Language of document : ECLI:EU:T:2011:395

DOCUMENT DE TRAVAIL

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

15 juillet 2011(*)

« Référé – Concurrence – Décision de la Commission infligeant une amende – Garantie bancaire – Demande de sursis à exécution – Préjudice financier – Absence de circonstances exceptionnelles – Défaut d’urgence »

Dans l’affaire T‑398/10 R,

Fapricela – Indústria de Trefilaria, SA, établie à Ançã (Portugal), représentée par Mes M. Gorjão-Henriques et S. Roux, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. F. Castillo de la Torre, Mme P. Costa de Oliveira et M. V. Bottka, en qualité d’agents, assistés de Me M. Marques Mendes, avocat,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision C (2010) 4387 final de la Commission, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.344 – Acier de précontrainte), notamment en ce qu’elle impose la constitution d’une garantie bancaire pour éviter le recouvrement immédiat de l’amende infligée en vertu de l’article 2 de ladite décision,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

rend la présente

Ordonnance

 Antécédents du litige

1        La requérante, Fapricela – Indústria de Trefilaria, SA, est une société établie à Ançã (Portugal).

2        Par la décision C (2010) 4387 final, du 30 juin 2010, relative à une procédure d’application de l’article 101 TFUE et de l’article 53 de l’accord EEE (affaire COMP/38.344 – Acier de précontrainte) (ci après la « décision attaquée »), la Commission européenne a infligé à la requérante une amende d’un montant de 8 874 000 euros sanctionnant sa participation à une entente dans le secteur de l’acier de précontrainte.

3        L’article 2 de la décision attaquée, notifiée le 6 juillet 2010, impose le paiement de l’amende dans un délai de trois mois à compter de la date de notification. La lettre de notification précise cependant que, en cas de recours contre la décision attaquée devant le Tribunal, la requérante est tenue de garantir le recouvrement de l’amende soit par la constitution d’une garantie bancaire soit par le paiement à titre provisoire de l’amende.

4        Le 30 juillet 2010, la Commission a informé la requérante qu’une erreur matérielle de calcul avait été identifiée dans la décision attaquée. Le 30 septembre 2010, la Commission a adopté la décision C (2010) 6676 final modifiant la décision du 30 juin 2010, diminuant le montant de certaines amendes. Le montant de celle infligée à la requérante n’a toutefois pas été modifié.

 Procédure et conclusions des parties

5        Par requête déposée au greffe du Tribunal le 8 septembre 2010, la requérante a formé un recours visant à l’annulation de la décision attaquée et, à titre subsidiaire, à réduire le montant de l’amende que la Commission lui a infligée.

6        Par acte séparé déposé au greffe du Tribunal le 16 septembre 2010, la requérante a introduit une demande visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision attaquée. Elle conclut en substance à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        prononcer le sursis à l’exécution de la décision attaquée, notamment en ce qui concerne l’obligation de constituer une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat de l’amende infligée par la décision attaquée ;

–        condamner la Commission aux dépens.

7        Dans ses observations écrites, déposées au greffe du Tribunal le 29 octobre 2010, la Commission conclut à ce qu’il plaise au président du Tribunal :

–        rejeter la demande en référé ;

–        condamner la requérante aux dépens.

8        Par décision du 12 novembre 2010, le Tribunal a autorisé les parties à adapter, dans l’affaire principale, leurs conclusions et leurs moyens pour tenir compte des modifications apportées par la décision du 30 septembre 2010. En conséquence, Fapricela a déposé une version révisée de la requête le 12 décembre 2010.

9        Le 30 décembre 2010, la requérante a déposé au greffe du Tribunal, des observations sur celles déposées par la Commission le 29 octobre 2010, auxquelles cette dernière a répondu par mémoire déposé le 31 janvier 2011.

