Language of document : ECLI:EU:T:2011:284

Affaire T-240/07

Heineken Nederland BV et
Heineken NV

contre

Commission européenne

« Concurrence — Ententes — Marché néerlandais de la bière — Décision constatant une infraction à l’article 81 CE — Preuve de l’infraction — Accès au dossier — Amende — Principe d’égalité de traitement — Délai raisonnable »

Sommaire de l'arrêt

1.      Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Notion — Concours de volontés quant au comportement à adopter sur le marché

(Art. 81, § 1, CE)

2.      Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Notion — Prise de contact incompatible avec l'obligation pour chaque entreprise de déterminer de manière autonome son comportement sur le marché — Échange d'informations — Présomption — Conditions

(Art. 81, § 1, CE)

3.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Mode de preuve — Recours à un faisceau d'indices

(Art. 81, § 1, CE)

4.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Mode de preuve — Preuves documentaires

(Art. 81, § 1, CE)

5.      Droit communautaire — Principes — Droits fondamentaux — Présomption d'innocence — Procédure en matière de concurrence — Applicabilité

(Art. 81, § 1, CE)

6.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Utilisation de déclarations soumises dans le cadre de la communication sur la coopération par d'autres entreprises ayant participé à l'infraction comme moyens de preuve — Admissibilité — Conditions

(Art. 81 CE et 82 CE)

7.      Concurrence — Ententes — Accords entre entreprises — Preuve de l'infraction à la charge de la Commission — Limites

(Art. 81, § 1, CE)

8.      Concurrence — Ententes — Pratique concertée — Atteinte à la concurrence — Critères d'appréciation — Objet anticoncurrentiel — Constatation suffisante

(Art. 81, § 1, CE)

9.      Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Preuve de l'infraction et de sa durée à la charge de la Commission — Force probante de dépositions volontaires effectuées à charge contre une entreprise par les principaux participants à une entente en vue de bénéficier de l'application de la communication sur la coopération

(Art. 81, § 1, CE; communication de la Commission 96/C 207/04)

10.    Concurrence — Ententes — Infraction complexe présentant des éléments d'accord et des éléments de pratique concertée — Qualification unique en tant qu'« accord et/ou pratique concertée » — Admissibilité

(Art. 81, § 1, CE)

11.    Concurrence — Ententes — Participation à des réunions ayant un objet anticoncurrentiel

(Art. 81, § 1, CE)

12.    Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Accès au dossier — Portée — Refus de communication d'un document — Conséquences — Nécessité d'opérer au niveau de la charge de la preuve incombant à l'entreprise concernée une distinction entre les documents à charge et ceux à décharge

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 27, § 2)

13.    Concurrence — Procédure administrative — Accès au dossier — Documents ne figurant pas au dossier d'instruction et non retenus par la Commission pour être utilisés à charge — Documents pouvant servir à la défense des parties

(Art. 81, § 1, CE, et 82 CE; accord EEE, art. 53, 54 et 57; règlement du Conseil nº 139/2004; communication de la Commission 2005/C 325/07, point 27)

14.    Concurrence — Procédure administrative — Respect des droits de la défense — Document à charge — Notion

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 27, § 2)

15.    Concurrence — Procédure administrative — Décision de la Commission constatant une infraction — Obligation pour la Commission d'examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d'espèce

16.    Concurrence — Procédure administrative — Manifestation prématurée par la Commission de sa croyance en l'existence de l'infraction

17.    Concurrence — Procédure administrative — Obligations de la Commission — Respect d'un délai raisonnable — Critères d'appréciation — Violation — Conséquences

(Règlement du Conseil nº 1/2003)

18.    Concurrence — Procédure administrative — Demande de renseignements — Devoir général de prudence incombant aux entreprises ou associations d'entreprises

(Règlement du Conseil nº 17, art. 11)

19.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Marge d'appréciation réservée à la Commission — Limites — Respect des lignes directrices arrêtées par la Commission — Contrôle juridictionnel

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

20.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Prise en considération de l'impact concret sur le marché — Portée

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A)

21.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Prise en considération de la production d'effets sur une zone géographique particulière — Portée

(Art. 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03)

22.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlements du Conseil nº 17 et nº 1/2003; communication de la Commission 98/C 9/03)

23.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Répartition des entreprises concernées dans différentes catégories — Conditions

(Communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 6)

24.    Concurrence — Amendes — Décision infligeant des amendes — Obligation de motivation — Portée — Indication des éléments d'appréciation ayant permis à la Commission de mesurer la gravité de l'infraction — Indication suffisante

(Art. 253 CE; règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 et 3)

25.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Caractère dissuasif — Critères d'évaluation du facteur de dissuasion

(Communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 4)

26.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Caractère dissuasif — Pouvoir d'appréciation de la Commission

(Règlement du Conseil nº 1/2003, art. 23, § 2 et 3; communication de la Commission 98/C 9/03, point 1 A, al. 4)

27.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Cessation de l'infraction dès les premières interventions de la Commission — Portée

(Art. 81, § 1, CE; règlement du Conseil nº 17, art. 15, § 2; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

28.    Concurrence — Amendes — Montant — Détermination — Critères — Gravité de l'infraction — Circonstances atténuantes — Non-application effective des accords illicites

(Art. 81, § 1, CE; communication de la Commission 98/C 9/03, point 3)

29.    Concurrence — Règles communautaires — Infractions — Amendes — Détermination — Critères — Élévation du niveau général des amendes — Admissibilité — Conditions

(Article 81 CE; règlement du Conseil nº 1/2003)

30.    Concurrence — Procédure administrative — Obligations de la Commission — Respect d'un délai raisonnable — Violation — Conséquences — Réduction en équité du montant de l'amende

(Art. 81 CE et 288, al. 2, CE)

1.      Pour qu'il y ait accord au sens de l'article 81, paragraphe 1, CE, il suffit que les entreprises en cause aient exprimé leur volonté commune de se comporter sur le marché d'une manière déterminée. Il peut être considéré qu’un accord au sens dudit article est conclu dès lors qu’il y a une concordance des volontés sur le principe même d’une restriction de la concurrence, même si les éléments spécifiques de la restriction envisagée font encore l’objet de négociations.

L’existence d’un accord au sens de l’article 81, paragraphe 1, CE n’est remise en cause ni par la circonstance que le concours de volontés entre les entreprises concernées ne s’étend pas aux modalités concrètes de la mise en œuvre d'une hausse de prix, ni par le fait que celle-ci ne s’est, concrètement, jamais produite sur le marché.

(cf. points 44-45, 183)

2.      La notion de pratique concertée vise une forme de coordination entre entreprises qui, sans avoir été poussée jusqu’à la réalisation d’une convention proprement dite, substitue sciemment une coopération pratique entre elles aux risques de la concurrence.

À cet égard, l’article 81, paragraphe 1, CE s’oppose à toute prise de contact directe ou indirecte entre des opérateurs économiques de nature soit à influer sur le comportement sur le marché d’un concurrent actuel ou potentiel, soit à dévoiler à un tel concurrent le comportement que l’on est décidé à tenir soi-même sur le marché ou que l’on envisage d’adopter sur celui-ci, lorsque ces contacts ont pour objet ou pour effet la restriction de concurrence.

Il y a lieu de présumer, sous réserve de la preuve contraire qu’il incombe aux opérateurs intéressés de rapporter, que les entreprises participant à la concertation et qui demeurent actives sur le marché tiennent compte des informations échangées avec leurs concurrents pour déterminer leur comportement sur ce marché. Il en sera d’autant plus ainsi lorsque la concertation a lieu sur une base régulière au cours d’une longue période.

(cf. points 46-47, 186)

3.      En ce qui concerne l’administration de la preuve d’une infraction à l’article 81, paragraphe 1, CE, la Commission doit rapporter la preuve des infractions qu’elle constate et établir les éléments de preuve propres à démontrer, à suffisance de droit, l’existence des faits constitutifs d’une infraction. Ainsi, il est nécessaire que la Commission fasse état de preuves précises et concordantes pour établir l’existence de l’infraction.

Toutefois, chacune des preuves apportées par la Commission ne doit pas nécessairement répondre à ces critères par rapport à chaque élément de l’infraction. Il suffit que le faisceau d’indices invoqué par l’institution, apprécié globalement, réponde à cette exigence.

Compte tenu du caractère notoire de l’interdiction des accords anticoncurrentiels, il ne saurait être exigé de la Commission qu’elle produise des pièces attestant de manière explicite une prise de contact entre les opérateurs concernés. Les éléments fragmentaires et épars dont pourrait disposer la Commission devraient, en toute hypothèse, pouvoir être complétés par des déductions permettant la reconstitution des circonstances pertinentes. L’existence d’une pratique ou d’un accord anticoncurrentiel peut donc être inférée d’un certain nombre de coïncidences et d’indices qui, considérés ensemble, peuvent constituer, en l’absence d’une autre explication cohérente, la preuve d’une violation des règles de concurrence.

