Language of document : ECLI:EU:F:2013:94

ARRÊT DU TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
DE L’UNION EUROPÉENNE (troisième chambre)

26 juin 2013 (*)

« Fonction publique – Nomination – Réussite à un concours suite à l’invitation faite au requérant à concourir en vue de l’exécution d’un arrêt – Nomination dans le grade avec effet rétroactif »

Dans l’affaire F‑12/12,

ayant pour objet un recours introduit au titre de l’article 270 TFUE, applicable au traité CEEA en vertu de son article 106 bis,

Rita Di Prospero, fonctionnaire de la Commission européenne, demeurant à Bruxelles (Belgique), représentée par Mes S. Rodrigues, A. Blot et C. Bernard-Glanz, avocats,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. J. Currall et Mme B. Eggers, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre),

composé de MM. S. Van Raepenbusch, président, R. Barents (rapporteur) et K. Bradley, juges,

greffier : Mme X. Lopez Bancalari, administrateur,

vu la procédure écrite et à la suite de l’audience du 23 janvier 2013,

rend le présent

Arrêt

1        Par requête parvenue au greffe du Tribunal le 27 janvier 2012, Mme Di Prospero a introduit le présent recours tendant à l’annulation de la décision implicite de rejet opposée par la Commission européenne à sa demande de classement au grade AD 11 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010, ainsi qu’à la réparation de son préjudice matériel et moral.

 Cadre juridique

2        L’article 20 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne dispose :

« Toutes les personnes sont égales en droit. »

3        L’article 3 du statut des fonctionnaires de l’Union européenne (ci-après le « statut ») dispose :

« L’acte de nomination du fonctionnaire précise la date à laquelle cette nomination prend effet ; en aucun cas, cette date ne peut être antérieure à celle de l’entrée en fonctions de l’intéressé. »

4        L’article 27, premier alinéa, du statut dispose :

« Le recrutement doit viser à assurer à l’institution le concours de fonctionnaires possédant les plus hautes qualités de compétence, de rendement et d’intégrité, recrutés sur une base géographique aussi large que possible parmi les ressortissants des États membres de l’Union ».

5        L’article 31, paragraphe 1, du statut prévoit :

« Les candidats ainsi choisis sont nommés au grade du groupe de fonctions indiqué dans l’avis du concours auquel ils ont été reçus. »

 Faits à l’origine du litige

6        La requérante, alors agent temporaire de l’Office européen de lutte antifraude (OLAF), s’est portée candidate au concours général EPSO/AD/116/08, le 26 février 2008, suite à la publication, au Journal officiel de l’Union européenne du 23 janvier 2008 (JO C 16 A, p. 1), de l’avis de concours généraux EPSO/AD/116/08 et EPSO/AD/117/08, organisés en parallèle pour la constitution de réserves de recrutement d’administrateurs de grade AD 8 et d’administrateurs principaux de grade AD 11, dans le domaine de la lutte antifraude. Lorsqu’elle a ensuite souhaité s’inscrire, par le même procédé électronique, au concours EPSO/AD/117/08 (ci-après le « concours »), elle n’a pas été en mesure de le faire, le site internet de l’Office européen de sélection du personnel (EPSO) ne le lui permettant pas. Par courrier électronique du même jour, elle a demandé à l’EPSO que son inscription à ce dernier concours soit acceptée ; l’EPSO lui a répondu, toujours ce même 26 février, que l’avis de concours disposait spécifiquement que les candidats ne pouvaient déposer leur candidature qu’à un seul de ces deux concours. Le lendemain, 27 février 2008, l’EPSO lui confirmait cette information.

7        Le 26 mai 2008, la requérante a introduit une réclamation contre la décision de l’EPSO lui refusant de faire acte de candidature au concours. Par note du 2 septembre 2008, notifiée le 4 septembre suivant, l’EPSO a rejeté cette réclamation.

