Language of document : ECLI:EU:T:2005:171

ORDONNANCE DU PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

23 mai 2005 (*)

« Procédure de référé – Fonds de cohésion – Décision de cofinancement – Projet d’enfouissement hygiénique d’ordures ménagères – Recevabilité – Fumus boni juris – Urgence – Absence »

Dans l’affaire T-85/05 R,

Dimos Ano Liosion (Grèce),

Theodora Goula, Argyris Argyropoulos, Ioannis Manis, Eleni Dalipi, Vasilis Papagrigoriou et Giorgos Fragkalexis, demeurant à Ano Liosia (Grèce),

représentés par Me G. Kalavros, avocat,

parties requérantes,

contre

Commission des Communautés européennes, représentée par MM. D. Triantafyllou et L. Flynn, en qualité d’agents, ayant élu domicile à Luxembourg,

partie défenderesse,

ayant pour objet une demande de sursis à l’exécution de la décision de la Commission E (2004) 5522, du 21 décembre 2004, relative à l’octroi d’un concours financier du Fonds de cohésion pour la construction de la phase I du deuxième site de décharge sanitaire des déchets (XYTA) d’Attique occidentale, sur le site de Skalistiri, municipalité de Fyli, Attique (Grèce),

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL DE PREMIÈRE INSTANCE
DES COMMUNAUTÉS EUROPÉENNES

rend la présente

Ordonnance

 Faits à l’origine du litige

1       La gestion des déchets pour l’Attique (Grèce) est régie par le plan régional de gestion des déchets décrit dans la loi grecque n° 3164/2003 (FEK A’ 176 du 2 juillet 2003) (ci-après le « plan régional »). Le plan régional a été élaboré en application de la directive 75/442/CEE du Conseil, du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JO L 194, p. 39), telle que modifiée par la directive 91/156/CEE du Conseil, du 18 mars 1991 (JO L 78, p. 32).

2       Le site de décharge sanitaire de déchets d’Ano Liosia (ci-après la « décharge d’Ano Liosia ») fonctionne depuis 1950. Son présent fonctionnement a été entériné par l’acte d’approbation des conditions environnementales du gouvernement grec du 21 mars 1997.

3       Une évaluation du fonctionnement de ce site a été effectuée par le cabinet Ernst & Young. Il ressort de l’étude de ce cabinet datée du 26 avril 2004, intitulée « Expertise des projets de gestion des déchets solides sur le site d’Ano Liosia, rapport final » (ci-après l’« étude Ernst & Young »), que, depuis l’année 2000, la décharge d’Ano Liosia reçoit une quantité moyenne de 5 200 tonnes de déchets par jour, bien qu’il fût prévu qu’elle ne reçoive qu’une quantité journalière de 500 tonnes de déchets à partir de la sixième année d’exploitation (étude Ernst & Young, p. 6).

4       Au regard de cette situation, le gouvernement grec a élaboré un nouveau plan régional de gestion des déchets. Parmi les sites considérés comme appropriés pour accueillir les installations de gestion intégrée des déchets, la loi grecque n° 3164/2003 mentionne, pour l’Attique du nord-est, les sites de Grammatiko et de Polidendri, pour l’Attique du sud-est, les sites de Keratea et de Kropia et, pour l’Attique de l’ouest, les sites de Skalistiri et le site de Meletani-Mandra.

5       C’est dans ce contexte que, le 27 novembre 2003, la République hellénique a présenté à la Commission une demande en vertu du règlement (CE) n° 1164/94 du Conseil, du 16 mai 1994, instituant le Fonds de cohésion (JO L 130, p. 1), visant à obtenir le cofinancement par le Fonds de cohésion du projet relatif à la construction de la phase I du site de décharge des déchets de Skalistiri (ci-après la « demande de cofinancement »).

6       À la suite d’une étude d’impact sur l’environnement [étude de l’ESDKNA (Association générale des municipalités et des communes du département de l’Attique) sur l’impact sur l’environnement du deuxième site d’enfouissement sanitaire des déchets pour l’Attique occidentale, ci-après l’« étude ESDKNA »], qui avait confirmé que le site de Skalistiri remplissait les conditions pour devenir un site de décharge des déchets, le gouvernement grec, par arrêté interministériel du 3 décembre 2003, a approuvé les conditions environnementales du projet de construction, d’exploitation et de réhabilitation du deuxième site d’enfouissement sanitaire des déchets d’Attique sur le site de Skalistiri (ci-après la « décision d’approbation »), qui remplacerait la décharge d’Ano Liosia (ci-après la « décharge de Skalistiri »).

7       La République hellénique a complété la demande de cofinancement par des informations supplémentaires les 6 octobre, 4 et 15 novembre 2004.

