Language of document : ECLI:EU:T:2024:113

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

21 février 2024 (*)

« Dumping – Importations de certains alcools polyvinyliques originaires de Chine – Droit antidumping définitif – Règlement d’exécution (UE) 2020/1336 – Calcul de la valeur normale – Distorsions significatives dans le pays exportateur – Article 2, paragraphe 6 bis, du règlement (UE) 2016/1036 – Droit de l’OMC – Principe d’interprétation conforme – Ajustements – TVA non remboursable – Fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions – Comparaison équitable du prix à l’exportation et de la valeur normale – Charge de la preuve – Article 2, paragraphe 10, sous b) et i), du règlement 2016/1036 – Défaut de coopération – Données disponibles – Article 18 du règlement 2016/1036 – Double application – Application pénalisante – Procédés de production différents – Sous-cotation des prix – Segments de marché – Méthode des numéros de contrôle de produit – Article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement 2016/1036 – Droits de la défense – Traitement confidentiel – Articles 19 et 20 du règlement 2016/1036 »

Dans l’affaire T‑762/20,

Sinopec Chongqing SVW Chemical Co. Ltd, établie à Chongqing (Chine),

Sinopec Great Wall Energy & Chemical (Ningxia) Co. Ltd, établie à Lingwu (Chine),

Central-China Company, Sinopec Chemical Commercial Holding Co. Ltd, établie à Wuhan (Chine),

représentées par Mes J. Cornelis, F. Graafsma et E. Vermulst, avocats,

parties requérantes,

soutenues par

Wegochem Europe BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes R. Antonini, E. Monard et B. Maniatis, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. A. Neergaard, D. Moore et Mme A. Pospíšilová Padowska, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme H. Marcos Fraile et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me N. Tuominen, avocate,

par

Kuraray Europe GmbH, établie à Hattersheim am Main (Allemagne), représentée par Mes R. MacLean et D. Sevilla Pascual, avocats,

et par

Sekisui Specialty Chemicals Europe SL, établie à La Canonja (Espagne), représentée par Mes A. Borsos et J. Jousma, avocats,

parties intervenantes,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen, L. Madise, Mmes R. Frendo et T. Perišin, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience des 14 et 15 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par leur recours fondé sur l’article 263 TFUE, les requérantes, Sinopec Chongqing SVW Chemical Co. Ltd (ci-après « Sinopec Chongqing »), Sinopec Great Wall Energy & Chemical (Ningxia) Co. Ltd (ci-après « Sinopec Ningxia ») et Central-China Company, Sinopec Chemical Commercial Holding Co. Ltd (ci-après « Sinopec Central-China »), demandent l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/1336 de la Commission, du 25 septembre 2020, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains alcools polyvinyliques originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 315, p. 1, ci‑après le « règlement attaqué »), en ce que celui-ci les concerne.

 Faits à l’origine du litige 

2        Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia sont des entreprises chinoises qui produisent des alcools polyvinyliques (ci-après les « PVAL »), tandis que Sinopec Central-China est une entreprise chinoise liée aux précédentes, qui exporte notamment vers l’Union européenne les produits fabriqués par ces dernières.

3        Le 18 juin 2019, Kuraray Europe GmbH (ci-après « Kuraray »), un producteur de PVAL représentant plus de 60 % de la production totale de l’Union, a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, sur le fondement de l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »). En conséquence, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains PVAL originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, C 256, p. 4).

4        L’enquête relative au dumping et au préjudice en résultant a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles pour l’évaluation du préjudice, relatives aux éléments visés aux tableaux nos 1 à 11 du règlement attaqué, a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2016 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée ») (considérant 39 du règlement attaqué).

5        Après plusieurs échanges écrits avec les requérantes et d’autres entreprises concernées par son enquête, le 3 juillet 2020, la Commission a transmis aux requérantes l’information finale prévue à l’article 20 du règlement de base (ci-après l’« information finale »), dans laquelle elle envisageait de retenir, à l’égard de celles-ci, un droit antidumping de 26,3 %, correspondant à leur marge de dumping. Après d’autres échanges écrits et la tenue, le 17 juillet 2020, d’une audition avec la Commission, les requérantes ont, le 20 juillet 2020, déposé leurs observations sur l’information finale. Le 24 juillet 2020, la Commission a transmis aux requérantes une information finale additionnelle (ci-après l’« information finale additionnelle »), dans laquelle elle a considéré, après avoir accepté certains des arguments présentés par celles-ci, que la marge de dumping pouvait être réduite à 17,3 %. Le 29 juillet 2020, les requérantes ont déposé des observations sur cette information additionnelle.

6        Par le règlement attaqué, la Commission a institué un droit antidumping définitif sur les importations de certains PVAL originaires de Chine et a établi que le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, s’élevait, pour les requérantes, à 17,3 %.

7        Pour calculer la valeur normale des produits fabriqués par les requérantes, la Commission ne s’est pas fondée sur la règle générale prévue à l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, selon laquelle la « valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ». Elle a appliqué l’article 2, paragraphe 6 bis, de ce règlement, disposition introduite en vertu du règlement (UE) 2017/2321 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2017, modifiant le règlement de base et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2017, L 338, p. 1) (considérants 86 et 87 du règlement attaqué).

8        Aux termes de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 6 bis a)      Lorsqu’il est jugé inapproprié, dans le contexte de l’application de la présente disposition ou de toute autre disposition pertinente du présent règlement, de se fonder sur les prix et les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur du fait de l’existence, dans ce pays, de distorsions significatives au sens du point b), la valeur normale est calculée exclusivement sur la base de coûts de production et de vente représentant des prix ou des valeurs de référence non faussés, dans le respect des règles suivantes.

Les sources d’informations que la Commission peut utiliser sont notamment :

–        des coûts de production et de vente correspondants dans un pays représentatif approprié ayant un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur, pour autant que les données pertinentes soient aisément disponibles ; lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs appropriés, la préférence va, le cas échéant, aux pays appliquant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale,

–        lorsque cela est jugé approprié, des prix, des coûts ou des valeurs de référence internationaux non faussés, ou

–        les coûts sur le marché intérieur, mais uniquement si des preuves correctes et adéquates permettent d’établir positivement que ces coûts ne sont pas faussés, y compris dans le cadre des dispositions relatives aux parties intéressées énoncées au point c).

Sans préjudice de l’article 17, cette évaluation est effectuée séparément pour chaque exportateur et producteur.

La valeur normale ainsi calculée comprend un montant non faussé et raisonnable pour les dépenses administratives, les frais de vente et les autres frais généraux ainsi que pour la marge bénéficiaire.

b)      On entend par distorsions significatives les distorsions qui se produisent lorsque les prix ou les coûts déclarés, y compris le coût des matières premières et de l’énergie, ne sont pas déterminés par le libre jeu des forces du marché en raison d’une intervention étatique importante. Dans l’analyse de l’existence de distorsions significatives, il faut tenir compte notamment de l’incidence possible de l’un ou [de] plusieurs des facteurs suivants :

–        un marché constitué dans une mesure importante par des entreprises qui appartiennent aux autorités du pays exportateur ou qui opèrent sous leur contrôle, supervision stratégique ou autorité,

–        une présence de l’État dans des entreprises qui permet aux autorités d’influer sur la formation des prix ou sur les coûts,

–        des mesures ou politiques publiques discriminatoires qui favorisent les fournisseurs nationaux ou influencent de toute autre manière le libre jeu des forces du marché,

–        l’absence, l’application discriminatoire ou l’exécution inadéquate de lois sur la faillite, les entreprises ou la propriété,

–        une distorsion des coûts salariaux,

–        un accès au financement accordé par des institutions mettant en œuvre des objectifs de politique publique ou n’agissant pas de manière indépendante de l’État à tout autre égard.

c)      Lorsque la Commission dispose d’indications dûment fondées sur l’existence possible de distorsions significatives au sens du point b) dans un certain pays ou un secteur particulier de ce pays, et lorsqu’il y a lieu en vue de l’application effective du présent règlement, la Commission produit, publie et met régulièrement à jour un rapport décrivant la situation du marché visée au point b) dans ce pays ou ce secteur. Les rapports de ce type et les éléments de preuve sur lesquels ils reposent sont versés au dossier de toute enquête se rapportant au pays ou au secteur en question. Les parties intéressées se voient accorder amplement l’occasion de réfuter, de compléter ou d’invoquer un tel rapport et les éléments de preuve sur lesquels celui-ci repose, ainsi que de formuler des observations à ce sujet, dans le cadre de toute enquête dans laquelle ce rapport ou ces éléments sont utilisés. Dans son analyse de l’existence de distorsions significatives, la Commission tient compte de l’ensemble des éléments pertinents versés au dossier de l’enquête. » 

9        Dans le règlement attaqué, la Commission, ayant constaté, notamment sur le fondement du rapport relatif à la situation en Chine du 20 décembre 2017, qu’elle avait publié en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base, que dans ce pays existaient des « distorsions significatives » au sens de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), dudit règlement (considérants 91 et 171 du règlement attaqué), a construit la valeur normale selon la méthode prévue à article 2, paragraphe 6 bis, sous a), deuxième alinéa, premier tiret, du même règlement. À cet effet, elle a retenu la Turquie comme pays représentatif approprié (considérants 172 et 222 du règlement attaqué). En outre, conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dernier alinéa, du règlement de base, la Commission a inclus dans la valeur normale un montant qu’elle a considéré comme étant non faussé et raisonnable pour les dépenses administratives, les frais de vente et d’autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») ainsi que pour la marge bénéficiaire (considérant 87 du règlement attaqué).

10      Par ailleurs, s’agissant de Sinopec Ningxia, la Commission a constaté l’existence de lacunes substantielles et graves dans les données communiquées relatives aux coûts de production. De ce fait, lors de la construction, au titre de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, de la valeur normale des produits fabriqués par Sinopec Ningxia , la Commission a appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, selon lequel, lorsqu’une partie intéressée « refuse l’accès aux informations nécessaires […] ou fait obstacle de façon significative à l’enquête », la Commission peut se fonder sur les « données disponibles » (ci-après les « données disponibles au sens de l’article 18 »). La valeur normale des produits fabriqués par Sinopec Ningxia a ainsi été calculée sur la base des informations fournies par d’autres producteurs-exportateurs et, pour chaque type de PVAL concerné, la Commission a utilisé la valeur normale construite la plus élevée parmi celles de ces autres producteurs-exportateurs (considérants 327 à 333 du règlement attaqué).

11      Lors de la comparaison de la valeur normale des produits fabriqués par les requérantes et de leur prix à l’exportation, la Commission a opéré deux ajustements au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous b) et i), du règlement de base. D’une part, elle a augmenté la valeur normale, « pour tenir compte de la différence entre les impôts indirects sur les ventes à l’exportation de [Chine] vers l’Union et la valeur normale lorsque des impôts indirects tels que la [taxe sur la valeur ajoutée] [avaie]nt été exclus » (considérant 388 du règlement attaqué). D’autre part, elle a réduit le prix à l’exportation, en raison du fait que les ventes dans l’Union des PVAL produits par Sinopec Chongqing et par Sinopec Ningxia étaient effectuées par l’intermédiaire de Sinopec Central-China, laquelle devait être considérée non pas comme un département de vente interne, mais plutôt comme un opérateur commercial (considérants 358 et 373 du règlement attaqué). Par ailleurs, la Commission a également opéré des ajustements à la baisse du prix à l’exportation pour retirer de celui-ci les frais d’assurance, de transport, de manutention et de chargement, les coûts du crédit et les frais bancaires (ci-après les « frais litigieux »), afin d’en obtenir le niveau correspondant à une transaction « départ usine » (considérants 313, 314 et 357 du règlement attaqué).

12      Lors de l’examen du préjudice qui aurait été subi par l’industrie de l’Union, opéré conformément à l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base, la Commission a analysé la sous-cotation des prix. À cet effet, d’une part, elle s’est fondée sur ses constatations selon lesquelles le marché des PVAL ne se composait pas de deux segments distincts (considérants 61 à 64 du règlement attaqué). D’autre part, elle a notamment utilisé une méthode consistant à comparer les prix des importations et les prix des ventes de l’industrie de l’Union par type de produit, étant précisé qu’elle n’a pas trouvé de correspondance pour certains de ceux-ci (considérants 432 et 433 du règlement attaqué).

 Conclusions des parties

13      Les requérantes concluent à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce que celui-ci les concerne ;

–        condamner la Commission et les sociétés intervenues au soutien de celle-ci aux dépens.

14      Wegochem Europe BV (ci-après « Wegochem »), intervenant au soutien des requérantes, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce que celui-ci concerne les requérantes ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris à ceux qu’elle a exposés.

15      La Commission, soutenue par le Parlement européen, par le Conseil de l’Union européenne, par Kuraray et par Sekisui Specialty Chemicals Europe SL (ci-après « Sekisui »), conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner les requérantes aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du recours, les requérantes invoquent cinq moyens, tirés, le premier, de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation, le troisième, de la violation de l’article 18, paragraphes 1 et 5, du règlement de base ainsi que de l’article 6.8 de l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), figurant à l’annexe 1 A de l’accord instituant l’OMC (JO 1994, L 336, p. 3), et de l’annexe II de l’accord antidumping (JO 1994, L 336, p. 118, ci-après l’« annexe II »), le quatrième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix ainsi que de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement et, le cinquième, de la violation des droits de la défense.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’OMC

17      Les requérantes font valoir que, dans le règlement attaqué, la Commission a appliqué l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base de manière non conforme à l’accord antidumping, tel qu’interprété par les décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC (ORD). Les requérantes admettent que l’accord antidumping n’a pas d’effet direct, mais soutiennent que, compte tenu des points communs entre cet accord et le règlement de base, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation, que la Commission aurait violée en l’espèce, d’interpréter la disposition susmentionnée du règlement de base de manière conforme au droit de l’OMC, y compris aux décisions de l’ORD.

18      Les requérantes précisent que le présent moyen ne saurait être considéré comme une exception d’illégalité visant l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base. En effet, elles ne contesteraient pas cette disposition en tant que telle, mais l’application que la Commission en aurait faite dans le règlement attaqué. Les requérantes soulignent qu’il est possible d’interpréter l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base de manière conforme au droit de l’OMC, sans qu’une telle interprétation soit contra legem ou revienne à vider cette disposition de sa substance.

19      La Commission, soutenue par le Parlement, par le Conseil, par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

20      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lorsque des accords internationaux sont conclus par l’Union, les institutions de l’Union sont liées par de tels accords et, par conséquent, ceux-ci priment les actes de l’Union. Dès lors, les textes de droit dérivé doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 57 et jurisprudence citée ; du 18 mars 2014, Z., C‑363/12, EU:C:2014:159, points 71 et 72 et jurisprudence citée, et du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 31 et jurisprudence citée).

21      Selon le considérant 3 du règlement de base, afin d’assurer une application appropriée et transparente des règles de l’accord antidumping, il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union. Le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord antidumping, tenir compte des décisions de l’ORD ayant interprété les dispositions de cet accord (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 30, 32 et 33 et jurisprudence citée).

22      Toutefois, ainsi qu’en atteste l’utilisation dans la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus de l’expression « dans la mesure du possible », une telle jurisprudence ne peut trouver à s’appliquer à l’égard d’une disposition dont le sens est clair et dépourvu d’ambiguïté et qui n’exige donc aucune interprétation. Si tel était le cas, le principe d’interprétation conforme des textes de droit de l’Union dérivé servirait de fondement à une interprétation contra legem de cette disposition, ce qui ne saurait être admis (voir arrêt du 13 juillet 2018, Confédération nationale du Crédit mutuel/BCE, T‑751/16, EU:T:2018:475, point 34 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 151).

23      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’interprétation conforme des actes des institutions de l’Union au regard des dispositions d’un accord international auquel cette dernière est partie, telle que définie par la jurisprudence rappelée aux points 20 à 22 ci-dessus, ne doit pas être confondue avec le contrôle de la légalité de ces mêmes actes.

24      En effet, selon une jurisprudence constante, les dispositions d’un accord international ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union ou d’une exception tirée de l’illégalité d’un tel acte qu’à la double condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises. Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies que de telles dispositions pourront être invoquées devant le juge de l’Union afin de servir de critère pour apprécier la légalité d’un acte de l’Union (voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 37 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, dès lors que les requérantes déclarent ne pas soulever d’exception d’illégalité et que, en tout état de cause, elles ne soutiennent ni, a fortiori, ne démontrent que sont réunies les conditions fixées par la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, elles doivent établir, pour que le Tribunal puisse faire droit au présent moyen, que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base manque de clarté ou contient des ambiguïtés qui devraient être dissipées par une interprétation conforme à ces règles et que cette interprétation n’est pas contra legem.

26      Il y a lieu de relever que les requérantes ne soutiennent pas que le texte de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base est ambigu.

27      Toutefois, en premier lieu, les requérantes font valoir que, pour que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base puisse être appliqué de manière conforme au droit de l’OMC, il doit être interprété en ce sens que, parmi les trois sources d’information qui y sont mentionnées, à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement, seule la dernière, consistant à utiliser les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur, doit être retenue.

28      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement de ses termes, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir arrêt du 2 juillet 2020, Magistrat der Stadt Wien (Grand hamster), C‑477/19, EU:C:2020:517, point 23 et jurisprudence citée].

29      Or, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base proposée par les requérantes revient à exclure les deux premières sources d’information que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement prévoit et à conférer une portée extensive à la troisième, en ce sens qu’elle devrait être appliquée même en l’absence de démonstration tendant à établir que les coûts concernés ne sont pas faussés.

30      D’abord, l’interprétation invoquée par les requérantes ne peut pas s’appuyer sur le libellé de la disposition en cause, qui énumère trois options, dont la troisième est soumise à une condition précise. Ainsi qu’il résulte de l’emploi de l’adverbe « notamment », ces trois options ne sont pas exhaustives, de sorte que la Commission pourrait utiliser d’autres sources d’information que celles visées par ces trois options. Toutefois, la marge d’appréciation laissée à la Commission par le législateur quant au choix de recourir à des sources d’information complémentaires ne saurait permettre à celle-ci de retenir une quatrième source qui coïnciderait avec la troisième à ceci près qu’il ne serait pas nécessaire de satisfaire à la condition selon laquelle il doit être prouvé que les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur ne sont pas faussés.

31      Ensuite, cette interprétation n’est pas non plus corroborée par le contexte dans lequel s’insère l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base. En effet, cette disposition introduit des règles spécifiques qui se distinguent de celles résultant d’autres paragraphes de l’article 2 du règlement de base, en ce qu’elles s’appliquent aux cas dans lesquels le marché intérieur du pays exportateur présente des distorsions significatives. Dès lors, la référence faite à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier alinéa, du règlement de base au « contexte de l’application de la présente disposition ou de toute autre disposition pertinente du présent règlement » ne signifie pas que cette disposition doive, dans tous les cas, être interprétée de manière à ce qu’elle soit conforme aux dispositions de l’accord antidumping qui correspondent à d’autres dispositions de l’article 2 du règlement de base.

32      Enfin, quant aux objectifs de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, il y a lieu de relever que l’objectif poursuivi par cette disposition est d’éviter que, aux fins d’une enquête antidumping, ne soient utilisées des données relatives aux prix et aux coûts dans le pays exportateur qui seraient faussées par les distorsions significatives existant dans le marché intérieur de ce pays. Il est ainsi prévu d’utiliser soit les données relatives à un pays tiers représentatif approprié, soit des données internationales, soit encore les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur, pourvu qu’il soit démontré que ceux-ci ne sont pas faussés.

33      Par conséquent, il y a lieu de constater que, par leur argument résumé au point 27 ci-dessus, les requérantes proposent une interprétation contra legem de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, laquelle ne saurait être retenue.

34      En second lieu, les requérantes soutiennent que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base doit être interprété de manière conforme à l’article 2.2 et à l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping.

35      D’une part, selon les requérantes, l’article 2.2 de l’accord antidumping permet de construire la valeur normale, au lieu de la calculer sur la base des prix pratiqués dans le pays exportateur, seulement dans trois hypothèses, au nombre desquelles figure celle relative à l’existence d’une situation particulière du marché (ci-après la « SPM ») dans le pays exportateur.

