Language of document : ECLI:EU:T:2011:761

DOCUMENT DE TRAVAIL

ARRÊT DU TRIBUNAL (septième chambre)

16 décembre 2011(*)

« Marque communautaire – Procédure d’opposition – Demande de marque communautaire verbale PROTI SNACK – Marques nationales verbales et figuratives antérieures PROTIPLUS, PROTI et PROTIPOWER – Production tardive de documents – Pouvoir d’appréciation conféré par l’article 74, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 40/94 [devenu article 76, paragraphe 2, du règlement (CE) n° 207/2009] – Notion de ‘disposition contraire’ – Règle 20, paragraphe 1, du règlement (CE) n° 2868/95 – Règle 50, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95 »

Dans l’affaire T‑62/09,

Bernhard Rintisch, demeurant à Bottrop (Allemagne), représenté par Me A. Dreyer, avocat,

partie requérante,

contre

Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), représenté par M. G. Schneider, en qualité d’agent,

partie défenderesse,

l’autre partie à la procédure devant la chambre de recours de l’OHMI ayant été

Bariatrix Europe Inc. SAS, établie à Guilherand-Granges (France),

ayant pour objet un recours en annulation formé contre la décision de la quatrième chambre de recours de l’OHMI du 15 décembre 2008 (affaire R 740/2008-4), relative à une procédure d’opposition entre Bernhard Rintisch et Bariatrix Europe Inc. SAS,

LE TRIBUNAL (septième chambre),

composé de M. A. Dittrich, président, Mmes I. Wiszniewska-Białecka et M. Kancheva (rapporteur), juges,

greffier : M. E. Coulon,

vu la requête déposée au greffe du Tribunal le 13 février 2009,

vu le mémoire en réponse déposé au greffe du Tribunal le 10 juin 2009,

vu l’absence de demande de fixation d’une audience présentée par les parties dans le délai d’un mois à compter de la signification de la clôture de la procédure écrite et ayant dès lors décidé, sur rapport du juge rapporteur et en application de l’article 135 bis du règlement de procédure du Tribunal, de statuer sans phase orale de la procédure,

rend le présent

Arrêt

 Antécédents du litige

1        Le 17 mars 2006, Bariatrix Europe Inc. SAS a présenté une demande d’enregistrement de marque communautaire à l’Office de l’harmonisation dans le marché intérieur (marques, dessins et modèles) (OHMI), en vertu du règlement (CE) n° 40/94 du Conseil, du 20 décembre 1993, sur la marque communautaire (JO 1994, L 11, p. 1), tel que modifié [remplacé par le règlement (CE) n° 207/2009 du Conseil, du 26 février 2009, sur la marque communautaire (JO L 78, p. 1)].

2        La marque dont l’enregistrement a été demandé est le signe verbal PROTI SNACK.

3        Les produits pour lesquels l’enregistrement a été demandé relèvent notamment des classes 5, 29 et 32 au sens de l’arrangement de Nice concernant la classification internationale des produits et des services aux fins de l’enregistrement des marques, du 15 juin 1957, tel que révisé et modifié, et correspondent notamment, pour chacune de ces classes, à la description suivante :

–        classe 5 : « Produits pharmaceutiques, vétérinaires ou aliments pour bébés à base ou non, enrichis ou non, de protéines, vitamines, de minéraux et/ou d’acides gras essentiels ; substances, boissons et aliments diététiques à usage médical ; compléments alimentaires pharmaceutiques ou nutritifs à usage médical, vitaminés ou non, enrichis ou non en protéines ; produits alimentaires de régime à usage médical ; compléments alimentaires protidiques et préparations hyperprotéinées ; préparations médicales pour l’amincissement ; préparations ou compléments alimentaires, diététiques ou nutritionnels non à usage médical à base d’œufs, de lait et produits laitiers ; produits alimentaires diététiques, compléments nutritionnels et substituts de repas, non à usage médical, à base de céréales » ;

–        classe 29 : « Substituts de repas à base de protéines ; protéines pour l’alimentation humaine ; boissons lactées ; yaourt » ;

–        classe 32 : « Boissons pour sportifs, boissons hyperprotéinées, boissons énergisantes, préparations riches en protéines, en vitamines, minéraux ou acides gras essentiels destinées à la fabrication de boissons ; boissons diététiques non à usage médical ; préparations pour faire des boissons ».