8       Le 21 décembre 2004, en vertu du règlement n° 1164/94 et en particulier de l’article 10, paragraphe 6, dudit règlement, la Commission a adopté la décision E (2004) 5522, relative à l’octroi d’un concours financier du Fonds de cohésion pour la construction de la phase I du deuxième site d’enfouissement sanitaire des déchets (XYTA) d’Attique occidentale sur le site de Skalistiri (ci-après la « décision litigieuse »).

9       La décision litigieuse prévoit que le Fonds de cohésion cofinancera le projet pour un montant de 40 008 750 euros, à savoir 75 % du montant total prévu.

 Procédure

10     Par requête déposée au greffe du Tribunal le 16 février 2005, la municipalité d’Ano Liosia, d’une part, et plusieurs personnes physiques demeurant à Ano Liosia, d’autre part (ci-après pris ensemble les « requérants »), ont introduit un recours, en vertu de l’article 230 CE, visant à l’annulation de la décision litigieuse.

11     Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 24 février 2005, en vertu de l’article 104 du règlement de procédure du Tribunal et de l’article 242 CE, les requérants ont introduit la présente demande en référé visant à obtenir le sursis à l’exécution de la décision litigieuse jusqu’à ce que le Tribunal se prononce sur le recours au principal.

12     Le 11 mars 2005, la Commission a présenté ses observations écrites sur la demande en référé, dans lesquelles elle conclut au rejet de la demande comme irrecevable ou, à titre subsidiaire, comme non fondée.

13     Par acte séparé, déposé au greffe du Tribunal le 31 mars 2005, la Commission a soulevé, en vertu de l’article 114, paragraphe 1, du règlement de procédure, une exception d’irrecevabilité du recours au principal, par laquelle elle conclut à ce qu’il plaise au Tribunal rejeter le recours en annulation de la décision litigieuse comme étant manifestement irrecevable et condamner les requérants aux dépens.

 En droit

14     En vertu des dispositions combinées des articles 242 CE et 243 CE, d’une part, et de l’article 225, paragraphe 1, CE, d’autre part, le Tribunal peut, s’il estime que les circonstances l’exigent, ordonner le sursis à l’exécution de l’acte attaqué ou prescrire les mesures provisoires nécessaires.

15     L’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure dispose que les demandes de mesures provisoires doivent spécifier l’objet du litige, les circonstances établissant l’urgence ainsi que les moyens de fait et de droit justifiant à première vue (fumus boni juris) l’octroi des mesures provisoires auxquelles elles concluent. Ces conditions sont cumulatives, de sorte que les demandes de mesures provisoires doivent être rejetées dès lors que l’une d’elles fait défaut [ordonnance du président de la Cour du 14 octobre 1996, SCK et FNK/Commission, C‑268/96 P(R), Rec. p. I‑4971, point 30].

16     Eu égard aux pièces du dossier, le juge des référés estime qu’il dispose de tous les éléments nécessaires pour statuer sur la présente demande de mesures provisoires, sans qu’il soit utile d’entendre, au préalable, les parties en leurs explications orales.

 Arguments des parties

 Sur la recevabilité

17     Les requérants font valoir, d’une part, que leur demande de sursis à exécution remplit toutes les conditions énoncées à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure et, d’autre part, que le recours au principal est recevable. Sur ce point, les requérants font valoir qu’ils sont directement et individuellement concernés par la décision litigieuse, bien que celle-ci ait été adressée à la République hellénique.

18     Au soutien de cette affirmation, les requérants font valoir, en ce qui concerne la municipalité d’Ano Liosia, que celle-ci appartient au « cercle fermé » des « victimes » du projet de construction de la décharge de Skalistiri et qu’elle subirait un préjudice unique et exclusif. Le fonctionnement de la décharge d’Ano Liosia, qui a débuté en 1950, aurait déjà entraîné des conséquences dommageables immenses, en particulier une dégradation environnementale, économique et sociale. En particulier, la valeur des terrains dans le ressort de la municipalité aurait subi une baisse dramatique à cause du fonctionnement de la décharge d’Ano Liosia. Les décharges d’Ano Liosia et de Skalistiri empêcheraient la valorisation de plus de 15 000 ares, lesquels auraient pu être utilisés dans le cadre de diverses activités de développement. Ces terrains, qui, selon les requérants, sont devenus ou deviendraient inutilisables, en raison de la construction de la décharge de Skalistiri, incluraient notamment des terrains prévus pour la création d’un parc municipal, d’espaces verts et d’installations sportives.