36      Les requérantes précisent que la notion de « SPM », telle qu’interprétée par les décisions de l’ORD, ne confère pas une liberté illimitée à l’autorité chargée d’une enquête antidumping (ci-après l’« autorité compétente »), mais couvre seulement les situations dans lesquelles la comparabilité entre la valeur normale et le prix à l’exportation est affectée. En revanche, une situation caractérisée par des distorsions significatives résultant d’interventions étatiques importantes sur le marché du pays exportateur ne permettrait pas, à elle seule, d’ignorer, dans les calculs de la valeur normale, des coûts enregistrés par les producteurs-exportateurs de ce pays et d’utiliser, au lieu de ceux-ci, les coûts exposés par les producteurs d’un pays tiers. Il incomberait à la Commission de prouver l’existence d’un lien entre cette situation et la comparabilité des prix. Or, en l’espèce, cette preuve n’aurait pas été rapportée.

37      D’autre part, selon les requérantes, à supposer même qu’une distorsion des coûts des intrants donne lieu à une SPM, la méthode retenue par la Commission en l’espèce, qui entraîne l’obligation d’utiliser des coûts d’intrants provenant de sources non faussées et d’écarter les données relatives aux coûts de production des producteurs-exportateurs chinois inscrites dans leurs registres, est néanmoins contraire à l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping, tel qu’interprété par les décisions de l’ORD.

38      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 23 ci-dessus, l’invocation du principe d’interprétation conforme par les requérantes ne saurait aboutir à ce que le Tribunal contrôle la légalité de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC, sans avoir à démontrer que sont remplies les conditions requises par la jurisprudence pour l’exercice de ce contrôle.

39      Par ailleurs, il résulte du point 20 ci-dessus que, pour que le principe d’interprétation conforme soit pleinement applicable, les dispositions du droit de l’Union en cause doivent viser à mettre en œuvre des règles de l’OMC.

40      Il convient de rappeler que, par le règlement 2017/2321, le législateur de l’Union a modifié l’article 2 du règlement de base afin d’y insérer le paragraphe 6 bis et de modifier le paragraphe 7.

41      Selon la jurisprudence, l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version antérieure à celle résultant du règlement 2017/2321, était l’expression de la volonté du législateur de l’Union d’adopter, dans ce domaine, une approche propre à l’ordre juridique de l’Union en instituant un régime spécial de règles détaillées relatives au calcul de la valeur normale à l’égard des importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Dès lors, il a été jugé que cette disposition ne pouvait pas être considérée comme une mesure destinée à assurer dans l’ordre juridique de l’Union l’exécution d’une obligation particulière assumée dans le cadre des accords de l’OMC, qui ne prévoyaient pas de règles concernant le calcul de la valeur normale pour les pays n’ayant pas une économie de marché (arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C‑718/20 P, EU:C:2022:362, point 88 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 47 à 50). Le Tribunal a précisé que, dès lors que cette disposition établissait des règles concernant le calcul de la valeur normale qui ne trouvaient pas de correspondance dans les accords de l’OMC, la Commission n’était pas tenue de l’interpréter conformément aux obligations de l’Union dans le cadre de l’OMC. En effet, si tel avait été le cas, elle se serait trouvée privée du pouvoir d’appréciation que le législateur avait entendu lui accorder (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, points 111 à 113).

42      Il y a lieu de considérer que ces principes sont applicables, par analogie, à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base.

43      En effet, cette disposition institue un régime spécial fixant les règles de détermination de la valeur normale en cas d’exportations provenant de pays dont il est établi que leur marché intérieur présente des distorsions significatives, telles que définies par cette même disposition. Or, le droit de l’OMC ne contient pas de règles spécifiques destinées au calcul de la valeur normale dans de telles situations.

44      Par ailleurs, il est vrai que le considérant 2 du règlement 2017/2321 précise que celui-ci « s’applique sans préjudice de la question de savoir si un État membre de l’OMC est ou non une économie de marché, et sans préjudice des conditions énoncées dans les protocoles et autres instruments conformément auxquels les pays ont adhéré à l’accord [instituant l’OMC] », au nombre desquels figure le protocole d’accession de la République populaire de Chine à l’OMC (ci-après le « protocole d’accession »).

45      Il est également vrai que le point 15 du protocole d’accession contient des règles spécifiques pour l’application de l’accord antidumping aux importations provenant de Chine et prévoit une période transitoire expirant au plus tard quinze ans après que la République populaire de Chine est devenue membre de l’OMC, soit le 11 décembre 2016.

46      Toutefois, la présence du considérant 2 dans le préambule du règlement 2017/2321 ne permet pas de conclure que, par ce règlement, le législateur de l’Union ait voulu créer un mécanisme mettant en œuvre le point 15 du protocole d’accession.

47      En tout état de cause, à supposer que le point 15 du protocole d’accession, après l’expiration de la période transitoire qu’il prévoit, s’oppose à l’utilisation, dans le cadre d’une enquête antidumping, d’une méthode destinée à déterminer la valeur normale qui ne soit pas fondée sur les prix ou les coûts chinois pour la branche de production faisant l’objet de celle-ci, il s’ensuivrait que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base ne serait pas compatible avec ce point.

48      Étant donné que les requérantes n’ont pas soulevé d’exception d’illégalité contre l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC, cette éventuelle incompatibilité ne ferait que confirmer qu’il est impossible d’interpréter cette disposition dans le sens souhaité par les requérantes.

49      En conséquence, il y a lieu de conclure que ne sont pas réunies les conditions requises pour que le principe d’interprétation conforme soit applicable à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC.

50      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation

51      Le deuxième moyen se compose de trois branches, tirées, la première, de la violation de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation, la deuxième, de la violation de la partie introductive de l’article 2, paragraphe 10, dudit règlement et, la troisième, de la violation de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du même règlement.

 Sur la première branche

52      Les requérantes, soutenues par Wegochem, après avoir rappelé que toutes leurs ventes de PVAL à l’exportation dirigées vers l’Union ont été effectuées par Sinopec Central-China, font valoir que c’est à tort que la Commission, considérant que les fonctions de cette dernière n’étaient pas celles d’un département de vente interne, mais étaient analogues à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, a appliqué au prix à l’exportation relatif à ces ventes un ajustement à la baisse au titre l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base (ci-après le « premier ajustement contesté »), correspondant aux frais VAG de cette société ainsi qu’à une marge bénéficiaire pour celle-ci, estimée sur la base des informations fournies par un opérateur indépendant.

53      En premier lieu, les requérantes soulignent que, selon le libellé de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base et la jurisprudence pertinente, pour pouvoir opérer un ajustement en vertu de cette disposition, la Commission doit rapporter à tout le moins des indices convergents démontrant qu’une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

54      Les requérantes précisent que la Commission ne saurait renverser la charge de la preuve en considérant que, en règle générale, un tel ajustement est justifié dès qu’une entreprise crée une société commerciale liée pour effectuer ses ventes à l’exportation et que, dès lors, il revient au producteur ayant créé cette société de démontrer que l’ajustement en cause n’est pas justifié.

55      En second lieu, les éléments invoqués par la Commission au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué et au sein de ce dernier ne permettraient pas de considérer que le premier ajustement contesté est justifié en l’espèce.

56      La Commission conteste les arguments des requérantes.

57      En premier lieu, il existerait une règle générale selon laquelle, lorsqu’une entreprise crée une société liée pour effectuer les opérations commerciales qu’elle devrait autrement confier à des opérateurs tiers, un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base serait justifié. En effet, il serait un fait que la société liée ainsi créée exercerait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. Ce ne serait qu’à titre d’exception à cette règle générale que, lorsque le producteur et son distributeur lié chargé des exportations vers l’Union forment une entité économique unique, un tel ajustement ne devrait pas être opéré. Toute exception à une règle générale devrait être interprétée strictement.

58      En second lieu, la Commission précise qu’elle n’a jamais soutenu que l’un ou l’autre des éléments sur lesquels elle s’est fondée pour opérer le premier ajustement contesté permet, à lui seul, d’exclure que Sinopec Central-China puisse être qualifiée de département de vente interne. Elle souligne la nécessité de procéder à une appréciation globale des éléments pertinents et fait valoir que les éléments retenus en l’espèce, pris dans leur ensemble, permettent de conclure que Sinopec Central-China est une société commerciale autonome et indépendante.

–       Règles applicables

59      Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, qui sont les suivants :

« Il est procédé à une comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale. Cette comparaison est faite, au même stade commercial, pour des ventes effectuées à des dates aussi proches que possible et en tenant dûment compte d’autres différences qui affectent la comparabilité des prix. Dans les cas où la valeur normale et le prix à l’exportation établis ne peuvent être ainsi comparés, il sera tenu compte dans chaque cas, sous forme d’ajustements, des différences constatées dans les facteurs dont il est revendiqué et démontré qu’ils affectent les prix et, partant, leur comparabilité. On évitera de répéter les ajustements, en particulier lorsqu’il s’agit de différences relatives aux rabais, aux remises, aux quantités ou aux stades de commercialisation. Lorsque les conditions spécifiées sont réunies, les facteurs au titre desquels des ajustements peuvent être opérés sont les suivants :

[…]

i)       Commissions

Un ajustement est opéré au titre des différences dans les commissions versées pour les ventes considérées.

Le terme “commissions” couvre aussi la marge perçue par un opérateur commercial du produit ou du produit similaire si les fonctions de cet opérateur sont assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions. »

60      Il résulte de la jurisprudence qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base ne saurait être opéré lorsque le producteur établi dans un État tiers et son distributeur lié chargé des exportations vers l’Union forment une entité économique unique (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 39).

61      En effet, le partage des activités de production et de vente à l’intérieur d’un groupe formé par des sociétés juridiquement distinctes ne saurait rien enlever au fait qu’il s’agit d’une entité économique unique qui organise de cette manière un ensemble d’activités exercées, dans d’autres cas, par une entité qui est unique aussi du point de vue juridique (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 40 et jurisprudence citée).

62      Dans ces circonstances, la reconnaissance de l’existence d’une entité économique unique permet d’éviter que des coûts, qui sont manifestement englobés dans le prix de vente d’un produit lorsque cette vente est effectuée par un département des ventes intégré dans l’organisation du producteur, ne le soient plus lorsque la même activité de vente est exercée par une société juridiquement distincte, bien qu’économiquement contrôlée par le producteur (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 41 et jurisprudence citée).

63      Il s’ensuit qu’un distributeur formant une entité économique unique avec un producteur établi dans un État tiers ne saurait être considéré comme exerçant des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, au sens de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 42).

64      Dans le cadre de l’analyse de l’existence d’une entité économique unique entre un producteur et son distributeur lié, il est déterminant de considérer la réalité économique des relations existant entre ce producteur et ce distributeur. Compte tenu de l’exigence d’un constat reflétant la réalité économique des relations entre ledit producteur et ledit distributeur, les institutions de l’Union sont tenues de prendre en compte l’ensemble des facteurs pertinents permettant de déterminer si ce distributeur exerce ou non les fonctions d’un département de vente intégré de ce producteur (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 43 et jurisprudence citée).

–       Sur la preuve

65      Quant à la charge de la preuve relative aux ajustements spécifiques énumérés à l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, selon la jurisprudence, celle-ci doit être supportée par la partie qui souhaite s’en prévaloir (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 83 et jurisprudence citée).

66      Ainsi, lorsque les institutions de l’Union considèrent qu’il y a lieu d’appliquer un ajustement à la baisse du prix à l’exportation au motif qu’une société de vente liée à un producteur exerce des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il appartient à ces institutions de rapporter à tout le moins des indices convergents démontrant que cette condition est remplie (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 84 et jurisprudence citée).

67      Il s’ensuit que, dans l’hypothèse où les institutions de l’Union auraient rapporté des indices convergents de nature à établir qu’un distributeur lié à un producteur exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, il aurait incombé à ce distributeur ou à ce producteur de rapporter la preuve qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base n’était pas justifié (voir, par analogie, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 85).

68      Il en découle que la Commission, pour pouvoir opérer à bon droit le premier ajustement contesté, devait rapporter des indices convergents de nature à établir que celui-ci était justifié.

69      La Commission ne peut pas considérer qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base doit en principe être opéré dès qu’une entreprise crée une société commerciale liée pour effectuer ses ventes à l’exportation.

70      En effet, l’existence de cette règle générale, qui reviendrait à un renversement de la charge de la preuve, n’est pas établie, la jurisprudence citée à cette fin par la Commission n’étant pas pertinente.

71      Premièrement, la Commission s’appuie sur l’arrêt du 7 février 2013, EuroChem MCC/Conseil (T‑459/08, non publié, EU:T:2013:66). Au point 132 de cet arrêt, le Tribunal a relevé que la seconde phrase de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement (CE) no 1225/2009 du Conseil, du 30 novembre 2009, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2009, L 343, p. 51), résultait de l’article 1er, paragraphe 5, du règlement (CE) no 1972/2002 du Conseil, du 5 novembre 2002, modifiant le règlement (CE) no 384/96 du Conseil, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 2002, L 305, p. 1). Au même point, il a constaté que, aux termes du considérant 6 du règlement no 1972/2002, la raison d’être de l’introduction de la phrase en question était de spécifier, conformément à la pratique constante des institutions, que des ajustements au titre de cette disposition devaient aussi être opérés si les parties n’entretenaient pas une relation de commettant à commissionnaire, mais parvenaient au même résultat économique en agissant en tant que vendeur et acheteur. Toutefois, il résulte des points 133 et 134 du même arrêt qu’un ajustement doit être opéré si la société chargée des ventes qui est liée à un producteur-exportateur remplit des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions et que, pour déterminer si tel est le cas, il convient d’examiner les rôles respectifs assurés par les différentes sociétés liées. Il s’ensuit que, dans ledit arrêt, le Tribunal n’a pas reconnu l’existence de la règle générale invoquée par la Commission en l’espèce.

72      Deuxièmement, la Commission invoque l’arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil (C‑468/15 P, EU:C:2016:803, point 39), qui ne fait toutefois aucune référence à une règle générale et à une exception à celle-ci.

73      Troisièmement, la Commission s’appuie sur le point 50 de l’arrêt du 28 octobre 2004, Shanghai Teraoka Electronic/Conseil (T‑35/01, EU:T:2004:317), et le point 49 de l’arrêt du 28 juin 2019, Changmao Biochemical Engineering/Commission (T‑741/16, non publié, EU:T:2019:454). Dans ceux-ci, le Tribunal a relevé que la méthode de détermination de la valeur normale d’un produit visée à l’article 2, paragraphe 7, sous b), du règlement (CE) no 384/96 du Conseil, du 22 décembre 1995, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de la Communauté européenne (JO 1996, L 56, p. 1) et du règlement no 1225/2009, respectivement en vigueur à la date des faits pertinents, était une exception à la méthode spécifique prévue à cette fin à l’article 2, paragraphe 7, sous a), de ces règlements, cette dernière étant en principe applicable dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Toutefois, en l’espèce, la Commission n’expose pas ni, a fortiori, ne démontre que la non-application d’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base lorsqu’un producteur-exportateur vend ses produits dans l’Union par le biais d’une société liée est une exception à une règle inscrite dans ce règlement, en vertu de laquelle cet ajustement devrait en principe être opéré dans de telles circonstances. Dès lors, ces arrêts n’étayent ni l’existence de la règle générale invoquée par la Commission ni le caractère exceptionnel de la non-application d’un tel ajustement lorsqu’il existe une entité économique unique.

74      Quatrièmement, lors de l’audience, la Commission a invoqué l’arrêt du 14 décembre 2022, Xinyi PV Products (Anhui) Holdings/Commission, (T‑586/14 RENV II, non publié, EU:T:2022:799, point 57), qui confirmerait l’existence d’une règle en vertu de laquelle un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base est généralement opéré lorsqu’un producteur-exportateur vend ses produits par le biais d’une société liée. Toutefois, il y a lieu de relever que, dans cet arrêt, le Tribunal s’est prononcé sur une situation caractérisée par le fait qu’il était constant que la société liée au producteur-exportateur concerné s’ajoutait au service interne d’exportation dont celui-ci disposait, ainsi qu’il résulte des points 52 et 57 de l’arrêt susmentionné. La situation de l’espèce étant différente, c’est à tort que la Commission s’appuie sur ledit arrêt.

75      La Commission ne peut pas non plus considérer qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement de base doit être opéré en se fondant sur le fait, invoqué par les requérantes devant le Tribunal, que Sinopec Central-China n’est pas directement contrôlée par Sinopec Chongqing et par Sinopec Ningxia.

76      À cet égard, s’il résulte du considérant 366 du règlement attaqué que la Commission admet l’existence d’un contrôle commun, Sinopec Central-China, Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia étant « toutes contrôlées par le groupe Sinopec », ce règlement ne contient pas de considérant qui serait consacré à l’examen du caractère indirect de ce contrôle et aux conséquences que celui-ci pourrait avoir sur la démonstration que la Commission était tenue de faire en vertu de la jurisprudence rappelée aux points 65 à 67 ci-dessus.

77      Au considérant 366 du règlement attaqué, la Commission a également relevé que « l’existence d’un contrôle commun était une condition préalable nécessaire de l’existence d’une entité économique unique et déclenchait l’analyse visant à savoir si la totalité des faits pertinents relatifs à l’opérateur commercial lié démontrait l’existence d’une entité économique unique » et que « l’objectif é[tait] de déterminer si les fonctions assumées par l’opérateur commercial lié [étaient] ou non semblables à celles d’un département interne des ventes ».

78      Cette approche retenue par la Commission dans le règlement attaqué doit être approuvée, étant donné qu’elle est conforme à la jurisprudence, qui considère que la structure du capital des sociétés susceptibles de former une entité économique unique est un indice pertinent de l’existence de cette entité (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 179).

79      Dès lors, à partir de cette constatation, il y a lieu de vérifier si la Commission a rapporté suffisamment d’indices convergents permettant de démontrer que, en dépit de l’existence d’un contrôle commun, il ne pouvait pas être considéré que Sinopec Central-China agissait en tant que département de vente interne et que, en conséquence, il était nécessaire d’opérer le premier ajustement contesté.

–       Sur les indices réunis par la Commission

80      La Commission fonde sa décision sur les indices suivants :

–        Sinopec Central-China recherchait des clients et établissait des contacts avec eux ;

–        Sinopec Chongqing effectuait des ventes directes à l’exportation ;

–        Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia effectuaient des ventes directes en Chine ;

–        Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia supportaient des frais de vente ;

–        Sinopec Central-China commercialisait également des produits réalisés par d’autres producteurs que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia.

81      Il y a lieu de déterminer si les indices susmentionnés permettent de considérer que la Commission a rapporté la preuve qui lui incombait.

82      À titre liminaire, il convient de rappeler que le premier élément repris au point 80 ci-dessus, relatif au fait que Sinopec Central-China recherchait des clients et établissait des contacts avec ceux-ci , figurait dans l’information finale. Les requérantes ont contesté la pertinence du premier élément dans leurs observations sur l’information finale, en faisant valoir que la recherche de clients et l’établissement de contact avec ceux-ci étaient des activités qu’exerçaient aussi bien un opérateur commercial indépendant qu’un département de vente interne. Au considérant 358 du règlement attaqué, la Commission a mentionné cet élément, sans toutefois répondre aux arguments des requérantes.

83      Devant le Tribunal, la Commission s’est bornée à soutenir que le premier élément était pertinent, bien que la recherche de clients et l’établissement de contacts avec ceux-ci soient des activités qui peuvent être exercées tant par un département de vente interne que par un agent de vente.

84      Dans ces circonstances, les requérantes sont fondées à soutenir que le fait qu’une entité se consacre à la recherche de clients et à l’établissement de contacts avec ceux-ci n’est pas pertinent aux fins de déterminer si elle est un département de vente interne ou un agent de vente.

