Language of document : ECLI:EU:C:2009:511

CONCLUSIONS DE L’AVOCAT GÉNÉRAL

Mme VERICA Trstenjak

présentées le 3 septembre 2009 1(1)

Affaire C‑304/08

Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs e V

contre

Plus Warenhandelsgesellschaft mbH

[demande de décision préjudicielle formée par le Bundesgerichtshof (Allemagne)]

«Recevabilité d’une demande de décision préjudicielle – Objet d’interprétation admissible – Pertinence pour la décision à prendre – Offres conjointes – Directive 2005/29/CE – Interprétation conforme à la directive – Harmonisation – Protection des consommateurs – Pratiques commerciales déloyales – Réglementation nationale énonçant une interdiction de principe des pratiques commerciales faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service»





Table des matières

I –   Introduction

II – Cadre juridique

A –   Droit communautaire

B –   Droit national

III – Faits, procédure au principal et question préjudicielle

IV – Procédure devant la Cour

V –   Arguments des parties

VI – Appréciation juridique

A –   Observations liminaires

B –   Recevabilité de la demande

1.     Compétence de la Cour

2.     Pertinence de la question préjudicielle pour la décision au principal

C –   Examen de la demande préjudicielle

1.     La notion de «pratiques commerciales» au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29

2.     Le champ d’application personnel de la directive 2005/29

3.     Les structures des deux réglementations

a)     Les dispositions de la directive 2005/29

i)     Le rapprochement complet et maximal des législations nationales en tant qu’objectif normatif

ii)   La structure normative de la directive 2005/29

b)     Les dispositions de l’UWG

i)     La structure normative de l’interdiction découlant des articles 3 et 4, point 6, de l’UWG

c)     La compatibilité de la réglementation litigieuse avec la directive 2005/29

i)     Nécessité d’une interprétation conforme à la directive

ii)   Examen au regard des dispositions de la directive 2005/29

–       Article 5, paragraphes 4 et 5, de la directive 2005/29

–       Article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29

4.     Synthèse

VII – Conclusion

I –    Introduction

1.        Dans la présente procédure, introduite au titre de l’article 234 CE, le Bundesgerichtshof (Allemagne, ci-après la «juridiction de renvoi») a saisi la Cour d’une question concernant l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises dans le marché intérieur (2). Il s’agit, en substance, de la compatibilité avec le droit communautaire d’une réglementation nationale qui établit le principe de l’interdiction d’une pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service.

2.        La demande de décision préjudicielle tire son origine d’une action en cessation et en remboursement des frais de mise en demeure dans le cadre de laquelle la Zentrale zur Bekämpfung unlauteren Wettbewerbs (association allemande de lutte contre la concurrence déloyale, ci-après la «requérante au principal») reproche à la chaîne de commerces de détail Plus Warenhandelsgesellschaft mbH (ci-après la «défenderesse au principal») d’avoir violé les règles de concurrence dans sa publicité pour une campagne promotionnelle.

II – Cadre juridique

A –    Droit communautaire

3.        L’article 2 de la directive 2005/29 dispose:

«Aux fins de la présente directive, on entend par:

[…]

d)      ‘pratiques commerciales des entreprises vis-à-vis des consommateurs’ (ci‑après également dénommées ‘pratiques commerciales’): toute action, omission, conduite, démarche ou communication commerciale, y compris la publicité et le marketing, de la part d’un professionnel, en relation directe avec la promotion, la vente ou la fourniture d’un produit aux consommateurs;

[…]»

4.        L’article 3, paragraphe 1, de la directive dispose:

«La présente directive s’applique aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs, telles que définies à l’article 5, avant, pendant et après une transaction commerciale portant sur un produit.» 

5.        L’article 4 de la directive dispose:

«Les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services, ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel la présente directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.» 

6.        Sous l’intitulé «Interdiction des pratiques commerciales déloyales», l’article 5 de la directive dispose:

«1.       Les pratiques commerciales déloyales sont interdites.

2.       Une pratique commerciale est déloyale si:

a)      elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle,

et

b)      elle altère ou est susceptible d’altérer de manière substantielle le comportement économique, par rapport au produit, du consommateur moyen qu’elle touche ou auquel elle s’adresse, ou du membre moyen du groupe lorsqu’une pratique commerciale est ciblée vers un groupe particulier de consommateurs.

3.       Les pratiques commerciales qui sont susceptibles d’altérer de manière substantielle le comportement économique d’un groupe clairement identifiable de consommateurs parce que ceux-ci sont particulièrement vulnérables à la pratique utilisée ou au produit qu’elle concerne en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité, alors que l’on pourrait raisonnablement attendre du professionnel qu’il prévoie cette conséquence, sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe. Cette disposition est sans préjudice de la pratique publicitaire courante et légitime consistant à formuler des déclarations exagérées ou des déclarations qui ne sont pas destinées à être comprises au sens littéral.

4.       En particulier, sont déloyales les pratiques commerciales qui sont:

a)       trompeuses au sens des articles 6 et 7,

ou

b)       agressives au sens des articles 8 et 9.

5.       L’annexe I contient la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances. Cette liste unique s’applique dans tous les États membres et ne peut être modifiée qu’au travers d’une révision de la présente directive.»

7.        Les offres couplant des concours ou des jeux promotionnels à des opérations commerciales ne sont pas citées dans la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances visée à l’annexe I de la directive.

B –    Droit national

8.        La loi allemande contre la concurrence déloyale du 3 juillet 2004 (3) (Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, ci‑après l’«UWG»), modifiée en dernier lieu par l’article 1er de la première loi modificative du 22 décembre 2008 (4), a pour objectif, conformément à son article 1er, de protéger de la concurrence déloyale les concurrents, les consommateurs/consommatrices et les autres acteurs du marché. Elle défend en même temps l’intérêt général à ce que la concurrence ne soit pas faussée.

9.        Dans son ancienne version, l’article 3 de l’UWG dispose:

«Les actes de concurrence déloyale qui sont de nature à entraver de manière non négligeable la concurrence au détriment des concurrents, des consommateurs ou d’autres acteurs du marché, sont illicites.»

10.      Cette disposition a été conservée, après la modification législative de décembre 2008, dans la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de l’UWG. Afin d’assurer la transposition de la directive 2005/29, elle a été complétée par deux autres paragraphes. La nouvelle version de l’article 3 de l’UWG dispose:

«(1)  Sont illicites les pratiques commerciales déloyales qui sont de nature à affecter sensiblement les intérêts des concurrents, des consommateurs ou des autres acteurs du marché.

(2)       Les pratiques commerciales s’adressant aux consommateurs sont en toutes circonstances illicites si elles ne répondent pas à la diligence professionnelle à laquelle l’entrepreneur est tenue et si, étant de nature à altérer sensiblement la capacité du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause, elles l’amènent à adopter une décision commerciale qu’il n’aurait sinon pas prise. Le critère d’évaluation à cet égard est le consommateur moyen ou, lorsque la pratique commerciale s’adresse spécifiquement à un groupe particulier de consommateurs, un membre moyen de ce groupe. Les pratiques commerciales dont l’entrepreneur peut prévoir qu’elles s’adressent uniquement à un groupe clairement identifiable de consommateurs particulièrement vulnérables en raison d’une infirmité mentale ou physique, de leur âge ou de leur crédulité sont évaluées du point de vue du membre moyen de ce groupe.

(3)       Les pratiques commerciales s’adressant aux consommateurs qui sont énumérées en annexe de la présente loi sont illicites en toutes circonstances.»

11.      L’article 4 de l’UWG (ancienne version), qui est resté en substance inchangé après la modification de décembre 2008, dispose:

«Se rend coupable d’un acte déloyal au sens de l’article 3 toute personne

[…]

6. qui fait dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service, à moins que le concours ou le jeu ne soit intrinsèquement lié audit bien ou service;

[…]»

III – Faits, procédure au principal et question préjudicielle

12.      Selon les indications de la juridiction de renvoi, la défenderesse, qui a environ 2 700 filiales en Allemagne, a promu, au cours de la période du 16 septembre au 13 novembre 2004, la campagne «Ihre Millionenchance» («Votre chance de gagner des millions!») en invitant les gens à «acheter, accumuler des points et jouer gratuitement au loto». Pendant cette période, les clients ont pu accumuler des «points de bonus» à raison d’un point par tranche de cinq euros dépensés en achat. À partir de 20 points, ils pouvaient participer gratuitement au tirage de la société de loterie «Deutscher Lottoblock» du 6 novembre 2004 ou à celui du 27 novembre. À cette fin, les clients devaient notamment prendre un bulletin de participation dans l’une des filiales de la défenderesse, coller sur ce bulletin les points de bonus et cocher six numéros de leur choix sur la grille de loto. La défenderesse collectait les bulletins dans ses filiales et les envoyait à une entreprise tierce, qui veillait à ce que les clients participent au tirage avec les numéros qu’ils avaient choisis.

13.      Considérant, sur la base de l’article 4, n° 6, de l’UWG, que cette action promotionnelle associait illégalement la vente à un jeu de hasard, la requérante au principal a saisi le Landgericht Duisburg, qui a fait droit à ses conclusions en condamnant la défenderesse à cesser la pratique concurrentielle consistant à promouvoir – dans la publicité adressée au consommateur final ou autrement – la vente de produits au moyen d’un jeu promotionnel dans lequel l’acheteur reçoit des points de bonus qui lui permettent de prendre part aux tirages du loto allemand.

14.      Cette décision a été confirmée en appel par l’Oberlandesgericht Düsseldorf, qui a simplement exigé que la partie du dispositif relative à la cessation soit complétée par l’insertion du terme «gratuitement», pour mieux rendre compte de la nature de la violation concrète.

15.      Dans son recours en «Revision», qui a été autorisé par la première chambre civile du Bundesgerichtshof, la défenderesse persiste dans ses conclusions tendant au rejet du recours.

16.      Comme elle nourrit des doutes quant à la compatibilité de l’article 4, n° 6, de l’UWG avec la directive 2005/29, la juridiction de renvoi a sursis à statuer et a saisi la Cour de la question préjudicielle suivante:

«L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE sur les pratiques commerciales déloyales doit-il être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale aux termes de laquelle une pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service est par principe illicite, indépendamment du point de savoir si la mesure promotionnelle concrète affecte les intérêts des consommateurs?»

IV – Procédure devant la Cour

17.      L’ordonnance de renvoi du 5 juin 2008 est parvenue au greffe de la Cour le 9 juillet 2008.

18.      Des observations écrites ont été déposées dans le délai prévu à l’article 23 du statut de la Cour de justice par les parties à la procédure au principal, par les gouvernements allemand, belge, tchèque, espagnol, italien, polonais, portugais et finlandais, ainsi que par la Commission des Communautés européennes.

19.      Dans le cadre de mesures d’administration de la procédure, la Cour a posé une question aux parties et aux autres intervenants, qui ont répondu.

20.      Au cours de la procédure orale, qui s’est déroulée le 11 juin 2009, des observations ont été présentées par le mandataire de la défenderesse au principal, par les agents des gouvernements allemand, tchèque, italien, autrichien, polonais et portugais, ainsi que par l’agent de la Commission.

V –    Arguments des parties

21.      Les gouvernementsespagnol et tchèque excluent que la directive 2005/29 soit applicable en l’espèce.

22.      Le gouvernement espagnol fait d’abord valoir l’irrecevabilité de la demande préjudicielle, au motif que tous les éléments de la procédure au principal se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre. Il renvoie, à cet égard, à la jurisprudence Jägerskiöld (5). À titre conservatoire, il invoque la non‑applicabilité de la directive au motif que les faits qui fondent les recours nationaux seraient antérieurs non seulement à l’expiration du délai de transposition, mais même à son adoption. La Cour n’aurait pas qualité pour interpréter les dispositions nationales qui ne sont pas le résultat d’une transposition et qui ont au demeurant été adoptées avant l’adoption de la directive. Par ailleurs, aucun élément concret n’indiquerait que le comportement économique d’un consommateur moyen puisse être altéré de manière substantielle.

23.      Le gouvernement tchèque expose que, à la différence de la directive 2005/29, les dispositions nationales litigieuses ont pour objet de protéger contre les pratiques commerciales déloyales non pas le consommateur, mais la concurrence et donc les concurrents. Ces dispositions ne ressortiraient pas au champ d’application de la directive 2005/29, qu’elles ne pourraient donc enfreindre.

24.      La requérante au principal ainsi que les gouvernements finlandais, portugais, belge, allemand et italien estiment que la directive 2005/29 ne fait pas obstacle à une interdiction comme celle prévue dans l’UWG.