19     En ce qui concerne les personnes physiques, elles seraient également directement et individuellement concernées par la décision litigieuse. Ces requérants résideraient dans des logements sociaux situés à un kilomètre du site de construction de la décharge de Skalistiri. Les requérants soutiennent que leur mode de vie, qui, à ce jour, est supportable et leur permet de profiter de l’environnement naturel, sera totalement modifié par le projet en cause.

20     La Commission fait valoir que la présente demande doit être déclarée irrecevable, car, d’une part, elle ne remplit pas les conditions exigées par l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure, comme interprété par la jurisprudence, et, d’autre part, le recours en annulation de la décision litigieuse, sur lequel la présente demande se greffe, est lui-même manifestement irrecevable. Quant à ce second volet, la Commission se fonde sur l’arrêt de la Cour du 2 avril 1998, Greenpeace Council e.a./Commission (C‑321/95, Rec. p. I‑1651, ci-après l’« arrêt Greenpeace »), et souligne que les requérants ne sont ni individuellement ni directement concernés, au sens de l’article 230, quatrième alinéa, CE, par la décision litigieuse. S’agissant plus particulièrement de la recevabilité du recours en tant qu’il est formé par la municipalité d’Ano Liosia, la Commission fait valoir que, à supposer même que ladite municipalité puisse être considérée comme individuellement concernée par la décision litigieuse, elle ne le serait pas directement. Selon la Commission, la décision litigieuse, qui approuve le financement d’un projet déjà arrêté au niveau national, est de nature purement financière et n’affecte qu’indirectement la municipalité, ainsi que les autres requérants, et ne modifie pas elle-même leur situation juridique.

 Sur le fumus boni juris

21     Les requérants font valoir que la décision litigieuse est contraire aux objectifs de préservation, de protection et d’amélioration de la qualité de l’environnement, de protection de la santé des personnes ainsi que d’une utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles et que, par conséquent, elle viole le droit communautaire primaire (articles 2 CE, 4 CE et 174 CE), plusieurs dispositions du droit communautaire dérivé, notamment celles fixant des obligations à la République hellénique en matière de prévention, de réduction de la production et de la nocivité des déchets, de traitement et de valorisation des déchets de manière à ne pas mettre en danger la santé de l’homme et l’environnement (obligations qui découlent des articles 3, 4 et 6 de la directive 75/442 et des articles 3 et 4 de la directive 91/156) et celles lui faisant obligation de prendre des mesures de prévention contre les pollutions [article 3 de la directive 96/61/CE du Conseil, du 24 septembre 1996, relative à la prévention et à la réduction intégrées de la pollution (JO L 257, p. 26)] et d’élaborer une étude d’impact sur l’environnement [article 1er de la directive 85/337/CEE du Conseil, du 27 juin 1985, concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement (JO L 175, p. 40), telle que modifiée par la directive 97/11/CE du Conseil, du 3 mars 1997 (JO L 73, p. 5)], et les dispositions législatives du droit national grec.

22     Au soutien de ces arguments, les requérants soulignent que, en pratique, la création de la décharge de Skalistiri constituera une extension de la décharge d’Ano Liosia, cette dernière lui étant adjacente et ayant la même entrée, les mêmes installations immobilières et le même traitement biologique des infiltrations. Le site d’Ano Liosia, qui, selon les requérants, du fait de la décharge existante, accueille actuellement, dans l’usine de recyclage qui y est implantée, 1 300 tonnes de déchets et 300 tonnes de boues non traitées provenant de la station biologique de Psytalleia ainsi que, dans l’usine de traitement thermique qui y est installée, un tonnage important de déchets hospitaliers, soit un total pour l’ensemble de la décharge de 6 500 tonnes de déchets par jour, serait condamné à continuer à accueillir dans le futur 1 072 500 tonnes de déchets par an (3 000 tonnes par jour) ainsi que 1 300 tonnes supplémentaires traitées par l’usine de recyclage mécanique, 300 à 800 tonnes de boues et 25 tonnes par jour de déchets dangereux et infectieux, bien que le plan régional prévoie une quantité de seulement 330 000 tonnes de déchets par an. Les requérants soulignent que le site de Skalistiri a été qualifié de zone de protection absolue et de reconstitution de l’environnement naturel par l’article 21 de la loi grecque n° 2742 (FEK A’ 207 du 7 octobre 1999). Les requérants font observer que le site est en partie boisé et doit, pour la partie qui n’est pas arborée, être reboisé, qu’il comporte des terrains privés dont l’utilisation sera contestée et n’est donc pas garantie et qu’il n’est pas le site le plus adéquat pour une décharge selon les études faites par l’ESDKNA, qui avaient conclu que le site de Meletani-Mandra serait plus approprié. Le fonctionnement de la décharge de Skalistiri aurait des conséquences catastrophiques sur l’environnement d’Ano Liosia, sur la santé des requérants, sur la valeur des terrains dans la municipalité et sur le développement de ladite municipalité (voir point 18 ci-dessus).