85      S’agissant du deuxième élément repris au point 80 ci-dessus, relatif au fait que Sinopec Chongqing a effectué des ventes directes à l’exportation , il résulte de la jurisprudence que, plus la proportion de ces ventes directes est importante, plus il est difficile de soutenir que le distributeur lié exerce les fonctions d’un département interne de vente (voir, en ce sens, arrêts du 10 mars 1992, Matsushita Electric/Conseil, C‑175/87, EU:C:1992:109, point 14, et du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437, points 69). En revanche, une entité économique unique peut exister lorsque le producteur assume une partie des fonctions de vente complémentaires par rapport à celles de la société de distribution de ses produits (voir arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil, T‑249/06, EU:T:2009:62, point 179 et jurisprudence citée).

86      En l’espèce, les requérantes font valoir que les ventes à l’exportation effectuées directement par Sinopec Chongqing, sans l’intervention de Sinopec Central-China, n’ont qu’un caractère complémentaire par rapport aux ventes à l’exportation réalisées par cette dernière et concernent non pas les ventes de PVAL à des clients établis dans l’Union, mais celles adressées à des clients établis aux États-Unis, pour des raisons liées au système de perception des droits antidumping des États-Unis, qui permettrait de bénéficier d’un droit nul seulement pour les ventes directes. Le volume de PVAL afférent à ces ventes directes à l’exportation vers les États‑Unis, qui ne représenteraient que 10,9 % des exportations cumulées vers l’Union et les États‑Unis, n’atteindrait pas une importance suffisante pour considérer que l’existence de ces ventes directes permet de conclure à l’absence d’une entité économique unique.

87      La Commission répond que le fait que Sinopec Chongqing a effectué des ventes directes aux États-Unis pour un volume substantiel, correspondant à 12,1 % du volume afférent à ses ventes dans l’Union, démontre qu’elle dispose de son propre département de vente interne. La raison pour laquelle Sinopec Chongqing a elle-même réalisé ces ventes ne serait « pas nécessairement déterminante » aux fins d’apprécier sa relation économique avec Sinopec Central-China. De même, il importerait peu que toutes les ventes à l’exportation vers l’Union aient été effectuées par cette dernière.

88      En premier lieu, il convient de rappeler que, au point 185 de l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62), le Tribunal, pour constater qu’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous i), du règlement no 384/96 avait été opéré à tort, a notamment retenu que les ventes directes à l’exportation effectuées par l’une des parties requérantes dans l’affaire ayant donné lieu audit arrêt étaient marginales et complémentaires par rapport à celles effectuées par le distributeur lié à ces sociétés. À cet effet, le Tribunal a relevé, d’une part, que ces ventes directes étaient à destination des nouveaux États membres, dans une phase de transition, et, d’autre part, qu’elles représentaient 8 % des ventes de ces sociétés vers l’Union.

89      En second lieu, aux points 69 et 70 de l’arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437), le Tribunal a considéré que l’existence de ventes directes à l’exportation pour un volume s’élevant à 27,08 % du total des ventes à l’exportation ne permettait pas d’exclure que le distributeur lié aux producteurs concernés exerçait les fonctions d’un département de vente interne, mais constituait néanmoins un indice corroborant d’autres facteurs et contribuait donc à établir l’absence d’une entité économique unique.

90      En l’espèce, il est constant que Sinopec Chongqing a effectué des ventes directes à l’exportation aux États-Unis pour un volume correspondant à 10,9 % de ses ventes cumulées dans l’Union et aux États-Unis, lequel volume correspondant à 12,1 % de ses ventes dans l’Union, si sont exprimées les ventes directes aux États-Unis en pourcentage des ventes dans l’Union uniquement, par opposition aux ventes cumulées dans l’Union et aux États-Unis. Par ailleurs, à l’audience, les requérantes, sans être contredites par la Commission, ont précisé qu’elles exportaient leurs PVAL également vers d’autres pays et que ces ventes à l’exportation étaient effectuées par Sinopec Central-China. Ainsi, si toutes les ventes à l’exportation étaient prises en compte, le volume correspondant aux ventes directes réalisées par Sinopec Chongqing aurait représenté un pourcentage encore moins important de l’ensemble des PVAL produits par celle-ci qui étaient vendus à l’exportation.

91      Dès lors, premièrement, il convient de relever que c’est à tort que la Commission soutient que le pourcentage du volume de PVAL afférent aux ventes directes à l’exportation effectuées par Sinopec Chongqing est « manifestement substantiel », en ce qu’il dépasserait le niveau de 8 %, qui a été considéré comme étant marginal au point 185 de l’arrêt du 10 mars 2009, Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP/Conseil (T‑249/06, EU:T:2009:62). En effet, ainsi qu’il résulte du point 88 ci-dessus, le Tribunal, dans cet arrêt, a examiné quel était le pourcentage du volume afférent aux ventes directes à l’exportation vers l’Union effectuées par les producteurs-exportateurs concernés par rapport au volume total de leurs ventes à l’exportation vers l’Union. Or, en l’espèce, le pourcentage du volume afférent aux ventes directes à l’exportation vers l’Union effectuées par Sinopec Chongqing est nul, étant donné que c’est Sinopec Central-China qui est chargée de toutes les ventes à l’exportation des PVAL produits par Sinopec Chongqing qui sont dirigées vers l’Union.

92      Deuxièmement, il y a lieu de constater que, quel que soit le total des ventes par rapport auquel le pourcentage est calculé (voir point 90 ci-dessus), le volume de PVAL afférent aux ventes directes à l’exportation effectuées par Sinopec Chongqing ne représente pas un pourcentage de ce total qui se rapprocherait du chiffre de 27,08 %, au sujet duquel, aux points 69 et 70 de l’arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437), le Tribunal, dans le cas d’espèce, a considéré qu’il s’agissait d’un indice pouvant contribuer à établir l’absence d’une entité économique unique (voir point 89 ci-dessus).

93      Par ailleurs, il convient de rappeler que, au point 68 de l’arrêt du 25 juin 2015, PT Musim Mas/Conseil (T‑26/12, non publié, EU:T:2015:437), le Tribunal a également relevé qu’il n’était pas exclu que, au sein d’une telle entité, une société liée exerce les fonctions d’un département de vente interne en organisant et en négociant les ventes du producteur, sans pour autant émettre directement toutes les factures relatives à ces ventes, diverses raisons pouvant justifier l’intervention sur papier du producteur. Or, en l’espèce, les requérantes, sans être contredites par la Commission, ont exposé que Sinopec Chongqing bénéficiait d’un droit antidumping nul aux États-Unis. Par ailleurs, lors de l’audience, Wegochem, sans être contredite non plus par la Commission, a précisé que le groupe dont elle relevait importait des PVAL produits par les requérantes tant dans l’Union qu’aux États-Unis et que, dans les deux cas, ce groupe négociait avec Sinopec Central-China, bien que les factures relatives aux importations aux États-Unis soient émises par Sinopec Chongqing, pour la raison susmentionnée.

94      Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que le deuxième élément n’est pas un indice probant de ce que Sinopec Central-China ne peut pas être qualifiée de département de vente interne.

95      S’agissant du troisième élément repris au point 80 ci-dessus, relatif au fait que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia ont effectué des ventes directes sur le marché chinois les requérantes soutiennent que l’existence de ces ventes directes ne s’oppose pas à ce que Sinopec Central-China soit qualifiée de département de vente interne responsable des ventes à l’exportation. En effet, les requérantes n’auraient jamais soutenu que Sinopec Central-China agissait en tant que département de vente interne responsable aussi bien pour les ventes sur le marché chinois que pour celles à l’exportation. Elles se seraient bornées à faire valoir que Sinopec Central-China était chargée des ventes à l’exportation. La manière dont un producteur vend ses produits sur son marché intérieur ne serait pas pertinente pour établir l’existence d’une entité économique unique en ce qui concerne les ventes à l’exportation.

96      La Commission répond que le fait que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia réalisaient d’importantes ventes sur le marché chinois contribue à démontrer qu’elles disposaient de départements de vente internes, qui étaient de nature à servir également leurs marchés d’exportation, et que Sinopec Central-China agissait en tant que société commerciale autonome.

97      Il y a lieu de relever que l’existence de ventes directes de PVAL effectuées par Sinopec Chongqing et par Sinopec Ningxia sur le marché chinois est susceptible de démontrer que ces sociétés disposaient de la structure nécessaire pour vendre leurs produits sans recourir aux services de Sinopec Central-China ou d’autres sociétés, éventuellement non liées.

98      Toutefois, ainsi que le font valoir les requérantes, il résulte de la jurisprudence que les ventes à l’exportation et les ventes sur le marché national d’un producteur-exportateur peuvent voir intervenir des sociétés, liées ou non, ou des services internes de vente différents (voir, en ce sens, arrêt du 10 mars 1992, Minolta Camera/Conseil, C‑178/87, EU:C:1992:112, points 2, 9 et 13, et conclusions de l’avocat général Mengozzi dans les affaires jointes Conseil et Commission/Interpipe Niko Tube et Interpipe NTRP, C‑191/09 P et C‑200/09 P, EU:C:2011:245, points 65 et 66).

99      Il s’ensuit que le troisième élément n’est pas un indice probant de nature à faire obstacle à la reconnaissance du statut de département de vente interne de Sinopec Central-China.

100    S’agissant du quatrième élément repris au point 80 ci-dessus, relatif au fait que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia supportent des frais de vente, les requérantes font valoir que les frais de vente exposés par ces sociétés ne l’ont été que pour les ventes sur le marché chinois et, s’agissant de Sinopec Chongqing, pour celles réalisées vers les États-Unis.

101    La Commission répond, à propos du quatrième élément, que le fait que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia supportaient des frais de vente qui étaient, pour la seconde d’entre elles, plus élevés que ceux de Sinopec Central-China est une preuve supplémentaire de l’autonomie de cette dernière.

102    Il y a lieu de relever qu’il n’est pas contesté que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia n’ont exposé de frais que pour les ventes sur le marché intérieur chinois et, s’agissant de la première, pour les ventes directes à l’exportation vers les États-Unis. Dès lors, le quatrième élément n’est pas de nature à modifier l’appréciation faite par le Tribunal des deuxième et troisième éléments.

103    S’agissant du cinquième élément repris au point 80 ci-dessus, relatif au fait que Sinopec Central-China commercialise également des produits réalisés par d’autres producteurs que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia, les requérantes font valoir que les achats par Sinopec Central-China de PVAL produits par des producteurs tiers ne représentent que 2 % de ses achats de PVAL auprès de Sinopec Chongqing et de Sinopec Ningxia. Ce ne serait que lorsqu’un négociant lié réalise une large part de son chiffre d’affaires par la vente de produits provenant d’entreprises tierces que les fonctions de ce négociant ne seraient pas assimilables à celles d’un département de vente interne. Par ailleurs, Sinopec Central-China n’aurait vendu que sur le marché chinois les PVAL produits par des producteurs tiers.

104    Wegochem ajoute que le simple fait que Sinopec Central-China ait également commercialisé certains produits d’autres producteurs ne saurait démontrer que cette société a agi en tant que négociant indépendant. À cet effet, la Commission aurait dû établir que ces activités de vente étaient suffisamment importantes pour permettre à Sinopec Central-China de se comporter de manière indépendante au regard du groupe auquel elle était liée. Ainsi, la Commission aurait dû apprécier l’importance des ventes réalisées par Sinopec Central-China de PVAL provenant d’entreprises tierces par rapport au chiffre d’affaires de celle-ci. Toutefois, la Commission n’aurait pas procédé à une telle appréciation.

105    La Commission répond que, si elle n’a pas évalué l’importance, au sein du chiffre d’affaires global de Sinopec Central-China, de la vente de produits, quels qu’ils soient, que celle-ci avait achetés auprès de sociétés autres que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia, elle a néanmoins établi que les ventes par Sinopec Central-China de PVAL fabriqués par d’autres producteurs représentaient 10 % de l’ensemble des ventes de PVAL réalisées par Sinopec Central-China dans l’Union et n’étaient donc pas négligeables. 

106    Il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, la part des ventes réalisées par le distributeur lié à un producteur portant sur des produits provenant de producteurs non liés est un facteur important pour déterminer si ce distributeur forme une entité économique unique avec le producteur lié. Ainsi, si le distributeur réalise une large part de son chiffre d’affaires par la vente de produits provenant d’entreprises non liées, cela pourrait constituer un indice que les fonctions de ce distributeur ne sont pas celles d’un département de vente interne (voir arrêt du 14 juillet 2021, Interpipe Niko Tube et Interpipe Nizhnedneprovsky Tube Rolling Plant/Commission, T‑716/19, EU:T:2021:457, point 159 et jurisprudence citée).

107    La jurisprudence précise également que, aux fins de la détermination de l’existence d’une entité économique unique, les institutions de l’Union sont en droit de tenir compte également des activités du distributeur lié concernant des produits autres que le produit faisant l’objet de l’enquête antidumping ainsi que de la part des ventes réalisées par ce distributeur portant sur des produits provenant de producteurs non liés (voir, en ce sens, arrêt du 26 octobre 2016, PT Musim Mas/Conseil, C‑468/15 P, EU:C:2016:803, points 44 à 46 et 49).

108    En l’espèce, il y a lieu de relever que la Commission admet (voir point 105 ci-dessus) qu’elle n’a pas effectué l’examen prévu par la jurisprudence susmentionnée. Partant, elle ne saurait se prévaloir du cinquième élément en tant qu’indice pertinent de l’inexistence d’une entité économique unique en l’espèce.

109    En tout état de cause, à supposer que la Commission ait été en droit de se borner à examiner le chiffre d’affaires de Sinopec Central-China généré par ses ventes de PVAL, il y a lieu de constater que la Commission ne conteste pas que, ainsi que les requérantes l’avaient déjà fait valoir dans leurs observations sur l’information finale additionnelle, les achats par Sinopec Central-China de PVAL produits par des producteurs tiers ne représentent que 2 % de ses achats de PVAL auprès de Sinopec Chongqing et de Sinopec Ningxia. Ainsi, le chiffre d’affaires de Sinopec Central-China généré par ses ventes de PVAL procède des PVAL que celle-ci avait achetés, dans leur quasi-totalité, auprès de Sinopec Chongqing et de Sinopec Ningxia.

110    Quant à l’argument de la Commission selon lequel le volume des achats de PVAL par Sinopec Central-China auprès de producteurs tiers représente 10 % du volume total de PVAL que celle-ci a exporté dans l’Union au cours de la période d’enquête, il y a lieu de constater que la Commission n’explique pas en quoi cette donnée contribuerait à démontrer que Sinopec Central-China n’agissait pas en tant que département de vente interne. La pertinence de cette donnée est remise en cause par le fait, souligné dans les observations des requérantes sur l’information finale additionnelle et lors de l’audience, non contesté par la Commission, que les PVAL que Sinopec Central-China a achetés auprès de producteurs tiers n’ont pas été exportés dans l’Union, mais ont été vendu, en Chine, à une société liée.

111    En conséquence, il y a lieu de conclure que le cinquième élément n’est d’aucune pertinence pour démontrer que Sinopec Central-China exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions.

112    Au vu de toutes les considérations qui précèdent relatives aux premier à cinquième éléments, il apparaît que les deuxième et troisième éléments ne suffisent pas à constituer un faisceau d’indices convergents qui démontrerait que les fonctions de Sinopec Central-China seraient des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions ou qui ferait obstacle à la reconnaissance de son statut de département de vente interne. Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que la Commission n’a pas rapporté la preuve qui lui incombait conformément à la jurisprudence rappelée aux points 65 à 67 ci-dessus, de sorte que, en estimant que Sinopec Central-China exerçait des fonctions assimilables à celles d’un agent travaillant sur la base de commissions, elle a commis une erreur manifeste d’appréciation.

113    Partant, il y a lieu de faire droit à la première branche du deuxième moyen.

 Sur la deuxième branche

114    Les requérantes soutiennent que, dans le règlement attaqué, la Commission a violé l’obligation, découlant spécifiquement de la partie introductive de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, de procéder à une comparaison équitable, au même stade commercial, du prix à l’exportation et de la valeur normale.

115    Pour obtenir un niveau de prix à l’exportation correspondant à une transaction « départ-usine », la Commission aurait opéré des ajustements consistant à déduire du prix de vente facturé aux clients indépendants les frais litigieux (voir point 11 ci-dessus).

116    En revanche, aucun ajustement analogue n’aurait été appliqué à la valeur normale construite par la Commission sur le fondement de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, laquelle aurait été considérée comme correspondant, sans qu’il ait été nécessaire de procéder à des ajustements, à une transaction « départ-usine ». Toutefois, cette valeur normale correspondrait au coût de production, établi à partir des facteurs de production des requérantes multipliés par les valeurs non faussées relatives au pays représentatif retenu, à savoir la Turquie, majoré de 17,6 % au titre de frais VAG. Cette majoration aurait été décidée sur la base d’informations obtenues par la Commission au sujet d’un producteur turc, Ilkalem Ticaret Ve Sanayi A. S. (ci-après « Ilkalem »), qui ne préciseraient pas la portée de ces frais VAG. Or, ceux-ci incluraient normalement les frais litigieux.

117    Les requérantes signalent que, dans leurs observations sur l’information finale, elles ont appelé l’attention de la Commission sur le fait que, les frais litigieux étant a priori inclus dans les frais VAG faisant partie de la valeur normale retenue par celle-ci, il y avait une forte probabilité que la comparaison entre le prix à l’exportation et la valeur normale ne soit pas équitable.

118    Les requérantes précisent que la Commission ne peut pas présumer qu’une valeur normale construite en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base correspond, en toutes circonstances, à une transaction « départ-usine ».

119    Wegochem soutient les arguments des requérantes et souligne que, dans le cadre de l’application de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, s’il incombe à la partie qui souhaite se prévaloir d’un ajustement de prouver que les conditions requises à cette fin sont réunies, il appartient à la Commission de lui indiquer quels renseignements sont nécessaires et de ne pas lui imposer une charge de la preuve déraisonnable.

120    Selon Wegochem, dans leurs observations sur l’information finale, les requérantes ont demandé l’application d’ajustements à la valeur normale afin d’assurer une comparaison équitable et ont suffisamment motivé cette demande, compte tenu du fait que la valeur normale avait été construite conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base et que les données relatives aux frais VAG utilisées par la Commission n’émanaient donc pas d’elles, mais de la base de données Orbis (ci-après la « base Orbis »), que la Commission avait choisi d’utiliser, qui ne fournissait qu’une valeur globale pour ces frais, non assortie de la ventilation de ceux-ci. Selon Wegochem, la Commission ne pouvait pas exiger des requérantes qu’elles produisent des données, relatives à un tiers, plus détaillées que celles dont la Commission elle-même disposait.

121    En tout état de cause, Wegochem précise qu’il est notoire que, en règle générale, les frais VAG incluent les frais litigieux, ainsi que le confirme le guide de l’utilisateur de la base Orbis.

122    La Commission répond que la partie qui souhaite se prévaloir d’un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, afin d’assurer une comparaison équitable du prix à l’exportation et de la valeur normale, supporte la charge de prouver que cet ajustement est justifié. Au cours de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, les requérantes auraient fait valoir que certains frais qui avaient été déduits du prix à l’exportation ne l’auraient pas été de la valeur normale, mais elles n’auraient pas étayé leur demande d’ajustements. Selon la Commission, en invoquant la violation de la partie introductive de la disposition susmentionnée, les requérantes tentent de contourner la charge de la preuve qui leur incombait.

123    La Commission précise également que les requérantes auraient dû étayer davantage leur demande d’ajustements, en dépit du fait que, en l’espèce, la valeur normale avait été construite conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base.

124    Les termes de l’article 2, paragraphe 10, première à cinquième phrases, du règlement de base ont été rappelés au point 59 ci-dessus.

125    En l’espèce, la Commission a décidé d’opérer des ajustements à la baisse du prix à l’exportation, fondés sur l’article 2, paragraphe 10, sous e), g) et k), du règlement de base, pour retirer de celui-ci les frais litigieux, afin d’en obtenir le niveau correspondant à une transaction « départ-usine », conformément à sa pratique, ainsi qu’il résulte des considérants 313, 314 et 357 du règlement attaqué et des précisions apportées par la Commission en réponse aux questions écrites adoptées par le Tribunal et lors de l’audience.