25.      La requérante au principal fait valoir que l’interdiction prévue à l’article 4, n° 6, de l’UWG ne peut s’appliquer que si, d’une part, la pratique commerciale est, conformément à l’article 3 de l’UWG, de nature à affecter, dans une mesure qui ne soit pas simplement négligeable, la concurrence au détriment des concurrents, des consommateurs ou des autres acteurs sur le marché et si, d’autre part, étant de nature à altérer sensiblement la capacité du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause, elle l’amène à adopter une décision commerciale qu’il n’aurait sinon pas prise. C’est à tort que la juridiction de renvoi mettrait en doute la compatibilité de l’article 4, n° 6, de l’UWG avec l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29.

26.      Le gouvernement finlandais observe, tout d’abord, que l’un des objectifs de la directive 2005/29 est d’assurer un niveau élevé de protection du consommateur. La directive contiendrait des règles générales permettant d’identifier et d’interdire les pratiques commerciales déloyales, tout en laissant aux États membres la possibilité d’adopter des dispositions plus strictes en matière d’interdiction de mesures de promotion des ventes. Une réglementation nationale comme celle dont il s’agit en l’espèce concrétiserait l’interdiction prévue à l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2005/29, sans aller plus loin que son article 2. Elle serait par conséquent conforme à l’article 5, paragraphe 2, de la directive.

27.      Selon le gouvernement portugais, l’annexe I de la directive 2005/29 énumère les pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances, interdisant notamment, au point 16, la pratique consistant à «affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard». Le gouvernement portugais semble cependant exclure que la campagne de publicité litigieuse ait constitué une telle pratique, car le simple achat d’une marchandise ou d’un service n’ouvrirait pas en soi une chance de gagner. Le gouvernement portugais conclut que les dispositions allemandes, en particulier les articles 3 et 4 de l’UWG, sont compatibles avec la directive 2005/29, car les interdictions découlant de la combinaison de ces textes ne violeraient pas l’article 5, paragraphe 2, de cette directive.

28.      Le gouvernement belge estime que la règle de l’article 4, n° 6, de l’UWG, qui interdit de lier la participation à un concours à une obligation d’achat, sauf si certaines conditions sont respectées, ne tombe pas dans le champ d’application de la directive 2005/29. Au demeurant, une telle interdiction des offres conjointes serait une modalité de vente qui, conformément à la jurisprudence Keck et Mithouard (6), ne serait pas de nature à entraver les échanges intracommunautaires. Seules les communications commerciales adressées aux consommateurs pourraient constituer des pratiques commerciales déloyales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29. En l’occurrence, il appartiendrait aux juridictions nationales de dire, en tenant compte des circonstances du cas d’espèce, si les dispositions et les critères de la directive 2005/29 ont été respectés.

29.      Les gouvernements allemand et italien estiment que, au vu du libellé et de la systématique de la directive 2005/29, les États membres ont le droit d’interdire d’autres pratiques commerciales que celles énumérées à l’annexe I, si le comportement visé doit être considéré comme déloyal à la lumière des critères énumérés à l’article 5.

30.      En ce qui concerne concrètement la pratique commerciale litigieuse, le gouvernement allemand estime que le fait de subordonner la participation à un jeu promotionnel ou à un concours promotionnel à l’acquisition d’une marchandise constitue très certainement une pratique commerciale déloyale, qui remplit les conditions requises pour justifier cette qualification. Partant, une interdiction générale de cette forme d’offre conjointe serait compatible avec le sens et l’objet de la directive 2005/29.

31.      Concernant le septième considérant de la directive 2005/29, selon lequel l’interdiction de certaines pratiques commerciales doit toujours être précédée d’un examen des circonstances du cas concret, le gouvernement italien observe que cette exigence peut être remplie en permettant à l’opérateur d’apporter la preuve de la légalité de son comportement. En conséquence, selon le gouvernement italien, l’interdiction de l’article 4, n° 6, de l’UWG est conforme aux dispositions de la directive.

32.      En revanche, la défenderesse au principal et la Commission jugent incompatible avec la directive une réglementation nationale comme l’article 4, n° 6, de l’UWG, qui interdit absolument toute pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un jeu promotionnel ou à un concours promotionnel de l’acquisition d’une marchandise ou d’un service, sans qu’il importe de savoir si la mesure promotionnelle concrète affecte les intérêts des consommateurs. Comme cette pratique ne figure pas sur la liste de l’annexe I, elle ne pourrait être interdite que si elle est qualifiée de déloyale sur la base d’un examen du cas d’espèce à la lumière des critères figurant à l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29.

33.      La défenderesse au principal fait valoir que le projet d’interdiction générale d’associer participation à des jeux promotionnels et obligation d’achat avait déjà été discuté dans le cadre d’une proposition de la Commission en vue de l’adoption d’un règlement relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, de sorte que la problématique était parfaitement connue du législateur communautaire. Si ce dernier avait voulu inclure une telle interdiction générale dans la directive 2005/29, il aurait expressément fait figurer cette pratique commerciale sur la liste de l’annexe I.

34.      Selon le gouvernement polonais, la question de la compatibilité de la disposition litigieuse de l’UWG avec la directive 2005/29 dépend de l’objectif poursuivi par la loi nationale. S’appuyant avant tout sur le cinquième considérant de ladite directive, le gouvernement polonais observe que le législateur communautaire distingue clairement entre pratiques commerciales des entreprises envers les consommateurs, au détriment de ces derniers, que la directive entend réglementer, et pratiques affectant les intérêts économiques des concurrents, qui échapperaient au champ d’application de la directive 2005/29. Partant, la compatibilité avec la directive 2005/29 d’une réglementation nationale visant à protéger les concurrents ne saurait être mise en doute.

35.      Se référant notamment à la procédure préjudicielle ouverte à la demande de l’Oberster Gerichtshof (Autriche) dans l’affaire Mediaprint Zeitungs- und Zeitschriftenverlag (C‑540/08), qui est encore en cours, le gouvernement autrichien a soutenu à l’audience que la directive 2005/29 poursuit avant tout des objectifs de protection du consommateur et ne s’applique donc pas aux dispositions nationales qui ont pour finalité de protéger les intérêts des concurrents, lesquels ne seraient pas affectés par la directive 2005/29. Le gouvernement autrichien s’appuie en particulier sur le huitième considérant de la directive, mais aussi sur la proposition de la Commission en vue de l’adoption d’un règlement relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur. À titre subsidiaire, pour le cas où elle affirmerait malgré tout l’applicabilité de la directive 2005/29, le gouvernement autrichien demande à la Cour de constater que cette directive ne s’oppose pas à des dispositions nationales telles que les articles 3 et 4, n° 6, de l’UWG.

VI – Appréciation juridique

A –    Observations liminaires

36.      La présente affaire offre à la Cour la possibilité de développer sa jurisprudence sur la compatibilité avec le droit communautaire des interdictions nationales s’appliquant aux offres conjointes. Des indications utiles pour répondre à la question préjudicielle peuvent être tirées de l’arrêt du 23 avril 2009, dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (7), dans laquelle la Cour était également appelée à interpréter la directive 2005/29. Tout comme dans cette affaire, la question est en l’espèce de savoir si et dans quelle mesure les États membres gardent la possibilité d’adopter des normes interdisant strictement les offres conjointes, sans appréciation au cas par cas de la pratique commerciale en cause, compte tenu de l’harmonisation d’une partie du droit des pratiques commerciales déloyales par la directive 2005/29.

37.      Ainsi que je l’ai souligné dans mes conclusions du 21 octobre 2008 dans l’affaire précitée (8), la directive 2005/29, adoptée le 21 mai 2005 par le Parlement européen et le Conseil de l’Union européenne, vise à créer un cadre juridique uniforme de règles concernant les pratiques commerciales déloyales. Conformément au cinquième considérant de cette directive, cet objectif doit être atteint en harmonisant le droit des pratiques commerciales déloyales dans l’intérêt de l’élimination des obstacles à la libre circulation transfrontalière sur le marché intérieur (9). Son objectif normatif réside donc dans une harmonisation de ce domaine de vie au niveau de la Communauté européenne (10).

38.      Aux termes de son article 20, la directive 2005/29 est entrée en vigueur dès le jour suivant celui de sa publication au Journal officiel de l’Union européenne, c’est-à-dire le 12 juin 2005. Conformément à son article 19, premier alinéa, les États membres étaient tenus de la transposer en droit national au plus tard le 12 juin 2007, en adoptant les dispositions juridiques et administratives nécessaires, mais avec un délai supplémentaire de six ans pour certaines dispositions nationales plus rigoureuses. L’application de ces dispositions juridiques et administratives n’était cependant obligatoire qu’à partir du 12 décembre 2007.

39.      Formellement, la République fédérale d’Allemagne a rempli son obligation de transposition avec la première loi modificative de l’UWG du 22 décembre 2008, qui est entrée en vigueur le 30 décembre 2008 (11). Cependant, la disposition litigieuse de l’article 4, n° 6, de l’UWG n’a pas été adoptée pour transposer la directive 2005/29, mais remonte à une législation nationale antérieure. Dans son ordonnance, la juridiction de renvoi exprime des doutes quant à la compatibilité de cette disposition avec le droit communautaire. Ainsi qu’elle l’avait prévu sur la base des travaux préparatoires dont elle disposait (12), la transposition de la directive 2005/29 n’a entraîné ni modification ni abrogation de l’article 4, n° 6.

B –    Recevabilité de la demande

1.      Compétence de la Cour

40.       Le gouvernement espagnol fonde son exception d’irrecevabilité avant tout sur l’absence de dimension communautaire de la question préjudicielle. Il invoque l’arrêt Jägerskiöld (13), d’après le point 45 duquel «les dispositions du traité relatives à la libre prestation des services ne trouvent pas à s’appliquer à une situation, telle que celle au principal, dont tous les éléments se cantonnent à l’intérieur d’un seul État membre». Si le gouvernement espagnol se réfère, à cet égard, à l’absence d’élément transfrontalier, son argument signifie, d’un point de vue procédural, qu’il conteste en fait la compétence de la Cour.

41.      Tout d’abord, il faut observer que la demande préjudicielle en cause dans cette affaire concernait exclusivement l’interprétation des dispositions du droit primaire relatives à la libre circulation des marchandises et à la libre prestation des services. Or, il est vrai qu’il faut un élément transfrontalier pour que ces dispositions soient applicables (14). En l’espèce, la Cour est cependant invitée à interpréter un acte de droit communautaire dérivé, à savoir une directive au sens de l’article 249, troisième alinéa, CE, ce qui est déjà une différence entre les deux affaires.

42.      Il convient aussi de rappeler que, dans le cadre de la coopération entre la Cour et les juridictions nationales, telle que prévue à l’article 234 CE, il appartient au seul juge national, qui est saisi du litige et qui doit assumer la responsabilité de la décision juridictionnelle à intervenir, d’apprécier, au regard des particularités de l’affaire pendante devant lui, tant la nécessité d’une décision préjudicielle pour être en mesure de rendre son jugement que la pertinence des questions qu’il pose à la Cour (15).

43.      En conséquence, dès lors que les questions posées portent sur l’interprétation du droit communautaire, la Cour est, en principe, tenue de statuer (16), à moins qu’il ne soit manifeste que la demande de décision préjudicielle tend, en réalité, à l’amener à statuer sur un litige construit ou à formuler des opinions consultatives sur des questions générales ou hypothétiques, que l’interprétation du droit communautaire demandée n’ait aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige, ou encore que la Cour ne dispose pas des éléments de fait ou de droit nécessaires pour répondre de façon utile aux questions qui lui sont posées (17).

44.      Il faut donc répondre à l’argument du gouvernement espagnol que l’appréciation du point de savoir si nous avons affaire à une situation «purement interne» touche à l’interprétation du droit communautaire et non à la recevabilité de la demande (18). Il faut en outre rappeler que, si la Cour a affirmé sa compétence, c’est aussi en raison de l’intérêt évident à ce que, pour éviter des divergences d’interprétation futures, les dispositions ou les notions reprises du droit communautaire reçoivent une interprétation uniforme, quelles que soient les conditions dans lesquelles elles sont appelées à s’appliquer (19).

45.      L’argumentation du gouvernement espagnol doit donc être rejetée.

2.      Pertinence de la question préjudicielle pour la décision au principal

46.      Du point de vue de la procédure, l’argument que le gouvernement espagnol tire de l’inapplicabilité de la directive 2005/29 revient à contester la pertinence de la question préjudicielle pour la décision au principal.

47.      Ainsi que nous l’avons vu, la présomption de pertinence qui s’attache aux questions posées à titre préjudiciel par les juridictions nationales ne peut être écartée que dans des cas exceptionnels et, notamment, lorsqu’il apparaît de manière manifeste que l’interprétation sollicitée des dispositions du droit communautaire visées dans ces questions n’a aucun rapport avec la réalité ou l’objet du litige au principal (20).

