Language of document : ECLI:EU:T:2022:729

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (première chambre)

30 novembre 2022 (*)

« FEAGA et Feader – Dépenses exclues du financement – Régime d’aides à la surface – Corrections financières – Notion de “prairies permanentes” – Article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 – Article 5, paragraphe 3, du règlement délégué (UE) no 499/2014 »

Dans l’affaire T‑221/21,

République italienne, représentée par Mme G. Palmieri, en qualité d’agent, assistée de Mme C. Gerardis, MM. G. Rocchitta et E. Feola, avvocati dello Stato,

partie requérante,

contre

Commission européenne, représentée par M. P. Rossi, Mmes J. Aquilina et F. Moro, en qualité d’agents,

partie défenderesse,

LE TRIBUNAL (première chambre),

composé, lors des délibérations, de M. H. Kanninen, président, Mmes N. Półtorak (rapporteure) et M. Stancu, juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la phase écrite de la procédure, notamment les mesures d’organisation de la procédure du 29 avril 2022 et les réponses de la République italienne et de la Commission déposées au greffe du Tribunal respectivement le 13 et le 17 mai 2022,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la République italienne demande l’annulation de la décision d’exécution (UE) 2021/261 de la Commission, du 17 février 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) (JO 2021, L 59, p. 10, ci-après la « décision attaquée »), en tant qu’elle concerne certaines dépenses qu’elle a effectuées.

 Antécédents du litige

2        Par la décision attaquée, la Commission européenne a appliqué, sur la base de l’article 52 du règlement (UE) no 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, relatif au financement, à la gestion et au suivi de la politique agricole commune et abrogeant les règlements (CEE) no 352/78, (CE) no 165/94, (CE) no 2799/98, (CE) no 814/2000, (CE) no 1290/2005 et (CE) no 485/2008 du Conseil (JO 2013, L 347 p. 549), des corrections forfaitaires en écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par la République italienne au titre des programmes opérationnels cofinancés par le FEAGA et le Feader. Ces corrections financières sont les suivantes :

–        pour l’enquête AA/2017/013/IT, une correction financière forfaitaire de 67 368 272,99 euros (net) pour les aides à la surface versées au cours de l’année de demande 2017, pour l’exercice financier 2018 ;

–        pour l’enquête CEB/2018/057, une correction financière forfaitaire de 72 032 377,96 euros (net) pour des retards de paiement dus pour l’année 2015 et effectués au cours de l’exercice financier 2017.

 Correction financière de 67 368 272,99 euros, établie à la suite de l’enquête AA/2017/013/IT

3        Par le courrier Ares(2018) 2487407, du 14 mai 2018, la direction générale (DG) de l’agriculture et du développement rural de la Commission a communiqué aux autorités italiennes les résultats de l’enquête AA/2017/013/IT, qui constatent l’existence des mêmes carences que celles constatées lors des trois précédentes enquêtes, à savoir les enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT, en matière d’aides à la surface, concernant les années de demande 2015 et 2016, et a demandé des informations relatives aux mesures correctives déjà adoptées et celles prévues.

4        Par le courrier Ares(2018) 6300173, du 7 décembre 2018, la DG de l’agriculture et du développement rural a invité les autorités italiennes à participer à une réunion bilatérale qui a eu lieu le 19 décembre 2018.

5        Par courriers des 8 mai, 5 juin, 7 juin et 5 août 2019, les autorités italiennes ont fourni à la DG de l’agriculture et du développement rural des informations et des données supplémentaires qui leur avaient été demandées, dont le calcul du risque financier pour l’année de demande 2017 s’élevant à 27 848 824,24 euros, dans le dernier de ces courriers.

6        Par le courrier Ares(2019) 8545558, du 13 décembre 2019, la DG de l’agriculture et du développement rural a communiqué aux autorités italiennes une lettre de conciliation (ci-après la « lettre de conciliation »), qui a conclu que le système national de paiements directs à la surface à la charge du FEAGA, mis en place durant l’année de demande 2017, présentait de multiples lacunes de fonctionnement, en particulier six groupes d’insuffisances, en ce qui concernait notamment l’exécution de contrôles croisés afin de déterminer l’éligibilité des surfaces déclarées aux fins des paiements directs, la réalisation d’un nombre suffisant de contrôles sur place, la réalisation de contrôles sur place de qualité suffisante, le calcul correct de l’aide, y compris les réductions et les sanctions administratives, les contrôles administratifs portant sur les droits au paiement lors de l’introduction du régime de paiement de base et le recouvrement des droits au paiement.

7        Plus précisément, en ce qui concerne le cinquième groupe d’insuffisances, la Commission a réitéré que l’interprétation incorrecte de la notion de « prairie permanente » (ci-après « PP ») et de la notion de « surfaces adaptées au pâturage et résultant de la pratique locale établie », y compris celles où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominaient pas traditionnellement ou étaient absentes, adoptée au niveau national à partir de l’année 2015, violait l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement (UE) no 1307/2013 du Parlement européen et du Conseil, du 17 décembre 2013, établissant les règles relatives aux paiements directs en faveur des agriculteurs au titre des régimes de soutien relevant de la politique agricole commune et abrogeant le règlement (CE) no 637/2008 du Conseil et le règlement (CE) no 73/2009 du Conseil (JO 2013, L. 347, p. 608), et avait donné lieu à une évaluation incorrecte de la superficie maximale admissible pour toutes les parcelles de PP et, donc, au non-respect de l’article 5 du règlement délégué (UE) no 640/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les conditions relatives au refus ou au retrait des paiements et les sanctions administratives applicables aux paiements directs, le soutien au développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 181, p. 48). Cette interprétation érronée avait également affecté le bon fonctionnement des contrôles croisés prévus aux articles 28 et 29 du règlement d’exécution (UE) no 809/2014 de la Commission, du 17 juillet 2014, établissant les modalités d’application du règlement no 1306/2013 en ce qui concerne le système intégré de gestion et de contrôle, les mesures en faveur du développement rural et la conditionnalité (JO 2014, L 227, p. 69).

8        Le cinquième groupe incluait les insuffisances résultant de l’application erronée du système de prorata, visé à l’article 10 du règlement délégué no 640/2014. Il concernait également le non-respect de l’obligation de « maintien », visée à l’article 4, paragraphe 1, sous c), ii), du règlement no 1307/2013, à savoir l’obligation pour les agriculteurs de conserver la surface agricole dans un état qui la rendait adaptée au pâturage ou à la culture. En outre, ce groupe incluait les cas de non-application, en violation de l’article 19 du règlement délégué no 640/2014, des réductions sur les paiements dus et leur recouvrement pour le cas où, lors des contrôles, les autorités italiennes avaient réduit les superficies maximales admissibles.

9        À la lumière de ce qui précède, dans la lettre de conciliation, la Commission a conclu qu’une correction forfaitaire de 2 % pouvait être appliquée en ce qui concernait l’année de demande 2017 à titre de protection contre le risque de pertes pour le FEAGA. La Commission a indiqué que le montant total qu’elle envisageait d’exclure du financement s’élevait à 67 368 272,99 euros.

10      Le 28 janvier 2020, en réponse aux observations contenues dans la lettre de conciliation, les autorités italiennes se sont adressées à l’organe de conciliation.

11      Dans son rapport du 13 juillet 2020, l’organe de conciliation a constaté que la procédure de conciliation n’avait pas été possible, notamment parce que le recours à l’époque pendant devant le Tribunal dans l’affaire ayant donné lieu, depuis lors, à l’arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission (T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119), soulevait précisément les points en cause dans la présente affaire, notamment en ce qui concernait la définition des PP adoptée au niveau national. L’organe de conciliation a conclu que, dans ces conditions, il n’était pas possible d’aider la République italienne et la Commission à trouver une solution mutuellement acceptable, d’autant plus que la correction proposée par la Commission pour l’année de demande 2017 s’inscrivait dans le prolongement de la correction qui constituait l’objet dudit recours.

12      Le 27 octobre 2020, par le courrier Ares(2020) 6550572, la Commission a envoyé aux autorités italiennes la lettre finale, par laquelle elle a confirmé sa position, telle qu’elle était exprimée dans la lettre de conciliation, et fixé le montant total net supposé à exclure du financement à 67 368 272,99 euros (ci-après la « lettre finale »).