4        La demande de marque communautaire a été publiée au Bulletin des marques communautaires n° 51/2006, du 18 décembre 2006.

5        Le 9 mars 2007, le requérant, M. Bernhard Rintisch, a formé opposition au titre de l’article 42 du règlement n° 40/94 (devenu article 41 du règlement n° 207/2009), à l’enregistrement de la marque demandée pour les produits visés au point 3 ci-dessus.

6        L’opposition était notamment fondée sur les droits antérieurs suivants :

–        la marque allemande verbale PROTIPLUS, déposée le 4 décembre 1995 et enregistrée le 20 mai 1996 sous le numéro 39549559, désignant des produits relevant des classes 29 et 32 ;

–        la marque allemande verbale PROTI, déposée le 22 janvier 1997 et enregistrée le 3 mars 1997 sous le numéro 39702429, désignant des produits relevant des classes 29 et 32 ;

–        la marque allemande figurative reproduite ci-après, déposée le 24 février 1996 et enregistrée le 5 mars 1997 sous le numéro 39608644, désignant des produits relevant des classes 29 et 32 :

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7        Les motifs invoqués à l’appui de l’opposition étaient ceux visés à l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94 [devenu article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 207/2009].

8        Afin de prouver l’existence et la validité des marques antérieures mentionnées au point 6 ci-dessus, le requérant a annexé à l’acte d’opposition, premièrement, des certificats d’enregistrement délivrés par le Deutsches Patent- und Markenamt (Office allemand des brevets et des marques), datant respectivement de mars 1996, d’octobre 1996 et de mars 1997 et, deuxièmement, des extraits du registre en ligne du Deutsches Patent- und Markenamt, datés du 8 janvier 2007, sur lesquels figuraient, pour chacune des marques antérieures, sous la rubrique « Letzter Verfahrensstand » (dernière étape procédurale), l’inscription « Marke eingetragen » (marques enregistrées), et, dans le cas des marques antérieures n° 39549559 et n° 39608644, sous la rubrique « Verlängerungsdatum » (date de renouvellement), des dates de l’année 2006. Une traduction dans la langue de procédure n’a été présentée que pour le certificat d’enregistrement de chacune des marques antérieures.

9        Le 26 avril 2007, l’OHMI a communiqué au requérant, en vertu de la règle 18, paragraphe 1, et de la règle 19, paragraphes 1 et 2, du règlement (CE) n° 2868/95 de la Commission, du 13 décembre 1995, portant modalités d’application du règlement n° 40/94 (JO L 303, p. 1), dans sa version applicable aux faits de l’espèce, la date d’ouverture de la phase contradictoire de la procédure d’opposition. Dans cette communication, l’OHMI a indiqué au requérant que la présentation d’un certificat de renouvellement était nécessaire en ce qui concerne les marques dont l’enregistrement remontait à plus de dix ans. De même, il a relevé que l’existence et la validité des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition devaient être démontrées par des documents officiels traduits dans la langue de procédure. À ce titre, l’OHMI a fixé un délai de production expirant le 27 août 2007. Enfin, l’OHMI a averti le requérant que, à défaut de présentation dans le délai requis des preuves relatives à l’existence et à la validité des marques antérieures, l’opposition serait rejetée sans examen au fond, conformément à la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95.