48.      En l’espèce, la question préjudicielle n’est pas totalement dépourvue de pertinence pour la décision à prendre au principal, puisque, comme l’indique l’ordonnance de renvoi, la décision en «Revision» dépend, pour ce qui est de l’injonction de cesser, du point de savoir si les articles 3 et 4, n° 6, de l’UWG sont compatibles avec la directive 2005/29 (21). Dans l’affirmative, le pourvoi en «Revision» devrait être rejeté. Si, en revanche, l’interdiction des concours ou des jeux promotionnels avec obligation d’achat énoncée à l’article 4, n° 6, de l’UWG allait au-delà de la protection prévue par la directive 2005/29, l’arrêt attaqué devrait être annulé et le recours devrait être rejeté, en tant qu’il vise au prononcé d’une injonction de cesser.

49.      Quant à la question de l’applicabilité de la directive 2005/29, pour autant qu’elle soit pertinente pour la recevabilité de la demande préjudicielle, je ne vois pas en quoi elle peut être affectée par l’argument du gouvernement espagnol selon lequel les faits ayant conduit à la procédure au principal seraient antérieurs à l’entrée en vigueur, voire à l’adoption, de la directive 2005/29; en effet, l’action en cessation avec laquelle la requérante au principal a obtenu gain de cause en première instance est, comme indiqué dans l’ordonnance de renvoi (22), dirigée contre des infractions futures. Si l’on analyse correctement les observations de la juridiction de renvoi sur le droit interne applicable, cela signifie que le droit à cessation produit jusqu’à ce jour des effets juridiques s’imposant à la défenderesse. Puisque le droit à cessation continue de produire des effets (23), la question de la compatibilité d’une disposition comme l’article 4, n° 6, de l’UWG avec la directive 2005/29 garde toute son actualité et sa pertinence pour les parties à la procédure au principal ainsi que pour la juridiction nationale qui doit statuer sur le litige.

50.      Cette question revêt d’autant plus d’importance qu’à la date de la décision de renvoi, le 5 juin 2008, le délai de transposition fixé au 12 juin 2007 et le délai ultime d’application fixé au 12 décembre 2007 avaient tous deux expiré depuis longtemps. À cette date, le droit national n’avait pas été adapté et le législateur allemand ne semblait pas envisager la levée de l’interdiction des ventes conjointes énoncée à l’article 4, n° 6, de l’UWG; la juridiction nationale en avait d’ailleurs conscience, comme le montre l’ordonnance de renvoi.

51.      Dans l’hypothèse, non exclue a priori, d’une incompatibilité de l’article 4, n° 6, de l’UWG avec la directive 2005/29, le fait que les actions en cessation ouvertes par les règles de concurrence nationales sont orientées vers l’avenir aurait imposé à la juridiction nationale, dans sa fonction de juridiction communautaire, d’écarter l’application des dispositions nationales, le cas échéant même avant l’expiration du délai de transposition. Cela résulte de la primauté du droit communautaire sur le droit national (24), et plus encore de l’obligation des États membres, reconnue par la jurisprudence de la Cour, de prendre, conformément aux articles 10, second alinéa, CE et 249, troisième alinéa, CE, toute mesure propre à atteindre l’objectif fixé par la directive.

52.      Comme je l’ai souligné dans mes conclusions dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (25), cela inclut l’obligation de s’abstenir de tout ce qui pourrait compromettre la réalisation de l’objectif d’une directive. Selon la jurisprudence de la Cour, il résulte de l’application combinée des dispositions susmentionnées du traité et de la directive elle-même que, pendant le délai de transposition, les États membres destinataires doivent s’abstenir de prendre des dispositions de nature à compromettre sérieusement la réalisation du résultat prescrit par cette directive (26). Cette obligation d’abstention s’étend à tous les organes des États membres, y compris, dans le cadre de leurs compétences, les autorités juridictionnelles (27). Il appartient à ces dernières d’apprécier si des dispositions nationales adoptées avant l’expiration du délai de transposition sont de nature à compromettre la réalisation du résultat prescrit par la directive (28).

53.      La Cour a ainsi jugé dans l’arrêt Adelener e.a. (29) que, dès la date à laquelle une directive est entrée en vigueur, les juridictions des États membres doivent s’abstenir, dans la mesure du possible, d’interpréter le droit interne d’une manière qui risquerait de compromettre sérieusement, après l’expiration du délai de transposition, la réalisation de l’objectif poursuivi par cette directive.

54.      Il faut également tenir compte du fait que, selon la jurisprudence de la Cour, le champ d’application d’une directive inclut non seulement les dispositions nationales dont l’objectif exprès est de transposer ladite directive, mais également, à compter de la date d’entrée en vigueur de cette directive, les dispositions nationales préexistantes, susceptibles d’assurer la conformité du droit national à celle-ci (30). En l’espèce, cela vise aussi les dispositions de l’UWG, y compris les articles 3 et 4, point 6, qui sont antérieurs à l’entrée en vigueur de la directive 2005/29.

55.      Ainsi, lorsque le juge national pense que, à l’expiration du délai de transposition d’une directive qui doit être prochainement transposée, une législation nationale peut compromettre la finalité de cette directive (31), il doit, dès la phase de transposition, adopter les mesures nécessaires pour réaliser l’objectif poursuivi par cette directive.

56.      Partant, comme les actions en cessation ouvertes par les règles de concurrence nationales sont orientées vers l’avenir, les juridictions allemandes avaient, dès l’entrée en vigueur de la directive 2005/29, le droit d’examiner la compatibilité de l’article 4, n° 6, de l’UWG avec la directive et, en cas de doute, de saisir la Cour d’une question d’interprétation au titre de l’article 234, premier alinéa, sous b), CE.

57.      La question posée n’est donc pas dépourvue de pertinence pour la solution du litige au principal et la demande préjudicielle est recevable.

C –    Examen de la demande préjudicielle

58.      À titre liminaire, il convient de rappeler que, dans le cadre d’une procédure introduite en vertu de l’article 234 CE, la Cour n’est pas compétente pour statuer sur la compatibilité d’une mesure nationale avec le droit communautaire. Elle est toutefois compétente pour fournir à la juridiction nationale tous les éléments d’interprétation relevant du droit communautaire qui peuvent lui permettre d’apprécier cette compatibilité pour le jugement de l’affaire dont elle est saisie (32).

59.      La question préjudicielle vise à déterminer si la directive 2005/29 s’oppose à une disposition nationale comme l’article 4, n° 6, de l’UWG. Pour cela, il faut d’abord vérifier si cette disposition ressortit, de par son objet, au champ d’application matériel et personnel de la directive 2005/29. Ensuite, il faut examiner si cette directive doit être interprétée en ce sens qu’elle couvre l’interdiction de la pratique commerciale litigieuse découlant des articles 3 et 4, point 6, de l’UWG.

1.      La notion de «pratiques commerciales» au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29

60.      Lues en combinaison avec l’article 3 de l’UWG, les dispositions de l’article 4, n° 6, de l’UWG interdisent à tout commerçant de faire dépendre la participation des consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service, à moins que le concours ou le jeu ne soient par nature liés au bien ou au service. Autrement dit, elles interdisent d’associer deux marchandises ou prestations différentes aux fins de la vente et elles énoncent ainsi une interdiction stricte des offres conjointes (33).

61.      Comme je l’ai exposé de façon détaillée dans mes conclusions dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (34) et comme la Cour l’a confirmé dans l’arrêt qu’elle a rendu dans cette affaire (35), les offres conjointes constituent des actes commerciaux s’inscrivant clairement dans le cadre de la stratégie commerciale d’un opérateur et visant directement à la promotion et à l’écoulement des ventes de celui-ci.

62.      Il s’ensuit qu’elles constituent bien des pratiques commerciales au sens de l’article 2, sous d), de la directive 2005/29 et relèvent, en conséquence, du champ d’application matériel de celle-ci.

2.      Le champ d’application personnel de la directive 2005/29

63.      Ainsi que le gouvernement polonais l’a observé à juste titre, la question de savoir si l’article 4, n° 6, de l’UWG ressortit au champ d’application personnel de la directive 2005/29 dépend du point de savoir si, comme la directive elle-même, il vise à protéger les consommateurs.

64.      Ladite directive ne régit en effet que les relations B2C («business to consumer»), c’est-à-dire entre professionnels et consommateurs. Ce fait est mis en exergue par son huitième considérant selon lequel la directive ne protège directement que les intérêts économiques des consommateurs (36). Toutefois, comme le montrent le sixième et, surtout, le huitième considérant, les intérêts économiques des concurrents agissant de façon licite ne sont pas jugés moins dignes de protection pour autant (37).

65.      À la différence du gouvernement tchèque (38), je n’ai aucun doute que l’article 4, n° 6, de l’UWG a pour sens et pour objet de protéger le consommateur.

66.      Premièrement, d’après son article 1er, l’UWG sert à protéger les concurrents et autres opérateurs, mais également les consommateurs contre la concurrence déloyale (39). Deuxièmement, la genèse ainsi que le sens et l’objet de l’article 4, n° 6, de l’UWG plaident en faveur d’une telle interprétation. Cette disposition codifie en effet la jurisprudence du Bundesgerichtshof (40) relative à l’ancienne version de l’article 1er de l’UWG, selon laquelle il était contraire au droit de la concurrence de subordonner la participation à des concours ou à des jeux promotionnels à l’achat d’une marchandise ou à la commande d’une prestation. D’après les travaux préparatoires (41), l’objectif du texte est de protéger le consommateur contre toute atteinte excessive portée à sa liberté de décision au moyen de l’exploitation de la passion du jeu. L’idée de départ est que l’offre combinant participation à un jeu promotionnel et vente de marchandises peut faire basculer la décision d’achat même d’un consommateur moyen raisonnable de telle façon que cette décision ne sera plus fondée sur des considérations rationnelles, mais sur le désir d’emporter le lot mis en jeu. Cela reflète d’ailleurs le sentiment unanime de la doctrine (42).

67.      Partant, cette disposition nationale relève également du champ d’application personnel de la directive 2005/29.

3.      Les structures des deux réglementations

68.      Pour pouvoir établir si la directive 2005/29 s’oppose à une disposition nationale telle que l’article 4, n° 6, de l’UWG, il convient d’examiner et, ensuite, de comparer les deux réglementations sous l’angle de leur objectif normatif et de leur structure réglementaire.

a)      Les dispositions de la directive 2005/29

i)      Le rapprochement complet et maximal des législations nationales en tant qu’objectif normatif

69.      Comme nous l’avons exposé initialement (43), la directive 2005/29 vise une harmonisation complète des règles légales des États membres concernant les pratiques commerciales déloyales. En outre, à la différence des instruments juridiques sectoriels spécifiques d’harmonisation du droit des consommateurs tels qu’ils se présentaient jusque là, la directive 2005/29 vise non seulement une harmonisation minimale, mais aussi un rapprochement maximal des règles de droit national qui, sous réserve de certaines exceptions, ne permet pas aux États membres de conserver ou d’instaurer des règles plus sévères, même pour assurer un niveau plus élevé de protection du consommateur (44). L’une et l’autre de ces conclusions résultent d’une interprétation tant du préambule que des dispositions générales de cette directive.

70.      Cela résulte, d’une part, du onzième considérant de la directive 2005/29, selon lequel le rapprochement des dispositions nationales assuré par ladite directive doit créer un niveau commun élevé de protection des consommateurs et, d’autre part, de son douzième considérant, qui énonce que les consommateurs et les professionnels pourront ainsi s’appuyer sur un cadre réglementaire unique fondé sur un concept juridique clairement défini réglementant tous les aspects des pratiques commerciales déloyales au sein de l’Union européenne. Une autre référence à la méthode du rapprochement du droit figure à l’article 1er de la directive 2005/29, dont il ressort que l’objectif de ladite directive est de contribuer à l’amélioration de la protection des consommateurs et au bon fonctionnement du marché intérieur.

71.      L’objectif d’une réglementation exhaustive et maximale au niveau communautaire dans le domaine de vie visé par le champ d’application de la directive 2005/29 apparaît clairement dans les quatorzième et quinzième considérants de cette directive, qui mentionnent une harmonisation complète. Cela résulte, en outre, de la clause de marché intérieur de l’article 4 de la directive 2005/29, qui prévoit que les États membres ne restreignent ni la libre prestation de services ni la libre circulation des marchandises pour des raisons relevant du domaine dans lequel cette directive vise au rapprochement des dispositions en vigueur.

