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DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (huitième chambre)

24 avril 2024 (*) (1)

« Marque de l’Union européenne – Procédure d’opposition – Demande de marque de l’Union européenne verbale Joyful by nature – Marque de l’Union européenne verbale antérieure JOY – Motif relatif de refus – Atteinte à la renommée – Article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 – Preuve de la renommée – Profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure »

Dans l’affaire T‑157/23,

Kneipp GmbH, établie à Würzburg (Allemagne), représentée par Me M. Pejman, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), représenté par M. E. Markakis, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ayant été

Jean Patou, établie à Paris (France),

LE TRIBUNAL (huitième chambre),

composé de MM. A. Kornezov, président, K. Kecsmár (rapporteur) et Mme S. Kingston, juges,

greffier : M. V. Di Bucci,

vu la phase écrite de la procédure,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai de trois semaines à compter de la signification de la clôture de la phase écrite de la procédure et ayant décidé, en application de l’article 106, paragraphe 3, du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

1        Par son recours fondé sur l’article 263 TFUE, la requérante, Kneipp GmbH, demande l’annulation de la décision de la deuxième chambre de recours de l’Office de l’Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO) du 19 janvier 2023 (affaire R 532/2022-2) (ci-après la « décision attaquée »).

 Antécédents du litige

2        Le 29 novembre 2019, la requérante a présenté à l’EUIPO une demande d’enregistrement de marque de l’Union européenne pour le signe verbal Joyful by nature.

3        La marque demandée désignait, notamment, les produits et les services relevant des classes 3, 4, 35 et 44 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondant, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 3 : « Cosmétiques ; préparations de toilette ; préparations de nettoyage corporel et de soins de beauté ; huiles de toilette ; huiles essentielles et extraits aromatiques ; préparations de douche et bain ; produits de soin des cheveux et de la peau ; préparations pour le soin des yeux et des ongles ; produits de soin du visage, des mains et des pieds ; préparations pour le soin de la bouche et des dents ; préparations cosmétiques pour le bain ; sels de bain, non à usage médical, sels de bain, non à usage médical, huiles pour le bain, perles de bain, laits pour le bain ; bains à la crème ; bains moussants [à usage cosmétique] ; tablettes effervescentes pour le bain ; douches moussantes ; laits pour la peau ; crèmes pour la peau ; savons et gels ; lotions pour le visage ; produits de maquillage ; produits d’aromathérapie à usage non médical ; infusions pour saunas ; produits de massage ; produits cosmétiques pour le soin de plaies ; déodorants et antitranspirants ; produits de parfumerie et parfums ; parfums ; produits odorants pour rafraîchir l’air, y compris les vaporisateurs parfumés et les parfums d’ambiance ; huiles parfumées ; bois odorants ; pots-pourris odorants ; eaux de senteur ; préparations parfumées ; pots-pourris odorants ; diffuseurs à bâtonnets de parfums d’ambiance ; mèches (imprégnées) pour la diffusion de parfum d’ambiance ; recharges odorantes pour les diffuseurs électriques de parfums d’ambiance ; recharges de produits odorants pour diffuseurs non électriques de parfums d’intérieur ; parfums d’ambiance » ;

–        classe 4 : « Bougies odorantes et bougies aromatisées ; bougies parfumées ; bougies odorantes et bougies parfumées pour rafraîchir l’air » ;

–        classe 35 : « Services de promotion et de marketing ; services de fidélisation de la clientèle à des fins commerciales, promotionnelles ou publicitaires ; organisation, réalisation et contrôle de programmes de fidélité, programmes de bonifications et de fidélisation de clients; gestion d’un programme de réduction permettant aux participants d’obtenir des réductions sur des produits et services par le biais d’une carte de membre donnant droit à des réductions ; publicité ; diffusion d’échantillons ; publipostage et diffusion de matériels publicitaires, marketing et promotionnels, également sur l’internet ; services de présentation et de démonstration de produits ; services de vente en gros et au détail (également sur l’internet) dans le domaine des produits de soins corporels et esthétiques, préparations et produits de soins de santé, produits cosmétiques, produits de parfumerie et produits odorants, huiles essentielles et extraits aromatiques, préparations parfumantes, appareils pour parfumer l’air, bougies parfumées » ;

–        classe 44 : « Hygiène et soins de beauté pour êtres humains ».

4        Le 1er juillet 2020, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, Jean Patou, a formé opposition à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits et les services visés au point 3 ci-dessus.

5        L’opposition était fondée sur plusieurs droits antérieurs dont la marque de l’Union européenne verbale JOY, enregistrée le 24 février 2016, sous le numéro 14790232, pour les produits relevant de la classe 3 et correspondant à la description suivante : « Préparations et traitements capillaires ; lotions de soins capillaires ; crèmes de soins capillaires ; cosmétiques pour les cheveux ; cosmétiques ; laits de toilette ; préparations cosmétiques ; produits hydratants à usage cosmétique ; produits cosmétiques pour les soins de la peau ; cosmétiques pour les sourcils ; écran solaire [cosmétiques] ; poudriers [produits cosmétiques] ; produits de bronzage ; huiles après-soleil [cosmétiques] ; maquillage ; produits de maquillage pour la peau ; poudre pour le maquillage ; fonds de teint ; crayons de maquillage ; produits de maquillage pour les yeux ; produits démaquillants ; produits de maquillage ; laits démaquillants ; démaquillant pour les yeux ; rouge à lèvres ; rouges à joues à usage cosmétique ; fards à paupières ; mascara ; eye-liners ; spray pour les cheveux ; produits odorants ; produits de parfumerie et parfums ; vernis à ongles ; stylos de vernis à ongles ; dissolvants ; mousses capillaires ; gels capillaires ; déodorants corporels [parfumerie] ; savons de toilette ; savons parfumés ; nettoyants pour le visage [cosmétiques] ; produits lavants pour les mains ; gels de rasage ; gels douche ; gel pour sourcils ; gels de bain ; gels après-rasage ; gels pour les yeux ; cosmétiques sous forme de gels ; gels de protection pour les cheveux ; shampooings ; shampooings pour le corps ; shampooings secs ; produits de rinçage pour les cheveux ; après-shampooings ; produits revitalisants pour la peau ; produits de soin pour cuticules ; lotions corporelles ; masques pour le corps sous forme de lotions ; lotions corporelles hydratantes [cosmétiques] ; lotions parfumées pour le corps [produits de toilette] ; crèmes et lotions parfumées pour le corps ; lotions pour le soin du visage et du corps ; lotion tonifiante pour le visage, le corps et les mains ».

6        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement (UE) 2017/1001 du Parlement européen et du Conseil, du 14 juin 2017, sur la marque de l’Union européenne (JO 2017, L 154, p. 1).

7        Le 28 février 2022, la division d’opposition a fait droit à l’opposition sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 au regard de la renommée de la marque verbale antérieure JOY visée au point 5 ci-dessus.

