Language of document : ECLI:EU:T:2024:114

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

21 février 2024 (*) (1)

« Dumping – Importations de certains alcools polyvinyliques originaires de Chine – Droit antidumping définitif – Règlement d’exécution (UE) 2020/1336 – Calcul de la valeur normale – Distorsions significatives dans le pays exportateur – Article 2, paragraphe 6 bis, du règlement (UE) 2016/1036 – Droit de l’OMC – Principe d’interprétation conforme – Choix du pays représentatif approprié – Données aisément disponibles – Défaut de coopération – Notion d’“informations nécessaires” – Article 18 du règlement 2016/1036 – Sous-cotation des prix – Segments de marché – Méthode des numéros de contrôle de produit – Article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement 2016/1036 – Droits de la défense – Traitement confidentiel – Articles 19 et 20 du règlement 2016/1036 »

Dans l’affaire T‑763/20,

Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co. Ltd, établie à Ordos (Chine), représentée par Mes J. Cornelis, F. Graafsma et E. Vermulst, avocats,

partie requérante,

soutenue par

Wegochem Europe BV, établie à Amsterdam (Pays-Bas), représentée par Mes R. Antonini, E. Monard et B. Maniatis, avocats,

partie intervenante,

contre

Commission européenne, représentée par M. G. Luengo, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

soutenue par

Parlement européen, représenté par MM. A. Neergaard, D. Moore et Mme A. Pospíšilová Padowska, en qualité d’agents,

par

Conseil de l’Union européenne, représenté par Mme H. Marcos Fraile et M. B. Driessen, en qualité d’agents, assistés de Me N. Tuominen, avocate,

par

Kuraray Europe GmbH, établie à Hattersheim am Main (Allemagne), représentée par Mes R. MacLean et D. Sevilla Pascual, avocats,

et par

Sekisui Specialty Chemicals Europe SL, établie à La Canonja (Espagne), représentée par Mes A. Borsos et J. Jousma, avocats,

parties intervenantes

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie),

composé de MM. L. Truchot (rapporteur), président, H. Kanninen, L. Madise, Mmes R. Frendo et T. Perišin, juges,

greffier : Mme I. Kurme, administratrice,

vu la phase écrite de la procédure,

à la suite de l’audience des 14 et 15 décembre 2022,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co. Ltd, demande l’annulation du règlement d’exécution (UE) 2020/1336 de la Commission, du 25 septembre 2020, instituant des droits antidumping définitifs sur les importations de certains alcools polyvinyliques originaires de la République populaire de Chine (JO 2020, L 315, p. 1, ci‑après le « règlement attaqué »), en ce que celui-ci la concerne.

 Faits à l’origine du litige

2        La requérante est une société chinoise qui produit et exporte des alcools polyvinyliques (ci-après les « PVAL ») notamment vers l’Union européenne.

3        Le 18 juin 2019, Kuraray Europe GmbH (ci-après « Kuraray »), un producteur de PVAL représentant plus de 60 % de la production totale de l’Union, a déposé une plainte auprès de la Commission européenne, sur le fondement de l’article 5 du règlement (UE) 2016/1036 du Parlement européen et du Conseil, du 8 juin 2016, relatif à la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2016, L 176, p. 21, ci-après le « règlement de base »). En conséquence, la Commission a publié un avis d’ouverture d’une procédure antidumping concernant les importations de certains PVAL originaires de la République populaire de Chine (JO 2019, C 256, p. 4).

4        L’enquête relative au dumping et au préjudice en résultant a porté sur la période comprise entre le 1er juillet 2018 et le 30 juin 2019 (ci-après la « période d’enquête »). L’examen des tendances utiles pour l’évaluation du préjudice, relatives aux éléments visés aux tableaux nos 1 à 11 du règlement attaqué, a porté sur la période comprise entre le 1er janvier 2016 et la fin de la période d’enquête (ci-après la « période considérée ») (considérant 39 du règlement attaqué).

5        Après plusieurs échanges écrits avec la requérante et d’autres entreprises concernées par son enquête, le 3 juillet 2020, la Commission a transmis à la requérante l’information finale prévue à l’article 20 du règlement de base (ci-après l’« information finale »), dans laquelle elle envisageait de retenir, à l’égard de celle-ci, un droit antidumping de 72,9 %, correspondant à sa marge de préjudice. Après d’autres échanges écrits avec la Commission, la requérante a, le 20 juillet 2020, déposé ses observations sur l’information finale.

6        Par le règlement attaqué, la Commission a institué un droit antidumping définitif sur les importations de certains PVAL originaires de Chine et a établi que le taux du droit antidumping définitif applicable au prix net franco frontière de l’Union, avant dédouanement, s’élevait, pour la requérante, à 72,9 %.

7        Pour calculer la valeur normale des produits fabriqués par la requérante, la Commission ne s’est pas fondée sur la règle générale prévue à l’article 2, paragraphe 1, premier alinéa, du règlement de base, selon laquelle la « valeur normale est normalement basée sur les prix payés ou à payer, au cours d’opérations commerciales normales, par des acheteurs indépendants dans le pays exportateur ». Elle a appliqué l’article 2, paragraphe 6 bis, de ce règlement, disposition introduite en vertu du règlement (UE) 2017/2321 du Parlement européen et du Conseil, du 12 décembre 2017, modifiant le règlement de base et le règlement (UE) 2016/1037 relatif à la défense contre les importations qui font l’objet de subventions de la part de pays non membres de l’Union européenne (JO 2017, L 338, p. 1) (considérants 86 et 87 du règlement attaqué).

8        Aux termes de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 6 bis a)      Lorsqu’il est jugé inapproprié, dans le contexte de l’application de la présente disposition ou de toute autre disposition pertinente du présent règlement, de se fonder sur les prix et les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur du fait de l’existence, dans ce pays, de distorsions significatives au sens du point b), la valeur normale est calculée exclusivement sur la base de coûts de production et de vente représentant des prix ou des valeurs de référence non faussés, dans le respect des règles suivantes. 

Les sources d’informations que la Commission peut utiliser sont notamment :

–        des coûts de production et de vente correspondants dans un pays représentatif approprié ayant un niveau de développement économique semblable à celui du pays exportateur, pour autant que les données pertinentes soient aisément disponibles ; lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs appropriés, la préférence va, le cas échéant, aux pays appliquant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale,

–        lorsque cela est jugé approprié, des prix, des coûts ou des valeurs de référence internationaux non faussés, ou

–        les coûts sur le marché intérieur, mais uniquement si des preuves correctes et adéquates permettent d’établir positivement que ces coûts ne sont pas faussés, y compris dans le cadre des dispositions relatives aux parties intéressées énoncées au point c).

Sans préjudice de l’article 17, cette évaluation est effectuée séparément pour chaque exportateur et producteur.

La valeur normale ainsi calculée comprend un montant non faussé et raisonnable pour les dépenses administratives, les frais de vente et les autres frais généraux ainsi que pour la marge bénéficiaire.

b)      On entend par distorsions significatives les distorsions qui se produisent lorsque les prix ou les coûts déclarés, y compris le coût des matières premières et de l’énergie, ne sont pas déterminés par le libre jeu des forces du marché en raison d’une intervention étatique importante. Dans l’analyse de l’existence de distorsions significatives, il faut tenir compte notamment de l’incidence possible de l’un ou [de] plusieurs des facteurs suivants :

–        un marché constitué dans une mesure importante par des entreprises qui appartiennent aux autorités du pays exportateur ou qui opèrent sous leur contrôle, supervision stratégique ou autorité,

–        une présence de l’État dans des entreprises qui permet aux autorités d’influer sur la formation des prix ou sur les coûts,

–        des mesures ou politiques publiques discriminatoires qui favorisent les fournisseurs nationaux ou influencent de toute autre manière le libre jeu des forces du marché,

–        l’absence, l’application discriminatoire ou l’exécution inadéquate de lois sur la faillite, les entreprises ou la propriété,

–        une distorsion des coûts salariaux,

–        un accès au financement accordé par des institutions mettant en œuvre des objectifs de politique publique ou n’agissant pas de manière indépendante de l’État à tout autre égard.

c)      Lorsque la Commission dispose d’indications dûment fondées sur l’existence possible de distorsions significatives au sens du point b) dans un certain pays ou un secteur particulier de ce pays, et lorsqu’il y a lieu en vue de l’application effective du présent règlement, la Commission produit, publie et met régulièrement à jour un rapport décrivant la situation du marché visée au point b) dans ce pays ou ce secteur. Les rapports de ce type et les éléments de preuve sur lesquels ils reposent sont versés au dossier de toute enquête se rapportant au pays ou au secteur en question. Les parties intéressées se voient accorder amplement l’occasion de réfuter, de compléter ou d’invoquer un tel rapport et les éléments de preuve sur lesquels celui-ci repose, ainsi que de formuler des observations à ce sujet, dans le cadre de toute enquête dans laquelle ce rapport ou ces éléments sont utilisés. Dans son analyse de l’existence de distorsions significatives, la Commission tient compte de l’ensemble des éléments pertinents versés au dossier de l’enquête. »

9        Dans le règlement attaqué, la Commission, ayant constaté, notamment sur le fondement du rapport relatif à la situation en Chine du 20 décembre 2017, qu’elle avait publié en vertu de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous c), du règlement de base, que dans ce pays existaient des « distorsions significatives » au sens de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous b), dudit règlement (considérants 91 et 171 du règlement attaqué), a construit la valeur normale selon la méthode prévue à article 2, paragraphe 6 bis, sous a), deuxième alinéa, premier tiret, du même règlement. À cet effet, elle a retenu la Turquie comme pays représentatif approprié (considérants 172 et 222 du règlement attaqué). En outre, conformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dernier alinéa, du règlement de base, la Commission a inclus dans la valeur normale un montant qu’elle a considéré comme étant non faussé et raisonnable pour les dépenses administratives, les frais de vente et d’autres frais généraux (ci-après les « frais VAG ») ainsi que pour la marge bénéficiaire (considérant 87 du règlement attaqué).

10      Par ailleurs, la Commission a constaté l’existence de lacunes dans les données communiquées par la requérante relatives à certains facteurs de production. De ce fait, la Commission a appliqué l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base, selon lequel, lorsqu’une partie intéressée « refuse l’accès aux informations nécessaires […] ou fait obstacle de façon significative à l’enquête », la Commission peut se fonder sur les « données disponibles » (ci-après les « données disponibles au sens de l’article 18 »). Dans les calculs de la valeur normale des produits fabriqués par la requérante, la Commission a ainsi utilisé les données disponibles au sens de l’article 18 pour établir les prix non faussés de ces facteurs de production (considérants 274, 275 et 317 à 322 du règlement attaqué).

11      Lors de la comparaison de la valeur normale des produits fabriqués par la requérante et de son prix à l’exportation, la Commission a opéré un ajustement au titre de l’article 2, paragraphe 10, sous b), du règlement de base. Elle a ainsi augmenté la valeur normale, « pour tenir compte de la différence entre les impôts indirects sur les ventes à l’exportation de [Chine] vers l’Union et la valeur normale lorsque des impôts indirects tels que la [taxe sur la valeur ajoutée] [avaie]nt été exclus » (considérant 388 du règlement attaqué). Par ailleurs, la Commission a également opéré des ajustements à la baisse du prix à l’exportation pour retirer de celui-ci les frais d’assurance, de transport, de manutention et de chargement, les coûts du crédit et les frais bancaires (ci-après les « frais litigieux »), afin d’en obtenir le niveau correspondant à une transaction « départ usine » (considérants 313, 314 et 357 du règlement attaqué).

12      Lors de l’examen du préjudice qui aurait été subi par l’industrie de l’Union, opéré conformément à l’article 3, paragraphes 2, 3 et 6, du règlement de base, la Commission a analysé la sous-cotation des prix. À cet effet, d’une part, elle s’est fondée sur ses constatations selon lesquelles le marché des PVAL ne se composait pas de deux segments distincts (considérants 61 à 64 du règlement attaqué). D’autre part, elle a notamment utilisé une méthode consistant à comparer les prix des importations et les prix des ventes de l’industrie de l’Union par type de produit, étant précisé qu’elle n’a pas trouvé de correspondance pour certains de ceux-ci (considérants 432 et 433 du règlement attaqué).

 Conclusions des parties

13      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué en ce que celui-ci la concerne ;

–        condamner la Commission aux dépens.

14      Wegochem Europe BV (ci-après « Wegochem »), intervenant au soutien de la requérante, conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler le règlement attaqué, en ce que celui-ci concerne la requérante ;

–        condamner la Commission aux dépens, y compris à ceux qu’elle a exposés.

15      La Commission, soutenue par le Parlement européen, par le Conseil de l’Union européenne, par Kuraray et par Sekisui Specialty Chemicals Europe SL (ci-après « Sekisui »), conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

16      À l’appui du recours, la requérante invoque sept moyens, tirés, le premier, de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), le deuxième, de la violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qui concerne le choix du pays représentatif approprié, le troisième, de la violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, au motif que la valeur normale n’a pas été calculée exclusivement sur la base de valeurs non faussées relatives aux facteurs de production « correspondants », le quatrième, de la violation de l’article 2, paragraphe 10, du règlement de base, le cinquième, de la violation de l’article 18 du règlement de base, le sixième, de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix ainsi que de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement et, le septième, de la violation des droits de la défense.

 Sur le premier moyen, tiré de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’OMC

17      La requérante fait valoir que, dans le règlement attaqué, la Commission a appliqué l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base de manière non conforme à l’accord sur la mise en œuvre de l’article VI de l’accord général sur les tarifs douaniers et le commerce de 1994 (GATT) (JO 1994, L 336, p. 103, ci-après l’« accord antidumping »), tel qu’interprété par les décisions de l’organe de règlement des différends de l’OMC (ORD). La requérante admet que l’accord antidumping n’a pas d’effet direct, mais soutient que, compte tenu des points communs entre cet accord et le règlement de base, cette circonstance est sans incidence sur l’obligation, que la Commission aurait violée en l’espèce, d’interpréter la disposition susmentionnée du règlement de base de manière conforme au droit de l’OMC, y compris aux décisions de l’ORD.

18      La requérante précise que le présent moyen ne saurait être considéré comme une exception d’illégalité visant l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base. En effet, elle ne contesterait pas cette disposition en tant que telle, mais l’application que la Commission en aurait faite dans le règlement attaqué. La requérante souligne qu’il est possible d’interpréter l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base de manière conforme au droit de l’OMC, sans qu’une telle interprétation soit contra legem ou revienne à vider cette disposition de sa substance.

19      La Commission, soutenue par le Parlement, par le Conseil, par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

20      Il convient de rappeler que, en vertu de l’article 216, paragraphe 2, TFUE, lorsque des accords internationaux sont conclus par l’Union, les institutions de l’Union sont liées par de tels accords et, par conséquent, ceux-ci priment les actes de l’Union. Dès lors, les textes de droit dérivé doivent être interprétés, dans la mesure du possible, en conformité avec ces accords, en particulier lorsque de tels textes visent précisément à mettre en œuvre un accord international conclu par l’Union (voir, en ce sens, arrêts du 9 janvier 2003, Petrotub et Republica/Conseil, C‑76/00 P, EU:C:2003:4, point 57 et jurisprudence citée ; du 18 mars 2014, Z., C‑363/12, EU:C:2014:159, points 71 et 72 et jurisprudence citée, et du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 31 et jurisprudence citée).

21      Selon le considérant 3 du règlement de base, afin d’assurer une application appropriée et transparente des règles de l’accord antidumping, il convient de transposer, dans toute la mesure du possible, les termes de cet accord dans le droit de l’Union. Le principe de droit international général de respect des engagements contractuels (pacta sunt servanda), consacré à l’article 26 de la convention de Vienne sur le droit des traités, du 23 mai 1969 (Recueil des traités des Nations unies, vol. 1155, p. 331), implique que le juge de l’Union doit, aux fins de l’interprétation et de l’application de l’accord antidumping, tenir compte des décisions de l’ORD ayant interprété les dispositions de cet accord (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 30, 32 et 33 et jurisprudence citée).

22      Toutefois, ainsi qu’en atteste l’utilisation dans la jurisprudence mentionnée au point 20 ci-dessus de l’expression « dans la mesure du possible », une telle jurisprudence ne peut trouver à s’appliquer à l’égard d’une disposition dont le sens est clair et dépourvu d’ambiguïté et qui n’exige donc aucune interprétation. Si tel était le cas, le principe d’interprétation conforme des textes de droit de l’Union dérivé servirait de fondement à une interprétation contra legem de cette disposition, ce qui ne saurait être admis (voir arrêt du 13 juillet 2018, Confédération nationale du Crédit mutuel/BCE, T‑751/16, EU:T:2018:475, point 34 et jurisprudence citée ; voir également, en ce sens, arrêt du 28 février 2017, Canadian Solar Emea e.a./Conseil, T‑162/14, non publié, EU:T:2017:124, point 151).

23      Par ailleurs, il y a lieu de relever que l’interprétation conforme des actes des institutions de l’Union au regard des dispositions d’un accord international auquel cette dernière est partie, telle que définie par la jurisprudence rappelée aux points 20 à 22 ci-dessus, ne doit pas être confondue avec le contrôle de la légalité de ces mêmes actes.