72.      En guise d’exception, l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2005/29 prévoit que, pendant une période de six ans à compter du 12 juin 2007, les États membres ont la faculté de conserver des dispositions nationales dans les domaines du rapprochement opéré par cette directive. Il est vrai que cette exception est limitée aux dispositions nationales qui mettent en œuvre des directives et qui contiennent des clauses d’harmonisation minimale (45). L’article 3, paragraphe 9, de la directive 2005/29 comporte enfin une exception supplémentaire pour ce qui est des services financiers au sens de la directive 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil, du 23 septembre 2002, concernant la commercialisation à distance de services financiers auprès des consommateurs, et modifiant les directives 90/619/CEE du Conseil, 97/7 et 98/27/CE (JO L 271, p. 16), et des biens immobiliers.

ii)    La structure normative de la directive 2005/29

73.      La disposition centrale de la directive 2005/29 est la clause générale énoncée à l’article 5, paragraphe 1, qui prescrit l’interdiction de toute pratique commerciale déloyale. L’article 5, paragraphe 2, précise ce qu’il convient d’entendre par «déloyale». Conformément à cette disposition, une pratique commerciale est déloyale si, d’une part, elle est contraire aux exigences de la «diligence professionnelle» et, d’autre part, elle est susceptible d’«altérer de manière substantielle» le comportement économique. Conformément au paragraphe 4 dudit article, sont en particulier déloyales les pratiques commerciales trompeuses (articles 6 et 7 de la directive 2005/29) ou agressives (articles 8 et 9 de cette directive). Le paragraphe 5 du même article renvoie à l’annexe I de la directive 2005/29 et aux pratiques commerciales qui y sont mentionnées, qui sont «réputées déloyales en toutes circonstances». Cette liste s’applique de manière uniforme dans tous les États membres et ne peut être modifiée que par une modification de la directive 2005/29.

74.      Dès lors, aux fins de l’application du droit par les juridictions nationales et par les autorités administratives, il convient tout d’abord de se référer aux 31 cas de pratiques commerciales déloyales figurant à l’annexe I. Si une pratique commerciale peut relever d’un de ces cas, elle doit être interdite. Il n’y a alors pas lieu de procéder à une plus ample analyse, par exemple quant aux effets de la pratique concernée. Si le cas de figure concerné ne relève pas de cette liste, il convient d’examiner s’il correspond à l’un des exemples régis par la clause générale, relative aux pratiques commerciales trompeuses ou agressives. Ce n’est que dans la négative que l’article 5, paragraphe 1, de la directive 2005/29 s’applique (46).

b)      Les dispositions de l’UWG

75.      Selon une jurisprudence constante, chaque État membre destinataire d’une directive a l’obligation de prendre, dans son ordre juridique national, toutes les mesures nécessaires en vue d’assurer le plein effet de la directive, conformément à l’objectif qu’elle poursuit (47). Cela inclut l’obligation pour le législateur national de dûment transposer la directive concernée (48). D’après son libellé, l’article 249, troisième alinéa, CE laisse cependant aux organes nationaux le choix de la forme et des moyens. Cette liberté de choix est reconnue en particulier au législateur national.

76.      C’est pourquoi la jurisprudence reconnaît que la transposition d’une directive en droit interne n’exige pas nécessairement une reprise textuelle de ses dispositions dans une norme légale expresse et spécifique (49). L’important est que les textes de transposition répondent aux exigences de clarté et de sécurité juridique afin que le programme poursuivi par la directive soit intégralement réalisé lors de l’application du droit national par les tribunaux et les autorités de l’État membre en question (50).

77.      Pour dire si et dans quelle mesure l’article 4, n° 6, de l’UWG répond aux exigences de la directive, il faut d’abord brièvement analyser les principaux éléments de cette disposition.

i)      La structure normative de l’interdiction découlant des articles 3 et 4, point 6, de l’UWG

78.      Dans la version du 3 juillet 2004, qui était en vigueur à la date de la demande préjudicielle et qu’il faut donc appliquer ici, l’article 3 de l’UWG énonce l’interdiction de toute concurrence déloyale. Ce texte fondamental du droit des pratiques commerciales déloyales se présente sous forme de clause générale, applicable pour sanctionner toute forme d’infraction au droit de la concurrence. Sous réserve de quelques amendements de peu d’importance apportés au libellé, cette clause générale subsiste, même après la modification législative de 2008, dans la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de l’UWG.

79.      Le droit matériel des infractions à la concurrence est défini par recours à la notion de «déloyauté dans la concurrence». L’UWG est structuré de telle sorte que les dispositions générales du chapitre 1 (articles 1er à 7) contiennent, outre la désignation des objets protégés figurant à l’article 1er et les définitions figurant à l’article 2, des normes d’interdiction (articles 3 à 7); les conséquences juridiques (articles 8 à 10) de la violation d’une interdiction et la prescription (article 11) sont régies par le chapitre 2, tandis que le droit procédural formel fait l’objet du chapitre 3. Le chapitre 4 (articles 16 à 19) contient les dispositions pénales sanctionnant les infractions à la concurrence et le chapitre 5 (articles 20 à 22) contient les dispositions finales.

80.      L’article 4 de l’UWG énonce un catalogue d’exemples – dont la participation à des jeux ou à des concours promotionnels, qui nous concerne en l’espèce – pour concrétiser l’interdiction générale des actes de concurrence déloyale découlant de la clause générale de l’article 3 de l’UWG (51). Ce catalogue reprend les catégories dégagées en substance par la jurisprudence et la doctrine allemandes. L’établissement d’un catalogue d’exemples procède de la volonté du législateur de libérer les juges de l’obligation de concrétiser le critère de la «déloyauté» (52) et de renforcer la transparence (53). Comme l’article 4, n° 6, de l’UWG se borne à concrétiser le critère de la «déloyauté», les conditions d’application de l’article 3 de l’UWG doivent être remplies en même temps que celles de cette disposition – ou celles de n’importe quel autre des exemples – pour qu’une mesure puisse être qualifiée de contraire à la concurrence (54). L’article 3 de l’UWG exige que les actes de concurrence déloyale (ou les pratiques commerciales, selon la terminologie de la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de l’UWG) soient propres à fausser la concurrence dans une mesure non négligeable au détriment des concurrents, des consommateurs ou d’autres acteurs du marché. En conséquence, l’acte de concurrence (ou la pratique commerciale, selon la terminologie de la nouvelle version de l’article 3, paragraphe 1, de l’UWG) contesté doit non seulement avoir été accompli dans le cadre d’une relation de concurrence concrète, mais doit en outre dépasser un seuil déterminé, c’est-à-dire avoir un certain impact sur la concurrence et affecter sensiblement les intérêts des catégories de personnes protégées.

81.      La mise en place d’un «seuil de minimis» ou d’une «exigence de perceptibilité» allège la charge de travail des juridictions nationales en leur évitant d’avoir à s’occuper de pratiques abusives de peu d’importance (55). Le critère déterminant pour analyser la compatibilité de la réglementation litigieuse avec la directive 2005/29 est, selon moi, le niveau auquel les juridictions nationales chargées des affaires de concurrence fixent ce seuil.

c)      La compatibilité de la réglementation litigieuse avec la directive 2005/29

i)      Nécessité d’une interprétation conforme à la directive

82.      Pour dire si une disposition nationale est contraire au droit communautaire, il ne faut pas seulement s’appuyer sur son libellé, mais également tenir compte de la façon dont elle est interprétée par les juridictions nationales (56). Du fait qu’elle reflète l’interprétation de la loi telle qu’elle s’impose à tous les sujets de droit, la jurisprudence d’un État membre constitue un critère indispensable pour apprécier le caractère conforme au droit communautaire de la transposition en droit national et de l’interprétation de celui-ci (57).

83.      En effet, en dépit du fait que, lorsque les conditions de l’article 4, n° 6, de l’UWG sont vérifiées, seule la «déloyauté» est établie, de sorte qu’une pratique ne pourra être considérée comme interdite par le droit national que si les conditions de l’article 3 de l’UWG sont également remplies, il découle de l’ordonnance de renvoi (58) que la jurisprudence des plus hautes juridictions allemandes considère manifestement que, dans le cas de l’article 4, n° 6, de l’UWG, le caractère substantiel de la restriction à la concurrence doit toujours être présumé (59). Cela découle de la référence à la doctrine qui va dans ce sens (60), de l’exposé relatif aux dispositions nationales, mais également du libellé de la question préjudicielle elle‑même, selon laquelle la réglementation litigieuse interdit les offres conjointes «indépendamment du point de savoir si la mesure promotionnelle concrète affecte les intérêts des consommateurs». Cette formulation semble indiquer que l’article 4, n° 6, de l’UWG est interprété comme si le juge national n’avait guère de marge d’appréciation dans le cas concret. Cela semble également être le postulat sur lequel le gouvernement allemand s’est fondé dans ses premières observations écrites, en évoquant une interdiction «générale» ou «absolue» à propos de cette réglementation nationale (61).

ii)    Examen au regard des dispositions de la directive 2005/29

84.      Ci-après, j’examinerai si cette interprétation de l’article 4, n° 6, de l’UWG est compatible avec la directive 2005/29 dans la mesure où elle aboutit à interdire toute offre conjointe incluant une participation à des jeux ou à des concours promotionnels. À cette fin, je suivrai le schéma d’analyse décrit au point 74.

–       Article 5, paragraphes 4 et 5, de la directive 2005/29

85.      Tout d’abord, il faut constater que la pratique commerciale interdite par l’article 4, n° 6, de l’UWG ne correspond à aucune des pratiques énumérées à l’annexe I de la directive (62). Cela vaut en particulier pour celle évoquée au point 16 de cette annexe, à savoir affirmer d’un produit qu’il augmente les chances de gagner aux jeux de hasard. C’est une forme particulière de publicité, mais non une offre conjointe à proprement parler. Indépendamment de cela, et comme le gouvernement portugais l’a souligné à juste titre, la défenderesse au principal ne prétend nullement que l’achat d’une marchandise suffirait à garantir une chance de gain. Elle offre simplement la possibilité de participer à un jeu de hasard qui est de toute manière accessible à tous, sans pour autant promettre à l’acheteur que ses chances de gain seront plus élevées.

86.      Comme les offres conjointes ne figurent pas parmi les pratiques énumérées à l’annexe I, qui sont réputées déloyales en toutes circonstances, elles ne peuvent en principe être interdites que si elles sont déloyales, par exemple parce qu’elles sont trompeuses ou agressives au sens de la directive (63). Or, la pratique interdite par l’article 4, n° 6, de l’UWG ne peut être qualifiée de trompeuse ou d’agressive au sens de l’article 5, paragraphe 4, de la directive.

–       Article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29

87.      Selon la directive, une interdiction ne peut au demeurant être prononcée que si la pratique commerciale est déloyale parce qu’elle est contraire aux exigences de la diligence professionnelle et parce que, pour le produit concerné, elle influence ou est de nature à influencer de manière substantielle le comportement économique du consommateur moyen. Il faut pour cela que les conditions d’application de l’article 5, paragraphe 2, sous a) et b), soient cumulativement remplies (64).

88.      S’appuyant en substance sur le danger de manipulation résultant de l’attrait que le jeu exerce sur les consommateurs, le gouvernement allemand estime que tel est bien le cas pour la pratique commerciale qu’interdit l’article 4, n° 6, de l’UWG.

Violation de l’obligation de diligence professionnelle

89.      La notion de «diligence professionnelle» est définie à l’article 2, sous h), de la directive comme étant le «le niveau de compétence spécialisée et de soins dont le professionnel est raisonnablement censé faire preuve vis-à-vis du consommateur, conformément aux pratiques de marché honnêtes et/ou au principe général de bonne foi dans son domaine d’activité».

90.      Cette définition, qui se réfère notamment à la notion juridique indéterminée des «pratiques de marché honnêtes», implique un jugement de valeur qui peut varier d’un État membre à l’autre, selon les particularités culturelles et les mœurs (65). Cela n’est pas contredit par la circonstance que, conformément à son treizième considérant, la directive 2005/29 veut, par un rapprochement des législations, éliminer les entraves au marché intérieur résultant de l’application de clauses générales et de principes juridiques divergents, d’autant que les États membres disposent manifestement d’une certaine liberté de réglementation dans un cadre strictement délimité (66). La directive 2005/29 le reconnaît d’ailleurs dans son septième considérant, selon lequel elle «ne s’applique pas aux prescriptions légales concernant le bon goût et la bienséance, qui sont très variables d’un État membre à l’autre». Elle donne comme exemple la sollicitation commerciale dans la rue, qui peut être malvenue dans certains États membres. Les États membres devraient par conséquent, selon le même considérant, «avoir la possibilité de continuer à interdire certaines pratiques commerciales sur leur territoire, conformément au droit communautaire, pour des motifs de bon goût et de bienséance, même lorsque ces pratiques ne restreignent pas la liberté de choix des consommateurs».