(cf. points 48-51)

4.      Lorsque la Commission a invoqué des éléments de preuve documentaires à l’appui de sa constatation de l’existence d’un accord ou d’une pratique anticoncurrentielle, il incombe aux parties qui contestent cette constatation devant le Tribunal, non pas simplement de présenter une alternative plausible à la thèse de la Commission, mais bien de soulever l’insuffisance des preuves retenues dans la décision attaquée pour établir l’existence de l’infraction.

(cf. point 52)

5.      S’agissant de la portée du contrôle juridictionnel, lorsqu’il est saisi d’un recours en annulation d’une décision d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE, le Tribunal doit exercer de manière générale un entier contrôle sur le point de savoir si les conditions d’application de l’article 81, paragraphe 1, CE se trouvent ou non réunies.

L’existence d’un doute dans l’esprit du juge doit profiter à l’entreprise destinataire de la décision constatant une infraction, conformément au principe de présomption d’innocence, lequel, en tant que principe général du droit de l’Union, s’applique notamment aux procédures relatives à des violations des règles de concurrence applicables aux entreprises susceptibles d’aboutir à l'imposition d'amendes ou d'astreintes.

(cf. points 53-54)

6.      Aucune disposition ni aucun principe général du droit de l’Union n’interdit à la Commission de se prévaloir, à l’encontre d’une entreprise, des déclarations d’autres entreprises incriminées. Si tel n’était pas le cas, la charge de la preuve de comportements contraires aux articles 81 CE et 82 CE, qui incombe à la Commission, serait insoutenable et incompatible avec la mission de surveillance de la bonne application de ces dispositions qui lui est attribuée par le traité CE.

Certes, la déclaration d’une entreprise inculpée pour avoir participé à une entente, dont l’exactitude est contestée par plusieurs autres entreprises inculpées, ne peut être considérée comme constituant une preuve suffisante de l’existence d’une infraction commise par ces dernières sans être étayée par d’autres éléments de preuve. Une telle déclaration ne saurait donc suffire, à elle seule, pour établir l’existence d'une infraction, mais doit être corroborée par d’autres éléments de preuve. Néanmoins, il y a lieu de considérer que le degré de corroboration requis est moindre, aussi bien en termes de précision qu’en termes d’intensité, dans le cas d'une déclaration revêtue d'une fiabilité élevée, par rapport à une déclaration n’étant pas particulièrement crédible.

Ainsi, s’il devait être jugé qu’un faisceau d’indices concordants permettait de corroborer l’existence et certains aspects spécifiques des pratiques évoquées par une telle déclaration particulièrement fiable, celle-ci pourrait suffire à elle seule, dans cette hypothèse, pour attester d’autres aspects de la décision de la Commission.

En outre, pour autant qu’une pièce ne soit pas en contradiction manifeste avec la déclaration sur l’existence ou le contenu essentiel des pratiques incriminées, il suffit qu’elle atteste des éléments significatifs des pratiques qu’elle a décrites pour avoir une certaine valeur à titre d’élément de corroboration dans le cadre du faisceau de preuves retenues à charge.

(cf. points 70, 92-94)

7.      La Commission est souvent obligée de prouver l’existence d’une infraction dans des conditions peu propices à cette tâche, dans la mesure où plusieurs années ont pu s’écouler depuis l’époque des faits constitutifs de l’infraction poursuivie et que plusieurs des entreprises faisant l’objet de l’enquête n’ont pas coopéré de manière active avec celle-ci.

S’il incombe nécessairement à la Commission d’établir qu’un accord illicite de partage des marchés a été conclu, il serait excessif d’exiger, en outre, qu’elle apporte la preuve du mécanisme spécifique par lequel ce but devait être atteint. En effet, il serait trop aisé pour une entreprise coupable d’une infraction d’échapper à toute sanction si elle pouvait tirer argument du caractère vague des informations présentées par rapport au fonctionnement d’un accord illicite dans une situation dans laquelle l’existence de l’accord et son but anticoncurrentiel sont pourtant établis de manière suffisante. Les entreprises peuvent se défendre utilement dans une telle situation pour autant qu’elles aient la possibilité de commenter tous les éléments de preuve invoqués à leur charge par la Commission.

(cf. point 78)

8.      Il découle du texte de la disposition de l’article 81 CE que les accords et les pratiques concertées entre entreprises sont interdits, indépendamment de tout effet sur le marché, lorsqu’ils ont un objet anticoncurrentiel. Ainsi, dès lors que la Commission a constaté l’existence des accords et des pratiques concertées ayant un objet anticoncurrentiel, cette constatation ne saurait être contredite par les indications tirées de l’absence d’application des arrangements collusoires ou l’absence d’effet sur le marché.