24      En effet, selon une jurisprudence constante, les dispositions d’un accord international ne peuvent être invoquées à l’appui d’un recours en annulation d’un acte de droit dérivé de l’Union ou d’une exception tirée de l’illégalité d’un tel acte qu’à la double condition, d’une part, que la nature et l’économie de cet accord ne s’y opposent pas et, d’autre part, que ces dispositions apparaissent, du point de vue de leur contenu, inconditionnelles et suffisamment précises. Ce n’est que lorsque ces deux conditions sont cumulativement remplies que de telles dispositions pourront être invoquées devant le juge de l’Union afin de servir de critère pour apprécier la légalité d’un acte de l’Union (voir arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, point 37 et jurisprudence citée).

25      En l’espèce, dès lors que la requérante déclare ne pas soulever d’exception d’illégalité et que, en tout état de cause, elle ne soutient, ni, a fortiori, ne démontre que sont réunies les conditions fixées par la jurisprudence rappelée au point 24 ci-dessus, elle doit établir, pour que le Tribunal puisse faire droit au présent moyen, que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base manque de clarté ou contient des ambiguïtés qui devraient être dissipées par une interprétation conforme à ces règles et que cette interprétation n’est pas contra legem.

26      Il y a lieu de relever que la requérante ne soutient pas que le texte de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base est ambigu.

27      Toutefois, en premier lieu, la requérante fait valoir que, pour que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base puisse être appliqué de manière conforme au droit de l’OMC, il doit être interprété en ce sens que, parmi les trois sources d’information qui y sont mentionnées, à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement, seule la dernière, consistant à utiliser les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur, doit être retenue.

28      Il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, aux fins d’interpréter une disposition du droit de l’Union, il y a lieu de tenir compte non seulement de ses termes, mais également de son contexte et des objectifs poursuivis par la réglementation dont elle fait partie [voir arrêt du 2 juillet 2020, Magistrat der Stadt Wien (Grand hamster), C‑477/19, EU:C:2020:517, point 23 et jurisprudence citée].

29      Or, l’interprétation de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base proposée par la requérante revient à exclure les deux premières sources d’information que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement prévoit et à conférer une portée extensive à la troisième, en ce sens qu’elle devrait être appliquée même en l’absence de démonstration tendant à établir que les coûts concernés ne sont pas faussés.

30      D’abord, l’interprétation invoquée par la requérante ne peut pas s’appuyer sur le libellé de la disposition en cause, qui énumère trois options, dont la troisième est soumise à une condition précise. Ainsi qu’il résulte de l’emploi de l’adverbe « notamment », ces trois options ne sont pas exhaustives, de sorte que la Commission pourrait utiliser d’autres sources d’information que celles visées par ces trois options. Toutefois, la marge d’appréciation laissée à la Commission par le législateur quant au choix de recourir à des sources d’information complémentaires ne saurait permettre à celle-ci de retenir une quatrième source qui coïnciderait avec la troisième à ceci près qu’il ne serait pas nécessaire de satisfaire à la condition selon laquelle il doit être prouvé que les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur ne sont pas faussés.

31      Ensuite, cette interprétation n’est pas non plus corroborée par le contexte dans lequel s’insère l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base. En effet, cette disposition introduit des règles spécifiques qui se distinguent de celles résultant d’autres paragraphes de l’article 2 du règlement de base, en ce qu’elles s’appliquent aux cas dans lesquels le marché intérieur du pays exportateur présente des distorsions significatives. Dès lors, la référence faite à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier alinéa, du règlement de base au « contexte de l’application de la présente disposition ou de toute autre disposition pertinente du présent règlement » ne signifie pas que cette disposition doive, dans tous les cas, être interprétée de manière à ce qu’elle soit conforme aux dispositions de l’accord antidumping qui correspondent à d’autres dispositions de l’article 2 du règlement de base.

32      Enfin, quant aux objectifs de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, il y a lieu de relever que l’objectif poursuivi par cette disposition est d’éviter que, aux fins d’une enquête antidumping, ne soient utilisées des données relatives aux prix et aux coûts dans le pays exportateur qui seraient faussées par les distorsions significatives existant dans le marché intérieur de ce pays. Il est ainsi prévu d’utiliser soit les données relatives à un pays tiers représentatif approprié, soit des données internationales, soit encore les coûts sur le marché intérieur du pays exportateur, pourvu qu’il soit démontré que ceux-ci ne sont pas faussés.

33      Par conséquent, il y a lieu de constater que, par son argument résumé au point 27 ci-dessus, la requérante propose une interprétation contra legem de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, laquelle ne saurait être retenue.

34      En second lieu, la requérante soutient que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base doit être interprété de manière conforme à l’article 2.2 et à l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping.

35      D’une part, selon la requérante, l’article 2.2 de l’accord antidumping permet de construire la valeur normale, au lieu de la calculer sur la base des prix pratiqués dans le pays exportateur, seulement dans trois hypothèses, au nombre desquelles figure celle relative à l’existence d’une situation particulière du marché (ci-après la « SPM ») dans le pays exportateur.

36      La requérante précise que la notion de « SPM », telle qu’interprétée par les décisions de l’ORD, ne confère pas une liberté illimitée à l’autorité chargée d’une enquête antidumping (ci-après l’« autorité compétente »), mais couvre seulement les situations dans lesquelles la comparabilité entre la valeur normale et le prix à l’exportation est affectée. En revanche, une situation caractérisée par des distorsions significatives résultant d’interventions étatiques importantes sur le marché du pays exportateur ne permettrait pas, à elle seule, d’ignorer, dans les calculs de la valeur normale, des coûts enregistrés par les producteurs-exportateurs de ce pays et d’utiliser, au lieu de ceux-ci, les coûts exposés par les producteurs d’un pays tiers. Il incomberait à la Commission de prouver l’existence d’un lien entre cette situation et la comparabilité des prix. Or, en l’espèce, cette preuve n’aurait pas été rapportée.

37      D’autre part, selon la requérante, à supposer même qu’une distorsion des coûts des intrants donne lieu à une SPM, la méthode retenue par la Commission en l’espèce, qui entraîne l’obligation d’utiliser des coûts d’intrants provenant de sources non faussées et d’écarter les données relatives aux coûts de production des producteurs-exportateurs chinois inscrites dans leurs registres, est néanmoins contraire à l’article 2.2.1.1 de l’accord antidumping, tel qu’interprété par les décisions de l’ORD.

38      Il convient de rappeler que, ainsi qu’il a été relevé au point 23 ci-dessus, l’invocation du principe d’interprétation conforme par la requérante ne saurait aboutir à ce que le Tribunal contrôle la légalité de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC, sans avoir à démontrer que sont remplies les conditions requises par la jurisprudence pour l’exercice de ce contrôle.

39      Par ailleurs, il résulte du point 20 ci-dessus que, pour que le principe d’interprétation conforme soit pleinement applicable, les dispositions du droit de l’Union en cause doivent viser à mettre en œuvre des règles de l’OMC.

40      Il convient de rappeler que, par le règlement 2017/2321, le législateur de l’Union a modifié l’article 2 du règlement de base afin d’y insérer le paragraphe 6 bis et de modifier le paragraphe 7.

41      Selon la jurisprudence, l’article 2, paragraphe 7, du règlement de base, dans sa version antérieure à celle résultant du règlement 2017/2321, était l’expression de la volonté du législateur de l’Union d’adopter, dans ce domaine, une approche propre à l’ordre juridique de l’Union en instituant un régime spécial de règles détaillées relatives au calcul de la valeur normale à l’égard des importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché. Dès lors, il a été jugé que cette disposition ne pouvait pas être considérée comme une mesure destinée à assurer dans l’ordre juridique de l’Union l’exécution d’une obligation particulière assumée dans le cadre des accords de l’OMC, qui ne prévoyaient pas de règles concernant le calcul de la valeur normale pour les pays n’ayant pas une économie de marché (arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C‑718/20 P, EU:C:2022:362, point 88 ; voir également en ce sens et par analogie , arrêt du 16 juillet 2015, Commission/Rusal Armenal, C‑21/14 P, EU:C:2015:494, points 47 à 50). Le Tribunal a précisé que, dès lors que cette disposition établissait des règles concernant le calcul de la valeur normale qui ne trouvaient pas de correspondance dans les accords de l’OMC, la Commission n’était pas tenue de l’interpréter conformément aux obligations de l’Union dans le cadre de l’OMC. En effet, si tel avait été le cas, elle se trouverait privée du pouvoir d’appréciation que le législateur avait entendu lui accorder (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 19 septembre 2019, Zhejiang Jndia Pipeline Industry/Commission, T‑228/17, EU:T:2019:619, points 111 à 113).

42      Il y a lieu de considérer que ces principes sont applicables, par analogie, à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base.

43      En effet, cette disposition institue un régime spécial fixant les règles de détermination de la valeur normale en cas d’exportations provenant de pays dont il est établi que leur marché intérieur présente des distorsions significatives, telles que définies par cette même disposition. Or, le droit de l’OMC ne contient pas de règles spécifiques destinées au calcul de la valeur normale dans de telles situations.

44      Par ailleurs, il est vrai que le considérant 2 du règlement 2017/2321 précise que celui-ci « s’applique sans préjudice de la question de savoir si un État membre de l’OMC est ou non une économie de marché, et sans préjudice des conditions énoncées dans les protocoles et autres instruments conformément auxquels les pays ont adhéré à l’accord [instituant l’OMC] », au nombre desquels figure le protocole d’accession de la République populaire de Chine à l’OMC (ci-après le « protocole d’accession »).

45      Il est également vrai que le point 15 du protocole d’accession contient des règles spécifiques pour l’application de l’accord antidumping aux importations provenant de Chine et prévoit une période transitoire expirant au plus tard quinze ans après que la République populaire de Chine est devenue membre de l’OMC, soit le 11 décembre 2016.

46      Toutefois, la présence du considérant 2 dans le préambule du règlement 2017/2321 ne permet pas de conclure que, par ce règlement, le législateur de l’Union ait voulu créer un mécanisme mettant en œuvre le point 15 du protocole d’accession.

47      En tout état de cause, à supposer que le point 15 du protocole d’accession, après l’expiration de la période transitoire qu’il prévoit, s’oppose à l’utilisation, dans le cadre d’une enquête antidumping, d’une méthode destinée à déterminer la valeur normale qui ne soit pas fondée sur les prix ou les coûts chinois pour la branche de production faisant l’objet de celle-ci, il s’ensuivrait que l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base ne serait pas compatible avec ce point.

48      Étant donné que la requérante n’a pas soulevé d’exception d’illégalité contre l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC, cette éventuelle incompatibilité ne ferait que confirmer qu’il est impossible d’interpréter cette disposition dans le sens souhaité par la requérante.

49      En conséquence, il y a lieu de conclure que ne sont pas réunies les conditions requises pour que le principe d’interprétation conforme soit applicable à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base au regard des règles de l’OMC.

50      Partant, le premier moyen doit être rejeté.

 Sur la demande de la Commission tendant au rejet des deuxième à cinquième moyens comme inopérants

51      La Commission demande que les deuxième à cinquième moyens soient rejetés comme inopérants, au motif que ceux-ci portent sur la marge de dumping, évaluée à 115,6 % dans le règlement attaqué, alors que le droit antidumping applicable à la requérante correspond à la marge de préjudice, évaluée à 72,9 % dans le règlement attaqué. La requérante, qui supporterait la charge de la preuve, n’aurait pas démontré que, si les moyens en cause étaient fondés, la différence entre la marge de dumping et la marge de préjudice serait réduite à moins de zéro.

52      Par ailleurs, la Commission fait valoir que la requérante est tenue de démontrer l’existence d’un intérêt personnel, né et actuel, qui ne saurait concerner une situation future et hypothétique.

53      Au soutien du caractère opérant des moyens en cause, premièrement, la requérante invoque la jurisprudence relative à la violation des droits de la défense, selon laquelle il ne saurait être imposé à une partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait eu un contenu différent, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue (arrêts du 1er octobre 2009, Foshan Shunde Yongjian Housewares & Hardware/Conseil, C‑141/08 P, EU:C:2009:598, point 94, et du 11 juillet 2013, Hangzhou Duralamp Electronics/Conseil, T‑459/07, non publié, EU:T:2013:369, points 110 et 111). Cette jurisprudence serait transposable au cas d’espèce, dès lors que la requérante se trouverait dans la situation difficile où elle ne serait pas en mesure de présenter les chiffres du scénario contrefactuel. Bien que l’écart entre la marge de dumping et la marge de préjudice soit important, il ne pourrait pas être exclu que, à la suite de la correction des erreurs visées par les moyens en cause, la marge de dumping devienne inférieure à la marge de préjudice.

54      Deuxièmement, la requérante aurait un intérêt à ce que la Commission calcule correctement la marge de dumping, en vue des possibles réexamens des mesures instituées par le règlement attaqué, des autres procédures antidumping dont elle pourrait faire l’objet ou des demandes de remboursement des droits antidumping versés qu’elle pourrait former. Ces situations ne seraient pas futures et hypothétiques.

55      Troisièmement, la requérante rappelle que les données relatives à la valeur normale des produits fabriqués par elle ont été utilisées aux fins du calcul du droit antidumping applicable à un autre producteur-exportateur chinois, droit antidumping qui aurait été fixé sur le fondement non pas de la marge de préjudice de ce producteur-exportateur, mais de sa marge de dumping. La requérante ne devrait pas porter la responsabilité d’être la cause principale indirecte du fait que la marge de dumping d’un autre producteur-exportateur ait été surévaluée.

56      Il convient de rappeler que l’article 9, paragraphe 4, second alinéa, du règlement de base prévoit ce qui suit :

« Le montant du droit antidumping n’excède pas la marge de dumping établie et devrait être inférieur à cette marge si ce droit moindre suffit à éliminer le préjudice causé à l’industrie de l’Union […] »

57      Selon la jurisprudence, cette disposition énonce la règle dite du « droit moindre » (ci-après la « règle du droit moindre »), en vertu de laquelle il y a lieu d’utiliser la marge de préjudice pour déterminer le taux du droit antidumping lorsque la marge de dumping est plus élevée que la marge de préjudice, et vice-versa [voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06, EU:T:2010:70, point 94 et jurisprudence citée, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 49 et jurisprudence citée].

58      La règle du droit moindre a pour objectif notamment d’éviter que le droit antidumping imposé n’excède ce qui est nécessaire pour éliminer le préjudice causé par les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’institution des droits antidumping constitue une mesure de défense et de protection contre la concurrence déloyale résultant des pratiques de dumping et non une sanction ou une mesure conférant un avantage concurrentiel à l’industrie de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 50 et jurisprudence citée].

59      En l’espèce, au considérant 658 du règlement attaqué, la Commission a « comparé les marges de préjudice et les marges de dumping » et relevé que « [l]e montant des droits [antidumping] [devait] être fixé au niveau de la plus faible des deux marges ».

60      Au considérant 659 du même règlement figure le tableau ci-après :

Société

Marge de dumping

Marge de préjudice

Droit antidumping définitif

Shuangxin Group [T‑763/20]

115,6 %

72,9 %

72,9 %

Sinopec Group [T‑762/20]

17,3 %

57,6 %

17,3 %

Wan Wei Group [T‑764/20]

193,2 %

55,7 %

55,7 %

Autres sociétés ayant coopéré

80,4 %

57,9 %

57,9 %

Toutes les autres sociétés

193,2 %

72,9 %

72,9 %


61      Alors que la Commission a fait valoir l’inopérance des moyens en cause, en ce que la requérante n’aurait pas prouvé que, si ces moyens étaient fondés, la marge de dumping deviendrait inférieure à la marge de préjudice, de sorte que le droit antidumping devrait être réduit, la requérante a répondu en invoquant non seulement la charge de la preuve, mais également son intérêt à soulever ces moyens, ce qui a conduit la Commission à soutenir que cet intérêt n’était pas caractérisé en l’espèce.

62      Selon une jurisprudence constante, d’une part, dans le cadre d’un recours en annulation, est considéré comme inopérant un moyen qui, même dans l’hypothèse où il serait fondé, serait inapte à entraîner l’annulation que poursuit la partie requérante (ordonnance du 26 février 2013, Castiglioni/Commission, T‑591/10, non publiée, EU:T:2013:94, point 45, et arrêt du 15 janvier 2015, France/Commission, T‑1/12, EU:T:2015:17, point 73 ; voir également, en ce sens, arrêt du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38).

63      D’autre part, un moyen d’annulation est irrecevable au motif que l’intérêt à agir fait défaut lorsque, à supposer même qu’il soit fondé, l’annulation de l’acte attaqué sur la base de ce moyen ne serait pas de nature à donner satisfaction à la partie requérante (voir ordonnance du 14 juillet 2020, Shindler e.a./Commission, T‑627/19, EU:T:2020:335, point 47 et jurisprudence citée).

64      Ces deux questions sont distinctes [voir, en ce sens, arrêts du 21 septembre 2000, EFMA/Conseil, C‑46/98 P, EU:C:2000:474, point 38, et du 4 mai 2022, CRIA et CCCMC/Commission, T‑30/19, EU:T:2022:266, point 92 (non publié)].

