Language of document : ECLI:EU:T:2014:569

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (deuxième chambre)

24 juin 2014(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale THE HUT – Marque nationale verbale antérieure LA HUTTE – Motif relatif de refus – Risque de confusion – Article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement (CE) n° 207/2009 »

Dans l’affaire T‑330/12,

The Hut.com Ltd, établie à Northwich (Royaume-Uni), représentée par M. S. Malynicz, barrister,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par Mme V. Melgar, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Intersport France, établie à Longjumeau (France),

ayant pour objet un recours formé contre la décision de la deuxième chambre de recours de l’OHMI du 27 avril 2012 (affaire R 814/2011‑2), relative à une procédure d’opposition entre Intersport France et The Hut.com Ltd,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre),

composé de Mme M. E. Martins Ribeiro, président, MM. S. Gervasoni et L. Madise (rapporteur), juges,

greffier : Mme J. Weychert, administrateur,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 19 juillet 2012,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 8 novembre 2012,

à la suite de l’audience du 21 janvier 2014,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 29 juin 2009, la requérante, The Hut.com Ltd, a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1).

2        La marque dont l’enregistrement est demandé est le signe verbal THE HUT.

3        Les services pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment de la classe 35, au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent à la description suivante : « Approvisionnement de produits pour le compte de tiers ; services de vente au détail liés à la vente de produits électroniques, produits cosmétiques, parfums, vêtements, chaussures, chapellerie, jouets, jeux, substances alimentaires, boissons ; services de conseils et d’assistance liés à tous les services précités ; fourniture des services précités par un centre d’assistance à la clientèle ». 

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 044/2009, du 16 novembre 2009.

5        Le 15 février 2010, Intersport France (ci-après l’« opposante »), a formé opposition au titre de l’article 41 du règlement n° 207/2009, à l’enregistrement de la marque demandée pour les services visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était fondée sur la marque nationale verbale antérieure LA HUTTE, déposée et enregistrée en France, le 3 juin 2003, sous le numéro 33228708, pour les produits relevant des classes 3, 5, 18, 22, 25 et 28, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Savons, parfums, huiles essentielles, cosmétiques, shampoings ; cirages, crèmes pour le cuir » ;

–        classe 5 : « Produits hygiéniques pour la médecine, substances (boissons et aliments) diététiques à usage médical, matériel pour pansements » ;

–        classe 18 : « Malles, valises, parapluies ; sacs à main, à dos, à roulettes ; sacs d’alpinistes, de campeurs, de voyage, de plage, d’écoliers » ;

–        classe 22 : « Cordes, tentes, bâches, voiles » ;

–        classe 25 : « Vêtements, chaussures, chapellerie ; ceintures (habillement), fourrures (vêtements) ; gants (habillement) ; foulards ; chaussettes ; chaussures de plage, de ski ou de sport, anoraks » ;

–        classe 28 : « Jouets ; appareils de gymnastiques ; attirail de pêche ; balles ou ballons de jeu, patins à glace ou à roulettes ; trottinettes ; planches à voile ou pour le surf ; raquettes ; skis ».

7        Le motif invoqué à l’appui de l’opposition était celui visé à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009.

8        Le 14 février 2011, la division d’opposition a rejeté l’opposition dans son intégralité.

9        Le 13 avril 2011, l’opposante a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 58 à 64 du règlement n° 207/2009, contre la décision de la division d’opposition.

10      Par décision du 27 avril 2012 (ci-après la « décision attaquée »), la deuxième chambre de recours de l’OHMI a annulé partiellement la décision de la division d’opposition en ce que cette dernière avait rejeté l’opposition pour les « services de vente au détail liés à la vente de produits cosmétiques, parfums, vêtements, chaussures, chapellerie, jouets, jeux, services de conseils et d’assistance liés à tous les services précités ; fourniture des services précités par un centre d’assistance à la clientèle », relevant de la classe 35. En particulier, d’une part, elle a considéré que les services pour lesquels l’enregistrement était demandé, tels qu’indiqués ci-dessus, présentaient un certain degré de similitude avec les produits pour lesquels la marque antérieure avait été enregistrée, à savoir les « parfums, huiles essentielles, cosmétiques » (classe 3), les « vêtements, chaussures, chapellerie » (classe 25) et les « jouets » (classe 28). D’autre part, elle a considéré que les signes en conflit étaient identiques du point de vue conceptuel et étaient similaires tant du point de vue phonétique que du point de vue visuel, bien que dans une moindre mesure en ce qui concerne ce dernier aspect. En conséquence, la chambre de recours a estimé qu’il existait un risque de confusion, au sens de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, pour le public pertinent, à savoir le grand public français.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI et l’opposante aux dépens.