(cf. points 79-80)

9.      Bien qu’une certaine méfiance à l’égard de dépositions volontaires des principaux participants à une entente illicite soit généralement de mise, vu la possibilité que ces participants aient tendance à minimiser l’importance de leur contribution à l’infraction et de maximiser celle des autres, le fait de demander à bénéficier de l’application de la communication sur la coopération en vue d’obtenir une réduction de l’amende ne crée pas nécessairement une incitation à présenter des éléments de preuve déformés quant aux autres participants de l’entente incriminée. En effet, toute tentative d’induire la Commission en erreur pourrait remettre en cause la sincérité ainsi que la complétude de la coopération du demandeur et, partant, mettre en danger la possibilité pour celui-ci de tirer pleinement bénéfice de la communication sur la coopération.

(cf. point 91)

10.    Face à une situation factuelle complexe, la double qualification des comportements anticoncurrentiels d’« ensemble d’accords et/ou de pratiques concertées », dans la mesure où ces comportements comportent à la fois des éléments devant être qualifiés d’« accords » et des éléments devant être qualifiés de « pratiques concertées », doit être comprise non comme une qualification exigeant simultanément et cumulativement la preuve que chacun de ces éléments de fait présente les éléments constitutifs d’un accord et d’une pratique concertée, mais bien comme désignant un tout complexe comportant des éléments de fait, dont certains ont été qualifiés d’accords et d’autres de pratiques concertées au sens de l’article 81 CE, lequel ne prévoit pas de qualification spécifique pour ce type d’infraction complexe.

(cf. point 191)

11.    Dès lors qu’une entreprise a assisté, même sans jouer un rôle actif, à une réunion au cours de laquelle une concertation illicite a été évoquée, elle est censée avoir participé à ladite concertation, à moins qu’elle ne prouve qu’elle s’est ouvertement distanciée de celle-ci ou qu’elle a informé les autres participants qu’elle entendait prendre part à la réunion en question dans une optique différente de la leur.

(cf. point 195)

12.    Le droit d’accès au dossier constitue le corollaire du principe du respect des droits de la défense et implique que la Commission doit donner à l’entreprise concernée la possibilité de procéder à un examen de la totalité des documents figurant au dossier d’instruction qui sont susceptibles d’être pertinents pour sa défense. Ceux-ci comprennent tant les pièces à conviction que celles à décharge, sous réserve des secrets d’affaires d’autres entreprises, des documents internes de la Commission et d’autres informations confidentielles.

Concernant les pièces à conviction, l’absence de communication d’un document ne constitue une violation des droits de la défense que si l’entreprise concernée démontre, d’une part, que la Commission s’est fondée sur ce document pour étayer son grief relatif à l’existence d’une infraction et, d’autre part, que ce grief ne pourrait être prouvé que par référence audit document. Il incombe ainsi à l’entreprise concernée de démontrer que le résultat auquel la Commission est parvenue dans sa décision aurait été différent si ce document non communiqué devait être écarté comme moyen de preuve.

En revanche, s’agissant de l’absence de communication d’un document à décharge, l’entreprise concernée doit seulement établir que sa non-divulgation a pu influer, au détriment de cette dernière, sur le déroulement de la procédure et le contenu de la décision de la Commission. Il suffit que l’entreprise démontre qu’elle aurait pu utiliser lesdits documents à décharge pour sa défense, en démontrant notamment qu’elle aurait pu invoquer des éléments qui ne concordaient pas avec les appréciations opérées par la Commission au stade de la communication des griefs, et aurait donc pu influer, de quelque manière que ce soit, sur les appréciations portées dans la décision.

(cf. points 235-238)

13.    La communication des griefs est un acte destiné à circonscrire l’objet de la procédure engagée contre une entreprise et à assurer l’exercice efficace des droits de la défense. C’est dans cette perspective que la communication des griefs est entourée des garanties procédurales appliquant le principe du respect des droits de la défense, parmi lesquelles figure le droit d’accès aux documents relevant du dossier de la Commission.

Les réponses à la communication des griefs ne font pas partie du dossier d’instruction proprement dit. S’agissant des documents ne faisant pas partie du dossier constitué au moment de la notification de la communication des griefs, la Commission n’est tenue de divulguer lesdites réponses à d’autres parties concernées que s’il s’avère qu’elles contiennent de nouveaux éléments à charge ou à décharge. De même, selon le point 27 de la communication de la Commission relative aux règles d’accès au dossier de la Commission dans les affaires relevant des articles 81 CE et 82 CE, des articles 53, 54 et 57 de l'accord EEE et du règlement nº 139/2004, en règle générale, les parties n’ont pas accès aux réponses à la communication des griefs des autres parties concernées par l’enquête. Une partie n’a accès à ces documents que lorsqu’ils peuvent constituer de nouveaux éléments de preuve, qu’ils soient à charge ou à décharge, relatifs aux allégations formulées à l’égard de cette partie dans la communication des griefs de la Commission.