65      Il y a lieu de considérer que, lorsque, dans le cadre d’un recours ayant pour objet une demande d’annulation d’un règlement instituant des droits antidumping dans lequel les institutions de l’Union ont appliqué la règle du droit moindre, la partie requérante soulève des moyens ou des branches de moyens qui remettent en cause la marge la plus élevée entre la marge de dumping et la marge de préjudice, la question qui se pose est celle du caractère opérant de ces moyens ou branches (voir, en ce sens, arrêts du 4 mars 2010, Foshan City Nanhai Golden Step Industrial/Conseil, T‑410/06, EU:T:2010:70, points 94 à 98, et du 21 mars 2012, Fiskeri og Havbruksnæringens Landsforening e.a./Conseil, T‑115/06, non publié, EU:T:2012:136, points 45 à 47).

66      Dès lors, il y a lieu de relever que sont dépourvus de pertinence les arguments des parties relatifs à l’intérêt de la requérante à soulever les moyens en cause.

67      Quant au caractère opérant des moyens en cause, en réponse à des questions écrites posées par le Tribunal, la Commission a maintenu sa position selon laquelle il incombait à la requérante de démontrer que ses moyens avaient une influence sur l’issue de l’enquête, mais a également estimé l’effet que chacun des moyens en cause, s’il était fondé, pourrait avoir sur la marge de dumping. En particulier, elle soutient que le bien-fondé du cinquième moyen est une condition nécessaire, quoique non suffisante, pour que les violations visées par les moyens en cause puissent réduire la marge de dumping à un niveau inférieur à la marge de préjudice. En effet, selon la Commission, si le cinquième moyen était fondé, elle serait tenue de recalculer la marge de dumping, qui devrait alors être réduite de 41,1 points de pourcentage et se situerait donc à 74,5 %. Cette marge serait encore supérieure à la marge de préjudice, qui atteint 72,9 %, mais, si d’autres moyens en cause, ou branches de ceux-ci, étaient à leur tour fondés, il serait possible que la marge de dumping devienne inférieure à la marge de préjudice. En revanche, la Commission fait valoir que, si le cinquième moyen était rejeté, la marge de dumping à recalculer demeurerait supérieure à la marge de préjudice, quand bien même les autres moyens en cause seraient fondés. En effet, ceux-ci viseraient de prétendues erreurs dont l’élimination pourrait, tout au plus, réduire la marge de dumping à un niveau qui continuerait à dépasser 90 %. Elle demeurerait ainsi supérieure, dans une proportion importante, à la marge de préjudice.

68      La requérante, si elle admet que le bien-fondé du cinquième moyen pourrait entraîner une réduction de la marge de dumping de 41,1 points de pourcentage, conteste les calculs de la Commission dont celle-ci tire la conclusion que ce bien-fondé est une condition sine qua non pour que les deuxième à quatrième moyens soient opérants, en ce sens que, s’ils étaient accueillis, la marge de dumping deviendrait inférieure à la marge de préjudice. Selon la requérante, si tous les moyens en cause, sauf le cinquième, étaient fondés, la marge de dumping s’en trouverait réduite à 71,1 % et serait ainsi inférieure à la marge de préjudice, qui se situe à 72,9 %. Lors de l’audience, en réponse à une question du Tribunal, la requérante a confirmé que ce chiffre de 71,1 % présupposait le bien-fondé du deuxième moyen, qui entraînerait une réduction de la marge de dumping de 8,6 points de pourcentage, et que, en cas de rejet de ce moyen, cette marge s’élèverait à 79,7 % et serait donc supérieure à la marge de préjudice.

69      Il s’ensuit que la requérante admet que, dans l’hypothèse où les deuxième et cinquième moyens seraient rejetés sur le fond, il serait exclu que les autres moyens en cause puissent entraîner une réduction de la marge de dumping telle que celle-ci deviendrait inférieure à la marge de préjudice. Par conséquent, il y a lieu de considérer que, dans cette hypothèse, les autres moyens en cause seraient nécessairement inopérants.

70      Dans ces circonstances, il y a lieu d’examiner sur le fond les deuxième et cinquième moyens, avant de se prononcer sur le caractère opérant des troisième et quatrième moyens.

 Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qui concerne le choix du pays représentatif approprié

71      La requérante soutient que la Commission a violé l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qu’elle a retenu la Turquie comme pays représentatif approprié, sur la base des données relatives à Ilkalem Ticaret Ve Sanayi AS (ci-après « Ilkalem »), alors qu’elle aurait dû choisir le Mexique, sur la base des données relatives à Solutia Tlaxcala SA de CV (ci-après « Solutia Tlaxcala ») ou à Wyn De Mexico Productos Quimicos SA de CV (ci-après « Wyn »).

72      En premier lieu, la requérante fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée la condition, figurant à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, selon laquelle, pour que les données relatives à une société établie dans le pays envisagé puissent être utilisées, celles-ci doivent être « aisément disponibles ».

73      En deuxième lieu, la requérante invoque la violation du devoir de diligence que la Commission devrait respecter lors du choix du pays représentatif approprié.

74      En troisième lieu, la requérante fait valoir que le Mexique était le pays représentatif le plus approprié, au motif qu’il applique un niveau de protection sociale et environnementale plus élevé que celui de la Turquie.

75      La Commission conteste les arguments de la requérante.

76      Les termes de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base ayant été repris au point 8 ci-dessus, il convient de résumer les principales étapes suivies, en l’espèce, par la Commission lors de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), dudit règlement, telles qu’elles résultent du règlement attaqué.

77      Selon le considérant 175 du règlement attaqué, le choix du pays représentatif a été effectué « sur la base des critères suivants :

–        le niveau de développement économique est semblable à celui de la [Chine ;]

–        la fabrication du produit soumis à l’enquête dans ce pays [;]

–        des données publiques pertinentes sont disponibles dans le pays en question [;]

–        lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs potentiels, la préférence est accordée, le cas échéant, au pays ayant un niveau adéquat de protection sociale et environnementale ».

78      Il résulte des considérants 177 à 184, 198, 199 et 203 du règlement attaqué que, après avoir envisagé cinq pays susceptibles d’être retenus en tant que pays représentatif approprié, la Commission a exclu trois de ceux-ci, de sorte qu’elle devait choisir entre les deux restants, à savoir le Mexique et la Turquie.

79      S’agissant du Mexique, la Commission a analysé la disponibilité des données financières de Solutia Tlaxcala et de Wyn (considérants 38, 200 à 202, 212, 229 et 230 du règlement attaqué).

80      Quant à Solutia Tlaxcala, la Commission a été confrontée au fait que la société mère, Solutia Europe SPRL/BVBA (ci-après « Solutia Europe »), un utilisateur de PVAL établi en Belgique, lui avait transmis les données financières nécessaires seulement sous une forme confidentielle, à laquelle le public ne pouvait pas avoir accès, et que ces données n’étaient pas disponibles dans la base de données Orbis (ci-après la « base Orbis »).

81      La Commission a également relevé que, si certains producteurs-exportateurs avaient soutenu que les données concernant Solutia Tlaxcala étaient disponibles dans la base de données Dun&Bradstreet (ci-après la « base Dun&Bradstreet »), ils s’étaient bornés à invoquer cet élément comme « preuve à première vue » de la disponibilité de ces données, mais ne les avaient pas produites. Dès lors, la Commission a conclu qu’elle ne pouvait pas utiliser ces données dans le cadre de la procédure.

82      Quant à Wyn, la Commission a relevé que les données financières publiques de celle-ci n’étaient disponibles que pour les six premiers mois de 2018 et que cette période ne coïncidait pas avec celle visée par son enquête et ne pouvait pas être considérée comme étant représentative d’une année entière, en raison des fluctuations saisonnières. De plus, la Commission a constaté que Wyn n’avait pas été rentable en 2017. Partant, la Commission a conclu que le Mexique ne pouvait pas être un pays représentatif approprié aux fins de son enquête.

83      S’agissant de la Turquie, la Commission a estimé qu’elle pouvait se fonder sur les données relatives à Ilkalem, qui étaient disponibles dans la base Orbis, notamment pour l’année 2018, et qui montraient que, si cette société avait été déficitaire au cours de cette année, en raison de charges financières élevées, l’examen des données relatives aux années précédentes permettait de qualifier ces charges d’exceptionnelles. Ainsi, la Commission a conclu que les données relatives à 2018 pouvaient être utilisées, moyennant un ajustement pour tenir compte de la nature exceptionnelle des charges financières supportées au cours de cette année (considérants 205, 206 et 213 à 215 du règlement attaqué).

84      Par ailleurs, aux considérants 221 et 226 du règlement attaqué, la Commission a précisé que, puisqu’elle avait établi que la Turquie était le seul pays représentatif approprié possible, il n’était pas nécessaire de procéder à l’évaluation du niveau de protection sociale et environnementale prévue à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier tiret, in fine, du règlement de base.

85      Les principes à appliquer pour l’interprétation d’une disposition de droit de l’Union ont été rappelés au point 28 ci-dessus.

86      Sur le plan littéral, la requérante fait valoir que l’interprétation de l’expression « données aisément disponibles » retenue par la Commission est incompatible avec le libellé de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, étant donné que les adverbes « aisément » et « publiquement » ne sont pas synonymes.

87      Il y a lieu de relever que, si le règlement attaqué n’est pas dépourvu d’ambiguïté à ce sujet, en ce qu’il utilise à plusieurs reprises les expressions « données […] publiques » et « données […] accessibles au public » (voir notamment considérants 175, 194, 202, 212 et 217 dudit règlement), au considérant 228 de ce règlement, la Commission a affirmé ce qui suit :

« 228 [C]onformément à l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base, les données n’ont pas à être “accessibles au public” mais “aisément disponibles”. La Commission a observé que “accessible au public” signifiait disponible pour le grand public tandis que “aisément disponible” signifiait disponible pour tous pour peu que certaines conditions, telles que le paiement d’un droit, soient remplies. Il est important de mentionner le fait que toutes les informations utilisées pour calculer la valeur normale ont été rendues disponibles dans le dossier public. Cela signifie que même lorsque les informations sont uniquement disponibles sur paiement, toutes les parties intéressées y avaient accès. »

88      Au regard de cette interprétation de l’expression « aisément disponibles », c’est à tort que la requérante soutient que la Commission a confondu les notions de « publiquement disponibles » et d’« aisément disponibles ». En effet, la Commission a établi une distinction entre ces deux notions, qu’elle n’a donc pas considérées comme étant équivalentes.

89      Sur le plan contextuel, la requérante souligne que, lorsque le règlement de base prévoit qu’un élément est destiné à être rendu public, cette précision figure expressément dans les dispositions pertinentes. Par ailleurs, il résulterait du droit de l’OMC que des obligations procédurales de confidentialité ne s’opposent pas à ce que, sur le fond, une autorité compétente utilise des données confidentielles.

90      D’une part, dès lors qu’il a déjà été relevé que la Commission n’a pas confondu les deux notions mentionnées au point 88 ci-dessus, il importe peu que, dans certaines dispositions du règlement de base, le législateur ait précisé que certains éléments devaient être rendus accessibles au public.

91      D’autre part, la Commission est fondée à soutenir que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base doit être interprété au regard des exigences découlant des dispositions de ce règlement consacrées au traitement confidentiel et de celles régissant l’information des parties, pour protéger leurs droits de la défense.

92      Sur le plan téléologique, la requérante soutient que l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base doit contribuer à l’objectif de ce dernier, qui consisterait à prévenir les pratiques de dumping sur le marché de l’Union et à assurer des échanges et une concurrence équitables sur ce marché. Ainsi, le choix par la Commission du pays représentatif approprié ne pourrait pas dépendre du consentement d’un producteur à la divulgation au public de ses données.

93      Or, si le règlement de base vise à assurer la défense contre les importations qui font l’objet d’un dumping en évitant notamment qu’un préjudice ne soit causé à une production établie dans l’Union (voir, par analogie, ordonnance du 11 octobre 2011, DBV/Commission, T‑297/10, non publiée, EU:T:2011:583, point 37 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 28 février 2008, Carboni e derivati, C‑263/06, EU:C:2008:128, point 39), le législateur a néanmoins décidé de poursuivre cet objectif tout en tenant compte des exigences liées au traitement confidentiel de certaines informations et à la protection des droits de la défense.

94      Il convient de rappeler les termes des dispositions du règlement de base pertinentes à ce sujet.

95      Selon l’article 19 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Toute information de nature confidentielle (par exemple parce que sa divulgation avantagerait de façon notable un concurrent ou aurait un effet défavorable notable pour la personne qui a fourni l’information ou pour celle auprès de qui elle l’a obtenue) ou qui serait fournie à titre confidentiel par des parties à une enquête est, sur exposé de raisons valables, traitée comme telle par les autorités.

2. Les parties intéressées qui fournissent des informations confidentielles sont tenues d’en donner des résumés non confidentiels. Ces résumés doivent être suffisamment détaillés afin de permettre de comprendre raisonnablement la substance des informations communiquées à titre confidentiel. Dans des circonstances exceptionnelles, lesdites parties peuvent indiquer que des informations ne sont pas susceptibles d’être résumées. Dans ces circonstances, les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni sont exposées.

3. S’il est considéré qu’une demande de traitement confidentiel n’est pas justifiée et si la personne qui a fourni l’information ne veut pas la rendre publique ni en autoriser la divulgation en termes généraux ou sous forme de résumé, l’information peut être écartée, sauf s’il peut être démontré de manière convaincante à partir de sources appropriées que l’information est correcte. Les demandes de traitement confidentiel ne peuvent être rejetées arbitrairement.

4. Le présent article ne s’oppose pas à la divulgation, par les autorités de l’Union, d’informations générales, notamment des motifs sur lesquels les décisions prises en vertu du présent règlement sont fondées, ni à la divulgation d’éléments de preuve sur lesquels les autorités de l’Union s’appuient dans la mesure nécessaire à la justification de ces motifs lors de procédures en justice. Une telle divulgation tient compte de l’intérêt légitime des parties intéressées à ce que leurs secrets d’affaires ne soient pas révélés.

5. La Commission et les États membres, y compris leurs agents, s’abstiennent de révéler toute information reçue en application du présent règlement pour laquelle la personne qui l’a fournie a demandé un traitement confidentiel, sans l’autorisation spécifique de cette dernière. 

[…] »

96      Aux termes de l’article 20 du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 1. Les plaignants, importateurs et exportateurs ainsi que leurs associations représentatives et les représentants du pays exportateur peuvent demander à être informés des détails sous-tendant les faits et considérations essentiels sur la base desquels des mesures provisoires ont été instituées […]

2. Les parties mentionnées au paragraphe 1 peuvent demander une information finale sur les faits et considérations essentiels sur la base desquels il est envisagé de recommander l’institution de mesures définitives ou la clôture d’une enquête ou d’une procédure sans institution de mesures, une attention particulière devant être accordée à l’information sur les faits ou considérations différents de ceux utilisés pour les mesures provisoires. 

[…] »

97      Selon l’article 6, paragraphe 7, du règlement de base, il est prévu ce qui suit :

« 7. Les plaignants, les importateurs et les exportateurs […] peuvent, sur demande écrite, prendre connaissance de tous les renseignements fournis par toute partie concernée par l’enquête, mis à part les documents internes établis par les autorités de l’Union ou de ses États membres, pour autant que ces renseignements soient pertinents pour la défense de leurs intérêts, qu’ils ne soient pas confidentiels au sens de l’article 19 et qu’ils soient utilisés dans l’enquête.

[…] »

98      Par ces dispositions, le règlement de base poursuit deux objectifs, à savoir, d’une part, permettre aux parties intéressées de défendre utilement leurs intérêts et, d’autre part, préserver la confidentialité des informations recueillies au cours de l’enquête (voir, par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 96 ; voir également, en ce sens et par analogie, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 142 et jurisprudence citée).

99      S’agissant du premier objectif mentionné au point 98 ci-dessus, il convient de rappeler que le respect des droits de la défense dans toute procédure ouverte à l’encontre d’une personne et susceptible d’aboutir à un acte faisant grief constitue un principe fondamental du droit de l’Union qui doit être garanti, même en l’absence de toute réglementation concernant la procédure. Ce principe revêt une importance capitale dans les procédures d’enquêtes antidumping (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 139 et jurisprudence citée).

100    En vertu dudit principe, les entreprises intéressées doivent avoir été mises en mesure, au cours de la procédure administrative, de faire connaître utilement leur point de vue sur la réalité et la pertinence des faits et circonstances allégués et sur les éléments de preuve retenus par la Commission à l’appui de son allégation de l’existence d’une pratique de dumping et du préjudice qui en résulterait (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 140 et jurisprudence citée).

101    S’agissant du second objectif mentionné au point 98 ci-dessus, il y a lieu de rappeler que la protection du secret d’affaires constitue un principe général du droit de l’Union. Le maintien d’une concurrence non faussée constitue un intérêt public important dont la sauvegarde peut justifier le refus de divulguer des informations relevant du secret d’affaires (voir, en ce sens, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 165 et jurisprudence citée).

102    Pour concilier les deux objectifs en cause, dans l’accomplissement de leur devoir d’information, les institutions de l’Union doivent agir avec toute la diligence requise en cherchant à donner aux entreprises concernées, dans la mesure où le respect du secret des affaires demeure assuré, des indications utiles à la défense de leurs intérêts et en choisissant, le cas échéant d’office, les modalités appropriées d’une telle communication (voir, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 141).