13      À cet égard, premièrement, la Commission a réitéré que les résultats de la présente enquête découlaient en grande partie des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/012/IT et AA/2016/015/IT. Deuxièmement, la Commission a précisé qu’elle n’avait pas été en mesure de tirer des conclusions sur le risque financier en déployant un effort proportionné parce qu’aucun des calculs présentés par les autorités italiennes n’était conforme à l’article 12, paragraphes 2 et 4, du règlement délégué (UE) no 907/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1306/2013 en ce qui concerne les organismes payeurs et autres entités, la gestion financière, l’apurement des comptes, les garanties et l’utilisation de l’euro (JO 2014, L 255, p. 18). Troisièmement, en ce qui concerne plus particulièrement la proposition des autorités italiennes de faire vérifier le calcul du risque par l’organisme de certification, la Commission a indiqué que la manière dont, en l’espèce, le réexamen de l’organisme de certification pouvait affecter toutes les raisons indiquées dans la lettre de conciliation, qui l’avaient empêchée d’accepter les calculs présentés par les autorités italiennes, n’était pas claire. Quatrièmement, la Commission a également souligné que l’achèvement du plan d’action était une condition préalable à la transmission, par les autorités italiennes, d’un calcul précis du risque.

 Correction financière de 72 032 377,96 euros, établie à la suite de l’enquête CEB/2018/057

14      Lors de la 37e réunion du comité des fonds agricoles du 22 juin 2016, la Commission a informé les États membres de son intention d’appliquer, en ce qui concernait les paiements directs pour l’année de demande unique 2015, l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, qui prévoit l’application d’un échelonnement différent de ceux prévus aux paragraphes 2 et 3 de cet article ou des taux de réduction inférieurs ou nuls si des conditions particulières de gestion se présentent pour certaines mesures ou si des justifications fondées sont apportées par les États membres.

15      En particulier, la Commission a indiqué que l’échelonnement au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 serait appliqué aux réductions à calculer sur les remboursements dus au titre des paiements directs pour l’année 2015 effectués avec retard entre le 1er juillet et le 15 octobre 2016. La Commission a également précisé qu’il s’agissait d’une mesure exceptionnelle appliquée en réponse aux difficultés rencontrées par certains États membres au cours de l’année 2015, celle-ci étant la première année d’application du nouveau régime des paiements directs introduit par la réforme de la politique agricole commune (PAC).

16      En outre, la Commission a souligné que le délai de paiement prévu par le droit de l’Union pour les paiements relatifs à l’année 2015 restait celui du 30 juin 2016 et que la dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 consisterait à ne pas appliquer les réductions aux États membres qui en faisaient la demande en raison des difficultés rencontrées au cours de la première année de mise en œuvre de la réforme de la PAC. Elle a également précisé, à cet égard, que le seuil de 5 % visé à l’article 5, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 serait calculé sur la base des paiements effectués au plus tard le 30 juin 2016.

17      En réponse à une question de la délégation italienne, lors de cette même réunion, la Commission a déclaré que le règlement délégué no 907/2014 ne serait pas modifié et que la dérogation ferait partie de la décision d’apurement relative aux dépenses annuelles de l’exercice financier 2016.

18      Par le courrier Agea(2016) 20613, du 28 juillet 2016, les autorités italiennes ont demandé l’application de la dérogation, au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, en invoquant six conditions particulières de gestion liées à la mise en œuvre de la première année de la réforme de la PAC, qui empêchaient les organismes payeurs italiens d’effectuer les paiements directs avant la date limite du 30 juin 2016 et qui justifiaient leur exécution au plus tard le 15 octobre 2016.

19      Par le courrier Ares(2016) 4458122, du 17 août 2016, la Commission a répondu à cette demande en indiquant qu’elle n’avait pas l’intention d’appliquer les réductions aux paiements directs effectués avec retard du 1er juillet au 15 octobre 2016, conformément à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014. Toutefois, s’agissant de la demande d’utilisation de la réserve de 5 % à compter du 16 octobre 2016, la Commission a rappelé que le délai de paiement réglementaire restait inchangé au 30 juin 2016 et que le seuil de 5 % devait être calculé, conformément à l’article 5, paragraphes 2 et 3, sous a), du règlement délégué no 907/2014, sur la base des paiements effectués à cette date.

20      Par le courrier Ares(2016) 7131012, du 22 décembre 2016, la Commission a précisé que, pour les paiements directs relatifs à l’année civile 2015 effectués avec retard entre le 1er juillet et le 15 octobre 2016, les réductions prévues n’avaient pas été appliquées, en vertu de la flexibilité visée à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014. Par conséquent, le montant de 94 983 673,05 euros relatif à ces réductions a été déduit du montant final des réductions à appliquer pour la période de référence. À la suite de l’application du seuil de 5 % et de la déduction susmentionnée, le montant final s’élevait à 634 125,95 euros.

21      Ces réductions, confirmées par le courrier Ares(2017) 1500403, du 20 mars 2017, ont fait l’objet de la décision d’exécution (UE) 2017/927 de la Commission, du 29 mai 2017, relative à l’apurement des comptes des organismes payeurs des États membres en ce qui concerne les dépenses financées par le FEAGA pour l’exercice financier 2016 (JO 2017, L 140, p. 25).

22      Par le courrier AGRI.r.4(2017)4743945, du 31 août 2017, envoyé en vertu de l’article 41, paragraphe 1, deuxième alinéa, du règlement no 1306/2013, la DG de l’agriculture et du développement rural a informé les autorités italiennes du calcul des réductions proposées pour non-respect des délais de paiement, effectué sur la base de l’article 5 du règlement délégué no 907/2014. Les réductions proposées concernaient les paiements directs relatifs à l’année civile 2015 effectués avec retard entre le 16 octobre 2016 et le 31 juillet 2017, en ce qui concernait l’exercice financier 2017, et s’élevaient à 59 893 498,31 euros.

23      Par le courrier Agea(2017) 74435, du 2 octobre 2017, les autorités italiennes ont contesté l’application des réductions proposées. Lors de la réunion du comité des fonds agricoles du 17 novembre 2017, elles ont exprimé leur désaccord avec le calcul des réductions proposées par la Commission et ont demandé le lancement de la procédure d’apurement de conformité prévue à l’article 34 du règlement no 1306/2013 pour le montant qui y était proposé.

24      L’envoi de la notification des conclusions du 25 mai 2018 a marqué le lancement de la procédure d’apurement de conformité demandée par les autorités italiennes. Par cette notification, la Commission a informé les autorités italiennes du montant des réductions devant être confirmées et corrigées dans la décision d’apurement pour l’exercice financier 2017. Ce montant de 93 059 323,84 euros comprenait le montant des réductions pour l’exercice financier 2017 s’élevant à 74 978 660,98 euros, communiqué par le courrier Ares(2018) 1705733, du 28 mars 2018, et un montant supplémentaire pour d’autres réductions à appliquer pour le dépassement du plafond net fixé par le règlement no 1307/2013.

25      Au cours de la procédure d’apurement de conformité, les autorités italiennes et les services de la Commission ont réitéré leurs arguments, tel que cela ressort du rapport de synthèse. Le montant de 74 978 660,98 euros a été proposé pour être exclu du financement de l’Union pour l’exercice financier 2017 [décision notifiée sous le numéro C(2018) 3194].

 Conclusions des parties

26      La République italienne conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique des corrections financières relatives aux enquêtes d’audit AA/2017/013/IT et CEB/2018/057 ;

–        à titre subsidiaire, annuler la décision attaquée en ce qu’elle lui applique une correction forfaitaire d’un montant total de 67 368 272,99 euros, établie à la suite de l’enquête AA/2017/013/IT, au lieu d’une correction ponctuelle s’élevant à 27 848 272,26 euros ;

–        condamner la Commission aux dépens.

27      La Commission conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la République italienne aux dépens.

 En droit

28      À l’appui de son recours, la République italienne invoque quatre moyens. Les premier à troisième moyens concernent la correction financière établie à la suite de l’enquête AA/2017/013/IT, tandis que le quatrième moyen concerne la correction financière relative à l’enquête CEB/2018/057.

29      Ainsi, il convient d’examiner ces moyens conjointement selon les corrections financières auxquelles ils se réfèrent.

 Sur les premier à troisième moyens

30      Par son premier moyen, la République italienne fait valoir que la Commission a interprété de manière erronée les notions, visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, de PP et de surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement, qui sont à la base de la correction financière appliquée.

31      Le deuxième moyen est tiré de ce que la Commission a enfreint l’article 52, paragraphe 2, du règlement no 1306/2013 et l’article 12, paragraphes 2 et 6, du règlement délégué no 907/2014. En effet, la correction financière, correspondant à 2 % des dépenses, serait manifestement disproportionnée par rapport au risque effectif pour le FEAGA et la République italienne aurait quantifié ce risque de manière précise à 27 848 824,24 euros.

32      Par son troisième moyen, la République italienne fait valoir que, s’agissant de l’application de la clause générale de l’« effet disproportionné », la Commission n’a pas respecté l’article 296 TFUE et l’article 41 de la charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, au motif que, d’une part, elle n’a pas motivé l’application de cette clause ayant justifié la correction forfaitaire proposée et, d’autre part, elle a refusé d’accepter les calculs proposés par les autorités italiennes pour des raisons de temps.

33      La Commission soutient que le premier moyen est inopérant et, à titre subsidiaire, dénué de fondement. Elle fait également valoir que les deuxième et troisième moyens doivent être rejetés.