23     La Commission considère que l’illégalité alléguée par les requérants ne ressort nullement de la demande de sursis à exécution et que, par conséquent, la demande est dénuée de justification à première vue (fumus boni juris).

24     En particulier, la demande n’expliquerait nullement en quoi la décision litigieuse enfreindrait les obligations découlant des dispositions invoquées par les requérants. La Commission fait valoir que la décision litigieuse est, au contraire, exemplaire du point de vue des conditions environnementales et assure le respect de toutes les exigences requises pour la protection de l’environnement et de la santé, en prévoyant des critères particuliers de respect des conditions environnementales afin d’améliorer la situation du traitement des déchets en Grèce et en subordonnant le financement en cause au respect desdites obligations dans les délais prévus.

 Sur l’urgence

25     Les requérants font valoir que l’exécution de la décision litigieuse causera un préjudice grave et irréparable à l’environnement naturel, à l’économie de la municipalité, y compris en ce qui concerne la valeur des terrains et leur utilisation, et à leur santé. En ce qui concerne l’environnement naturel, les requérants font valoir que la décision lui portera atteinte pour les raisons décrites ci-dessus (voir point 22). L’urgence découlerait du fait que le gouvernement grec a déjà signé le contrat portant sur le projet le 2 novembre 2004, que ce contrat est déjà entré en vigueur, que les procédures d’étude et de mise en œuvre dudit projet sont en cours et progressent très rapidement et que les dépenses s’y rapportant sont effectuées. L’écoulement du temps entraînerait des dépenses et des procédures qui portent atteinte à des droits privés. La création de la décharge de Skalistiri porterait atteinte à la valeur du patrimoine immobilier de la municipalité et priverait cette dernière et ses riverains, les requérants y inclus, de l’utilisation de nombreux hectares pour la création d’infrastructures sportives et culturelles (voir point 18 ci‑dessus).

26     Les requérants allèguent que le rétablissement de la situation antérieure sera particulièrement difficile, voire onéreux. Le risque encouru serait imminent et en conséquence la situation serait urgente.

27     La Commission estime que la condition relative à l’urgence fait défaut.

28     En premier lieu, le sursis à l’exécution de la décision litigieuse ne saurait être considéré comme nécessaire pour éviter la survenance du préjudice allégué. En effet, premièrement, la décharge d’Ano Liosia est en fonctionnement depuis 1950 et le cofinancement d’un projet de remplacement de ce site par un nouveau site, a fortiori hors des limites de la commune, ne saurait être considéré comme aggravant la situation existante et encore moins comme créant une situation d’urgence.

29     Deuxièmement, le prétendu préjudice ne découlerait pas de la décision litigieuse, qui est une décision de cofinancement, mais des décisions nationales grecques, à savoir le plan régional et le choix définitif du site de Skalistiri par les autorités grecques. Un sursis à l’exécution de la décision litigieuse ne permettrait donc pas d’éviter le prétendu préjudice.

30     Troisièmement, les requérants auraient eu la possibilité d’attaquer les actes nationaux devant les juridictions nationales. Cette possibilité, qui, selon les renseignements de la Commission, a été exercée, priverait la présente procédure en référé de tout caractère d’urgence.

31     Quatrièmement, le prétendu préjudice ne saurait être considéré comme imminent du fait que les conséquences alléguées sur l’économie, la santé et l’environnement sont, selon la Commission, vagues, infondées et se situent dans un avenir indéterminé. Au contraire, l’absence d’urgence serait évidente étant donné que la décision litigieuse impose le respect de toutes les conditions requises pour la protection de l’environnement et permet à la Commission d’en assurer la surveillance, notamment par la possibilité de suspension du financement en cas de violation des obligations en cause.

32     En second lieu, la Commission fait valoir que la preuve du caractère grave et irréparable du préjudice n’est pas apportée.

33     Le préjudice allégué, à savoir la dégradation de l’environnement, de l’économie et de la société, y compris en ce qui concerne les conséquences d’un tel phénomène sur la valeur des terrains, serait vague et hypothétique.

34     Le préjudice consistant en une baisse de la valeur des terrains dans le ressort de la municipalité ne serait ni grave ni irréparable selon la jurisprudence. En tout état de cause, il serait déjà survenu en raison de la situation existant depuis 1950. Le préjudice consistant en l’empêchement de valoriser les terrains de la municipalité, qui pourraient être utilisés pour des activités récréatives et sportives serait purement hypothétique. En outre, la situation existante aurait déjà empêché l’utilisation de ces terrains à de telles fins.