103    La nécessité de concilier ces objectifs résulte également du fait que, selon la jurisprudence, l’article 19 du règlement de base vise à protéger non seulement les secrets d’affaires, mais également les droits de la défense des autres parties à la procédure antidumping (voir arrêt du 15 octobre 2020, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, T‑307/18, non publié, EU:T:2020:487, point 82 et jurisprudence citée).

104    Au vu de ces dispositions et principes, il y a lieu de considérer que la Commission, lorsqu’elle cherche à obtenir, en application de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, des données « aisément disponibles », est en droit de refuser d’utiliser à cette fin des données qui sont considérées, par la partie qui les a fournies, comme étant confidentielles et dont elle n’arrive pas à obtenir un résumé non confidentiel sur la base duquel les autres parties intéressées par l’enquête pourraient exercer leurs droits de la défense.

105    Cette conclusion n’est pas remise en cause par le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Thaïlande – Droits antidumping sur les profilés en fer ou en aciers non alliés et les poutres en H en provenance de Pologne », adopté par l’ORD le 5 avril 2001 (WT/DS 122/AB/R) (ci-après le « rapport sur les profilés et les poutres »), invoqué par la requérante.

106    En effet, selon le point 111 du rapport sur les profilés et les poutres, il est prévu ce qui suit :

« [L]a prescription de l’article 3.1 [de l’accord antidumping] selon laquelle une détermination de l’existence d’un dommage doit être fondée sur des éléments de preuve “positifs” et comporter un examen “objectif” des éléments requis concernant le dommage ne signifie pas que la détermination doit être fondée uniquement sur le raisonnement ou les faits qui ont été divulgués aux parties à une enquête antidumping ou qui étaient discernables par elles. [Cet] article 3.1, au contraire, permet à une autorité [compétente] de fonder sa détermination sur tous les raisonnements et faits pertinents dont elle dispose. »

107    Toutefois, d’abord, il y a lieu de constater que l’article 3.1 de l’accord antidumping ne contient pas la condition, qui figure, en revanche, à l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, que les données que la Commission utilise doivent être « aisément disponibles ».

108    Ensuite, il convient de rappeler que, au point 107 du rapport sur les profilés et les poutres, l’organe d’appel précise qu'« [u]ne enquête antidumping […] comporte le rassemblement et l’évaluation à la fois de renseignements confidentiels et de renseignements non confidentiels » et que la « détermination de l’existence d’un dommage […] doit être fondée sur l’ensemble de ces éléments de preuve ». Il en conclut que « rien dans l’article 3.1 [de l’accord antidumping] [n’]oblige une autorité [compétente] à fonder une détermination de l’existence d’un dommage uniquement sur des renseignements non confidentiels ». Partant, si, en vertu des enseignements découlant de ce rapport, l’autorité compétente peut utiliser, en plus de renseignements non confidentiels, également des renseignements confidentiels, elle ne saurait se fonder exclusivement sur des renseignements confidentiels. Or, tel aurait été le cas si la Commission avait utilisé les données que Solutia Europe lui avait fournies quant à Solutia Tlaxcala.

109    Enfin, il doit être souligné que, au point 109 du rapport sur les profilés et les poutres, si l’organe d’appel rappelle que l’article 6 de l’accord antidumping « établit un cadre d’obligations [procédurales] qui, entre autres choses, exige que les autorités [compétentes] divulguent certains éléments de preuve, au cours de l’enquête, aux parties intéressées » et constate qu'« [i]l n’y a aucune raison de donner de ces obligations […] une lecture qui les inclue dans les dispositions de fond de l’article 3.1 » de cet accord, il précise que, ce faisant, il « ne laiss[e] pas entendre […] que la détermination de l’existence d’un préjudice établie en l’espèce […] satisfait nécessairement aux prescriptions [dudit] article ». En effet, selon l’organe d’appel, le groupe spécial, dont le rapport était contesté devant lui, « ayant constaté que l’allégation formulée par la [République de] Pologne au titre de [ce dernier article] ne satisfaisait pas aux prescriptions de l’article 6.2 du [mémorandum d’accord sur les règles et procédures régissant le règlement des différends, figurant à l’annexe 2 de l’accord instituant l’OMC], n’a pas examiné la question ».

110    Partant, l’organe d’appel a voulu éviter que, lorsqu’une partie, dans sa demande d’établissement d’un groupe spécial, a omis de soulever avec la clarté requise la question du respect par l’autorité compétente des obligations procédurales prévues à l’article 6 de l’accord antidumping, relatives au traitement confidentiel et aux droits de la défense, elle puisse pallier cette omission en soutenant que l’appréciation de la violation des dispositions de fond dont elle a valablement saisi ce groupe inclut l’examen du respect de ces obligations procédurales.

111    Il s’ensuit que le rapport sur les profilés et les poutres ne peut pas être interprété comme consacrant un principe général selon lequel une autorité compétente peut en toute circonstance utiliser des informations confidentielles.

112    En l’espèce, il est constant que Solutia Europe s’est opposée à la divulgation des données concernant Solutia Tlaxcala et qu’elle n’a pas fourni à la Commission un résumé non confidentiel de ces données. Ainsi, en vertu de l’article 19, paragraphe 3, du règlement de base, la Commission pouvait écarter ces données, sauf si elle pouvait les obtenir par d’autres sources.

113    À ce sujet, la requérante fait valoir que les données relatives à Solutia Tlaxcala sont disponibles dans la base Dun&Bradstreet, accessible sur abonnement. Il importerait peu que la Commission ait fait le choix de ne s’abonner qu’à la base Orbis.

114    Il y a lieu de constater que, dans ses observations sur l’information finale, la requérante a appelé l’attention de la Commission sur le fait que la base Dun&Bradstreet contenait des données aisément disponibles portant sur Solutia Tlaxcala et a inséré un hyperlien dans le passage pertinent de ces observations, tout en précisant que ces données étaient accessibles moyennant le paiement de droits d’accès.

115    Il résulte des réponses des parties principales à des questions écrites posées par le Tribunal que l’hyperlien indiqué par la requérante ne permettait pas d’avoir accès aux données de Solutia Tlaxcala contenues dans la base Dun&Bradstreet.

116    Par ailleurs, dans ses observations sur l’information finale, la requérante s’était bornée à indiquer qu’il existait une preuve « prima facie » de la possibilité d’obtenir les données de Solutia Tlaxcala dans la base Dun&Bradstreet.

117    Il s’ensuit que la requérante elle-même n’avait pas eu accès à ces données, de sorte qu’elle ignorait le degré de détail de celles-ci et la période qu’elles couvraient.

118    Dès lors, c’est à juste titre que, au considérant 230 du règlement attaqué, la Commission a refusé d’utiliser ces données.

119    S’agissant des arguments de la requérante tirés de la violation du devoir de diligence, dès lors que celle-ci invoque les principes résultant de la jurisprudence relative à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans sa version antérieure au règlement 2017/2321, qui seraient applicables par analogie, il y a lieu de rappeler les termes de cette disposition, qui se lit comme suit :

« Dans le cas d’importations en provenance de pays n’ayant pas une économie de marché […], la valeur normale est déterminée sur la base du prix ou de la valeur construite, dans un pays tiers à économie de marché, du prix pratiqué à partir d’un tel pays tiers à destination d’autres pays, y compris l’Union, ou, lorsque cela n’est pas possible, sur toute autre base raisonnable, y compris le prix effectivement payé ou à payer dans l’Union pour le produit similaire, dûment ajusté, si nécessaire, afin d’y inclure une marge bénéficiaire raisonnable.

Un pays tiers à économie de marché approprié est choisi d’une manière non déraisonnable, compte tenu de toutes les informations fiables disponibles au moment du choix […] »

120    Selon la jurisprudence relative à l’article 2, paragraphe 7, sous a), du règlement de base, dans sa version antérieure au règlement 2017/2321, le choix du « pays analogue » en vertu de cette disposition s’inscrit dans le cadre du large pouvoir d’appréciation dont disposent les institutions de l’Union dans le domaine de la politique commerciale commune, en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner (voir, par analogie, arrêt du 29 juillet 2019, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, C‑436/18 P, EU:C:2019:643, point 30 et jurisprudence citée). L’exercice du pouvoir d’appréciation des institutions de l’Union, lors du choix de ce pays, est soumis au contrôle juridictionnel. En effet, il incombe au juge de l’Union de vérifier le respect des règles de procédure, l’exactitude matérielle des faits retenus pour opérer le choix contesté, l’absence d’erreur manifeste dans l’appréciation de ces faits ou l’absence de détournement de pouvoir. En particulier, il convient de vérifier si ces institutions n’ont pas omis de prendre en considération des éléments essentiels en vue d’établir le caractère adéquat du pays choisi et si les éléments du dossier ont été examinés avec toute la diligence requise pour qu’il puisse être considéré que la valeur normale du produit concerné a été déterminée d’une manière appropriée et non déraisonnable (voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 29 mai 1997, Rotexchemie, C‑26/96, EU:C:1997:261, points 10 à 12 ; du 10 septembre 2015, Fliesen-Zentrum Deutschland, C‑687/13, EU:C:2015:573, point 51, et du 23 avril 2018, Shanxi Taigang Stainless Steel/Commission, T‑675/15, non publié, EU:T:2018:209, point 31 et jurisprudence citée).

121    En dépit des différences qui existent entre l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base et son ancien article 2, paragraphe 7, sous a), ces principes sont applicables par analogie en l’espèce, ainsi que le soutient la Commission.

122    En l’espèce, premièrement, la requérante fait valoir que la Commission a accepté les données relatives à Ilkalem, en dépit du fait que, pendant la période d’enquête, cette société était déficitaire en raison de charges financières exceptionnelles et que, dès lors, il était nécessaire d’opérer des ajustements sur la base des chiffres portant sur les trois exercices financiers précédents. L’acceptation de ces données serait en contradiction avec le fait que la Commission ait refusé les données relatives à Wyn, au motif que celles-ci couvraient une période qui ne coïncidait pas avec celle visée par son enquête. Ce serait donc à tort que la Commission aurait préféré les données d’Ilkalem à celles de Wyn ainsi qu’à celles de Solutia Tlaxcala, qui seraient non seulement « aisément disponibles », mais aussi intégrales et complètes.

123    Il y lieu de relever que la requérante ne conteste pas la réalité des considérations figurant dans le règlement attaqué, en vertu desquelles la Commission a exclu de se fonder sur les données relatives à Wyn, au motif que celles-ci ne portaient pas sur la période d’enquête et montraient que cette société n’avait pas fait de bénéfice en 2017 (voir point 82 ci-dessus). La requérante se borne à soutenir que cette exclusion contraste avec le fait que la Commission a accepté les données portant sur Ilkalem. Toutefois, il y a lieu de constater que ces dernières données, contrairement à celle relatives à Wyn, étaient disponibles pour l’année 2018 en entier, de sorte qu’elles couvraient au moins une partie de la période d’enquête. En outre, ces données montraient également qu’Ilkalem avait réalisé des bénéfices pendant les trois années précédentes et que l’absence de bénéfice en 2018 était due à des dépenses financières particulièrement élevées, que la Commission a qualifiées d’exceptionnelles. Or, la requérante n’a pas contesté le bien-fondé de cette qualification, pas plus qu’elle n’a démontré que les ajustements opérés par la Commission aux données d’Ilkalem de 2018 afin de contrebalancer l’effet de ces dépenses exceptionnelles n’étaient pas appropriés.

124    Eu égard au large pouvoir d’appréciation dont disposait la Commission en l’espèce quant au choix du pays représentatif approprié (voir points 120 et 121 ci-dessus), la requérante, pour que son moyen puisse être accueilli, doit apporter des éléments suffisants pour priver de plausibilité les appréciations des faits retenues dans le règlement attaqué (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 3 décembre 2019, Yieh United Steel/Commission, T‑607/15, EU:T:2019:831, point 110 et jurisprudence citée).

125    Partant, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante.

126    Deuxièmement, la requérante soutient que la Commission aurait dû à tout le moins effectuer une distinction entre, d’un côté, les données concernant les valeurs de substitution des facteurs de production (ci-après les « valeurs de substitution ») et, de l’autre, celles portant sur les frais VAG et sur la marge bénéficiaire. Les données d’Ilkalem seraient utiles uniquement pour ces derniers éléments, dès lors que les valeurs de substitution pourraient être obtenues auprès de sources publiques, notamment de la base de données Global Trade Atlas, qui contiendrait ces valeurs pour les matières premières mexicaines. La requérante signale que la Commission a déjà utilisé des données émanant de sources différentes dans une enquête antidumping, tout comme l’auraient fait les autorités des États-Unis d’Amérique.

127    Or, il y a lieu de relever que la requérante se borne à affirmer que la base de données Global Trade Atlas contient les valeurs de substitution relatives au Mexique, mais n’explique pas en quoi ces valeurs seraient plus pertinentes que celles portant sur la Turquie. A fortiori, elle ne démontre pas qu’il était manifestement erroné d’utiliser les valeurs de substitution turques.

128    En outre la requérante ne précise pas en quoi il serait manifestement erroné de retenir les données afférentes à un seul et même pays tiers tant pour les valeurs de substitution que pour les frais VAG et la marge bénéficiaire.

129    La requérante invoque la pratique de la Commission, qui démontrerait que celle-ci a déjà utilisé des données émanant de sources différentes, ainsi que la pratique des autorités des États-Unis d’Amérique, confirmée par les juridictions compétentes.

130    Toutefois, d’une part, selon la jurisprudence, la légalité d’un règlement instituant des droits antidumping doit s’apprécier au regard des règles de droit et, notamment, des dispositions du règlement de base, et non sur le fondement de la prétendue pratique décisionnelle antérieure des institutions de l’Union [voir, en ce sens et par analogie, arrêts du 10 février 2021, RFA International/Commission, C‑56/19 P, EU:C:2021:102, point 79 ; du 4 octobre 2006, Moser Baer India/Conseil, T‑300/03, EU:T:2006:289, point 45, et du 18 octobre 2016, Crown Equipment (Suzhou) et Crown Gabelstapler/Conseil, T‑351/13, non publié, EU:T:2016:616, point 107].

131    D’autre part, quant à la pratique des autorités des États-Unis d’Amérique, il y a lieu de relever que cette pratique ne peut porter que sur l’application du droit des États-Unis d’Amérique, dont les dispositions ne coïncident pas nécessairement avec celles du règlement de base, telles qu’interprétées par la Cour et par le Tribunal. Dès lors, quand bien même cette pratique porterait sur une situation factuelle et juridique comparable à celle en cause en l’espèce, ce que la requérante n’a pas établi, elle ne saurait lier le Tribunal.

132    Par conséquent, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante.

133    Enfin, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le Mexique présente un niveau de protection sociale et environnementale plus élevé que celui de la Turquie, il y a lieu de relever que, selon le libellé même de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), premier tiret, du règlement de base, la question du niveau de ces protections ne se pose que « lorsqu’il existe plusieurs pays représentatifs appropriés ».

134    Or, dès lors que, en l’espèce, la Commission était fondée à considérer qu’il existait des données pertinentes sur les frais VAG et sur la marge bénéficiaire seulement pour la Turquie, et non pour le Mexique, elle pouvait à juste titre conclure, aux considérants 221 et 226 du règlement attaqué, que la Turquie était le seul pays représentatif approprié et que, en conséquence, la question du niveau de protection sociale et environnementale ne se posait pas.

135    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le deuxième moyen comme étant non fondé.

 Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base

136    La requérante fait valoir que c’est à tort que la Commission, pour calculer la valeur normale des produits fabriqués par elle, a utilisé les données disponibles au sens de l’article 18 en ce qui concerne les facteurs de production autoproduits, tels que la vapeur et l’électricité, en dépit du fait qu’elle avait coopéré au mieux de ses possibilités, en répondant au questionnaire de la Commission.

137    Selon la requérante, la Commission, qui lui reproche de ne pas avoir attribué au produit concerné par l’enquête une part des coûts relatifs aux intrants dont elle a besoin pour les facteurs de production autoproduits qu’elle utilise pour produire ses PVAL, n’a pas tenu compte du fait que cette attribution est impossible, en raison des caractéristiques du procédé de production de ses PVAL.

138    Par ailleurs, dès lors que la requérante aurait coopéré avec la Commission au mieux de ses possibilités, cette dernière aurait été tenue, en vertu de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, de prendre en compte les informations qu’elle lui avait fournies et n’aurait pas été en droit d’utiliser les données disponibles au sens de cet article.

139    La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

140    Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 18 du règlement de base, consacré au « [d]éfaut de coopération », qui sont libellées comme suit :

« 1.      Lorsqu’une partie intéressée refuse l’accès aux informations nécessaires ou ne les fournit pas dans les délais prévus par le présent règlement, ou fait obstacle de façon significative à l’enquête, des conclusions préliminaires ou finales, positives ou négatives, peuvent être établies sur la base des données disponibles.

[…]

3.      Lorsque les informations présentées par une partie intéressée ne sont pas les meilleures à tous égards, elles ne doivent pas pour autant être ignorées, à condition que les insuffisances éventuelles ne rendent pas excessivement difficile l’établissement de conclusions raisonnablement correctes, que les informations soient fournies en temps utile, qu’elles soient contrôlables et que la partie ait agi au mieux de ses possibilités.