8        En date du 12 décembre 2008, la requérante a introduit un recours tendant à l’annulation de la décision de l’EPSO lui refusant de faire acte de candidature au concours.

9        Par arrêt du 17 novembre 2009, Di Prospero/Commission (F‑99/08, ci-après l’« arrêt Di Prospero I »), le Tribunal a annulé la décision de l’EPSO de ne pas avoir permis à la requérante de faire acte de candidature au concours.

10      À la suite de sa réussite au concours EPSO/AD/116/08, la requérante a été recrutée par l’OLAF en qualité de fonctionnaire stagiaire de grade AD 8, à partir du 1er janvier 2010 et titularisée le 1er octobre 2010.

11      En conséquence de l’arrêt Di Prospero I, l’EPSO a invité la requérante à faire acte de candidature au concours. Elle s’est ensuite présentée aux différentes épreuves organisées à cette fin.

12      Par lettre du 11 novembre 2010, l’EPSO, au nom du président du jury du concours, a informé la requérante qu’elle avait passé les examens du concours avec succès et que, par conséquent, son nom figurait sur la liste de réserve du concours. L’EPSO lui a également indiqué que la liste de réserve du concours serait transmise aux institutions européennes, dans la mesure où la procédure de recrutement échoyait à celles-ci.

13      Le 26 novembre 2010, la requérante a introduit auprès du directeur général de l’OLAF, au titre de l’article 90, paragraphe 1, du statut, une demande de nomination au grade AD 11, avec effet rétroactif au 1er janvier 2010, date à laquelle les autres lauréats du concours avaient été recrutés et tirant ainsi les effets de l’arrêt Di Prospero I. L’OLAF n’a pas répondu à sa demande.

14      La liste de réserve du concours pour administrateurs principaux de grade AD 11 dans le domaine de la lutte antifraude a été publiée au Journal officiel de l’Union européenne du 11 décembre 2010 (JO C 335 A, p. 1).

15      Par décision du 21 décembre 2010, la requérante a été nommée fonctionnaire au grade AD 11, avec effet au 1er janvier 2011.

16      À la suite de la décision implicite de rejet de l’OLAF, la requérante a, le 21 juin 2011, introduit une réclamation au titre de l’article 90, paragraphe 2, du statut. Elle a demandé à être nommée au grade AD 11 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 et a assorti sa réclamation d’une demande en réparation du préjudice matériel qu’elle aurait subi.

17      Par décision du 18 octobre 2011, l’autorité investie du pouvoir de nomination (ci-après l’« AIPN ») n’a donné qu’une suite partiellement favorable à la réclamation de la requérante en lui octroyant une indemnisation de son préjudice fixée à 17 613,72 euros, majorée des intérêts légaux applicables. En revanche, sa demande de classement au grade AD 11 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010, n’a pas été accueillie favorablement.

 Conclusions des parties

18      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision de la Commission du 18 octobre 2011 refusant à la requérante le classement au grade AD 11 à compter du 1er janvier 2010 ;

–        réparer le préjudice moral subi par la requérante et dont une équitable compensation est évaluée à 22 000 euros ;

–        à titre subsidiaire, réparer le préjudice matériel subi par la requérante à hauteur de 11 742,48 euros pour l’exercice 2010, plus, pour la période suivante jusqu’à la date de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire, un montant variable à calculer, à augmenter des intérêts compensatoires et moratoires au taux légal requis ; et d’ajouter à ce premier total, le montant forfaitaire résultant de l’appréciation du Tribunal pour la réparation de la deuxième composante du préjudice matériel et dont un montant indicatif et provisoire peut être établi à hauteur d’environ 120 000 euros ;

–        condamner la Commission aux entiers dépens.

19      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

 En droit

 Sur les conclusions en annulation

20      À l’appui de ses conclusions, la requérante invoque deux moyens, le premier, tiré de la violation de l’article 266 TFUE, le second, tiré de la violation du principe de l’égalité de traitement.