34      Il convient d’examiner le caractère opérant, puis, le cas échéant, le bien-fondé du premier moyen.

 Sur le caractère opérant du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

35      La Commission fait valoir que le premier moyen est inopérant, dans la mesure où il ne permet pas en soi de conclure à l’illégalité de la correction financière de 67 368 272,99 euros relative aux aides à la surface octroyées à la République italienne au cours de l’année de demande 2017. Même en supposant que le moyen soit fondé, ce qui n’est pas le cas selon la Commission, la correction en cause serait tout de même justifiée par les multiples insuffisances qui ont affecté le fonctionnement de six contrôles clés, et ce indépendamment de la définition visée à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013. En effet, la Commission précise que la correction forfaitaire de 2 % représente le taux le plus bas possible conformément à l’article 12, paragraphe 8, du règlement délégué no 907/2014. Dès lors, à moins que la République italienne, en plus de justifier le bien-fondé de son premier moyen, ne puisse calculer précisément le risque maximal de perte découlant des autres insuffisances dont elle ne conteste pas l’existence, la correction de 2 % resterait valable.

36      La République italienne conteste les allégations de la Commission relatives au caractère inopérant du premier moyen.

37      À titre liminaire, s’agissant de la première correction financière mentionnée au point 2 ci-dessus, il convient de rappeler que la Commission, en estimant qu’il était impossible de déterminer les dépenses effectuées de manière « incorrecte » par la République italienne ou de vérifier toutes les dépenses susceptibles d’avoir été effectuées de façon irrégulière par cette dernière pendant l’année de demande 2017, s’est orientée vers une correction de type forfaitaire et a appliqué un taux de correction égal à 2 % du montant des aides à la surface octroyées à la République italienne au cours de l’année en cause. Cette correction forfaitaire est censée couvrir le risque de perte financière pour le FEAGA résultant des lacunes ou des insuffisances révélées par les enquêtes menées par la Commission en ce qui concerne six contrôles clés. À ce titre, il ressort du rapport de synthèse et de la lettre de conciliation que la Commission a indiqué six contrôles clés présentant des insuffisances (voir point 6 ci-dessus).

38      Il ressort de la lettre de conciliation que ces insuffisances résultent, en substance, de l’enregistrement incorrect des PP dans le système d’identification des parcelles agricoles (SIPA), qui a donné lieu aux mêmes insuffisances en ce qui concerne les contrôles administratifs que celles relatives aux années de demande 2015 et 2016.

39      Il importe, en outre, de noter que, dans le rapport de synthèse, qui reprend la position de la Commission, cette dernière a précisé que les carences en question avaient conduit à une évaluation erronée de toutes les parcelles qualifiées de PP en violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 et que cela avait eu une incidence sur les contrôles croisés visés aux articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014 ainsi que sur la régularité des paiements, y compris l’application de sanctions aux agriculteurs ayant déclaré des parcelles qualifiées de PP. Dans ledit rapport, la Commission a également indiqué que, dans la mesure où la régularité des paiements avait eu un impact sur la fixation de la valeur initiale unitaire des droits au paiement pour tous les agriculteurs, il convenait de considérer que les agriculteurs qui n’avaient pas déclaré des parcelles qualifiées de PP devaient également être pris en compte et que, ainsi, la mise en œuvre, par les autorités italiennes, de l’article 24, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 était, elle aussi, insuffisante. Il ressort donc du rapport de synthèse que, pour les insuffisances liées à la notion de PP, la population à risque était constituée par tous les agriculteurs et que la mise en œuvre erronée des dispositions précitées avait conduit à un calcul erroné du « taux de convergence » depuis le début et avait eu une incidence sur la régularité des paiements.

40      Cela étant précisé, il convient d’examiner les arguments de la Commission selon lesquels, à supposer que le premier moyen soit fondé, la correction forfaitaire en cause resterait justifiée par l’incidence des groupes d’insuffisances autres que celles visées par le premier moyen, qui est lié à définition de la notion de PP. Dans ses observations du 17 mai 2022, en ce qui concerne l’incidence, dans la présente affaire, de l’arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission (T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119), sur lequel la République italienne et la Commission ont été invitées à se prononcer par une mesure d’organisation de la procédure, la Commission a réitéré que certaines des insuffisances constatées étaient indépendantes de la notion de PP. Celles-ci entraîneraient des risques financiers distincts pour le FEAGA qui concernent l’ensemble de la population bénéficiant des paiements directs liés aux aides aux terrains admissibles effectués en Italie au cours de l’année de demande 2017, de sorte que chaque groupe d’insuffisance justifierait le maintien de la correction financière forfaitaire de 2 %.

41      À cet égard, premièrement, ainsi que cela ressort du rapport de l’organe de conciliation, ce sont notamment les divergences d’interprétation entre la République italienne et la Commission sur la notion de PP adoptée au niveau national, soulevées par l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission (T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119), et s’inscrivant dans le prolongement des enquêtes pour les années de demande 2014 à 2016, qui ont fait obstacle à la clôture fructueuse de la procédure de conciliation et, ainsi, à l’application d’une correction financière différente de la correction forfaitaire proposée par la Commission, tant en ce qui concerne la procédure pour les années 2015 et 2016 que celle relative à la présente affaire.

42      En outre, il ressort tant du rapport de synthèse que de la lettre finale que, comme le fait valoir à juste titre la République italienne, l’interprétation de la notion de PP a influencé le raisonnement de la Commission, dans la mesure où elle a considéré que les autorités italiennes n’avaient pas corrigé les dysfonctionnements relatifs à l’enregistrement des PP dans le SIPA, au système de contrôles, à la fixation des droits des aides aux agriculteurs ainsi qu’à la présentation de calculs conformes à l’article 12 du règlement délégué no 907/2014. Cela l’a amenée à conclure que, au vu de toutes les irrégularités constatées, y compris celles qui portaient sur la notion de PP, elle n’était pas en mesure de calculer le montant exact du risque financier pour le FEAGA et, partant, ne pouvait pas appliquer une correction ponctuelle au lieu d’une correction forfaitaire.

43      Deuxièmement, contrairement à ce qu’affirme la Commission, il ressort de la jurisprudence que, lorsque l’application d’une correction forfaitaire est fondée sur un ensemble d’irrégularités, dès lors que l’une de celles-ci procède d’une interprétation erronée, cela peut entraîner l’annulation de la correction dans son intégralité lorsque cette interprétation erronée a pu avoir une incidence sur l’appréciation de la Commission relative aux autres défaillances constatées [voir, en ce sens, arrêt du 13 février 2020, Grèce/Commission (Pâturages permanents), C‑252/18 P, EU:C:2020:95, points 94 et 95]. Le fait que la jurisprudence en question concerne des taux de 25 ou 10 %, tandis que, en l’espèce, le taux de correction financière est le plus bas possible, n’exclut pas que le principe découlant de cette jurisprudence puisse s’appliquer en l’espèce, pour autant que les conditions qui y sont établies soient réunies.

44      En effet, la République italienne a quantifié de manière précise le risque maximal pour le FEAGA et a progressivement adapté ses calculs aux observations de la Commission. Elle a notamment indiqué que la correction ponctuelle totale s’élevait à 27 848 824,24 euros et que la quantification présentée pour chaque insuffisance permettait de calculer de manière exacte le montant se rapportant au manquement concernant la notion de PP et de le déduire du montant total. Il ressort des calculs présentés que la déduction du montant se rapportant aux insuffisances concernant la notion de PP au montant complet de la correction financière entraînerait une perte financière bien moindre pour la République italienne que celle découlant de l’application de la correction forfaitaire de 2 % proposée par la Commission.

45      Troisièmement, il ne ressort pas du dossier que l’addition des corrections financières qui pourraient découler des autres insuffisances identifiées par la Commission, autres que celles afférentes à la définition de PP, aboutirait nécessairement à un montant supérieur ou égal à celui calculé par rapport au manquement lié aux PP. D’une part, le groupe d’insuffisances concernant l’exactitude de l’enregistrement dans le SIPA de la surface maximale exigible est étroitement lié à la correcte détermination des PP. En effet, la Commission a clairement indiqué que l’évaluation erronée des PP impliquait une violation de l’article 5 du règlement délégué no 640/2014 et avait eu une incidence sur les contrôles croisés visés aux articles 28 et 29 du règlement d’exécution no 809/2014 ainsi que sur la régularité des paiements, y compris l’application de sanctions aux agriculteurs ayant déclaré des parcelles qualifiées de PP. D’autre part, quand bien même chaque insuffisance entraîne des risques distincts pour le FEAGA et les calculs proposés par les autorités italiennes se réfèrent à chaque groupe séparément, ainsi que le soutient la Commission, il demeure que les autres insuffisances, qui ne sont pas liées à celle qui fait l’objet du premier moyen et qui justifieraient l’application d’une correction financière forfaitaire de 2 %, donneraient lieu à un montant de dépenses irrégulières inférieur à celui proposé par la Commission qui inclut également les insuffisances découlant de l’application de la notion de PP.