[…] »

141    Pour comprendre la raison d’être de l’article 18 du règlement de base, il y a lieu de rappeler qu’il incombe à la Commission, en tant qu’autorité investigatrice, d’établir l’existence d’un dumping, d’un préjudice et d’un lien de causalité entre les importations faisant l’objet d’un dumping et le préjudice établi. Dans la mesure où aucune disposition du règlement de base ne confère à la Commission le pouvoir de contraindre les parties intéressées à participer à l’enquête ou à produire des renseignements, cette institution est tributaire de la coopération volontaire de ces parties pour lui fournir les informations nécessaires. Dans ce contexte, il découle du considérant 27 du règlement de base que le législateur de l’Union a estimé « nécessaire de prévoir que, à l’égard de parties qui ne coopèrent pas d’une manière satisfaisante, d’autres renseignements peuvent être utilisés aux fins des déterminations et que ces renseignements peuvent être moins favorables auxdites parties que dans le cas où elles auraient coopéré ». Ainsi, l’objectif de l’article 18 du règlement de base est de permettre à la Commission de poursuivre l’enquête quand bien même les parties intéressées refuseraient de coopérer ou coopéreraient de manière insuffisante. Dès lors, étant donné qu’elles sont tenues de coopérer au mieux de leurs possibilités, les parties intéressées doivent fournir toutes les informations dont elles disposent et que les institutions estiment nécessaires afin d’établir leurs conclusions [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, points 54 à 56].

142    Le règlement de base ne définit pas ce qu’est une information « nécessaire » au sens de son article 18, paragraphe 1.

143    Selon la jurisprudence, il découle des termes, du contexte et de la finalité de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base que la notion d’« informations nécessaires » renvoie aux renseignements détenus par les parties intéressées que les institutions de l’Union leur demandent de fournir afin d’établir les conclusions qui s’imposent dans le cadre d’une enquête antidumping [voir, par analogie, arrêt du 14 décembre 2017, EBMA/Giant (China), C‑61/16 P, EU:C:2017:968, point 57].

144    Par ailleurs, il y a lieu de souligner que l’article 18 du règlement de base constitue la transposition en droit de l’Union du contenu de l’article 6.8 ainsi que de l’annexe II de l’accord antidumping (ci-après l’« annexe II »), à la lumière desquels il doit être interprété dans la mesure du possible (voir, par analogie, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 40 et jurisprudence citée).

145    Aux termes de l’article 6.8 de l’accord antidumping, il est prévu ce qui suit :

« Dans les cas où une partie intéressée refusera de donner accès aux renseignements nécessaires ou ne les communiquera pas dans un délai raisonnable, ou entravera le déroulement de l’enquête de façon notable, des déterminations préliminaires et finales, positives ou négatives, pourront être établies sur la base des données de fait disponibles. Les dispositions de l’[a]nnexe II seront observées lors de l’application du présent paragraphe. »

146    L’article 5 de l’annexe II correspond à l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, dès lors qu’il prévoit ce qui suit :

« Le fait que les renseignements fournis ne sont pas idéalement les meilleurs à tous égards ne saurait donner valablement motif de les ignorer aux autorités, à condition que la partie intéressée ait agi au mieux de ses possibilités. »

147    Il convient de relever que l’annexe II est « incorporé[e] par référence dans l’article 6.8 » de l’accord antidumping [rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184/AB/R, point 75)] et que les dispositions de cette annexe sont impératives, en dépit du fait qu’elles sont souvent formulées au conditionnel [rapport du groupe spécial « États-Unis – Mesures antidumping et compensatoires appliquées aux tôles en acier en provenance de l’Inde », adopté par l’ORD le 29 juillet 2002 (WT/DS 206/R, point 7.56)].

148    Selon le rapport du groupe spécial relatif au différend « Corée – Droits antidumping sur les importations de certains papiers en provenance d’Indonésie », adopté par l’ORD le 28 octobre 2005 (WT/DS 312/R, point 7.43), la décision de qualifier ou non une information donnée de nécessaire, au sens de l’article 6.8 de l’accord antidumping, doit être prise à la lumière des circonstances spécifiques de chaque enquête, et non dans l’abstrait. En outre, selon le rapport du groupe spécial relatif au différend « Communautés européennes – Mesure antidumping visant le saumon d’élevage en provenance de Norvège », adopté par l’ORD le 15 janvier 2008 (WT/DS 337/R, point 7.343), doit être considéré comme nécessaire, au sens de la même disposition, un renseignement particulier détenu par une partie intéressée et requis par l’autorité chargée de l’enquête antidumping (ci-après l’« autorité compétente ») afin d’établir ses « déterminations ».

149    Par ailleurs, il a été jugé que les informations relatives aux volumes de production et aux coûts de fabrication du produit concerné par une enquête antidumping étaient manifestement des informations nécessaires au sens de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base (voir, par analogie, arrêt du 22 septembre 2021, NLMK/Commission, T‑752/16, non publié, EU:T:2021:611, point 53).

150    En l’espèce, il résulte des considérants 274, 275 et 317 à 322 du règlement attaqué et des précisions que la Commission a fournies en cours d’instance, en réponse à une question du Tribunal, que celle-ci, pour construire la valeur normale, a eu recours aux données disponibles au sens de l’article 18 pour établir les volumes de consommation des intrants, tels que le charbon et l’eau, que la requérante utilisait pour produire les facteurs de production autoproduits qui intervenaient dans la production de ses PVAL, tels que l’électricité et la vapeur. En effet, la requérante n’avait pas fourni à la Commission les informations dont celle-ci estimait avoir besoin à cette fin.

151    Il n’est pas contesté que les facteurs de production autoproduits ont un rôle non négligeable dans la production des PVAL. Or, ces facteurs de production nécessitent à leur tour des intrants, qui constituent ainsi des coûts que la requérante expose pour produire ses PVAL. Dès lors que la valeur normale en l’espèce a été construite suivant une méthode fondée sur les coûts de production, il y a lieu de constater que la Commission avait besoin de connaître les volumes de consommation de tous les intrants utilisés pour produire les PVAL, y compris donc les intrants nécessaires pour la production des facteurs de production autoproduits.

152    La requérante fait valoir qu’il lui était impossible de fournir les données sollicitées par la Commission, en raison des spécificités de son procédé de production, dont le questionnaire préparé par cette dernière n’a pas tenu compte. En effet, les facteurs de production autoproduits ne seraient pas utilisés uniquement pour produire les PVAL. Elle invoque également le risque de double comptage qui, ainsi qu’elle l’aurait exposé au cours de l’enquête, découle du fait que la vapeur générée par des chaudières à charbon est utilisée, dans un premier temps, pour produire de l’énergie et, dans un second temps, pour produire des PVAL, avec de l’électricité qui n’est donc pas générée directement par le charbon. Dès lors, cette électricité et cette vapeur autoproduites ne seraient pas assimilables à des intrants traditionnels, tels que le charbon. En outre, la requérante souligne que son procédé est une réaction entièrement chimique au cours de laquelle différents ingrédients interagissent et parfois s’absorbent mutuellement, laissant des résidus qui pourront être utilisés à nouveau ou qui se transformeront en d’autres substances.

153    Il y a lieu de rappeler que, selon le considérant 319 du règlement attaqué, la requérante avait « déjà déclaré les intrants nécessaires à la production des facteurs de production autoproduits ». La Commission en tire la conclusion que « ces intrants pouvaient également être attribués au produit soumis à l’enquête ».

154    Il résulte du considérant 319 du règlement attaqué que la requérante avait indiqué à la Commission les intrants qui étaient nécessaires pour produire les facteurs de production autoproduits. Toutefois, la requérante estime ne pas être à même de préciser dans quelle mesure ces facteurs de production autoproduits, et donc les intrants nécessaires pour les produire, peuvent être attribués à la production de PVAL.

155    Il s’ensuit que la requérante conteste, en réalité, le bien-fondé de la méthode que la Commission a utilisée pour construire la valeur normale, en ce que cette méthode a conduit à surestimer la consommation des intrants concernés, qui ont été attribués dans une mesure trop importante à la production des PVAL, alors que les facteurs de production autoproduits n’étaient pas utilisés exclusivement pour produire ceux-ci. Or, cette contestation n’est pas de nature à démontrer qu’il était impossible de fournir les informations demandées par la Commission.

156    Par ailleurs, il convient de relever que, pour éviter que la Commission n’ait recours aux données disponibles au sens de l’article 18, la requérante aurait pu lui communiquer ces informations, sans préjudice de la possibilité de contester sur le fond, y compris devant le Tribunal, l’usage que la Commission en ferait.

157    Partant, il y a lieu de rejeter les arguments de la requérante relatifs à la violation de l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base.

158    S’agissant de ses arguments portant sur la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, l’article 18 de ce règlement vise, en ses paragraphes 1 et 3, des situations différentes. Ainsi, alors que l’article 18, paragraphe 1, du règlement de base décrit, de façon générale, des cas dans lesquels les informations qui sont nécessaires aux institutions, aux fins de l’enquête, n’ont pas été fournies, l’article 18, paragraphe 3, de ce règlement envisage les cas dans lesquels les données nécessaires, aux fins de l’enquête, ont été fournies, mais ne sont pas pertinentes, de sorte que les données disponibles ne doivent pas nécessairement être utilisées (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 22 mai 2014, Guangdong Kito Ceramics e.a./Conseil, T‑633/11, non publié, EU:T:2014:271, point 98 et jurisprudence citée).

159    En l’espèce, la Commission a utilisé les données disponibles au sens de l’article 18 seulement pour remplacer les éléments que la requérante ne lui avait pas fournis, en raison de la prétendue impossibilité de le faire.

160    Par ailleurs, il convient de préciser que l’ampleur des efforts déployés par une partie intéressée pour communiquer certains renseignements n’a pas nécessairement de rapport avec la qualité intrinsèque des renseignements fournis et n’en est, de toute façon, pas le seul élément déterminant. Ainsi, si les renseignements demandés ne sont finalement pas obtenus, la Commission est en droit de recourir aux données disponibles au sens de l’article 18 s’agissant desdits renseignements (voir, par analogie, arrêt du 4 mars 2010, Sun Sang Kong Yuen Shoes Factory/Conseil, T‑409/06, EU:T:2010:69, point 104).

161    Étant donné que la requérante n’a pas fourni les éléments que la Commission lui a demandés quant aux intrants des facteurs de production autoproduits, il y a lieu de constater que l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base n’était pas applicable et que la Commission ne pouvait qu’utiliser les données disponibles au sens de l’article 18, pour remplacer ces éléments.

162    En tout état de cause, selon l’organe d’appel, l’article 5 de l’annexe II exige des parties intéressées un degré d’effort très important [rapport de l’organe d’appel relatif au différend « États-Unis – Mesures antidumping appliquées à certains produits en acier laminés à chaud en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 23 août 2001 (WT/DS 184, point 102)].

163    Or, il ne saurait être considéré que la requérante ait accompli un tel effort, dès lors qu’elle a refusé de procéder à l’exercice comptable requis par la Commission pour attribuer aux PVAL une part des coûts de production des facteurs de production autoproduits.

164    Partant, il y a lieu d’écarter également les arguments de la requérante relatifs à la violation de l’article 18, paragraphe 3, du règlement de base.

165    Dans la réplique, la requérante soutient que la Commission ne lui a pas communiqué en temps utile le « rapport de vérification » qu’elle serait tenue de transmettre à une partie intéressée avant de lui envoyer la lettre par laquelle elle l’informe de son intention d’utiliser les données disponibles au sens de l’article 18. Cette irrégularité procédurale constituerait une violation de ses droits de la défense.

166    Il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, s’il ne saurait être imposé à la partie requérante de démontrer que la décision de la Commission aurait été différente en l’absence de l’irrégularité procédurale en cause, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue dès lors que cette partie aurait pu mieux assurer sa défense en l’absence de cette irrégularité, il n’en reste pas moins que l’existence d’une irrégularité se rapportant aux droits de la défense ne saurait conduire à l’annulation de l’acte en cause que dans la mesure où il existe une possibilité que, en raison de cette irrégularité, la procédure administrative ait pu aboutir à un résultat différent, portant ainsi atteinte concrètement aux droits de la défense (voir arrêt du 5 mai 2022, Zhejiang Jiuli Hi-Tech Metals/Commission, C‑718/20 P, EU:C:2022:362, point 49 et jurisprudence citée).

167    Or, la requérante n’a pas invoqué le moindre élément susceptible de démontrer qu’il n’était pas exclu que la procédure ait pu aboutir à un résultat différent si elle avait reçu le « rapport de vérification » plus tôt.

168    Dès lors, il y a lieu de rejeter le présent argument de la requérante comme non fondé, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur sa recevabilité, contestée par la Commission au motif que celui-ci n’avait pas été invoqué dans la requête.

169    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de rejeter le cinquième moyen comme étant non fondé.

170    Par ailleurs, en vertu des considérations exposées au point 69 ci-dessus, le rejet des deuxième et cinquième moyens comme étant non fondés permet d’écarter comme inopérants les troisième et quatrième moyens.

 Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix et de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement

171    Le sixième moyen se compose de trois branches, toutes relatives à la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base. Plus particulièrement, ces branches sont tirées, la première, de l’absence d’analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché, la deuxième, de l’absence d’ajustement permettant de tenir compte de la différence de qualité entre, d’un côté, les PVAL importés et, de l’autre, les PVAL produits dans l’Union et, la troisième, du défaut d’établissement de la sous-cotation des prix pour le produit concerné dans son ensemble. La requérante invoque également la violation corrélative de l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement.

172    Dès lors que la Commission, en plus de contester le bien-fondé de ce moyen, fait valoir que celui-ci n’est pas opérant, il y a lieu d’examiner au préalable cette question.

 Sur le caractère opérant du sixième moyen

173    La définition de l’inopérance d’un moyen a été rappelée au point 62 ci-dessus.

174    La Commission fait valoir que,  dans le règlement attaqué, en plus d’avoir examiné la sous-cotation des prix des importations, elle a constaté l’existence d’un blocage des prix des PVAL vendus par l’industrie de l’Union, ainsi qu’il résulte des considérants 460 à 462, 473 et 490 de ce règlement. La requérante n’aurait pas expliqué en quoi ses constatations relatives à ce blocage seraient insuffisantes pour soutenir sa conclusion selon laquelle les importations faisant l’objet d’un dumping causaient un préjudice à l’industrie de l’Union. Ainsi, le sixième moyen, par lequel la requérante conteste l’examen de la sous-cotation des prix des importations, serait inopérant.

175    La requérante répond que de simples déclarations, non étayées par des preuves, sur le blocage des prix ne permettent pas remédier aux violations de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base qu’elle invoque par le présent moyen.

176    Il convient de rappeler les termes des dispositions pertinentes de l’article 3 du règlement de base, qui est rédigé comme suit :

« 1.      Pour les besoins du présent règlement, le terme “préjudice” s’entend, sauf indication contraire, d’un préjudice important causé à l’industrie de l’Union, d’une menace de préjudice important pour l’industrie de l’Union ou d’un retard sensible dans la création d’une telle industrie, et est interprété conformément aux dispositions du présent article.

2.      La détermination de l’existence d’un préjudice se fonde sur des éléments de preuve positifs et comporte un examen objectif :

a)      du volume des importations faisant l’objet d’un dumping et de l’effet de ces importations sur les prix des produits similaires sur le marché de l’Union ; et

b)      de l’incidence de ces importations sur l’industrie de l’Union.

3.      En ce qui concerne le volume des importations faisant l’objet d’un dumping, on examine s’il y a eu une augmentation notable des importations faisant l’objet d’un dumping, soit en quantités absolues, soit par rapport à la production ou à la consommation dans l’Union. En ce qui concerne l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix, on examine s’il y a eu, pour les importations faisant l’objet d’un dumping, une sous-cotation notable du prix par rapport au prix d’un produit similaire de l’industrie de l’Union ou si ces importations ont, d’une autre manière, pour effet de déprimer sensiblement les prix ou d’empêcher dans une mesure notable des hausses de prix qui, sans cela, se seraient produites. Un seul ou plusieurs de ces facteurs ne constituent pas nécessairement une base de jugement déterminante.

[…]

5. L’examen de l’incidence des importations faisant l’objet d’un dumping sur l’industrie de l’Union concernée comporte une évaluation de tous les facteurs et indices économiques pertinents qui influent sur la situation de cette industrie […]

6. Il doit être démontré à l’aide de tous les éléments de preuve pertinents présentés en relation avec le paragraphe 2 que les importations faisant l’objet d’un dumping causent un préjudice au sens du présent règlement. En l’occurrence, cela implique la démonstration que le volume et/ou les niveaux des prix visés au paragraphe 3 ont un impact sur l’industrie de l’Union au sens du paragraphe 5 et que cet impact est tel qu’on puisse le considérer comme important. »

177    Les dispositions de l’article 3, paragraphes 2, 3, 5 et 6, du règlement de base présentent une similitude importante, voire une identité avec celles de l’article 3.1, de l’article 3.2 et de l’article 3.5 de l’accord antidumping. Dès lors, les principes rappelés aux points 20 à 22 s’appliquent.