 Arguments des parties

21      Dans le cadre de son premier moyen, la requérante reproche à la Commission d’avoir manqué à son obligation, en exécution de l’arrêt Di Prospero I, de la classer au grade AD 11 avec effet au 1er janvier 2010.

22      En premier lieu, la requérante soutient que la décision lui refusant de faire acte de candidature au concours étant devenue nulle et non avenue suite à l’arrêt Di Prospero I, il conviendrait de considérer son inscription sur la liste de réserve au même titre que celle de tous les autres lauréats et, par conséquent, à la même date que ceux-ci. Selon la requérante, rien n’aurait permis de conclure à son échec aux épreuves, et ce d’autant plus qu’elle avait réussi les tests de présélection du concours pour administrateurs de grade AD 8, concours qui, selon la requérante, aurait été de difficulté égale au concours organisé pour le recrutement d’administrateurs principaux de grade AD 11. Elle ajoute que les épreuves des deux concours étaient en grande partie identiques et que, certains candidats placés sur la liste des lauréats du concours AD 11 n’auraient pas nécessairement réussi les épreuves du concours AD 8, dans la mesure où ce dernier aurait été plus exigeant pour l’admissibilité aux épreuves écrites après les tests de présélection.

23      En deuxième lieu, la requérante fait valoir que l’article 31 du statut n’interdit pas la rétroactivité de la date de nomination pour peu que le grade de nomination corresponde à celui du concours réussi. La requérante étant entrée en fonctions le 1er janvier 2010, sa nomination au grade AD 11 à cette date aurait de surcroît été conforme à l’article 3 du statut. Selon la requérante, la jurisprudence confirmerait que les conséquences d’un acte illégal pourraient être rectifiées par l’administration, par l’adoption d’un acte à caractère rétroactif, à la condition que la confiance légitime des intéressés soit dûment respectée.

24      En dernier lieu, la requérante souligne que l’OLAF aurait eu tout intérêt à procéder au recrutement d’anciens agents temporaires lauréats de concours internes, à l’instar de la requérante, afin de stabiliser son effectif et de se conformer à la politique de la Commission concernant l’égalité entre les femmes et les hommes. À cet égard, elle observe que la pratique de l’OLAF serait de recruter les candidats figurant sur plusieurs listes de réserve au grade le plus élevé. Enfin, la requérante fait valoir que les fonctions, conformément aux fiches de poste successives, qu’elle s’est vu attribuer seraient restées inchangées tant en sa qualité d’agent temporaire qu’en celle de fonctionnaire, d’abord de grade AD 8, puis de grade AD 11.

25      La Commission rétorque que le premier moyen est manifestement non fondé, en ce qu’elle n’aurait aucunement l’obligation, en exécution de l’arrêt Di Prospero I, de recruter la requérante au grade AD 11 avec effet au 1er janvier 2010, dans la mesure où ledit arrêt ne concernerait que l’annulation de la décision de l’EPSO de ne pas avoir permis à la requérante de faire acte de candidature au concours.

26      De plus, la Commission observe que l’arrêt Di Prospero I n’implique pas de nomination avec effet rétroactif au 1er janvier 2010. En effet, l’inscription sur une liste de réserve ne créerait, dans le chef des intéressés, qu’une vocation, et non un droit, à être nommé fonctionnaire, de surcroît dans un certain délai et ce quand bien même les compétences correspondraient aux besoins du service.

27      La Commission relève également que, par une lecture combinée des articles 3 et 31 du statut, le classement de la requérante à un autre grade n’aurait pu avoir lieu que si l’arrêt Di Prospero I l’avait exigé. Quand bien même celle-ci aurait pu introduire son acte de candidature au même moment que les autres candidats, son admission à concourir n’aurait pas été certaine, ni, dès lors, son inscription sur la liste de réserve, ni, par suite, son recrutement avec effet au 1er janvier 2010. Toutes ces incertitudes ne permettraient donc pas de recruter rétroactivement la requérante au grade AD 11.