12      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens.

13      En réponse à une question du Tribunal posée lors de l’audience, la requérante a indiqué que, en l’absence d’intervention notamment de l’autre partie à la procédure devant l’OHMI, dans la présente affaire, elle ne souhaitait pas maintenir son second chef de conclusions pour autant qu’il visait à ce que le Tribunal condamne l’opposante aux dépens.

 En droit

14      Dans le cadre de son recours, la requérante invoque, en substance, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009. Plus précisément, elle fait grief à la chambre de recours d’avoir conclu à l’existence d’un risque de confusion entre la marque demandée et la marque antérieure.

15      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée. Le risque de confusion comprend le risque d’association avec la marque antérieure. Par ailleurs, en vertu de l’article 8, paragraphe 2, sous a), ii), du règlement n° 207/2009, il convient d’entendre par marque antérieure les marques enregistrées dans un État membre, dont la date de dépôt est antérieure à celle de la marque communautaire.

16      Selon une jurisprudence constante, constitue un risque de confusion le risque que le public puisse croire que les produits ou les services en cause proviennent de la même entreprise ou d’entreprises liées économiquement. Selon cette même jurisprudence, le risque de confusion doit être apprécié globalement, selon la perception que le public pertinent a des signes et des produits ou des services en cause, et en tenant compte de tous les facteurs pertinents en l’espèce, notamment de l’interdépendance de la similitude des signes et de celle des produits ou des services désignés [voir arrêt du Tribunal du 9 juillet 2003, Laboratoire RTB/OHMI – Giorgio Beverly Hills (GIORGIO BEVERLY HILLS), T‑162/01, Rec. p. II‑2821, points 30 à 33, et la jurisprudence citée].

17      Aux fins de l’application de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009, un risque de confusion présuppose à la fois une identité ou une similitude des marques en conflit et une identité ou une similitude des produits ou des services qu’elles désignent. Il s’agit là de conditions cumulatives [voir arrêt du Tribunal du 22 janvier 2009, Commercy/OHMI – easyGroup IP Licensing (easyHotel), T‑316/07, Rec. p. II‑43, point 42, et la jurisprudence citée].

18      Dans le cadre de l’appréciation globale du risque de confusion, il convient de prendre en compte le consommateur moyen de la catégorie de produits ou de services concernés, normalement informé et raisonnablement attentif et avisé. Il y a également lieu de prendre en considération le fait que le niveau d’attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction de la catégorie de produits ou de services en cause [voir arrêt du Tribunal du 13 février 2007, Mundipharma/OHMI – Altana Pharma (RESPICUR), T‑256/04, Rec. p. II‑449, point 42, et la jurisprudence citée].

19      À titre liminaire, il convient de relever en l’espèce que, d’une part, comme la chambre de recours l’a constaté à juste titre au point 20 de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste, le risque de confusion entre les signes en conflit doit être apprécié au regard du consommateur français. En effet, la marque antérieure a été enregistrée en France. D’autre part, compte tenu de la nature des produits et des services visés par les signes en conflit, le degré d’attention de ce consommateur doit être considéré comme moyen, ce que la chambre de recours a relevé au point 21 de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste.

20      C’est donc à la lumière des considérations exposées aux points 15 à 19 ci-dessus qu’il convient d’examiner l’existence d’un risque de confusion, pour le consommateur français moyen, entre la marque verbale demandée THE HUT et la marque verbale antérieure LA HUTTE.

 Sur la comparaison des produits et des services

21      Ainsi que la requérante l’a confirmé en réponse à une question posée par le Tribunal lors de l’audience, elle ne conteste pas l’appréciation de la chambre de recours, au point 24 de la décision attaquée, selon laquelle les produits et les services visés par les signes en conflit présentent un « certain degré de similitude », pour autant que cette expression indique un niveau faible de similitude. C’est au regard de ce degré faible de similitude entre les produits et services visés par les signes en conflit que la chambre de recours aurait dû procéder à la pondération des éléments à prendre en considération dans le cadre de l’analyse du risque de confusion.