91.      Le fait que les jeux de hasard constituent un risque pour les sociétés des États membres (67), lesquelles doivent en conséquence pouvoir adopter les mesures requises pour limiter les dangers que recèle l’addiction au jeu, est confirmé par la jurisprudence de la Cour en la matière. Au centre de celle-ci, il y a la pondération entre, d’une part, les libertés d’établissement et de prestation de services et, d’autre part, la protection d’intérêts généraux impérieux, comme la protection des consommateurs, la prévention de la fraude et de l’incitation des citoyens à une dépense excessive liée au jeu ainsi que la prévention de troubles à l’ordre social en général (68). La Cour y a reconnu la compétence revenant aux États membres «de fixer les objectifs de leur politique en matière de jeux de hasard et, le cas échéant, de définir avec précision le niveau de protection recherché». Selon elle, «les particularités d’ordre moral, religieux ou culturel ainsi que les conséquences moralement et financièrement préjudiciables pour l’individu et la société qui entourent les jeux et les paris peuvent être de nature à justifier l’existence, au profit des autorités nationales, d’un pouvoir d’appréciation suffisant pour déterminer les exigences que comporte la protection du consommateur et de l’ordre social», pourvu que les mesures adoptées respectent le principe de proportionnalité (69).

92.      À mon avis, l’impératif de cohérence de la jurisprudence commande d’étendre les principes précités à l’interprétation de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/29, et en particulier au concept de «pratiques de marché honnêtes», en laissant aux États membres, dans les limites fixées par le droit communautaire, une marge d’appréciation suffisante pour adopter des mesures de lutte contre les dangers de l’addiction au jeu.

93.      Les critiques d’ordre général adressées par le gouvernement allemand à cette pratique commerciale appuyée sur la séduction du jeu ressortissent à cette catégorie de réserves d’ordre moral. Comme le gouvernement allemand l’observe à juste titre, le recours aux jeux promotionnels dans la publicité est tout à fait apte à éveiller la passion du jeu. C’est notamment en raison de la perspective de gains – qui peuvent être très élevés – que ces jeux exercent un certain pouvoir d’attraction. Ils peuvent attirer l’attention de clients potentiels et l’orienter vers certains objectifs, dans le cadre de la stratégie publicitaire retenue. Il paraît donc difficile de dénier toute valeur à l’argument selon lequel une telle pratique commerciale ressortit à certains égards à de la manipulation et peut, dans certaines circonstances, constituer une violation de la diligence professionnelle.

94.      Partant, une pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service peut, dans certaines circonstances, être contraire aux exigences de la diligence professionnelle au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous a), de la directive 2005/29.

Capacité à altérer de manière substantielle le comportement du consommateur moyen

95.      Par «altération substantielle du comportement économique du consommateur» au sens de l’article 5, paragraphe 2, sous b), il faut entendre, conformément à la définition légale figurant à l’article 2, sous e), «l’utilisation d’une pratique commerciale compromettant sensiblement l’aptitude du consommateur à prendre une décision en connaissance de cause et l’amenant par conséquent à prendre une décision commerciale qu’il n’aurait pas prise autrement». Cette disposition protège la liberté de décision du consommateur (70).

96.      Compte tenu des risques évoqués ci-dessus (71), et en postulant une marge d’appréciation adéquate des États membres, le fait de subordonner la participation à des concours et à des jeux promotionnels à des transactions commerciales peut en principe altérer de manière substantielle le comportement du consommateur à l’achat. Ainsi que le gouvernement allemand l’observe à juste titre (72), rien ne permet d’exclure que la perspective d’une participation gratuite à un jeu promotionnel incite le consommateur à dépenser plus que prévu pour assurer sa participation. Elle peut également l’inciter à effectuer des achats supplémentaires auprès de l’opérateur, afin de prolonger cette participation.

97.      Ainsi, dans une approche globale, les conditions d’application de l’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/29 seraient en principe remplies.

Nécessité de prendre en compte l’ensemble des circonstances du cas d’espèce

98.      Il est cependant permis de douter que cette approche globale réponde vraiment au sens et à l’objet de la directive ainsi qu’à la volonté du législateur communautaire. Comme je l’ai déjà souligné dans mes conclusions dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (73), il n’y a pas de réponse de valeur universelle à la question de savoir si les offres conjointes sont déloyales parce qu’elles répondent aux conditions d’application de l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29; la réponse dépend d’une évaluation de la pratique commerciale au cas par cas.

99.      Cela résulte très clairement du septième considérant de ladite directive, selon lequel il serait judicieux, lors de l’application de la directive, notamment des clauses générales, de tenir largement compte des circonstances de chaque espèce. Le terme «notamment» confirme que l’appréciation du cas d’espèce ne se limite pas à l’application de la clause générale de l’article 5, paragraphe 1, mais s’étend également à celle des dispositions des articles 5 à 9 qui la concrétisent. Le septième considérant montre que le législateur communautaire aussi part du postulat qu’il faut une appréciation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9 de la directive 2005/29 lorsqu’une pratique commerciale ne figure pas à l’annexe I. Cela résulte, par un raisonnement a contrario, de la troisième phrase du dix-septième considérant, selon laquelle les pratiques commerciales énumérées à l’annexe I sont les seules «qui peuvent être considérées comme déloyales sans une évaluation au cas par cas au titre des dispositions des articles 5 à 9».

100. L’interdiction de toute offre conjointe résultant de l’article 4, n° 6, de l’UWG, tel que nous l’avons interprété ci-dessus, aboutit finalement à rallonger la liste de l’annexe I, alors que les États membres n’en ont pas le droit, en raison de l’harmonisation complète et maximale apportée par la directive 2005/29 (74). L’interdiction faite aux États membres de compléter cette liste unilatéralement est corroborée par le fait que, conformément à l’article 5, paragraphe 5, une telle modification implique une révision de la directive elle-même, c’est-à-dire une codécision prise suivant la procédure de l’article 251 CE.

101. C’est aux juridictions nationales ou aux autorités administratives que le législateur communautaire confie la mission d’évaluer le caractère loyal d’une pratique commerciale dans les cas concrets, en particulier du point de vue de son influence sur le comportement économique d’un consommateur moyen. C’est ce qu’indique expressément le dix-huitième considérant de la directive 2005/29 (75). C’est à ces juridictions et à ces autorités qu’il incombe, conformément aux articles 11 et 12 de ladite directive, d’assurer le respect des dispositions de cette dernière dans le cadre des systèmes de sanction à instaurer au niveau national (76). Toutefois, l’objectif de transposition effective de la directive au niveau des États membres est compromis lorsque le législateur allemand établit des interdictions de principe s’ajoutant à celles figurant à l’annexe I, sans laisser aucune marge d’appréciation aux organes habilités à interpréter et à exécuter les lois, qui sont, tous au même titre, destinataires de la directive (77).

102.  Dans le cadre de l’application de l’article 5, paragraphe 2, de la directive, une appréciation de l’ensemble des circonstances du cas d’espèce est d’autant plus nécessaire que l’on ne saurait présumer que tout lien établi entre une transaction commerciale et la participation à un jeu promotionnel produira automatiquement un effet manipulatoire au sens où l’entend le gouvernement allemand. Le critère du «caractère substantiel» figurant à l’article 5, paragraphe 2, sous b), implique forcément un examen du cas d’espèce(78). Cependant, on peut concevoir des cas où l’attrait de la participation à un jeu ou à un concours promotionnel n’aura pas ou guère d’incidence sur le comportement d’achat du consommateur.

103. Ainsi, sans vouloir préjuger de l’appréciation des juridictions nationales auxquelles incombe la charge d’appliquer le droit communautaire dans la procédure au principal (79), il est possible d’affirmer que la perspective de jouer au loto n’est guère propre à inciter le consommateur moyen à effectuer des achats pour 100 euros, d’autant que, premièrement, ce montant est relativement élevé et que, deuxièmement, le jeu en question est en dernière analyse accessible à tous. À cet égard, force est de se rallier à l’argument du gouvernement espagnol selon lequel le consommateur moyen souhaitant jouer au loto n’attendra normalement pas d’effectuer pour 100 euros d’achat (80). Dans un cas de figure comme celui dont il s’agit en l’espèce, ce consommateur sera donc normalement en mesure de voir que l’avantage se limite à une participation gratuite à un tirage du loto, en contrepartie de laquelle il doit acquérir pour au moins 100 euros de marchandises. Dans ce contexte, il pourra librement décider s’il entend participer à l’action promotionnelle ou s’il préfère couvrir ses besoins auprès d’un concurrent (81).

104. En résumé, dans l’interprétation qui lui a été donnée, une disposition nationale qui, comme l’article 4, n° 6, de l’UWG, prévoit une interdiction de principe des offres conjointes sans ouvrir la possibilité de prendre en compte les circonstances propres à chaque cas particulier est par essence plus restrictive et plus sévère que ne le sont les dispositions de la directive 2005/29.

105. Dans ce contexte, il faut observer que l’article 4, n° 6, de l’UWG concerne un domaine qui relève de l’harmonisation complète et auquel les dispositions transitoires de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2005/29 ne s’appliquent pas. L’exception prévue à l’article 3, paragraphe 9, de la directive n’est pas non plus applicable en l’occurrence.

Sur le retrait de la proposition de règlement de la Commission relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur

106. Il convient de déterminer les conséquences que comporte, pour cette interprétation, le retrait de la proposition de règlement de la Commission relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur (82). Le gouvernement allemand invoque les différentes modifications apportées à cette proposition dans le cadre de la procédure législative (83) pour en déduire l’existence d’un large consensus parmi les États membres et au sein du Parlement au sujet de la nécessité d’une interdiction de principe des offres conjointes (84).

107. Le gouvernement allemand allègue que, dans le cadre de l’adoption de l’UWG, qui est entré en vigueur le 8 juillet 2004, le législateur allemand s’était appuyé sur la proposition modifiée de la Commission et avait motivé l’adoption de l’article 4, point 6, en reprenant l’argumentation du Parlement, selon laquelle la violation de la concurrence est due au fait que la mesure vise à exploiter la passion du jeu et à troubler ainsi le jugement du consommateur.

108. Toutefois, contrairement au point de vue du gouvernement allemand, ni la proposition de règlement sur les promotions des ventes ni les modifications envisagées dans le cadre de cette procédure législative ne permettent de tirer la moindre conclusion sur l’interprétation de la directive 2005/29, car le gouvernement allemand invoque là une proposition de norme de droit communautaire qui, en définitive, n’est jamais entrée en vigueur. Il ne saurait donc valablement se prévaloir de la protection de la confiance légitime (85). Comme il le déclare lui-même, les procédures d’élaboration du règlement et de la directive 2005/29 se sont déroulées pour partie simultanément. En tant que représentant constitutionnel d’un État membre représenté au Conseil, le gouvernement allemand a participé dans une mesure déterminante aux deux procédures législatives et a donc été constamment informé de leur déroulement (86). Il ne peut donc invoquer valablement son ignorance en la matière (87).

109. La Cour a souligné la responsabilité particulière des gouvernements représentés au Conseil dans le cadre de la transposition des directives. Comme les gouvernements des États membres participent aux travaux préparatoires des directives, la Cour a estimé qu’ils doivent être en mesure d’élaborer les dispositions législatives nécessaires à leur mise en œuvre dans le délai imparti (88).

110. Au plus tard au moment du retrait de la proposition de la Commission (89), le gouvernement allemand aurait dû, le cas échéant, vérifier dans quelle mesure le champ d’application de la directive 2005/29 s’étendait aux domaines qui étaient jusque‑là couverts par le règlement projeté. La nécessité d’une telle démarche se concevait d’autant plus aisément que, dans sa conception initiale, la directive 2005/29 était destinée, d’une part, à introduire des règles générales subsidiaires dans le domaine de la protection des consommateurs par le droit communautaire et, d’autre part, à réaliser une harmonisation complète des règles de droit des États membres relatives aux pratiques commerciales déloyales (90). Dans la mesure où le retrait a eu lieu à un moment où le délai de transposition de la directive 2005/29 courait encore, il appartenait au législateur allemand de tenir compte de ces considérations lors de l’adaptation du droit national.

111. Cet argument doit dès lors être rejeté.

4.      Synthèse

112. Au vu des considérations qui précèdent, j’estime que n’est pas conforme à la directive 2005/29 une interprétation des articles 3 et 4, point 6, de l’UWG, telle qu’elle est pratiquée par les plus hautes juridictions allemandes, qui érige cette disposition nationale en interdiction absolue de toute offre conjointe prévoyant une participation à des jeux ou à des concours promotionnels (91).

113. Partant, l’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29 doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale aux termes de laquelle une pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service est toujours illicite, indépendamment du point de savoir si la mesure promotionnelle concrète affecte les intérêts des consommateurs.

VII – Conclusion

114. Compte tenu des considérations développées ci-dessus, je propose à la Cour de répondre à la question préjudicielle posée par le Bundesgerichtshof dans les termes suivants:

«L’article 5, paragraphe 2, de la directive 2005/29/CE du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil (‘directive sur les pratiques commerciales déloyales’), doit être interprété en ce sens qu’il s’oppose à une réglementation nationale aux termes de laquelle une pratique commerciale faisant dépendre la participation de consommateurs à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel de l’acquisition d’un bien ou d’un service est toujours illicite, indépendamment du point de savoir si la mesure promotionnelle concrète affecte les intérêts des consommateurs.»


1 – Langue originale: l’allemand.