 Appréciation du Tribunal

28      Il convient de rappeler, tout d’abord, qu’en cas d’annulation par le juge d’un acte d’une institution, il incombe à cette dernière, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures appropriées que comporte l’exécution de l’arrêt. Selon une jurisprudence constante, pour se conformer à l’arrêt d’annulation et lui donner pleine exécution, l’institution dont émane l’acte annulé est tenue de respecter non seulement le dispositif de l’arrêt, mais également les motifs qui ont amené à celui-ci et qui en constituent le soutien nécessaire, en ce sens qu’ils sont indispensables pour déterminer le sens exact de ce qui a été jugé dans le dispositif. Ce sont, en effet, ces motifs qui, d’une part, identifient la disposition considérée comme illégale et, d’autre part, font apparaître les raisons de l’illégalité constatée dans le dispositif et que l’institution concernée doit prendre en considération en remplaçant l’acte annulé (ordonnance de la Cour du 13 juillet 2000, Gómez de Enterría y Sanchez/Parlement, C‑8/99 P, points 19 et 20 ; arrêts du Tribunal de première instance du 27 juin 2000, Plug/Commission, T‑47/97, point 58 ; du 5 décembre 2002, Hoyer/Commission, T‑119/99, point 35 ; du 17 décembre 2003, McAuley/Conseil, T‑324/02, point 56, et ordonnance du Tribunal de première instance du 29 juin 2005, Pappas/Comité des régions, T‑254/04, point 36).

29      Quant aux effets de l’annulation d’un acte prononcée par le juge, il convient également de rappeler que celle-ci opère ex tunc et a donc pour effet d’éliminer rétroactivement l’acte annulé de l’ordre juridique. L’institution défenderesse est tenue, en vertu de l’article 266 TFUE, de prendre les mesures nécessaires pour anéantir les effets des illégalités constatées, ce qui, dans le cas d’un acte qui a déjà été exécuté, implique de replacer le requérant exactement dans la situation qui serait aujourd’hui la sienne en l’absence de l’illégalité concernée (voir, en ce sens, ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, point 37 ; arrêts du Tribunal du 15 avril 2010, Angelidis/Parlement, F‑104/08, points 35 et 36, et du 13 septembre 2011, AA/Commission, F‑101/09, point 41).

30      C’est à la lumière de ces principes qu’il convient d’examiner si, en l’espèce, la Commission a correctement exécuté l’arrêt Di Prospero I.

31      Dans son arrêt Di Prospero I, le Tribunal a annulé la décision de l’EPSO de ne pas avoir permis à la requérante de faire acte de candidature au concours. En effet, le Tribunal a estimé que le moyen de la requérante, tiré de l’incompatibilité avec l’article 27, premier alinéa, du statut, de la clause qui interdisait l’inscription simultanée aux concours généraux EPSO/AD/116/08 et EPSO/AD/117/08 pour le recrutement respectivement d’administrateurs de grade AD 8 et d’administrateurs principaux de grade AD 11 dans le domaine de la lutte antifraude, était fondé. Par conséquent, il y a lieu de constater que, même si l’arrêt Di Prospero I ne le précise pas, sa bonne exécution par l’administration nécessitait de replacer la requérante exactement dans la situation qui aurait dû être la sienne si elle avait pu s’inscrire au concours. En l’espèce, l’administration s’est bien conformée à cette exigence, puisque par lettre du 17 décembre 2009, l’EPSO a invité la requérante à faire acte de candidature audit concours.

