4, sous c), de la réglementation comptable de 2006 et l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011 ne constitueraient qu’une application spécifique, au sein des comptes concernant l’obligation de service universel, des principes prévus aux points a) et b) de ces dispositions.

128    Or, le Tribunal a constaté, au point 295 de l’arrêt attaqué, que les requérantes s’étaient limitées à faire valoir que, à la suite de l’adoption, en 2014, d’une nouvelle réglementation comptable nationale reprenant exactement le libellé de l’article 14, paragraphe 3, de la directive 97/67, les coûts liés à l’exécution du mandat de service universel avaient diminué par rapport à l’année précédente tandis que les coûts liés aux autres activités de Post Danmark avaient augmenté. Le Tribunal a toutefois considéré que, outre le fait qu’elle reposait sur une simple affirmation des requérantes, l’existence d’une variation dans la répartition des différents coûts d’une année à l’autre, relevée par les requérantes, ne suffisait pas, à elle seule, pour présumer que, au cours de la période antérieure, les coûts communs avaient été systématiquement imputés aux coûts associés à l’exécution du mandat de service universel.

129    Ainsi qu’il ressort du point 297 de l’arrêt attaqué, les requérantes n’auraient donc pas démontré que la Commission avait été confrontée à des difficultés sérieuses qui auraient dû donner lieu à l’ouverture de la procédure formelle d’examen, lorsque cette institution a exclu que la réglementation comptable nationale applicable à Post Danmark entre l’année 2006 et l’année 2013 emportait l’existence d’une aide d’État, en raison, à titre principal, du caractère non établi d’une éventuelle irrégularité dans la répartition comptable des coûts communs.

130    Contrairement à ce que font valoir les requérantes, il ressort du libellé de l’article 4, paragraphe 3, de la réglementation comptable de 2011, reproduit au point 124 du présent arrêt, que, ainsi que l’a considéré le Tribunal au point 292 de cet arrêt, cette disposition de droit national n’imposait pas, ni même ne permettait, l’imputation aux seuls coûts afférents à l’exécution du mandat de service universel de tous les coûts communs.

131    Premièrement, une comparaison de la réglementation comptable nationale applicable à Post Danmark avec l’article 14, paragraphe 3, de la directive 97/67 révèle, d’une part, que l’article 4, paragraphe 3, sous a), de la réglementation comptable de 2011 correspond à l’article 14, paragraphe 3, sous a), de la directive 97/67 et, d’autre part, que l’article 4, paragraphe 3, sous b) et d) à f), de la même réglementation comptable correspond, respectivement, à l’article 14, paragraphe 3, sous b), i) à iv), de la directive 97/67.

132    Deuxièmement, il est, certes, vrai que l’article 14, paragraphe 3, sous b), de la directive 97/67 ne contient pas de disposition qui corresponde à celle de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011 ni à celle de l’article 4, paragraphe 4, sous c), de la réglementation comptable de 2006, ces deux dernières dispositions étant identiques, ainsi qu’il résulte du constat opéré par le Tribunal au point 289 de l’arrêt attaqué, non remis en cause par les requérantes dans le cadre du présent pourvoi. Toutefois, cela n’affecte en rien la conclusion à laquelle est parvenu le Tribunal.

133    En effet, contrairement à ce que font valoir les requérantes, ces deux dispositions de droit national ne correspondent pas à l’article 14, paragraphe 3, sous b), iv), de la directive 97/67, cette dernière disposition correspondant à l’article 4, paragraphe 3, sous f), de la réglementation comptable de 2011. Il s’ensuit que la comparaison entre le libellé de l’article 4, paragraphe 3, sous c), de la réglementation comptable de 2011 et de l’article 14, paragraphe 3, sous b), iv), de la directive 97/67, sur laquelle les requérantes fondent leur argumentation tirée d’une transposition inexacte de la directive 97/67 en droit danois est fondée sur une prémisse erronée.

134    Par conséquent, ni l’appréciation du Tribunal reproduite au point 127 du présent arrêt ni la conclusion à laquelle celui-ci est parvenu au terme de son raisonnement, reproduite au point 129 du présent arrêt, ne sont entachées d’une dénaturation des réglementations comptables de 2006 et de 2011 ou d’une violation de la directive 97/67. L’argument des requérantes en sens contraire doit donc être écarté comme étant non fondé.