35     Le préjudice résultant des conséquences négatives de la décision litigieuse sur l’environnement et la santé des personnes physiques, parmi lesquelles les requérants, serait vague, hypothétique et non prouvé. Les requérants n’expliqueraient pas en quoi la décision litigieuse contribue à aggraver la situation existante, qui est fortement problématique à cause de la saturation de la décharge existante. La Commission soutient que la décision litigieuse contribuera au contraire à régler les problèmes existants et permettra d’assurer le respect de toutes les conditions nécessaires pour la protection de l’environnement.

 Sur la mise en balance des intérêts

36     La Commission souligne, en tout état de cause, que la sauvegarde des intérêts de tous les habitants de l’Attique et la protection de l’environnement de la région, en conformité avec le droit communautaire, notamment la directive 75/442, et avec le plan régional, priment clairement sur l’intérêt d’une commune de quelques milliers d’habitants. Un sursis à exécution entraînerait des délais supplémentaires et le débordement de la décharge existante avec des conséquences catastrophiques. La Commission fait valoir que la situation existante est tellement problématique qu’elle a déjà introduit un recours visant à faire constater que la République hellénique a manqué à ses obligations en matière environnementale (affaire pendante C‑502/03, Commission/Grèce, JO 2004, C 47, p. 15), en vue de voir rétablir la légalité, objectif que visent également les autorités grecques au moyen de la mise en application de leur plan national, lequel comprend la création d’un nouveau site à Skalistiri, cofinancé par le Fonds de cohésion en vertu de la décision litigieuse.

 Appréciation du juge des référés

 Observations liminaires sur la recevabilité

37     Il convient, tout d’abord, de rappeler que, selon une jurisprudence bien établie, les conditions prévues à l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure exigent que les éléments essentiels de fait et de droit sur lesquels la demande se fonde ressortent d’une façon cohérente et compréhensible du texte même de la demande en référé (voir ordonnances du président du Tribunal du 7 mai 2002, Aden e.a./Conseil et Commission, T‑306/01 R, Rec. p. II‑2387, point 52, et du 10 novembre 2004, European Dynamics/Commission, T‑303/04 R, non encore publiée au Recueil, points 63 et 64).

38     En l’occurrence, il y a lieu de constater que, comme le souligne à juste titre la Commission, la demande contient peu d’éléments permettant au juge des référés d’examiner si, à première vue, l’octroi des mesures demandées est justifié. Néanmoins, malgré sa brièveté et sa présentation confuse, la demande contient une série de moyens et d’arguments visant à établir que les conditions relatives à l’existence d’un fumus boni juris et à l’urgence sont remplies, ce qui a permis à la Commission de présenter utilement ses observations et au juge des référés de les examiner. Dans ces circonstances, il ne peut être conclu que la demande doive être rejetée comme irrecevable pour la raison qu’elle ne remplirait pas les conditions requises par l’article 104, paragraphe 2, du règlement de procédure.

39     Quant aux arguments de la Commission concernant l’irrecevabilité de la présente demande au motif que le recours au principal serait manifestement irrecevable, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, la recevabilité du recours devant le juge du fond ne doit pas, en principe, être examinée dans le cadre d’une procédure en référé sous peine de préjuger l’affaire au principal. Il peut, néanmoins, s’avérer nécessaire, lorsque, comme en l’espèce, l’irrecevabilité manifeste du recours au principal sur lequel se greffe la demande en référé est soulevée, d’établir l’existence de certains éléments permettant de conclure, à première vue, à la recevabilité d’un tel recours (ordonnances du président du Tribunal du 15 février 2000, Hölzl e.a./Commission, T‑1/00 R, Rec. p. II‑251, point 21, et du 10 février 2005, Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, T‑291/04 R, non encore publiée au Recueil, point 61).

40     En l’espèce, au regard des éléments produits devant le juge des référés, il y a lieu d’exprimer des doutes sérieux quant à la possibilité que les requérants soient directement et individuellement concernés par la décision litigieuse.

41     Premièrement, les requérants personnes physiques, qui ne sont pas destinataires de la décision litigieuse, doivent montrer que ladite décision les atteint en raison de certaines qualités qui leur sont particulières ou d’une situation de fait qui les caractérise par rapport à toute autre personne et, de ce fait, les individualise d’une manière analogue à celle dont le destinataire d’une décision le serait (arrêts de la Cour du 15 juillet 1963, Plaumann/Commission, 25/62, Rec. p. 197, 223, et du 25 juillet 2002, Unión de Pequeños Agricultores/Conseil, C‑50/00 P, Rec. p. I‑6677, point 36).