10      Le 25 septembre 2007, le requérant a notamment transmis à l’OHMI, pour chacune des marques antérieures, un extrait du registre en ligne et une déclaration du Deutsches Patent- und Markenamt, accompagnés d’une traduction de cette dernière dans la langue de procédure. La déclaration indiquait que lesdites marques antérieures avaient fait l’objet, à une date antérieure à la présentation de l’acte d’opposition, d’un renouvellement, respectivement, jusqu’en 2015, 2016 et 2017.

11      Le 31 mars 2008, la division d’opposition a rejeté l’opposition au motif que le requérant n’avait pas fourni, dans le délai imparti, la preuve de l’existence et de la validité des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition. Tout d’abord, la division d’opposition a considéré que, même s’il pouvait être constaté, sur la base des certificats annexés à l’acte d’opposition du 9 mars 2007, que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un enregistrement, respectivement, en 1995, 1996 et 1997, cela n’était pas suffisant pour établir leur validité à la date du 27 août 2007, telle que fixée par l’OHMI, d’autant plus que, en vertu de la législation nationale, la protection des marques allemandes prend fin à l’expiration d’un délai de dix ans à compter de la date de leur dépôt. En outre, la division d’opposition a estimé que, conformément à la règle 19, paragraphe 4, du règlement nº 2868/95, les extraits du registre en ligne, datés du 8 janvier 2007, ne pouvaient être pris en considération aux fins de prouver le renouvellement des marques antérieures, puisqu’ils n’avaient pas été traduits dans la langue de procédure. Enfin, s’agissant des documents transmis le 25 septembre 2007, la division d’opposition a refusé de les prendre en compte, sur le fondement de la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, en raison de leur présentation tardive.

12      Le 8 mai 2008, le requérant a formé un recours auprès de l’OHMI, au titre des articles 57 à 62 du règlement nº 40/94 (devenus articles 58 à 64 du règlement nº 207/2009) contre la décision de la division d’opposition. Dans le cadre de celui-ci, le requérant a demandé à la chambre de recours de refuser l’enregistrement de la marque demandée sur la base de l’existence d’un risque de confusion. À cette fin, il a joint, au mémoire exposant les motifs du recours, les documents présentés le 25 septembre 2007 devant la division d’opposition.

13      Par décision du 15 décembre 2008 (ci-après la « décision attaquée »), la quatrième chambre de recours de l’OHMI a rejeté le recours sans examiner l’opposition au fond. Elle a estimé que la division d’opposition avait, à juste titre, conclu que le requérant n’avait pas dûment étayé, dans les délais prescrits, l’existence et la validité des marques antérieures invoquées à l’appui de l’opposition.

14      En particulier, la chambre de recours a, d’une part, considéré que les certificats d’enregistrement annexés à l’acte d’opposition du 9 mars 2007 ne suffisaient pas à prouver que les marques antérieures étaient toujours en vigueur à la date à laquelle l’opposition a été formée. D’autre part, elle a estimé que l’absence de traduction des extraits du registre en ligne datés du 8 janvier 2007 constituait une justification suffisante en soi pour refuser de les prendre en considération.

15      Elle a également considéré que les documents transmis le 25 septembre 2007 ne pouvaient être pris en compte, au motif qu’ils avaient été produits après le 27 août 2007, date d’expiration du délai imparti par l’OHMI.

16      Enfin, selon la chambre de recours, ni la division d’opposition ni elle-même ne disposaient d’une marge d’appréciation fondée sur l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 (devenu article 76, paragraphe 2, du règlement nº 207/2009) dans la prise en compte des documents qui n’avaient pas été présentés avant l’expiration du délai imparti par l’OHMI, eu égard à la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, laquelle impose de manière expresse le rejet du recours en cas de production tardive des documents probatoires. La chambre de recours a ajouté que, en tout état de cause, même s’il devait être considéré qu’elle jouissait du pouvoir d’appréciation pour accepter ou non des documents présentés tardivement devant la division d’opposition, elle l’aurait exercé en défaveur du requérant et non au détriment des droits et des intérêts de l’autre partie à la procédure, car le comportement de cette dernière n’avait pas été irrégulier et n’avait contribué en aucune manière à la présentation tardive de preuves par le requérant.