135    Il convient également de rejeter l’argument des requérantes pris de ce que, en fondant son appréciation sur la circonstance que la comptabilité de Post Danmark avait fait l’objet de contrôles réguliers de la part d’un expert-comptable agréé par l’État et de l’autorité de régulation nationale, le Tribunal a dénaturé les éléments de preuve. En effet, cet argument vise à remettre en cause la fiabilité de ces contrôles au motif qu’ils ont été effectués en application des réglementations comptables de 2006 et de 2011, qui seraient contraires à la directive 97/67. Or, ainsi qu’il ressort des points 130 à 134 du présent arrêt, ces réglementations n’étaient pas contraires à la directive 97/67.

136    Dans le même contexte, les requérantes ont fait valoir devant le Tribunal que la modification de la réglementation comptable de 2011, intervenue en 2013, a eu comme conséquence, à partir de l’année 2014, un transfert comptable de coûts, de l’ordre de 4,2 %, vers des comptes non liés au service universel. Au soutien du pourvoi, les requérantes soutiennent que, en rejetant ce grief, le Tribunal a dénaturé les preuves.

137    Toutefois, l’appréciation du Tribunal selon laquelle l’existence d’une variation dans la répartition des différents coûts d’une année à l’autre ne suffit pas, à elle seule, pour présumer que, au cours de la période antérieure, les coûts communs étaient systématiquement imputés aux coûts associés à l’exécution du mandat de service universel constitue une appréciation purement factuelle. Il s’ensuit que, sous réserve d’un cas de dénaturation, cette appréciation ne saurait faire l’objet d’un contrôle par la Cour au stade du présent pourvoi. Or, il suffit de relever que les requérantes n’indiquent pas de façon précise les éléments qui auraient été dénaturés par le Tribunal ni ne démontrent les erreurs d’analyse qui auraient conduit celui-ci à dénaturer les preuves, de telle sorte que leur argumentation doit être écartée.

138    Il convient, enfin, de rejeter le grief pris d’une dénaturation, par le Tribunal, des réglementations comptables de 2006 et de 2011, fondé sur un rapport de la Cour des comptes danoise. En effet, ce rapport est invoqué par les requérantes pour la première fois dans le cadre du présent pourvoi, de telle sorte que, eu égard à son caractère nouveau, un tel argument doit être écarté comme étant irrecevable, en application de l’article 170, paragraphe 1, seconde phrase, du règlement de procédure et conformément à la jurisprudence citée au point 87 du présent arrêt.

139    Le quatrième moyen de pourvoi doit donc être rejeté comme étant, pour partie irrecevable et, pour partie, non fondé.

140    Aucun des moyens avancés par les requérantes à l’appui de leur pourvoi n’étant susceptible de prospérer, il y a lieu de rejeter celui-ci dans son intégralité.

 Sur les dépens

141    En vertu de l’article 184, paragraphe 2, du règlement de procédure, lorsque le pourvoi n’est pas fondé, la Cour statue sur les dépens. Conformément à l’article 138, paragraphe 1, de ce règlement, applicable à la procédure de pourvoi en vertu de l’article 184, paragraphe 1, dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

142    En l’espèce, la Commission ayant conclu à la condamnation des requérantes aux dépens et celles-ci ayant succombé en leurs moyens, il y a lieu de les condamner à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission.

143    Selon l’article 140, paragraphe 1, du règlement de procédure, rendu applicable à la procédure de pourvoi par l’article 184, paragraphe 1, de ce règlement, les États membres qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Partant, le Royaume de Danemark supportera ses propres dépens.

144    Conformément à l’article 140, paragraphe 3, du règlement de procédure, la Cour peut décider qu’une partie intervenante supportera ses propres dépens. En application de cette disposition, Post Danmark supportera ses propres dépens.

Par ces motifs, la Cour (dixième chambre) déclare et arrête :

1)      Le pourvoi est rejeté.

2)      ITD, Brancheorganisation for den danske vejgodstransport A/S et Danske Fragtmænd A/S sont condamnées à supporter, outre leurs propres dépens, ceux exposés par la Commission européenne.

3)      Le Royaume de Danemark et Post Danmark supportent leurs propres dépens.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.