 En droit

10      Il ressort d’une lecture combinée des articles 278 TFUE et 279 TFUE, d’une part, et de l’article 256, paragraphe 1, TFUE, d’autre part, que le juge des référés peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution d’un acte attaqué devant le Tribunal ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

11      L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure du Tribunal dispose que les demandes en référé doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue l’octroi de la mesure provisoire à laquelle elles concluent. Ainsi, le sursis à exécution et les autres mesures provisoires peuvent être accordés par le juge des référés s’il est établi que leur octroi est justifié à première vue en fait et en droit (fumus boni juris) et qu’ils sont urgents en ce sens qu’il est nécessaire, pour éviter un préjudice grave et irréparable aux intérêts de la partie qui sollicite les mesures provisoires, qu’ils soient prononcés et produisent leurs effets dès avant la décision sur le recours principal. Le juge des référés procède également, le cas échéant, à la mise en balance des intérêts en présence (ordonnance du président de la Cour du 23 février 2001, Autriche/Conseil, C‑445/00 R, Rec. p. I‑1461, point 73). Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

12      En outre, dans le cadre de cet examen d’ensemble, le juge des référés dispose d’un large pouvoir d’appréciation et reste libre de déterminer, au regard des particularités de l’espèce, la manière dont ces différentes conditions doivent être vérifiées ainsi que l’ordre de cet examen, dès lors qu’aucune règle de droit ne lui impose un schéma d’analyse préétabli pour apprécier la nécessité de statuer provisoirement [ordonnances du président de la Cour du 19 juillet 1995, Commission/Atlantic Container Line e.a., C‑149/95 P(R), Rec. p. I‑2165, point 23, et du 3 avril 2007, Vischim/Commission, C‑459/06 P(R), non publiée au Recueil, point 25].

13      Eu égard aux éléments du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de toutes les informations nécessaires pour statuer sur la présente demande en référé, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

14      Dans les circonstances du cas d’espèce, il convient d’examiner d’abord si la condition relative à l’urgence est remplie.

15      Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité de statuer provisoirement, afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite les mesures provisoires (ordonnance du président de la Cour du 18 octobre 1991, Abertal e.a./Commission, C‑213/91 R, Rec. p. I‑5109, point 18 ; ordonnances du président du Tribunal du 19 décembre 2001, Government of Gibraltar/Commission, T‑195/01 R et T‑207/01 R, Rec. p. II‑3915, point 95, et du 3 décembre 2002, Neue Erba Lautex/Commission, T‑181/02 R, Rec. p. II‑5081, point 82). Cependant, il n’est pas suffisant d’alléguer que l’exécution de l’acte dont le sursis est sollicité est imminente, mais il appartient à la partie qui sollicite les mesures provisoires d’apporter la preuve sérieuse qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure relative au recours principal, sans avoir à subir un préjudice grave et irréparable (ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 85). Si l’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, sa réalisation doit néanmoins, en particulier lorsqu’elle dépend de plusieurs facteurs, être prévisible avec un degré de probabilité suffisant. La partie qui sollicite les mesures provisoires demeure tenue de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un préjudice grave et irréparable [ordonnance du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 83].

16      Un préjudice d’ordre financier ne peut, sauf circonstances exceptionnelles, être regardé comme irréparable ou même difficilement réparable dès lors qu’il peut, en règle générale, faire l’objet d’une compensation financière ultérieure [ordonnance du président de la Cour du 11 avril 2001, Commission/Cambridge Healthcare Supplies, C‑471/00 P(R), Rec. p. I‑2865, point 113, et ordonnance du président du Tribunal du 15 juin 2001, Bactria/Commission, T‑339/00 R, Rec. p. II‑1721, point 94]. Toutefois, une mesure provisoire se justifie s’il apparaît que, en l’absence de cette mesure, la partie qui sollicite les mesures provisoires se trouverait dans une situation susceptible de mettre en péril son existence avant l’intervention de la décision mettant fin à la procédure principale (ordonnance Neue Erba Lautex/Commission, précitée, point 84).

17      Il s’ensuit que, afin de prouver qu’elle encourt un préjudice grave et irréparable, la requérante est tenue de démontrer au juge des référés qu’il n’existe aucune autre solution que l’adoption, à titre exceptionnel, de mesures provisoires (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 12 mai 2010, Reagens/Commission, T‑30/10 R, non publiée au Recueil, point 33).

18      En l’espèce, il est constant que, dans sa lettre du 6 juillet 2010, par laquelle elle a notifié la décision attaquée à la requérante, la Commission a informé cette dernière qu’elle disposait de trois mois, à compter de la notification, pour payer l’amende. Cependant, la Commission a précisé que, si la requérante décidait d’introduire un recours visant à contester la légalité de cette décision devant le Tribunal, elle recouvrerait provisoirement l’amende ou exigerait la constitution d’une garantie bancaire couvrant le montant de la dette principale ainsi que les intérêts qui seraient dus.