 Conclusions des parties

17      Le requérant conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        annuler la décision attaquée ;

–        condamner l’OHMI aux dépens.

18      L’OHMI conclut à ce qu’il plaise au Tribunal :

–        rejeter le recours ;

–        condamner le requérant aux dépens.

 En droit

19      À l’appui du recours, le requérant invoque trois moyens, tirés, respectivement, d’une violation par la division d’opposition de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, d’une violation par la chambre de recours de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 ainsi que d’un abus de pouvoir, et d’une violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94.

 Sur le moyen tiré d’une violation par la division d’opposition de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

20      Le requérant fait valoir que la division d’opposition a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, en ce qu’elle a rejeté l’opposition sans avoir pris en compte les extraits du registre en ligne annexés à l’acte d’opposition du 9 mars 2007 et sans avoir, dès lors, examiné le bien-fondé de l’opposition.

21      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

22      Aux termes de l’article 63, paragraphe 1, du règlement n° 40/94 [devenu article 65, paragraphe 1, du règlement n° 207/2009], le recours devant le Tribunal n’est ouvert qu’à l’encontre des décisions des chambres de recours. Dès lors, il y a lieu de considérer que, dans le cadre d’un tel recours, ne sont recevables que des moyens dirigés contre ces décisions [arrêt du Tribunal du 7 juin 2005, Lidl Stiftung/OHMI – REWE‑Zentral (Salvita), T‑303/03, Rec. p. II‑1917, point 59].

23      Or, force est de constater que, étant tiré de la méconnaissance par la division d’opposition de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94, le présent moyen n’est pas dirigé contre une décision de la chambre de recours.

24      Il s’ensuit que le présent moyen doit être rejeté comme irrecevable.

 Sur le moyen tiré d’une violation par la chambre de recours de l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 et d’un abus de pouvoir

25      Le requérant soulève, en substance, deux griefs. Le premier est tiré d’une violation de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, en ce que la chambre de recours aurait conclu qu’elle ne disposait pas du pouvoir discrétionnaire lui permettant de prendre en compte les documents produits tardivement devant la division d’opposition et visant à prouver l’existence et la validité des marques antérieures. Le deuxième est tiré d’un abus de pouvoir.

26      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

27      À titre liminaire, il y a lieu de rappeler qu’il ressort de la règle 19, paragraphes 1 à 3, du règlement nº 2868/95, qu’il appartient à l’opposant de fournir la preuve de l’existence, de la validité et de l’étendue de la protection des marques antérieures, y compris celle de leur renouvellement, dans le délai fixé par l’OHMI et que cette preuve doit être présentée dans la langue de procédure ou accompagnée d’une traduction.

28      Il y a lieu également de rappeler que le délai fixé à cette fin par l’OHMI expirait le 27 août 2007 et que le requérant n’a produit la traduction des preuves concernant le renouvellement des marques antérieures qu’après l’expiration de ce délai, à savoir le 25 septembre 2007. Ultérieurement, il a joint cette traduction au mémoire en date du 8 mai 2008 exposant les motifs du recours devant l’OHMI et a demandé à la chambre de recours de la prendre en considération sur le fondement de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94.

29      En premier lieu, concernant la prétendue violation de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, il convient de relever que, aux termes de cette disposition, « l’OHMI peut ne pas tenir compte des faits qui n’auraient pas été invoqués ou des preuves qui n’auraient pas été produites en temps utile par les parties ».