46      Quatrièmement, il ressort de la lettre finale que la Commission a rejeté les calculs du risque par le FEAGA effectués par la République italienne, au motif que l’examen des données fournies par cette dernière aurait exigé un effort disproportionné, lesdits calculs suivant les mêmes principes que ceux suivis pour les années de demande 2015 et 2016, objets des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/015/IT et AA/2016/012/IT, et les autorités italiennes n’ayant pas remédié aux insuffisances liées à l’exactitude de l’enregistrement des PP dans le SIPA et à la détermination de la surface maximale exigible des PP. Or, c’est précisément le désaccord entre la Commission et la République italienne sur la notion de PP, qui a conduit cette dernière à fournir, à plusieurs reprises, des nouvelles données tout au long de la procédure. Il s’ensuit que la définition de PP a eu un impact sur la quantification du risque pour le FEAGA proposée par les autorités italiennes et, dès lors, sur le refus de la Commission d’accepter celle-ci et sur sa décision d’appliquer la correction forfaitaire en cause.

47      Ainsi, certes, comme le fait valoir la Commission, le premier moyen n’est pas dirigé contre tous les groupes d’insuffisances. Cependant, force est de constater que, si le premier moyen, portant sur la définition des surfaces éligibles au titre des PP, devait prospérer et si la décision attaquée devait être annulée pour ce motif, il y aurait lieu pour la Commission de procéder, le cas échéant, au réexamen de ladite décision et de recalculer le montant des dépenses irrégulières en réduisant, si nécessaire, le montant de la correction financière.

48      Au regard de tout ce qui précède, l’argument de la Commission ne saurait être accueilli.

 Sur le bien-fondé du premier moyen, tiré de la violation de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013

49      Concernant les aides à la surface octroyées au cours de l’année 2017, la République italienne fait valoir que la Commission a appliqué de manière incorrecte les notions de PP et, en particulier, de surfaces adaptées au pâturage relevant des pratiques locales établies. Elle estime être en droit de considérer les surfaces traditionnellement utilisées pour le pâturage, comportant des broussailles et des arbres, dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas, comme des surfaces éligibles au titre des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies aux fins du paiement direct, visées dans la deuxième partie de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, en lieu et place de la définition ordinaire de PP couvrant uniquement les prairies. Selon la République italienne, la définition figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 permettrait à un État membre de décider de ne pas inclure les broussailles dans les PP lors du calcul de la superficie maximale au titre de surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie, lorsque l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées demeurent prédominantes, et ce indépendamment du choix opéré pour les terrains où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas.

50      En effet, la République italienne explique que c’est précisément parce que les espèces d’arbuste et d’arbre adaptées au pâturage ont une valeur fourragère qui varie en fonction de la présence prédominante ou non de l’herbe dans les PP, ainsi que des espèces ou races d’animaux effectivement au pâturage, qu’elle a décidé de ne pas tenir compte des broussailles et des arbres lorsque l’herbe demeurait prédominante, étant donné que la valeur fourragère apportée par les arbustes à une surface de PP est négligeable, puisque les animaux préfèrent se nourrir d’herbe.

51      La Commission fait valoir que ce moyen est non fondé. En particulier, selon la Commission, ce moyen est contraire à ce que soutient la République italienne dans les deux moyens suivants, tirés du caractère disproportionné de la correction forfaitaire de 2 %. Il serait également contraire à ce que la République italienne a soutenu au cours de la procédure administrative en ce qui concernait l’insuffisance relative à la définition incorrecte des superficies maximales admissibles résultant de la notion incohérente de PP et de surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie mise en œuvre au niveau national, étant donné que la République italienne s’était engagée à mettre en place un plan d’action visant à fixer, quoique après la date limite convenue, les superficies maximales admissibles au bénéfice de l’aide dans le SIPA, à commencer par les années de demande 2015 et 2016.

52      En outre, selon la Commission, le premier moyen est, dans tous les cas, non fondé étant donné que l’interprétation suggérée par la République italienne n’est pas conforme à la portée littérale de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, au motif que les autorités italiennes n’auraient pas pris en compte, dès le début, le fait que, sur les PP, d’autres espèces adaptées à la production d’aliments pour animaux comme des arbustes ou des arbres pouvaient être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes, de sorte que ces éléments caractéristiques ne sont pas considérés comme faisant partie de la surface admissible pour les surfaces qualifiées de PP.

53      Concernant l’argument de la République italienne, selon lequel les États membres sont libres de déterminer la notion de prairies permanentes qui leur convient le mieux et, donc, le cas échéant, de considérer les surfaces totalement dépourvues de prairies comme étant utilisables pour le pâturage, la Commission fait valoir qu’il découle de la notion de PP, même lorsqu’elle est étendue à d’autres espèces que les prairies, « comme des arbustes et/ou des arbres », que, pour être admissible, une surface doit effectivement être adaptée au pâturage et donc être accessible et dotée de ressources fourragères. La présence de rochers, de plans d’eau et d’obstacles empêchant l’accès à une zone herbacée, voire broussailleuse, rendrait cette partie de surface inaccessible inadmissible au paiement direct et obligerait donc l’État membre à la déduire du SIPA. En outre, le fait que la surface broussailleuse puisse, en théorie, être consacrée au pâturage ne suffirait pas à la considérer comme affectée au pâturage parce qu’elle ne serait pas effectivement et durablement destinée à cette activité.

54      La Commission ajoute qu’un État membre n’est pas autorisé à s’écarter des définitions communes établies par le droit de l’Union, car cela lui donnerait la possibilité d’octroyer des paiements à ses agriculteurs d’une manière discriminatoire par rapport à ce qui est autorisé dans d’autres États membres. C’est pour cette raison que, conformément à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, la notion de PP peut également inclure, à titre d’extension, des espèces non herbacées, comme des arbustes ou des arbres, pour autant qu’elles puissent effectivement être utilisées pour le pâturage, si l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes sur la surface en question. Ces conditions, communes à tous les États membres, n’auraient pas été respectées par les autorités italiennes, et ce dès la première année de demande à partir de laquelle l’extension devait être mise en œuvre.

55      En outre, la Commission précise que les calculs présentés par les autorités italiennes n’étaient pas fiables, étant donné qu’ils ne satisfaisaient pas aux critères et aux méthodologies applicables, conformément à l’article 12, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014.

56      Il ressort du rapport de synthèse, qui reprend les résultats de l’enquête menée par la Commission, ainsi que du contenu de la lettre finale, que, selon cette institution, les autorités italiennes n’ont pas adopté des mesures appropriées afin de remédier aux insuffisances établies à la suite des enquêtes AA/2016/003/IT, AA/2016/015/IT et AA/2016/012/IT, notamment en ce qui concerne l’enregistrement des PP dans le SIPA aux fins de la détermination des parcelles éligibles à l’aide directe, visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013. Le rapport de synthèse expose, en outre, que les données déposées pour l’année de demande 2017 suivent la même approche que celle utilisée pour les années de demande 2015 et 2016.

57      Plus précisément, en ce qui concerne le cinquième groupe d’insuffisances, visé par les arguments soulevés dans le cadre du premier moyen, la Commission considère que les autorités italiennes n’ont pas corrigé la définition de la notion de PP adoptée au niveau national. Or, il ressort du rapport de l’organe de conciliation que la notion en cause était déjà l’objet de la correction établie pour les années de demande 2015 et 2016, contestée dans le cadre du recours dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission (T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119).

58      En effet, en application de l’article 7, paragraphe 9, du decreto del ministero delle politiche agricole alimentari e forestali – Disposizioni nazionali di applicazione del regolamento no 1307/2013 (décret du ministère des politiques agricoles, alimentaires et forestières portant dispositions nationales d’application du règlement no 1307/2013), du 18 novembre 2014 (GURI no 295, du 20 décembre 2014, p. 1, ci-après le « décret ministériel du 18 novembre 2014 »), tel que modifié par l’article 2, paragraphe 6, du decreto del ministero delle politiche agricole alimentari e forestali sulle ulteriori disposizioni relative alla gestione della PAC 2014-2020 (décret du ministère des politiques agricoles, alimentaires et forestières portant dispositions complémentaires sur la gestion de la PAC 2014-2020), du 12 mai 2015 (GURI no 144, du 24 juin 2015, p. 8), la République italienne a indiqué deux types de surfaces dans les notifications du système d’information des marchés agricoles, à savoir :

–        le pâturage comportant des broussailles et des arbres de type méditerranéen adaptés au pâturage qui, avec l’herbe, constituent un couvert fourrager supérieur à 50 %. Par ailleurs, la République italienne a précisé que, pour ces surfaces, dans le système d’élevage italien, les zones de pâturage comportant des arbres et des broussailles (où la végétation ligneuse couvre la partie principale de la surface) constituent une ressource importante pour l’alimentation du bétail ;

–        les autres pâturages, à savoir les pâturages traditionnels où le couvert d’herbes et d’autres espèces fourragères herbacées, avec les plantes fourragères non utilisées pour le pâturage, ne dépasse pas 50 %.