19      Dans la mesure où il incombe à la requérante de démontrer au juge des référés qu’elle a exploré, sans succès, toutes les possibilités offertes lui permettant d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable et, dès lors, que seules les mesures provisoires sollicitées sont de nature à atteindre cet objectif, il découle de la lettre de notification que la requérante se devait, à tout le moins, d’examiner sa capacité non seulement à payer ladite amende, mais également à constituer une garantie bancaire.

20      Le contrôle de la satisfaction de la condition relative à l’urgence par le juge des référés consistant à vérifier la preuve de l’inexistence d’une autre solution que l’adoption de mesures provisoires, il convient, en l’espèce, d’examiner, premièrement, si la requérante a établi, à suffisance de droit, qu’il lui est impossible de recourir à une garantie bancaire et, deuxièmement, dans la mesure où cette impossibilité serait avérée, qu’il lui est impossible de payer le montant de l’amende infligée par la Commission dans la décision attaquée.

 Sur l’impossibilité de recourir à une garantie bancaire

21      Dans sa lettre du 6 juillet 2010, par laquelle elle a notifié la décision attaquée à la requérante, la Commission a clairement indiqué à cette dernière la possibilité de recourir à un instrument financier – en l’occurrence, une garantie bancaire – lui permettant de s’acquitter provisoirement de l’obligation de payer l’amende infligée sans devoir verser la somme réclamée à la date d’exigibilité.

22      À cet égard, il convient de rappeler, d’une part, que la possibilité d’exiger la constitution d’une garantie bancaire correspond à une ligne de conduite générale et raisonnable de la Commission (ordonnance du président du Tribunal du 5 août 2003, IRO/Commission, T‑79/03 R, Rec. p. II‑3027, point 25) et, d’autre part, que la partie qui sollicite les mesures provisoires ne peut être dispensée de l’obligation de recourir à la constitution d’une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat d’une amende infligée par la Commission qu’en présence de circonstances exceptionnelles [ordonnances du président de la Cour du 6 mai 1982, AEG-Telefunken/Commission, 107/82 R, Rec. p. 1549, point 6 ; du 15 décembre 2000, Cho Yang Shipping/Commission, C‑361/00 P(R), Rec. p. I‑11657, point 88, et du 23 mars 2001, FEG/Commission, C‑7/01 P(R), Rec. p. I‑2559, point 4 ; ordonnance Reagens/Commission, précitée, point 42].

23      L’existence de telles circonstances exceptionnelles peut, en principe, être considérée comme établie lorsque la partie qui demande à être dispensée de l’obligation de constituer une garantie bancaire apporte la preuve qu’il lui est objectivement impossible de constituer une telle garantie (voir ordonnance IRO/Commission, précitée, point 26, et la jurisprudence citée) ou que sa constitution mettrait en péril son existence (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal du 21 décembre 1994, Buchmann/Commission, T‑295/94 R, Rec. p. II‑1265, point 24, et du 28 juin 2000, Cho Yang Shipping/Commission, T‑191/98 R II, Rec. p. II‑2551, point 43).

24      Dès lors, il convient d’examiner si la requérante a établi, à suffisance de droit, en premier lieu, une impossibilité objective de constituer une garantie bancaire et, en second lieu, si cette impossibilité n’était pas avérée, un risque de mise en péril de son existence du fait de la constitution d’une telle garantie.

 Sur l’impossibilité objective de constituer une garantie bancaire

25      Premièrement, la requérante fait valoir que trois banques avec lesquelles elle réalise le plus grand nombre de ses transactions financières lui ont adressé des lettres de refus en réponse à sa demande de garantie bancaire. Elle précise que toutes ses demandes de garantie bancaire ont été faites tant en son nom qu’au nom de ses actionnaires majoritaires, deux personnes physiques détenant chacune 43 % du capital de la société.