30      Selon une jurisprudence constante, il découle de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, que, en règle générale, la présentation de faits et de preuves par les parties demeure possible après l’expiration des délais auxquels se trouve subordonnée une telle présentation en application des dispositions du règlement n° 40/94 et qu’il n’est nullement interdit à l’OHMI de tenir compte de faits et de preuves ainsi tardivement invoqués ou produits [arrêt de la Cour du 13 mars 2007, OHMI/Kaul, C‑29/05 P, Rec. p. I‑2213, point 42 ; arrêts du Tribunal du 12 décembre 2007, K & L Ruppert Stiftung/OHMI – Lopes de Almeida Cunha e.a. (CORPO livre), T‑86/05, Rec. p. II‑4923, point 44, et du 22 septembre 2011, Cesea Group/OHMI – Mangini & C. (Mangiami), T‑250/09, non publié au Recueil, point 18].

31      Par ailleurs, il ressort de manière tout aussi certaine de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, que l’invocation ou la production tardive de faits et de preuves n’est pas de nature à conférer à la partie qui y procède un droit inconditionnel à ce que de tels faits ou preuves soient pris en considération par l’OHMI. En précisant que ce dernier « peut », en pareil cas, décider de ne pas tenir compte de tels faits et preuves, l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 investit l’OHMI d’un large pouvoir d’appréciation à l’effet de décider, tout en motivant sa décision sur ce point, s’il y a lieu ou non de prendre ceux‑ci en compte (arrêt OHMI/Kaul, point 30 supra, point 43).

32      En outre, la possibilité pour les parties à la procédure devant l’OHMI de présenter des faits et des preuves après l’expiration des délais impartis à cet effet se trouve subordonnée à la condition qu’il n’existe pas de disposition contraire. Ce n’est que si cette condition est remplie que l’OHMI dispose d’un pouvoir d’appréciation quant à la prise en compte de faits et de preuves présentés tardivement, que la Cour lui a reconnu en interprétant l’article 74, paragraphe 2, du règlement n° 40/94 (arrêt CORPO livre, point 30 supra, point 47, confirmé par ordonnance de la Cour du 5 mars 2009, K & L Ruppert Stiftung/OHMI, C‑90/08 P, non publiée au Recueil, et arrêt Mangiami, point 30 supra, point 19).

33      En l’espèce, la chambre de recours a considéré, aux points 36 et 37 de la décision attaquée, qu’il existait une disposition expresse contraire en vertu de laquelle, conformément à la jurisprudence, le rejet de l’opposition était impératif, et non simplement une option soumise à la discrétion de l’OHMI. Selon elle, la règle 20, paragraphe 1, du règlement n° 2868/95, applicable devant elle en vertu de la règle 50, paragraphe 1, du même règlement, faisait obstacle à l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94.

34      La règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, dispose :

« Si avant l’expiration du délai visé à la règle 19, paragraphe 1, l’opposant ne prouve pas l’existence, la validité et l’étendue de sa marque antérieure ou de son droit antérieur, ainsi que l’habilitation à former opposition, l’opposition est rejetée comme non fondée. »

35      La règle 50, paragraphe 1, premier et troisième alinéas, du règlement nº 2868/95, dans sa version applicable aux fait de l’espèce, dispose :

« Sauf disposition contraire, les dispositions relatives aux procédures devant l’instance qui a rendu la décision attaquée sont applicables mutatis mutandis à la procédure de recours.

[…]

Lorsque le recours est dirigé contre une décision d’une division d’opposition, la chambre de recours limite l’examen du recours aux faits et preuves présentés dans les délais fixés ou précisés par la division d’opposition conformément au règlement et aux présentes règles, à moins que la chambre ne considère que des faits et preuves nouveaux ou supplémentaires doivent être pris en compte conformément à l’article 74, paragraphe 2, du règlement [nº 40/94]. »

36      Il résulte de la lecture combinée des dispositions précitées que, en l’absence de disposition contraire, la chambre de recours est tenue d’appliquer la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95 dans le cadre de la procédure devant elle et, de ce fait, de considérer que la présentation de preuves visant à établir l’existence, la validité et l’étendue de la protection de la marque antérieure au-delà de l’expiration du délai imparti à cet effet par l’OHMI entraîne le rejet de l’opposition, sans qu’elle ait de pouvoir d’appréciation à cet égard [voir, en ce sens et par analogie, arrêt du Tribunal du 17 mars 2009, Laytoncrest/OHMI – Erico (TRENTON), T‑171/06, Rec. p. II‑539, points 54 à 56].