126    Il y a lieu de relever que des ajustements visant à obtenir le niveau « départ-usine » du prix à l’exportation sont nécessaires pour assurer la « comparaison équitable entre le prix à l’exportation et la valeur normale », requise par l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, seulement si la valeur normale est également calculée au niveau « départ-usine ».

127    Dès lors, en vertu de la jurisprudence rappelée au point 65 ci-dessus, il revenait à la Commission, qui avait choisi d’effectuer la comparaison en cause au niveau « départ-usine », de démontrer que ces ajustements étaient nécessaires pour que la comparaison du prix à l’exportation et de la valeur normale soit équitable.

128    En tout état de cause, à supposer que la charge de la preuve ait pesé sur les requérantes, il convient de relever que celles-ci, dans leurs observations sur l’information finale, ont fait valoir que le prix à l’exportation retenu par la Commission n’incluait pas les frais litigieux, alors que la valeur normale avait été construite en y incluant des frais VAG qui, selon toute vraisemblance, comprenaient les frais litigieux, de sorte que la comparaison pouvait ne pas être équitable. Elles ont proposé à la Commission soit de ne pas déduire les frais litigieux du prix à l’exportation, soit d’appliquer des ajustements à la baisse à la valeur normale construite, sur la base des données fournies par Sinopec Chongqing. Dès lors, ainsi que le souligne Wegochem, les requérantes ont en substance demandé à la Commission d’opérer des ajustements pour garantir le caractère équitable de la comparaison du prix à l’exportation avec la valeur normale et ont dûment motivé leur demande.

129    Il est vrai que, selon la jurisprudence, l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, contrairement à l’article 2.4 de l’accord antidumping, ne précise pas que les « autorités indiqueront aux parties en question quels renseignements sont nécessaires pour assurer une comparaison équitable, et [que] la charge de la preuve qu’elles imposeront à ces parties ne sera pas déraisonnable ». Cependant, les exigences résultant de ce dernier article, en ce qu’elles portent sur le droit des parties à une procédure administrative à recevoir les informations nécessaires pour pouvoir participer à celle-ci en connaissance de cause et sur l’intensité de la charge de la preuve dont elles doivent s’acquitter, font partie des principes généraux du droit de l’Union et, notamment, du principe de bonne administration, inscrit également à l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne. Ainsi, il appartient aux institutions de l’Union d’indiquer à la partie qui demande l’application d’un ajustement les renseignements qui sont nécessaires à cette fin et de ne pas lui imposer une charge de la preuve déraisonnable (voir, en ce sens, arrêt du 8 juillet 2008, Huvis/Conseil, T‑221/05, non publié, EU:T:2008:258, points 77 et 78 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 octobre 2012, Ningbo Yonghong Fasteners/Conseil, T‑150/09, non publié, EU:T:2012:529, point 124, et du 11 septembre 2014, Gold East Paper et Gold Huasheng Paper/Conseil, T‑443/11, EU:T:2014:774, point 166).

130    En l’espèce les observations des requérantes reprises au point 128 ci-dessus ont été traitées aux considérants 313 et 314 du règlement attaqué, qui sont rédigés comme suit :

« (313) Dans leurs observations sur l’information finale, trois producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon ont contesté le fait que la Commission avait supprimé du prix à l’exportation certaines dépenses de fret alors que ces dernières (ainsi que les dépenses de manutention, etc., et les dépenses financières telles que les frais bancaires) n’ont pas été retirées des frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux du producteur dans le pays représentatif.

(314) La Commission a contesté cette affirmation. Elle a constaté que rien n’indique que ces dépenses ont été incluses dans les frais de vente, dépenses administratives et autres frais généraux déclarés pour le producteur dans le pays représentatif. En outre, les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon n’ont apporté aucune preuve du contraire. Cet argument a donc été rejeté. »

131    Il y a lieu de relever que, dès lors que la Commission a construit la valeur normale conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, les données qu’elle a utilisées à cette fin, s’agissant des frais VAG, n’émanaient pas des requérantes, mais d’Ilkalem, qui avait été choisie par la Commission. À ce sujet, cette dernière admet que, pour les frais VAG qu’elle a utilisés, tirés de la base Orbis, aucune ventilation supplémentaire n’était aisément disponible et que, en conséquence, elle avait communiqué aux requérantes les informations figurant dans cette base de données relatives à Ilkalem.

132    Or, ainsi que le fait valoir Wegochem, les données utilisées par la Commission contiennent une ligne consacrée aux « other operating expenses » (autres dépenses de fonctionnement). Le guide de l’utilisateur de la base Orbis mentionne que, par « other operating expenses », il convient d’entendre « All costs not directly related to the production of goods sold such as commercial costs, administrative expenses, etc. + depreciation of those costs » (tous les coûts qui ne sont pas directement liés à la production des biens vendus tels que les coûts commerciaux, les dépenses administratives, etc. + amortissement de ces coûts). En réponse à une question écrite du Tribunal, la Commission a admis ne pas savoir si les frais litigieux étaient inclus dans le « other operating expenses ». Il y a donc lieu de constater que la définition susmentionnée ne permet pas d’exclure que ces « other operating expenses » comprennent les frais litigieux.

133    En outre, comme le rappelle également Wegochem, la Commission, dans le questionnaire envoyé aux producteurs-exportateurs dans le cadre de l’enquête ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, a inclus dans les frais VAG des frais correspondant aux frais litigieux.

134    Il s’ensuit que la Commission, qui ne disposait pas elle-même d’une ventilation plus précise des frais VAG d’Ilkalem, ne pouvait pas raisonnablement exiger des requérantes, lorsqu’elles avaient soulevé, dans leurs observations sur l’information finale, la question du caractère équitable de la comparaison entre le prix à l’exportation et la valeur normale, qu’elles étayent davantage leur demande par la production de données, relatives à un tiers, plus précises que celles dont disposait la Commission.

135    Par conséquent, il y a lieu de constater que, au considérant 314 du règlement attaqué, la Commission a exigé des requérantes qu’elles rapportent une preuve déraisonnable.

136    Cette conclusion n’est pas remise en cause par la jurisprudence récente de la Cour dont il résulte que la seule circonstance selon laquelle la valeur normale a été établie sur des éléments n’émanant pas des producteurs-exportateurs concernés n’est pas de nature à imposer un assouplissement de la règle de répartition de la charge de la preuve, telle qu’elle découle de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et de la jurisprudence pertinente (voir points 65 à 67 ci-dessus). Selon cette jurisprudence, en effet, la règle selon laquelle il revient à la partie qui demande un ajustement au titre d’un des facteurs visés à cet article de démontrer que ce facteur est de nature à affecter les prix, et, partant, leur comparabilité, s’impose indépendamment de la méthode sur le fondement de laquelle la valeur normale a été déterminée (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, point 151).

137    En effet, avant de conclure que la Commission n’avait pas imposé aux producteurs-exportateurs concernés une charge de la preuve déraisonnable, la Cour a souligné qu’il ressortait du règlement litigieux que la Commission avait communiqué à ceux-ci les données pertinentes (voir, en ce sens, arrêt du 28 avril 2022, Changmao Biochemical Engineering/Commission, C‑666/19 P, EU:C:2022:323, point 152).

138    Or, en l’espèce, la Commission n’a pas fourni aux requérantes les données qui leur auraient permis d’étayer davantage leur demande tendant à ce que les frais litigieux ne soient pas retirés du prix à l’exportation ou qu’ils soient retirés de la valeur normale.

139    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit à la deuxième branche du deuxième moyen.

 Sur la troisième branche

140    La troisième branche du présent moyen se compose de deux griefs. D’une part, les requérantes, soutenues par Wegochem, contestent le choix de la Commission d’opérer un ajustement à la hausse de la valeur normale sur le fondement de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base (ci-après le « second ajustement contesté »), afin de refléter la différence entre le taux de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) à payer et le taux de remboursement de la TVA à l’exportation. D’autre part, elles font valoir que, en tout état de cause, la Commission a fixé cet ajustement à un niveau excessif.

–       Sur le premier grief

141    Les requérantes soutiennent que, si leurs ventes à l’exportation ont bénéficié d’un remboursement de la TVA en amont, néanmoins, elles n’étaient soumises à aucune TVA en aval, ainsi que le démontrent leurs factures. En outre, selon les requérantes, dès lors que la valeur normale a été construite à partir de données relatives à un pays tiers, celle-ci ne tient pas compte, par définition, de la TVA chinoise. La Commission n’aurait pas apporté la preuve du contraire. Ainsi, il importerait peu que les règles chinoises relatives à la TVA soient différentes selon qu’il s’agisse de ventes sur le marché intérieur chinois ou de ventes à l’exportation. La Commission n’aurait pas expliqué la raison pour laquelle le second ajustement contesté était nécessaire nonobstant le fait que la valeur normale avait été construite sur la base desdites données.

142    Les requérantes en concluent que le second ajustement contesté n’était pas requis pour que la comparaison du prix à l’exportation et de la valeur normale soit fiscalement neutre. En effet, ces éléments se situeraient déjà au même niveau d’imposition indirecte, en ce qu’ils seraient tous deux exprimés hors TVA.

143    La Commission conteste les arguments des requérantes.

144    Il convient de rappeler que l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base est libellé comme suit :

« Impositions à l’importation et impôts indirects

La valeur normale est ajustée d’un montant correspondant aux impositions à l’importation et aux impôts indirects supportés par le produit similaire et les matériaux qui y sont physiquement incorporés, lorsque le produit est destiné à être consommé dans le pays exportateur, et qui ne sont pas perçus ou qui sont remboursés lorsque le produit est exporté dans l’Union. »

145    Aux considérants 387 et 388 du règlement attaqué, la Commission a exposé les raisons pour lesquelles elle estimait nécessaire, afin de garantir le caractère équitable de la comparaison entre le prix à l’exportation et la valeur normale, d’opérer le second ajustement contesté, en dépit des objections soulevées notamment par les requérantes, dans leurs observations sur l’information finale.

146    Aux termes de ces considérants, il est indiqué ce qui suit :

« (387) Dans leurs observations sur l’information finale, trois producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon et un producteur/utilisateur de l’Union ont affirmé qu’il n’y avait pas lieu de procéder à un ajustement en ce qui concerne la TVA non remboursable. Ces parties intéressées ont notamment fait valoir que la Commission n’avait pas expliqué en quoi un tel ajustement était nécessaire, en particulier à la lumière du fait que la valeur normale est calculée en utilisant (en partie) des données issues d’un pays tiers. Elles ont également affirmé que la Commission n’avait pas expliqué pourquoi, faute d’un ajustement de la TVA, il y aurait une différence entre le prix à l’exportation et la valeur normale calculée qui affecterait la comparabilité des prix. Pour elles, le prix normal étant fondé sur le calcul, il n’y a pas de remboursement de la TVA en amont et, de ce fait, aucun ajustement ne devrait être opéré pour les différences au niveau du remboursement de la TVA.

(388) La Commission a marqué son désaccord avec cette affirmation. Elle a procédé à un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, point b), du règlement de base pour tenir compte de la différence [, s’agissant des impôts indirects,] entre […] les ventes à l’exportation de la [Chine] vers l’Union et la valeur normale [dont] des impôts indirects tels que la TVA ont été exclus. La Commission n’a pas besoin de démontrer que la valeur normale calculée entraîne effectivement une TVA qui peut être intégralement remboursée dans le cadre des ventes sur le marché intérieur, car cela est dénué de pertinence. La valeur normale calculée comme indiqué aux considérants 335 à 347 et 295 n’incluait pas la TVA, étant donné que les valeurs non faussées dans le pays représentatif sont utilisées pour calculer la valeur normale dans le pays exportateur hors TVA. Concrètement, pour ce qui est du traitement des ventes sur le marché intérieur et à l’exportation du point de vue de la TVA, tout se passe en [Chine]. L’enquête a conclu que, pendant la période d’enquête, les producteurs-exportateurs en [Chine] étaient soumis à un taux de TVA de 13 % ou de 16 % (13 % pour les mois d’avril à juin 2019 et 16 % pour les mois de juillet 2018 à mars 2019) à l’exportation, tandis que 5 %, 9 % ou 10 % étaient remboursés (5 % de juillet à août 2018, 9 % de septembre à octobre 2018 et 10 % de novembre 2018 à juin 2019). Ainsi, conformément à l’article 2, paragraphe 10, point b), du règlement de base, en cas de différence au niveau des impôts indirects (en l’espèce, de la TVA partiellement remboursée dans le cas des ventes à l’exportation), la Commission a dûment ajusté la valeur normale […] »

147    Dès lors que c’est la Commission qui a pris l’initiative d’opérer le second ajustement contesté, elle devait, conformément à la jurisprudence rappelée aux points 65 à 67 ci-dessus, démontrer que cet ajustement était nécessaire.

148    Par conséquent, il y a lieu de déterminer si la Commission a suffisamment démontré la nécessité d’opérer le second ajustement contesté.

149    Il doit être constaté que la formulation du considérant 388 du règlement attaqué n’est pas d’une compréhension aisée.

150    Toutefois, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, l’exigence de motivation des actes de l’Union, au sens de l’article 296, deuxième alinéa, TFUE, doit être appréciée en fonction des circonstances de l’espèce, notamment du contenu de l’acte, de la nature des motifs invoqués et de l’intérêt que les destinataires ou d’autres personnes concernées directement et individuellement par l’acte peuvent avoir à recevoir des explications. Il n’est pas exigé que la motivation spécifie tous les éléments de fait et de droit pertinents, dans la mesure où la question de savoir si la motivation d’un acte satisfait aux exigences dudit article doit être appréciée au regard non seulement de son libellé, mais aussi de son contexte ainsi que de l’ensemble des règles juridiques régissant la matière concernée (voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 88 et jurisprudence citée).

151    De même, lorsqu’il s’agit d’un règlement, la motivation peut se borner à indiquer, d’une part, la situation d’ensemble qui a conduit à son adoption et, d’autre part, les objectifs généraux qu’il se propose d’atteindre. Dès lors, il ne saurait être exigé des institutions de l’Union qu’elles spécifient les différents faits parfois très nombreux et complexes au vu desquels le règlement a été adopté, ni a fortiori qu’elles en fournissent une appréciation plus ou moins complète (voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 89 et jurisprudence citée).

152    Il s’ensuit qu’un règlement fixant des droits antidumping doit contenir l’essentiel du raisonnement tenu par la Commission, mais n’a pas à comporter de motivation spécifique pour chacun des nombreux arguments factuels invoqués par les parties intéressées. Le Tribunal peut ainsi demander à la Commission des explications complémentaires et tenir compte de celles-ci lors de son contrôle, pourvu qu’elles se fondent sur des éléments faisant partie du dossier de la Commission (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 92, 93, 95 et 96 et jurisprudence citée).

153    En l’espèce, la Commission a produit, en tant qu’annexes F.6 et F.7 du mémoire contenant ses réponses à des questions écrites du Tribunal, deux documents intitulés chacun « Rapport de vérification », qu’elle avait envoyés aux requérantes après deux visites effectuées dans les locaux de Sinopec Chongqing et de Sinopec Ningxia. Il résulte de la page 12 de l’annexe F.6 et de la page 8 de l’annexe F.7 que, lorsqu’une société chinoise chargée des exportations achète à une autre société chinoise les produits qu’elle souhaite exporter par la suite, elle paie la TVA, à un taux qui était de 16 % puis de 13 % au cours de la période d’enquête. Lors de l’exportation, une partie de cette TVA déjà payée peut faire l’objet d’une demande de remboursement partiel, à un taux qui était d’abord de 5 %, ensuite de 9 % et enfin de 10 % pendant ladite période. La différence entre la TVA payée en amont de l’exportation et ce remboursement constitue la TVA non remboursable.

154    Par ailleurs, lors de l’audience, les requérantes ont précisé qu’elles contestaient le considérant 388 du règlement attaqué en ce que le Commission y affirmait que, pendant la période d’enquête, il existait en Chine une TVA à l’exportation à un taux de 13 % ou de 16 %, alors que, selon elles, cette TVA était applicable aux ventes nationales, mais ne l’était pas aux ventes à l’exportation. Les requérantes ont également reconnu que la seule question pertinente était celle de la TVA non remboursable.

155    À la lumière des précisions ainsi fournies par la Commission, dont les requérantes disposaient, le considérant 388 du règlement attaqué doit être compris en ce sens que la Commission, ainsi qu’elle l’a confirmé lors de l’audience, a estimé, d’une part, que le prix à l’exportation des produits des requérantes incluait un montant correspondant à la TVA non remboursable, alors que la valeur normale avait été construite hors TVA, et, d’autre part, que ces circonstances justifiaient d’ajuster à la hausse la valeur normale, pour garantir une comparaison équitable.

156    Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a démontré la nécessité d’opérer le second ajustement contesté.

157    Toutefois, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base n’envisage pas l’ajustement de la valeur normale du pays représentatif construite selon l’article 2, paragraphe 6 bis, de ce règlement pour tenir compte de la TVA non remboursable affectant le prix à l’exportation dans le pays d’où proviennent les importations faisant l’objet d’un dumping. Ainsi, la Commission a commis une erreur de droit quant à la base juridique du second ajustement contesté. Toutefois, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’annulation d’un acte de l’Union en raison d’une base juridique erronée n’est pas justifiée lorsqu’une telle erreur n’a pas eu d’influence déterminante sur l’appréciation portée par l’auteur de celui-ci (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 18 décembre 1997, Costantini/Commission, T‑57/96, EU:T:1997:214, point 23 et jurisprudence citée, et du 9 juin 2015, Navarro/Commission, T‑556/14 P, EU:T:2015:368, point 26 et jurisprudence citée). En l’espèce, il y a lieu de faire application de ce principe. En effet, il convient de relever que l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base, selon lequel « [u]n ajustement peut être opéré au titre de différences relatives à d’autres facteurs non prévues [à l’article 2, paragraphe 10, sous] a) à j)[, du même règlement] s’il est démontré que ces différences affectent la comparabilité des prix et, en particulier, si les acheteurs paient systématiquement des prix différents sur le marché intérieur à cause d’elles », permettait à la Commission de procéder au second ajustement contesté dans le but de rétablir la symétrie entre la valeur normale et le prix à l’exportation du produit concerné et de garantir une comparaison équitable entre ces deux valeurs (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 597).

158    À cet égard, il convient de préciser, en réponse à l’argument soulevé par les requérantes lors de l’audience et par Wegochem dans son mémoire en intervention, que la seconde condition prévue à l’article 2, paragraphe 10, sous k), du règlement de base est satisfaite en l’espèce. En effet, alors que la TVA non remboursable affecte à la hausse le prix à l’exportation, il est constant qu’aucune TVA n’est incluse dans la valeur normale qui a été construite à partir des données d’un pays tiers et qui, en vertu de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, remplace le prix du produit concerné sur le marché national du pays exportateur.

159    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le premier grief invoqué par les requérantes au soutien de la troisième branche du deuxième moyen.

–       Sur le second grief

160    Les requérantes font valoir que, à supposer qu’il ait été nécessaire d’opérer un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base, celui retenu dans le règlement attaqué est excessif, étant donné qu’il ne tient pas compte du fait que la TVA en amont est calculée sur la valeur des matières premières, alors que le remboursement à l’exportation est calculé sur la valeur de la vente. Elles illustrent ce grief par un exemple chiffré, dans lequel elles calculent le montant de la TVA non remboursable comme étant la différence entre, d’un côté, le montant résultant de l’application du taux de TVA en amont aux coûts de certains intrants utilisés pour construire la valeur normale et, de l’autre, le montant résultant de l’application du taux de remboursement de la TVA au prix à l’exportation.

161    La Commission conteste les arguments des requérantes.

162    Il y a lieu de rappeler que le second ajustement contesté consiste à majorer la valeur normale construite, hors TVA, à partir des données turques, d’un pourcentage permettant de garantir une comparaison équitable avec le prix à l’exportation, au vu du fait que ce dernier inclut, quant à lui, un montant correspondant à la TVA non remboursable. Ainsi, contrairement à ce que semblent faire valoir les requérantes, la Commission n’a pas appliqué le taux de TVA en amont aux coûts d’intrants utilisés pour construire la valeur normale, pas plus qu’elle n’a soustrait au montant qu’elle aurait ainsi obtenu un montant correspondant à l’application du taux du remboursement de la TVA au prix à l’exportation. Il s’ensuit que les arguments des requérantes qui sont censés étayer le présent grief ne correspondent pas aux faits de l’espèce, de sorte qu’ils ne permettent pas de démontrer que le second ajustement contesté est excessif.