22      L’OHMI conteste l’argumentation de la requérante. En effet, il ne ressortirait pas de la décision attaquée que la chambre de recours a considéré que le degré de similitude entre les produits et services visés par les signes en conflit serait faible.

23      Selon une jurisprudence constante, pour apprécier la similitude entre les produits ou les services en cause, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents qui caractérisent le rapport entre eux. Ces facteurs incluent, en particulier, leur nature, leur destination, leur utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire. D’autres facteurs peuvent également être pris en compte, tels que les canaux de distribution des produits concernés [voir arrêts du Tribunal du 11 juillet 2007, El Corte Inglés/OHMI – Bolaños Sabri (PiraÑAM diseño original Juan Bolaños), T‑443/05, Rec. p. II‑2579, point 37, et la jurisprudence citée, et du 18 juin 2008, Coca-Cola/OHMI – San Polo (MEZZOPANE), T‑175/06, Rec. p. II‑1055, point 61, et la jurisprudence citée].

24      Il y a lieu de rappeler que les produits ou services complémentaires sont ceux entre lesquels existe un lien étroit, en ce sens que l’un est indispensable ou important pour l’usage de l’autre, de sorte que les consommateurs peuvent penser que la responsabilité de la fabrication de ces produits ou de la fourniture de ces services incombe à la même entreprise [voir arrêt du Tribunal du 24 septembre 2008, Oakley/OHMI – Venticinque (O STORE), T‑116/06, Rec. p. II‑2455, points 57 et 58, et la jurisprudence citée].

25      En l’espèce, il convient de relever, d’abord, que, comme la chambre de recours l’a estimé, à juste titre, au point 23 de la décision attaquée, les services de « vente au détail », de « conseil et assistance », ou encore de « fourniture des services précités par un centre d’assistance à la clientèle », tels qu’indiqués au point 3 ci-dessus, pour lesquels l’enregistrement de la marque THE HUT est demandé, portent sur des produits identiques à ceux couverts par la marque antérieure, à savoir les « parfums, huiles essentielles, cosmétiques » (classe 3), les « vêtements, chaussures, chapellerie » (classe 25) et les « jouets» (classe 28).

26      Dès lors, force est de constater que le rapport entre lesdits services et produits est caractérisé par un lien étroit en ce sens que lesdits produits sont indispensables ou, à tout le moins, importants pour le déploiement des services visés par la marque demandée, ces derniers étant précisément fournis à l’occasion de la vente desdits produits. Les services et les produits visés par les signes en conflit sont par conséquent liés par un rapport de complémentarité, comme la chambre de recours l’a relevé à juste titre aux points 26 et 27 de la décision attaquée.

27      Dans ces conditions, il y a lieu de conclure, à l’instar de ce que la chambre de recours a considéré aux points 24 et 43 de la décision attaquée, que les produits et les services visés par les signes en conflit présentent un certain degré de similitude et que, contrairement à ce que fait valoir la requérante, un tel degré de similitude n’est pas faible.

28      L’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours ne pouvait pas s’appuyer sur l’arrêt O STORE, point 24 supra, dans la mesure où les signes en conflit ne sont, en l’espèce, pas similaires, à la différence de ceux dans ledit arrêt, doit être rejeté. En effet, le fait que le Tribunal ait conclu à l’existence d’une similitude des signes dans ledit arrêt est sans influence sur le bien-fondé du constat, en l’espèce, que les produits et services visés par les signes en conflit présentent un certain degré de similitude, compte tenu de leur complémentarité.

 Sur la comparaison des signes

29      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, aux points 33 à 38 et 40 de la décision attaquée, selon laquelle les signes en conflit étaient identiques du point de vue conceptuel et similaires tant du point de vue phonétique que du point de vue visuel, bien que dans une moindre mesure en ce qui concerne ce dernier aspect. En effet, elle soutient que lesdits signes ne sont pas similaires et que, même s’ils présentent des similitudes phonétiques et visuelles, ces similitudes sont neutralisées par leurs différences conceptuelles.