37      Le requérant soutient que la règle 50, paragraphe 1, troisième alinéa, in fine, du règlement n° 2868/95, et, en particulier, la référence qui y est prévue à l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, correspond précisément à la disposition contraire qui fait obstacle, en toute hypothèse, à l’application de la règle 20, paragraphe 1, du même règlement, aux procédures devant la chambre de recours. Cet argument ne saurait toutefois être retenu.

38      Il convient de relever d’emblée que, dans la mesure où l’opposition a été formée le 9 mars 2007, la version du règlement nº 2868/95 applicable en l’espèce est celle en vigueur après la modification opérée par le règlement (CE) nº 1041/2005 de la Commission, du 29 juin 2005 (JO L 172, p. 4). En particulier, selon le considérant 7 de ce dernier règlement, l’une des finalités de cette modification était celle de remanier intégralement les dispositions concernant la procédure d’opposition afin de clarifier, parmi d’autres aspects, les conséquences juridiques découlant des irrégularités procédurales.

39      Or, admettre l’interprétation avancée par le requérant, outre le risque de faire prévaloir un raisonnement circulaire des dispositions en cause, aurait pour conséquence de limiter significativement la portée de la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, telle que modifiée.

40      En effet, si les preuves visant à établir l’existence, la validité et l’étendue d’une marque antérieure, qui, conformément au nouveau libellé de la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, applicable en l’espèce, ne peuvent être prises en compte par la division d’opposition lorsqu’elles sont présentées tardivement, pouvaient néanmoins l’être devant la chambre de recours en vertu du pouvoir discrétionnaire au titre de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº40/94, la conséquence juridique prévue de manière expresse dans le règlement nº 1041/2005 pour ce type d’irrégularités, à savoir le rejet de l’opposition, pourrait se trouver, dans certains cas, dépourvue d’effet utile.

41      Il y a donc lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en estimant qu’il existait, dans les circonstances de l’espèce, une disposition s’opposant à la prise en compte des éléments présentés tardivement par le requérant devant l’OHMI et que, partant, elle ne disposait d’aucune marge d’appréciation en vertu de l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94.

42      Le requérant fait valoir, par ailleurs, que la chambre de recours a considéré de manière erronée que, en toute hypothèse, elle aurait exercé le pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 en sa défaveur. Selon lui, la chambre de recours aurait dû vérifier et motiver si les conditions établies dans l’arrêt OHMI/Kaul, point 30 supra, pour l’exercice d’un tel pouvoir discrétionnaire, étaient remplies en l’espèce.

43      À cet égard, il convient de constater que, même si la chambre de recours a considéré que les circonstances de l’espèce empêchaient, en tout état de cause, l’exercice du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94 en faveur du requérant, cette constatation a été faite, ainsi qu’il résulte du point 39 de la décision attaquée, à titre purement subsidiaire et en tenant compte du fait que l’arrêt CORPO livre, point 30 supra, sur lequel son raisonnement principal était fondé, faisait l’objet d’un pourvoi devant la Cour.

44      Or, il convient de relever que la Cour, dans son ordonnance K & L Ruppert Stiftung/OHMI, point 32 supra, n’a pas remis en cause l’approche du Tribunal dans l’arrêt CORPO livre, point 30 supra. En outre, dans la mesure où la chambre de recours ne disposait pas, conformément à la conclusion établie au point 41 ci-dessus, du pouvoir discrétionnaire prévu à l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments du requérant visant à faire constater que la décision attaquée était entachée d’erreur à cet égard, à la lumière des conditions établies par l’arrêt OHMI/Kaul, point 30 supra.