8        Le 31 mars 2022, la requérante a formé un recours auprès de l’EUIPO contre la décision de la division d’opposition.

9        Par la décision attaquée, la chambre de recours a partiellement annulé la décision de la division d’opposition dans la mesure où elle a rejeté la demande d’enregistrement pour les services suivants relevant de la classe 35 : « Services de promotion et de marketing ; services de fidélisation de la clientèle à des fins commerciales, promotionnelles ou publicitaires ; organisation, réalisation et contrôle de programmes de fidélité, programmes de bonifications et de fidélisation de clients ; gestion d’un programme de réduction permettant aux participants d’obtenir des réductions sur des produits et services par le biais d’une carte de membre donnant droit à des réductions ; publicité ; diffusion d’échantillons ; publipostage et diffusion de matériels publicitaires, marketing et promotionnels, également sur l’internet ; services de présentation et de démonstration de produits ».

10      Elle a néanmoins rejeté le recours concernant les autres produits et services visés au point 3 ci-dessus, sur le fondement de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Sur le fond, elle a considéré que toutes les conditions requises pour l’application de ladite disposition étaient remplies en l’espèce, compte tenu, notamment, tout d’abord, des éléments de preuve produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO démontrant la forte renommée dont jouissait la marque antérieure, dans une partie substantielle de l’Union européenne, pour les produits de parfumerie et parfums compris dans la classe 3, ensuite, de la similitude des marques en conflit, de l’existence d’un lien entre celles-ci, au vu du degré de proximité ou de similitude entre les produits et les services concernés, et, enfin, du risque que l’usage de la marque demandée tirerait indûment profit de la renommée de la marque antérieure, à défaut d’un juste motif de l’usage invoqué par la requérante.

 Conclusions des parties

11      La requérante conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée, dans la mesure où elle a rejeté son recours formé contre la décision de la division d’opposition du 28 février 2022 ;

–        condamner l’EUIPO aux dépens exposés devant le Tribunal ainsi que durant la procédure d’opposition.

12      L’EUIPO conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner la requérante aux dépens en cas de convocation à une audience.

 En droit

13      La requérante avance, au soutien de son recours, un moyen unique, tiré de la violation de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Ce moyen s’articule en quatre griefs concernant, le premier, l’existence d’une renommée de la marque antérieure, le deuxième, la similitude des marques en conflit, le troisième, l’existence d’un lien entre les marques en conflit et, le quatrième, le défaut de profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ainsi que l’existence d’un juste motif pour l’usage de la marque demandée.

14      À titre liminaire, il convient de rappeler que, aux termes de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure enregistrée au sens du paragraphe 2, dudit article la marque demandée est refusée à l’enregistrement si elle est identique ou similaire à une marque antérieure, indépendamment du fait que les produits ou les services pour lesquels elle est demandée sont identiques, similaires ou non similaires à ceux pour lesquels la marque antérieure est enregistrée, lorsque cette marque antérieure est une marque de l’Union européenne qui jouit d’une renommée dans l’Union ou une marque nationale qui jouit d’une renommée dans l’État membre concerné, et que l’usage sans juste motif de la marque demandée tirerait indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de cette marque antérieure ou leur porterait préjudice.

15      Il ressort du libellé de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 que l’application de cette disposition est soumise aux conditions cumulatives tenant, premièrement, à l’identité ou à la similitude des signes, deuxièmement, à l’existence d’une renommée de la marque antérieure invoquée à l’appui de l’opposition et, troisièmement, à l’existence d’un risque de voir l’usage sans juste motif de la marque demandée tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure ou leur porter préjudice (arrêt du 28 juin 2018, EUIPO/Puma, C‑564/16 P, EU:C:2018:509, point 54).

16      En l’espèce, il y a lieu d’observer que la chambre de recours a relevé que le public pertinent correspondait principalement au grand public de l’Union, ce que la requérante ne conteste pas. Elle ne conteste pas non plus que la France constitue une partie substantielle du territoire de l’Union pertinent pour l’examen de la renommée de la marque antérieure. En revanche, la requérante conteste les appréciations de la chambre de recours concernant les conditions cumulatives de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, qu’il convient d’examiner à la lumière des considérations précédentes.

 Sur l’existence d’une renommée de la marque antérieure et la charge de la preuve de ladite renommée

17      Par son premier grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, à tort, admis comme prouvée la renommée de la marque antérieure et renversé la charge de la preuve de cette renommée. En effet, selon elle, les documents produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ne fournissaient pas de preuve de ladite renommée en France. Selon la requérante, aux fins de la détermination de la renommée, la part de marché revêt une importance primordiale. Or, le parfum Joy de Jean Patou ne serait vendu que par certains détaillants de luxe et de premier plan, qu’une partie importante du public pertinent ne fréquenterait pas, de sorte qu’une renommée de la marque antérieure ne saurait être présumée sur la seule base de son histoire, dont une partie significative du public pertinent n’aurait pas connaissance. Selon la requérante, les faibles chiffres de vente ne prouvaient pas que la marque antérieure était connue d’une partie significative du public pertinent en France, d’autant que celle-ci n’avait généré qu’un faible chiffre d’affaires en 2016, 2017 et 2018, qui, de surcroît, n’avait cessé de diminuer depuis 2016. En outre, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours aurait exigé de la requérante qu’elle prouve une perte considérable de la renommée de la marque antérieure et aurait ainsi renversé la charge de la preuve.

18      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

19      À cet égard, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence, pour satisfaire à la condition relative à la renommée, une marque doit être connue d’une partie significative du public concerné par les produits ou les services couverts par celle-ci. Dans l’examen de cette condition, il convient de prendre en considération tous les éléments pertinents de la cause, à savoir, notamment, la part de marché détenue par la marque antérieure, l’intensité, l’étendue géographique et la durée de son usage, ainsi que l’importance des investissements réalisés par l’entreprise pour la promouvoir, sans qu’il soit exigé que cette marque soit connue d’un pourcentage déterminé du public ainsi défini ou que sa renommée s’étende à la totalité du territoire concerné, dès lors que la renommée existe dans une partie substantielle de celui-ci [voir arrêt du 12 février 2015, Compagnie des montres Longines, Francillon/OHMI – Staccata (QUARTODIMIGLIO QM), T‑76/13, non publié, EU:T:2015:94, point 87 et jurisprudence citée].

20      Toutefois, l’énumération qui précède n’ayant qu’un caractère illustratif, il ne saurait être exigé que la preuve de la renommée d’une marque porte sur l’ensemble de ces éléments [voir arrêt du 26 juin 2019, Balani Balani e.a./EUIPO – Play Hawkers (HAWKERS), T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 24 et jurisprudence citée].