178    Selon le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Chine – Droits compensateurs et droits antidumping visant les aciers dits magnétiques laminés, à grains orientés, en provenance des États-Unis », adopté par l’ORD le 16 novembre 2012 (WT/DS 414/AB/R, point 137), les éléments pertinents pour l’examen de la sous-cotation notable des prix peuvent être différents de ceux qui sont pertinents pour l’examen de la dépression notable des prix ou de l’empêchement notable de hausses de prix. Par conséquent, même si les prix des importations visées ne sont pas sous-cotés dans une mesure notable par rapport à ceux des produits nationaux similaires, les importations visées pourraient tout de même avoir un effet de dépression des prix ou d’empêchement de hausses de prix sur les prix intérieurs.

179    De même, il résulte du rapport du groupe spécial relatif au différend « Corée – Droits antidumping visant les valves pneumatiques en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 30 septembre 2019 (WT/DS 504/R, point 7.299), que, si l’existence d’une sous-cotation des prix des importations est souvent invoquée comme élément donnant à penser que les importations faisant l’objet d’un dumping ont pour effet de déprimer les prix ou d’empêcher des hausses de prix pratiqués par l’industrie du pays importateur, l’autorité compétente peut dûment considérer que les importations faisant l’objet d’un dumping ont pour effet de déprimer les prix ou d’empêcher des hausses de prix même en l’absence de sous-cotation.

180    En l’espèce, les parties s’accordent sur le fait que, en principe, un blocage des prix pratiqués par l’industrie de l’Union peut se produire même à défaut de sous-cotation des prix des importations.

181    Toutefois, alors que, selon la Commission, les constatations figurant dans le règlement attaqué au sujet de l’existence d’un blocage des prix pratiqués par l’industrie de l’Union sont indépendantes de celles concernant la sous-cotation des prix des importations, la requérante fait valoir que ce blocage est une conséquence de cette sous-cotation.

182    Il convient de rappeler que le considérant 490 du règlement attaqué est rédigé comme suit :

« L’analyse des indicateurs de préjudice figurant aux considérants 398 à 478 montre que la situation économique de l’industrie de l’Union s’est détériorée au cours de la période considérée, et que cela a coïncidé avec une forte augmentation des importations faisant l’objet d’un dumping en provenance du pays concerné qui, selon les constatations, ont entraîné une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête et un blocage significatif des prix, puisque l’industrie de l’Union n’a pas pu augmenter ses prix à hauteur de l’augmentation du coût de production. »

183    En raison de la seule conjonction « et » qui figure, dans certaines versions linguistiques du règlement attaqué, entre « une sous-cotation des prix de l’industrie de l’Union au cours de la période d’enquête » et « blocage significatif des prix », le considérant 490 dudit règlement pourrait être lu en ce sens que la forte augmentation des importations chinoises a entraîné, d’une part, une sous-cotation des prix et, d’autre part, un blocage des prix qui serait autonome par rapport à la sous-cotation des prix.

184    Il convient néanmoins de déterminer si le règlement attaqué contient une analyse du lien entre ce blocage des prix et l’augmentation des importations qui serait fondé sur des éléments autres que ceux relatifs à la sous-cotation des prix.

185    À ce sujet, la Commission invoque les considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué.

186    Il résulte des considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué que la Commission a étudié l’évolution des prix de vente pratiqués par l’industrie de l’Union et a constaté que ces prix avaient augmenté de 14 % pendant la période considérée, alors que le coût de production unitaire avait augmenté de 24 %, en raison de la hausse du prix de la principale matière première utilisée. Elle a relevé que la pression sur les prix exercée par les importations chinoises avait empêché l’industrie de l’Union d’augmenter davantage ses prix et de compenser cette hausse.

187    Il s’ensuit que les considérants 460 à 462 et 473 du règlement attaqué ne peuvent pas être interprétés en ce sens que le blocage des prix de l’industrie de l’Union découle de facteurs autres que la sous-cotation des prix des importations. En effet, la raison pour laquelle cette industrie, en dépit de la hausse importante du coût de production unitaire, n’a pas augmenté ses prix dans une mesure correspondante réside dans la pression exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping. Cette pression résulte du fait que les prix pratiqués par les producteurs-exportateurs chinois sont inférieurs à ceux de l’industrie de l’Union, ce qui correspond à l’existence d’une sous-cotation des prix des importations.

188    Par ailleurs, c’est à tort que la Commission invoque les points 95 à 99 de l’arrêt du 14 septembre 2022, Methanol Holdings (Trinidad)/Commission (T‑744/19, sous pourvoi, EU:T:2022:558), et les points 257 à 261 de l’arrêt du 14 septembre 2022, Nevinnomysskiy Azot et NAK “Azot”/Commission (T‑865/19, non publié, sous pourvoi, EU:T:2022:559), au soutien de l’inopérance des arguments de la requérante visant son analyse de la sous-cotation des prix. En effet, s’agissant du premier de ces arrêts, la question traitée aux points sur lesquels la Commission s’appuie portait sur la recevabilité d’un grief soulevé dans la réplique, alors que, en l’espèce, le sixième moyen a été soulevé dans la requête. En outre, dans ces deux arrêts, aux points qui suivent immédiatement ceux sur lesquels la Commission s’appuie, le Tribunal a souligné qu’il existait un lien entre, d’un côté, la sous-cotation des prix et, de l’autre, la dépression et le blocage des prix. Ainsi, le Tribunal n’a pas attribué de valeur autonome à la dépression ou au blocage des prix dans la constatation de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union.

189    Au vu de ce qui précède, il y a lieu de conclure que, contrairement à ce que soutient la Commission, le sixième moyen est opérant, de sorte que la question de son bien-fondé doit être examinée.

 Sur le bien-fondé du sixième moyen

–       Sur la première branche

190    La requérante soutient que, contrairement à ce que la Commission a retenu dans le règlement attaqué, le marché des PVAL est divisé en deux segments. Le premier segment porterait sur les grades de PVAL de haute qualité, caractérisés par des intervalles de viscosité et d’hydrolyse étroits, par une faible teneur en méthanol, par une faible teneur en cendres et par des particules de taille plus petite. Ces grades de PVAL seraient vendus à des prix plus élevés. Le second segment concernerait les grades de qualité moindre, caractérisés par des intervalles de viscosité et d’hydrolyse larges, par une forte teneur en méthanol, par une forte teneur en cendres et par des particules de taille plus importante. Ces grades de PVAL seraient vendus à des prix plus bas.

191    La requérante souligne que, si, en théorie, certaines industries utilisant des grades de PVAL de qualité inférieure pourraient se tourner vers des grades de PVAL de qualité supérieure, un tel changement serait dépourvu de sens d’un point de vue économique. Les industries utilisant des grades de PVAL de qualité supérieure, quant à elles, ne pourraient pas remplacer ceux-ci par des grades de moindre qualité.

192    En raison des différences significatives en termes de prix et de qualité entre les grades de PVAL relevant du premier ou du second segment de marché susmentionnés, ces grades ne seraient pas directement interchangeables du côté de la demande.

193    Selon la requérante, dès lors que le marché des PVAL est divisé entre les deux segments susmentionnés, la Commission était tenue de prendre en considération l’existence de ceux-ci dans son analyse de la sous-cotation des prix, notamment au vu du fait que de nombreux producteurs chinois produisaient principalement des PVAL relevant du segment inférieur, alors que les PVAL produits dans l’Union appartenaient généralement au segment supérieur.

194    Pour étayer ses arguments, la requérante invoque notamment le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Chine – Mesures imposant des droits antidumping sur les tubes, sans soudure, en acier inoxydable haute performance en provenance du Japon », adopté par l’ORD le 28 octobre 2015 (WT/DS 454/AB/R, point 5.181) (ci-après le « rapport HP-SSST »).

195    À la suite du prononcé de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38), la requérante, en réponse à une question écrite du Tribunal, a précisé ses arguments au regard des enseignements découlant de cet arrêt, par lequel la Cour a annulé l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), que la requérante avait invoqué dans ses mémoires. Selon elle, la présente espèce correspond aux trois circonstances exceptionnelles, résultant dudit arrêt de la Cour, pour que la Commission ne puisse pas se borner à examiner la sous-cotation des prix sur la base des numéros de contrôle de produit (ci-après les « NCP »), mais soit tenue de procéder à une analyse par segment de marché. En effet, premièrement, le marché des PVAL serait composé de deux segments distincts, deuxièmement, les prix des PVAL seraient sensiblement différents selon le segment et, troisièmement, les ventes des PVAL produits par l’industrie de l’Union seraient concentrées sur le segment des PVAL de haute qualité, alors que les importations provenant de Chine seraient concentrées sur le segment des PVAL de qualité moindre.

196    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

197    Les dispositions pertinentes de l’article 3 du règlement de base ont été rappelées au point 176 ci-dessus.

198    À titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, selon une jurisprudence constante, dans le domaine de la politique commerciale commune, et tout particulièrement en matière de mesures de défense commerciale, les institutions de l’Union disposent d’un large pouvoir d’appréciation en raison de la complexité des situations économiques et politiques qu’elles doivent examiner. Ce large pouvoir d’appréciation porte notamment sur la détermination de l’existence d’un préjudice causé à l’industrie de l’Union dans le cadre d’une procédure antidumping. Le contrôle juridictionnel d’une telle appréciation doit ainsi être limité à la vérification du respect des règles de procédure, de l’exactitude matérielle des faits retenus, de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation de ces faits ou de l’absence de détournement de pouvoir (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 35 et 36 et jurisprudence citée).

199    En outre, le contrôle par le Tribunal des éléments de preuve sur lesquels les institutions de l’Union fondent leurs constatations ne constitue pas une nouvelle appréciation des faits remplaçant celle de ces institutions. Ce contrôle n’empiète pas sur le large pouvoir d’appréciation desdites institutions dans le domaine de la politique commerciale, mais se limite à relever si ces éléments sont de nature à étayer les conclusions tirées par celles-ci. Il appartient, dès lors, au Tribunal non seulement de vérifier l’exactitude matérielle des éléments de preuve invoqués, leur fiabilité et leur cohérence, mais également de contrôler si ces éléments constituent l’ensemble des données pertinentes devant être prises en considération pour apprécier une situation complexe et s’ils sont de nature à fonder les conclusions qui en sont tirées (voir arrêt du 12 mai 2022, Commission/Hansol Paper, C‑260/20 P, EU:C:2022:370, point 59 et jurisprudence citée).

200    S’agissant plus particulièrement du calcul de la sous-cotation du prix des importations, il résulte de la jurisprudence que celui-ci est réalisé, conformément à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, aux fins de la détermination de l’existence d’un préjudice subi par l’industrie de l’Union du fait de ces importations et il est utilisé, plus largement, en vue d’évaluer ce préjudice et de déterminer la marge de préjudice, à savoir le niveau d’élimination dudit préjudice (voir, par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 176).

201    Le règlement de base ne contient pas de définition de la notion de « sous-cotation du prix » et ne prévoit pas de méthode pour le calcul de cette dernière (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 73 ; voir également, par analogie, arrêt du 10 avril 2019, Jindal Saw et Jindal Saw Italia/Commission, T‑301/16, EU:T:2019:234, point 175).

202    Toutefois, il ressort des termes mêmes de l’article 3, paragraphe 3, du règlement de base que la méthode suivie pour déterminer une éventuelle sous-cotation des prix doit, en principe, être opérée au niveau du « produit similaire », au sens de l’article 1er, paragraphe 4, dudit règlement, même si celui-ci peut être composé de différents types de produit relevant de plusieurs segments de marché (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 74 et jurisprudence citée).

203    Partant, le règlement de base n’impose, en principe, pas d’obligation à la Commission d’effectuer une analyse de l’existence de la sous-cotation des prix à un niveau autre que celui du produit similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 75).

204    Cette interprétation est confirmée par le point 5.180 du rapport HP‑SSST, invoqué par la requérante, aux termes duquel l’autorité compétente n’est pas tenue, au titre de l’article 3.2 de l’accord antidumping, d’établir l’existence d’une sous-cotation des prix pour chacun des types de produit visés par l’enquête ou en ce qui concerne toute la gamme des produits constituant le produit national similaire (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 76).

205    Toutefois, ainsi que le confirme le point 5.180 du rapport HP-SSST, dès lors que, en vertu de l’article 3, paragraphe 2, du règlement de base, la Commission est tenue de procéder à un « examen objectif » de l’effet des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix des produits similaires de l’industrie de l’Union, elle est obligée de tenir compte dans son analyse de la sous-cotation des prix de tous les éléments de preuve positifs pertinents, y compris, le cas échéant, ceux relatifs aux différents segments de marché du produit considéré (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 77).

206    En outre, il résulte de la jurisprudence que l’examen de la sous-cotation des prix sur la base d’une méthode consistant à effectuer une comparaison NCP par NCP (ci-après la « méthode des NCP ») permet, dans une certaine mesure, de tenir compte de l’éventuelle segmentation du marché du produit considéré (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 106, 113 et 114).

207    Il n’en demeure pas moins que, afin d’assurer l’objectivité de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission peut, dans certaines circonstances, être tenue de procéder à une telle analyse au niveau des segments de marché du produit en cause, même si le large pouvoir d’appréciation dont dispose cette institution, notamment pour la détermination de l’existence d’un préjudice (voir point 198 ci-dessus), s’étend, à tout le moins, aux décisions relatives au choix de la méthode d’analyse, aux données et aux preuves à recueillir, à la méthode de calcul à utiliser pour déterminer la marge de sous-cotation ainsi qu’à l’interprétation et à l’évaluation des données recueillies (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 78).

208    Ainsi, une analyse complémentaire de la sous-cotation des prix, consistant, en sus de l’application de la méthode des NCP, à comparer les prix dans chaque segment, peut s’imposer à la Commission dans certaines circonstances exceptionnelles (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 111).

209    Ces circonstances exceptionnelles portent sur l’existence aussi bien d’une segmentation caractérisée du marché du produit considéré impliquant des variations importantes entre les segments de marché (ci-après la « première condition ») que d’une situation marquée par une forte concentration des ventes intérieures et des importations faisant l’objet d’un dumping sur des segments distincts (ci-après la « seconde condition ») (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 79 à 81, 110 et 111).

210    C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner les arguments de la requérante invoqués à l’appui de la présente branche du sixième moyen.

211    Dans le règlement attaqué, la Commission a relevé ce qui suit :

« (60)      Les informations recueillies au cours de l’enquête ont également montré que certains grades (vendus à la fois par l’industrie de l’Union et les producteurs-exportateurs) servaient à de nombreuses applications et étaient généralement moins chers. D’autres grades plus spécialisés, conçus pour des applications répondant à des spécifications strictes […], sont en moyenne plus chers. Ces grades sont également vendus par des producteurs de l’Union et des producteurs-exportateurs.

(61)      Néanmoins, malgré le grand nombre de grades, la Commission a constaté qu’il n’existait pas de segments définis sur le marché des PVAL. Des utilisateurs peuvent se procurer différents grades de PVAL, en fonction des spécifications techniques requises. Pour certains utilisateurs, la teneur en cendres constitue l’élément le plus important, pour d’autres il s’agit de la viscosité, et certains d’entre eux peuvent s’accommoder de la plupart des spécifications. Chaque industrie utilisatrice peut interchanger une série de grades de PVAL. Même si certains utilisateurs […] ne peuvent utiliser qu’un nombre limité de grades, ceux-ci coïncident néanmoins avec ceux utilisés par d’autres types d’utilisateurs, lesquels sont en mesure de s’approvisionner en un plus grand nombre de grades.

(62)      Pour les raisons susmentionnées, la Commission est arrivée à la conclusion que tous les grades se faisaient concurrence, à tout le moins dans une certaine mesure, et qu’une analyse par segment n’était ni justifiée ni opportune en l’espèce […]

(64)      L’analyse effectuée par la Commission a confirmé que, comme expliqué au considérant 61, les différents grades étaient interchangeables, au moins jusqu’à une certaine limite. Même s’il est vrai que certains utilisateurs ne peuvent se procurer qu’un ensemble limité de grades pour leur application, ces grades ne relèvent pas exclusivement de l’industrie en aval d’un utilisateur donné mais se superposent avec les grades obtenus par d’autres applications en aval. De surcroît, l’enquête a révélé que les producteurs-exportateurs chinois fournissaient des grades aux fins des quatre applications principales du PVAL et que ceux-ci étaient en pleine concurrence avec les grades vendus par l’industrie de l’Union.

[…]

(78)      [L]es différents grades de PVAL partagent des caractéristiques de base et leurs utilisations sont dans une large mesure identiques et interchangeables. Les niveaux des teneurs en cendres ou en méthanol ne définissent pas, à eux seuls, les applications ou le prix du produit concerné, car c’est la combinaison avec les autres caractéristiques pertinentes, telles que la viscosité et l’hydrolyse, qui définit les caractéristiques du grade, son utilisation finale éventuelle et le prix de vente.

(79)      Les éléments de preuve recueillis au cours de l’enquête ont révélé que la différence de prix moyenne entre les grades de PVAL à “faible teneur en cendres” et ceux à “teneur ordinaire en cendres” est d’environ 10 %. Toutefois, les prix du PVAL peuvent varier jusqu’à 40 % entre différents grades de PVAL ayant la même teneur en cendres. En outre, certains grades prétendument moins onéreux ayant une teneur en cendres “ordinaire” peuvent être jusqu’à 27 % plus chers que ceux ayant une “faible teneur en cendres”. Par conséquent, il ne peut être conclu, comme le prétendent les parties intéressées, que le marché de l’Union était divisé en PVAL de haute qualité (produit par l’industrie de l’Union) et en PVAL de basse qualité (importé de [Chine]) sur la base de la teneur en cendres et en méthanol, ni que cette prétendue division se reflétait dans les prix et les coûts de production. Au contraire, […] plusieurs grades avec des spécifications “normales” allégées sont également en concurrence avec des grades prétendument “haut de gamme” du produit similaire. »

212    Il s’ensuit que la Commission a exclu tant l’existence d’une segmentation caractérisée du marché des PVAL que la forte concentration des ventes de l’industrie de l’Union et des importations faisant l’objet d’un dumping sur deux segments distincts.