42     Or, comme le souligne la Commission, la situation des requérants ressemble, à première vue, à celle des requérants dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt Greenpeace. Dans cet arrêt, la Cour a jugé que des personnes physiques dont la situation particulière n’avait pas été prise en considération lors de l’adoption de la décision n’étaient pas individuellement concernées par une décision adressée à un État membre et ayant pour objet l’octroi, au titre du Fonds européen de développement régional, d’un concours financier à la construction de deux centrales électriques (arrêt Greenpeace, point 28).

43     De même, la municipalité d’Ano Liosia doit démontrer sur la base de faits précis que la décision litigieuse l’atteint en raison d’une situation qui la caractérise par rapport à toute autre personne, y compris, dans les circonstances de l’espèce, par rapport aux autres communes d’Attique, notamment la commune de Fyli sur le territoire de laquelle se trouvera la nouvelle décharge (voir, en ce sens, ordonnance du président du Tribunal du 7 juillet 2004, Região autónoma dos Açores/Conseil, T‑37/04 R, non encore publiée au Recueil, points 112 et 120, et la jurisprudence citée).

44     En outre, tant pour la municipalité que pour les personnes physiques requérantes dans la présente demande, l’affaire soulève des questions de recevabilité en ce qui concerne notamment le critère de l’affectation directe. Il découle d’une jurisprudence bien établie que l’affectation directe requiert que la mesure communautaire incriminée produise directement des effets sur la situation juridique du particulier et qu’elle ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux destinataires de cette mesure qui sont chargés de sa mise en œuvre, celle-ci ayant un caractère purement automatique et découlant de la seule réglementation communautaire sans application d’autres règles intermédiaires (arrêt de la Cour du 5 mai 1998, Dreyfus/Commission, C‑386/96 P, Rec. p. I‑2309, point 43, et la jurisprudence citée, et ordonnance du Tribunal du 15 mars 2004, Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, T‑139/02, non encore publiée au Recueil, point 62, et la jurisprudence citée).

45     Or, en l’espèce, la décision litigieuse est une décision de cofinancement d’un projet qui a été choisi par les autorités grecques par voie de lois et de décisions administratives nationales. Comme le souligne la Commission, il apparaît donc que le financement communautaire accordé au projet de création d’une nouvelle décharge à Skalistiri ne contribue qu’indirectement à la réalisation de celui-ci. Il ressort du dossier que, étant donné la situation problématique du fonctionnement de la décharge d’Ano Liosia, les autorités grecques auraient été obligées, selon toute probabilité, de créer une nouvelle décharge, et ce indépendamment du cofinancement communautaire. En tout état de cause, les autorités grecques avaient déjà choisi le site de Skalistiri avant que la Commission ait décidé de cofinancer ce projet. Finalement, il y a lieu de relever que, à première vue, il ne ressort pas du dossier que la décision litigieuse ne laisse aucun pouvoir d’appréciation aux autorités grecques, chargées de la mise en œuvre du projet (voir ordonnance Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, précitée, points 68 à 70).

46     Dans une telle situation, il ne saurait être exclu que les juges de fond parviennent à la conclusion que la décision des autorités grecques est seule de nature à porter, le cas échéant, atteinte aux droits environnementaux dont les requérants se prévalent et que, par suite, la décision litigieuse, relative au cofinancement communautaire de ce projet, ne peut avoir qu’une incidence indirecte sur ces droits (voir, en ce sens, arrêt Greenpeace, points 30 et 31, et ordonnance Institouto N. Avgerinopoulou e.a./Commission, précitée, point 70).

47     Même si, vu les arguments des parties à ce stade de la procédure, il y a lieu de douter sérieusement de la possibilité que les requérants soient directement et individuellement concernés par la décision litigieuse, le juge des référés estime qu’il n’est pas nécessaire, dans les circonstances de l’espèce, de poursuivre son examen de la recevabilité à première vue du recours en annulation. En effet, les requérants n’ont pas démontré, en tout état de cause, qu’il était urgent d’ordonner les mesures provisoires demandées pour les raisons qui suivent.

 Sur l’urgence

48     Selon une jurisprudence constante, le caractère urgent d’une demande en référé doit s’apprécier par rapport à la nécessité qu’il y a de statuer provisoirement afin d’éviter qu’un préjudice grave et irréparable ne soit occasionné à la partie qui sollicite la mesure provisoire (ordonnance du président de la Cour du 6 février 1986, Deufil/Commission, 310/85 R, Rec. p. 537, point 15, et ordonnance du président du Tribunal du 30 juin 1999, Pfizer Animal Health/Conseil, T‑13/99 R, Rec. p. II‑1961, point 134).