À cet égard, concernant, d’une part, les nouveaux éléments à charge, si la Commission entend se fonder sur un élément tiré d’une réponse à une communication des griefs pour établir l’existence d’une infraction, les autres entreprises impliquées dans cette procédure doivent être mises en mesure de se prononcer sur un tel nouvel élément de preuve.

Concernant, d'autre part, les nouveaux éléments à décharge, la Commission n'est pas obligée de les rendre accessibles de sa propre initiative. Dans l'hypothèse où la Commission a rejeté au cours de la procédure administrative une demande d'une partie requérante visant à l'accès à des documents ne figurant pas dans le dossier d'instruction, une violation des droits de la défense ne peut être constatée que s'il est établi que la procédure administrative aurait pu aboutir à un résultat différent dans l'hypothèse où la partie requérante aurait eu accès aux documents en question au cours de cette procédure.

(cf. points 239-244, 253)

14.    Un document ne peut être considéré comme un document à charge que lorsqu’il est utilisé par la Commission à l’appui de la constatation d’une infraction commise par une entreprise.

Aux fins d’établir une violation de ses droits de la défense, il ne suffit pas, pour l’entreprise en cause, de démontrer qu’elle n’a pas pu se prononcer au cours de la procédure administrative sur un document utilisé à un quelconque endroit de la décision attaquée. Il faut qu’elle démontre que la Commission a utilisé ce document, dans la décision attaquée, comme un élément de preuve additionnel pour retenir une infraction à laquelle l’entreprise aurait participé.

(cf. point 245)

15.    Parmi les garanties conférées par l’ordre juridique de l’Union dans les procédures administratives, figure notamment l’obligation pour l’institution compétente d’examiner, avec soin et impartialité, tous les éléments pertinents du cas d’espèce.

(cf. point 268)

16.    L’existence d’une infraction doit être appréciée en fonction des seuls éléments de preuve réunis par la Commission. Lorsque la matérialité d’une infraction est effectivement établie au terme de la procédure administrative, la preuve d’une manifestation prématurée par la Commission, au cours de cette procédure, de sa conviction selon laquelle ladite infraction existe n’est pas de nature à priver de sa réalité la preuve de l’infraction elle-même.

(cf. point 278)

17.    L'observation d'un délai raisonnable dans la conduite des procédures administratives en matière de politique de la concurrence constitue un principe général du droit de l'Union, dont les juridictions de l'Union assurent le respect.

Aux fins de l'application de ce principe, il convient d’opérer une distinction entre les deux phases de la procédure administrative, à savoir la phase d’instruction antérieure à la communication des griefs et celle correspondant au reste de la procédure. La première période, qui s’étend jusqu’à la communication des griefs, a pour point de départ la date à laquelle la Commission, faisant usage des pouvoirs que lui a conférés le législateur, prend des mesures impliquant le reproche d’avoir commis une infraction et doit permettre à celle-ci de prendre position sur l’orientation de la procédure. La seconde période, quant à elle, s’étend de la communication des griefs à l’adoption de la décision finale. Elle doit permettre à la Commission de se prononcer définitivement sur l’infraction reprochée.

Une durée de 65 mois de la première phase de la procédure doit être considérée, en l’absence d’information ou de justification complémentaire de la part de la Commission quant aux actes d’enquêtes diligentés au cours de cette période, comme excessive. Cependant, la constatation d’une violation du principe du délai raisonnable ne peut conduire à l’annulation d’une décision constatant une infraction que si la durée de la procédure a eu une incidence sur l’issue de la procédure.

(cf. points 286-288, 290, 292, 295)

18.    En vertu du devoir général de prudence qui incombe aux entreprises ou aux associations d’entreprises, celles-ci sont tenues de veiller à la bonne conservation, en leurs livres ou archives, des éléments permettant de retracer leur activité, afin, notamment, de disposer des preuves nécessaires dans l’hypothèse d’actions judiciaires ou administratives.

Lorsqu'une entreprise fait l’objet de demandes de renseignements de la part de la Commission au titre de l’article 11 du règlement nº 17, il lui appartient, a fortiori, d’agir avec une diligence accrue et de prendre toutes les mesures utiles afin de préserver les preuves dont elle peut raisonnablement disposer.

(cf. point 301)

19.    La Commission bénéficie d’un large pouvoir d’appréciation pour ce qui est de la méthode de calcul des amendes. Cette méthode, circonscrite par les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, comporte différents éléments de flexibilité permettant à la Commission d’exercer son pouvoir d’appréciation en conformité avec les dispositions du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 et 82 du traité.