213    Dès lors que la Commission était tenue d’effectuer un examen objectif de la sous-cotation des prix (voir points 205 et 207 ci-dessus), il y a lieu de vérifier si ses constatations sont suffisamment étayées par les éléments du dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué.

214    À cet égard, il y a lieu de relever qu’un règlement fixant des droits antidumping doit contenir l’essentiel du raisonnement tenu par la Commission, mais n’a pas à comporter de motivation spécifique pour chacun des nombreux arguments factuels invoqués par les parties intéressées. Le Tribunal peut ainsi demander à la Commission des explications complémentaires et tenir compte de celles-ci lors de son contrôle, pourvu qu’elles se fondent sur des éléments faisant partie du dossier de la Commission (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, points 92, 93, 95 et 96 et jurisprudence citée).

215    En l’espèce, le Tribunal a demandé à la Commission de préciser les éléments du dossier qui lui ont permis d’exclure tant l’existence d’un marché segmenté que la concentration des importations et des ventes de l’industrie de l’Union dans des segments distincts.

216    À ce sujet, la Commission s’est référée aux réponses des utilisateurs de PVAL à sa demande d’informations relative à leurs achats de PVAL par NCP et aux données que lui a fournies Kuraray.

217    Quant à l’absence de segmentation caractérisée, la Commission a produit un exemple de sa demande d’informations, alors qu’elle n’a pas produit les réponses reçues, qualifiées de confidentielles. Elle a également déposé un extrait du site Internet de Kuraray. Lors de l’audience, sans être contredite par la requérante, la Commission a précisé qu’une version précédente de cet extrait figurait au dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué.

218    Il y a lieu de constater que l’extrait du site Internet de Kuraray démontre que plusieurs grades de PVAL trouvent leurs utilisations principales tant dans des industries qui sont censées utiliser des PVAL de qualité élevée que dans des industries qui sont censées utiliser des PVAL de qualité moins élevée. Ainsi que le fait observer la Commission, plusieurs grades de PVAL utilisés par l’industrie du papier et des adhésifs le sont aussi par l’industrie de la polymérisation en émulsion et de la production de butyral de polyvinyle. En conséquence, cet extrait permet de confirmer que le marché des PVAL ne présente pas de segmentation caractérisée.

219    Par ailleurs, il convient de relever que, dès lors que la première condition porte sur l’existence d’une segmentation caractérisée du produit en cause, pour exclure que celle-ci soit remplie, contrairement à ce que soutient la requérante, il n’est pas nécessaire que tous les utilisateurs puissent acheter indifféremment tous les grades de PVAL et qu’il existe dès lors une interchangeabilité totale de ces grades.

220    Par conséquent, il y a lieu de constater que, en l’espèce, la première condition n’est pas satisfaite.

221    Dès lors, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur la seconde condition, il peut déjà être considéré que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix complémentaire par rapport à celle fondée sur la méthode des NCP.

222    En tout état de cause, s’agissant de la seconde condition, il y a lieu de relever ce qui suit.

223    Le dossier de la présente affaire contient trois tableaux, qui figuraient au dossier de la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, relatifs chacun à l’un des trois principaux producteurs-exportateurs chinois ayant coopéré, dont la requérante. Ces tableaux affichent les quantités de PVAL, par NCP, importées dans l’Union. En revanche, pour des raisons de confidentialité, ces tableaux ne montrent pas quel est, par NCP, l’importance des ventes effectuées par Kuraray. L’étude des chiffres figurant dans ces tableaux permet d’établir que les importations, prises dans leur ensemble, couvrent huit NCP différents, dans leurs versions révisées, non contestées par la requérante, et que les quantités relatives à deux de ces NCP équivalent, pour chacun de ceux-ci, à environ 29 % du total des importations de ces producteurs-exportateurs, alors que les quantités relatives aux six autres NCP atteignent des pourcentages compris entre 3,24 et 9,54 %.

224    Par conséquent, il ne saurait être considéré que les importations présentent une forte concentration, de sorte que, même sans disposer des données relatives aux ventes de Kuraray, il y a lieu de constater que la seconde condition n’est pas remplie.

225    Dès lors que les conditions prévues par la jurisprudence rappelée au point 209 ne sont pas réunies, il doit être conclu que la Commission n’était pas tenue d’effectuer une analyse de la sous-cotation des prix complémentaire par rapport à celle fondée sur la méthode des NCP.

226    Au vu des considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter la première branche du sixième moyen.

–       Sur la deuxième branche

227    La requérante fait valoir que la Commission n’a pas correctement établi la sous-cotation des prix, étant donné qu’elle aurait opéré un ajustement de 10 % pour tenir compte de la qualité moindre des PVAL importés de Chine en termes de teneur en cendres par rapport à ceux produits dans l’Union, mais aurait refusé d’opérer d’autres ajustements reflétant les autres différences qualitatives entre ces PVAL.

228    La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

229    Il convient de rappeler que les considérants pertinents du règlement attaqué sont rédigés comme suit :

« (423) La sous-cotation des prix des importations a été établie sur la base des données des producteurs-exportateurs ayant coopéré dans le pays concerné et des données sur les ventes intérieures fournies par l’industrie de l’Union pendant la période d’enquête […]

(424) La comparaison des prix a été réalisée type par type sur des opérations effectuées au même stade commercial, après déduction des remises différées. Le cas échéant, le prix à l’importation du produit concerné en provenance de [Chine] a été dûment ajusté par rapport au type de produit comparable vendu par l’industrie de l’Union.

(425) En ce qui concerne les différences existant entre le produit concerné et le produit similaire pour ce qui est de certaines caractéristiques […] les types de produit importés de [Chine] sont en concurrence avec les types de produit fabriqués et vendus par l’industrie de l’Union. Toutefois, comme la teneur en cendres du PVAL produit et vendu par les producteurs-exportateurs ayant coopéré était globalement plus élevée que celle du PVAL produit et vendu par l’industrie de l’Union, la Commission a estimé qu’un ajustement était justifié pour assurer une comparaison équitable entre les types de produit chinois et européens sur la base des NCP. La Commission a établi l’ajustement sur la base de la différence constatée pour les importations de PVAL à forte et à faible teneur en cendres provenant de pays tiers, à partir des informations communiquées par les utilisateurs. La différence de prix a été fixée à 10 %.

(426) Sur cette base, un ajustement de 10 % a été ajouté au prix CAF du PVAL à forte teneur en cendres vendu par les producteurs-exportateurs ayant coopéré.

[…]

(429) En outre, comme la teneur en méthanol et l’emballage ont un effet négligeable sur les prix […], la Commission a conclu qu’il convenait, aux fins de l’analyse de la sous-cotation, de ne pas tenir compte de ces caractéristiques. »

230    Devant le Tribunal, la Commission a précisé que, ainsi qu’il résulte d’un questionnaire qu’elle avait envoyé aux producteurs-exportateurs chinois, les NCP avaient été établis sur la base de cinq caractéristiques des PVAL, à savoir leur viscosité, leur degré d’hydrolyse, leur teneur en cendres, leur teneur en méthanol et leur emballage.

231    Il s’ensuit que la Commission a considéré qu’il était nécessaire d’opérer un ajustement à la hausse de 10 % aux prix de certains types de produit importés de Chine, qui correspondaient, en termes de viscosité et de degré d’hydrolyse, à des types de produit vendus par l’industrie de l’Union, en raison des différences portant sur la teneur en cendres, qui était plus élevée dans les premiers que dans les seconds. En revanche, elle a exclu que les différences en termes de teneur en méthanol et d’emballage justifient d’opérer d’autres ajustements.

232    La requérante ne conteste pas le bien-fondé de l’ajustement de 10 % opéré par la Commission en raison des différences relatives à la teneur en cendres, mais fait valoir que d’autres ajustement étaient nécessaires.

233    Toutefois, elle n’a pas fourni d’élément de preuve susceptible de démontrer que la Commission avait commis une erreur manifeste d’appréciation en considérant que les différences, en termes de teneur en méthanol et d’emballage, entre des types de produit comparables au regard de leur viscosité et de leur degré d’hydrolyse n’affectaient pas significativement leurs prix.

234    Par conséquent, il y a lieu de rejeter la deuxième branche du sixième moyen.

–       Sur la troisième branche

235    La requérante soutient qu’il résulte à la fois des considérants 432 et 433 du règlement attaqué et des informations qu’elle a pu obtenir de la Commission et de celles que d’autres producteurs-exportateurs lui ont fournies que la Commission, dans son analyse de la sous-cotation des prix, a comparé 100 % des importations de PVAL provenant de Chine à 82 % des ventes de PVAL de l’industrie de l’Union. En effet, la Commission aurait constaté qu’il existait un chevauchement de 82 % entre les NCP vendus par l’industrie de l’Union et ceux vendus par les producteurs-exportateurs chinois. Elle aurait ainsi exclu de son analyse 18 % des ventes effectuées par l’industrie de l’Union. Ce faisant, la Commission aurait violé l’obligation, qui résulterait de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, d’établir la sous-cotation des prix pour le produit concerné dans son ensemble.

236    La requérante conteste que le règlement attaqué puisse être interprété en ce sens que la Commission aurait comparé 100 % des ventes effectuées par l’industrie de l’Union avec 82 % des ventes effectuées par les producteurs-exportateurs chinois et s’appuie à cette fin sur les calculs de la sous-cotation des prix relatifs à elle-même ainsi qu’aux autres producteurs-exportateurs, qui permettent de conclure que 100 % des importations ont été comparées à 82 % des ventes de l’industrie de l’Union. En tout état de cause, selon elle, quand bien même cette interprétation serait admise, la Commission a néanmoins violé l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, étant donné qu’elle était tenue de prendre en considération 100 % des importations.

237    La Commission, soutenue par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

238    Il convient de rappeler que les considérants 432 et 433 du règlement attaqué sont libellés comme suit :

« (432) Wacker et les producteurs-exportateurs chinois ont fait valoir que 18 % des exportations de la [Chine] n’étaient pas vendues par l’industrie de l’Union étant donné que, pour cette quantité, aucun NCP comparable n’avait été trouvé. Les parties ont renvoyé à l’arrêt [du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691)], à l’appui de leur allégation selon laquelle l’analyse du préjudice effectuée par la Commission n’était fondée que sur un volume limité des ventes de l’industrie de l’Union et non sur le produit similaire dans son ensemble.

(433) Premièrement, la Commission a noté que cet arrêt faisait l’objet d’un pourvoi devant la Cour de justice et ne saurait donc être considéré comme faisant autorité. Deuxièmement, le règlement de base n’impose pas à la Commission d’effectuer séparément l’analyse des prix pour chaque type de produit. Au contraire, l’exigence juridique consiste en une détermination au niveau du produit similaire. Si les NCP sont utilisés comme point de départ pour cette analyse, cela ne signifie pas que les différents NCP ne sont pas en concurrence. Ainsi, le fait que certains NCP de l’industrie de l’Union n’ont pas été comparés aux importations ne signifie pas qu’ils ne subissent pas la pression sur les prix exercée par les importations faisant l’objet d’un dumping. En effet, l’établissement de la sous-cotation des prix et de la sous-cotation des prix indicatifs en calculant tout d’abord les marges au niveau du NCP n’est qu’une étape intermédiaire et préparatoire de la comparaison des prix requise. Cette étape n’est pas juridiquement obligatoire, mais constitue la pratique habituelle de la Commission. Troisièmement, dans les cas où l’échantillonnage est appliqué, il n’est pas surprenant qu’il n’y ait pas de correspondance parfaite entre les importations des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon et les ventes de l’industrie de l’Union incluse dans l’échantillon. Cela ne veut pas nécessairement dire qu’il n’y a pas d’importations de certains types, mais plutôt que ces types n’ont pas été exportés vers l’Union par les producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon au cours de la période d’enquête. Enfin, […] la Commission a conclu que tous les grades de PVAL étaient en concurrence l’un avec l’autre, au moins dans une certaine mesure. Par conséquent, les 18 % d’exportations des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon qui ne sont pas vendus par l’industrie de l’Union ne constituent pas une catégorie distincte du produit concerné, mais sont pleinement en concurrence avec les autres grades pour lesquels une correspondance a été constatée. Qui plus est, les NCP non vendus par l’industrie de l’Union étaient des types de produits pouvant être utilisés dans les secteurs de l’adhésif, de la polymérisation et du papier, et donc équivalents et en concurrence directe avec d’autres types de produits fabriqués et vendus par l’industrie de l’Union pour être utilisés dans les mêmes secteurs, même s’ils ne sont pas utilisés pour quantifier la sous-cotation des prix. »

239    Il convient de relever que, aux considérants 432 et 433 du règlement attaqué, la Commission a résumé un argument que la requérante avait tiré de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), avant de l’écarter.

240    Il y a lieu de rappeler que, aux points 68 à 75 de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), le Tribunal a jugé, en substance, que la Commission, en ce qu’elle n’avait pas pris en compte, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, un certain volume de produit considéré fabriqué par les producteurs de l’Union échantillonnés, à savoir 17 des 66 types de produits identifiés, représentant 8 % du volume des ventes desdits producteurs, non exportés par les producteurs-exportateurs chinois échantillonnés, n’avait pas tenu compte de l’ensemble des données pertinentes du cas d’espèce, en violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base (voir, en ce sens, arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 22).

241    Pour rejeter l’argument de la requérante tiré de l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), d’abord, à la première phrase du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a souligné que cet arrêt faisait l’objet d’un pourvoi.

242    Ensuite, aux deuxième à neuvième phrases du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a défendu le bien-fondé de la manière dont elle avait procédé dans le règlement qui était attaqué dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), tout en formulant également des considérations générales sur l’analyse de la sous-cotation des prix par la méthode des NCP. C’est dans ce contexte qu’elle a relevé que « certains NCP de l’industrie de l’Union n’[avaient] pas été comparés aux importations ». Ainsi, ce membre de phrase ne saurait être interprété en ce sens que la Commission aurait admis que, en l’espèce, elle n’avait pas tenu compte de certains NCP produits par l’industrie de l’Union.

243    Enfin, aux dixième à douzième phrases du considérant 433 du règlement attaqué, la Commission a examiné les circonstances de la présente espèce. Il résulte de ces phrases que, d’une part, pour 18 % des PVAL exportés dans l’Union par les producteurs-exportateurs chinois retenus dans l’échantillon, aucun type de produit correspondant vendu par l’industrie de l’Union n’avait pu être trouvé et, d’autre part, en raison du fait que tous les PVAL étaient en concurrence entre eux dans une certaine mesure, les PVAL vendus par l’industrie de l’Union étaient en concurrence également avec ces 18 % de PVAL importés de Chine.

244    Il s’ensuit, d’une part, que la Commission a associé à chaque type de produit vendu par l’industrie de l’Union un type de produit importé et, d’autre part, que, s’agissant des types de produits importés qui ne correspondaient pas à des types de produits vendus par cette industrie, elle a considéré qu’il existait néanmoins une relation de concurrence. Ce faisant, la Commission a accompli l’analyse qu’impose l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, qui consiste à examiner l’effet sur les prix de l’industrie de l’Union des « importations faisant l’objet d’un dumping » (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 161) et a analysé la sous-cotation des prix pour le produit considéré dans son ensemble.

245    Contrairement à ce que prétend la requérante, cette interprétation du considérant 433 du règlement attaqué est compatible avec les explications que la Commission lui a fournies pendant la procédure ayant abouti à l’adoption du règlement attaqué, selon lesquelles « le pourcentage de correspondance entre l’industrie de l’Union et les sociétés exportatrices chinoises de l’échantillon est de 82 % ». En effet, s’il résulte de ces explications qu’une correspondance totale n’a pas pu être trouvée, la formulation utilisée par la Commission ne précise pas si c’était l’industrie de l’Union ou les producteurs-exportateurs chinois qui vendaient davantage de types de produit.

246    En outre, cette interprétation du considérant 433 du règlement attaqué n’est pas remise en cause par les tableaux produits par la requérante en annexe à la réplique. En effet, dans ces tableaux figurent, pour chacun des producteurs-exportateurs retenus dans l’échantillon, dont la requérante, les NCP pour lesquels il existe une correspondance entre les types de produits importés et ceux vendus par l’industrie de l’Union. Si, pour des raisons de confidentialité, ces tableaux n’affichent pas les quantités que l’industrie de l’Union a vendues, par NCP, cela ne permet pas de considérer que seulement 82 % des ventes de cette industrie ont été prises en compte, comme le prétend la requérante.

247    Dès lors, il y a lieu de constater que l’argument de la requérante selon lequel la Commission a analysé la sous-cotation des prix sans tenir compte de l’ensemble des ventes de PVAL effectuées par l’industrie de l’Union manque en fait.