49     C’est à la partie qui sollicite le sursis à l’exécution de la décision attaquée qu’il appartient d’apporter la preuve qu’elle ne saurait attendre l’issue de la procédure au principal sans avoir à subir un préjudice de cette nature (ordonnance du président de la Cour du 8 mai 1991, Belgique/Commission, C‑356/90 R, Rec. p. I‑2423, point 23, et ordonnance du président du Tribunal du 15 novembre 2001, Duales System Deutschland/Commission, T‑151/01 R, Rec. p. II‑3295, point 187).

50     L’imminence du préjudice ne doit pas être établie avec une certitude absolue, mais il suffit, particulièrement lorsque la réalisation du préjudice dépend de la survenance d’un ensemble de facteurs, qu’elle soit prévisible avec un degré de probabilité suffisant. Le requérant demeure cependant tenu de prouver les faits qui sont censés fonder la perspective d’un tel dommage grave et irréparable [ordonnances du président de la Cour du 14 décembre 1999, HFB e.a./Commission, C‑335/99 P(R), Rec. p. I‑8705, point 67, et du 12 octobre 2000, Grèce/Commission, C‑278/00 R, Rec. p. I‑8787, point 15].

51     À cet égard, force est de constater que, comme le souligne à juste titre la Commission, le préjudice invoqué par les requérants, constitué par la dégradation de l’environnement, les conséquences négatives qui en résulteraient sur la santé, la perte de valeur des terrains dans le ressort de la municipalité, l’empêchement pour cette dernière d’utiliser certains terrains pour diverses activités sociales, est vague, hypothétique et non étayé de preuves. Un préjudice si incertain ne saurait justifier l’octroi du sursis sollicité (voir ordonnances du président de la Cour du 15 juin 1987, Belgique/Commission, 142/87 R, Rec. p. 2589, point 25, et du 16 juillet 1993, France/Commission, C‑296/93 R, Rec. p. I‑4181 point 26 ; ordonnance du président du Tribunal du 10 novembre 2004, Wam/Commission, T‑316/04 R, non encore publiée au Recueil, point 31).

52     En particulier, la demande ne contient aucun élément de preuve des conséquences que comporterait l’exécution de la décision litigieuse pour la santé des requérants et, en général, pour celle des riverains d’Ano Liosia. De même, il suffit de constater que les allégations relatives à une dégradation de l’environnement sont vagues et ne reposent sur aucun élément de preuve. Les requérants se bornent à se plaindre en des termes généraux, ainsi que l’illustrent les arguments faisant état du fait que le site de Skalistiri est une zone de protection absolue ou une zone boisée, ou encore les arguments selon lesquels le site d’Ano Liosia sera condamné à accueillir un tonnage de déchets supérieur à ce qui était prévu dans le plan régional, toutes assertions qui ne sont pas étayées de preuves ou d’explications plus précises. Ainsi, les requérants se bornent à se plaindre de la création d’une décharge à proximité d’Ano Liosia, mais ils n’expliquent pas les raisons pour lesquelles les conséquences concrètes qui en résulteraient seraient négatives pour l’environnement et, à plus forte raison, constitueraient un préjudice grave et irréparable. Dans la mesure où la décision litigieuse fait référence au fait que des conditions environnementales strictes ont été approuvées pour la création de la nouvelle décharge (voir, notamment, le point 12 de l’annexe I de la décision litigieuse et la décision d’approbation) et compte tenu du fait que l’étude ESDKNA a conclu que le site de Skalistiri était approprié à cette fin (étude ESDKNA, p. 16 à 18 et 23), il appartenait aux requérants d’apporter des éléments de nature à infirmer cette analyse et d’expliquer en quoi ladite décision leur causait le préjudice allégué, ce qu’ils n’ont nullement fait.

53     Au contraire, puisque les requérants reconnaissent que la décharge d’Ano Liosia fonctionne, depuis plusieurs décennies, dans des conditions problématiques et a déjà contribué aux problèmes de la municipalité et de ses riverains, la demande n’explique pas en quoi la situation existante sera aggravée ni comment une situation qui existe déjà depuis plusieurs années peut constituer une situation urgente justifiant un sursis immédiat à l’exécution de la décision litigieuse.

54     En ce qui concerne l’impossibilité, pour la municipalité, d’utiliser certains terrains pour des activités récréatives, sociales, culturelles et sportives, les allégations des requérants sont hypothétiques. Comme le soulignent les requérants eux-mêmes, il s’agit de propositions de développement futur. En outre, la demande n’expose pas concrètement ces propositions et n’explique pas en quoi le préjudice qui, selon les requérants, en découle est grave et irréparable. De telles circonstances ne constituent pas un risque de préjudice actuel, mais un risque futur, incertain et aléatoire (ordonnance du président du Tribunal du 13 mai 1993, CMBT/Commission, T‑24/93 R, Rec. p. II‑543, point 34, et la jurisprudence citée).