21      En outre, il convient de procéder à une appréciation globale des éléments de preuve qui sont rapportés par le titulaire de la marque antérieure pour établir si cette dernière est renommée (voir, en ce sens, arrêt du 10 mai 2012, Rubinstein et L’Oréal/OHMI, C‑100/11 P, EU:C:2012:285, point 72). Un faisceau d’éléments de preuve peut permettre d’établir les faits à démontrer, alors même que chacun de ces éléments, pris isolément, serait impuissant à rapporter la preuve de l’exactitude de ces faits (voir arrêt du 26 juin 2019, HAWKERS, T‑651/18, non publié, EU:T:2019:444, point 29 et jurisprudence citée).

22      Ensuite, il convient de préciser que la renommée d’une marque antérieure doit être établie à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée [arrêt du 5 octobre 2020, Laboratorios Ern/EUIPO – SBS Bilimsel Bio Çözümler (apiheal), T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468, point 112]. Les documents postérieurs à cette date ne sauraient être privés de valeur probante s’ils permettent de tirer des conclusions sur la situation telle qu’elle se présentait à cette même date. Il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après cette date puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt [voir arrêt du 16 octobre 2018, VF International/EUIPO – Virmani (ANOKHI), T‑548/17, non publié, EU:T:2018:686, point 104 et jurisprudence citée ; voir également, par analogie, ordonnance du 27 janvier 2004, La Mer Technology, C‑259/02, EU:C:2004:50, point 31].

23      En l’espèce, la renommée de la marque antérieure devait être établie au 29 novembre 2019, date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée. La chambre de recours a estimé, au point 46 de la décision attaquée, que, dans leur ensemble, les éléments de preuve produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO démontraient de manière convaincante que la marque antérieure jouissait d’une forte renommée, à tout le moins en France, qui constitue une partie substantielle du territoire de l’Union, pour les produits de parfumerie et parfums compris dans la classe 3 pour lesquels, entre autres, la marque antérieure était enregistrée.

24      En particulier, il convient de relever que, afin de considérer comme établie la renommée de la marque antérieure, la chambre de recours s’est fondée sur les éléments rappelés au point 6 de la décision attaquée, à savoir, une déclaration signée par un représentant de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, diverses copies d’accords de licence ou d’accords attribuant des droits pour une marque JOY entre ladite partie et des tiers, des images de produits, plusieurs extraits de sites Internet de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO et de tiers, un grand nombre d’articles et de coupures de presse, des extraits de livres, des publicités, de nombreuses factures et des extraits de « tweets ».

25      En premier lieu, il convient d’examiner l’argument de la requérante selon lequel les documents produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, dont l’existence n’est pas contestée, ne fourniraient pas de preuves de la renommée de la marque antérieure dans une partie significative du territoire pertinent faute, notamment, d’informations concernant la part de marché de la marque antérieure.

26      À cet égard, à titre liminaire, il convient de rejeter les arguments de la requérante laissant entendre que les éléments de preuves tendant à démontrer la renommée de la marque antérieure dans d’autres États membres que la République française ne sont pas pertinents. En effet, s’il est vrai que la chambre de recours a constaté que la marque antérieure jouissait d’une renommée « à tout le moins en France » et que cet État constituait une partie substantielle du territoire de l’Union, cela ne signifie pas que les éléments de preuve relatifs à d’autres États membres sont dénués de pertinence. Au contraire, ces derniers ne font que corroborer la conclusion de la chambre de recours, en démontrant notamment l’étendue géographique de la renommée de la marque antérieure, et doivent dès lors être pris en considération.

27      Premièrement, il y a lieu de relever que l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO a produit, d’une part, de nombreux articles en ligne (pièce 7) faisant état du fait que le parfum Joy a reçu, en 2000, le prix de « Scent of the Century » (Senteur du siècle) des UK Fifi Awards, lequel est décrit comme « perfume’s ultimate accolade » (récompense ultime du parfum) et, d’autre part, une capture d’écran du site Internet de la Fragrance Foundation (pièce 6), faisant état de l’inscription du parfum Joy au « Hall of Fame » (Temple de la renommée) de ladite fondation en 1990. Comme relevé par la chambre de recours, ces récompenses sont des récompenses prestigieuses, qui impliquent à la fois une utilisation de longue date de la marque antérieure et une reconnaissance de celle-ci par le public pertinent.

28      Deuxièmement, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO a produit divers extraits de livres, articles et coupures de presse (pièces 4, 5, 12 et annexe 2) présentant, entre autres, la marque antérieure comme étant utilisée pour des parfums et des fragrances et attestant de la connaissance du parfum Joy par une partie significative du public pertinent, notamment en France. Les nombreux extraits d’articles, dont la date et le lieu de publication peuvent, pour une grande partie, être identifiés, portent notamment sur les années 2013, 2014, 2016 et 2017 et ont été publiés dans plusieurs États membres, à savoir la Belgique, la Bulgarie, l’Allemagne, l’Estonie, l’Italie, le Portugal et, principalement, la France, dans des journaux et des magazines de mode et beauté d’importance nationale ou internationale, tels que Elle, Grazia, Gala ou Vogue. Plusieurs articles, datés de 2015 à 2017, décrivent le parfum Joy comme « second-best selling perfume of all time » (le deuxième parfum le plus vendu de tous les temps), « one of the most popular and successful fragrances in the world » (une des fragrances les plus populaires et emblématiques au monde), « a strong rival to the number one best-selling fragrance of all time » (un solide rival au parfum le plus vendu de tous les temps). Enfin, plusieurs livres sur la parfumerie traitent du parfum Joy, le classant parmi « les cinq plus grands parfums du monde », ou parmi les « cent onze parfums qu’il faut sentir avant de mourir » ou le qualifiant de « one of the greatest floral perfumes ever created » (un des plus grands parfums floraux jamais créés). Enfin, une sélection de « tweets » datés de 2013 à 2015 (pièce 14) démontre la présence de la marque antérieure sur les réseaux sociaux.

29      Troisièmement, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO a produit 27 factures (pièce 11) correspondant aux campagnes publicitaires, qu’elle a réalisées en 2013, 2014 et 2018, non seulement dans la presse, mais également à la télévision pour des montants importants, aux fins de la diffusion de la marque antérieure.

30      Quatrièmement, les éléments précités sont étayés par un grand nombre de factures (pièce 16) portant sur les ventes de plusieurs milliers de produits couverts par la marque antérieure, pour plusieurs dizaines de milliers d’euros, auprès de différents distributeurs dans plusieurs États membres, à savoir en Belgique, en Bulgarie, au Danemark, en Allemagne, en Estonie, en Espagne, en France, en Italie, en Lituanie, en Hongrie, au Portugal et en Roumanie, pour les années 2013 à 2018.