2 – Directive du Parlement européen et du Conseil, du 11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales déloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marché intérieur et modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement européen et du Conseil et le règlement (CE) n° 2006/2004 du Parlement européen et du Conseil («directive sur les pratiques commerciales déloyales») (JO L 149, p. 22).


3 – BGBl. I, p. 1414.


4 – BGBl. I, p. 2949.


5 – Arrêt du 21 octobre 1999 (C‑97/98, Rec. p. I‑7319, point 45).


6 – Arrêt du 24 novembre 1993 (C‑267/91 et C‑268/91, Rec. p. I‑6097).


7 – (C‑261/07 et C‑299/07, non encore publié au Recueil.


8 – Voir point 48 de mes conclusions.


9 – La directive 2005/29 met en œuvre, sur le plan normatif, les conceptions de la Commission relatives aux perspectives de la protection des consommateurs dans l’Union européenne, telles qu’elles sont exposées dans son livre vert du 2 octobre 2001 [COM(2001) 531 final]. Dans ce livre vert, la Commission regrette que le marché intérieur de la consommation n’ait pas réalisé ses potentialités et qu’il soit en retard sur l’évolution du marché intérieur en ce qui concerne les transactions B2C («business to consumer», soit les relations de communication et de commerce entre les entreprises et les personnes privées, par opposition aux relations de communication et de commerce entre les entreprises ou entre les entreprises et les autorités, désignées par le sigle B2B, pour «business to business»). Les consommateurs n’utiliseraient que rarement les avantages directs du marché intérieur en procédant à des achats transfrontaliers. La Commission en voit la cause dans la multiplicité de réglementations disparates comme dans la fragmentation des mesures d’exécution, qui dissuaderaient les consommateurs. Dans le livre vert, elle propose, entre autres, l’adoption d’une directive-cadre d’harmonisation des règles nationales en matière de loyauté des pratiques commerciales dans le domaine B2C. Ses initiatives visant à la mise sur pied de cette directive‑cadre se sont traduites dans la directive 2005/29.


Selon Wendehorst, C., «Auf dem Weg zu einem zeitgemäßen Verbraucherprivatrecht: Umsetzungskonzepte», Neuordnung des Verbraucherprivatrechts in Europa? (Jud, B., et Wendehorst, C., éditrices), Vienne, 2009, p. 166, l’harmonisation minimale n’aurait pas apporté la relance escomptée du marché intérieur dans le secteur de la vente au détail. Cela s’expliquerait, notamment, par les différences considérables en matière de transposition dans les différents ordres juridiques. Ces différences formeraient un obstacle au marché intérieur, parce que le consommateur moyen ignorerait tout des normes minimales garanties dans toute l’Union. Par ailleurs, les entrepreneurs seraient empêchés de faire des offres transfrontalières en raison du coût de l’adaptation à une multiplicité de normes de protection. C’est la raison pour laquelle le législateur européen tendrait désormais à inclure dans ses directives non plus seulement des normes minimales, mais aussi des normes maximales en matière de protection du consommateur, par le biais de ce qu’il est convenu d’appeler l’harmonisation complète.


10 – Voir, également, Henning-Bodewig, F., «Die Richtlinie 2005/29/EG über unlautere Geschäftspraktiken», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht Internationaler Teil, 2005, volume 8/9, p. 629, et en particulier p. 630; Massaguer, J., El nuevo derecho contra la competencia desleal – La Directiva 2005/29/CE sobre las Prácticas Comerciales Desleales, Cizur Menor, 2006, p. 14, en particulier p. 51 et 53; Micklitz, H.-W., «Das Konzept der Lauterkeit in der Richtlinie 2005/29/EG», Droit de la consommation/Konsumentenrecht/Consumer law, Liber amicorum Bernd Stauder, Bâle, 2006, p. 299, en particulier p. 306; Kessler, J., «Lauterkeitsschutz und Wettbewerbsordnung – Zur Umsetzung der Richtlinie 2005/29/EG über unlautere Geschäftspraktiken in Deutschland und Österreich», Wettbewerb in Recht und Praxis, volume 7, 2007, p. 716; De Cristofaro, G., «La direttiva 2005/29/CE – Contenuti, rationes, caratteristiche», Le pratiche commerciali sleali tra imprese e consumatori, Turin, 2007, p. 32 et suiv., ainsi que Di Mauro, L., «L’iter normativo: Dal libro verde sulla tutela die consumatori alla direttiva sulle pratiche commerciali sleali», Le pratiche commerciali – Direttive comunitaria ed ordenamento italiano, Milan, 2007, p. 26, qui considèrent que l’objectif de la directive 2005/29 est l’harmonisation complète des dispositions nationales.


11 – En raison du retard dans la transposition de la directive 2005/29, la Commission a ouvert une procédure en manquement contre la République fédérale d’Allemagne (infraction 2007/0890); le recours a été introduit le 16 juillet 2008 au titre de l’article 226, second alinéa, CE. Le mémoire en défense du gouvernement allemand du 6 octobre 2008 a été déposé au greffe de la Cour le 13 octobre 2008. Par courrier parvenu au greffe le 24 février 2009, la Commission a déclaré au titre de l’article 78 du règlement de procédure qu’elle renonçait à l’instance. Par ordonnance du 20 mars 2009, le président de la Cour a ordonné la radiation de l’affaire C‑326/08 (Commission/Allemagne) du registre et la condamnation de la République fédérale d’Allemagne aux dépens.


12 – Voir les considérations développées au point 8 de l’ordonnance de renvoi.


13 – Arrêt précité note 5, point 45.


14 – En ce sens, voir Becker, U., EU-Kommentar (Schwarze, J., éditeur), première édition, Baden-Baden, 2000, article 28, point 19, p. 437. Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., Procedural Law of the European Union, Sweet & Maxwell, deuxième édition, Londres, 2006, point 6‑024, p. 191, observent que, lorsqu’elle est appelée à examiner la compatibilité d’une réglementation nationale avec les dispositions du droit primaire en matière de libre circulation des personnes, des marchandises et des capitaux, la Cour commence par vérifier si les faits présentent un lien avec la Communauté. En effet, si ces faits se déroulent exclusivement dans un seul État membre, les dispositions précitées du traité CE ne sont pas applicables.


15 – Voir, notamment, arrêts du 18 octobre 1990, Dzodzi (C‑297/88 et C‑197/89, Rec. p. I‑3763, points 33 et 34); du 8 novembre 1990, Gmurzynska-Bscher (C‑231/89, Rec. p. I‑4003, points 18 et 19); du 17 juillet 1997, Leur-Bloem (C‑28/95, Rec. p. I‑4161, point 24), et du 29 janvier 2008, Promusicae (C‑275/06, Rec. p. I‑271, point 36).


16 – Voir, notamment, arrêts du 13 mars 2001, PreussenElektra (C‑379/98, Rec. p. I‑2099, point 38); du 22 mai 2003, Korhonen e.a. (C‑18/01, Rec., p. I‑5321, point 19); du 5 février 2004, Schneider (C‑380/01, Rec. p. I‑1389, point 21); du 19 avril 2007, Asemfo (C‑295/05, Rec. p. I‑2999, point 30), et VTB-VAB et Galatea (précité note 7 , point 32).


17 – Voir, notamment, arrêts du 16 décembre 1981, Foglia (244/80, Rec. p. 3045, point 18); du 15 juin 1995, Zabala Erasun e.a. (C‑422/93 à C‑424/93, Rec. p. I‑1567, point 29); du 15 décembre 1995, Bosman (C‑415/93, Rec. p. I‑4921, point 61); du 12 mars 1998, Djabali (C‑314/96, Rec. p. I‑1149, point 19); PreussenElektra (précité note 16, point 39); Schneider (précité note 16, point 22); du 1er avril 2008, gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (C‑212/06, Rec. p. I‑1683, point 29), et VTB-VAB et Galatea (précité note 7, point 33).


18 – Voir mes conclusions du 11 septembre 2008 dans l’affaire CEPAV DUE e.a. (C‑351/07, non publiée au Recueil, point 43).


19 – Voir arrêts Dzodzi (précité note 15, point 37); Leur-Bloem (précité note 15, point 32); du 11 janvier 2001, Kofisa Italia (C‑1/99, Rec. p. I‑207, point 32); du 29 avril 2004, British American Tobacco (C‑222/01, Rec. p. I‑4683, point 40); du 16 mars 2006, Poseidon Chartering (C‑3/04, Rec. p. I‑2505, point 16), et du 11 décembre 2007, ETI e.a. (C‑280/06, Rec. p. I‑10893, point 21).


20 – Voir, notamment, arrêts précités Foglia (point 18), Zabala Erasun e.a. (point 29), Bosman (point 61), Djabali (point 19), Schneider (point 22), gouvernement de la Communauté française et gouvernement wallon (point 29), et VTB-VAB et Galatea (point 33).


21 – Voir point 7 de l’ordonnance de renvoi.


22 _ Voir point 9 de l’ordonnance de renvoi.


23 – Le droit à cessation visé à l’article 8, paragraphe 1, de l’UWG correspond à un droit matériel à caractère patrimonial, non à une simple voie de recours procédurale. En tant que droit à cessation de l’infraction en cas de risque de récidive (article 8, paragraphe 1, première phrase, de l’UWG) et en tant que droit à cessation préventif en cas de risque de première infraction (article 8, paragraphe 1, deuxième phrase, de l’UWG), il est un droit de se défendre, qui apparaît dès qu’il y a une menace imminente d’infraction commise par la personne contre laquelle le droit est invoqué. Il n’implique pas que les intérêts de l’intéressé aient déjà été effectivement touchés et qu’un nouveau trouble menace (risque de récidive). Il suffit de l’imminence d’un premier trouble (risque de première infraction). La base juridique pour faire valoir le droit à cessation, c’est-à-dire pour éliminer le trouble, est l’article 3, pris en combinaison avec les cas exemplatifs de l’article 4 et avec les dispositions spéciales des articles 5 à 7 de l’UWG [Piper, H., Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, Piper, H., et Ohly, A., éditeurs, quatrième édition, Munich, 2006, article 8, points 3 et 5 en marge].


24 – Voir, notamment, arrêts du 5 février 1963, van Gend & Loos (26/62, Rec.  p. 1); du 15 juillet 1964, Costa (6/64, Rec. p. 1141); du 17 décembre 1970, Internationale Handelsgesellschaft (11/70, Rec. p. 1125), et du 9 mars 1978, Simmenthal (106/77, Rec. p. 629).


25 – Voir point 60 des conclusions.


26 – Arrêts du 18 décembre 1997, Inter-Environnement Wallonie (C‑129/96, Rec. p. I‑7411, point 45); du 8 mai 2003, ATRAL (C‑14/02, Rec. p. I‑4431, point 58); du 22 novembre 2005, Mangold (C‑144/04, Rec. p. I‑9981, point 67), et du 4 juillet 2006, Adeneler e.a. (C‑212/04, Rec. p. I‑6057, point 121).


27 – Arrêts du 13 novembre 1990, Marleasing (C‑106/89, Rec. p. I‑4135, point 8); du 14 juillet 1994, Faccini Dori (C‑91/92, Rec. p. I‑3325, point 26); Inter‑Environnement Wallonie (précité note 26, point 40); du 25 février 1999, Carbonari e.a. (C‑131/97, Rec. p. I‑1103, point 48), et du 5 octobre 2004, Pfeiffer e.a. (C‑397/01 à C‑403/01, Rec. p. I‑8835, point 110).


28 – Arrêt Inter-Environnement Wallonie (précité note 26, point 46). Dans le même sens, voir Vcelouch, P., Kommentar zu EU- und EG-Vertrag (Mayer, H., éditeur), Vienne, 2004, article 249, point 45, p. 16.


29 – Arrêt Adelener e.a. (précité note 26, point 123).


30 – Arrêts du 7 septembre 2006, Cordero Alonso (C‑81/05, Rec. p. I‑7569, point 29), et VTB-VAB et Galatea (précité note 7, point 35).


31 – L’intervention de la juridiction nationale suppose l’existence d’un risque de voir compromis les objectifs de la directive à l’expiration du délai de transposition (voir en ce sens, également, Hoffmann, C., «Die zeitliche Dimension der richtlinienkonformen Auslegung», Zeitschrift für Wirtschaftsrecht, 2006, volume 46, p. 2216). Dans un sens analogue, voir Schroeder, W., EUV/EGV Kommentar (Streinz, R., éditeur), article 249 CE, point 139, p. 2197: selon cet auteur, les administrations et les tribunaux ne sont qu’exceptionnellement tenus d’adopter une interprétation conforme aux directives, lorsque des mesures législatives de transposition font présumer que l’on veut empêcher la réalisation des objectifs de la directive.


32 – Voir, entre autres, arrêts Costa (précité note 24); du 29 novembre 2001, De Coster (C‑17/00, Rec. p. I‑9445, point 23), et du 16 janvier 2003, Pansard e.a. (C‑265/01, Rec. p. I‑683, point 18).