30      À cet égard, il y a lieu de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne les similitudes visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants. La perception des marques qu’a le consommateur moyen des produits ou des services en cause joue un rôle déterminant dans l’appréciation globale dudit risque. À cet égard, le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails (voir arrêt de la Cour du 12 juin 2007, OHMI/Shaker, C‑334/05 P, Rec. p. I‑4529, point 35, et la jurisprudence citée).

31      D’une façon générale, deux marques sont similaires lorsque, du point de vue du public pertinent, il existe entre elles une égalité au moins partielle en ce qui concerne un ou plusieurs aspects pertinents [arrêt du Tribunal du 23 octobre 2002, Matratzen Concord/OHMI – Hukla Germany (MATRATZEN), T‑6/01, Rec. p. II‑4335, point 30].

32      S’agissant de la similitude visuelle, la requérante soutient que les signes en conflit ne sont pas similaires pour trois motifs. Tout d’abord, le début et la fin des signes, dont l’importance dans la comparaison visuelle des signes aurait été soulignée par la jurisprudence, seraient différents. Ensuite, moins de 50 % de la marque antérieure serait incluse dans la marque demandée. Enfin, les longueurs des différents éléments composant les signes en conflit seraient différentes.

33      La chambre de recours a considéré, aux points 38 et 40 de la décision attaquée, que la similitude entre les signes en conflit était moins importante du point de vue strictement visuel. Elle a relevé, en substance, que, si le terme « hut » était inclus dans la marque antérieure, les deux premiers éléments et la fin des signes en conflit étaient, en revanche, différents.

34      Il y a lieu de constater, d’abord, comme la requérante le fait observer à juste titre, que les signes en conflit, pris globalement, sont de longueurs différentes et présentent une asymétrie dans leurs compositions. En effet, la marque demandée est composée de deux mots de trois lettres chacun et la marque antérieure est composée d’un mot de deux lettres suivi d’un mot de cinq lettres. Ensuite, les premiers éléments des signes en conflit, à savoir « the » pour la marque demandée et « la » pour la marque antérieure, sont composés de lettres différentes. Enfin, le second élément de la marque antérieure comporte les lettres « t » et « e », qui s’ajoutent à la syllabe « hut », qui est le second terme de la marque demandée.

35      Cependant, ces différences ne sont pas suffisantes pour écarter toute similitude visuelle entre les signes en conflit. En effet, force est d’abord de constater qu’il s’agit de deux marques verbales qui sont chacune composées de deux mots courts. Ensuite, l’élément verbal « hut », composant le second élément de la marque demandée, constitue les trois premières lettres du second élément de la marque antérieure.

36      Dans ces conditions, il convient de constater, comme la chambre de recours l’a conclu à bon droit, aux points 38 et 40 de la décision attaquée, que, appréciés dans leur ensemble, les signes en conflit présentent une similitude visuelle, bien qu’à un faible degré.

37      S’agissant de la similitude phonétique, la requérante soutient que, contrairement à ce que la chambre de recours a estimé, il n’existe pas d’identité entre les signes en conflit. D’une part, elle fait valoir que les premières syllabes desdits signes, à savoir « la » pour la marque antérieure et « the » pour la marque demandée, ne présentent aucune similitude phonétique. D’autre part, elle conteste l’appréciation de la chambre de recours, au point 33 de la décision attaquée, selon laquelle une partie non négligeable du public français prononcera le terme anglais « hut » de manière identique au terme français « hutte ».

38      Tout d’abord, il y a lieu de relever que, si la chambre de recours constate, en substance, au point 33 de la décision attaquée, l’existence d’une identité phonétique entre le terme « hutte », figurant dans la marque antérieure, et le terme « hut », figurant dans la marque demandée, elle ne conclut toutefois, contrairement à ce que soutient la requérante, au point 40 de la décision attaquée, qu’à une similitude phonétique des signes en conflit lorsqu’ils sont appréciés dans leur ensemble.