31      Au regard de la jurisprudence citée aux points 20 et 21 ci-dessus, il résulte de ce qui précède que, appréciés dans leur ensemble, ces éléments de preuve établissent que la marque antérieure jouit d’une renommée sur une partie substantielle du territoire de l’Union, notamment en France, en ce qui concerne les produits de parfumerie et parfums compris dans la classe 3.

32      En effet, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO a développé d’importants efforts et investissements afin de promouvoir la marque antérieure auprès du grand public et notamment auprès du grand public français. Ces efforts se sont traduits par des campagnes publicitaires importantes, par une présence médiatique dans des journaux et des magazines destinés au grand public et largement diffusés sur le territoire de l’Union. En outre, les factures de ventes présentées qui portaient principalement sur les ventes de parfums et eaux de parfums étayent les éléments précités, démontrant notamment la grande couverture géographique de la marque antérieure sur ce territoire et un effort constant de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO pour maintenir sa part de marché, à tout le moins jusqu’en 2018.

33      Ces documents, ainsi que les prix et récompenses prestigieux obtenus par le parfum Joy, permettent d’établir que la marque antérieure est largement connue par le grand public, pour les produits qu’elle désigne, sur une partie substantielle du territoire de l’Union, quand bien même ces récompenses datent de plusieurs années et que les chiffres de vente sont en baisse entre 2013 et 2018. À ce dernier égard, il convient de constater que, en tout état de cause, la marque antérieure a joui d’un degré élevé de notoriété dans le passé, laquelle, à supposer même qu’elle ait pu diminuer au fil des ans, existait tout de même encore à la date de dépôt de la demande d’enregistrement de la marque demandée, en 2019, de sorte qu’une certaine notoriété « résiduelle » a pu demeurer à cette date [voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Simca Europe/OHMI – PSA Peugeot Citroën (Simca), T‑327/12, EU:T:2014:240, points 46, 49 et 52].

34      Ainsi, l’argumentation de la requérante selon laquelle une partie significative du public pertinent sont des adolescents qui n’étaient pas nés lors de la remise de ces récompenses pour le parfum Joy et selon laquelle les adultes âgés de 18 à 29 ans n’auraient pas eu connaissance des événements historiques, tels que les prix et les mentions dans les livres à l’époque pertinente, est infondée. En effet, comme le fait valoir à juste titre l’EUIPO, ces parties du public pertinent peuvent prendre connaissance de la renommée de longue durée de la marque antérieure, sans nécessairement être les témoins de toutes les récompenses et de la reconnaissance publique obtenues par la marque antérieure par le passé, et peuvent entrer en contact avec celle-ci, à titre d’exemple, par la publicité numérique, les panneaux d’affichage, la presse imprimée. De surcroît, le juge de l’Union a déjà pu constater, qu’il ne saurait être exclu qu’une marque « historique » puisse conserver une certaine notoriété « résiduelle », y compris lorsque celle-ci n’était plus utilisée (voir, en ce sens, arrêt du 8 mai 2014, Simca, T‑327/12, EU:T:2014:240, points 46, 49 et 52).

35      Par ailleurs, un tel raisonnement s’applique également à l’argument de la requérante selon lequel une partie significative du public pertinent ne fréquenterait pas de points de vente au détail de luxe, de sorte qu’elle ne pourrait pas connaître le parfum Joy qui n’est vendu que par certains détaillants de luxe de premier plan. En effet, d’une part, le public concerné acquiert et conserve la connaissance d’une marque de plusieurs manières notamment en visitant physiquement des points de vente au détail où les produits correspondants sont vendus, mais aussi par d’autres moyens tels que ceux décrits au point 34 ci-dessus. D’autre part, même les consommateurs du grand public qui ne peuvent pas se permettre d’acheter des produits de marques de luxe sont souvent exposés à celles-ci et familiarisés avec elles [voir, en ce sens, arrêt du 19 octobre 2022, Louis Vuitton Malletier/EUIPO – Wisniewski (Représentation d’un motif à damier II), T‑275/21, non publié, EU:T:2022:654, point 47].

36      En outre, contrairement à ce que soutient la requérante, le fait que la part de marché détenue par la marque antérieure n’ait pas été établie par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO ne signifie pas nécessairement que la renommée de la marque antérieure n’est pas démontrée. En effet, d’une part, comme il ressort de la jurisprudence citée aux points 19 et 20 ci-dessus, la liste des éléments à prendre en compte afin d’apprécier la renommée d’une marque antérieure est indicative et non impérative, l’ensemble des éléments pertinents de la cause devant être pris en compte, et, d’autre part, les éléments circonstanciés et vérifiables produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO suffisent à eux seuls à établir de façon concluante la renommée de la marque antérieure au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 [voir arrêt du 14 septembre 2022, Itinerant Show Room/EUIPO – Save the Duck (ITINERANT), T‑417/21, non publié, EU:T:2022:561, point 86 et jurisprudence citée].

37      En second lieu, la requérante invoque également le fait que la chambre de recours aurait présumé de la renommée de la marque antérieure et aurait à tort précisé que c’était à la requérante de prouver une perte drastique de la renommée de la marque antérieure entre 2018 et la date de dépôt de la marque demandée, le 29 novembre 2019.

38      Comme il est rappelé dans la jurisprudence citée au point 22 ci-dessus, il ne saurait être exclu a priori qu’un document établi un certain temps avant ou après la date de dépôt de la demande de marque en cause puisse contenir des indications utiles compte tenu du fait que la renommée d’une marque s’acquiert, en général, progressivement. Le même raisonnement s’applique quant à la perte d’une telle renommée, laquelle se perd également, en général, progressivement. La valeur probante d’un tel document est susceptible de varier en fonction de la proximité plus ou moins élevée de la période couverte avec la date de dépôt.

39      Ainsi, des éléments de preuve qui sont antérieurs à la date de dépôt de la demande de marque contestée ne sauraient être privés de valeur probante au seul motif qu’ils portent une date antérieure de cinq ans à la demande de dépôt de la demande de marque contestée (arrêt du 5 octobre 2020, apiheal, T‑51/19, non publié, EU:T:2020:468, point 112).

40      Il ressort également de la jurisprudence que, en ce qui concerne la charge de la preuve de la renommée, elle incombe au titulaire de la marque antérieure [voir arrêt du 5 octobre 2022, Puma/EUIPO – CMS (CMS Italy), T‑711/20, non publié, EU:T:2022:604, point 83 et jurisprudence citée].

41      En l’espèce, au point 34 de la décision attaquée, la chambre de recours, après avoir rappelé que la demande d’enregistrement avait été déposée le 29 novembre 2019, a mis en avant que la plupart des éléments de preuve produits concernaient la période comprise entre 2013 et 2017 et que certains d’entre eux remontaient à 1990, 2000 ou 2006, mais que les éléments de preuve contenaient en fait des indications sur les efforts continus de l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO pour maintenir sa part de marché en 2018, avant d’ajouter que « la perte de renommée se produit rarement en une seule fois, mais qu’il s’agit plutôt d’un processus continu sur une longue période, car la renommée se construit généralement sur plusieurs années et ne peut pas être simplement activée et désactivée » et que « [d]e surcroît, c’est à la demanderesse qu’il incomberait de prouver une perte de renommée aussi drastique sur un court laps de temps ».