32      Toutefois, la Commission ne saurait soutenir qu’en permettant à la requérante de faire acte de candidature, elle aurait pleinement satisfait aux obligations découlant de l’arrêt Di Prospero I, dans la mesure où, après que la requérante eût passé avec succès les examens du concours, son nom a été inscrit sur la liste de réserve du concours, le 11 novembre 2010. Ainsi, l’inscription du nom de la requérante sur la liste de réserve n’a pas redressé le tort qui lui avait été causé par la décision annulée par le Tribunal de ne pas lui avoir permis de faire acte de candidature au concours. Ayant réussi le concours, elle n’a pas pu bénéficier d’un recrutement au grade AD 11 avec effet au 1er janvier 2010, date à laquelle les autres candidats de ce concours ont été recrutés, de sorte que les effets de l’illégalité commise à son égard ont été maintenus. Dans ces conditions, en l’espèce, le droit de faire acte de candidature ne peut être considéré comme une exécution suffisante de l’obligation résultant de l’article 266 TFUE.

33      En effet, suite à l’arrêt Di Prospero I, il incombait à la Commission, dans l’exercice du pouvoir d’appréciation que lui confère l’article 266 TFUE, d’exercer un choix parmi les différentes mesures envisageables en vue de concilier les intérêts du service et la nécessité de redresser le tort infligé à la requérante (arrêt du Tribunal de première instance du 8 octobre 1992, Meskens/Parlement, T‑84/91, point 78, et ordonnance Pappas/Comité des régions, précitée, point 44).

34      Or, force est de constater que la requérante a réussi le concours, de telle sorte que, si l’illégalité censurée par l’arrêt Di Prospero I n’avait pas été commise et qu’elle avait ainsi passé les épreuves et réussi le concours en même temps que les autres lauréats, la requérante aurait nécessairement été inscrite sur la liste de réserve publiée le 11 décembre 2010 (JO C 335 A, p. 1) et aurait été nommée au grade AD 11 à partir du 1er janvier 2010, date à laquelle tous les autres lauréats du concours avaient été recrutés. Il incombait, par conséquent, à la Commission de vérifier concrètement si en limitant l’exécution de l’arrêt Di Prospero I à l’invitation par l’EPSO de faire acte de candidature au concours sans prévoir la rétroactivité de sa nomination au grade AD 11, elle a replacé la requérante dans la situation qui aurait été la sienne si l’irrégularité n’avait pas été commise et anéanti ainsi l’ensemble des effets de cette irrégularité.

35      La Commission, tenue d’adopter des mesures concrètes en vue d’éliminer les effets de l’illégalité commise à l’égard de la requérante, n’a avancé aucune raison s’opposant à ce que la décision de nommer celle-ci au grade AD 11 fût prise avec effet au 1er janvier 2010, date de la nomination des autres lauréats du concours.

36      En application de l’article 3 du statut, la Commission devait prendre en compte la modification substantielle de la situation de la requérante depuis l’arrêt Di Prospero I, à savoir son entrée en fonctions en tant que fonctionnaire auprès de la Commission en date du 1er janvier 2010. Par conséquent, il n’y avait pas d’obstacle à ce que la Commission nomme la requérante au grade AD 11, en application de l’article 31, paragraphe 1, du statut, au 1er janvier 2010. En effet, l’effet rétroactif d’un acte administratif, dès lors que la confiance légitime du destinataire est dûment respectée, peut précisément constituer une mesure nécessaire pour garantir le respect d’un principe fondamental, en l’occurrence le principe d’un recours judiciaire effectif (voir, ce sens, arrêt du Tribunal du 11 septembre 2008, Smajda/Commission, F‑135/07, point 48).

37      Par conséquent, en n’envisageant pas, sans raison valable, de faire rétroagir la décision attaquée au 1er janvier 2010, la Commission a méconnu ses obligations résultant de l’article 266 TFUE.

38      Par suite, la décision refusant à la requérante le classement au grade AD 11 avec effet rétroactif au 1er janvier 2010 doit être annulée, sans qu’il y ait lieu d’examiner le second moyen de la requête.