59      Il s’ensuit que la République italienne aurait inclus, parmi les surfaces visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, les surfaces relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement, mais elle n’aurait pas inclus dans les surfaces de PP d’autres espèces comme des arbustes ou des arbres. Ainsi, la Commission conteste l’application cohérente et uniforme de la disposition susmentionnée, par les autorités italiennes, qui les a amenées à considérer comme admissibles également des surfaces inaccessibles et qui ne pouvaient donc être considérées comme traditionnellement utilisées à des fins de pâturage, ce qui démontrerait que les contrôles d’admissibilité réalisés par les autorités italiennes n’ont pas été efficaces.

60      En l’espèce, il y a lieu de vérifier si l’interprétation et la mise en œuvre, par les autorités italiennes, de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ont donné lieu, ainsi que le soutient la Commission, à l’enregistrement erroné des PP dans le SIPA avec, par voie de conséquence, une identification erronée de la surface maximale admissible et des insuffisances dans les contrôles administratifs sur les droits au paiement, lors de l’introduction du régime de paiement de base.

61      L’article 4, paragraphe 1, du règlement no 1307/2013 était rédigé comme suit :

« 1. Aux fins du présent règlement, on entend par :

[…]

h)      “prairies permanentes et pâturages permanents” (ci-après dénommés conjointement “prairies permanentes”), les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins ; d’autres espèces adaptées au pâturage comme des arbustes et/ou des arbres peuvent être présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ; les prairies permanentes peuvent également comprendre, lorsque les États membres le décident, des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement ; [...] »

62      Dans l’arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission (T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 51), le Tribunal a jugé qu’il ressortait du libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 que trois catégories de terres pouvaient, aux fins des mesures d’aides liées à la surface, être qualifiées de PP :

–        les terres consacrées à la production d’herbe ou d’autres plantes fourragères herbacées ;

–        les terres où d’autres espèces adaptées au pâturage, comme des arbustes ou des arbres, sont présentes, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ;

–        lorsque les États membres le décident, les surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.

63      Le Tribunal a également précisé que la troisième hypothèse prévue à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 consacrait, aux côtés du critère fondé sur le type de végétation et à l’instar de l’appréciation portée par la Cour dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt du 15 mai 2019, Grèce/Commission (C‑341/17 P, EU:C:2019:409), le critère de l’utilisation effective de la surface aux fins de sa qualification de PP, pour autant que celle-ci soit effectivement adaptée au pâturage et relève des pratiques locales établies où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement (arrêt du 9 septembre 2020, Grèce/Commission, T‑46/19, non publié, EU:T:2020:396, point 55).

64      L’article 4, paragraphe 2, du règlement no 1307/2013 dispose ce qui suit :

« Les États membres :

a)      définissent les critères à remplir par les agriculteurs pour respecter l’obligation de maintien d’une surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), ii) ;

b)      le cas échéant dans un État membre, définissent l’activité minimale à exercer sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), iii) ;

[…]

Les États membres peuvent décider de considérer comme prairies permanentes des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement, au sens du paragraphe 1, [sous] h). »

65      L’article 4, paragraphe 3, du règlement no 1307/2013 précise ce qui suit :

« Afin de garantir la sécurité juridique, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués en conformité avec l’article 70 en vue d’établir :

a)      le cadre dans lequel les États membres doivent établir les critères à remplir par les agriculteurs pour respecter l’obligation de maintien d’une surface agricole dans un état adapté au pâturage ou à la culture au sens du paragraphe 1, [sous] c), ii) ;

b)      le cadre dans lequel les États membres définissent l’activité minimale à exercer sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture, au sens du paragraphe 1, [sous] c), iii) ;

c)      les critères permettant de déterminer la prédominance d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées ainsi que ceux permettant de déterminer les pratiques locales établies au sens du paragraphe 1, [sous] h). »

66      Aux termes du considérant 7 du règlement délégué (UE) no 639/2014 de la Commission, du 11 mars 2014, complétant le règlement no 1307/2013 et modifiant l’annexe X dudit règlement (JO 2014, L 181, p. 1), « [p]our des raisons environnementales, la définition de [PP] figurant à l’article 4, paragraphe 1, [sous] h), du règlement [...] no 1307/2013 englobe également des espèces non herbacées comme les arbustes et/ou les arbres, qui sont adaptées au pâturage, pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes sur les surfaces concernées » et « [i]l est dès lors nécessaire de définir un critère pour déterminer les cas dans lesquels l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes ». Au considérant 8 du règlement délégué no 639/2014, il est indiqué que la définition des PP figurant à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 « permet aux États membres de considérer comme [PP] également des surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement » et que, « [à] cette fin, il est nécessaire de définir les critères sur la base desquels ces pratiques locales établies peuvent être déterminées ». Le considérant 9 du règlement délégué no 639/2014 reprend le contenu de l’article 4, paragraphe 2, deuxième alinéa, du règlement no 1307/2013, selon lequel les États membres peuvent considérer comme PP les surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies, dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas traditionnellement.

67      La section 2 du chapitre 1 du règlement délégué no 639/2014 contient des dispositions concernant les définitions figurant dans le règlement no 1307/2013. Plus précisément, l’article 4 du règlement délégué no 639/2014 définit les critères relatifs au maintien de la surface agricole dans un état qui la rend adaptée au pâturage ou à la culture. L’article 5 dudit règlement définit les activités minimales exercées sur les surfaces agricoles naturellement conservées dans un état qui les rend adaptées au pâturage ou à la culture. L’article 6 du même règlement précise que, aux fins de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, « l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées sont considérées comme restant prédominantes lorsqu’elles couvrent plus de 50 % de la surface admissible au niveau de la parcelle agricole au sens de l’article 67, paragraphe 4, [sous] a), du règlement […] no 1306/2013 ».

68      L’article 7 du règlement délégué no 639/2014 dispose ce qui suit :

« Aux fins de l’article 4, paragraphe 1, [sous] h), du règlement [...] no 1307/2013, les pratiques locales établies sont les suivantes, ou toute combinaison de celles-ci :

a)      les pratiques concernant les surfaces consacrées au pâturage du bétail qui présentent un caractère traditionnel et sont généralement mises en œuvre sur les surfaces concernées ;

b)      les pratiques importantes pour la conservation des habitats énumérés à l’annexe I de la directive 92/43/CEE du Conseil ainsi que des biotopes et habitats relevant de la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil »

69      Enfin, l’article 8 du règlement délégué no 639/2014 précise que, lors de l’application de l’article 32, paragraphe 5, du règlement no 1307/2013 aux PP adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies dans lesquelles l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées ne prédominent pas, traditionnellement, dans les zones de pâturage les États membres peuvent établir une distinction entre les diverses catégories de surfaces afin d’appliquer différents coefficients de réduction à ces catégories.

70      En application du règlement no 1307/2013, la République italienne a adopté le décret ministériel du 18 novembre 2014, qui, à son article 2, notamment, prévoit ce qui suit :

« 1.      Au sens de l’article 4, paragraphes 1 et 2, du règlement […] no 1307/2013 et sans préjudice des autres définitions prévues par les règlements de l’Union rappelés en introduction, on entend par : …

d)      [PP] : les surfaces visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement […] no 1307/2013, y compris les surfaces relevant des pratiques locales établies prévues à l’article 7 du règlement délégué […] no 639/2014, qui sont recensées par l’organisme de coordination prévu à l’article 7, paragraphe 4, du règlement […] no 1306/2013 dans le [SIPA], sur indication des références cadastrales par la région ou la province autonome compétente … »

71      Dans ses écritures, la République italienne fait valoir qu’elle a ainsi choisi d’inclure, dans les surfaces relevant de la notion de PP, les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie. Elle n’a pas, en revanche, fait usage de la possibilité visée à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 d’inclure, dans ces surfaces, d’autres espèces comme des arbustes ou des arbres lorsque le couvert herbacé est prédominant.

72      En l’espèce, il convient de constater que tant le libellé de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 (voir point 61 ci‑dessus) que la jurisprudence citée aux points 62 et 63 ci‑dessus reconnaissent aux États membres la possibilité, et non l’obligation, de considérer comme des PP, outre les « terres consacrées à la production d’herbe et d’autres plantes fourragères herbacées (ensemencées ou naturelles) qui ne font pas partie du système de rotation des cultures de l’exploitation depuis cinq ans au moins », d’une part, les surfaces comportant d’autres espèces, comme des arbustes ou des arbres, adaptées au pâturage en précisant que cette possibilité est admise « pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes », à savoir couvrent plus que 50 % de la surface, et, d’autre part, les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie.