42      Ainsi, contrairement à ce que soutient la requérante, cette appréciation ne constitue pas un renversement de la charge de la preuve et est conforme à la jurisprudence citée aux points 38 à 40 ci-dessus. En effet, en l’absence d’éléments de preuve concrets démontrant que la renommée, progressivement acquise par la marque antérieure au cours de nombreuses années, aurait soudainement disparu au cours de la dernière année examinée, la chambre de recours était en droit de conclure que la marque antérieure jouissait encore d’une renommée à la date pertinente du 29 novembre 2019 (voir, par analogie, arrêt du 7 janvier 2004, Aalborg Portland e.a./Commission, C‑204/00 P, C‑205/00 P, C‑211/00 P, C‑213/00 P, C‑217/00 P et C‑219/00 P, EU:C:2004:6, point 79).

43      Partant, il convient de rejeter le premier grief du moyen unique.

 Sur la similitude entre les marques en conflit

44      Par le deuxième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à tort à l’existence d’une similitude entre les marques en conflit. Tout d’abord, elle conteste l’appréciation de la chambre de recours selon laquelle la marque antérieure aurait un caractère distinctif moyen, faisant valoir, d’une part, que, lors de la demande d’enregistrement de la marque antérieure, qui n’a été déposée qu’en 2015, l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO n’aurait pas revendiqué de caractère distinctif acquis par l’usage. D’autre part, la requérante aurait prouvé le caractère descriptif des termes « joy » et « joyful » dans l’industrie cosmétique. Selon la requérante, un parfum serait utilisé uniquement à des fins cosmétiques, avec la finalité d’apporter de la joie à l’utilisateur. Ainsi, en ce qui concerne les produits de parfumerie et parfums, la « joie » décrirait une caractéristique des produits. Ensuite, selon la requérante, le consommateur n’aurait aucune raison de décomposer la marque demandée en deux parties « joyful » et « by nature ». En effet, compte tenu du grand nombre de produits cosmétiques, le public ne réduirait pas la marque demandée à l’élément verbal « joy ».

45      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

46      Il convient de rappeler, à cet égard, que l’existence d’une similitude entre une marque antérieure et une marque demandée constitue une condition d’application commune à l’article 8, paragraphe 1, sous b), et à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001. Cette condition présuppose, tant dans le cadre du paragraphe 1, sous b), que dans celui du paragraphe 5 dudit article, l’existence, notamment, d’éléments de ressemblance visuelle, phonétique ou conceptuelle [arrêts du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 51 et 52, et du 4 octobre 2017, Gappol Marzena Porczyńska/EUIPO – Gap (ITM) (GAPPOL), T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 148].

47      Toutefois, le degré de similitude requis dans le cadre de l’une et de l’autre desdites dispositions est différent. En effet, tandis que la mise en œuvre de la protection instaurée par l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement 2017/1001 est subordonnée à la constatation d’un degré tel de similitude entre les marques en conflit qu’il existe, dans l’esprit du public concerné, un risque de confusion entre celles-ci, l’existence d’un tel risque n’est pas requise pour la protection conférée par le paragraphe 5 de ce même article. Ainsi, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 peuvent être la conséquence d’un degré moindre de similitude entre les marques antérieure et demandée, pour autant que celui-ci soit suffisant pour que le public pertinent effectue un rapprochement entre lesdites marques, c’est-à-dire établisse un lien entre celles-ci. En revanche, il ne ressort ni du libellé desdites dispositions ni de la jurisprudence que la similitude entre les marques en conflit devrait être appréciée de manière différente selon qu’elle est effectuée au regard de l’une ou de l’autre de ces dispositions (arrêt du 24 mars 2011, Ferrero/OHMI, C‑552/09 P, EU:C:2011:177, points 53 et 54).

48      Ensuite, il y a lieu de rappeler que la comparaison des signes doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, phonétique et conceptuelle des signes en conflit, être fondée sur l’impression d’ensemble produite par ceux-ci, en tenant compte, notamment, de leurs éléments distinctifs et dominants [voir arrêt du 25 janvier 2012, Viaguara/OHMI – Pfizer (VIAGUARA), T‑332/10, non publié, EU:T:2012:26, point 32 et jurisprudence citée]. De même, il convient d’observer que la similitude des signes en conflit doit être appréciée du point de vue du consommateur moyen, en faisant référence aux qualités intrinsèques desdits signes, tels qu’ils sont enregistrés ou tels qu’ils sont demandés [voir, en ce sens, arrêt du 12 novembre 2015, CEDC International/OHMI – Fabryka Wódek Polmos Łańcut (WISENT VODKA), T‑450/13, non publié, EU:T:2015:841, point 95 et jurisprudence citée].

49      C’est à la lumière de ces considérations qu’il y a lieu d’examiner si c’est à juste titre que la chambre de recours a conclu à l’existence d’une similitude entre les signes en conflit.

50      En l’espèce, il est constant que la marque antérieure est une marque verbale se composant uniquement du terme « joy ». Quant à la marque verbale demandée, elle se compose des trois termes « joyful », « by » et « nature ».

51      En ce qui concerne l’analyse des éléments distinctifs et dominants des signes en conflit, la chambre de recours a constaté, aux points 51 à 55 de la décision attaquée, que concernant l’élément « joy », qui sera compris comme faisant référence à un « sentiment de grand plaisir et de bonheur », il convenait de garder à l’esprit qu’une marque renommée possède nécessairement un caractère distinctif, à tout le moins acquis par l’usage, et que, en outre, la marque antérieure possédait un caractère distinctif intrinsèque en raison de sa signification pour le public pertinent, étant donné que le mot « joy » ne fait clairement référence à aucune caractéristique des produits désignés par cette marque. Par conséquent, elle a considéré que la signification de l’élément verbal « joy » était suffisamment éloignée de toute caractéristique objective des produits en cause et possédait un caractère distinctif intrinsèque moyen. Concernant l’expression « joyful by nature », qui sera comprise comme signifiant « naturellement joyeux » ou « naturellement enclin à être joyeux », la chambre de recours a souligné que l’accent serait mis sur l’élément « joyful », compris comme faisant référence à la « sensation, expression ou source de plaisir et de bonheur », étant donné que les mots « by » et « nature » le clarifient simplement. Dès lors, étant donné que l’expression, prise dans son ensemble, ne fait directement référence ni ne fait allusion à aucune caractéristique des produits et des services visés par la marque demandée, la chambre de recours a considéré que celle-ci possédait un caractère distinctif moyen.