En outre, dans des domaines tels que la détermination du montant d’une amende au titre du règlement nº 1/2003, où la Commission dispose de cette marge d’appréciation, le contrôle de légalité opéré sur ces appréciations se limite à celui de l’absence d’erreur manifeste d’appréciation. La marge d’appréciation de la Commission et les limites qu’elle y a apportées ne préjugent pas, en revanche, de l’exercice, par le juge de l’Union, de sa compétence de pleine juridiction, qui l’habilite à supprimer, à réduire ou à majorer le montant de l’amende infligée par la Commission.

(cf. points 308-310)

20.    La gravité d’une infraction est déterminée en tenant compte de nombreux éléments, tels que les circonstances particulières de l’affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, à l’égard desquels la Commission dispose d’une marge d’appréciation.

En particulier, conformément au point 1 A, premier alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, l’évaluation de la gravité de l’infraction doit prendre en considération la nature propre de l’infraction, son impact concret sur le marché lorsqu’il est mesurable et l’étendue du marché géographique concerné. Dans le cadre de son contrôle de pleine juridiction, il incombe au Tribunal d’apprécier si le montant de l’amende infligée est proportionné par rapport à la gravité de l’infraction et de mettre en balance la gravité de l’infraction et les circonstances invoquées par l'entreprise.

Aux termes du point 1 A, deuxième alinéa, troisième tiret, desdites lignes directrices, les infractions très graves correspondent pour l’essentiel, notamment, aux « restrictions horizontales de type ' cartels de prix ' et de quotas de répartition des marchés ». Les ententes de ce type relèvent des formes les plus graves d’atteinte à la concurrence, en ce qu’elles tendent, par leur propre objet, à l’élimination pure et simple de cette dernière entre les entreprises qui les mettent en œuvre, et contrarient, de ce fait, les objectifs fondamentaux de l’Union. Les ententes horizontales de prix ou de répartitions de marchés peuvent être qualifiées d’infractions très graves sur le seul fondement de leur nature propre, sans que la Commission soit tenue de démontrer un impact concret de l’infraction sur le marché.

Si l’existence d’un impact concret de l’infraction sur le marché est un élément à prendre en considération pour évaluer la gravité de l’infraction, il s’agit d’un critère parmi d’autres, tels que la nature propre de l’infraction et l’étendue du marché géographique. De même, il ressort du point 1 A, premier alinéa, desdites lignes directrices que cet impact est à prendre en considération uniquement lorsqu’il est mesurable.

(cf. points 314-316, 319-320, 324-325)

21.    Le territoire entier d’un État membre constitue une partie substantielle du marché commun. Des infractions telles que les accords ou pratiques concertées visant notamment à la fixation des prix et à la répartition des clients peuvent emporter, sur le seul fondement de leur nature propre, la qualification d’infraction très grave, sans qu’il soit nécessaire que de tels comportements se caractérisent par une étendue géographique particulière.

Cette conclusion est, en outre, renforcée par le fait que, si la description indicative des infractions graves dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA mentionne qu’il s’agira le plus souvent de restrictions horizontales ou verticales dont l’application est plus rigoureuse, dont l’impact sur le marché est plus large et qui peuvent produire leurs effets sur des zones étendues du marché commun, celle des infractions très graves, en revanche, ne mentionne aucune exigence d’impact concret sur le marché ni de production d’effets sur une zone géographique particulière.

Il en résulte que le fait que la taille du marché géographique qui est en cause revêt une dimension nationale ne s'oppose pas, en tout état de cause, à la qualification de très grave de l'infraction commise. La taille du marché de produit concerné n’est en principe pas un élément devant obligatoirement être pris en compte, mais seulement un élément pertinent parmi d’autres pour apprécier la gravité de l’infraction et fixer le montant de l’amende.

(cf. points 337, 339-342)

22.    La Commission dispose, dans le cadre du règlement nº 17 et du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, d’une marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de concurrence et de pouvoir à tout moment adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

La pratique décisionnelle antérieure de la Commission ne sert pas de cadre juridique aux amendes en matière de concurrence. Les décisions concernant d’autres affaires ne revêtent qu’un caractère indicatif en ce qui concerne l’existence éventuelle d’une discrimination, étant donné qu’il est peu vraisemblable que les circonstances propres à celles-ci, telles que les marchés, les produits, les entreprises et les périodes concernés, soient identiques.