26      Il est de jurisprudence constante que le contenu des lettres de refus doit permettre au juge des référés de vérifier le sérieux des demandes de garantie bancaire correspondantes et le contexte dans lequel elles se sont inscrites (ordonnance du président du Tribunal du 7 mai 2010, Almamet/Commission, T‑410/09 R, non publiée au Recueil, point 42). En principe, il incombe donc à la partie qui sollicite les mesures provisoires de fournir, au stade de l’introduction de la demande en référé, des informations non équivoques et suffisamment complètes sur les lettres de refus provenant des banques dont elle se prévaut en vue de démontrer qu’il lui était objectivement impossible de constituer la garantie bancaire requise (ordonnances du président du Tribunal Almamet/Commission, précitée, point 43, et du 2 mars 2011, 1.garantovanà/Commission, T‑392/09 R, non publiée au Recueil, point 53).

27      En l’espèce, le contenu tant des lettres de demande de garantie bancaire que des lettres de refus apparaît relativement laconique, et n’est accompagné d’aucun autre document explicatif. S’il est vrai que la qualité de « client habituel » peut pallier, dans une certaine mesure, le caractère succinct des lettres de refus ou la rédaction en termes généraux des lettres de demandes de garantie bancaire, il n’en reste pas moins qu’une totale opacité quant aux discussions entre les établissements financiers sollicités et le demandeur d’une garantie bancaire rend la vérification du sérieux des demandes difficile pour le juge des référés. Cette opacité est d’autant plus préjudiciable lorsque la qualité de « client habituel » n’est pas démontrée.

28      Dans le cas présent, et sans qu’il soit nécessaire d’examiner en détail le contenu des lettres de refus ou l’éclairage que pourraient en donner les demandes de garantie bancaire, force est de constater que si la qualité de « client habituel » a fait l’objet d’une attention particulière de la part de la requérante en ce qui concerne la société elle-même, cette qualité ne fait l’objet que d’allégations non démontrées en ce qui concerne ses actionnaires. La requérante se contente, en effet, d’affirmer à plusieurs reprises, que ses actionnaires majoritaires sont des clients habituels des trois banques sollicitées. À cet égard, il convient de rappeler qu’il est de jurisprudence constante que, dans le cadre d’une procédure de référé, il appartient à la partie qui sollicite les mesures provisoires de fournir les éléments de preuve essentiels permettant au juge d’établir une image fidèle et globale de sa situation. Ces indications doivent être, d’une part, concrètes et précises et, d’autre part, étayées par des preuves documentaires détaillées certifiées (voir ordonnance Almamet/Commission, précitée, point 61, et la jurisprudence citée ; ordonnance Reagens/Commission, précitée, point 46).

29      En outre, le fait que ces actionnaires soient mentionnés dans les lettres de refus ne permet ni de savoir si leur patrimoine est connu des banques sollicitées ni, si tel était le cas, dans quelle mesure il aurait été pris en considération. En effet, il ressort uniquement de ces lettres que leur « aval » a été pris en compte, sans autre précision. Cette indication est en soi insuffisante pour permettre au juge des référés de s’assurer que la fourniture éventuelle de garanties personnelles et réelles de la part de ces actionnaires a bel et bien été envisagée.

30      Par conséquent, le juge des référés est dans l’impossibilité d’apprécier pleinement le sérieux et la complétude des demandes ainsi que la pertinence des lettres de refus des banques.

31      Deuxièmement, la pertinence des lettres par lesquelles les banques ont manifesté leur refus d’octroyer la garantie exigée doit être évaluée à la lumière de la situation économique objective de la requérante (ordonnances du président du Tribunal Cho Yang Shipping/Commission, précitée, point 43, et du 13 juillet 2006, Romana Tabacchi/Commission, T‑11/06 R, Rec. p. II‑2491, point 102). À cet égard, il ressort d’une jurisprudence constante que, pour apprécier si une société est en mesure de constituer une garantie bancaire, il convient de tenir compte du groupe de sociétés dont elle dépend directement ou indirectement, pour ce qui est de la possibilité de fournir les sûretés que des banques pourraient réclamer [ordonnances du président de la Cour du 7 mars 1995, Transacciones Marítimas e.a./Commission, C‑12/95 P, Rec. p. I‑467, point 12, et du 30 avril 2010, Ziegler/Commission, C‑113/09 P(R), non publiée au Recueil ; voir ordonnance du président du Tribunal du 7 décembre 2001, Lior/Commission, T‑192/01 R, Rec. p. II‑3657, point 54, et la jurisprudence citée ; ordonnance du président du Tribunal du 24 janvier 2011, Rubinetterie Teorema Spa/Commission, T‑370/10 R, non publiée au Recueil, point 37].