163    Dès lors, il y a lieu de rejeter le second grief invoqué par les requérantes au soutien de la troisième branche du deuxième moyen et, par conséquent, l’ensemble de cette branche.

164    Au vu de tout ce qui précède, il doit être conclu que le deuxième moyen est fondé dans ses deux premières branches alors qu’il ne l’est pas dans sa troisième branche.

 Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 18, paragraphes 1 et 5, du règlement de base ainsi que de l’article 6.8 de l’accord antidumping et de l’annexe II

165    Par le présent moyen, les requérantes, après avoir précisé qu’elles ne contestaient pas que la Commission était en droit de calculer la valeur normale de Sinopec Ningxia sur la base des données disponibles au sens de l’article 18 (voir point 10 ci-dessus), invoquent deux griefs. D’une part, elles font valoir que la Commission ne peut pas utiliser en tant que données disponibles au sens de l’article 18 des données qu’elle a obtenues par une première application de cet article. D’autre part, elles reprochent à la Commission de leur avoir réservé un traitement pénalisant et de ne pas s’être fondée sur les « meilleurs renseignements disponibles » visés à l’annexe II (ci-après les « meilleurs renseignements disponibles »), relative à l’article 6.8 de l’accord antidumping, dont l’article 18 du règlement de base serait la transposition en droit de l’Union.

 Sur le premier grief

166    Les requérantes, soutenues par Wegochem, rappellent que les données disponibles au sens de l’article 18 utilisées par la Commission pour calculer la valeur normale de Sinopec Ningxia sont celles relatives à deux autres groupes de producteurs-exportateurs chinois faisant partie, comme elles, de l’échantillon retenu par la Commission en vertu de l’article 17 du règlement de base (ci-après les « autres producteurs-exportateurs »), à l’égard desquels la Commission a également fait application de l’article 18 de ce règlement. Or, selon les requérantes, une fois que la Commission a utilisé cette disposition pour calculer la valeur normale d’un producteur-exportateur, les données ainsi obtenues ne peuvent pas constituer des données disponibles au sens de l’article 18 permettant à la Commission de calculer la valeur normale d’un producteur-exportateur différent, inclus dans cet échantillon. Au soutien de leur thèse, les requérantes invoquent, par analogie, l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, qui, bien que n’étant pas applicable en l’espèce, permettrait de dégager l’existence d’un principe général.

167    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

168    Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 18 du règlement de base, consacré au « [d]éfaut de coopération », qui sont libellées comme suit :

« 1.      Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement, ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.

[…]

5.      Si les conclusions, y compris celles qui concernent la valeur normale, sont fondées sur les dispositions du paragraphe 1, notamment sur les renseignements fournis dans la plainte, il faut, lorsque cela est possible et compte tenu des délais impartis pour l’enquête, vérifier ces renseignements par référence à d’autres sources indépendantes disponibles, telles que les listes de prix publiées, les statistiques d’importation officielles et les relevés douaniers, ou par référence aux renseignements obtenus d’autres parties intéressées au cours de l’enquête.

[…]

6.      Si une partie intéressée ne coopère pas ou ne coopère que partiellement et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne sont pas communiqués, il peut en résulter pour ladite partie une situation moins favorable que si elle avait coopéré. »

169    Dans le règlement attaqué, la Commission a considéré que Sinopec Ningxia n’avait pas fourni toutes les informations nécessaires pour le calcul de la valeur normale de ses produits. Elle a donc appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base pour déterminer cette valeur normale. À cette fin, la Commission a utilisé les valeurs normales des autres producteurs-exportateurs, qu’elle avait établies, en partie, en application de cette même disposition.

170    Dès lors que les requérantes invoquent, par analogie, l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, il convient de rappeler que cette disposition prévoit ce qui suit :

« 6.      Lorsque la Commission a limité son enquête conformément à l’article 17, le droit antidumping appliqué à des importations en provenance d’exportateurs ou de producteurs qui se sont fait connaître conformément à l’article 17, mais qui n’ont pas été pris en compte dans l’enquête, ne peut excéder la marge de dumping moyenne pondérée établie pour les parties constituant l’échantillon, indépendamment de la question de savoir si la valeur normale pour ces parties est calculée sur la base de l’article 2, paragraphes 1 à 6, ou de l’article 2, paragraphe 7, [sous] a).

Aux fins du présent paragraphe, la Commission ne tient pas compte des marges nulles et de minimis, ni des marges établies dans les circonstances visées à l’article 18. »

171    Il y a lieu de relever que les dispositions de l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base fixent les règles applicables aux producteurs-exportateurs qui auraient voulu faire partie de l’échantillon retenu par la Commission en vertu de l’article 17 de ce règlement, mais qui n’ont finalement pas été inclus dans celui-ci. Ainsi, ces dispositions visent à protéger ces producteurs-exportateurs, qui n’ont pas pu coopérer avec la Commission, notamment contre un manque de coopération de la part des producteurs-exportateurs composant cet échantillon. Or, la situation des producteurs-exportateurs inclus dans l’échantillon est si différente de celles des producteurs-exportateurs exclus de l’échantillon qu’aucune analogie n’est envisageable. Dès lors, ces dispositions ne permettent pas d’établir l’existence d’un principe général s’opposant à ce que la Commission puisse utiliser, en tant que données disponibles au sens de l’article 18, des données qu’elle a obtenues par une première application de cet article.

172    Par ailleurs, c’est à tort que Wegochem fait valoir que la thèse des requérantes est soutenue par le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R). En effet, selon le point 123 de ce rapport, l’article 9.4 de l’accord antidumping, qui, comme l’article 9, paragraphe 6, du règlement de base, concerne la fixation des droits antidumping applicables aux producteurs-exportateurs ne faisant pas partie de l’échantillon retenu par l’autorité compétente, « cherche à empêcher que les exportateurs, à qui l’on n’a pas demandé de coopérer pendant l’enquête, ne subissent un préjudice du fait des lacunes ou des insuffisances dans les renseignements communiqués par les exportateurs soumis à enquête ». Loin d’étayer la thèse des requérantes, ce rapport confirme que le but de ces dispositions est celui indiqué au point 171 ci-dessus.

173    Étant donné que les requérantes faisaient partie de l’échantillon retenu par la Commission en l’espèce, elles bénéficiaient de la possibilité de coopérer avec celle-ci afin d’éviter qu’elle ne calcule la valeur normale de Sinopec Ningxia sur la base des données disponibles au sens de l’article 18. Indépendamment des raisons pour lesquelles elles n’ont pas pu fournir à la Commission tous les éléments qu’elle leur avait demandés, leur situation n’est pas comparable à celle des producteurs-exportateurs exclus de l’échantillon.

174    Partant, il y a lieu de rejeter le premier grief invoqué par les requérantes au soutien du troisième moyen.

 Sur le second grief

175    Les requérantes, soutenues par Wegochem, rappellent que, dans le règlement attaqué, la Commission, s’agissant de Sinopec Ningxia, a établi la valeur normale pour chaque type de produit vendu par celle-ci en se fondant sur la valeur normale la plus élevée, pour le même type de produit, qu’elle avait calculée pour les autres producteurs-exportateurs, au lieu d’utiliser les informations vérifiées relatives à Sinopec Chongqing. Les différences entre les procédés de production suivis par cette dernière et par Sinopec Ningxia ne seraient pas pertinentes, ainsi que le confirmerait le fait que le procédé de production de Kuraray diverge de ceux des producteurs-exportateurs chinois. La Commission aurait donc utilisé des données non fiables, qui ne constitueraient pas les meilleurs renseignements disponibles et ne résulteraient pas d’une évaluation comparative. Elle aurait ainsi réservé aux requérantes un traitement pénalisant, contraire au droit de l’OMC, compte tenu également du fait que les marges de dumping des autres producteurs-exportateurs seraient bien plus importantes que celle de Sinopec Chongqing.

176    Par ailleurs, les requérantes contestent la thèse de la Commission, figurant au considérant 333 du règlement attaqué, selon laquelle aucun élément ne permet de penser que la valeur normale de Sinopec Ningxia par type de produit serait inférieure à la valeur normale la plus élevée par type de produit des autres producteurs-exportateurs. En effet, les données figurant au dossier de la Commission démontreraient que la valeur normale qu’elle a établie pour Sinopec Ningxia est supérieure de 50 % à celle de Sinopec Chongqing, alors que cette dernière pratiquerait un prix à l’exportation plus élevé que celui de Sinopec Ningxia.

177    Wegochem souligne que l’absence d’éléments de preuve invoquée par la Commission au considérant 333 du règlement attaqué est dépourvue de sens, dès lors que les éléments qui, selon la Commission, étaient nécessaires pour qu’elle n’utilise pas, s’agissant de Sinopec Ningxia, la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs seraient précisément les éléments que Sinopec Ningxia n’a pas été en mesure de produire et dont l’absence a déclenché le recours par la Commission aux données disponibles au sens de l’article 18.

178    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, répond qu’elle n’a pas violé l’article 18, paragraphe 6, du règlement de base lorsqu’elle a utilisé, en tant que données disponibles au sens de l’article 18 pour établir la valeur normale de chaque type de produit vendu par Sinopec Ningxia, la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs. Ce faisant, elle n’aurait pas pénalisé les requérantes. La Commission précise, d’une part, qu’elle a procédé de cette manière au motif qu’aucun élément de preuve n’indiquait que la valeur normale de Sinopec Ningxia par type de produit était inférieure à celle qu’elle a retenue et, d’autre part, qu’elle ne pouvait pas utiliser la moyenne des valeurs normales des autres producteurs-exportateurs, dès lors que, ce faisant, elle aurait créé une incitation, pour les producteurs-exportateurs, à refuser de coopérer, de manière sélective, dans tous les domaines dans lesquels ceux-ci savaient qu’ils supportaient des coûts supérieurs à la moyenne.

179    En outre, la Commission fait valoir qu’elle a effectué une évaluation comparative des données relatives aux autres producteurs-exportateurs, qui utilisaient un procédé de production semblable à celui de Sinopec Ningxia, en ce que tous ces procédés prévoyaient d’utiliser du charbon. Les données relatives à Sinopec Chongqing n’auraient pas été adéquates, le procédé de production de cette dernière prévoyant d’utiliser du pétrole. La Commission aurait ainsi comparé toutes les données dont elle disposait et aurait retenu les valeurs normales les plus élevées parmi celles des producteurs-exportateurs dont les procédés de production prévoyaient d’utiliser du charbon. Ces valeurs normales constitueraient les meilleurs renseignements disponibles.

180    Kuraray précise que le fait que son procédé de production est distinct de ceux des requérantes est dépourvu de pertinence. Par ailleurs, les requérantes n’auraient pas suffisamment développé leurs arguments à ce sujet, qui seraient ainsi irrecevables en ce qu’ils ne respecteraient pas l’article 76, sous d), du règlement de procédure du Tribunal.

181    Pour comprendre la raison d’être de l’article 18 du règlement de base, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice. Dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires. Dans ce contexte, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a estimé « nécessaire de prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré ». Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Dès lors, étant donné qu’elles sont tenues de coopérer au mieux de leurs possibilités, les parties intéressées doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs conclusions [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 56].

182    En outre, selon la jurisprudence, l’article 18 du règlement de base constitue la transposition en droit de l’Union de l’article 6.8 de l’accord antidumping et de l’annexe II, à la lumière desquels il doit être interprété dans la mesure du possible (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40 et jurisprudence citée).

183    Aux termes de l’article 6.8 de l’accord antidumping, il est prévu ce qui suit :

« Dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. Les dispositions de l’[a]nnexe II seront observées lors de l’application du présent paragraphe. »

184    L’annexe II est intitulée « Meilleurs renseignements disponibles pour les besoins du paragraphe 8 de l’article 6 », mais ne contient pas de définition de ces renseignements.

185    L’article 7 de l’annexe II, qui énonce en substance les mêmes règles que celles prévues à l’article 18, paragraphes 5 et 6, du règlement de base, telles qu’elles sont rappelées au point 168 ci-dessus, dispose ce qui suit :

« Si elles sont amenées à fonder leurs constatations, dont celles qui ont trait à la valeur normale, sur des renseignements de source secondaire, y compris ceux que contient la demande d’ouverture de l’enquête, les autorités devraient faire preuve d’une circonspection particulière. Elles devraient, dans de tels cas, et lorsque cela sera réalisable, vérifier ces renseignements d’après d’autres sources indépendantes à leur disposition – par exemple, en se reportant à des listes de prix publiées, à des statistiques d’importation officielles ou à des statistiques douanières – et d’après les renseignements obtenus d’autres parties intéressées au cours de l’enquête. Il est évident, toutefois, que si une partie intéressée ne coopère pas et que, de ce fait, des renseignements pertinents ne [sont] pas communiqués aux autorités, il pourra en résulter pour cette partie une situation moins favorable que si elle coopérait effectivement. »

186    Il convient de relever que l’annexe II est « incorporé[e] par référence dans l’article 6.8 » de l’accord antidumping [rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R, point 75)] et que les dispositions de cette annexe sont impératives, en dépit du fait qu’elles sont souvent formulées au conditionnel [rapport du groupe spécial « États-Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde », adopté par l’ORD le 29 juillet 2002 (WT/DS 206/R, point 7.56)].

187    Selon le rapport du groupe spécial relatif au différend « Mexique – Mesures antidumping définitives visant la viande de bœuf et le riz », adopté par l’ORD le 20 décembre 2005 (WT/DS/295/R, point 7.238), l’utilisation des données de fait disponibles au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping ne vise pas à pénaliser les parties qui ne fournissent pas les renseignements que l’autorité compétente leur demande. Des considérations similaires figurent dans le rapport du groupe spécial relatif au différend « Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis », adopté par l’ORD le 16 novembre 2012 (WT/DS/414, point 7.391), qui souligne que les données de fait disponibles au sens dudit article ne devraient pas être appliquées de manière à punir une non-coopération. Ce rapport confirme également que, ainsi que le précise l’article 7 de l’annexe II, il pourrait toutefois résulter d’une non-coopération une situation moins favorable que s’il y avait coopération.

188    Toutefois, il doit également être rappelé que le juge de l’Union a déjà jugé que, lorsque la Commission fonde ses conclusions sur les données disponibles, dans les situations où les données soumises sont déficientes, cette institution n’est pas tenue d’expliquer en quoi les données disponibles utilisées étaient les meilleures possibles, dès lors qu’une telle obligation ne ressort ni de l’article 18 du règlement de base ni de la jurisprudence (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 mars 2015, City Cycle Industries/Conseil, T‑413/13, non publié, EU:T:2015:164, point 132).

189    Premièrement, il s’ensuit que la Commission, lorsqu’elle utilise les données disponibles au sens de l’article 18, n’est pas en droit de sanctionner un producteur-exportateur au motif qu’il n’a pas, ou pas suffisamment, coopéré. Deuxièmement, il est possible que, même lorsque la Commission s’est conformée à ce principe, la partie concernée se trouve dans une situation moins favorable que celle qui aurait été la sienne en cas de pleine coopération. Cette dernière constatation est du reste conforme au libellé clair de l’article 18, paragraphe 6, du règlement de base. Troisièmement, et en tout état de cause, la Commission n’est pas tenue d’expliquer en quoi les données disponibles utilisées étaient meilleures.

190    Par ailleurs, il convient de relever que, si la Commission ne dispose pas d’un pouvoir discrétionnaire sans limite, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner, de telle sorte que le contrôle juridictionnel de ce large pouvoir d’appréciation doit être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 58 et jurisprudence citée).

191    En outre, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 59 et jurisprudence citée).

192    En l’espèce, il est constant que, ainsi qu’il résulte des considérants 327 à 333 du règlement attaqué, les requérantes n’ayant pas pu fournir à la Commission les données dont elle considérait avoir besoin, celle-ci a déterminé la valeur normale de Sinopec Ningxia sur la base des données disponibles au sens de l’article 18. À cette fin, elle a retenu, pour chaque type de produit, la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs, qu’elle avait établies en faisant application de l’article 18 du règlement de base pour ce qui était des facteurs de production autoproduits, tels que la vapeur et l’électricité générées directement sur le site de production du producteur-exportateur, ainsi qu’il résulte des précisions fournies par la Commission en réponse à une question du Tribunal. La Commission n’a pas utilisé, en tant que données disponibles au sens de l’article 18, celles relatives à Sinopec Chongqing, au motif que le procédé de production de celle-ci, fondé sur le pétrole, différait de celui de Sinopec Ningxia, fondé sur le charbon, comme ceux des autres producteurs-exportateurs.

193    Au vu de ces éléments, il y a lieu de constater que la Commission, une fois qu’elle avait pris acte du fait, non contesté (voir point 165 ci-dessus), que les requérantes n’étaient pas en mesure de lui fournir les données nécessaires relatives à Sinopec Ningxia, a comparé les données qui se trouvaient en sa possession. Partant, c’est à tort que les requérantes lui reprochent de ne pas avoir effectué d’examen comparatif des données à sa disposition, et ce alors même qu’il ressort de la jurisprudence rappelée au point 188 ci-dessus qu’elle n’était pas tenue d’expliquer en quoi les données disponibles utilisées étaient meilleures.

194    Quant au bien-fondé du choix effectué par la Commission, il y a lieu de relever que, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, celle-ci pouvait considérer, sans commettre d’erreur manifeste d’appréciation, que les données relatives à Sinopec Chongqing n’étaient pas les données les plus pertinentes, en raison du fait que le procédé de production de Sinopec Ningxia présentait davantage de similitudes avec ceux des autres producteurs-exportateurs qu’avec celui de Sinopec Chongqing, cette dernière étant la seule à utiliser du pétrole comme matière première, et non du charbon. En effet, comme l’a souligné la Commission au considérant 332 du règlement attaqué, la construction de la valeur normale est fondée sur les facteurs de production, y compris les matières premières et leur taux d’utilisation.

195    Cette conclusion n’est pas remise en cause par les autres arguments des requérantes.

196    Premièrement, celles-ci invoquent le fait que Sinopec Chongqing et Sinopec Ningxia font partie du même groupe, que ces deux sociétés effectuent leurs ventes vers l’Union par la même société liée Sinopec Central-China et que toutes ces sociétés appliquent une tarification similaire, tant sur le marché chinois que sur celui de l’Union. Les requérantes renvoient également à leurs observations sur l’information finale, dans lesquelles elles avaient fait valoir que ces éléments n’étaient pas remis en cause par le fait que le procédé de production de Sinopec Chongqing était différent de celui de Sinopec Ningxia.

197    Cependant, d’abord, il y a lieu de relever que, en cas de construction de la valeur normale, comme en l’espèce, les prix que ces sociétés pratiquent en Chine ne sont pas pertinents. Ensuite, la construction de la valeur normale en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base est indépendante du prix à l’exportation. Enfin, il n’est pas manifestement erroné de considérer que le procédé de production a une incidence sur la construction de la valeur normale selon cette disposition.

198    Deuxièmement, les requérantes, soutenues par Wegochem, font valoir que les valeurs normales des autres producteurs-exportateurs ne peuvent pas être les meilleurs renseignements disponibles, dès lors que ces valeurs normales ont été établies sur le fondement, en partie, de données disponibles au sens de l’article 18.

199    Toutefois, il convient de relever que la Commission, confrontée au fait que les requérantes n’étaient pas en mesure de lui fournir les données requises pour qu’elle puisse construire la valeur normale de Sinopec Ningxia sur la base de données relatives à celle-ci, était tenue d’utiliser les données disponibles au sens de l’article 18. À cette fin, elle devait décider quelles étaient les données les plus pertinentes entre les données relatives à Sinopec Chongqing et celles relatives aux autres producteurs-exportateurs. Si ces dernières données avaient, à leur tour, été établies, en partie, par l’application de l’article 18 du règlement de base, celles relatives à Sinopec Chongqing concernaient quant à elles une société dont le procédé de production différait de celui de Sinopec Ningxia dans une mesure plus importante que les procédés de production des autres producteurs-exportateurs.