La Commission apprécie la gravité des infractions en fonction de nombreux éléments qui ne procèdent pas d’une liste contraignante ou exhaustive de critères à prendre en compte. En outre, elle n’est pas tenue d’appliquer une formule mathématique précise, qu’il s’agisse du montant total de l’amende infligée ou de sa décomposition en différents éléments. Dans ces conditions, la comparaison directe des amendes imposées aux destinataires des deux décisions relatives à des infractions distinctes risque de dénaturer les fonctions spécifiques que remplissent les différentes étapes du calcul d’une amende. En effet, les montants finaux des amendes reflètent des circonstances spécifiques particulières à chaque entente.

(cf. points 345, 347, 350-351)

23.    Selon le point 1 A, sixième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, il peut convenir, pour une infraction d’une gravité donnée, dans les cas impliquant plusieurs entreprises comme les cartels, de pondérer le montant de départ général pour établir un montant de départ spécifique tenant compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence, notamment lorsqu’il existe une disparité considérable dans la dimension des entreprises auteurs d’une infraction de même nature.

La prise en compte du poids spécifique, et donc de l’impact réel, du comportement infractionnel de chaque entreprise sur la concurrence concerne la répartition des membres d’une entente en catégories, au regard de leur dimension sur le marché au cours d’une période de référence, et n’implique pas la prise en compte de l’impact sur le marché de l’infraction prise dans son ensemble.

L’application du traitement différencié sur la base de cette disposition ne nécessite pas la prise en considération d’un impact réel de l’infraction sur le marché.

(cf. points 356-358)

24.    Les exigences de la formalité substantielle que constitue l’obligation de motivation du mode de calcul de l’amende sont, selon une jurisprudence constante, satisfaites lorsque la Commission indique, dans sa décision, les éléments d’appréciation qui lui ont permis de mesurer la gravité et la durée de l’infraction.

Dans le cadre de l’exposé des motifs justifiant le niveau de l’amende, la Commission n’est pas tenue d’indiquer les éléments chiffrés qui ont guidé, notamment quant à l’effet dissuasif recherché, l’exercice de son pouvoir d’appréciation.

(cf. points 360, 375)

25.    En vue de déterminer le montant de l’amende, la Commission doit veiller à son caractère dissuasif.

À cet égard, la Commission peut notamment prendre en considération la taille et la puissance économique de l’entreprise en cause.

De même, le point 1 A, quatrième alinéa, des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA prévoit qu’il est nécessaire de prendre en considération la capacité économique effective des auteurs de l’infraction à créer un dommage important aux autres opérateurs, notamment aux consommateurs, et de déterminer le montant de l’amende à un niveau qui lui assure un caractère suffisamment dissuasif.

Au vu de la marge d’appréciation dans la fixation du montant des amendes dont la Commission dispose afin d’orienter le comportement des entreprises dans le sens du respect des règles de la concurrence, le fait que la Commission ait appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait donc la priver de la possibilité d’élever, à tout moment, ce niveau pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence et pour renforcer l’effet dissuasif des amendes.

(cf. points 367-369, 372)

26.    La sécurité juridique constitue un principe général du droit de l’Union qui exige notamment qu’une réglementation entraînant des conséquences défavorables à l’égard de particuliers soit claire et précise et son application prévisible pour les justiciables.

Ce principe a pour corollaire le principe de légalité des délits et des peines, qui exige que la loi définisse clairement les infractions et les peines qui les répriment.

Si l’article 23, paragraphes 2 et 3, du règlement nº 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, laisse à la Commission une large marge d’appréciation, il en limite néanmoins l’exercice en instaurant des critères objectifs auxquels celle-ci doit se tenir.

Ainsi, d’une part, le montant de l’amende susceptible d’être imposée connaît un plafond chiffrable et absolu, de sorte que le montant maximal de l’amende pouvant être infligée à une entreprise donnée est déterminable à l’avance.

D’autre part, l’exercice de ce pouvoir d’appréciation est également limité par les règles que la Commission s’est elle-même imposées dans les lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, la pratique administrative de la Commission étant d’ailleurs soumise à l’entier contrôle du juge de l’Union.

Un opérateur avisé peut ainsi, en s’entourant au besoin des services d’un conseil juridique, prévoir de manière suffisamment précise la méthode de calcul et l’ordre de grandeur des amendes qu’il encourt pour un comportement donné, et le fait que cet opérateur ne puisse, à l’avance, connaître avec précision le niveau des amendes que la Commission infligera dans chaque espèce ne saurait constituer une violation du principe de légalité des peines. En outre, les entreprises impliquées dans une procédure administrative pouvant donner lieu à une amende doivent tenir compte de la possibilité que, à tout moment, la Commission décide d’élever le niveau du montant des amendes par rapport à celui appliqué dans le passé. Le fait que la Commission puisse à tout moment revoir le niveau général des amendes dans le contexte de la mise en œuvre d’une autre politique de concurrence est donc raisonnablement prévisible pour les entreprises concernées.