32      Cette approche repose sur l’idée que les intérêts objectifs de la société concernée ne présentent pas un intérêt autonome par rapport à ceux des personnes, physiques ou morales qui la contrôlent et que le caractère grave et irréparable du dommage allégué doit donc être apprécié au niveau du groupe que ces personnes composent. Cette confusion des intérêts justifie en particulier que l’intérêt de la société concernée à survivre ne soit pas apprécié indépendamment de l’intérêt que ceux qui la contrôlent portent à sa pérennité [ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 1999, DSR Senator Lines/Commission, C‑364/99 P(R), Rec. p. 8733, point 50, et HFB e.a./Commission, précitée, point 62 ; ordonnance du président du Tribunal du 15 janvier 2001, Le Canne/Commission, T‑241/00 R, Rec. p. II‑37, point 40]. Cette prise en considération de la situation du groupe auquel la société appartient n’implique aucunement que l’amende ou la responsabilité de l’infraction soit imputée à des tiers (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 111). Cette jurisprudence relative aux groupes a été appliquée à des situations diverses, notamment aux sociétés unipersonnelles (ordonnance du président du Tribunal du 11 octobre 2007, MB Immobilien et MB System/Commission, T‑120/07 R, non publiée au Recueil, point 40), aux sociétés appartenant à deux personnes physiques (ordonnance Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 102) ainsi qu’aux actionnaires minoritaires d’une société (ordonnance du 7 mai 2010, Almamet/Commission, précitée, points 57 et suivants).

33      En l’espèce, la demande de mesures provisoires précise que la structure de l’actionnariat de la requérante est composée de deux actionnaires majoritaires détenant chacun 43 % du capital de la société, de deux autres personnes physiques ayant 5 % de ce capital et, enfin, d’une société possédant 4 % des parts. Cependant, cette demande est dénuée d’informations concrètes et précises, étayées par des preuves documentaires détaillées et certifiées, relatives tant au patrimoine de ces actionnaires qu’aux liens que pourraient entretenir ces derniers. Or, dans ses observations sur la demande en référé, la Commission évoque un certain nombre de relations familiales et capitalistiques que la requérante aurait dû clarifier dès l’introduction de sa demande. Sans ce type d’information, le juge des référés ne peut vérifier l’assertion de la requérante selon laquelle elle n’appartient à aucun groupe ni, plus généralement, la situation économique objective de cette dernière.

34      En outre, contrairement à ce qu’avance Fapricela, l’absence de donnée financière concernant les deux actionnaires majoritaires ne peut être palliée par le fait que leur capacité financière aurait été prise en considération par les établissements bancaires sollicités lors de leur prise de décision négative relative aux demandes de garantie bancaire. En effet, d’une part, comme il a été expliqué ci-dessus, leur qualité de « client habituel » n’ayant pas été démontrée, une telle conclusion ne peut être déduite des documents fournis par la requérante. Or, une demande en référé doit être suffisamment claire et précise pour permettre, à elle seule, à la partie défenderesse de préparer ses observations et au juge des référés de statuer sur la demande, le cas échéant, sans autres informations à l’appui, les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels celle-ci se fonde devant ressortir d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (ordonnance Ziegler/Commission, précitée, point 13). D’autre part, même si le patrimoine de ces actionnaires avait été pris en considération par ces banques, il est de jurisprudence bien établie que les informations relatives à la capacité financière des personnes physiques ou/et morales constituant l’actionnariat d’un requérant sont des éléments essentiels et doivent figurer dans la demande en référé (voir, en ce sens, ordonnances du président du Tribunal, Romana Tabacchi/Commission, précitée, point 121 ; du 15 janvier 2009, Ziegler/Commission, T‑199/08 R, Rec. p. II‑2, points 50 et 60, et Reagens/Commission, précitée, point 47). Au demeurant, la logique de Fapricela ne peut être suivie dans la mesure où elle reviendrait à dispenser toute partie qui sollicite des mesures provisoires de la production d’informations économiques et financières relatives à sa situation, celles-ci ayant été prises en compte par les établissements bancaires précédemment sollicités. L’examen du juge des référés serait effectué par ces établissements et, par conséquent, privé de sa raison d’être.