45      Enfin, s’agissant des arguments du requérant concernant l’arrêt du Tribunal du 6 novembre 2007, SAEME/OHMI – Racke (REVIAN’s) (T‑407/05, Rec. p. II‑4385), il convient de relever que cet arrêt visait une situation dans laquelle la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, dans la version applicable en l’espèce, n’était pas encore prévue par ce règlement. Par ailleurs, même si, ainsi que le requérant le fait valoir, cet arrêt établit à son point 51 que la chambre de recours est appelée à procéder à un nouvel examen complet du fond de l’opposition, un tel examen ne signifie cependant pas, conformément à la jurisprudence citée aux points 31 et 32 ci-dessus, qu’elle puisse prendre en considération les faits ou les preuves présentés tardivement devant la division d’opposition lorsqu’il existe une disposition contraire. En ce sens, il y a lieu de considérer que la chambre de recours a estimé à juste titre, au point 34 de la décision attaquée, que les documents présentés tardivement devant la division d’opposition ne peuvent pas être considérés, du seul fait de l’introduction d’un recours devant elle, comme des documents présentés dans les délais (voir, en ce sens, arrêt OHMI/Kaul, point 30 supra, point 61).

46      Il s’ensuit que la chambre de recours n’a pas violé l’article 74, paragraphe 2, du règlement nº 40/94, en ne prenant pas en compte, dans la décision attaquée, les documents produits tardivement par le requérant devant la division d’opposition aux fins de prouver l’existence et la validité des marques antérieures.

47      En deuxième lieu, concernant un prétendu abus de pouvoir commis par la chambre de recours, force est de constater que la requête ne satisfait pas aux exigences minimales établies par l’article 21 du statut de la Cour de justice de l’Union européenne et par l’article 44, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure du Tribunal pour qu’un grief soit recevable, ces dernières dispositions étant applicables en matière de propriété intellectuelle, conformément à l’article 130, paragraphe 1, et à l’article 132, paragraphe 1, de ce même règlement. En particulier, dans le cas d’espèce, le grief de la requérante, tel que présenté dans la requête, ne comporte aucune argumentation visant à démontrer en quoi la chambre de recours aurait abusé de son pouvoir. Il y a lieu, dès lors, de déclarer ce grief irrecevable.

48      À la lumière de tout ce qui précède, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé.

 Sur le moyen tiré d’une violation par la chambre de recours de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94

49      Le requérant soutient, en substance, que la chambre de recours a violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94 en n’ayant pas effectué l’examen du risque de confusion entre les marques en conflit, en s’appuyant, en guise de preuve de l’existence et la validité des marques antérieures, sur les documents annexés à l’acte d’opposition du 9 mars 2007. Par ailleurs, le requérant avance toute une série d’arguments aux fins de prouver l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

50      L’OHMI conteste les arguments du requérant.

51      Aux termes de l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement n° 40/94, sur opposition du titulaire d’une marque antérieure, la marque demandée est refusée à l’enregistrement lorsque, en raison de son identité ou de sa similitude avec une marque antérieure et en raison de l’identité ou de la similitude des produits ou des services que les deux marques désignent, il existe un risque de confusion dans l’esprit du public du territoire sur lequel la marque antérieure est protégée.

52      Il ressort de cette disposition, ainsi que de la règle 20, paragraphe 1, du règlement nº 2868/95, que la preuve de l’existence et de la validité de la marque antérieure sur laquelle l’opposant fonde l’acte d’opposition constitue une condition préalable à l’examen du bien-fondé de cette opposition par l’OHMI [voir, en ce sens, arrêts du Tribunal du 13 juin 2002, Chef Revival USA/OHMI – Massagué Marín (Chef), T‑232/00, Rec. p. II‑2749, point 44, et du 17 juin 2008, El Corte Inglés/OHMI – Abril Sánchez et Ricote Saugar (Boomerang), T‑420/03, Rec. p. II‑837, point 67].