248    En tout état de cause, à supposer que la Commission ait exclu certains types de produits vendus par l’industrie de l’Union de l’analyse de la sous-cotation des prix, il y a lieu de rappeler que l’arrêt du 24 septembre 2019, Hubei Xinyegang Special Tube/Commission (T‑500/17, non publié, EU:T:2019:691), a été annulé par la Cour. Celle-ci a conclu que le Tribunal avait entaché cet arrêt d’une erreur de droit en ayant jugé que, dans le cadre de l’analyse des effets des importations faisant l’objet d’un dumping sur les prix de l’industrie de l’Union prévue à l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, et, en particulier, dans le cadre de l’analyse de la sous-cotation des prix, la Commission était, en toutes circonstances, obligée de prendre en compte l’intégralité des produits vendus par cette industrie, y compris les types du produit en cause non exportés par les producteurs-exportateurs échantillonnés (arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube, C‑891/19 P, EU:C:2022:38, point 159).

249    Ainsi que la requérante le souligne, il découle des points 138 à 140 de l’arrêt du 20 janvier 2022, Commission/Hubei Xinyegang Special Tube (C‑891/19 P, EU:C:2022:38), que, pour que cette obligation incombe à la Commission, la première et la seconde conditions (voir point 209 ci-dessus) doivent être satisfaites. Or, contrairement à ce que la requérante prétend, tel n’est pas le cas en l’espèce (voir points 217 à 224 ci-dessus).

250    Par conséquent, il y a lieu de rejeter également la troisième branche du sixième moyen.

251    Dès lors que toutes les branches du sixième moyen, relatives à la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base, ont été rejetées, la requérante n’est pas fondée non plus à soutenir que, en raison de ces violations, la Commission a enfreint également l’article 3, paragraphe 6, de ce règlement (voir point 171 ci-dessus).

252    Au vu de tout ce qui précède, il y a lieu de rejeter le sixième moyen dans son ensemble.

 Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

253    La requérante soutient que la Commission a violé ses droits de la défense, en ce que, en dépit de ses demandes, elle ne lui a pas fourni d’information sur les quantités vendues et les prix de vente de l’industrie de l’Union par NCP ainsi que les marges de sous-cotation des prix et des prix indicatifs par NCP (ci-après les « éléments litigieux »). Elle reproche à la Commission de ne pas lui avoir communiqué au moins des fourchettes de valeurs relatives à ces éléments. Selon elle, si l’article 19 du règlement de base prévoit le traitement confidentiel de certaines informations, son application ne saurait conduire à vider les droits de la défense de leur contenu essentiel. Elle rappelle que l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base exige des parties intéressées qui invoquent la confidentialité d’informations fournies qu’elles présentent un résumé non confidentiel de celles-ci ou, à tout le moins, qu’elles exposent les raisons pour lesquelles un tel résumé ne peut pas être rédigé. Par ailleurs, selon la requérante, il importe peu que les données prétendument confidentielles portent sur un seul producteur de l’Union.

254    La requérante précise que, pour que le présent moyen soit fondé, elle n’est pas tenue de démontrer que l’issue de l’enquête aurait été différente, mais uniquement qu’une telle hypothèse n’est pas entièrement exclue. Or, ne disposant pas des éléments litigieux, elle n’aurait pas pu déterminer si aucune sous-cotation des prix ou des prix indicatifs n’avait été constatée pour certains NCP, ni quels étaient les NCP avec lesquels l’industrie de l’Union avait réalisé la majeure partie de ses ventes. Ces éléments seraient donc essentiels pour pouvoir contrôler l’exactitude tant de la détermination de la sous-cotation, dont l’analyse pourrait nécessiter l’examen des parts de marché des différents NCP, que de l’existence d’un préjudice que les importations auraient occasionné à cette industrie.

255    La Commission, soutenue par Kuraray et par Sekisui, conteste les arguments de la requérante.

256    Les dispositions pertinentes du règlement de base et plusieurs principes afférents à celles-ci ont été rappelés aux points 95 à 103 ci-dessus.

257    Il convient d’ajouter que la protection des informations relevant du secret d’affaires n’exige pas d’exclure, par principe, toute divulgation des informations utilisées au cours d’une enquête antidumping à des parties intéressées, indépendamment des circonstances. En particulier, il importe d’apprécier la situation particulière de la partie intéressée au regard de ces informations et, notamment, la position que cette partie intéressée occupe sur le marché considéré par rapport à celle de la personne ayant fourni ces informations (arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 199 ; voir également, en ce sens, arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 159).

258    La jurisprudence précise également que l’obligation de respect des informations confidentielles ne saurait vider de leur contenu essentiel les droits de la défense (voir arrêt du 1er juin 2017, Changmao Biochemical Engineering/Conseil, T‑442/12, EU:T:2017:372, point 142 et jurisprudence citée).

259    En l’espèce, ainsi qu’il résulte du considérant 435 du règlement attaqué et d’une lettre que la requérante a adressée à la Commission le 8 juillet 2020, cette dernière, après avoir reçu l’information finale, a demandé l’accès aux éléments litigieux.

260    Par courriel du 13 juillet 2020, Kuraray a informé la Commission de son opposition à la communication à la requérante des éléments litigieux, y compris sous la forme de fourchettes de valeurs qui remplaceraient les données exactes. Ainsi que la Commission l’a précisé lors de l’audience, ce courriel constituait la réponse de Kuraray à un courriel que la Commission lui avait envoyé après avoir reçu la lettre de la requérante du 8 juillet 2020, mentionnée au point 259 ci-dessus. Kuraray a fait valoir que les éléments litigieux étaient confidentiels par nature au sens de l’article 19, paragraphe 1, du règlement de base et a précisé que, dès lors qu’elle était le seul producteur de l’Union relevant de l’échantillon retenu par la Commission qui vendait le produit concerné à des tiers, la divulgation d’éléments supplémentaires portant sur les calculs de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs profiterait à ses concurrents et aurait un effet très négatif sur elle. Cette divulgation, qui révélerait des informations relatives aux quantités de PVAL vendues pendant la période d’enquête ainsi que les prix moyens par NCP, occasionnerait un préjudice irréparable à ses opérations commerciales dans l’Union.

261    Par ailleurs, Kuraray a soutenu que les informations relatives à la sous-cotation des prix et des prix indicatifs déjà communiquées à la requérante permettaient à celle-ci de comprendre quel était le préjudice que les importations causaient à l’industrie de l’Union et d’exercer ses droits de la défense. Elle a souligné que chaque producteur-exportateur se verrait appliquer un droit antidumping du même niveau pour l’ensemble de ses exportations dans l’Union du produit concerné, sans distinction selon les NCP.

262    Par courriel du 14 juillet 2020, la Commission a informé la requérante que, après avoir évalué sa demande d’accès aux éléments litigieux, elle avait décidé de la rejeter, ces éléments étant confidentiels selon l’article 19 du règlement de base. Les motifs retenus par la Commission pour justifier sa décision coïncident avec ceux invoqués par Kuraray, repris au point 261 ci-dessus.

263    Au considérant 436 du règlement attaqué, la Commission a relevé que, conformément à l’article 19 du règlement de base, elle n’avait pas pu révéler les éléments litigieux, dès lors que la divulgation d’un tel niveau de détail permettrait, soit directement soit en y adjoignant des renseignements sur les marchés, de calculer les données confidentielles sur les ventes et la production de certains producteurs de l’Union.

264    Il y a lieu de constater que, eu égard à l’article 19, paragraphes 1 et 5, du règlement de base, la Commission, en raison de l’opposition de Kuraray, n’était pas autorisée à communiquer à la requérante les éléments litigieux (voir, par analogie, arrêts du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, point 178, et du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 477).

265    Toutefois, lorsque des informations ne peuvent être communiquées en raison de leur caractère confidentiel, l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base contraint les parties dont émanent ces informations à en fournir un résumé non confidentiel chaque fois que cela est possible (voir, en ce sens, arrêt du 19 mai 2021, China Chamber of Commerce for Import and Export of Machinery and Electronic Products e.a./Commission, T‑254/18, sous pourvoi, EU:T:2021:278, point 483).

266    Dès lors, il convient de vérifier si la Commission, en n’ayant pas pris les mesures permettant à la requérante de se voir communiquer les éléments litigieux sous la forme de résumés non confidentiels, au sens de l’article 19, paragraphe 2, du règlement de base, a violé ses droits de la défense.

267    À cette fin, il convient de se référer, conformément aux principes rappelés aux points 20 à 22 ci-dessus, aux décisions de l’ORD relatives aux articles 6.5 et 6.5.1 de l’accord antidumping, qui correspondent, en substance, à l’article 19, paragraphes 1, 2 et paragraphe 5, première phrase, du règlement de base (voir, en ce sens et par analogie, arrêt du 30 juin 2016, Jinan Meide Casting/Conseil, T‑424/13, EU:T:2016:378, points 103, 188 et 190).

268    Selon le rapport de l’organe d’appel relatif au différend « Communautés européennes – Mesures antidumping définitives visant certains éléments de fixation en fer ou en acier en provenance de Chine », adopté par l’ORD le 28 juillet 2011 (WT/DS 397/AB/R, points 542 à 544), s’agissant des renseignements traités comme confidentiels en application de l’article 6.5 de l’accord antidumping, l’article 6.5.1 de ce dernier oblige l’autorité compétente à exiger qu’un résumé non confidentiel des renseignements soit fourni. Le caractère suffisant du résumé fourni dépendra des renseignements confidentiels en cause, mais le résumé devra permettre de comprendre raisonnablement la substance des renseignements non communiqués afin que soit ménagée aux autres parties à l’enquête la possibilité de répondre et de défendre leurs intérêts. L’article 6.5.1 de l’accord antidumping envisage la possibilité que, dans des circonstances exceptionnelles, les renseignements confidentiels ne soient pas susceptibles d’être résumés. Dans ces circonstances exceptionnelles, une partie pourra indiquer qu’elle ne peut pas fournir de résumé non confidentiel des renseignements présentés à titre confidentiel, mais elle sera néanmoins tenue d’exposer les raisons pour lesquelles un résumé ne peut être fourni. Pour sa part, l’autorité compétente doit examiner minutieusement cet exposé afin de déterminer s’il établit l’existence de circonstances exceptionnelles et si les raisons données expliquent d’une manière appropriée la raison pour laquelle, dans ces circonstances, aucun résumé permettant de comprendre raisonnablement la substance des renseignements ne peut être fourni. Un résumé des renseignements confidentiels ne pourra pas être fourni dans les cas où aucune autre méthode de présentation des renseignements qui ne divulguerait pas les renseignements sensibles ou n’assurerait pas un niveau de détail suffisant pour permettre de comprendre raisonnablement la substance des renseignements communiqués à titre confidentiel ne pourra être élaborée.

269    En l’espèce, d’une part, il y a lieu de considérer que Kuraray, lorsqu’elle s’est opposée à la divulgation des éléments litigieux y compris sous la forme de fourchettes de valeurs, a refusé de se soumettre à l’obligation de fournir des résumés non confidentiels de ces éléments et qu’elle a invoqué à cet effet l’existence de la circonstance exceptionnelle représentée par le fait qu’elle était le seul producteur de l’Union dont les ventes avaient été prises en compte par la Commission dans l’analyse de la sous-cotation des prix et des prix indicatifs. D’autre part, la Commission a examiné les arguments de Kuraray et a décidé que la position de cette dernière était fondée, eu égard également au fait, relevé en substance au considérant 436 du règlement attaqué, que les producteurs-exportateurs chinois auraient pu lire les éléments demandés à la lumière des renseignements sur les marchés dont ils disposaient déjà.

270    Par conséquent, il y a lieu de constater que la Commission a correctement suivi les étapes prévues par les dispositions pertinentes pour effectuer la mise en balance des deux objectifs mentionnés au point 98 ci-dessus.

271    Quant au bien-fondé de l’appréciation effectuée par la Commission, il convient de relever que, au vu de la sensibilité des éléments litigieux et des circonstances exceptionnelles de l’espèce, cette institution n’a pas commis d’erreur en refusant la divulgation de ceux-ci.

272    L’absence d’erreur commise par la Commission est corroborée par le fait que la requérante, lorsqu’elle a reçu le courriel de la Commission rejetant sa demande d’accès aux éléments litigieux (voir point 262 ci-dessus), n’a pas saisi le conseiller-auditeur de cette question, alors qu’elle aurait pu le faire, en vertu de l’article 15 de la décision (UE) 2019/339 du président de la Commission européenne, du 21 février 2019, relative à la fonction et au mandat du conseiller-auditeur dans le cadre de certaines procédures commerciales (JO 2019, L 60, p. 20).

273    Il y a lieu de considérer que, ayant renoncé à saisir le conseiller-auditeur, la requérante a acquiescé à la mise en balance des objectifs en cause effectuée par la Commission.

274    En tout état de cause, il convient de se référer à la jurisprudence rappelée au point 166 ci-dessus quant aux conditions requises pour qu’un irrégularité relative au respect des droits de la défense puisse conduire à l’annulation de l’acte en cause.

275    À ce sujet, premièrement, la requérante soutient que, si elle avait reçu les éléments litigieux, n’aurait pas eu lieu la confusion qui s’est créée au sujet des pourcentages de produits importés et vendus par l’industrie de l’Union qui ont été examinés lors de l’analyse de la sous-cotation des prix (voir la troisième branche du sixième moyen). Toutefois, il y a lieu de constater que cette confusion est sans incidence sur l’existence de la possibilité que la procédure menée par la Commission aboutisse à un résultat différent. En tout état de cause, la requérante, si elle trouvait que les explications fournies par la Commission (voir point 245 ci-dessus) étaient ambiguës, aurait pu lui demander davantage de précisions.

276    Deuxièmement, la requérante fait valoir que, dans certaines circonstances, afin de garantir que l’examen de l’existence d’une sous-cotation des prix notable au niveau du produit similaire soit objectif, il peut être approprié d’examiner les parts de marché des différents types de produit en cause. Pour qu’une partie intéressée puisse utilement faire valoir que ces circonstances prévalent, il serait nécessaire qu’elle dispose d’informations sur ces parts de marché.

277    Dès lors que, ainsi qu’il résulte des points 207 à 209, dans certaines circonstances, il est possible que l’analyse de la sous-cotation des prix doive être effectuée par segment de marché, il n’est a priori pas entièrement exclu que la requérante, si elle avait disposé de résumés non confidentiels portant sur les éléments litigieux, ait pu invoquer des arguments susceptibles de démontrer que les circonstances de l’espèce exigeaient qu’une telle analyse soit réalisée.

278    Toutefois, ainsi qu’il résulte de l’examen du sixième moyen, notamment des points 217 à 224 ci-dessus, le cas d’espèce ne présente pas de circonstance obligeant la Commission à effectuer une analyse de la sous-cotation des prix par segment de marché. Partant, il est à exclure que, si la requérante avait disposé des résumés susmentionnés, la procédure ait pu aboutir à un résultat différent.

279    Au vu de toutes les considérations qui précèdent, il y a lieu de rejeter également le septième moyen ainsi que, par voie de conséquence, le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

280    Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner à supporter ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission, par Kuraray et par Sekisui, conformément aux conclusions de ces dernières.

281    Aux termes de l’article 138, paragraphe 1, du règlement de procédure, les États membres et les institutions qui sont intervenus au litige supportent leurs propres dépens. Par conséquent, le Parlement et le Conseil supporteront leurs propres dépens.

282    Aux termes de l’article 138, paragraphe 3, du règlement de procédure, le Tribunal peut ordonner qu’une partie intervenante autre que celles mentionnées aux paragraphes 1 et 2 de cet article supporte ses propres dépens. En l’espèce, il y a lieu de décider que Wegochem, intervenue au soutien de la partie principale qui a succombé, supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (neuvième chambre élargie)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Inner Mongolia Shuangxin Environment-Friendly Material Co. Ltd supportera ses propres dépens ainsi que ceux exposés par la Commission européenne, par Kuraray Europe GmbH et par Sekisui Specialty Chemicals Europe SL.

3)      Le Parlement européen, le Conseil de l’Union européenne et Wegochem Europe BV supporteront leurs propres dépens.

Truchot

Kanninen

Madise

Frendo

 

      Perišin

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 21 février 2024.

Signatures


Table des matières


Faits à l’origine du litige

Conclusions des parties

En droit

Sur le premier moyen, tiré de l’incompatibilité de l’application de l’article 2, paragraphe 6 bis, du règlement de base avec les obligations découlant du droit de l’OMC

Sur la demande de la Commission tendant au rejet des deuxième à cinquième moyens comme inopérants

Sur le deuxième moyen, tiré de la violation de l’article 2, paragraphe 6 bis, sous a), du règlement de base, en ce qui concerne le choix du pays représentatif approprié

Sur le cinquième moyen, tiré de la violation de l’article 18 du règlement de base

Sur le sixième moyen, tiré de la violation de l’article 3, paragraphes 2 et 3, du règlement de base lors de la détermination de la sous-cotation des prix et de la violation de l’article 3, paragraphe 6, du même règlement

Sur le caractère opérant du sixième moyen

Sur le bien-fondé du sixième moyen

– Sur la première branche

– Sur la deuxième branche

– Sur la troisième branche

Sur le septième moyen, tiré de la violation des droits de la défense

Sur les dépens


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.