33 – En ce sens, Köhler, H., Wettbewerbsrecht – Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, Munich, 2007, § 4, point 6.6, p. 308, et Seichter, D., «Der Umsetzungsbedarf der Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2005, p. 1095, évoquent expressément une interdiction des ventes conjointes par l’article 4, n° 6, de l’UWG.


34 – Voir points 68 à 70 des conclusions.


35 – Arrêt précité note 6, points 48 et 50.


36 – En ce sens, voir Hoeren, T., «Das neue UWG – der Regierungsentwurf im Überblick», Betriebs‑Berater, 2008, p. 1183, et Stuyck, J., «The Unfair Commercial Practices directive and its Consequences for the Regulation of Sales Promotion and the Law of Unfair Competition», The regulation of unfair commercial practices under EC directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk, 2007, p. 166.


37 – Voir points 71 et 72 de mes conclusions dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (précitée note 7).


38 – Voir point 73 des observations écrites du gouvernement tchèque.


39 – Lutz, R., «Veränderungen des Wettbewerbsrechts im Zuge der Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, 2006, Heft 11, p. 909, souligne que l’UWG protège non pas seulement les intérêts économiques des consommateurs, comme le fait la directive 2005/29, mais également ceux des concurrents, des consommateurs et des autres opérateurs, conformément à son article 1er. L’UWG engloberait en conséquence les domaines B2C et B2B.


40 – Voir, entre autres, arrêts du Bundesgerichtshof du 17 novembre 1972, I ZR 71/71 (concours promotionnel); du 17 février 2000, I ZR 239/97 (Space Fidelity Peep-Show); du 13 juin 2002, I ZR 173/01 (offre conjointe I), et du 13 novembre 2003, I ZR 40/01 (enchères inversées II).


41 – Voir projet de loi du gouvernement allemand (BT‑Drucksache 15/1487, p. 17).


42 – Voir Piper, H., op. cit. (note 23), article 4, point 6, point 1 en marge, p. 348; Hecker, M., Lauterkeitsrecht – Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb (Fezer, K.-H., éditeur), Munich, 2005, vol. 1, article 4, point 6, point 33, p. 707.


43 – Voir point 37 des présentes conclusions.


44 – Voir arrêt VTB-VAB et Galatea (précité note 7, point 52). En ce sens, Massaguer, J., op. cit. (note 10), p. 15; Abbamonte, G., «The unfair commercial practices directive and its general prohibition», The regulation of unfair commercial practices under EC directive 2005/29 – New rules and new techniques, Norfolk, 2007, p. 19, ainsi que De Brouwer, L., «Droit de la Consommation – La directive 2005/29/CE du 11 mai 2005 relative aux pratiques commerciales déloyales», Revue de droit commercial belge, vol. 7, septembre 2005, p. 796, qui déduit de l’harmonisation maximale par la directive 2005/29 que les États membres n’ont pas la faculté d’arrêter des règles plus sévères, quand bien même celles-ci viseraient à garantir un degré plus élevé de protection des consommateurs. De Cristofaro, G., op. cit., p. 32, estime que les États membres ne peuvent déroger aux dispositions de la directive ni prévoir un niveau plus élevé de protection des consommateurs. Selon Kessler, J., op. cit., p. 716, la directive ne prévoit pas seulement des standards minimaux: elle empêche aussi les États membres de maintenir en vigueur des mesures qui, dans l’intérêt d’une prétendue orientation en faveur des consommateurs, vont au-delà des prescriptions matérielles des directives et maintiennent ainsi des exigences plus sévères.


45 – Parmi les directives incluant des clauses d’harmonisation minimale au sens de l’article 3, paragraphe 5, de la directive 2005/29, il y a notamment les suivantes: directive 85/577/CEE du Conseil, du 20 décembre 1985, concernant la protection des consommateurs dans le cas de contrats négociés en dehors des établissements commerciaux (JO L 372, p. 31); directive 90/314/CEE du Conseil, du 13 juin 1990, concernant les voyages, vacances et circuits à forfait (JO L 158, p. 59); directive 94/47/CE du Parlement européen et du Conseil, du 26 octobre 1994, concernant la protection des acquéreurs pour certains aspects des contrats portant sur l’acquisition d’un droit d’utilisation à temps partiel de biens immobiliers (JO L 280, p. 83); directive 97/7/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 mai 1997, concernant la protection des consommateurs en matière de contrats à distance (JO L 144, p. 19); directive 98/6/CE du Parlement européen et du Conseil, du 16 février 1998, relative à la protection des consommateurs en matière d’indication des prix des produits offerts aux consommateurs (JO L 80, p. 27), et directive 89/552/CEE du Conseil, du 3 octobre 1989, visant à la coordination de certaines dispositions législatives, réglementaires et administratives des États membres relatives à l’exercice d’activités de radiodiffusion télévisuelle (JO L 298, p. 23).


46 – Voir, également, le schéma d’analyse proposé par De Cristofaro, G., op. cit. (note 10), p. 12, et Henning-Bodewig, F., op. cit. (note 10), p. 631.


47 – Voir, notamment, arrêts du 1er février 1977, Verbond van Nederlandse Ondernemingen (51/76, Rec. p. 113, point 22); du 26 février 1986, Marshall (152/84, Rec. p. 723, point 48); du 24 octobre 1996, Kraaijeveld e.a. (C‑72/95, Rec. p. I‑5403, point 55); du 17 juin 1999, Commission/Italie (C‑336/97, Rec. p. I‑3771, point 19); du 8 mars 2001, Commission/France (C‑97/00, Rec. p. I‑2053, point 9); du 7 mai 2002, Commission/Suède (C‑478/99, Rec. p. I‑4147, point 15), et du 26 juin 2003, Commission/France (C‑233/00, Rec. p. I‑6625, point 75).


48 – La transposition de la directive fait partie intégrante d’une procédure législative en deux étapes, dans laquelle la seconde étape doit être réalisée au niveau du droit national. La mise en œuvre matérielle au niveau du droit national concrétise le droit de la directive (voir, à cet égard, Vcelouch, P., op. cit., points 48 et 50, p. 17 et 18).


49 – Voir arrêts du 28 février 1991, Commission/Allemagne (C‑131/88, Rec. p. I‑825, point 6); du 20 mars 1997, Commission/Allemagne (C‑96/95, Rec. p. I‑1653, point 35); du 15 novembre 2001, Commission/Italie (C‑49/00, Rec. p. I‑8575, points 21 et 22), et du 28 avril 2005, Commission/Italie (C‑410/03, Rec. p. I‑3507, point 60). Ce principe est évoqué à juste titre par Seichter, D., op. cit. (note 33), p. 1088, à propos de la nécessaire transposition de la directive 2005/29 en droit allemand.


50 – En ce sens, voir Ruffert, M., dans Calliess et Ruffert (éditeurs), Kommentar zu EUV/CEV, troisième édition, 2007, article 249, point 49, p. 2135. Selon une jurisprudence constante, la transposition d’une directive doit assurer effectivement la pleine application de celle-ci. Arrêts du 9 septembre 1999, Commission/Allemagne (C‑217/97, Rec. p. I‑5087, point 31); du 16 novembre 2000, Commission/Grèce (C‑214/98, Rec. p. I‑9601, point 49), et du 11 juillet 2002, Marks & Spencer (C‑62/00, Rec. p. I‑6325, point 26).


51 – Selon Köhler, H., «Die UWG-Novelle», Wettbewerb in Recht und Praxis, 2009, p. 112, la notion de loyauté figurant à l’article 3 de l’UWG doit être concrétisée en se référant aux cas exemplatifs de comportements déloyaux évoqués aux articles 4 à 6 de l’UWG.


52 – En ce sens, voir Köhler, H., Wettbewerbsrecht – Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, op. cit. (note 33), article 3, point 6, p. 152, et Piper, H., op. cit. (note 23), article 4, point 2, p. 243.


53 – Voir projet de loi du gouvernement allemand (BT‑Drucksache 15/1487, p. 18).


54 – Voir projet de loi du gouvernement allemand (BT‑Drucksache 15/1487, p. 17). Dans le même sens, Hecker, M., op. cit. (note 42), articles 4-6, point 25, p. 704. Voir, également, Köhler, H., Wettbewerbsrecht – Kommentar zum Gesetz gegen den unlauteren Wettbewerb, op. cit. (note 33), article 4, point 6.4, p. 309.


55 – En ce sens, Charaktiniotis, S., Die lauterkeitsrechtlichen Zulässigkeitsschranken der Kopplungsangebote nach der Aufhebung der Zugabenverordnung, Frankfurt am Main, 2006, p. 164. Selon Köhler, H., «Die Bagatellklausel in § 3 UWG», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, 1/2005, p. 1, les conditions d’application de l’article 3 de l’UWG évoquées ci‑dessus ont pour but d’éviter la poursuite de pratiques dont l’impact est négligeable.


56 – Lenaerts, K., Arts, D., et Maselis, I., op. cit. (note 14), point 5-056, p. 162, observent que la portée de dispositions législatives, réglementaires ou administratives nationales doit être examinée à la lumière de l’interprétation qui leur est donnée par les juridictions nationales. L’interprétation conforme au droit communautaire du droit national a fait l’objet d’une demande de décision préjudicielle du Bundesgerichtshof dans l’affaire Siemens (arrêt du 19 novembre 1996, C‑42/95, Rec. p. I‑6017) ainsi que d’une demande du Hof van beroep te Gent (Belgique) dans l’affaire Gysbrechts et Santurel Inter (arrêt du 16 décembre 2008, C‑205/07, non encore publié au Recueil).


57 – Voir point 89 de mes conclusions du 4 septembre 2008, dans l’affaire Commission/Espagne (arrêt du 18 décembre 2008, C‑338/06, non encore publiées au Recueil).


58 – Points 10, 15, 20 et 21.


59 – Voir, par exemple, arrêt de l’Oberlandesgericht Celle du 10 janvier 2008 (cote: 13 U 118/07). Cet arrêt observe que, contrairement à l’article 4, point 1, de l’UWG, le libellé de l’article 4, n° 6, de l’UWG n’exige pas que la liberté de décision du consommateur puisse être influencée. Selon l’Oberlandesgericht, le législateur présume en réalité l’existence de cette influence lorsque les conditions d’application figurant à l’article 4, n° 6, de l’UWG sont remplies.


60 – Selon Köhler, H., «Die Bagatellklausel in § 3 UWG», op. cit. (note 55), p. 6, auquel la juridiction de renvoi se réfère, subordonner la participation à un concours promotionnel ou à un jeu promotionnel à l’acquisition d’un bien ou d’un service constitue toujours une atteinte non négligeable aux intérêts des destinataires de la publicité, puisqu’ils sont contraints à une acquisition qu’ils n’avaient pas prévue pour pouvoir participer. L’auteur en conclut au caractère superflu de tout examen ultérieur du caractère sensible de l’atteinte à la concurrence au détriment des concurrents, des consommateurs ou d’autres opérateurs au sens de l’article 3 de l’UWG.


61 – Voir points 9 et 14 des observations écrites du gouvernement allemand du 14 octobre 2008, selon lesquels «des interdictions absolues complémentaires de pratiques commerciales déloyales sont compatibles avec l’économie de la directive» et «une réglementation nationale énonçant une interdiction générale d’un tel couplage est par conséquent compatible avec le sens et l’objet de la directive».


Force est de constater que ces considérations entrent partiellement en contradiction avec celles développées par le gouvernement allemand dans ses observations écrites du 19 mai 2009, où il soutient que «l’article 3 de l’UWG dans la version du 3 juillet 2004 et l’article 3, paragraphes 1 et 2, de l’UWG dans la version du 22 décembre 2008 garantissent donc que la légalité des offres conjointes au sens de l’article 4, n° 6, de l’UWG dans la version correspondante doit être appréciée à l’aune des circonstances du cas individuel» (points 15 à 17). Il y conclut également que l’interdiction de pratiques promotionnelles inscrite à l’article 4 de l’UWG dans la version du 3 juillet 2004 n’est pas une interdiction générale et d’application automatique. Son application intervient au contraire aux conditions de l’article 3 de l’UWG. Ces conditions présupposent un examen de l’acte de concurrence à l’aune des circonstances du cas individuel. Il en va de même pour la nouvelle version de l’article 3 de l’UWG à la suite de la transposition de la directive.


62 – Lutz, R., op. cit. (note 39), p. 910, constate également que l’article 4, n° 6, de l’UWG ne ressortit à aucun des cas exemplatifs figurant dans la directive. Il se demande, dès lors, si cette norme peut être maintenue en vigueur.


63 – Voir point 82 de mes conclusions dans l’affaire VTB-VAB et Galatea (précitée note 7).


64 – En ce sens Abbamonte, G., op. cit. (note 44), p. 21, et Massaguer, J., op. cit. (note 10), p. 58.