53      En l’espèce, aux fins de démontrer l’existence et la validité de chacune des marques antérieures, le requérant a fourni à l’OHMI, dans le délai imparti à cet effet par l’OHMI, d’une part, des certificats d’enregistrement délivrés par le Deutsches Patent- und Markenamt, auxquels a été jointe une traduction dans la langue de procédure, et, d’autre part, des extraits du registre en ligne du Deutsches Patent- und Markenamt, datés du 8 janvier 2007, pour lesquels aucune traduction dans la langue de procédure n’a été jointe.

54      Or, s’agissant, d’abord, des certificats d’enregistrement délivrés par le Deutsches Patent- und Markenamt, force est de constater que, ainsi qu’il a été relevé aux points 24 et 44 de la décision attaquée, ces certificats indiquaient de manière expresse que la protection des marques antérieures prenait fin avant le 31 janvier 2007 et qu’ils ne permettaient pas, dès lors, d’établir que les marques antérieures étaient en vigueur à la date de l’opposition.

55      Ensuite, s’agissant des extraits du registre en ligne du Deutsches Patent- und Markenamt, il y a lieu de relever que la règle 19, paragraphe 4, du règlement nº 2868/95, dans sa version applicable aux faits de l’espèce, dispose :

« L’[OHMI] ne prend pas en considération […] les documents ou parties de ceux-ci qui ne sont pas présentés ou qui ne sont pas traduits dans la langue de procédure, dans le délai imparti par l’[OHMI]. »

56      Il s’ensuit que, dans la mesure où ces extraits n’avaient pas fait l’objet d’une traduction dans la langue de procédure, la chambre de recours ne pouvait les prendre en compte aux fins de prouver que les marques antérieures avaient fait l’objet d’un renouvellement avant la date de l’opposition.

57      Il y a lieu de constater, dès lors, que la chambre de recours n’a pas commis d’erreur en ayant conclu, au point 46 de la décision attaquée, que l’existence et la validité des marques antérieures n’avaient pas été dûment étayées par le requérant et que, en l’absence de telles preuves, elle ne pouvait pas procéder à un examen au fond de l’opposition et analyser, en particulier, l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit.

58      Par conséquent, il y a lieu de considérer que la chambre de recours n’a pas violé l’article 8, paragraphe 1, sous b), du règlement nº 40/94.

59      S’agissant des arguments avancés par le requérant aux fins de prouver l’existence d’un risque de confusion entre les marques en conflit, il convient de rappeler que, selon une jurisprudence constante, l’appréciation du Tribunal doit se limiter aux éléments ayant fondé la décision de la chambre de recours [arrêt du Tribunal du 27 avril 2010, Union Investment Privatfonds/OHMI – Unicre-Cartão International De Crédito (unibanco), T‑392/06, non publié au Recueil, point 44].

60      En l’espèce, la chambre de recours a, conformément à la conclusion établie au point 57 ci-dessus, considéré à juste titre que le requérant n’avait pas prouvé l’existence et la validité des marques antérieures et que, dès lors, elle ne pouvait effectuer l’examen de l’existence du risque de confusion des marques en conflit.

61      Dans ces circonstances, il n’y a pas lieu d’examiner les arguments avancés par le requérant à cet égard.

62      À la lumière de ces considérations, il convient de rejeter le présent moyen comme non fondé, ainsi que le recours dans son ensemble.

 Sur les dépens

63      Aux termes de l’article 87, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens, s’il est conclu en ce sens.

64      Le requérant ayant succombé, il y a lieu de le condamner aux dépens, conformément aux conclusions de l’OHMI.

Par ces motifs,

LE TRIBUNAL (septième chambre)

déclare et arrête :

1)      Le recours est rejeté.

2)      M. Bernhard Rintisch est condamné aux dépens.

Dittrich

Wiszniewska-Białecka

Kancheva

Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 16 décembre 2011.

Signatures


* Langue de procédure : l’anglais.