200    En l’espèce, il y a lieu de constater que la Commission, dans l’exercice de son large pouvoir d’appréciation, pouvait se fonder sur le degré de similitude entre les procédés de production utilisés par les producteurs-exportateurs pour sélectionner les données disponibles pertinentes. À ce sujet, il y a lieu de relever que, par arrêt de ce jour, Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material/Commission (T‑763/20), ayant pour objet un recours dirigé contre le règlement attaqué formé par un producteur-exportateur dont les données ont été utilisées en tant que données disponibles au sens de l’article 18 à l’égard de Sinopec Ningxia, le Tribunal a rejeté le moyen de ce producteur-exportateur tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base. Enfin, ainsi qu’il a été constaté aux points 170 à 174 ci-dessus, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’existe pas de principe général qui s’opposerait à une double application dudit article.

201    Par conséquent, la Commission n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation lorsqu’elle a fait le choix d’utiliser les données des autres producteurs-exportateurs au lieu de celles de Sinopec Chongqing.

202    Troisièmement, les requérantes invoquent le point 27 de l’arrêt du 30 avril 2013, Alumina/Conseil (T‑304/11, EU:T:2013:224). Selon cet arrêt, lorsque la valeur normale ne peut être établie en vertu de l’article 2, paragraphe 1, du règlement de base, sa construction en vertu de l’article 2, paragraphes 3 et 6, de ce règlement vise à établir une valeur normale qui soit la plus proche possible du prix de vente d’un produit, tel qu’il serait si le produit en question était vendu dans le pays d’origine ou d’exportation au cours d’opérations commerciales normales.

203    Toutefois, la Commission n’excède pas son large pouvoir d’appréciation lorsqu’elle considère que le fait de se fonder sur des données relatives à une société qui utilise un procédé de production différent de celui employé par la société dont la valeur normale doit être construite n’est pas la voie qui permet au mieux de poursuivre l’objectif visé par la jurisprudence citée au point 202 ci-dessus.

204    Quatrièmement, les requérantes se fondent sur les points 121 et 137 de l’arrêt du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (T‑431/12, EU:T:2018:251), pour soutenir que les différences relatives aux procédés de production ne sont pas pertinentes.

205    Or, dans l’arrêt du 3 mai 2018, Distillerie Bonollo e.a./Conseil (T‑431/12, EU:T:2018:251), le Tribunal a relevé que le produit concerné avait les mêmes caractéristiques et était destiné aux mêmes utilisations de base, indépendamment du procédé de production employé, parmi les deux qui étaient pertinents. Il en a tiré la conclusion qu’il n’était pas contraire à l’article 2 du règlement de base de comparer la valeur normale calculée à partir de données relatives à l’un des procédés de production avec le prix à l’exportation calculé à partir de données relatives à l’autre procédé de production.

206    En l’espèce, le présent moyen ne porte pas sur la comparaison entre la valeur normale et le prix à l’exportation, mais sur la comparaison entre différentes données que la Commission pouvait utiliser, en tant que données disponibles au sens de l’article 18, pour établir la valeur normale de Sinopec Ningxia, comparaison à l’issue de laquelle la Commission était tenue de choisir les données les plus pertinentes.

207    Il s’ensuit que la jurisprudence invoquée par les requérantes ne permet pas de considérer que la Commission a commis une erreur manifeste d’appréciation en excluant de se fonder sur les données relatives à Sinopec Chongqing, en raison des différences entre le procédé de production de celle-ci et celui de Sinopec Ningxia.

208    Cinquièmement, les requérantes soutiennent que, dans le droit de l’OMC, il existe un principe général selon lequel il convient d’utiliser des informations aussi proches que possible du producteur-exportateur en cause.

209    Les requérantes fondent l’existence de ce prétendu principe général sur le point 6.34 du rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Union européenne – Mesures antidumping visant le biodiesel en provenance d’Argentine », adopté par l’ORD le 26 octobre 2016 (WT/DS 473/AB/R), point au sein duquel se trouve une interprétation de l’article 2.2.2 de l’accord antidumping, qui porte sur les frais VAG et sur le bénéfice des producteurs-exportateurs. Or, les requérantes ne sont pas en mesure de justifier en quoi il serait possible de procéder à une interprétation par analogie, avec cette disposition, de l’article 6.8 de l’accord antidumping, qui correspond à l’article 18 du règlement de base, disposition dont la violation est invoquée dans le cadre du présent moyen.

210    Sixièmement, les requérantes font valoir que, dès lors que, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission n’a pas attribué d’importance aux différences entre le procédé de production de Kuraray et les leurs, elle n’était pas en droit de considérer que les données relatives à la valeur normale de Sinopec Chongqing n’étaient pas les meilleurs renseignements disponibles, en raison du fait que le procédé de production de celle-ci était différent de celui de Sinopec Ningxia. Toutefois, il y a lieu de relever que l’analyse de la sous-cotation des prix n’est pas pertinente pour l’évaluation de la valeur normale. Partant, cet argument doit être rejeté comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité, contestée par Kuraray (voir point 180 ci-dessus).

211    Dès lors qu’il a été constaté que la Commission était en droit d’écarter, en tant que données pertinentes, les données relatives à Sinopec Chongqing et qu’elle pouvait utiliser celles relatives aux autres producteurs-exportateurs, il y a lieu d’examiner le choix de la Commission consistant à retenir, pour chaque type de produit vendu par Sinopec Ningxia, la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs.

212    Si, en choisissant la valeur normale la plus élevée, la Commission a nécessairement procédé à une comparaison entre les valeurs normales des autres producteurs-exportateurs, il convient de vérifier si, ce faisant, comme le soutiennent les requérantes, elle les a sanctionnées en raison de leur manque de coopération, en violation des principes rappelés au point 187 ci-dessus.

213    À cet égard, d’une part, il résulte de la jurisprudence qu’une présomption, même difficile à renverser, demeure dans des limites acceptables tant qu’elle est proportionnée au but légitime poursuivi, qu’existe la possibilité d’apporter la preuve contraire et que les droits de la défense sont assurés (voir arrêt du 18 juillet 2013, Schindler Holding e.a./Commission, C‑501/11 P, EU:C:2013:522, point 107 et jurisprudence citée).

214    D’autre part, il ressort de l’article 18 du règlement de base que le législateur de l’Union n’a pas entendu établir une présomption légale permettant de déduire directement du défaut de coopération des parties intéressées que la valeur normale, par type de produit, n’est pas inférieure à la plus élevée, par type des produits, des valeurs normales des autres producteurs-exportateur ayant coopéré et, partant, dispensant les institutions de l’Union de toute exigence de preuve. Toutefois, compte tenu de la possibilité, reconnue par la jurisprudence, en matière de mesures de défense commerciale, d’établir des conclusions, même définitives, sur la base des données disponibles et de traiter la partie qui ne coopère pas ou qui ne coopère que partiellement de façon moins favorable que si elle avait coopéré, il est tout aussi évident que les institutions de l’Union sont autorisées à se fonder sur un faisceau d’indices concordants leur permettant de choisir, parmi les données disponibles, au sens de l’article 18 du règlement de base, celles qui sont les plus pertinentes. Toute autre solution risquerait en effet de compromettre l’efficacité des mesures de défense commerciale de l’Union toutes les fois que les institutions de l’Union sont confrontées au refus de coopération dans le cadre de la détermination de la valeur normale (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 4 septembre 2014, Simon, Evers & Co., C‑21/13, EU:C:2014:2154, points 36 et 37).

215    En l’espèce, au considérant 329 du règlement attaqué, la Commission a en substance affirmé que, en raison des lacunes importantes et graves dans la déclaration des coûts de production, la valeur normale pour Sinopec Ningxia avait été calculée en utilisant les informations fournies par les autres producteurs-exportateurs ayant coopéré. Elle a ajouté avoir utilisé la valeur normale construite la plus élevée des autres producteurs-exportateurs ayant coopéré.

216    Au considérant 333 du règlement attaqué, après avoir répondu aux allégations formulées par un producteur-exportateur retenu dans l’échantillon et un producteur-utilisateur de l’Union contre la méthodologie appliquée à l’égard de Sinopec Ningxia, la Commission a relevé que, « [é]tant donné qu’elle n’a[vait] pas été en mesure de vérifier et donc d’utiliser les données fournies par Sinopec Ningxia pour le calcul de sa valeur normale, aucun élément ne permettait de penser que la valeur normale de Sinopec Ningxia par type de produit [au]rait [été] inférieure à la valeur normale la plus élevée par type de produit des autres producteurs ayant coopéré qui utilis[ai]ent des matières premières similaires ».

217    À cet égard, la Commission a d’ailleurs reconnu, au cours de l’audience, que, au considérant 333 du règlement attaqué, elle avait appliqué une présomption selon laquelle la valeur normale, par type de produit, de Sinopec Ningxia n’était pas inférieure à la plus élevée, par type de produit, des valeurs normales des autres producteurs-exportateurs.

218    Il convient donc d’observer que, aux considérants 329 et 333 du règlement attaqué, la Commission, à la suite du constat de l’absence de coopération de la part des requérantes, a appliqué une présomption selon laquelle la valeur normale, par type de produit, de Sinopec Ningxia n’est pas inférieure à la plus élevée, par type des produit, des valeurs normales des autres producteurs-exportateurs.

219    En outre, la Commission, interrogée lors de l’audience spécifiquement sur la question de savoir si le dossier contenait des éléments permettant de justifier de manière positive l’utilisation systématique, pour Sinopec Ningxia, de la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs, a répondu que l’élément du dossier sur lequel elle s’était fondée était l’absence de coopération de la part des requérantes.

220    Dès lors, il y a lieu de constater que la Commission, en appliquant la présomption susmentionnée, a commis une erreur de droit. En effet, selon le raisonnement suivi par la Commission, pour pouvoir renverser la présomption mentionnée au point 218 ci-dessus, les requérantes auraient dû fournir à la Commission les informations dont l’absence de production constitue précisément le facteur qui a déclenché l’utilisation par la Commission des données disponibles au sens de l’article 18.

221    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de faire droit au présent moyen en ce que la Commission a calculé la valeur normale de Sinopec Ningxia en retenant, pour chaque type de produit, la valeur normale la plus élevée parmi celles des autres producteurs-exportateurs, et de rejeter ce moyen pour le surplus.

 Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix et de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement

222    Le quatrième moyen se compose de trois branches, toutes relatives à la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. Plus particulièrement, ces branches sont tirées, la première, de l’absence d’analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché, la deuxième, de l’absence d’ajustement permettant de tenir compte de la différence de qualité entre, d’un côté, les PVAL importés et, de l’autre, les PVAL produits dans l’Union et, la troisième, du défaut d’établissement de la sous-cotation des prix pour le produit concerné dans son ensemble. Les requérantes invoquent également la violation corrélative de l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement.

223    Dès lors que la Commission, en plus de contester le bien-fondé de ce moyen, fait valoir que celui-ci n’est pas opérant, il y a lieu d’examiner au préalable cette question.

 Sur le caractère opérant du quatrième moyen

224    Selon une jurisprudence constante, dans le cadre d’un recours en annulation, est considéré comme inopérant un moyen qui, même dans l’hypothèse où il serait fondé, serait inapte à entraîner l’annulation que poursuit la partie requérante (ordonnance du 26 février 2013, Castiglioni/Commission, T‑591/10, non publiée, EU:T:2013:94, point 45, et arrêt du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, point 73 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38).

225    La Commission fait valoir que,  dans le règlement attaqué, en plus d’avoir examiné la sous-cotation des prix des importations, elle a constaté l’existence d’un blocage des prix des PVAL vendus par l’industrie de l’Union, ainsi qu’il résulte des considérants 460 à 462, 473 et 490 de ce règlement. Les requérantes n’auraient pas expliqué en quoi ses constatations relatives à ce blocage seraient insuffisantes pour soutenir sa conclusion selon laquelle les importations faisant l’objet d’un dumping causaient un préjudice à l’industrie de l’Union. Ainsi, le quatrième moyen, par lequel les requérantes contestent l’examen de la sous-cotation des prix des importations, serait inopérant.

226    Les requérantes répondent que de simples déclarations, non étayées par des preuves, sur le blocage des prix ne permettent pas de remédier aux violations de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base qu’elles invoquent par le présent moyen.

227    Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 3 du règlement de base, qui est rédigé comme suit :

« 1.      Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.      La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)      du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b)      de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3.      En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

5. L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie […]

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important. »

228    Les dispositions de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 6, du règlement de base présentent une similitude importante, voire une identité avec celles de l’article 3.1, de l’article 3.2 et de l’article 3.5 de l’accord antidumping. Dès lors, les principes rappelés aux points 20 à 22 s’appliquent.

229    Selon le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis », adopté par l’ORD le 16 novembre 2012 (WT/DS 414/AB/R, point 137), les éléments pertinents pour l’examen de la sous-cotation notable des prix peuvent être différents de ceux qui sont pertinents pour l’examen de la dépression notable des prix ou de l’empêchement notable de hausses de prix. Par conséquent, même si les prix des importations visées ne sont pas sous-cotés dans une mesure notable par rapport à ceux des produits nationaux similaires, ces importations pourraient tout de même avoir un effet de dépression des prix ou d’empêchement de hausses de prix sur les prix intérieurs.

230    De même, il résulte du rapport du groupe spécial relatif au différend « Corée – Droits antidumping visant les valves pneumatiques en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 30 septembre 2019 (WT/DS 504/R, point 7.299), que, si l’existence d’une sous-cotation des prix des importations est souvent invoquée comme élément donnant à penser que les importations faisant l’objet d’un dumping ont pour effet de déprimer les prix ou d’empêcher des hausses de prix pratiqués par l’industrie du pays importateur, l’autorité compétente peut dûment considérer que les importations faisant l’objet d’un dumping ont pour effet de déprimer les prix ou d’empêcher des hausses de prix même en l’absence de sous-cotation.

231    En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que, en principe, un blocage des prix pratiqués par l’industrie de l’Union peut se produire même à défaut de sous-cotation des prix des importations.

232    Toutefois, alors que, selon la Commission, les constatations figurant dans le règlement attaqué au sujet de l’existence d’un blocage des prix pratiqués par l’industrie de l’Union sont indépendantes de celles concernant la sous-cotation des prix des importations, les requérantes font valoir que ce blocage est une conséquence de cette sous-cotation.

233    Il convient de rappeler que le considérant 490 du règlement attaqué est rédigé comme suit :

« L’analyse des indicateurs de préjudice figurant aux considérants 398 à 478 montre que la situation économique de l’industrie de l’Union s’est détériorée au cours de la période considérée, et que cela a coïncidé avec une forte augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance du pays concerné qui, selon les constatations, ont entraîné une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête et un blocage significatif des prix, puisque l’industrie de l’Union n’a pas pu augmenter ses prix à hauteur de l’augmentation du coût de production. »

234    En raison de la seule conjonction « et » qui figure, dans certaines versions linguistiques du règlement attaqué, entre les expressions « une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête » et « un blocage significatif des prix », le considérant 490 dudit règlement pourrait être lu en ce sens que la forte augmentation des importations chinoises a entraîné, d’une part, une sous-cotation des prix et, d’autre part, un blocage des prix qui serait autonome par rapport à la sous-cotation des prix.

235    Il convient néanmoins de déterminer si le règlement attaqué contient une analyse du lien entre ce blocage des prix et l’augmentation des importations qui serait fondé sur des éléments autres que ceux relatifs à la sous-cotation des prix.

236    À ce sujet, la Commission invoque les considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué.

237    Il résulte des considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué que la Commission a étudié l’évolution des prix de vente pratiqués par l’industrie de l’Union et a constaté que ces prix avaient augmenté de 14 % pendant la période considérée, alors que le coût de production unitaire avait augmenté de 24 %, en raison de la hausse du prix de la principale matière première utilisée. Elle a relevé que la pression sur les prix exercée par les importations chinoises avait empêché l’industrie de l’Union d’augmenter davantage ses prix et de compenser cette hausse.

238    Il s’ensuit que les considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué ne peuvent pas être interprétés en ce sens que le blocage des prix de l’industrie de l’Union découle de facteurs autres que la sous-cotation des prix des importations. En effet, la raison pour laquelle cette industrie, en dépit de la hausse importante du coût de production unitaire, n’a pas augmenté ses prix dans une mesure correspondante réside dans la pression exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping. Cette pression résulte du fait que les prix pratiqués par les producteurs-exportateurs chinois sont inférieurs à ceux de l’industrie de l’Union, ce qui correspond à l’existence d’une sous-cotation des prix des importations.

239    Par ailleurs, c’est à tort que la Commission invoque les points 95 à 99 de l’arrêt du 14 septembre 2022, Methanol Holdings (Trinidad)/Commission (T‑744/19, sous pourvoi, EU:T:2022:558), et les points 257 à 261 de l’arrêt du 14 septembre 2022, Nevinnomysskiy Azot et NAK “Azot”/Commission (T‑865/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:559). En effet, d’abord , s’agissant du premier de ces arrêts, la question traitée aux points sur lesquels la Commission s’appuie portait sur la recevabilité d’un grief soulevé dans la réplique, alors que, en l’espèce, le quatrième moyen a été soulevé dans la requête. Au demeurant, dans ces deux arrêts, aux points qui suivent immédiatement ceux sur lesquels la Commission s’appuie, le Tribunal a souligné qu’il existait un lien entre, d’un côté, la sous-cotation des prix et, de l’autre, la dépression et le blocage des prix. Ainsi, le Tribunal n’a pas attribué de valeur autonome à la dépression ou au blocage des prix dans la constatation de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union.

240    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la Commission, le quatrième moyen est opérant, de sorte que la question de son bien-fondé doit être examinée.

 Sur le bien-fondé du quatrième moyen

–       Sur la première branche

241    Les requérantes soutiennent que, contrairement à ce que la Commission a retenu dans le règlement attaqué, le marché des PVAL est divisé en deux segments. Le premier segment porterait sur les grades de PVAL de haute qualité, caractérisés par des intervalles de viscosité et d’hydrolyse étroits, par une faible teneur en méthanol, par une faible teneur en cendres et par des particules de taille plus petite. Ces grades de PVAL seraient vendus à des prix plus élevés. Le second segment concernerait les grades de qualité moindre, caractérisés par des intervalles de viscosité et d’hydrolyse larges, par une forte teneur en méthanol, par une forte teneur en cendres et par des particules de taille plus importante. Ces grades de PVAL seraient vendus à des prix plus bas.

242    Les requérantes soulignent que, si, en théorie, certaines industries utilisant des grades de PVAL de qualité inférieure pourraient se tourner vers des grades de PVAL de qualité supérieure, un tel changement serait dépourvu de sens d’un point de vue économique. Les industries utilisant des grades de PVAL de qualité supérieure, quant à elles, ne pourraient pas remplacer ceux-ci par des grades de moindre qualité.

243    En raison des différences significatives en termes de prix et de qualité entre les grades de PVAL relevant du premier ou du second segment de marché susmentionnés, ces grades ne seraient pas directement interchangeables du côté de la demande.

244    Selon les requérantes, dès lors que le marché des PVAL est divisé entre les deux segments susmentionnés, la Commission était tenue de prendre en considération l’existence de ceux-ci dans son analyse de la sous-cotation des prix, notamment au vu du fait que de nombreux producteurs chinois produisaient principalement des PVAL relevant du segment inférieur, alors que les PVAL produits dans l’Union appartenaient généralement au segment supérieur.

245    Pour étayer leurs arguments, les requérantes invoquent notamment le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 28 octobre 2015 (WT/DS 454/AB/R, point 5.181) (ci-après le « rapport HP-SSST »).

246    À la suite du prononcé de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38), les requérantes, en réponse à une question écrite du Tribunal, ont précisé leurs arguments au regard des enseignements découlant de cet arrêt, par lequel la Cour a annulé l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), qu’elles avaient invoqué dans leurs mémoires. Selon elles, la présente espèce correspond aux trois circonstances exceptionnelles, résultant dudit arrêt de la Cour, pour que la Commission ne puisse pas se borner à examiner la sous-cotation des prix sur la base des numéros de contrôle de produit (ci-après les « NCP »), mais soit tenue de procéder à une analyse par segment de marché. En effet, premièrement, le marché des PVAL serait composé de deux segments distincts, deuxièmement, les prix des PVAL seraient sensiblement différents selon le segment et, troisièmement, les ventes des PVAL produits par l’industrie de l’Union seraient concentrées sur le segment des PVAL de haute qualité, alors que les importations provenant de Chine seraient concentrées le segment des PVAL de qualité moindre.