52      En premier lieu, il convient, d’une part, de rappeler qu’une marque renommée a nécessairement un caractère distinctif, caractère à tout le moins acquis par l’usage [voir arrêt du 6 juillet 2022, ALO jewelry CZ/EUIPO – Cartier International (ALOve), T‑288/21, non publié, EU:T:2022:420, point 49 et jurisprudence citée]. D’autre part, il ne ressort pas de la lecture de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001 qu’il appartiendrait à l’opposant de revendiquer un caractère distinctif acquis au sens de l’article 7, paragraphe 3, du règlement 2017/1001 au stade de l’examen d’office du caractère enregistrable de la marque antérieure, les deux revendications étant formellement distinctes l’une de l’autre dans les procédures d’examen et d’opposition. L’argument de la requérante à cet égard est ainsi dénué de fondement.

53      En deuxième lieu, l’argument de la requérante selon lequel la marque antérieure serait descriptive au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001, en ce qu’elle décrirait une caractéristique des produits de parfumerie et parfums n’est pas non plus fondé.

54      En effet, il ressort de la jurisprudence que, aux fins d’apprécier le caractère distinctif d’un élément d’une marque, il y a lieu d’examiner l’aptitude plus ou moins grande de cet élément à contribuer à identifier les produits et les services pour lesquels la marque a été enregistrée comme provenant d’une entreprise déterminée et donc à distinguer ces produits ou ces services de ceux d’autres entreprises. Lors de cette appréciation, il convient de prendre en considération notamment les qualités intrinsèques de l’élément en cause au regard de la question de savoir si celui-ci est ou non dénué de tout caractère descriptif des produits ou des services pour lesquels la marque a été enregistrée [arrêt du 13 juin 2006, Inex/OHMI – Wiseman (Représentation d’une peau de vache), T‑153/03, EU:T:2006:157, point 35 ; voir, également, arrêt du 8 juillet 2020, Pablosky/EUIPO – docPrice (mediFLEX easystep), T‑20/19, EU:T:2020:309, point 65 (non publié) et jurisprudence citée].

55      Or, comme l’a constaté, à juste titre, la chambre de recours au point 54 de la décision attaquée, l’élément verbal « joy » est suffisamment éloignée de toute caractéristique objective des produits de parfumerie et parfums.

56      De surcroît, les arguments de la requérante selon lesquels le terme « joyful » est utilisé de manière descriptive dans l’industrie cosmétique et que les opérateurs économiques utilisent des termes tels que « joyful » et « nature » pour décrire leurs produits vont à l’encontre des intérêts de la requérante, puisque dans l’affirmative, cela impliquerait que la marque demandée dans son ensemble serait descriptive, et donc non enregistrable au sens de l’article 7, paragraphe 1, sous c), du règlement 2017/1001.

57      En troisième lieu, s’agissant de l’argument de la requérante selon lequel le public pertinent n’a aucune raison de scinder la marque demandée en deux parties « joyful » et « by nature », il y a lieu de rappeler que, en percevant un signe verbal, le public pertinent décomposera celui-ci en des éléments verbaux qui, pour lui, suggèrent une signification concrète ou qui ressemblent à des mots qu’il connaît [arrêt du 3 octobre 2019, Puma/EUIPO – Destilerias MG (MG PUMA), T‑500/18, non publié, EU:T:2019:721, point 29]. En l’espèce, dans la marque demandée, le mot « joyful » ayant une signification concrète et connue, la décomposition aura lieu de façon naturelle avec l’expression « by nature » qui, comme l’a souligné à juste titre la chambre de recours, vient seulement clarifier le mot « joyful ».

58      Dès lors, la chambre de recours a conclu à juste titre que, prises dans leur ensemble, les deux marques comparées, à savoir non seulement la marque antérieure JOY, mais aussi la marque demandée Joyful by nature, présentaient un degré moyen de caractère distinctif.

59      En outre, sur les plans visuel et phonétique, la chambre de recours a constaté, en substance, aux points 56 et 57 de la décision attaquée, que, les signes comparés étaient similaires sur les plans visuel et phonétique, étant donné qu’ils coïncident par leurs lettres initiales « j », « o » et « y ».

60      Sur le plan conceptuel, au point 58 de la décision attaquée, la chambre de recours a constaté que les signes comparés étaient similaires à un « certain degré » sur le plan conceptuel, étant donné que les termes « joy » et « joyful » sont synonymes et que les deux marques véhiculent, bien que d’une manière légèrement différente, le message relatif au même sentiment de grand plaisir et de bonheur.

61      La requérante ne conteste pas ces appréciations.

62      Dans ces conditions, il convient de rejeter le deuxième grief du moyen unique.

 Sur l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent

63      Par le troisième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir, à tort, conclu à l’existence d’un lien entre les signes en conflit. Selon elle, en l’absence d’une appréciation dépourvue d’erreurs de la renommée de la marque antérieure et de son caractère distinctif, il n’est pas possible d’apprécier correctement si le lien entre les signes peut être établi par le public pertinent. En outre, selon la requérante, afin d’empêcher des tiers dans les secteurs pertinents en l’espèce, en particulier dans le secteur des cosmétiques, d’utiliser un signe composé de plusieurs mots, qui ne contiendrait même pas le mot « joy » en tant que tel mais le mot « joyful », la marque antérieure devrait jouir d’une renommée « phénoménale ». Or, une certaine renommée, voire une renommée élevée, à la supposer établie, ne serait pas suffisante à cet égard.

64      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

65      À cet égard, il y a lieu de rappeler que, selon la jurisprudence, les atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lorsqu’elles se produisent, sont la conséquence d’un certain degré de similitude entre la marque antérieure et la marque demandée, en raison duquel le public concerné effectue un rapprochement entre ces deux marques, c’est-à-dire établit un lien entre celles-ci, alors même qu’il ne les confond pas. À défaut de l’existence d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, points 182 et 183 et jurisprudence citée).

66      L’existence d’un tel lien entre les marques en conflit doit être appréciée globalement, en tenant compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce. Parmi ces facteurs peuvent être cités le degré de similitude entre les marques en conflit, la nature des produits ou des services visés par les marques en conflit, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services ainsi que le public concerné, l’intensité de la renommée de la marque antérieure, le degré de caractère distinctif, intrinsèque ou acquis par l’usage, de la marque antérieure [voir arrêt du 10 octobre 2019, McDreams Hotel/EUIPO – McDonald’s International Property (mc dreams hotels Träumen zum kleinen Preis!), T‑428/18, non publié, EU:T:2019:738, point 30 et jurisprudence citée].

67      Si, à défaut d’un tel lien dans l’esprit du public, l’usage de la marque demandée n’est pas susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, ou de leur porter préjudice, l’existence de ce lien ne saurait toutefois suffire, à elle seule, à conclure à l’existence de l’une des atteintes visées à l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, lesquelles constituent la condition spécifique de la protection des marques renommées prévue à cette disposition (voir arrêt du 4 octobre 2017, GAPPOL, T‑411/15, non publié, EU:T:2017:689, point 185 et jurisprudence citée).