55     En ce qui concerne la baisse du prix des terrains, outre qu’un tel préjudice, consistant en une perte financière, ne saurait, en principe, être considéré comme un préjudice grave et irréparable (ordonnance Enviro Tech Europe et Enviro Tech International/Commission, précitée, point 74, et la jurisprudence citée), les requérants n’expliquent pas comment la décision litigieuse contribue à un tel préjudice. Au contraire, les requérants reconnaissent que la situation existante a déjà contribué à la baisse du prix des terrains dans la municipalité depuis 1950.

56     Force est en définitive de constater que, s’agissant de la nature irréparable du prétendu préjudice, les requérants se bornent à faire part d’une allégation générale, selon laquelle le rétablissement de la situation antérieure serait particulièrement difficile, voire onéreux, mais sans nullement justifier une telle allégation.

57     Il s’ensuit que les requérants n’ont pas apporté d’éléments qui permettraient au juge des référés de conclure que le prétendu préjudice serait d’une nature grave et irréparable ou de considérer que le prétendu préjudice serait certain et imminent au sens de la jurisprudence.

58     Il faut souligner, en outre, que les requérants n’ont nullement établi que le sursis à l’exécution de la décision litigieuse serait nécessaire afin d’éviter les préjudices allégués.

59     Le fait que le gouvernement grec a déjà signé, le 2 novembre 2004, le contrat portant sur le projet en cause, que ce contrat est déjà entré en vigueur, que les procédures d’étude et de mise en œuvre dudit projet sont en cours et progressent très rapidement et, enfin, que les dépenses s’y rapportant sont déjà effectuées sont des éléments qui ne démontrent pas, à eux seuls, l’existence d’une urgence justifiant l’octroi du sursis à l’exécution de la décision litigieuse.

60     En premier lieu, comme le souligne à juste titre la Commission, la possibilité d’attaquer ces actes nationaux constitue une voie plus appropriée et adéquate pour la protection des intérêts des requérants. Par conséquent, il peut être considéré qu’elle prive la présente demande d’un caractère urgent (voir, en ce sens, ordonnance Região autónoma dos Açores/Conseil, précitée, point 162, et la jurisprudence citée, et ordonnance du président du Tribunal du 25 juin 2002, B/Commission, T‑34/02 R, Rec. p. II‑2803, point 93).

61     En deuxième lieu, il convient de constater que la décision litigieuse autorise la Commission à suspendre le financement en cause en cas de non-respect du projet concernant la protection de l’environnement (annexe I de la décision litigieuse, point 12). Dans une telle situation, dans laquelle la Commission a la possibilité, voire l’obligation, de vérifier si des atteintes à l’environnement ne sont pas occasionnées dans le cadre de la réalisation du projet et de sanctionner, le cas échéant, ces dernières par la suspension du financement (annexe III de la décision litigieuse, point 4), il y a lieu de conclure que le caractère urgent pouvant s’attacher à la préservation d’intérêts environnementaux fait défaut (voir, en ce sens, ordonnance Região autónoma dos Açores/Conseil, précitée, points 183 et 184, et la jurisprudence citée).

62     En dernier lieu, et au surplus, il y a lieu de douter de la nécessité d’un sursis à l’exécution de la décision litigieuse dans la mesure où les requérants n’ont pas démontré que, concrètement, compte tenu du fait que les autorités grecques avaient déjà choisi le site de Skalistiri pour la création de la nouvelle décharge et qu’elles ont pris toutes les décisions permettant le commencement de la réalisation du projet, comme le reconnaissent au demeurant les requérants, le sursis à l’exécution de cette décision, qui est une décision de cofinancement, aura nécessairement pour effet de changer la situation actuelle et d’éviter de leur causer le prétendu préjudice (voir, en ce sens, ordonnance European Dynamics/Commission, précité, points 66, 69 et 70).

63     Dans ces circonstances, il y a lieu de conclure que les éléments du dossier ne permettent pas d’établir à suffisance de droit que les requérants, à défaut d’octroi des mesures provisoires demandées, subiraient un préjudice grave et irréparable.

64     Il s’ensuit que les requérants ne sont pas parvenus à établir que la condition relative à l’urgence est satisfaite. En conséquence, la demande en référé doit être rejetée, sans qu’il soit nécessaire de se prononcer sur le caractère recevable de celle-ci ni d’examiner si les autres conditions d’octroi des mesures provisoires sont remplies.

Par ces motifs,

LE PRÉSIDENT DU TRIBUNAL

ordonne :

1)      La demande en référé est rejetée.

2)      Les dépens sont réservés.

Fait à Luxembourg, le 23 mai 2005.

Le greffier

 

      Le président

H. Jung

 

      B. Vesterdorf


* Langue de procédure : le grec.