247    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

248    Les dispositions pertinentes de l’article 3 du règlement de base ont été rappelées au point 227 ci-dessus.

249    Selon la jurisprudence, le calcul de la sous-cotation du prix des importations est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176). À cette fin, la Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation (voir arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 36 et jurisprudence citée).

250    Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de « sous-cotation du prix » et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêts du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 73 ; voir également, par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 175).

251    Toutefois, il ressort des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base que la méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut être composé de différents types de produit relevant de plusieurs segments de marché (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 74 et jurisprudence citée).

252    Partant, le règlement de base n’impose, en principe, pas d’obligation à la Commission d’effectuer une analyse de l’existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 75).

253    Cette interprétation est confirmée par le point 5.180 du rapport HP‑SSST, invoqué par les requérantes, aux termes duquel l’autorité compétente n’est pas tenue, au titre de l’article 3.2 de l’accord antidumping, d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chacun des types de produit visés par l’enquête ou en ce qui concerne toute la gamme des produits constituant le produit national similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 76).

254    Toutefois, ainsi que le confirme le point 5.180 du rapport HP-SSST, dès lors que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, elle est obligée de tenir compte dans son analyse de la sous-cotation des prix de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit considéré (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 77).

255    En outre, il résulte de la jurisprudence que l’examen de la sous-cotation des prix sur la base d’une méthode consistant à effectuer une comparaison NCP par NCP (ci-après la « méthode des NCP ») permet, dans une certaine mesure, de tenir compte de l’éventuelle segmentation du marché du produit considéré (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 106, 113 et 114).

256    Il n’en demeure pas moins que, afin d’assurer l’objectivité de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue de procéder à une telle analyse au niveau des segments de marché du produit en cause, même si le large pouvoir d’appréciation dont dispose cette institution, notamment pour la détermination de l’existence d’un préjudice (voir point 249 ci-dessus), s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la marge de sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 78).

257    Ainsi, une analyse complémentaire de la sous-cotation des prix, consistant, en sus de l’application de la méthode des NCP, à comparer les prix dans chaque segment, peut s’imposer à la Commission dans certaines circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 111).

258    Ces circonstances exceptionnelles portent sur l’existence aussi bien d’une segmentation caractérisée du marché du produit considéré impliquant des variations importantes entre les segments de marché (ci-après la « première condition ») que d’une situation marquée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l’objet d’un dumping sur des segments distincts (ci-après la « seconde condition ») (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 79 à 81, 110 et 111).

259    C’est à la lumière de ces considérations et de celles sur la portée du contrôle juridictionnel exposées aux points 190 et 191 ci-dessus qu’il y a lieu d’examiner les arguments des requérantes invoqués à l’appui de la présente branche du quatrième moyen.

260    Dans le règlement attaqué, la Commission a relevé ce qui suit :

« (60)      Les informations recueillies au cours de l’enquête ont également montré que certains grades (vendus à la fois par l’industrie de l’Union et les producteurs-exportateurs) servaient à de nombreuses applications et étaient généralement moins chers. D’autres grades plus spécialisés, conçus pour des applications répondant à des spécifications strictes […], sont en moyenne plus chers. Ces grades sont également vendus par des producteurs de l’Union et des producteurs-exportateurs.

(61)      Néanmoins, malgré le grand nombre de grades, la Commission a constaté qu’il n’existait pas de segments définis sur le marché des PVAL. Des utilisateurs peuvent se procurer différents grades de PVAL, en fonction des spécifications techniques requises. Pour certains utilisateurs, la teneur en cendres constitue l’élément le plus important, pour d’autres il s’agit de la viscosité, et certains d’entre eux peuvent s’accommoder de la plupart des spécifications. Chaque industrie utilisatrice peut interchanger une série de grades de PVAL. Même si certains utilisateurs […] ne peuvent utiliser qu’un nombre limité de grades, ceux-ci coïncident néanmoins avec ceux utilisés par d’autres types d’utilisateurs, lesquels sont en mesure de s’approvisionner en un plus grand nombre de grades.

(62)      Pour les raisons susmentionnées, la Commission est arrivée à la conclusion que tous les grades se faisaient concurrence, à tout le moins dans une certaine mesure, et qu’une analyse par segment n’était ni justifiée ni opportune en l’espèce […]

(64)      L’analyse effectuée par la Commission a confirmé que, comme expliqué au considérant 61, les différents grades étaient interchangeables, au moins jusqu’à une certaine limite. Même s’il est vrai que certains utilisateurs ne peuvent se procurer qu’un ensemble limité de grades pour leur application, ces grades ne relèvent pas exclusivement de l’industrie en aval d’un utilisateur donné mais se superposent avec les grades obtenus par d’autres applications en aval. De surcroît, l’enquête a révélé que les producteurs-exportateurs chinois fournissaient des grades aux fins des quatre applications principales du PVAL et que ceux-ci étaient en pleine concurrence avec les grades vendus par l’industrie de l’Union.

[…]

(78)      [L]es différents grades de PVAL partagent des caractéristiques de base et leurs utilisations sont dans une large mesure identiques et interchangeables. Les niveaux des teneurs en cendres ou en méthanol ne définissent pas, à eux seuls, les applications ou le prix du produit concerné, car c’est la combinaison avec les autres caractéristiques pertinentes, telles que la viscosité et l’hydrolyse, qui définit les caractéristiques du grade, son utilisation finale éventuelle et le prix de vente.

(79)      Les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête ont révélé que la différence de prix moyenne entre les grades de PVAL à “faible teneur en cendres” et ceux à “teneur ordinaire en cendres” est d’environ 10 %. Toutefois, les prix du PVAL peuvent varier jusqu’à 40 % entre différents grades de PVAL ayant la même teneur en cendres. En outre, certains grades prétendument moins onéreux ayant une teneur en cendres “ordinaire” peuvent être jusqu’à 27 % plus chers que ceux ayant une “faible teneur en cendres”. Par conséquent, il ne peut être conclu, comme le prétendent les parties intéressées, que le marché de l’Union était divisé en PVAL de haute qualité (produit par l’industrie de l’Union) et en PVAL de basse qualité (importé de [Chine]) sur la base de la teneur en cendres et en méthanol, ni que cette prétendue division se reflétait dans les prix et les coûts de production. Au contraire, […] plusieurs grades avec des spécifications “normales” allégées sont également en concurrence avec des grades prétendument “haut de gamme” du produit similaire. »

261    Il s’ensuit que la Commission a exclu tant l’existence d’une segmentation caractérisée du marché des PVAL que la forte concentration des ventes de l’industrie de l’Union et des importations faisant l’objet d’un dumping sur deux segments distincts.

262    Dès lors que la Commission était tenue d’effectuer un examen objectif de la sous-cotation des prix (voir points 254 et 256 ci-dessus), il y a lieu de vérifier si ses constatations sont suffisamment étayées par les éléments du dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, y compris ceux qui ne sont pas explicitement mentionnés dans le règlement attaqué (voir point 152 ci-dessus).

263    En l’espèce, le Tribunal a demandé à la Commission de préciser les éléments du dossier qui lui ont permis d’exclure tant l’existence d’un marché segmenté que la concentration des importations et des ventes de l’industrie de l’Union dans des segments distincts.

264    À ce sujet, la Commission s’est référée aux réponses des utilisateurs de PVAL à sa demande d’informations relative à leurs achats de PVAL par NCP et aux données que lui a fournies Kuraray.

265    Quant à l’absence de segmentation caractérisée, la Commission a produit un exemple de sa demande d’informations, alors qu’elle n’a pas produit les réponses reçues, qualifiées de confidentielles. Elle a également déposé un extrait du site Internet de Kuraray. Lors de l’audience, sans être contredite par les requérantes, la Commission a précisé qu’une version précédente de cet extrait figurait au dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué.

266    Il y a lieu de constater que l’extrait du site Internet de Kuraray démontre que plusieurs grades de PVAL trouvent leurs utilisations principales tant dans des industries qui sont censées utiliser des PVAL de qualité élevée que dans des industries qui sont censées utiliser des PVAL de qualité moins élevée. Ainsi que le fait observer la Commission, plusieurs grades de PVAL utilisés par l’industrie du papier et des adhésifs le sont aussi par l’industrie de la polymérisation en émulsion et de la production de butyral de polyvinyle. En conséquence, cet extrait permet de confirmer que le marché des PVAL ne présente pas de segmentation caractérisée.

267    Par ailleurs, il convient de relever que, dès lors que la première condition porte sur l’existence d’une segmentation caractérisée du produit en cause, pour exclure que celle-ci soit remplie, contrairement à ce que soutiennent les requérantes, il n’est pas nécessaire que tous les utilisateurs puissent acheter indifféremment tous les grades de PVAL et qu’il existe dès lors une interchangeabilité totale de ces grades.

268    Par conséquent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la première condition n’est pas satisfaite.

269    Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde condition, il peut déjà être considéré que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix complémentaire par rapport à celle fondée sur la méthode des NCP.

270    En tout état de cause, s’agissant de la seconde condition, il y a lieu de relever ce qui suit.

271    Le dossier de la présente affaire contient trois tableaux, qui figuraient au dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, relatifs chacun à l’un des trois principaux producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré, dont les requérantes. Ces tableaux affichent les quantités de PVAL, par NCP, importées dans l’Union. En revanche, pour des raisons de confidentialité, ces tableaux ne montrent pas quelle est, par NCP, l’importance des ventes effectuées par Kuraray. L’étude des chiffres figurant dans ces tableaux permet d’établir que les importations, prises dans leur ensemble, couvrent huit NCP différents, dans leurs versions révisées, non contestées par les requérantes, et que les quantités relatives à deux de ces NCP équivalent, pour chacun de ceux-ci, à environ 29 % du total des importations de ces producteurs-exportateurs, alors que les quantités relatives aux six autres NCP atteignent des pourcentages compris entre 3,24 et 9,54 %.

272    Par conséquent, il ne saurait être considéré que les importations présentent une forte concentration, de sorte que, même sans disposer des données relatives aux ventes de Kuraray, il y a lieu de constater que la seconde condition n’est pas remplie.

273    Dès lors que les conditions prévues par la jurisprudence rappelée au point 258 ne sont pas réunies, il doit être conclu que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix complémentaire par rapport à celle fondée sur la méthode des NCP.

274    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du quatrième moyen.

–       Sur la deuxième branche

275    Les requérantes font valoir que la Commission n’a pas correctement établi la sous-cotation des prix, étant donné qu’elle aurait opéré un ajustement de 10 % pour tenir compte de la qualité moindre des PVAL importés de Chine en termes de teneur en cendres par rapport à ceux produits dans l’Union, mais aurait refusé d’opérer d’autres ajustements reflétant les autres différences qualitatives entre ces PVAL.

276    La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

277    Il convient de rappeler que les considérants pertinents du règlement attaqué sont rédigés comme suit :

« (423) La sous-cotation des prix des importations a été établie sur la base des données des producteurs-exportateurs ayant coopéré dans le pays concerné et des données sur les ventes intérieures fournies par l’industrie de l’Union pendant la période d’enquête […]

(424) La comparaison des prix a été réalisée type par type sur des opérations effectuées au même stade commercial, après déduction des remises différées. Le cas échéant, le prix à l’importation du produit concerné en provenance de [Chine] a été dûment ajusté par rapport au type de produit comparable vendu par l’industrie de l’Union.

(425) En ce qui concerne les différences existant entre le produit concerné et le produit similaire pour ce qui est de certaines caractéristiques […] les types de produit importés de [Chine] sont en concurrence avec les types de produit fabriqués et vendus par l’industrie de l’Union. Toutefois, comme la teneur en cendres du PVAL produit et vendu par les producteurs-exportateurs ayant coopéré était globalement plus élevée que celle du PVAL produit et vendu par l’industrie de l’Union, la Commission a estimé qu’un ajustement était justifié pour assurer une comparaison équitable entre les types de produit chinois et européens sur la base des NCP. La Commission a établi l’ajustement sur la base de la différence constatée pour les importations de PVAL à forte et à faible teneur en cendres provenant de pays tiers, à partir des informations communiquées par les utilisateurs. La différence de prix a été fixée à 10 %.

(426) Sur cette base, un ajustement de 10 % a été ajouté au prix CAF du PVAL à forte teneur en cendres vendu par les producteurs-exportateurs ayant coopéré.

[…]

(429) En outre, comme la teneur en méthanol et l’emballage ont un effet négligeable sur les prix […], la Commission a conclu qu’il convenait, aux fins de l’analyse de la sous-cotation, de ne pas tenir compte de ces caractéristiques. »

278    Devant le Tribunal, la Commission a précisé que, ainsi qu’il résulte d’un questionnaire qu’elle avait envoyé aux producteurs-exportateurs chinois, les NCP avaient été établis sur la base de cinq caractéristiques des PVAL, à savoir leur viscosité, leur degré d’hydrolyse, leur teneur en cendres, leur teneur en méthanol et leur emballage.

279    Il s’ensuit que la Commission a considéré qu’il était nécessaire d’opérer un ajustement à la hausse de 10 % aux prix de certains types de produit importés de Chine, qui correspondaient, en termes de viscosité et de degré d’hydrolyse, à des types de produit vendus par l’industrie de l’Union, en raison des différences portant sur la teneur en cendres, qui était plus élevée dans les premiers que dans les seconds. En revanche, elle a exclu que les différences en termes de teneur en méthanol et d’emballage justifient d’opérer d’autres ajustements.

280    Les requérantes ne contestent pas le bien-fondé de l’ajustement de 10 % opéré par la Commission en raison des différences relatives à la teneur en cendres, mais font valoir que d’autres ajustement étaient nécessaires.

281    Toutefois, elles n’ont pas fourni d’élément de preuve susceptible de démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les différences, en termes de teneur en méthanol et d’emballage, entre des types de produit comparables au regard de leur viscosité et de leur degré d’hydrolyse n’affectaient pas significativement leurs prix.

282    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du quatrième moyen.

–       Sur la troisième branche

283    Les requérantes soutiennent qu’il résulte à la fois des considérants 432 et 433 du règlement attaqué et des informations qu’elles ont pu obtenir de la Commission et de celles que d’autres producteurs-exportateurs leur ont fournies que la Commission, dans son analyse de la sous-cotation des prix, a comparé 100 % des importations de PVAL provenant de Chine à 82 % des ventes de PVAL de l’industrie de l’Union. En effet, la Commission aurait constaté qu’il existait un chevauchement de 82 % entre les NCP vendus par l’industrie de l’Union et ceux vendus par les producteurs-exportateurs chinois. Elle aurait ainsi exclu de son analyse 18 % des ventes effectuées par l’industrie de l’Union. Ce faisant, la Commission aurait violé l’obligation, qui résulterait de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, d’établir la sous-cotation des prix pour le produit concerné dans son ensemble.

284    Les requérantes contestent que le règlement attaqué puisse être interprété en ce sens que la Commission aurait comparé 100 % des ventes effectuées par l’industrie de l’Union avec 82 % des ventes effectuées par les producteurs-exportateurs chinois et s’appuient à cette fin sur les calculs de la sous-cotation des prix relatifs à elles-mêmes ainsi qu’aux autres producteurs-exportateurs, qui permettent de conclure que 100 % des importations ont été comparées à 82 % des ventes de l’industrie de l’Union. En tout état de cause, selon elles, quand bien même cette interprétation serait admise, la Commission a néanmoins violé l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, étant donné qu’elle était tenue de prendre en considération 100 % des importations.

285    La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

286    Il convient de rappeler que les considérants 432 et 433 du règlement attaqué sont libellés comme suit :

« (432) Wacker et les producteurs-exportateurs chinois ont fait valoir que 18 % des exportations de la [Chine] n’étaient pas vendues par l’industrie de l’Union étant donné que, pour cette quantité, aucun NCP comparable n’avait été trouvé. Les parties ont renvoyé à l’arrêt [du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691)], à l’appui de leur allégation selon laquelle l’analyse du préjudice effectuée par la Commission n’était fondée que sur un volume limité des ventes de l’industrie de l’Union et non sur le produit similaire dans son ensemble.

(433) Premièrement, la Commission a noté que cet arrêt faisait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice et ne saurait donc être considéré comme faisant autorité. Deuxièmement, le règlement de base n’impose pas à la Commission d’effectuer séparément l’analyse des prix pour chaque type de produit. Au contraire, l’exigence juridique consiste en une détermination au niveau du produit similaire. Si les NCP sont utilisés comme point de départ pour cette analyse, cela ne signifie pas que les différents NCP ne sont pas en concurrence. Ainsi, le fait que certains NCP de l’industrie de l’Union n’ont pas été comparés aux importations ne signifie pas qu’ils ne subissent pas la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’établissement de la sous-cotation des prix et de la sous-cotation des prix indicatifs en calculant tout d’abord les marges au niveau du NCP n’est qu’une étape intermédiaire et préparatoire de la comparaison des prix requise. Cette étape n’est pas juridiquement obligatoire, mais constitue la pratique habituelle de la Commission. Troisièmement, dans les cas où l’échantillonnage est appliqué, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas de correspondance parfaite entre les importations des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon et les ventes de l’industrie de l’Union incluse dans l’échantillon. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il n’y a pas d’importations de certains types, mais plutôt que ces types n’ont pas été exportés vers l’Union par les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon au cours de la période d’enquête. Enfin, […] la Commission a conclu que tous les grades de PVAL étaient en concurrence l’un avec l’autre, au moins dans une certaine mesure. Par conséquent, les 18 % d’exportations des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon qui ne sont pas vendus par l’industrie de l’Union ne constituent pas une catégorie distincte du produit concerné, mais sont pleinement en concurrence avec les autres grades pour lesquels une correspondance a été constatée. Qui plus est, les NCP non vendus par l’industrie de l’Union étaient des types de produits pouvant être utilisés dans les secteurs de l’adhésif, de la polymérisation et du papier, et donc équivalents et en concurrence directe avec d’autres types de produits fabriqués et vendus par l’industrie de l’Union pour être utilisés dans les mêmes secteurs, même s’ils ne sont pas utilisés pour quantifier la sous-cotation des prix. »

287    Il convient de relever que, aux considérants 432 et 433 du règlement attaqué, la Commission a résumé un argument que les requérantes avaient tiré de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), avant de l’écarter.

288    Il y a lieu de rappeler que, aux points 68 à 75 de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission, en ce qu’elle n’avait pas pris en compte, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, un certain volume de produit considéré fabriqué par les producteurs de l’Union échantillonnés, à savoir 17 des 66 types de produits identifiés, représentant 8 % du volume des ventes desdits producteurs, non exportés par les producteurs-exportateurs chinois échantillonnés, n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 22).

289    Pour rejeter l’argument des requérantes tiré de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), d’abord, à la première phrase du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a souligné que cet arrêt faisait l’objet d’un pourvoi.

290    Ensuite, aux deuxième à neuvième phrases du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a défendu le bien-fondé de la manière dont elle avait procédé dans le règlement qui était attaqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), tout en formulant également des considérations générales sur l’analyse de la sous-cotation des prix par la méthode des NCP. C’est dans ce contexte qu’elle a relevé que « certains NCP de l’industrie de l’Union n’[avaient] pas été comparés aux importations ». Ainsi, ce membre de phrase ne saurait être interprété en ce sens que la Commission aurait admis que, en l’espèce, elle n’avait pas tenu compte de certains NCP produits par l’industrie de l’Union.

291    Enfin, aux dixième à douzième phrases du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a examiné les circonstances de la présente espèce. Il résulte de ces phrases que, d’une part, pour 18 % des PVAL exportés dans l’Union par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, aucun type de produit correspondant vendu par l’industrie de l’Union n’avait pu être trouvé et, d’autre part, en raison du fait que tous les PVAL étaient en concurrence entre eux dans une certaine mesure, les PVAL vendus par l’industrie de l’Union étaient en concurrence également avec ces 18 % de PVAL importés de Chine.