73      Ainsi, le règlement no 1307/2013 permet de distinguer deux grandes catégories de surfaces admissibles comme PP, celles où le couvert herbacé est prédominant et celles traditionnellement adaptées au pâturage où le couvert herbacé n’est pas prédominant.

74      La distinction entre deux grandes catégories de surfaces admissibles comme PP, visées au point 73 ci-dessus, est cohérente, en outre, avec les études produites par la République italienne, qui n’ont pas été contestées, ni contredites, par la Commission et qui indiquent que la valeur fourragère des espèces d’arbustes et d’arbres adaptées au pâturage varie en fonction de la présence prédominante ou non de l’herbe dans les PP, ainsi que des espèces (ou races) d’animaux effectivement au pâturage. Plus précisément, il ressort desdites études que, lorsque l’herbe demeure prédominante, la valeur fourragère apportée par les arbustes à une surface de PP est négligeable, puisque les animaux préfèrent se nourrir d’herbe. En revanche, comme l’explique la République italienne, les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie se distinguent profondément des prairies‑pâturages « normaux » (et également des pâturages comportant des arbres et des broussailles où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées demeurent prédominantes) du fait qu’elles sont constituées principalement de formations végétales naturelles ou semi-naturelles qui, pour certaines zones régionales ou locales, constituent, historiquement et traditionnellement, la principale source d’alimentation d’un type de bétail adapté aux systèmes particuliers d’élevage extensif ou en liberté.

75      En outre, il ressort de la réglementation de l’Union, mentionnée au point 69 ci-dessus, que les États membres peuvent établir une distinction entre les diverses catégories de surfaces afin d’appliquer différents coefficients de réduction aux catégories concernées. Il s’ensuit que la possibilité de traiter de manière différente des surfaces présentant des caractéristiques différentes ne va pas à l’encontre de la réglementation de l’Union. En effet, le droit de l’Union autorise les États membres à tenir compte des spécificités locales et à considérer que, dans certaines régions où les pratiques de pâturage des surfaces sont établies et communément appliquées ou, en tout état de cause, sont essentielles pour la conservation des habitats énumérés à l’annexe I de la directive 92/43/CEE du Conseil, du 21 mai 1992, concernant la conservation des habitats naturels ainsi que de la faune et de la flore sauvages (JO 1992, L 206, p. 7), ainsi que des biotopes et habitats prévus par la directive 2009/147/CE du Parlement européen et du Conseil, du 30 novembre 2009, concernant la conservation des oiseaux sauvages (JO 2010, L 20, p. 7), les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie sont incluses, au titre de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, parmi les surfaces admissibles en tant que PP.

76      De surcroît, ainsi que cela a été souligné par les autorités italiennes, les services de la Commission interrogés par un État membre, à savoir la République fédérale d’Allemagne, sur les critères à suivre pour déterminer les espèces d’arbustes et d’arbres fourragers à inclure dans la définition de PP au sens de l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ont eux-mêmes précisé, dans la note Ares (2014) 2030308, qu’il revenait aux États membres d’établir si certaines espèces d’arbustes ou d’arbres présents sur les surfaces apportaient une valeur fourragère aux PP, en tenant également compte des espèces d’animaux effectivement au pâturage.

77      À ce titre, les autorités italiennes ont indiqué que, dans sept régions italiennes (les Pouilles, la Sicile, la Sardaigne, les Abruzzes, le Frioul-Vénétie Julienne, la Campanie et la Basilicate), les espèces arbustives et arborées pâturables sont considérées comme admissibles à la suite d’une photo-interprétation et que les pourcentages de réduction proportionnelle étaient appréciés à la suite de visites sur le terrain et de contrôles sur place.

78      De plus, contrairement à ce que soutient la Commission, la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes n’a pas pour effet d’inclure dans les surfaces relevant de cette notion des rochers, des plans d’eau et des obstacles empêchant l’accès à une zone herbacée, voire broussailleuse, pouvant en théorie être consacrée au pâturage. En d’autres termes, la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes n’est pas de nature à rendre admissibles des surfaces inaccessibles. En effet, il ressort de l’article 10 du règlement délégué no 640/2014 que les États membres peuvent appliquer un système de prorata leur permettant de déduire les éléments non admissibles des superficies des PP à déclarer aux fins de l’aide, en utilisant un coefficient de réduction fixe, ce qui a été mis en œuvre par la République italienne par l’article 7, paragraphe 9, du décret ministériel du 18 novembre 2014, tel que modifié par l’article 2, paragraphe 6, du décret ministériel du 12 mai 2015. Ainsi, l’existence, sur certaines surfaces, d’éléments inadmissibles n’est pas exclue par la réglementation de l’Union et ne peut, en l’espèce, démontrer que la République italienne a appliqué de manière erronée la définition de la notion de PP en incluant, dans celle-ci, les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie.

79      Dans la mesure où il appartient aux États membres de choisir d’inclure ou non, dans les PP visées à l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013, les parcelles agricoles comprenant d’autres espèces telles que des arbustes ou des arbres pour autant que l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées restent prédominantes, ou bien les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie, la Commission ne saurait soutenir que, en ayant choisi de n’inclure que cette seconde catégorie, les autorités italiennes ont enfreint l’article 4, paragraphe 1, sous h), du règlement no 1307/2013 ou ont rendu admissibles des surfaces originairement inadmissibles.

80      À cet égard, il convient de relever que la République italienne a expliqué dans ses écritures que, pour être considérées comme éligibles, les surfaces identifiées devaient être effectivement utilisées pour le pâturage durant l’année de la demande. En effet, l’article 4, paragraphe 2, du decreto del ministero delle politiche agricole alimentari e forestali – Disposizioni nazionali di applicazione del regolamento no 1307/2013 (décret du ministère des politiques agricoles, alimentaires et forestières mettant en œuvre les dispositions du règlement no 1307/2013), du 7 juin 2018 (GURI no 165, du 18 juillet 2018, p. 1), qui reprend le contenu de ce qui était précédemment prévu par le décret ministériel du 18 novembre 2014, énonce que « le pâturage [...] est la seule activité agricole reconnue pour l’éligibilité aux paiements des surfaces où sont réalisées les pratiques locales établies visées à l’article 7, sous a), du règlement [...] no 639/2014 ». Il s’ensuit que seules sont incluses dans la notion de PP les surfaces effectivement utilisées pour le pâturage et, par conséquent, accessibles, ce qui exclut les rochers, les plans d’eau ou les obstacles qui rendent inaccessible une zone d’herbe ou de broussailles.

81      Ainsi, la définition de la notion de PP appliquée par les autorités italiennes ne crée pas de discriminations injustifiées entre les agriculteurs, dès lors que les autorités italiennes se sont limitées à tenir compte de la spécificité de la surface adaptée au pâturage eu égard aux pratiques d’élevage traditionnellement adoptées en Italie. Cette approche a donc conduit à traiter de manière similaire des situations similaires et de manière différente des situations différentes (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission, T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119, point 134).

82      Par conséquent, la Commission a conclu à tort que la République italienne avait appliqué de manière erronée la définition de la notion de PP et, en particulier, de surfaces adaptées au pâturage et relevant des pratiques locales établies au motif que la définition appliquée par les autorités italiennes comprenait des surfaces ne comportant aucune prairie et comportant uniquement des arbrisseaux inaccessibles et que ces surfaces n’étaient pas utilisées traditionnellement, ni même occasionnellement, pour faire paître les animaux du fait de leur inaccessibilité. Contrairement à ce qu’affirme la Commission, la République italienne a adopté une législation nationale qui, ainsi que les autorités italiennes l’ont expliqué et que cela ressort des points 70 et 80 ci-dessus, fixe des critères d’éligibilité des surfaces, liés notamment à leur accessibilité et à leur caractère pâturable, conformes aux exigences de la législation de l’Union (voir, en ce sens, arrêt du 9 mars 2022, Italie/Commission, T‑10/20, non publié, EU:T:2022:119, point 135).

83      Il s’ensuit également que la décision des autorités italiennes d’inclure les espèces d’arbustes ou d’arbres sur les surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie et de ne pas étendre ce choix également aux terrains où l’herbe et les autres plantes fourragères herbacées sont prédominantes n’a pas conduit à une incohérence dans leur mise en œuvre, ni à une quantification incorrecte de la superficie maximale admissible pour les PP et, en particulier, pour les pâturages résultant de la pratique locale établie .

84      La conclusion qui figure au point 83 ci-dessus n’est pas remise en cause par les autres arguments avancés par la Commission.