68      Au point 70 de la décision attaquée, la chambre de recours a considéré qu’il était probable que les consommateurs pertinents, lorsqu’ils sont confrontés à la marque demandée en association avec les produits et les services qu’elle désigne, l’associent à la marque antérieure, autrement dit qu’ils établissent un lien mental entre les signes.

69      Or, tout d’abord, il a été conclu aux points 59 à 61 ci-dessus, à l’instar de la chambre de recours, que les signes en conflit sont, en substance, similaires sur les plan conceptuel, visuel et phonétique.

70      Ensuite, il a été conclu au point 31 ci-dessus que la marque antérieure jouissait d’une renommée dans une partie substantielle du territoire de l’Union pour les produits de parfumerie et parfums compris dans la classe 3. Il importe par ailleurs de rappeler que lorsque la renommée d’une marque est établie, il est dépourvu de pertinence d’établir le caractère distinctif intrinsèque de cette marque pour qu’elle soit considérée comme possédant un caractère distinctif [voir arrêt du 1er mars 2018, Shoe Branding Europe/EUIPO – adidas (Position de deux bandes parallèles sur une chaussure), T‑629/16, EU:T:2018:108, point 135 et jurisprudence citée].

71      Enfin, la requérante ne conteste pas, en l’espèce, que tous les produits et les services visés par la marque demandée et faisant l’objet du présent recours, tout comme les produits de parfumerie et parfums visés par la marque antérieure, appartiennent aux mêmes secteurs de marché ou à des secteurs adjacents liés à l’industrie de la beauté. En revanche, elle fait valoir que la chambre de recours a commis une erreur d’appréciation en estimant que le public pertinent établirait un lien entre les marques en conflit en ce qui concerne les divers services de vente en gros visés par la marque demandée.

72      Toutefois, il a été rappelé au point 66 ci-dessus que l’existence d’un lien entre les marques en conflit dans l’esprit du public pertinent doit être appréciée globalement en tenant compte, notamment, de la nature des produits ou des services désignés par ces marques, y compris le degré de proximité ou de dissemblance de ces produits ou de ces services. Une différence entre les produits et les services visés par les marques en conflit ne suffit pas, à elle seule, à exclure l’existence d’une certaine proximité entre les produits et les services au sens de l’article 8, paragraphe 5, du règlement 2017/1001, un lien direct et immédiat entre eux n’étant pas nécessaire [voir arrêt du 1er février 2023, Harbaoui/EUIPO – Google (GOOGLE CAR), T‑569/21, non publié, EU:T:2023:38, point 22 et jurisprudence citée].

73      Par suite, l’existence d’une différence entre les produits et les services visés par les marques en conflit, notamment entre les services de vente au détail visés par les deux marques en conflit et les services de vente au gros visés uniquement par la marque demandée, n’est pas suffisante pour exclure l’existence d’une proximité entre lesdits produits et services en raison de la proximité immédiate, non contestée par la requérante, des secteurs économiques concernés.

74      En outre, concernant l’argument de la requérante, rappelé au point 63 ci-dessus, selon lequel une renommée « phénoménale » serait exigée, il convient de constater que la chambre de recours, dans son appréciation globale de tous les facteurs pertinents, n’avait pas à établir une renommée particulièrement élevée dans le cas d’espèce pour conclure à l’existence d’un lien entre les marques en conflit, au vu, notamment, de la renommée de la marque antérieure dans une partie substantielle de l’Union, pour les produits de parfumerie et parfums, de la proximité immédiate des secteurs économiques concernés et de la similitude des signes en conflit.

75      Eu égard aux considérations qui précèdent, l’existence d’un risque d’association entre les marques en conflit ne peut être exclue. C’est donc sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a pu considérer que le public pertinent était susceptible d’établir un lien entre ces marques.

76      Il s’ensuit qu’il convient de rejeter le troisième grief du moyen unique.

 Sur l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure et l’appréciation d’un prétendu juste motif pour l’utilisation de la marque demandée 

77      Par le quatrième grief, la requérante reproche à la chambre de recours d’avoir conclu à tort à l’existence d’un profit indu et d’avoir rejeté son argumentation selon laquelle il existerait un juste motif pour l’utilisation de la marque demandée. D’une part, concernant l’existence d’un profit indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, selon la requérante, en substance, l’utilisation de la marque demandée pour désigner des produits ou des services dans les domaines en cause en l’espèce ne tirerait aucun profit indu de la prétendue renommée de la marque antérieure qui, de par sa nature même, pourrait tout au plus revendiquer un caractère distinctif faible pour un parfum. Elle soutient, en outre, que le public pertinent exposé à la marque demandée utilisée pour les produits en cause, établira uniquement un lien avec la requérante. D’autre part, concernant l’existence d’un juste motif pour l’utilisation de la marque demandée, la requérante estime qu’il existerait un intérêt pour les opérateurs économiques du secteur pertinent, et donc pour elle-même, à utiliser le terme « joy », car ces derniers compteraient sur l’usage de termes, tels que « joy », « joyful », « natural » (« naturel » en français) ou « nature » pour décrire et désigner leurs produits. Cet intérêt économique serait d’autant plus marqué lorsque l’usage spécifique du terme « joy » maintient une large distance par rapport à la marque antérieure, comme ce serait le cas de la marque demandée.

78      L’EUIPO conteste les arguments de la requérante.

79      Premièrement, à cet égard, il importe de rappeler que la notion de « profit indûment tiré de la renommée de la marque antérieure », désignée sous le terme de « parasitisme », ne s’attache pas au préjudice subi par celle-ci, mais à l’avantage tiré par le tiers de l’usage sans juste motif du signe similaire ou identique à celle‑ci. Elle englobe notamment les cas où, grâce à un transfert de l’image de la marque ou des caractéristiques projetées par celle-ci vers les produits désignés par le signe identique ou similaire, il existe une exploitation manifeste dans le sillage de la marque renommée [voir arrêt du 27 octobre 2016, Spa Monopole/EUIPO – YTL Hotels & Properties (SPA VILLAGE), T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 61 et jurisprudence citée].

80      Le risque qu’un profit puisse être indûment tiré du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure se produit lorsque le public concerné, sans nécessairement confondre l’origine commerciale du produit ou du service en cause, est attiré par la marque demandée elle‑même et achètera le produit ou le service visé par celle-ci au motif qu’il porte cette marque semblable à une marque antérieure renommée (voir arrêt du 27 octobre 2016, SPA VILLAGE, T‑625/15, non publié, EU:T:2016:631, point 62 et jurisprudence citée).