35      Dès lors, et sans qu’il soit nécessaire en l’espèce d’examiner les éléments de preuve relatifs à la situation propre à la requérante, il convient de relever qu’en l’absence d’éléments d’information relatifs à la situation de ses actionnaires, le juge des référés ne dispose pas d’une image fidèle et globale de sa situation et, par conséquent, il ne lui est pas possible de vérifier le caractère objectif de l’impossibilité pour cette dernière de constituer une garantie bancaire.

36      Il s’ensuit que la requérante n’a pas prouvé à suffisance de droit qu’il lui était objectivement impossible de constituer une garantie bancaire.

 Sur le risque de mise en péril de l’existence de la requérante du fait de la constitution d’une garantie bancaire

37      L’existence de circonstances exceptionnelles, justifiant une dispense de l’obligation de recourir à la constitution d’une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement immédiat du montant de l’amende infligée par la Commission dans la décision attaquée, peut également être établie par la preuve du risque de mise en péril de l’existence de la requérante du fait même de la constitution d’une telle garantie.

38      Cependant, il suffit de relever que la demande en référé ne comporte pas d’argument explicite relatif au risque de mise en péril de l’existence de la requérante du fait même de la constitution d’une garantie bancaire.

39      Dès lors, la requérante n’a pas apporté la preuve que la constitution même d’une garantie bancaire risquerait de mettre en péril son existence et, par conséquent, n’a pas établi, à suffisance de droit, l’existence de circonstances exceptionnelles qu’un tel risque constitue.

40      Il s’ensuit que, la requérante n’ayant pas démontré l’impossibilité de recourir à une garantie bancaire comme condition du non-recouvrement de l’amende infligée par la Commission dans la décision attaquée, cette demande doit être rejetée.

 Sur l’impossibilité de payer le montant de l’amende

41      À titre liminaire, il convient de rappeler qu’il incombe à la requérante de démontrer au juge des référés qu’elle a exploré, sans succès, toutes les possibilités offertes lui permettant d’éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable et, dès lors, que seules les mesures provisoires sollicitées sont de nature à atteindre cet objectif (voir point 19 ci-dessus).

42      Or, en l’espèce, il ressort de l’analyse des éléments du dossier que l’impossibilité objective pour la requérante de constituer une garantie bancaire n’est pas démontrée. Dès lors, il n’est pas nécessaire d’examiner la demande de dispense de paiement de l’amende dans la mesure où, en ne démontrant pas si elle pouvait éviter la survenance d’un préjudice grave et irréparable par la constitution d’une garantie bancaire, la requérante n’a pas prouvé que seules les mesures provisoires sollicitées étaient de nature à éviter un tel préjudice. La vérification de l’impossibilité de paiement de l’amende infligée par la Commission dans la décision attaquée ne serait en effet justifiée que si l’impossibilité de constituer une garantie bancaire avait été établie.

43      En outre, selon une jurisprudence bien établie, l’urgence à ordonner une mesure provisoire doit résulter des effets produits par l’acte litigieux et non d’un manque de diligence du demandeur de ladite mesure. En effet, il incombe à ce dernier, au risque de devoir supporter lui-même le préjudice comme faisant partie des « risques de l’entreprise », de faire preuve d’une diligence raisonnable pour en limiter l’étendue (voir ordonnance du président du Tribunal du 15 juillet 2008, Antwerpse Bouwwerken/Commission, T‑195/08 R, non publiée au Recueil, point 48, et la jurisprudence citée). Or, il convient de relever que la requérante ne mentionne à aucun moment, dans la demande en référé, l’existence d’une quelconque provision constituée en vue du paiement de l’amende, dont l’éventualité était connue au moins à compter de la notification de la communication des griefs le 30 septembre 2008. L’absence de constitution d’une telle provision devrait alors être considérée comme un manque de diligence de la part de la requérante excluant le caractère urgent des mesures provisoires demandées.

44      Il résulte de tout ce qui précède que la demande en référé doit être rejetée pour défaut d’urgence, sans qu’il soit besoin de vérifier si les autres conditions d’octroi du sursis sollicité, notamment celle de l’existence d’un fumus boni juris, sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 15 juillet 2011.

Le greffier

 

       Le président

E. Coulon

 

       M. Jaeger


* Langue de procédure : le portugais.