292    Il s’ensuit, d’une part, que la Commission a associé à chaque type de produit vendu par l’industrie de l’Union un type de produit importé et, d’autre part, que, s’agissant des types de produits importés qui ne correspondaient pas à des types de produits vendus par cette industrie, elle a considéré qu’il existait néanmoins une relation de concurrence. Ce faisant, la Commission a accompli l’analyse qu’impose l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, qui consiste à examiner l’effet sur les prix de l’industrie de l’Union des « importations faisant l’objet d’un dumping » (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 161) et a analysé la sous-cotation des prix pour le produit considéré dans son ensemble.

293    Contrairement à ce que prétendent les requérantes, cette interprétation du considérant 433 du règlement attaqué est compatible avec les explications que la Commission leur a fournies pendant la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, selon lesquelles « le pourcentage de correspondance entre l’industrie de l’Union et les sociétés exportatrices chinoises de l’échantillon est de 82 % ». En effet, s’il résulte de ces explications qu’une correspondance totale n’a pas pu être trouvée, la formulation utilisée par la Commission ne précise pas si c’était l’industrie de l’Union ou les producteurs-exportateurs chinois qui vendaient davantage de types de produit.

294    En outre, cette interprétation du considérant 433 du règlement attaqué n’est pas remise en cause par les tableaux produits par les requérantes en annexe à la réplique. En effet, dans ces tableaux figurent, pour chacun des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, dont les requérantes, les NCP pour lesquels il existe une correspondance entre les types de produits importés et ceux vendus par l’industrie de l’Union. Si, pour des raisons de confidentialité, ces tableaux n’affichent pas les quantités que l’industrie de l’Union a vendues, par NCP, cela ne permet pas de considérer que seulement 82 % des ventes de cette industrie ont été prises en compte, comme le prétendent les requérantes.

295    Dès lors, il y a lieu de constater que l’argument des requérantes selon lequel la Commission a analysé la sous-cotation des prix sans tenir compte de l’ensemble des ventes de PVAL effectuées par l’industrie de l’Union manque en fait.

296    En tout état de cause, à supposer que la Commission ait exclu certains types de produits vendus par l’industrie de l’Union de l’analyse de la sous-cotation des prix, il y a lieu de rappeler que l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), a été annulé par la Cour. Celle-ci a conclu que le Tribunal avait entaché cet arrêt d’une erreur de droit en ayant jugé que, dans le cadre de l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et, en particulier, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission était, en toutes circonstances, obligée de prendre en compte l’intégralité des produits vendus par cette industrie, y compris les types du produit en cause non exportés par les producteurs-exportateurs échantillonnés (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 159).

297    Ainsi que les requérantes le soulignent, il découle des points 138 à 140 de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38), que, pour que cette obligation incombe à la Commission, la première et la seconde conditions (voir point 258 ci-dessus) doivent être satisfaites. Or, contrairement à ce que les requérantes prétendent, tel n’est pas le cas en l’espèce (voir points 265 à 272 ci-dessus).

298    Par conséquent, il y a lieu de rejeter également la troisième branche du quatrième moyen.

299    Dès lors que toutes les branches du quatrième moyen, relatives à la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, ont été rejetées, les requérantes ne sont pas fondées non plus à soutenir que, en raison de ces violations, la Commission a enfreint également l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement (voir point 222 ci-dessus).

300    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

301    Les requérantes soutiennent que la Commission a violé leurs droits de la défense, en ce que, en dépit de leurs demandes, elle ne leur a pas fourni d’information sur les quantités vendues et les prix de vente de l’industrie de l’Union par NCP ainsi que les marges de sous-cotation des prix et des prix indicatifs par NCP (ci-après les « éléments litigieux »). Elles reprochent à la Commission de ne pas leur avoir communiqué au moins des fourchettes de valeurs relatives à ces éléments. Selon elles, si l’article 19 du règlement de base prévoit le traitement confidentiel de certaines informations, son application ne saurait conduire à vider les droits de la défense de leur contenu essentiel. Elles rappellent que l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base exige des parties intéressées qui invoquent la confidentialité d’informations fournies qu’elles présentent un résumé non confidentiel de celles-ci ou, à tout le moins, qu’elles exposent les raisons pour lesquelles un tel résumé ne peut pas être rédigé. Par ailleurs, selon les requérantes, il importe peu que les données prétendument confidentielles portent sur un seul producteur de l’Union.

302    Les requérantes précisent que, pour que le présent moyen soit fondé, elles ne sont pas tenues de démontrer que l’issue de l’enquête aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue. Or, ne disposant pas des éléments litigieux, elles n’auraient pas pu déterminer si aucune sous-cotation des prix ou des prix indicatifs n’avait été constatée pour certains NCP, ni quels étaient les NCP avec lesquels l’industrie de l’Union avait réalisé la majeure partie de ses ventes. Ces éléments seraient donc essentiels pour pouvoir contrôler l’exactitude tant de la détermination de la sous-cotation, dont l’analyse pourrait nécessiter l’examen des parts de marché des différents NCP, que de l’existence d’un préjudice que les importations auraient occasionné à cette industrie.

303    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments des requérantes.

304    Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes pour examiner le présent moyen.

305    Selon l’article 19 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Toute information de nature confidentielle (par exemple parce que sa divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue) ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités.

2. Les parties intéressées qui fournissent des informations confidentielles sont tenues d’en donner des résumés non confidentiels. Ces résumés doivent être suffisamment détaillés afin de permettre de comprendre raisonnablement la substance des informations communiquées à titre confidentiel. Dans des circonstances exceptionnelles, lesdites parties peuvent indiquer que des informations ne sont pas susceptibles d’être résumées. Dans ces circonstances, les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni sont exposées.

[…]

4. Le présent article ne s’oppose pas à la divulgation, par les autorités de l’Union, d’informations générales, notamment des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du présent règlement sont fondées, ni à la divulgation d’éléments de preuve sur lesquels les autorités de l’Union s’appuient dans la mesure nécessaire à la justification de ces motifs lors de procédures en justice. Une telle divulgation tient compte de l’intérêt légitime des parties intéressées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas révélés.

5. La Commission et les États membres, y compris leurs agents, s’abstiennent de révéler toute information reçue en application du présent règlement pour laquelle la personne qui l’a fournie a demandé un traitement confidentiel, sans l’autorisation spécifique de cette dernière. 

[…] »

306    Aux termes de l’article 20 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées […]

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. 

[…] »

307    Selon l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 7. Les plaignants, les importateurs et les exportateurs […] peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 19 et qu’ils soient utilisés dans l’enquête.

[…] »

308    Par ces dispositions, le règlement de base poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, préserver la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 96 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 142 et jurisprudence citée).

309    S’agissant du premier objectif mentionné au point 308 ci-dessus, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être garanti, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 139 et jurisprudence citée).

310    En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 140 et jurisprudence citée).

311    S’agissant du second objectif mentionné au point 308 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la protection du secret d’affaires constitue un principe général du droit de l’Union. Le maintien d’une concurrence non faussée constitue un intérêt public important dont la sauvegarde peut justifier le refus de divulguer des informations relevant du secret d’affaires (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 165 et jurisprudence citée).

312    Pour concilier les deux objectifs en cause, dans l’accomplissement de leur devoir d’information, les institutions de l’Union doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 141).

313    La nécessité de concilier ces objectifs résulte également du fait que, selon la jurisprudence, l’article 19 du règlement de base vise à protéger non seulement les secrets d’affaires, mais également les droits de la défense des autres parties à la procédure antidumping (voir arrêt du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 82 et jurisprudence citée).

314    La protection des informations relevant du secret d’affaires n’exige pas d’exclure, par principe, toute divulgation des informations utilisées au cours d’une enquête antidumping à des parties intéressées, indépendamment des circonstances. En particulier, il importe d’apprécier la situation particulière de la partie intéressée au regard de ces informations et, notamment, la position que cette partie intéressée occupe sur le marché considéré par rapport à celle de la personne ayant fourni ces informations (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 199 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 159).

315    La jurisprudence précise que l’obligation de respect des informations confidentielles ne saurait vider de leur contenu essentiel les droits de la défense (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 142 et jurisprudence citée).

316    En l’espèce, ainsi qu’il résulte du considérant 435 du règlement attaqué et d’une lettre que les requérantes ont adressée à la Commission le 8 juillet 2020, ces dernières, après avoir reçu l’information finale, ont demandé l’accès aux éléments litigieux.

317    Par courriel du 13 juillet 2020, Kuraray a informé la Commission de son opposition à la communication aux requérantes des éléments litigieux, y compris sous la forme de fourchettes de valeurs qui remplaceraient les données exactes. Ainsi que la Commission l’a précisé lors de l’audience, ce courriel constituait la réponse de Kuraray à un courriel que la Commission lui avait envoyé après avoir reçu la lettre des requérantes du 8 juillet 2020, mentionnée au point 316 ci-dessus. Kuraray a fait valoir que les éléments litigieux étaient confidentiels par nature au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base et a précisé que, dès lors qu’elle était le seul producteur de l’Union relevant de l’échantillon retenu par la Commission qui vendait le produit concerné à des tiers, la divulgation d’éléments supplémentaires portant sur les calculs de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs profiterait à ses concurrents et aurait un effet très négatif sur elle. Cette divulgation, qui révélerait des informations relatives aux quantités de PVAL vendues pendant la période d’enquête ainsi que les prix moyens par NCP, occasionnerait un préjudice irréparable à ses opérations commerciales dans l’Union.

318    Par ailleurs, Kuraray a soutenu que les informations relatives à la sous-cotation des prix et des prix indicatifs déjà communiquées aux requérantes permettaient à celles-ci de comprendre quel était le préjudice que les importations causaient à l’industrie de l’Union et d’exercer leurs droits de la défense. Elle a souligné que chaque producteur-exportateur se verrait appliquer un droit antidumping du même niveau pour l’ensemble de ses exportations dans l’Union du produit concerné, sans distinction selon les NCP.

319    Par courriel du 14 juillet 2020, la Commission a informé les requérantes que, après avoir évalué leur demande d’accès aux éléments litigieux, elle avait décidé de la rejeter, ces éléments étant confidentiels selon l’article 19 du règlement de base. Les motifs retenus par la Commission pour justifier sa décision coïncident avec ceux invoqués par Kuraray, repris au point 318 ci-dessus.

320    Au considérant 436 du règlement attaqué, la Commission a relevé que, conformément à l’article 19 du règlement de base, elle n’avait pas pu révéler les éléments litigieux, dès lors que la divulgation d’un tel niveau de détail permettrait, soit directement soit en y adjoignant des renseignements sur les marchés, de calculer les données confidentielles sur les ventes et la production de certains producteurs de l’Union.

321    Il y a lieu de constater que, eu égard à l’article 19, paragraphes 1 et 5, du règlement de base, la Commission, en raison de l’opposition de Kuraray, n’était pas autorisée à communiquer aux requérantes les éléments litigieux (voir, par analogie, arrêts du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 178, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 477).

322    Toutefois, lorsque des informations ne peuvent être communiquées en raison de leur caractère confidentiel, l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base contraint les parties dont émanent ces informations à en fournir un résumé non confidentiel chaque fois que cela est possible (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 483).

323    Dès lors, il convient de vérifier si la Commission, en n’ayant pas pris les mesures permettant aux requérantes de se voir communiquer les éléments litigieux sous la forme de résumés non confidentiels, au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base, a violé leurs droits de la défense.

324    À cette fin, il convient de se référer, conformément aux principes rappelés aux points 20 à 22 ci-dessus, aux décisions de l’ORD relatives aux articles 6.5 et 6.5.1 de l’accord antidumping, qui correspondent, en substance, à l’article 19, paragraphes 1, 2 et paragraphe 5, première phrase, du règlement de base (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 103, 188 et 190).

325    Selon le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine », adopté par l’ORD le 28 juillet 2011 (WT/DS 397/AB/R, points 542 à 544), s’agissant des renseignements traités comme confidentiels en application de l’article 6.5 de l’accord antidumping, l’article 6.5.1 de ce dernier oblige l’autorité compétente à exiger qu’un résumé non confidentiel des renseignements soit fourni. Le caractère suffisant du résumé fourni dépendra des renseignements confidentiels en cause, mais le résumé devra permettre de comprendre raisonnablement la substance des renseignements non communiqués afin que soit ménagée aux autres parties à l’enquête la possibilité de répondre et de défendre leurs intérêts. L’article 6.5.1 de l’accord antidumping envisage la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, les renseignements confidentiels ne soient pas susceptibles d’être résumés. Dans ces circonstances exceptionnelles, une partie pourra indiquer qu’elle ne peut pas fournir de résumé non confidentiel des renseignements présentés à titre confidentiel, mais elle sera néanmoins tenue d’exposer les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni. Pour sa part, l’autorité compétente doit examiner minutieusement cet exposé afin de déterminer s’il établit l’existence de circonstances exceptionnelles et si les raisons données expliquent d’une manière appropriée la raison pour laquelle, dans ces circonstances, aucun résumé permettant de comprendre raisonnablement la substance des renseignements ne peut être fourni. Un résumé des renseignements confidentiels ne pourra pas être fourni dans les cas où aucune autre méthode de présentation des renseignements qui ne divulguerait pas les renseignements sensibles ou n’assurerait pas un niveau de détail suffisant pour permettre de comprendre raisonnablement la substance des renseignements communiqués à titre confidentiel ne pourra être élaborée.

326    En l’espèce, d’une part, il y a lieu de considérer que Kuraray, lorsqu’elle s’est opposée à la divulgation des éléments litigieux y compris sous la forme de fourchettes de valeurs, a refusé de se soumettre à l’obligation de fournir des résumés non confidentiels de ces éléments et qu’elle a invoqué à cet effet l’existence de la circonstance exceptionnelle représentée par le fait qu’elle était le seul producteur de l’Union dont les ventes avaient été prises en compte par la Commission dans l’analyse de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs. D’autre part, la Commission a examiné les arguments de Kuraray et a décidé que la position de cette dernière était fondée, eu égard également au fait, relevé en substance au considérant 436 du règlement attaqué, que les producteurs-exportateurs chinois auraient pu lire les éléments demandés à la lumière des renseignements sur les marchés dont ils disposaient déjà.

327    Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a correctement suivi les étapes prévues par les dispositions pertinentes pour effectuer la mise en balance des deux objectifs mentionnés au point 308 ci-dessus.

328    Quant au bien-fondé de l’appréciation effectuée par la Commission, il convient de relever que, au vu de la sensibilité des éléments litigieux et des circonstances exceptionnelles de l’espèce, cette institution n’a pas commis d’erreur en refusant la divulgation de ceux-ci.

329    L’absence d’erreur commise par la Commission est corroborée par le fait que les requérantes, lorsqu’elles ont reçu le courriel de la Commission rejetant leur demande d’accès aux éléments litigieux (voir point 319 ci-dessus), n’ont pas saisi le conseiller-auditeur de cette question, alors qu’elles auraient pu le faire, en vertu de l’article 15 de la décision (UE) 2019/339 du président de la Commission européenne, du 21 février 2019, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans le cadre de certaines procédures commerciales (JO 2019, L 60, p. 20).

330    Il y a lieu de considérer que, ayant renoncé à saisir le conseiller-auditeur, les requérantes ont acquiescé à la mise en balance des objectifs en cause effectuée par la Commission.

331    En tout état de cause, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente en l’absence de l’irrégularité procédurale en cause, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que cette partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité, il n’en reste pas moins que l’existence d’une irrégularité se rapportant aux droits de la défense ne saurait conduire à l’annulation de l’acte en cause que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi atteinte concrètement aux droits de la défense (voir arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C‑718/20 P, EU:C:2022:362, point 49 et jurisprudence citée).

332    À ce sujet, premièrement, les requérantes soutiennent que, si elles avaient reçu les éléments litigieux, n’aurait pas eu lieu la confusion qui s’est créée au sujet des pourcentages de produits importés et vendus par l’industrie de l’Union qui ont été examinés lors de l’analyse de la sous-cotation des prix (voir la troisième branche du quatrième moyen). Toutefois, il y a lieu de constater que cette confusion est sans incidence sur l’existence de la possibilité que la procédure menée par la Commission aboutisse à un résultat différent. En tout état de cause, les requérantes, si elles trouvaient que les explications fournies par la Commission (voir point 293 ci-dessus) étaient ambiguës, auraient pu lui demander davantage de précisions.

333    Deuxièmement, les requérantes font valoir que, dans certaines circonstances, afin de garantir que l’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix notable au niveau du produit similaire soit objectif, il peut être approprié d’examiner les parts de marché des différents types de produit en cause. Pour qu’une partie intéressée puisse utilement faire valoir que ces circonstances prévalent, il serait nécessaire qu’elle dispose d’informations sur ces parts de marché.

334    Dès lors que, ainsi qu’il résulte des points 256 à 258, dans certaines circonstances, il est possible que l’analyse de la sous-cotation des prix doive être effectuée par segment de marché, il n’est a priori pas entièrement exclu que les requérantes, si elles avaient disposé de résumés non confidentiels portant sur les éléments litigieux, aient pu invoquer des arguments susceptibles de démontrer que les circonstances de l’espèce exigeaient qu’une telle analyse soit réalisée.

335    Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’examen du quatrième moyen, notamment des points 265 à 272 ci-dessus, le cas d’espèce ne présente pas de circonstance obligeant la Commission à effectuer une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché. Partant, il est à exclure que, si les requérantes avaient disposé des résumés susmentionnés, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent.

336    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen.

 Conclusions sur l’issue du recours

337    L’examen des moyens et branches invoqués par les requérantes a révélé que le règlement attaqué devait être annulé en ce qui concerne ces dernières en ce que, pour calculer le taux du droit antidumping frappant les importations dans l’Union des PVAL fabriqués et vendus par les requérantes, la Commission a opéré des ajustements à la baisse du prix à l’exportation, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous e), g), i) et k), du règlement de base.

338    Le recours doit être rejeté pour le surplus.

 Sur les dépens

339    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La Commission ayant succombé en l’essentiel de ses conclusions, il convient de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par les requérantes, conformément aux conclusions de ces dernières.

340    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

341    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que Wegochem, Kuraray et Sekisui supporteront leurs propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le règlement d’exécution (UE) 2020/1336 de la Commission, du 25 septembre 2020, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains alcools polyvinyliques originaires de la République populaire de Chine, est annulé en ce qui concerne Sinopec Chongqing SVW Chemical Co. Ltd, Sinopec Great Wall Energy & Chemical (Ningxia) Co. Ltd et Central-China Company, Sinopec Chemical Commercial Holding Co. Ltd en ce que, pour calculer le taux du droit antidumping frappant les importations dans l’Union européenne des alcools polyvinyliques fabriqués et vendus par ces dernières, la Commission européenne a opéré des ajustements à la baisse du prix à l’exportation, en vertu de l’article 2, paragraphe 10, sous e), g), i) et k), du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par Sinopec Chongqing SVW Chemical Co., par Sinopec Great Wall Energy & Chemical (Ningxia) Co. et par Central-China Company, Sinopec Chemical Commercial Holding Co.

4)      Le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne supporteront leurs propres dépens.

5)      Wegochem Europe BV, Kuraray Europe GmbH et Sekisui Specialty Chemicals Europe SL supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Kanninen

Madise

Frendo

 

      Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures

Table des matières 


Faits à l’origine du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’OMC

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base et d’une erreur manifeste d’appréciation

Sur la première branche

– Règles applicables

– Sur la preuve

– Sur les indices réunis par la Commission

Sur la deuxième branche

Sur la troisième branche

– Sur le premier grief

– Sur le second grief

Sur le troisième moyen, tiré de la violation de l’article 18, paragraphes 1 et 5, du règlement de base ainsi que de l’article 6.8 de l’accord antidumping et de l’annexe II

Sur le premier grief

Sur le second grief

Sur le quatrième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix et de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement

Sur le caractère opérant du quatrième moyen

Sur le bien-fondé du quatrième moyen

– Sur la première branche

– Sur la deuxième branche

– Sur la troisième branche

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Conclusions sur l’issue du recours

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.