85      Contrairement à ce que soutient la Commission, le premier moyen n’est pas en contradiction avec ce que les autorités italiennes ont soutenu dans le cadre des deuxième et troisième moyens du recours, tirés du caractère disproportionné de la correction forfaitaire de 2 % appliquée par la Commission.

86      En effet, ainsi que cela ressort du dossier, et comme le soutient la République italienne, le but des activités de quantification du risque sur une base ponctuelle au cours de la procédure administrative était d’éviter l’application de la correction forfaitaire et c’est uniquement pour suivre les indications de la Commission, tout en précisant qu’elles ne les partageaient pas, que les autorités italiennes ont inclus, dans le calcul du risque financier, les autres manquements relatifs aux PP en insistant sur le fait que la Commission adoptait une définition erronée de celles-ci et des surfaces adaptées aux pâturages résultant de la pratique locale établie.

87      S’agissant de l’allégation de la Commission selon laquelle la République italienne ne pouvait pas, d’une part, soutenir que la définition de la notion de surfaces adaptées au pâturage résultant de la pratique locale établie était correcte et, d’autre part, s’engager à mettre en place un plan d’action visant à l’actualisation du SIPA, il convient de constater que l’objectif du plan d’action était d’abandonner l’usage de la parcelle cadastrale comme parcelle de référence pour le SIPA et de procéder à une redéfinition globale des méthodes de vérification des conditions d’éligibilité du sol. La raison pour laquelle les autorités italiennes ont prévu une nouvelle forme de représentation des surfaces, plus conforme au caractère objectif du sol, est due à l’application de nouvelles méthodes de représentation du sol apparue au fil du temps. Ainsi, l’objectif dudit plan étant la redéfinition des méthodes de vérification des conditions d’admissibilité du sol, son adoption n’impliquait aucunement d’adhérer à la notion de PP adoptée par la Commission, de sorte que l’argument de la Commission selon lequel la présentation d’un plan d’action serait en contradiction avec le premier moyen ne peut prospérer.

88      S’agissant de la contradiction alléguée par la Commission entre le premier et le deuxième moyen, il convient de constater que ce dernier moyen a été soulevé « en tout état de cause », à savoir à titre subsidiaire, pour le cas où le premier moyen ne pourrait pas aboutir. Par ailleurs, ledit moyen porte sur la quantification du risque lié à l’ensemble des manquements identifiés par la Commission, y compris celui lié à la définition de la notion de PP. Ainsi, il n’existe aucune contradiction entre les moyens en question. L’absence de contradiction entre le premier et le deuxième moyen implique également l’absence de contradiction entre le premier et le troisième moyen, qui se limite à soulever la violation de l’obligation de motivation et la violation des droits de la défense résultant de l’absence d’explications du caractère « disproportionné » de l’effort qui aurait dû, selon la Commission, être mis en place pour vérifier les calculs fournis par les autorités italiennes.

89      Eu égard à ce qui précède, le premier moyen doit être accueilli.

90      En outre, ainsi que cela ressort des développements consacrés à l’examen du caractère opérant de ce premier moyen, l’erreur commise par la Commission a une incidence sur le montant de la correction financière qu’elle a décidée. Dans ces conditions, la décision attaquée doit être annulée en ce qu’elle prévoit une correction financière de 67 368 272,99 euros, établie à la suite de l’enquête AA/2017/013/IT, sans qu’il soit nécessaire d’examiner les deuxième et troisième moyens.

 Sur le quatrième moyen

91      Par son quatrième moyen, la République italienne fait valoir que la correction financière établie à la suite de l’enquête CEB/2018/057, mentionnée au point 2 ci-dessus, viole l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 ainsi que le principe de protection de la confiance légitime.

92      La République italienne soutient, en substance, s’agissant de la violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, qu’il résulte du fait que la Commission avait accepté de ne pas appliquer de réductions aux paiements effectués du 1er juillet au 15 octobre 2016 que la réserve de 5 % ne pouvait être utilisée qu’à partir du 16 octobre 2016, c’est‑à‑dire à partir du moment où les réductions devaient effectivement être appliquées. En revanche, les paiements effectués antérieurement à cette date ne pouvaient pas être considérés comme tardifs, puisqu’ils relevaient de la dérogation accordée en vertu de la disposition susmentionnée. Ils ne pouvaient donc pas affecter la réserve de 5 %. La Commission aurait, dès lors, violé l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 en ce qu’elle a considéré comme tardifs également les paiements effectués au cours de la période allant du 1er juillet au 15 octobre 2016 et pris ces paiements en compte pour la réserve de 5 %.

93      S’agissant de la violation du principe de protection de la confiance légitime, la République italienne fait valoir que les déclarations de l’ancien membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural et les notes ultérieures de la Commission ont fait naître chez les autorités italiennes une confiance légitime dans le fait qu’il existait des conditions permettant de concéder une prorogation du délai concernant les paiements directs pour la période du 30 juin au 15 octobre 2016.

94      Enfin, la République italienne soutient que l’approche suivie par les autorités italiennes est confirmée par l’avis de l’organe de conciliation du 13 juillet 2020, qui prouve l’absence de clarté du dossier pour plusieurs États membres ainsi que l’absence d’une base juridique appropriée pour la méthode d’application des réductions pour retard de paiement pour l’année 2015.

95      La Commission conteste ces arguments. Elle indique également que le quatrième moyen doit être considéré comme étant soulevé uniquement en ce qui concerne le montant de 72 032 377,96 euros, qui n’a trait qu’aux réductions appliquées aux paiements tardifs dus pour l’année civile 2015 et effectués avec retard au cours de l’exercice financier 2017, et non en ce qui concerne le montant net de 74 978 660,98 euros initialement indiqué par la République italienne.

96      Dans la réplique, la République italienne prend acte de la clarification effectuée par la Commission en ce qui concerne le montant corrigé.

 Sur le premier grief du quatrième moyen, tiré d’une violation de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014

97      Par le premier grief du quatrième moyen, la République italienne conteste l’application faite par la Commission de la procédure de dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014.

98      Ainsi que cela a été indiqué aux points 14 à 25 ci-dessus, la Commission, en raison des difficultés rencontrées par certains États membres pour respecter le délai du 30 juin 2016, a fait usage de la procédure de dérogation prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014. La non-application des réductions visées à l’article 5, paragraphe 2, sous a) à d), de ce règlement a été limitée aux paiements tardifs relatifs à l’exercice financier 2016, concernant la période allant de juillet 2016 au 15 octobre 2016.

99      Pour les paiements effectués après cette date, la Commission a appliqué la réduction de 100 % visée à l’article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement délégué no 907/2014, en considérant qu’il s’agissait d’un retard au-delà du quatrième mois suivant la date limite et la réserve de 5 % a été utilisée pour les paiements calculés au 30 juin 2016. En revanche, selon les autorités italiennes, le délai de paiement prévu à l’article 75 du règlement no 1306/2013 ayant été prorogé au 15 octobre 2016, cette dernière date aurait dû être prise en compte.

100    En particulier, les autorités italiennes ont demandé à faire usage de la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 en raison de l’existence de circonstances extraordinaires liées à la première année de mise en place de la réforme de la PAC. Elles considèrent que l’application de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 implique une prorogation du délai de paiement.

101    En vertu de l’article 75 du règlement no 1306/2013, les paiements par les organismes payeurs doivent être effectués au cours de la période comprise entre le 1er décembre et le 30 juin de l’année civile suivante.

102    Aux termes de l’article 40 du règlement no 1306/2013, tout paiement effectué par les organismes payeurs après le délai de paiement prévu à l’article 75 du règlement no 1306/2013 rend les paiements non admissibles au financement de l’Union. Ainsi, lesdits paiements ne peuvent pas faire l’objet de remboursements par la Commission.

103    Aux termes de l’article 5, paragraphe 1, du règlement délégué no 907/2014, en ce qui concerne le FEAGA, en application des exceptions visées à l’article 40, premier alinéa, du règlement no 1306/2013 et conformément au principe de proportionnalité, les dépenses effectuées au-delà des délais prescrits sont admissibles au bénéfice de paiements de l’Union dans les conditions prévues à l’article 5, paragraphes 2 à 6, dudit règlement.

104    L’article 5, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 prévoit l’utilisation d’une réserve de 5 %. Il dispose que, lorsque les dépenses effectuées avec retard représentent jusqu’à concurrence de 5 % des dépenses effectuées en respectant les délais, aucune réduction des paiements mensuels n’est à appliquer. En revanche, lorsque des dépenses effectuées avec retard dépassent la marge de 5 %, toute dépense supplémentaire effectuée avec retard est réduite selon les modalités suivantes :

a) les dépenses effectuées au cours du premier mois suivant celui où l’échéance de paiement a expiré sont réduites de 10 % ;

b) les dépenses effectuées au cours du deuxième mois suivant celui où l’échéance de paiement a expiré sont réduites de 25 % ;

c) les dépenses effectuées au cours du troisième mois suivant celui où l’échéance de paiement a expiré sont réduites de 45 % ;

d) les dépenses effectuées au cours du quatrième mois suivant celui où l’échéance de paiement a expiré sont réduites de 70 % ;

e) les dépenses effectuées au-delà du quatrième mois suivant celui où l’échéance de paiement a expiré sont réduites de 100 %.