65 – Dans le même sens: Micklitz, H.-W., op. cit. (note 10), p. 308, et Massaguer, J., op. cit. (note 10), p. 69; selon ce dernier, la définition de la «diligence professionnelle» figurant à l’article 2, sous h), de la directive 2005/29 peut conduire à des divergences d’interprétation, parce qu’elle emploie des notions floues comme les «pratiques de marché honnêtes» et la «bonne foi».


66 – Glöckner, J., et Henning-Bodewig, F., «EG-Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken: Was wird aus dem ‘neuen’ UWG?», Wettbewerb in Recht und Praxis, 11/2005, p. 1323, soulignent l’existence d’une marge d’appréciation des États membres dans la transposition de la directive et le fait que cette marge est d’autant plus grande que le droit communautaire est plus imprécis. En raison du caractère vague de la notion de déloyauté, les législateurs nationaux auraient gardé la faculté de transposer la clause générale en sanctionnant les pratiques commerciales contraires aux bonnes mœurs, à la bonne foi ou aux pratiques de marché honnêtes dans le respect de leurs traditions nationales, pourvu que la concrétisation de ces notions ne s’écarte pas du concept de déloyauté découlant des dispositions combinées des articles 5, paragraphe 2, et 2, sous h), de la directive 2005/29. De manière similaire, à propos de la notion de «pratiques de marché honnêtes», voir Micklitz, H.-W., op. cit. (note 10), p. 309 et suiv. L’auteur évoque une marge d’appréciation des États membres en ce qui concerne la définition du bon goût et de l’honnêteté.


67 – Dans ses conclusions du 14 octobre 2008 dans l’affaire Liga Portuguesa de Futebol Profissional et Baw International (C‑42/07, non encore publiées au Recueil, points 28 à 33), l’avocat général Bot souligne les risques que les jeux de hasard et d’argent génèrent pour la société. Ils peuvent, selon lui, conduire des joueurs à compromettre leurs situations économique et familiale, voire leur santé. D’autre part, les jeux de hasard et d’argent, en raison des enjeux très importants qu’ils génèrent, sont susceptibles de se prêter à des manipulations de la part de l’organisateur qui peut vouloir faire en sorte que le résultat du tirage au sort ou de la compétition sportive soit le plus favorable pour lui. Enfin, les jeux de hasard et d’argent peuvent constituer un moyen de blanchiment de sommes d’argent obtenues dans des conditions illégales.


68 – Voir arrêts du 24 mars 1994, Schindler (C‑275/92, Rec. p. I‑1039, points 57 à 60); du 21 septembre 1999, Läärä e.a. (C‑124/97, Rec. p. I‑6067, points 32 et 33); du 21 octobre 1999, Zenatti (C‑67/98, Rec. p. I‑7289, points 30 et 31); du 6 novembre 2003, Gambelli e.a. (C‑243/01, Rec. p. I‑13031, points 60 à 67), et du 6 mars 2007, Placanica e.a. (C‑338/04, C‑359/04 et C‑360/04, Rec. p. I‑1891, points 45 à 49). Voir, également, arrêts de la Cour AELE du 14 mars 2007, EFTA Surveillance Authority/Norway (E‑1/06, EFTA Court Report, point 34), et du 30 mai 2007, Ladbrokes Ltd/The Government of Norway, Ministry of Culture and Church Affairs and Ministry of Agriculture and Food (E‑3/06, EFTA Court Report, point 44).


69 – Voir arrêts précités note 68 Schindler (point 61), Läärä e.a. (point 35), Zenatti (point 33), Gambelli (point 63), Placanica e.a. (cité dans la note 69, point 47). Voir aussi arrêts précités de la Cour AELE EFTA Surveillance Authority/Norway (point 29) et Ladbrokes Ltd/The Government of Norway, Ministry of Culture and Church Affairs and Ministry of Agriculture and Food (point 42).


70 – Mais non l’intérêt économique des consommateurs. Selon Abbamonte, G., op. cit. (note 44), p. 23, cette disposition se fonde sur le postulat que les pratiques commerciales déloyales déforment en règle générale les préférences du consommateur, en altérant sa liberté et/ou sa capacité de décision. Elles amèneraient ainsi les consommateurs à acquérir des produits superflus ou que, sans l’altération, ils auraient considérés comme de moindre valeur. L’article 5, paragraphe 2, sous b), de la directive 2005/29 ne requerrait toutefois pas que le consommateur subisse un préjudice économique. Selon l’auteur, une telle exigence aurait été déplacée, car elle aurait fortement diminué le niveau de protection des consommateurs dans l’Union européenne.


71 – Voir point 93 des présentes conclusions.


72 – Voir point 23 des observations écrites du gouvernement allemand.


73 – Point 83 de mes conclusions.


74 – Abbamonte, G., op. cit. (note 44), p. 21, fait observer que les États membres ne sont pas habilités à compléter eux-mêmes la liste limitative de pratiques commerciales interdites que comporte l’annexe I de la directive 2005/29. S’ils étaient autorisés à le faire, cela aurait pour effet de tourner l’harmonisation maximale recherchée par la directive, ce qui compromettrait l’objectif de sécurité juridique. Selon Seichter, D., op. cit. (note 33), p. 1095, l’interdiction des offres conjointes figurant à l’article 4, n° 6, de l’UWG doit être supprimée, car elle va au-delà des catégories régies par l’annexe I.


75 – Dans le même sens, voir Bernitz, U., «The Unfair Commercial Practices Directive: Its Scope, Ambition and Relation to the Law of Unfair Competition», The Regulation of Unfair Commercial Practices under EC Directive 2005/29 ─ New Rules and New Techniques, Norfolk, 2007, p. 39, qui invoque également le dix-huitième considérant de la directive 2005/29. Ce considérant énonce ce qui suit, à savoir que «[l]es juridictions et les autorités nationales devront s’en remettre à leur propre faculté de jugement, en tenant compte de la jurisprudence de la Cour de justice, pour déterminer la réaction typique du consommateur moyen dans un cas donné». En outre, le vingtième considérant de la directive 2005/29 évoque le recours à une action administrative ou judiciaire.


76 – Les États membres connaissent différents systèmes de sanctions relatives aux pratiques déloyales, issus de développements historiques et de structures différentes de l’ordre juridique. Jusqu’à présent, le droit communautaire n’a uniformisé que sur un mode ponctuel les dispositions des États membres en matière de sanctions et de procédure, et il ne prescrit pas de système déterminé de lutte contre les pratiques commerciales déloyales. La directive 2005/29 n’apporte aucun changement quant à l’acceptation de différents systèmes de mise en œuvre. C’est encore au législateur national qu’il incombe d’établir si la lutte contre les pratiques commerciales déloyales s’effectue par des moyens de droit administratif, de droit pénal ou de droit civil, comme le confirme l’article 11, paragraphe 1, troisième alinéa, de la directive 2005/29. Des combinaisons de différents systèmes de sanctions sont admises. Ce sont ces systèmes qui sont habilités à établir si c’est une procédure judiciaire et/ou de contentieux administratif qui doit intervenir [voir, à cet égard, Alexander, C., «Die Sanktions- und Verfahrensvorschriften der Richtlinie 2005/29/CE über unlautere Geschäftspraktiken im Binnenmarkt – Umsetzungsbedarf in Deutschland?», Gewerblicher Rechtsschutz und Urheberrecht, 2005, volume 10, p. 810, et Massaguer, J., op. cit. (note 10), p. 144].


77 – Stuyck, J., op. cit. (note 36), p. 170, relève que la directive 2005/29 exige une évaluation au cas par cas du caractère déloyal d’une pratique commerciale. Il estime que la directive 2005/29 fait obstacle au maintien en vigueur d’une disposition nationale qui interdit absolument certaines formes de promotion des ventes, telles que les ventes à perte, les offres de loterie, les bons d’achat, les ventes en liquidation, etc., ou les règle de façon abstraite, sans permettre au juge de déterminer au cas par cas si une pratique commerciale est déloyale à l’égard des consommateurs.


78 – En ce sens, voir Bloß, A., «Zum Kopplungsverbot für Preisausschreiben und Gewinnspielen», Zeitschrift für Medien- und Kommunikationsrecht, vol. 5, 2008, p. 487. Selon cet auteur, la directive exige un examen au cas par cas, en particulier sur la base du critère du caractère substantiel. Si le législateur communautaire avait voulu réglementer la pratique subordonnant la participation à un jeu promotionnel à une obligation d’achat, il aurait pu l’englober dans l’annexe I de la directive. La combinaison entre achats et jeux n’est pas absolument et en soi de nature à altérer substantiellement le comportement d’achat du consommateur. L’article 4, n° 6, de l’UWG exclurait cependant tout examen au cas par cas, qui serait en revanche autorisé par les éléments constitutifs d’une pratique déloyale indiqués dans la directive. À cet égard, il serait peu vraisemblable que l’interdiction générale des offres conjointes figurant à l’article 4, n° 6, de l’UWG puisse être maintenue en vigueur. Leible, S., «BGH: Vereinbarkeit des deutschen Gewinnspiel-Kopplungsverbots mit der EG-Richtlinie über unlautere Geschäftspraktiken», Lindenmaier-Möhring Kommentierte BGH-Rechtsprechung, 2008, 269263, estime que, si le législateur avait voulu établir une interdiction absolue des jeux et des concours promotionnels combinés à une obligation d’achat, indépendamment du point de savoir si cette pratique peut altérer de façon inappropriée le comportement du consommateur, il aurait pu inclure ces concours et ces jeux dans la liste des pratiques commerciales réputées déloyales en toutes circonstances figurant à l’annexe I de la directive 2005/29.


79 – Selon Craig, P., et De Búrca, G., EU Law, quatrième édition, Oxford, 2008, p. 492, l’article 234 CE permet à la Cour d’interpréter le traité, mais non d’appliquer celui-ci au cas d’espèce. La distinction entre interprétation et application marquerait la ligne de démarcation entre les compétences de la Cour et celles des juridictions nationales. L’interprétation incomberait à la première, tandis que l’application de cette interprétation au litige concret reviendrait aux juridictions nationales.


80 – Voir point 11 des observations écrites du gouvernement espagnol.


81 – Dans le même sens: Seichter, D., «EuGH-Vorlage zum Kopplungsverbot (‘Millionen‑Chance’)», juris PraxisReport Wettbewerbs- und Immaterialgüterrecht, 8/2008, note 2.


82 – Proposition de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, du 15 janvier 2002 [COM (2001) 546 final].


83 – Proposition modifiée de règlement du Parlement européen et du Conseil relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, du 25 octobre 2002 [COM (2002) 585 final].


84 – Points 18 à 21 des observations écrites du gouvernement allemand.


85 – Voir considérations que j’ai développées au point 91 de mes conclusions dans l’affaire VTB‑VAB et Galatea (précitée note 7) sur des arguments partiellement identiques des gouvernements belge et français.


86 – Il résulte de son projet de loi (BT‑Drucksache 15/1487, p. 12) que le gouvernement allemand savait qu’à l’époque l’opinion au sein des institutions de la Communauté européenne était partagée entre deux projets en matière de droit des pratiques commerciales déloyales. Il s’agissait, d’une part, de la proposition, modifiée après consultation du Parlement, de règlement relatif aux promotions des ventes dans le marché intérieur, rejetée, selon le gouvernement allemand, par lui-même et «par la plupart des autres États membres». D’autre part, le gouvernement allemand évoque un projet de directive‑cadre qui, selon lui, «répond mieux aux conceptions du gouvernement allemand».


87 – Voir point 45 de mes conclusions dans l’affaire Commission/Luxembourg (arrêt du 19 juin 2008, C-319/06, Rec. p. I-4323), dans lesquelles j’ai défendu le point de vue selon lequel, en tant que représentant constitutionnel d’un État représenté au Conseil, un gouvernement est réputé avoir connaissance des déclarations interprétatives formulées par cette institution dans le cadre de la procédure législative.


88 – Arrêts du 1er mars 1983, Commission/Belgique (301/81, Rec. p. 467, point 11), et du 23 novembre 2000, Commission/France (C‑319/99, Rec. p. I‑10439, point 10).


89 – La décision de retrait a été publiée au JO 2006, C 64, p. 3. Il est vrai que la Commission l’avait déjà annoncée dans sa communication «Résultat de l’examen des propositions législatives en instance devant le législateur» [COM (2005) 462 final, p. 10, du 27 septembre 2005].


90 – Dans le même sens, voir Stuyck, J., op. cit. (note 36), p. 161, qui présume que certains États membres ne réalisaient manifestement pas que les dispositions de la proposition retirée qui concernaient le rapport entre l’opérateur économique et le consommateur ont été bel et bien reprises par la directive 2005/29 (eu égard à son objectif d’harmonisation complète).


91 – Voir points 81 à 83 des présentes conclusions.