39      Ensuite, il y a lieu de relever que, si les termes « la » et « the » sont différents sur le plan phonétique, en revanche, une partie non négligeable du public pertinent est susceptible de percevoir les termes « hutte » et « hut » comme présentant une similitude phonétique. En effet, comme la chambre de recours l’a correctement relevé, au point 33 de la décision attaquée, compte tenu de la connaissance et de la maîtrise imparfaites de la langue anglaise par le public pertinent, en particulier de termes, tels que ceux en cause en l’espèce, qui ne font pas partie du vocabulaire de base, une partie non négligeable dudit public est susceptible de prononcer le terme anglais « hut », composant le second élément de la marque demandée, de la même manière que le terme français « hutte », figurant dans la marque antérieure [voir, par analogie, arrêt du Tribunal du 1er février 2005, SPAG/OHMI – Dann et Backer (HOOLIGAN), T‑57/03, Rec. p. II‑287, point 58].

40      Enfin, l’argument de la requérante, selon lequel la chambre de recours aurait dû demander à l’opposante d’apporter des preuves de la prononciation de la marque demandée par le public pertinent, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, dans la mesure où c’est à bon droit que la chambre de recours a considéré en substance, au point 33 de la décision attaquée, que la connaissance du vocabulaire d’une langue étrangère autre que celui de base ne pouvait être présumée [voir, par analogie pour le public espagnol, arrêt du Tribunal du 13 septembre 2010, Inditex/OHMI – Marín Díaz de Cerio (OFTEN), T‑292/08, Rec. p. II‑5119, point 83], c’est à la requérante qu’il revenait d’étayer, par des éléments probants, son argument selon lequel le public pertinent français aurait une connaissance suffisante de la langue anglaise pour prononcer le mot anglais « hut » et le mot français « hutte » de manière différente.

41      Dans ces conditions, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a constaté à bon droit que les signes en conflit étaient similaires sur le plan phonétique.

42      S’agissant de la similitude conceptuelle, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours, aux points 34 à 36 de la décision attaquée, selon lesquelles, d’une part, le public pertinent associera des significations identiques à ces deux termes et, d’autre part, la différence entre les articles définis composant les signes en conflit sera comprise comme un jeu de mot publicitaire. Selon elle, le signe THE HUT n’a aucune signification en français.

43      À cet égard, il convient de rappeler tout d’abord que, selon la jurisprudence, deux marques sont conceptuellement similaires lorsque, à la suite d’une traduction préalable, elles renvoient, dans l’esprit du public pertinent, à la même idée [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 9 mars 2005, Osotspa/OHMI – Distribution & Marketing (Hai), T‑33/03, Rec. p. II‑763, point 51, et du 13 juin 2012, Organismos Kypriakis Galaktokomikis Viomichanias/OHMI – Garmo (HELLIM), T‑534/10, non encore publié au Recueil, points 41 et 42]. Le Tribunal, a précisé, également, que, si le consommateur moyen perçoit normalement une marque comme un tout et ne se livre pas à un examen de ses différents détails, il n’en demeure pas moins que, en percevant un signe verbal, il décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [voir arrêt du Tribunal du 8 juillet 2010, Engelhorn/OHMI – The Outdoor Group (peerstorm), T‑30/09, Rec. p. II‑3803, point 60, et la jurisprudence citée]. De plus, les articles définis qui se contentent d’introduire un nom et ne forment pas une unité logique et conceptuelle propre ont une importance moindre dans l’appréciation de la similitude de deux marques [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 15 novembre 2011, El Coto De Rioja/OHMI – Álvarez Serrano (COTO DE GOMARIZ), T‑276/10, non publié au Recueil, point 28, et la jurisprudence citée].

44      En l’espèce, premièrement, il y a lieu de relever que, si la chambre de recours pouvait à bon droit, ainsi qu’il ressort du point 33 de la décision attaquée, présumer qu’une partie substantielle et, en tout cas, non négligeable du public pertinent n’aurait pas connaissance du nom commun anglais « hut », il en va différemment de l’article défini « the », qu’il comprendra comme faisant référence à l’article défini français « le » ou « la ». En effet, d’une part, le terme « the » fait partie du vocabulaire de base de la langue anglaise. D’autre part, comme la chambre de recours l’a fait observer en substance et à juste titre, au point 35 de la décision attaquée, sans que la requérante le conteste, cet article défini est utilisé dans le langage courant par le public pertinent français pour mettre en valeur, parfois de manière humoristique ou emphatique, le nom commun qui le suit. Dès lors, le public pertinent attachera, en l’espèce, une importance particulière au début du second élément « hut », qui est commun aux signes en conflit. La jurisprudence à laquelle la requérante renvoie à cet égard pour établir l’importance qu’un consommateur attache, en principe, au début ou à la fin d’un signe, n’est donc pas pertinente.