105    Ainsi, lorsque les dépenses effectuées avec retard dépassent la marge de 5 %, toutes les dépenses supplémentaires payées après le délai sont remboursées aux États membres au titre de dépenses éligibles au financement de l’Union avec une réduction directement proportionnelle au retard de paiement. En conséquence, tous les paiements tardifs dépassant la marge de 5 % sont réduits d’un certain pourcentage s’ils sont effectués avant la fin du mois d’octobre de l’exercice financier concerné [article 5, paragraphe 2, sous a) à d), du règlement délégué no 907/2014] et de 100 % s’ils sont effectués après ce mois [article 5, paragraphe 2, sous e), du règlement délégué no 907/2014].

106     En vertu de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, la Commission applique un échelonnement différent de ceux prévus à l’article 5, paragraphes 2 et 3, dudit règlement ou des taux de réduction inférieurs ou nuls si des conditions particulières de gestion se présentent pour certaines mesures ou si des justifications fondées sont apportées par les États membres.

107    Il découle de la lecture combinée de ces dispositions que l’application de la procédure prévue à l’article 5 du règlement délégué no 907/2014 consiste en trois étapes. D’abord, la Commission constate que certains paiements sont tardifs, n’ayant pas été effectués avant le délai du 30 juin, établi par l’article 75 du règlement no 1306/2013. Ensuite, si les conditions prévues à l’article 5, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 sont remplies, lesdits paiements tardifs peuvent encore être considérés comme admissibles. Par conséquent, sur ces paiements, est calculée la réserve de 5 % et, le cas échant, une réduction au sens de cette même disposition est appliquée. Enfin, c’est à ces paiements tardifs auxquels la réserve de 5 % a été appliquée que la Commission peut décider d’appliquer l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, qui permet de déroger à la mise en place des réductions prévues au paragraphe 2 de cette même disposition.

108    En l’espèce, en premier lieu, il y a lieu de relever qu’il ressort du rapport de synthèse que, selon la Commission, au regard des arguments invoqués par les autorités italiennes et liés à des difficultés internes pour les contrôles, et conformément au principe de proportionnalité, l’application de la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 n’était pas justifiée après le 15 octobre 2016, à savoir lors de la première année suivant la réforme de la PAC.

109    En deuxième lieu, force est de constater que ladite procédure s’applique aux « dépenses effectuées avec retard » et que la Commission applique un échelonnement différent de ceux prévus à l’article 5, paragraphes 2 et 3, du règlement délégué no 907/2014. Or, il ressort du libellé de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 que cette procédure ne déroge pas au délai du 30 juin prévu par l’article 75 du règlement no 1306/2013, qui reste inchangé.

110    En effet, la procédure prévue à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 a pour objectif de rendre des paiements tardifs, au sens de l’article 75 du règlement no 1306/2013, qui ne seraient pas admis en vertu de l’article 40 dudit règlement, admissibles en appliquant un échelonnement différent ou sans l’application des réductions visées à l’article 5, paragraphe 2, sous a) à e), du règlement délégué no 907/2014.

111    En troisième lieu, ainsi que le fait valoir la Commission, en ce qui concerne l’argument de la République italienne selon lequel l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 autorise expressément une modification du délai de paiement, à la demande motivée des États membres, sans qu’il soit nécessaire de modifier ledit règlement, il convient de relever que la prémisse pour que ladite procédure puisse être mise en place est l’existence de paiements tardifs. Cette disposition implique seulement la modification de l’échelonnement des réductions à appliquer aux paiements tardifs. Elle permet donc de modifier les modalités d’application des réductions prévues à l’article 5, paragraphes 2 et 3, de ce même règlement et de décider, comme en l’espèce, de n’appliquer aucune réduction pour certains mois de retard, de sorte que lesdites réductions ne s’appliqueront qu’après la date établie.

112    En revanche, l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 ne permet pas de modifier indirectement le délai de paiement prévu à l’article 75 du règlement no 1306/2013.

113    Ainsi, la mise en œuvre de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 ne saurait impliquer la prolongation du délai du 30 juin 2016 jusqu’au 15 octobre 2016 ou l’application de l’article 5, paragraphe 2, du règlement délégué no 907/2014 à partir du 16 octobre 2016, de sorte que la réserve de 5 % soit calculée sur la base des paiements effectués à cette dernière date.

114    Par conséquent, il convient de relever que la Commission a appliqué correctement l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014.

 Sur le second grief du quatrième moyen, tiré d’une violation du principe de protection de la confiance légitime

115    Selon une jurisprudence constante, le droit de se prévaloir du principe de protection de la confiance légitime appartient à tout justiciable à l’égard duquel une institution de l’Union, en lui fournissant des assurances précises, a fait naître à son égard des espérances fondées. Constituent de telles assurances, quelle que soit la forme sous laquelle ils sont communiqués, des renseignements précis, inconditionnels et concordants. En revanche, nul ne peut invoquer une violation de ce principe en l’absence desdites assurances précises. Les assurances données doivent, en outre, être conformes aux normes applicables (voir arrêt du 30 juin 2021, Italie/Commission, T‑265/19, non publié, EU:T:2021:392, point 79 et jurisprudence citée).

116    En premier lieu, il y a lieu de relever que, lors de la réunion du 22 juin 2016, la Commission a évoqué l’application de la procédure visée à l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014 et a précisé que le délai de paiement n’avait pas changé et demeurait donc celui fixé au 30 juin 2016, ce qu’elle a répété aux autorités italiennes dans sa lettre du 17 août 2016, confirmée par celles du 22 décembre 2016, du 20 mars 2017, du 31 août 2017 et du 8 novembre 2017.

117    Par conséquent, à la lumière de ces échanges, il ne peut pas être considéré que la Commission ait fourni des assurances précises, inconditionnelles et concordantes, au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus. Au contraire, la Commission a précisé, à plusieurs reprises, que le délai de paiement du 30 juin n’avait pas été prorogé et que la procédure de dérogation, au sens de l’article 5, paragraphe 4, du règlement délégué no 907/2014, concernait une dérogation jusqu’au 15 octobre 2016 à l’application des réductions prévues à l’article 5, paragraphe 2, de ce même règlement. Par ailleurs, ainsi que cela a été constaté au point 114 ci-dessus, ces assurances n’auraient pas été conformes aux normes applicables.

118    En deuxième lieu, la République italienne invoque le communiqué de presse de l’agence nationale « ANSA » contenant des déclarations de l’ancien membre de la Commission chargé de l’agriculture et du développement rural afin de démontrer la violation du principe de protection de la confiance légitime. Cependant, il convient de constater que, dans ce communiqué de presse, seul le fragment de phrase « prorogation du 30 juin au 15 octobre » est rapporté comme émanant directement dudit membre de la Commission, tandis qu’il est évident que l’affirmation selon laquelle cette prorogation concernerait le délai d’exécution des paiements directs est une conclusion tirée par l’auteur dudit communiqué. Il s’ensuit que ce communiqué ne contient ni assurances ni renseignements précis, inconditionnels et concordants, fournis par une institution de l’Union, au sens de la jurisprudence citée au point 115 ci-dessus.

119    En troisième lieu, s’agissant de l’avis de l’organe de conciliation du 13 juillet 2020, lequel aurait, selon la République italienne, confirmé sa position, il y a lieu de constater que cet organe relève seulement l’existence de difficultés rencontrées par plusieurs États membres, sans valider l’approche des autorités italiennes.

120    Eu égard à l’ensemble de ces considérations, il y a lieu de rejeter le quatrième moyen dans son ensemble.

 Sur les dépens

121    Aux termes de l’article 134, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, chaque partie supporte ses propres dépens si les parties succombent respectivement sur un ou plusieurs chefs. En l’espèce, il y a lieu de décider que, le recours ayant été partiellement accueilli, il sera fait une juste appréciation des circonstances de la cause en décidant que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (première chambre)

déclare et arrête :

1)      La décision d’exécution (UE) 2021/261 de la Commission, du 17 février 2021, écartant du financement de l’Union européenne certaines dépenses effectuées par les États membres au titre du Fonds européen agricole de garantie (FEAGA) et du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader), est annulée en tant qu’elle impose à la République italienne une correction forfaitaire de 2 %, relative aux aides à la surface octroyées en Italie, d’un montant de 67 368 272,99 euros pour l’année de demande 2017.

2)      Le recours est rejeté pour le surplus.

3)      La République italienne et la Commission européenne supporteront leurs propres dépens.

Kanninen

Półtorak

Stancu

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 30 novembre 2022.

Signatures


*      Langue de procédure : l’italien.