 Sur les conclusions indemnitaires

 Arguments des parties

39      La requérante demande à ce que la Commission soit condamnée à la réparation du préjudice moral, évalué à 22 000 euros, et, à titre subsidiaire, du préjudice matériel, à hauteur de 11 742,48 euros pour l’exercice 2010, ainsi que, pour la période suivante jusqu’à la date de l’arrêt qui sera rendu dans la présente affaire, un montant variable à calculer, à augmenter des intérêts compensatoires et moratoires au taux légal requis ; et d’ajouter à ce premier total, le montant forfaitaire résultant de l’appréciation du Tribunal pour la réparation de la deuxième composante du préjudice matériel et dont un montant indicatif et provisoire pourrait être établi à hauteur d’environ 120 000 euros.

40      Elle soutient que le préjudice moral consisterait d’abord en un refus de l’administration d’exécuter l’arrêt Di Prospero I, ainsi qu’en un certain nombre d’irrégularités de procédure.

41      Selon la Commission, les conclusions indemnitaires sont à rejeter comme manifestement non fondées.

 Appréciation du Tribunal

42      Il est de jurisprudence constante que l’annulation d’un acte de l’administration attaqué par un fonctionnaire constitue, en elle-même, une réparation adéquate et, en principe, c’est-à-dire en l’absence dans ledit acte de toute appréciation explicitement négative des capacités du requérant susceptible de le blesser, suffisante de tout préjudice moral que celui-ci peut avoir subi en raison de l’acte annulé (voir, en ce sens, arrêt de la Cour du 7 février 1990, Culin/Commission, C‑343/87, point 27 ; arrêt du Tribunal de première instance du 26 janvier 1995, Pierrat/Cour de justice, T‑60/94, point 62 ; arrêt du Tribunal du 13 décembre 2007, Sundholm/Commission, F‑42/06, point 44).

43      En l’espèce, force est de constater qu’aucun écrit de la requérante ne comporte la moindre démonstration quant au point de savoir si ce préjudice serait insusceptible d’être intégralement réparé par l’annulation de la décision dans laquelle il trouvait sa cause.

44      Quant au préjudice matériel subi par la requérante, découlant du fait qu’elle n’a été nommée au grade AD 11 qu’à partir du 1er janvier 2011, les mesures que la Commission sera amenée à prendre dans le cadre de l’exécution du présent arrêt au regard des motifs qui le sous-tendent, constituent une réparation de ce préjudice.

45      Dans ces circonstances, l’annulation de la décision attaquée constitue, en l’espèce, une réparation adéquate du préjudice subi.

46      Les conclusions indemnitaires doivent, en conséquence, être rejetées.

 Sur les dépens

47      Aux termes de l’article 87, paragraphe 1, du règlement de procédure, sous réserve des autres dispositions du chapitre huitième du titre deuxième dudit règlement, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. En vertu du paragraphe 2 du même article, le Tribunal peut décider, lorsque l’équité l’exige, qu’une partie qui succombe n’est condamnée que partiellement aux dépens, voire qu’elle ne doit pas être condamnée à ce titre.

48      Il résulte des motifs énoncés ci-dessus que la Commission est la partie qui succombe pour l’essentiel. En outre, la requérante a, dans ses conclusions, expressément demandé que la Commission soit condamnée aux dépens. Les circonstances de l’espèce ne justifiant pas l’application des dispositions de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, la Commission doit supporter ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par la requérante.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL DE LA FONCTION PUBLIQUE
(troisième chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision de la Commission européenne du 18 octobre 2011, refusant à Mme Di Prospero le classement au grade AD 11 à compter du 1er janvier 2010, est annulée.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La Commission européenne supporte ses propres dépens et est condamnée à supporter les dépens exposés par Mme Di Prospero.

Van Raepenbusch

Barents

Bradley

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 juin 2013.

Le greffier

 

      Le président

W. Hakenberg

 

      S. Van Raepenbusch


* Langue de procédure : le français.