(cf. points 383-386)

27.    Conformément au point 3 des lignes directrices pour le calcul des amendes infligées en application de l'article 15, paragraphe 2, du règlement nº 17 et de l'article 65, paragraphe 5, du traité CECA, le montant de base de l’amende fixé par la Commission est diminué, notamment, lorsque l’entreprise incriminée cesse l’infraction dès les premières interventions de la Commission.

L’octroi d’une telle diminution du montant de base de l’amende est lié aux circonstances de l’espèce, qui peuvent amener la Commission à ne pas l’accorder à une entreprise partie à un accord illicite. Notamment, reconnaître le bénéfice d’une circonstance atténuante dans des situations dans lesquelles une entreprise est partie à un accord manifestement illégal, dont elle savait ou ne pouvait ignorer qu’il constituait une infraction, pourrait inciter les entreprises à poursuivre un accord secret aussi longtemps que possible, dans l’espoir que leur comportement ne soit jamais découvert, tout en sachant que, s’il venait à être découvert, elles pourraient voir l’amende réduite en interrompant alors l’infraction.

Une telle reconnaissance ôterait tout effet dissuasif à l’amende infligée et porterait atteinte à l’effet utile de l’article 81, paragraphe 1, CE. Il s’agit, en effet, d’une circonstance atténuante qui, compte tenu de l’effet utile dudit article, doit être interprétée restrictivement, seules les circonstances particulières du cas d’espèce pouvant justifier sa prise en compte.

En particulier, la cessation d’une infraction commise de propos délibéré ne saurait être considérée comme une circonstance atténuante lorsqu’elle a été déterminée par l’intervention de la Commission.

Le seul fait que la Commission a considéré, dans sa pratique décisionnelle antérieure, que certains éléments constituaient des circonstances atténuantes aux fins de la détermination du montant de l’amende ne signifie pas qu’elle soit obligée de porter la même appréciation dans une décision ultérieure.

(cf. points 394-397, 401)

28.    Bien que la seule circonstance qu’une entreprise ne donne pas suite à des arrangements illicites ne soit pas de nature à écarter sa responsabilité, il s’agit néanmoins d’une circonstance devant être prise en compte, en tant que circonstance atténuante, dans le cadre de la détermination du montant de l’amende.

(cf. point 409)

29.    Le fait que la Commission a appliqué, dans le passé, des amendes d’un certain niveau à certains types d’infractions ne saurait la priver de la possibilité d’élever ce niveau dans les limites indiquées dans le règlement nº 1/2003, relatif à la mise en œuvre des règles de concurrence prévues aux articles 81 CE et 82 CE, si cela est nécessaire pour assurer la mise en œuvre de la politique de concurrence. Au contraire, l’application efficace des règles de la concurrence exige que la Commission puisse, à tout moment, adapter le niveau des amendes aux besoins de cette politique.

Une entreprise ne saurait valablement soutenir que sa sanction aurait pu être moins élevée si la Commission avait mis fin à la procédure administrative plus tôt, étant donné qu’elle a augmenté le niveau général des sanctions au cours de la procédure administrative.

Eu égard à ces considérations, la durée de la procédure administrative, bien qu’elle ait été excessive, ne saurait être considérée comme ayant une incidence sur le contenu de la décision attaquée, du seul fait que la Commission a augmenté entre-temps le niveau des amendes.

(cf. points 418-420)

30.    Une irrégularité de procédure, même si elle n’est pas susceptible d’aboutir à l’annulation d'une décision adoptée par la Commission à l'égard d'une société pour une infraction aux règles de la concurrence, peut justifier une réduction de l’amende. Le dépassement du délai raisonnable est susceptible de fonder la décision de la Commission de réduire en équité le montant d’une amende, la possibilité d’accorder une telle réduction s’inscrivant dans le cadre de l’exercice de ses prérogatives. L’exercice de cette prérogative par la Commission n’empêche pas le Tribunal, dans l’exercice de sa compétence de pleine juridiction, d’accorder une réduction supplémentaire du montant de l’amende.

En effet, la réduction de la sanction ayant pour objet de redresser la violation du principe du délai raisonnable doit être déterminée à un niveau adéquat au regard de la sanction infligée à l'entreprise. Il n’en reste pas moins que cette réduction s’opère en équité et ne doit pas être précédée d’un examen des conditions relatives à l’engagement de la responsabilité non contractuelle de l’Union, au sens de l’article 288, deuxième alinéa, CE.

(cf. points 425-426, 428, 432)