45      Deuxièmement, il convient de préciser que, si le terme « hutte » de la marque antérieure présente une signification précise en français, le terme « hut » de la marque demandée est dépourvu de toute signification en français. Cependant, ainsi qu’il a été précisé à juste titre au point 31 de la décision attaquée, le consommateur moyen français reconnaitra l’élément « the » de la marque demandée comme l’article défini anglais et comprendra qu’il précède un nom au regard de sa fonction grammaticale, rappelée au point 43 ci-dessus. Dès lors, ainsi qu’il ressort du point 34 de la décision attaquée, une partie non négligeable du public pertinent, ne connaissant pas la signification du terme anglais « hut » de la marque demandée, pourra lui attribuer une signification en se fondant sur les règles de prononciation de la langue française. La prononciation dudit terme « hut » étant semblable à celle du terme « hutte », le public concerné pourra en déduire la traduction correcte en français, à savoir « la hutte ». Il s’avère que cette signification est la seule possible et est identique à celle de la marque antérieure.

46      Troisièmement, la requérante ne conteste pas la considération, ressortant des points 38 et 39 du mémoire en réponse de l’OHMI, selon laquelle the hut est la traduction anglaise de la hutte et renvoie à un abri ou une cabane.

47      Dès lors, force est de constater que c’est à juste titre que la chambre de recours a pu considérer que les signes en conflit étaient identiques sur le plan conceptuel.

48      À la lumière des constatations exposées aux points 36, 41 et 47 ci-dessus, il y a lieu de considérer que, contrairement à ce que la requérante soutient, la chambre de recours a estimé à juste titre que les signes en conflit, pris dans leur ensemble, étaient similaires.

49      Les autres arguments soulevés par la requérante à cet égard ne sauraient infirmer cette conclusion.

50      Premièrement, l’argument selon lequel, conformément à la jurisprudence, les différences conceptuelles existant entre des signes neutralisent leurs similitudes phonétiques et visuelles doit être rejeté comme étant inopérant. En effet, cet argument repose sur la prémisse erronée, comme il résulte du point 47 ci-dessus, selon laquelle les signes en conflit seraient différents sur le plan conceptuel.

51      Deuxièmement, l’argument selon lequel la chambre de recours aurait dû attacher une importance accrue à l’absence de similitude visuelle des signes en conflit, dans la mesure où les produits en cause sont achetés à vue dans les magasins, doit être écarté comme étant non fondé. En effet, tout d’abord, cet argument repose sur la prémisse erronée, comme il y résulte du point 36 ci-dessus, que les signes en conflit ne sont pas similaires sur le plan visuel. Ensuite, ainsi qu’il a été considéré à juste titre par la chambre de recours aux points 41 et 42 de la décision attaquée, d’une part, le consommateur moyen doit se fier à l’image imparfaite des marques qu’il garde en mémoire, d’autre part, les différences présentes dans la marque demandée pourraient être perçues par le public pertinent comme répondant à une sorte d’anglicisation, modernisation et internationalisation de la marque antérieure. Enfin, quand bien même la chambre de recours aurait dû porter une attention accrue aux aspects visuels des signes en conflit, cela ne serait pas de nature à modifier la conclusion, au point 48 ci-dessus, selon laquelle, pris globalement, lesdits signes sont similaires, étant donné que la similitude visuelle d’un « niveau moindre » est compensée par la similitude phonétique ainsi que par l’identité conceptuelle.

52      Troisièmement, l’argument de la requérante selon lequel la chambre de recours n’a pas procédé à l’examen des comparaisons visuelle, phonétique et conceptuelle des signes selon l’ordre d’analyse qui correspond à sa pratique habituelle, ainsi qu’ à une jurisprudence constante de la Cour et du Tribunal, est également sans influence sur le bien-fondé de la comparaison desdits signes opérée par la chambre de recours.

 Sur le risque de confusion

53      La requérante conteste l’appréciation de la chambre de recours, au point 43 de la décision attaquée, selon laquelle, au regard de la similitude des produits et des services visés par les signes en conflit et de la similitude entre lesdits signes, l’existence d’un risque de confusion pour le grand public français ne saurait être exclue.