81      Il a été reconnu par la jurisprudence que le titulaire de la marque antérieure n’était pas tenu de démontrer l’existence d’une atteinte effective et actuelle à sa marque. Il doit uniquement apporter des éléments permettant de conclure prima facie à un risque futur non hypothétique de profit indu ou de préjudice. Une telle conclusion peut être établie notamment sur la base de déductions logiques résultant d’une analyse des probabilités et en prenant en compte les pratiques habituelles dans le secteur commercial pertinent ainsi que toute autre circonstance de l’espèce [voir arrêt du 6 juillet 2012, Jackson International/OHMI – Royal Shakespeare (ROYAL SHAKESPEARE), T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 53 et jurisprudence citée].

82      Afin de déterminer si l’usage de la marque demandée tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque antérieure, il convient de procéder à une appréciation globale qui tienne compte de tous les facteurs pertinents du cas d’espèce, au nombre desquels figurent, notamment, l’intensité de la renommée et le degré de caractère distinctif de la marque, le degré de similitude entre les marques en conflit ainsi que la nature et le degré de proximité des produits ou des services concernés (voir arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 54 et jurisprudence citée).

83      En l’espèce, concernant l’existence d’un profit indûment tiré, il importe de relever que la chambre de recours a constaté, au point 79 de la décision attaquée, qu’il existait un lien entre les produits et les services comparés en l’espèce, qui appartiennent aux mêmes secteurs du marché des produits de beauté, d’hygiène personnelle et de parfumerie ou à des secteurs étroitement liés, ou au secteur connexe des services de soins de beauté, ou aux services connexes de vente au détail, de vente en gros et de promotion. En particulier, ce fait permettrait d’attribuer certaines qualités positives de la marque antérieure renommée aux produits et aux services visés par la marque demandée. La chambre de recours a conclu, au point 81 de la décision attaquée, que, eu égard à l’exposition des milieux pertinents du public à la marque antérieure renommée en ce qui concerne les produits pour lesquels une renommée a été établie, et dans la mesure où l’existence d’un lien avec les produits et les services en cause a été établie, il existait une probabilité que l’usage sans juste motif de la marque demandée puisse faire bénéficier d’un avantage indu et conduire à un parasitisme, c’est-à-dire qu’il serait susceptible de tirer indûment profit du caractère distinctif ou de la forte renommée de la marque antérieure.

84      Tout d’abord, ainsi que l’a considéré la chambre de recours au point 78 de la décision attaquée, il ressort des éléments de preuve produits par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO, et notamment des prix et des récompenses obtenus pour la marque antérieure, que cette dernière bénéficie d’une image de luxe et de durabilité, ce que la requérante ne conteste pas.

85      Ensuite, il a été relevé au point 32 ci-dessus que l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO avait réalisé des efforts commerciaux importants pour promouvoir la marque antérieure.

86      Par ailleurs, il a été conclu au point 75 ci-dessus que la chambre de recours avait considéré, à juste titre, que le public pertinent était susceptible d’établir un lien entre les signes en conflit.

87      Enfin, la requérante n’a pas étayé son allégation selon laquelle, lorsqu’elle utilisera la marque demandée pour ses produits, le public « établirait uniquement un lien avec la requérante et les enseignements du prêtre Sebastian Kneipp ». En effet, comme le soutient, à juste titre, l’EUIPO, la requérante n’a produit aucun élément de preuve quant à la manière dont sa marque serait acceptée et reconnue par les consommateurs de l’Union [voir, en ce sens, arrêt du 21 décembre 2022, International Masis Tabak/EUIPO – Philip Morris Brands (Représentation d’un paquet de cigarettes), T‑44/22, non publié, EU:T:2022:843, point 80]. Par ailleurs, la requérante n’a pas précisé comment un tel lien pourrait être établi, d’autant que la marque demandée ne contient ni le prénom Sebastian, ni le nom de famille ou la dénomination sociale Kneipp [voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2009, L’Oréal/OHMI – Spa Monopole (SPALINE), T‑21/07, non publié, EU:T:2009:80, point 41].

88      Il s’ensuit que c’est sans commettre d’erreur d’appréciation que la chambre de recours a considéré qu’il existait, en l’espèce, prima facie un risque futur non hypothétique que la requérante tire un profit indu de la réputation de la marque antérieure, réputation qui résulte des activités, des efforts et des investissements réalisés par l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’EUIPO.

89      Deuxièmement, il ressort de la jurisprudence que lorsque le titulaire de la marque antérieure est parvenu à démontrer l’existence soit d’une atteinte effective et actuelle à sa marque, soit, à défaut, d’un risque sérieux qu’une telle atteinte se produise dans le futur, il appartient au titulaire de la marque postérieure d’établir que l’usage de cette marque a un juste motif (voir arrêt du 6 juillet 2012, ROYAL SHAKESPEARE, T‑60/10, non publié, EU:T:2012:348, point 67 et jurisprudence citée).

90      En l’espèce, il importe de relever que la chambre de recours a constaté que la requérante n’avait pas avancé qu’elle avait un juste motif pour utiliser la marque demandée.

91      Dès lors, la requérante ne peut soutenir valablement, comme juste motif à l’utilisation de la marque demandée, qu’elle a un intérêt personnel à utiliser le terme « joy » pour décrire et désigner ses produits. En effet, comme il a été conclu au point 58 ci-dessus, la marque antérieure possède un degré moyen de caractère distinctif et peut donc être considérée comme n’étant ni descriptive ni dépourvue de caractère distinctif. Partant, le mot « joy » n’est pas devenu si nécessaire à la commercialisation de produits cosmétiques qu’il ne saurait être raisonnablement exigé de la requérante qu’elle s’abstienne de l’usage de la marque demandée (voir, en ce sens, arrêt du 25 mars 2009, SPALINE, T‑21/07, non publié, EU:T:2009:80, point 43).

92      Compte tenu de ces considérations, l’usage de la marque demandée invoquée par la requérante ne saurait être considéré comme un motif de nature à justifier l’enregistrement de la marque demandée, au risque de tirer profit de la renommée de la marque antérieure.

93      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur d’appréciation en estimant qu’il n’existait pas de juste motif à l’usage de la marque demandée.

94      Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter le quatrième grief du moyen unique et, par voie de conséquence, le moyen unique de la requérante, ainsi que le recours dans son intégralité.

 Sur les dépens

95      Aux termes de l’article 134, paragraphe 1, du règlement de procédure du Tribunal, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

96      Bien que la requérante ait succombé, l’EUIPO n’a conclu à la condamnation de celle-ci aux dépens qu’en cas de convocation à une audience de plaidoiries. En l’absence d’organisation d’une audience de plaidoiries, il convient de décider que chaque partie supportera ses propres dépens.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (huitième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      Chaque partie supportera ses propres dépens.

Kornezov

Kecsmár

Kingston

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 24 avril 2024.

Signatures


*      Langue de procédure : l’anglais.


1      Le présent arrêt fait l’objet d’une publication par extraits.