54      Il y a lieu de rappeler que l’appréciation globale du risque de confusion implique une certaine interdépendance des facteurs pris en compte et, notamment, de la similitude des marques et de celle des produits ou des services désignés. Ainsi, un faible degré de similitude entre les produits ou les services désignés peut être compensé par un degré de similitude élevé entre les marques, et inversement [arrêt de la Cour du 29 septembre 1998, Canon, C‑39/97, Rec. p. I‑5507, point 17, et arrêt du Tribunal du 14 décembre 2006, Mast‑Jägermeister/OHMI – Licorera Zacapaneca (VENADO avec cadre e.a.), T‑81/03, T‑82/03 et T‑103/03, Rec. p. II‑5409, point 74].

55      En l’espèce, d’une part, comme il a été constaté au point 27 ci-dessus, les services pour lesquels l’enregistrement de la marque est demandé présentent un certain degré de similitude avec les produits visés par la marque antérieure. D’autre part, il a été constaté, au point 48 ci‑dessus que les signes en conflit étaient similaires. Dans ces conditions, il y a lieu de conclure, conformément à la jurisprudence citée au point 54 ci-dessus, qu’il existe un risque de confusion entre lesdits signes appréciés globalement.

56      Cette conclusion ne saurait être remise en cause par les autres arguments de la requérante.

57      Premièrement, l’argument selon lequel, à la différence de ce qu’elle avait fait dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt O STORE, point 24 supra, la chambre de recours ne pouvait pas conclure à l’existence d’un risque de confusion, compte tenu de la faible similitude des services et des produits visés par les signes en conflit, doit être rejeté. D’une part, cet argument repose sur la prémisse erronée selon laquelle les services et les produits visés par les signes en conflit ne sont que faiblement similaires (voir point 27 ci-dessus). D’autre part, c’est à la lumière non seulement du constat au point 27 ci-dessus, mais également du constat, au point 48 ci-dessus, de l’existence d’une similitude des signes en conflit que la chambre de recours a conclu à bon droit à l’existence d’un risque de confusion.

58      Deuxièmement, l’argument selon lequel la chambre de recours a commis une erreur en ne prenant en considération qu’une partie non négligeable du public pertinent et non pas le public dans son entièreté doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, comme la chambre de recours l’a indiqué explicitement aux points 33, 34, 37 et 43 de la décision attaquée, c’est au regard de la perception des signes en conflit par le consommateur moyen français qu’elle a procédé à la comparaison des signes en conflit. Par ailleurs, contrairement à ce qu’affirme la requérante, la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en indiquant, aux points 33, 36 et 40 de ladite décision, qu’elle avait pris en considération une « partie substantielle » ou une « partie non négligeable » du public pertinent, et non la totalité dudit public. En effet, il ressort de la jurisprudence que le constat d’un risque de confusion pour une partie non négligeable du public pertinent est suffisant pour accueillir une opposition formée contre une demande d’enregistrement de marque [voir, en ce sens, arrêt du Tribunal du 10 novembre 2011, Esprit International/OHMI – Marc O’Polo International (Représentation d’une lettre sur une poche), T‑22/10, non publié au Recueil, point 121].

59      Troisièmement, l’argument selon lequel la chambre de recours a commis une erreur de droit en se contentant de démontrer qu’un risque de confusion ne pouvait pas être exclu, au lieu de démontrer l’existence d’un tel risque, doit être rejeté comme étant non fondé. En effet, ainsi que le fait observer à juste titre l’OHMI et comme il ressort de l’examen par le Tribunal, exposé ci-dessus, de la décision attaquée, la chambre de recours a procédé en l’espèce à une comparaison des signes en conflit et des produits et services en cause de nature à étayer la conclusion selon laquelle il existait un risque de confusion entre lesdits signes.

60      Il découle de l’ensemble des considérations qui précèdent que le recours doit être rejeté.

 Sur les dépens

61      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens. La requérante ayant succombé, il y a lieu de la condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (deuxième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      The Hut.com Ltd est condamnée aux dépens.

Martins Ribeiro

Gervasoni

Madise

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 juin 2014.

Signature


* Langue de procédure : l’anglais.